Language of document : ECLI:EU:T:2023:268

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

17 mai 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ACASA – Cause de nullité absolue – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 94 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑267/22,

Consulta GmbH, établie à Cham (Suisse), représentée par Mes M. Kinkeldey et S. Brandstätter, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl et Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mario Karlinger, demeurant à Sölden (Autriche), représenté par Mes M. Mungenast et K. Riedmüller, avocats,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme P. Škvařilová‑Pelzl,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Consulta GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 janvier 2022 (affaire R 487/2021-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 décembre 2019, l’intervenant, M. Mario Karlinger, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 6 février 2009 pour le signe verbal ACASA, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        Les services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Services de restauration dans des hôtels, bars, restaurants ; hébergement temporaire ; services d’hôtellerie ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, et celles visées à l’article 60, paragraphe 2, sous c) et d), de ce même règlement.

5        Le 19 janvier 2021, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

6        Le 17 mars 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour tous les services en cause. En ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a considéré que celui-ci était composé tant des consommateurs moyens, que d’un public spécialisé dans le domaine de l’hébergement et de la restauration, de sorte que le degré d’attention dudit public pouvait varier de moyen à élevé. En substance, la chambre de recours a considéré que la marque contestée était composée de mots italiens de base, de sorte que l’examen pouvait être limité à la partie italophone dudit public. Elle a ensuite estimé que les mots italiens accolés dans la marque contestée, à savoir « a » (à) et « casa » (« maison » ou « domicile »), étaient compris, par la partie italophone du public pertinent, comme un simple message à caractère élogieux et publicitaire destiné à mettre en évidence les qualités positives des services en cause. En conséquence, la chambre de recours a estimé que la marque contestée était immédiatement perçue en raison de son sens intrinsèque, par ladite partie du public pertinent, comme une formule promotionnelle, plutôt que comme une marque, et était ainsi dépourvue de caractère distinctif pour tous les services en cause.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas d’ouverture de la phase orale de la procédure.

10      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

11      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 6 février 2009, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

12      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, ainsi que par la requérante, par l’EUIPO et par l’intervenant dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et à l’article 59, paragraphe 1, sous a) du règlement 2017/1001 comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b) et l’article 51, paragraphe 1, sous a) du règlement no 40/94, lorsque lesdites règles sont, en substance, identiques.

 Sur le fond

14      Au soutien de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], et le second, de la violation de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 94 dudit règlement. Il convient de commencer par l’examen du second moyen, tiré de la violation d’une forme substantielle, avant d’examiner le premier moyen, tiré de la violation de règles de fond.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 94 dudit règlement

15      Dans le cadre du second moyen tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 94 dudit règlement, la requérante formule trois griefs distincts.

16      Par un premier grief, elle soutient que la communication de l’EUIPO concernant la notification qui lui a été faite de la décision attaquée contient une information erronée quant aux voies de recours qui lui étaient ouvertes pour la contester, en ce que cette communication faisait erronément référence à l’article 75 du règlement 2017/1001, portant sur le règlement d’usage de la marque collective de l’Union européenne, au lieu de l’article 72 de ce même règlement, concernant les recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. Du fait de cette erreur, la décision attaquée aurait été insuffisamment motivée quant à la possibilité d’introduire un recours.

17      Par un deuxième grief, la requérante avance que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation tenant aux déclarations contradictoires qui figurent aux points 13, 14 et 46 de celle-ci et concernent les motifs pour lesquels le recours a été accueilli. En effet, aux points 13 et 14 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait constaté que, conformément aux articles 66 et 67 ainsi qu’à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours était « recevable et également fondé ». Toutefois, au point 46 de cette même décision, la décision de la division d’annulation aurait été confirmée et le recours fondé sur l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, « entièrement accueilli ». La requérante estime que, en raison de ces déclarations contradictoires, la décision attaquée ne répond pas à l’exigence d’une motivation claire et non équivoque.

18      Par un troisième grief, la requérante soutient que la décision attaquée est également entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où la chambre de recours n’a pas indiqué quelle signification claire par rapport aux services en cause la marque contestée aurait revêtue pour la partie italophone du public pertinent.

19      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du second moyen. L’intervenant n’a pas pris position sur ce moyen.

20      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Toutefois, cette motivation peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir, en ce sens, arrêts du 12 mars 2020, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (Jokers WILD Casino), T‑321/19, non publié, EU:T:2020:101, point 17 et jurisprudence citée, et du 12 octobre 2022, MCO (IP)/EUIPO – C8 (C2), T‑461/21, non publié, EU:T:2022:624, point 52]. En ce sens, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G-Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 88].

21      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements que les parties ont articulés devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 14 septembre 2022, Privatbrauerei Eichbaum/EUIPO – Anchor Brewing Company (STEAM), T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 25 et jurisprudence citée].

22      Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, le défaut de mention des voies de recours n’est pas constitutif d’une illégalité de nature à entraîner l’annulation de la décision affectée par ce vice, en particulier lorsque, en dépit du défaut de mention des voies de recours, la partie requérante a néanmoins valablement introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 juin 2022, Hochmann Marketing/EUIPO (bittorrent), T‑337/20, non publié, EU:T:2022:406, point 90 et jurisprudence citée].

23      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’une erreur de plume, qui n’affecte pas la possibilité pour les parties d’identifier correctement le raisonnement en cause de la chambre de recours [arrêt du 7 juin 2018, Sipral World/EUIPO – La Dolfina (DOLFINA), T‑882/16, non publié, EU:T:2018:336, point 28], ou de comprendre ce raisonnement et le dispositif de la décision attaquée à la suite d’une lecture d’ensemble de celle-ci (ordonnance du 6 septembre 2016, Lidl Stiftung/EUIPO, C‑237/14 P, non publiée, EU:C:2016:667, point 56), ne saurait entacher cette même décision d’une illégalité qui justifierait son annulation.

24      C’est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 20 à 23 ci-dessus qu’il y a lieu de répondre aux trois griefs avancés par la requérante à l’appui du second moyen.

25      En réponse au premier grief, il convient d’observer que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, et comme l’a confirmé la requérante lors de l’audience, l’absence de communication à cette dernière, avec la décision attaquée, de la disposition permettant à celle-ci de contester ladite décision devant le Tribunal ne saurait, en tout état de cause, permettre, en l’espèce, de conclure à l’existence d’une insuffisance de motivation qui justifierait d’annuler la décision attaquée, dès lors que la requérante n’a pas été empêchée de former un recours contre ladite décision au titre de l’article 72 du règlement 2017/1001.

26      S’agissant du deuxième grief, il y a lieu de constater que, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, la légalité de la décision attaquée n’est pas entachée des contradictions alléguées par la requérante. Le libellé du point 14 de la décision attaquée constitue une erreur de plume évidente, laquelle, parce qu’elle est aisément décelable dans le cadre d’une lecture d’ensemble de ladite décision, ne saurait justifier l’annulation de cette dernière. En effet, il ressort de manière claire et non ambiguë, tant du point 46 de la décision attaquée que des conclusions de l’examen du caractère distinctif de la marque contestée figurant dans la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif. Conformément à cet examen, elle a estimé, au point 46 de la décision attaquée, que « [l]a décision [de la division d’annulation devait être] confirmée et le recours [être] rejeté dans son intégralité ». L’observation liminaire contraire, telle que formulée par erreur au point 14 de la décision attaquée, n’est manifestement pas conciliable avec la motivation subséquente et les conclusions figurant dans cette décision. L’erreur invoquée n’est donc pas de nature à altérer le sens général de la décision attaquée, ni sa compréhension par la requérante qui, au demeurant, a compris que cette décision était contraire à ses intérêts et l’a contestée sur le fond, en ce qu’elle confirmait que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif. Ladite erreur invoquée ne saurait donc entraîner l’annulation de la décision attaquée, de sorte que l’allégation de la requérante doit être rejetée.

27      Concernant le troisième grief, il suffit de constater que la chambre de recours a relevé, aux points 30, 32, 33 et 36 de la décision attaquée, que la marque contestée était revêtue d’une signification claire par rapport aux services en cause pour la partie italophone du public pertinent. La chambre de recours a analysé de manière détaillée, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, la marque contestée, dans laquelle deux mots appartenant au vocabulaire de base italien sont accolés, lesquels seront compris par la partie italophone du public pertinent comme signifiant « à la maison ». La chambre de recours a également démontré, de manière suffisamment motivée, au point 32 de la décision attaquée, que cette même partie du public pertinent comprendrait sans effort de réflexion ladite signification de la marque contestée par rapport aux services en cause, quand bien même cette marque était écrite en un seul mot. En conséquence, il y a lieu d’écarter l’allégation de la requérante.

28      Il s’ensuit que le second moyen, pris en ses trois griefs, doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement

29      Dans le cadre du premier moyen, la requérante formule deux griefs distincts.

30      Par un premier grief, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a erronément conclu que la marque contestée était dépourvue du caractère distinctif requis aux fins de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne.

31      À cet égard, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la marque contestée décrivait les qualités des services en cause et se limitait à transmettre à la partie italophone du public pertinent un message publicitaire à caractère laudatif. Elle soutient que la décision de la division d’annulation, à l’instar de la décision attaquée, n’est étayée par aucun élément de preuve qui confirmerait la compréhension de la marque contestée par la partie italophone du public pertinent retenue dans la décision attaquée.

32      En outre, la requérante affirme que la chambre de recours ne pouvait, en tout état de cause, pas présenter une telle preuve, puisque le mot « acasa » n’existe pas en italien et constitue donc, pour la partie italophone du public pertinent, un terme fantaisiste. En outre, elle soutient, en substance, que la chambre de recours a confondu la marque contestée avec la locution verbale italienne « a casa » et qu’elle aurait ainsi manqué à son obligation d’examiner la marque dont l’annulation est demandée devant elle sous la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée. Par ailleurs, la requérante avance que la chambre de recours n’a pas démontré que la partie italophone du public pertinent scinderait nécessairement la marque contestée en deux éléments, à savoir « a » et « casa ».

33      La requérante soutient que la marque contestée est vaguement suggestive de la qualité des services en cause, sans pour autant correspondre à un message publicitaire clair. Selon elle, la chambre de recours n’a pas été en mesure de démontrer le caractère publicitaire de ladite marque, dans la décision attaquée, sans y ajouter de mots supplémentaires, tels que « sentirsi a casa » (« se sentir comme à la maison ») ou « mangiare come a casa » (« manger comme à la maison »).

34      À cet effet, la requérante fait observer que, même s’il devait être admis que la partie italophone du public pertinent percevrait effectivement la marque contestée comme une formulation orthographiquement ou grammaticalement incorrecte de l’expression italienne « a casa », au sens de « à la maison », cette expression ne serait pas descriptive par rapport aux services en cause, qui ne sont pas fournis à domicile. Par conséquent, la marque contestée serait perçue comme une contradiction. Ainsi, même si la marque contestée était perçue par la partie italophone du public pertinent comme signifiant « à la maison », elle serait pourvue d’un caractère distinctif.

35      Par un second grief, la requérante fait valoir que l’EUIPO a accordé la protection dans l’Union européenne, incluant l’Italie et l’Espagne, à l’enregistrement de la marque internationale no 1 384 344 ACASA pour des produits compris dans la classe 9. En outre, elle indique qu’une marque nationale verbale et figurative acasa, peu stylisée, a été enregistrée en Italie pour des services compris dans les classes 38 et 41. Une marque nationale espagnole ACASA aurait également été acceptée à l’enregistrement pour des services compris dans la classe 37.

36      L’EUIPO ainsi que l’intervenant contestent les arguments de la requérante et concluent au rejet du premier moyen.

37      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable, même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

38      Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cet article, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises [arrêt du 22 janvier 2015, Pro-Aqua International/OHMI – Rexair (WET DUST CAN’T FLY), T‑133/13, non publié, EU:T:2015:46, point 38 ; voir, également, arrêt du 26 octobre 2022, The Bazooka Companies/EUIPO – Bilkiewicz (Forme d’un biberon), T‑273/21, EU:T:2022:675, point 51 et jurisprudence citée].

39      Ce caractère distinctif doit être apprécié d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (voir arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée, et du 22 janvier 2015, WET DUST CAN’T FLY, T‑133/13, non publié, EU:T:2015:46, point 39 et jurisprudence citée).

40      En l’espèce, les services en cause sont des services destinés au grand public, comprenant les consommateurs moyens, ainsi que le public spécialisé du domaine de l’hébergement et de la restauration faisant preuve d’un degré d’attention variant de moyen à élevé. Les conclusions en ce sens de la chambre de recours, qui ne sont d’ailleurs pas contestées par la requérante, doivent être approuvées.

41      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’une marque constituée d’une indication de qualité ou d’une incitation à l’achat des produits et des services qu’elle désigne est dépourvue de caractère distinctif si elle n’est perçue par le public pertinent que comme un simple slogan publicitaire. Conformément à une jurisprudence constante, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services visés [voir arrêt du 31 mai 2016, Jochen Schweizer/EUIPO (Du bist, was du erlebst.), T‑301/15, non publié, EU:T:2016:324, point 22 et jurisprudence citée].

42      Il résulte également de la jurisprudence que toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, et sont néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [voir arrêt du 30 avril 2015, Steinbeck/OHMI – Alfred Sternjakob (BE HAPPY), T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 24 et jurisprudence citée].

43      C’est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 38 à 42 ci-dessus qu’il convient d’examiner le premier moyen.

44      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a retenu à bon droit, la marque contestée se compose de deux mots du vocabulaire italien de base, à savoir « a » et « casa ». La requérante ne conteste pas que, pour la partie italophone du public pertinent, « casa » est un nom propre signifiant « maison » et « a » une préposition signifiant « se trouver dans ».

45      La circonstance que, dans la marque contestée, les deux mots « a » et « casa » soient accolés sans espace ne changera rien au fait que la partie italophone du public pertinent sera en mesure de les identifier.

46      En effet, il est de jurisprudence constante que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 21 décembre 2021, Dr. Spiller/EUIPO – Rausch (Alpenrausch Dr. Spiller), T‑6/20, non publié, EU:T:2021:920, point 98 et jurisprudence citée].

47      En outre, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, la juxtaposition de deux termes, sans espace, est une technique usuelle dans le domaine de la publicité et ne constitue pas une caractéristique contraire aux règles linguistiques, autrement frappante ou même distinctive .

48      En l’espèce, la circonstance que le terme « acasa », en tant que tel, n’existe pas en italien et ne soit pas cité dans les dictionnaires italiens ne modifie pas le fait que ce terme ne revêt pas une signification qui primerait celle des mots italiens qui le composent et qui, une fois accolés, seront compris comme une expression signifiant « à la maison » par la partie italophone du public pertinent.

49      Partant, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée sera décomposée par la partie italophone du public pertinent en deux mots italiens, à savoir « a » et « casa », lesquels seront compris comme formant l’expression « a casa », signifiant « à la maison ».

50      À cet égard, comme l’a souligné à juste titre l’EUIPO, la compréhension de la marque contestée dans le sens de « à la maison » n’est pas vague. Elle est, au contraire, claire et sans ambigüité par rapport aux services en cause.

51      En effet, comme l’a constaté à juste titre l’EUIPO, dans le domaine des services d’hébergement, il est habituel de promouvoir de tels services en affirmant que leurs destinataires sont comme « à la maison », le but étant de donner aux consommateurs le sentiment de se sentir comme « à la maison ». Les services de restauration sont eux aussi promus en affirmant que les mets servis ou livrés sont aussi bons qu’à la maison (dans le sens qu’ils seraient particulièrement savoureux), ou que lesdits mets sont faits maison. À cet égard, la chambre de recours a relevé, à bon droit, que, selon la jurisprudence, un signe pouvait être laudatif, non seulement en vantant des qualités concrètes qui sont directement attribuables aux produits et aux services visés, mais également en vantant leurs qualités abstraites [voir ordonnance du 17 octobre 2016, Orthema Service/EUIPO (Gehen wie auf Wolken), T‑620/15, non publiée, EU:T:2016:625, point 27 et jurisprudence citée].

52      La requérante soutient, en substance, que les services en cause, visés au point 3 ci-dessus, ne sont pas fournis à domicile et que, de ce fait, la marque contestée reposerait sur une contradiction intrinsèque entre ce qu’elle affirme et la nature des services qu’elle vise, qui ne permettrait pas d’établir un lien entre ladite marque et lesdits services. Par ailleurs, elle soutient que, en raison de cette contradiction, la marque contestée nécessiterait une interprétation et déclencherait, dans l’esprit de la partie italophone du public pertinent, une tension intellectuelle et un processus de réflexion qui confèrerait à cette marque un caractère distinctif.

53      Toutefois, c’est à juste titre que la chambre de recours, aux points 34 et 43 de la décision attaquée, a retenu que, en rapport avec les services en cause, la marque contestée transmettait directement à la partie italophone du public pertinent le sentiment d’être à la maison, de se sentir à la maison ou de manger comme à la maison, exprimant ainsi clairement et sans ambiguïté un message élogieux, soulignant une qualité positive commune à tous les services en cause.

54      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenant avancent à juste titre que la marque contestée constitue un message publicitaire classique qui n’est pas apte à déclencher un processus cognitif auprès de la partie italophone du public pertinent et, partant, à indiquer l’origine commerciale des services en cause, et que cette marque pourrait, tout au plus, servir d’information générale à cette partie du public en ce qui concerne l’existence d’un lien avec le secteur d’hébergement et de la restauration.

55      En tout état de cause, comme le souligne à juste titre l’intervenant, la marque contestée, selon sa formulation, n’est pas suffisamment percutante pour être distinctive et pour être perçue par la partie italophone du public pertinent comme une indication de l’origine des services en cause. L’association des deux mots « a » et « casa » ne crée pas un néologisme qui attirerait l’attention de la partie italophone du public pertinent par son caractère fantaisiste, surprenant ou inattendu, en ce qu’il a une signification décrivant, pour la partie italophone du public pertinent, une qualité positive commune à tous les services en cause, et ce sans requérir un effort d’interprétation de la part de ladite partie du public pertinent. Même si les services en cause ne sont pas proposés à domicile, mais dans des hôtels ou des restaurants, cette signification, en relation avec les services en cause, constitue un message publicitaire classique pour vanter les qualités concrètes de services qui procurent le sentiment d’être à la maison, de se sentir à la maison ou de manger comme à la maison, qui n’est pas apte à déclencher un processus cognitif dans l’esprit de la partie italophone du public pertinent et, partant, à jouer une fonction d’indication de l’origine commerciale desdits services.

56      Partant, il convient de conclure que la marque contestée n’est pas apte à distinguer les services en cause des services d’autres prestataires, en ce qu’elle ne constitue qu’une simple formule promotionnelle dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

57      Quant au second grief, s’agissant du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions des chambres de recours de l’EUIPO, il est de jurisprudence constante que le Tribunal n’est pas lié, dans le cadre de celui-ci, par la pratique décisionnelle de l’EUIPO. Par ailleurs, les décisions d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 13 juillet 2022, dennree/EUIPO (BioMarkt), T‑641/21, non publié, EU:T:2022:446, points 49 à 51].

58      L’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration. Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 75 et 77).

59      Enfin, selon une jurisprudence bien établie, si ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence nationale, celle-ci ne lie cependant pas le juge de l’Union, le système de la marque de l’Union européenne étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [voir arrêt du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, EU:T:2012:118, point 54 et jurisprudence citée ; arrêt du 23 février 2022, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik/EUIPO – Schuju (Хозяйка), T‑185/21, non publié, EU:T:2022:89, point 96].

60      C’est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 57 à 59 ci-dessus qu’il convient d’examiner le premier moyen.

61      En l’espèce, le fait que l’EUIPO ait accordé la protection dans l’Union européenne et, donc, y compris en Italie et en Espagne à l’enregistrement de la marque internationale no 1 384 344 ACASA pour des produits compris dans la classe 9, ainsi que l’enregistrement de la marque nationale verbale et figurative acasa, peu stylisée, en Italie pour des services compris dans les classes 38 et 41, et ACASA en Espagne pour des services compris dans la classe 37 ne saurait être considéré comme un indice fort de l’aptitude à la protection de la marque ACASA, comme le soutient la requérante.

62      En effet, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la pratique antérieure de l’EUIPO pour contester la légalité de la décision attaquée, comme l’a correctement souligné l’EUIPO. En particulier, celle-ci ne saurait invoquer une éventuelle illégalité commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. D’ailleurs, il y a lieu de constater que les marques antérieures citées par la requérante, y compris les marques nationales visées au point 35 ci-dessus, visent des produits ou des services différents de ceux visés par la marque contestée, à savoir uniquement des produits compris dans la classe 9 ou des services compris dans les classes 37, 38 et 41, alors que la marque contestée vise des services compris dans la classe 43.

63      Ainsi qu’il ressort des points 29 à 62 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, sans que cette conclusion ne puisse être infirmée par les décisions antérieures de l’EUIPO ou d’offices nationaux des marques invoquées par la requérante.

64      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Consulta GmbH est condamnée aux dépens.

 

      Škvařilová-Pelzl      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand