Language of document : ECLI:EU:T:2009:40

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

20 février 2009 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels de l’OIB – Anciens travailleurs salariés de droit belge – Changement du régime applicable – Décisions de la Commission fixant la rémunération – Égalité de traitement »

Dans les affaires jointes T‑359/07 P à T‑361/07 P,

ayant pour objet trois pourvois formés contre les arrêts du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 juillet 2007, Bertolete e.a./Commission (F‑26/06, non encore publié au Recueil), Abarca Montiel e.a./Commission (F‑24/06, non encore publié au Recueil), et Ider e.a./Commission (F‑25/06, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de ces arrêts,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant

Marli Bertolete, demeurant à Woluwé-Saint-Lambert (Belgique), et les huit autres agents contractuels de la Commission des Communautés européennes dont les noms figurent en annexe,

parties demanderesses en première instance dans l’affaire F‑26/06,

Sabrina Abarca Montiel, demeurant à Wauthier-Braine (Belgique), et les 19 autres agents contractuels de la Commission des Communautés européennes dont les noms figurent en annexe,

parties demanderesses en première instance dans l’affaire F‑24/06,

Béatrice Ider, agent contractuel de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Halle (Belgique),

Marie-Claire Desorbay, agent contractuel de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Meise (Belgique),

Lino Noschese, agent contractuel de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Braine-le-Château (Belgique),

parties demanderesses en première instance dans l’affaire F‑25/06,

représentés par ML. Vogel, avocat,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili, MM. J. Azizi (rapporteur), A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, la Commission demande l’annulation des arrêts du Tribunal de la fonction publique du 5 juillet 2007, Abarca Montiel e.a./Commission (F‑24/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Abarca »), Ider e.a./Commission (F‑25/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Ider »), et Bertolete e.a./Commission (F‑26/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Bertolete ») (ci-après, pris ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels celui-ci a annulé les décisions de l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») fixant la rémunération de Mme Marli Bertolete et de 31 autres agents contractuels de la Commission, parties demanderesses en première instance, au titre de contrats d’agents contractuels signés en avril 2005.

 Cadre juridique

2        L’article 2 de l’annexe du régime applicable aux autres agents des Communautés (ci-après le « RAA »), qui porte sur les mesures transitoires relatives à l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le RAA (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004, dispose :

« 1. Conformément au [RAA], l’[AHCC] propose un contrat d’agent contractuel à durée indéterminée à toute personne employée par les Communautés le 1er mai 2004 dans le cadre d’un contrat [à] durée indéterminée en tant qu’agent local dans l’Union européenne ou en vertu de la législation nationale dans l’un des agences et organismes visés à l’article 3 bis, paragraphe 1, [sous] b) et c), du [RAA]. La proposition d’engagement est fondée sur une évaluation des tâches que l’agent contractuel devra exécuter. Ce contrat prend effet au plus tard le 1er mai 2004 […]

2. Dans le cas où le classement de l’agent qui accepte l’offre de contrat se traduirait par une baisse de sa rémunération, l’institution a la faculté de verser un montant supplémentaire tenant compte des différences existant entre la législation en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de pensions de l’État membre d’affectation et les dispositions applicables à l’agent contractuel.

3. Chaque institution adopte, s’il y a lieu, des dispositions générales relatives à l’application des paragraphes 1 et 2 conformément à l’article 110 du statut.

4. L’agent qui n’accepte pas l’offre visée au paragraphe 1 peut conserver sa relation contractuelle avec l’institution. »

3        L’article 7 des dispositions générales d’exécution, du 27 avril 2005, relatives aux mesures transitoires applicables aux agents employés par l’Office « Infrastructures et logistique » – Bruxelles (OIB) dans les crèches et garderies à Bruxelles [C (2005) 1287, ci-après les « DGE OIB »], prévoit :

« 1. La Commission verse mensuellement un montant supplémentaire aux agents contractuels qui ont accepté une proposition d’emploi dans le groupe de fonctions II au titre des articles 1er et 2, à l’exclusion des agents contractuels mentionnés à l’annexe III, dans les cas où :

a)      la rémunération nette de l’agent contractuel pour le mois de mai 2005, calculée conformément à l’annexe I A, […] est inférieure à la rémunération nette perçue pour le mois d’avril 2005 dans le cadre du contrat de droit belge, calculée conformément à l’annexe I B ;

b)      la rémunération nette de l’agent contractuel au cours de n’importe quel mois ultérieur au mois de mai 2005, calculée conformément à l’annexe I A, […] est ramenée à un montant inférieur à la rémunération nette perçue pour le mois d’avril 2005, dans le cadre du contrat de droit belge, calculée conformément à l’annexe II B.

[…] »

4        Aux termes de l’article 8 des DGE OIB :

« 1. La Commission verse mensuellement un montant supplémentaire aux agents contractuels mentionnés à l’annexe III qui ont accepté une proposition d’emploi au titre des articles 1er et 2, dans les cas où :

a)      la rémunération nette de l’agent contractuel pour le mois de mai 2005, calculée conformément à l’annexe I A, […] est inférieure à la rémunération nette perçue pour le mois d’avril 2005 dans le cadre du contrat de droit belge, calculée conformément à l’annexe I B ;

b)      la rémunération nette de l’agent contractuel au cours de n’importe quel mois ultérieur au mois de mai 2005, calculée conformément à l’annexe I A, […] est ramenée à un montant inférieur à la rémunération nette perçue pour le mois d’avril 2005 dans le cadre du contrat de droit belge, calculée conformément à l’annexe II B, et adaptée annuellement selon le taux applicable conformément à l’article 65 du statut.

2. Le montant supplémentaire est égal à la différence entre les rémunérations nettes mentionnées au paragraphe 1 […] »

 Faits à l’origine des litiges

5        Au 1er mai 2004, les parties demanderesses en première instance étaient employées au sein de crèches et de garderies, gérées par l’OIB, au titre de contrats de travail à durée indéterminée soumis au droit belge, pour exercer soit des fonctions d’aide soignante, de puéricultrice, de technicienne de surface ou d’infirmière (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Abarca), soit des tâches d’exécution diverses ayant trait au nettoyage, à la cuisine, à la coordination technique ou à l’entretien du linge (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider), soit des fonctions d’institutrice maternelle, de jardinière d’enfants ou de puéricultrice (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bertolete).

6        En application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, la Commission a proposé aux parties demanderesses en première instance, au début du mois d’avril 2005, des contrats d’agents contractuels à durée indéterminée, lesquels devaient prendre effet au plus tard le 1er mai 2005. Les contrats en cause prévoyaient leur classement soit dans le groupe de fonctions II, au grade 4 ou 5, les intéressés pouvant se prévaloir d’une expérience professionnelle allant de 7 à 36 ans (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Abarca), soit dans le groupe de fonctions I, au grade 1 (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider), soit dans le groupe de fonctions II, au grade 5 (affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bertolete).

7        Les parties demanderesses en première instance ont signé, en avril 2005, les contrats d’agents contractuels qui leur étaient proposés.

8        Elles ont cependant introduit, les 26 juillet et 17 août 2005, des réclamations, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), à l’encontre de leur classement et du mode de calcul de leur rémunération, tels qu’ils ressortaient de leurs premières fiches de salaire en qualité d’agents contractuels, et, notamment, à l’encontre de la prise en compte, dans le cadre de ce calcul, du montant des allocations familiales prévues par le droit belge plutôt que du montant (plus élevé) de celles destinées aux agents contractuels communautaires.

9        Ces réclamations ont été rejetées par décisions de l’AHCC du 21 novembre 2005.

10      Par leurs recours introduits devant le Tribunal de la fonction publique, les parties demanderesses en première instance ont demandé l’annulation des décisions de l’AHCC.

 Arrêts attaqués

11      Dans les arrêts attaqués, après avoir rejeté les premier et deuxième moyens soulevés dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Abarca et Bertolete, ainsi que le premier moyen dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, le Tribunal de la fonction publique, en substance, d’une part, a accueilli la branche du second moyen invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider et du troisième moyen invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Abarca et Bertolete, qui était tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, et, d’autre part, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur les autres griefs avancés par les parties demanderesses en première instance dans le cadre du second moyen invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider et du troisième moyen invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Abarca et Bertolete.

12      Dans le cadre de son appréciation de l’application par la Commission des articles 7 et 8 des DGE OIB au cas des parties demanderesses en première instance, le Tribunal de la fonction publique a indiqué que les modalités d’application de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA ne sauraient enfreindre des normes supérieures du droit de la fonction publique, à savoir, en l’espèce, le principe d’égalité de traitement. Or, le Tribunal de la fonction publique a ajouté que les parties demanderesses en première instance avaient fait grief à la Commission d’avoir notamment méconnu ce principe en fixant le mode de calcul du complément de rémunération et plus particulièrement en définissant, à l’annexe I des DGE OIB, les notions de rémunération nette de l’agent contractuel, d’une part, et de travailleur au titre d’un contrat de droit privé, d’autre part (arrêt Bertolete, point 83 ; arrêts Abarca et Ider, point 95).

13      Le Tribunal de la fonction publique a ensuite constaté ce qui suit (arrêt Bertolete, point 84 et suivants ; arrêts Abarca et Ider, points 96 et suivants) :

« 84 [96] En effet, selon les [parties demanderesses en première instance], l’intégration des allocations familiales dans la définition des rémunérations est de nature à pénaliser les agents contractuels qui, aux dates visées par les articles 7 et 8 des DGE OIB, avaient des enfants à charge par rapport à ceux qui, à ces mêmes dates, n’en avaient pas.

85 [97] À cet égard, il importe, en premier lieu, de constater que ces deux catégories d’agents contractuels sont placées dans des situations comparables au regard de la finalité de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA, qui tend à compenser une éventuelle baisse de rémunération qu’entraînerait le passage des intéressés [au] statut d’agent contractuel.

86 [98] En second lieu, l’intégration des allocations familiales dans la définition des rémunérations nettes, en qualité d’agent contractuel, d’une part, et de travailleur salarié de droit belge, d’autre part, a une incidence directe sur la fixation du montant supplémentaire qui résulte de la comparaison entre ces rémunérations nettes, effectuée selon les modalités de l’annexe I des DGE OIB. Dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, le montant des allocations familiales communautaires, intégré au premier terme de comparaison, serait plus élevé que celui des allocations perçues au titre de la législation de l’État membre d’affectation, intégré au second terme de comparaison, le complément de rémunération versé aux personnes ayant déjà un ou des enfants à charge à la date de leur passage [au] statut d’agent contractuel serait réduit d’autant.

87 [99] Il en découle que l’intégration des allocations familiales dans la définition des rémunérations est de nature à générer des différences de traitement en termes de salaire selon que, aux dates prévues par les articles 7 et 8 des DGE OIB, l’agent contractuel concerné avait ou non des enfants à charge, et ce au détriment de l’agent ayant eu un ou plusieurs enfants à charge à ces mêmes dates.

88 [100] Or, aucune justification objective n’a été avancée à cet égard par la Commission, qui s’est limitée à soutenir que les allocations familiales constituent, selon la jurisprudence de la Cour, une composante de la rémunération que les Communautés sont tenues de verser à leurs fonctionnaires ou agents. Une telle définition, valable dans le contexte proprement statutaire, ne saurait cependant conduire à justifier des différences de traitement entre agents contractuels lorsqu’il s’agit uniquement, comme en l’espèce, de les faire bénéficier d’un complément de salaire destiné à compenser une baisse de rémunération consécutive au passage d’un régime de droit national vers un régime de droit communautaire.

89 [101] En l’absence de toute justification objective avancée par la Commission, il y a lieu de considérer que l’annexe I, dans ses points A et B, des DGE OIB, à laquelle renvoie l’article 7 [8] des mêmes DGE, méconnaît le principe général d’égalité de traitement et, dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs avancés par les [parties demanderesses en première instance] dans le cadre du troisième [second] moyen, d’accueillir celui-ci.

90 [102] En conséquence, il convient d’annuler les décisions par lesquelles l’AHCC a fixé, en application notamment de l’article 7 [8] des DGE OIB, la rémunération des [parties demanderesses en première instance] au titre des contrats d’agents contractuels qui les lient à la Commission depuis le 1er mai 2005 et de rejeter le recours pour le surplus. »

14      Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique a annulé les décisions attaquées de l’AHCC, a rejeté les recours pour le surplus et a condamné la Commission à la moitié des dépens des parties demanderesses en première instance.

 Sur les pourvois

15      Par mémoires déposés au greffe du Tribunal le 19 septembre 2007 et enregistrés respectivement sous les références T‑359/07 P, T‑360/07 P et T‑361/07 P, la Commission a formé les présents pourvois.

16      Par actes enregistrés au greffe du Tribunal le 24 décembre 2007, les parties demanderesses en première instance ont respectivement déposé leurs mémoires en réponse.

17      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 février 2008, la Commission a fait savoir qu’elle estimait utile de tenir une audience dans les présentes affaires.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

19      Par ordonnance du président de la chambre des pourvois du Tribunal du 27 août 2008, les parties ayant été entendues, les affaires T‑359/07 P, T‑360/07 P et T‑361/07 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément aux articles 50 et 144 du règlement de procédure du Tribunal.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 19 septembre 2008.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les arrêts attaqués ;

–        renvoyer les causes devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        réserver les dépens ;

–        à titre subsidiaire, annuler les arrêts attaqués, rejeter le recours dans les affaires F‑24/06, F‑25/06 et F‑26/06 et condamner les parties demanderesses en première instance aux dépens.

22      Les parties demanderesses en première instance concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les pourvois comme irrecevables ou, à tout le moins, comme non fondés ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation des arrêts attaqués, renvoyer les causes devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

23      Par ses pourvois, la Commission conteste les points 85 à 89 de l’arrêt Bertolete ainsi que les points 97 à 101 des arrêts Abarca et Ider, qui, hormis le fait qu’ils répondent à des recours distincts formés par les différentes parties demanderesses en première instance, sont néanmoins textuellement identiques.

24      Au soutien de ses pourvois, la Commission invoque un moyen principal, tiré de la méconnaissance par le Tribunal de la fonction publique du principe d’égalité de traitement, ainsi qu’un moyen subsidiaire, tiré d’une violation par le Tribunal de la fonction publique de son obligation de motivation.

 Sur le moyen principal, tiré de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

25      La Commission fait valoir, à titre liminaire, que les parties demanderesses en première instance avaient prétendu qu’elles se verraient traitées de manière inégale par rapport aux personnes se trouvant dans la même situation professionnelle, à savoir celles qui se sont vu proposer un engagement d’agent contractuel, mais qui auraient des enfants seulement après cet engagement. En effet, la Commission indique que, selon les parties demanderesses en première instance, l’intégration des allocations familiales dans le concept de rémunération aurait impliqué qu’elle ne leur garantisse que le montant des allocations familiales auquel elles pouvaient prétendre sur le fondement du droit belge, alors que, s’agissant des agents contractuels ayant des enfants postérieurement à la modification de leur statut, elle garantit à ceux-ci le montant des allocations familiales communautaires, qui est supérieur à celui des allocations versées sur le fondement du droit belge. La Commission conteste cette interprétation, qui aurait été suivie par le Tribunal de la fonction publique dans les arrêts attaqués.

26      Tout d’abord, la Commission fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur la notion de rémunération avant d’apprécier si le principe d’égalité a été violé. Conformément à la jurisprudence, cette notion comprendrait les allocations familiales (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, Commission/Belgique, 186/85, Rec. p. 2029, point 26, et Commission/Allemagne, 189/85, Rec. p. 2061, point 18). Au regard de cette notion de rémunération, la Commission aurait été tenue, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA et de son engagement pris au titre des DGE OIB, de verser aux parties demanderesses en première instance un montant mensuel supplémentaire qui leur garantissait la rémunération nette perçue au mois d’avril 2005, y compris, le cas échéant, les allocations familiales belges. En procédant de cette manière vis-à-vis de tous les intéressés, elle aurait respecté le principe d’égalité.

27      Ensuite, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir méconnu le principe d’égalité en considérant que la situation factuelle et juridique des personnes ayant eu des enfants avant d’avoir acquis le statut d’agent contractuel était comparable, aux fins de l’application de l’article 2, paragraphe 2, du RAA, à celle des personnes qui pourraient avoir des enfants après leur engagement en tant qu’agents contractuels. Ces situations ne seraient pas comparables du fait d’une différence essentielle tenant aux circonstances familiales des intéressés au moment de leur engagement en tant qu’agents contractuels, les uns ayant eu des enfants et les autres non. Dès lors, la Commission aurait eu l’obligation de respecter le niveau de salaire des uns et des autres, lors de leur engagement en tant qu’agents contractuels, en leur garantissant un niveau de salaire égal à leur salaire précédent relevant du contrat de droit belge, ce qu’elle aurait fait.

28      Au contraire, dans la mesure où le montant garanti incluait les allocations familiales prévues par le droit belge, les personnes ayant déjà des enfants auraient été privilégiées, en termes de rémunération nette, non seulement par rapport à celles qui n’en avaient pas, mais également par rapport à celles qui auraient un enfant à charge après le passage au régime d’agent contractuel. En effet, le versement des allocations familiales communautaires à ces dernières personnes irait de pair avec la suppression de l’indemnité compensatoire dans la mesure où celle-ci est inférieure au montant de ces allocations. Par conséquent, bien que les allocations familiales communautaires soient supérieures à celles perçues sur le fondement du droit belge, la prétendue différence de traitement – fondée sur des circonstances objectives – favoriserait les parties demanderesses en première instance, auxquelles la Commission garantirait une rémunération nette supérieure, car elle comprend les allocations familiales de droit belge.

29      Dès lors, ce serait à tort et sans fondement factuel que le Tribunal de la fonction publique aurait considéré que l’intégration des allocations familiales dans la notion de rémunération était de nature à générer des différences de traitement en termes de salaire au détriment des personnes ayant eu un ou plusieurs enfants à charge avant le passage au régime d’agent contractuel. En réalité, les parties demanderesses en première instance auraient visé à obtenir une augmentation salariale, à savoir le maintien de leur salaire précédent, hors allocations familiales de droit belge, et l’ajout des allocations familiales communautaires, ce qui aboutirait toutefois à une rémunération nette supérieure à celle des personnes ayant eu des enfants après leur engagement comme agents contractuels. Or, ce raisonnement méconnaîtrait que, pour cette dernière catégorie de personnes, les allocations familiales communautaires viennent en déduction de l’indemnité compensatoire et ne s’ajoutent pas à celle-ci, la seule partie s’ajoutant à la rémunération nette étant celle qui dépasse le montant total garanti. Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique aurait considéré à tort que la Commission avait violé le principe d’égalité de traitement.

30      Les parties demanderesses en première instance concluent au rejet du présent moyen, qui, selon elles, relève d’une lecture erronée des arrêts attaqués.

31      Elles font valoir, d’abord, que le Tribunal de la fonction publique n’a pas repris leur argumentation, mais a conclu à une violation du principe d’égalité de traitement en comparant la situation des agents contractuels qui avaient déjà des enfants avant la réforme du statut avec celle des autres agents contractuels, sans différencier, parmi ces derniers, la situation de ceux qui auront des enfants après la réforme de la situation de ceux qui n’en auront pas. Dès lors, la comparaison effectuée par la Commission, dans ses pourvois, entre la situation des agents contractuels ayant des enfants avant la réforme et celle de ceux qui auront des enfants après la réforme ne tiendrait pas compte de la nature exacte de l’inégalité de traitement retenue par le Tribunal de la fonction publique.

32      Ensuite, les parties demanderesses en première instance estiment que le Tribunal de la fonction publique n’a pas répondu adéquatement à l’argument selon lequel les allocations familiales font partie intégrante de la rémunération statutaire. Le Tribunal de la fonction publique aurait donné une réponse explicite à cet égard au point 88 de l’arrêt Bertolete et au point 100 des arrêts Abarca et Ider en expliquant, en substance, que l’incorporation des allocations familiales à la rémunération n’aurait pas pour objet de plafonner les différentes composantes de la rémunération ainsi définie, mais seulement de conférer aux indemnités accessoires la même protection que celle dont bénéficie la rémunération de base. Or, cette dernière interprétation ne serait nullement critiquée par la Commission dans ses pourvois. En outre, la jurisprudence citée dans les pourvois serait sans pertinence dès lors qu’elle aurait eu pour seul objet d’étendre aux allocations familiales les protections et les garanties inhérentes à la rémunération statutaire, et non d’en régir le calcul ou, a fortiori, d’en limiter le montant.

33      Par ailleurs, les parties demanderesses en première instance font valoir qu’une différence de traitement entre plusieurs catégories de personnes n’est légitime que si les situations de fait, qui sont prises en considération pour opérer les distinctions en cause, sont pertinentes au regard des décisions en cause. En l’occurrence, par une appréciation factuelle souveraine, le Tribunal de la fonction publique aurait considéré que l’existence ou l’absence d’enfants à charge des agents contractuels, au moment du changement de leur statut, ne constituait pas un critère pertinent autorisant un traitement différent entre ces agents en ce qui concerne la détermination de la compensation de la baisse de rémunération qu’entraînait leur passage d’un statut d’employé de droit belge vers un statut d’agent contractuel (voir point 85 de l’arrêt Bertolete et point 97 des arrêts Abarca et Ider). De même, la détermination du montant des allocations familiales perçues par les agents contractuels, en plus de leur traitement de base, ne pourrait, au regard du statut et de la finalité même des allocations familiales, dépendre du moment auquel sont nés les enfants qui en bénéficieront. Or, de l’aveu même de la Commission, le montant effectivement perçu, au titre des allocations familiales, par un agent contractuel qui aurait un enfant après la réforme serait sensiblement différent de celui versé à un agent dont l’enfant serait né avant la réforme. De l’avis des parties demanderesses en première instance, cette inégalité de traitement à leur détriment, selon qu’elles avaient ou non des enfants au moment de la réforme, n’est pas justifiable.

34      En outre, selon les parties demanderesses en première instance, l’analyse comparative de la Commission portant sur la situation d’un agent contractuel qui aurait un enfant après la réforme et celle d’un agent dont l’enfant serait né antérieurement à celle-ci participe d’une mauvaise interprétation des arrêts attaqués, dès lors que le Tribunal de la fonction publique s’est limité à relever que le complément de rémunération versé à un agent contractuel qui avait un enfant avant la réforme est inférieur au complément de rémunération que percevrait un agent qui n’avait pas d’enfants à ce moment. Toutefois, l’appréciation du Tribunal de la fonction publique ne serait pas fondée sur un calcul comparatif des allocations familiales payées respectivement à l’agent qui avait des enfants avant la réforme et à celui qui n’en aurait que postérieurement.

35      Enfin, les parties demanderesses en première instance précisent que leur objectif est d’obtenir la totalité des allocations familiales, conformément au statut, en fonction de leur situation familiale respective. Or, la finalité statutaire desdites allocations ne devrait pas être méconnue dans le cadre d’un mécanisme qui prévoit une compensation de la rémunération en tant que telle.

 Appréciation du Tribunal

–       Observations liminaires

36      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence établie relative à l’application du principe d’égalité de traitement dans le domaine de la fonction publique communautaire et, notamment, celle portant sur des mesures comportant un changement de la situation statutaire des intéressés.

37      Aux termes de cette jurisprudence, le principe d’égalité exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, Rec. p. I‑6767, point 63, et du 17 juillet 2008, Campoli/Commission, C‑71/07 P, non encore publié au Recueil, point 50).

38      Dès lors, il y a inégalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique. Ainsi, des agents placés dans des situations identiques doivent être soumis aux mêmes règles et le législateur communautaire doit tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles se trouvent placés les intéressés. En outre, dans une matière qui relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, le principe d’égalité est méconnu lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, non encore publié au Recueil, points 95 à 97, et la jurisprudence qui y est citée).

39      Au regard de ces principes, il convient de vérifier si le Tribunal de la fonction publique était en droit de considérer que, en l’espèce, la Commission avait enfreint le principe d’égalité de traitement. Ainsi que les parties demanderesses en première instance l’ont reconnu à l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de ladite audience, le contrôle du respect dudit principe relève d’une question de droit, ce qui implique la compétence du Tribunal pour vérifier la comparabilité des différentes situations en cause, telles qu’elles ont été retenues dans les arrêts attaqués (voir, en ce sens, arrêt Lindorfer/Conseil, point 37 supra, point 64).

–       Sur la comparabilité des situations en cause

40      S’agissant de la comparabilité des situations en cause, il y a lieu d’examiner les appréciations exposées par le Tribunal de la fonction publique aux points 84, 85, 87 et 88 de l’arrêt Bertolete et aux points 96, 97, 99 et 100 des arrêts Abarca et Ider (voir point 13 ci-dessus).

41      À cet égard, il convient de relever, d’abord, que le Tribunal de la fonction publique a correctement choisi le moment pertinent auquel la comparaison des situations en cause doit être opérée, s’agissant, en l’espèce, d’une comparaison effectuée entre la situation des personnes ayant un ou plusieurs enfants à charge au moment de leur passage, le 1er mai 2005, au régime d’agent contractuel communautaire et celle des personnes n’en ayant pas à ce même moment. En effet, l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 1, des DGE OIB, qui visent à déterminer les montants supplémentaires mensuels à octroyer, reposent sur cet élément objectif pertinent en se fondant sur une comparaison entre la rémunération nette perçue par la personne en cause au mois d’avril 2005, au regard de son contrat de droit belge, et celle perçue au mois de mai 2005, après passage au régime d’agent contractuel.

42      Il y a lieu de vérifier, ensuite, si le Tribunal de la fonction publique était en droit de considérer que la situation personnelle des intéressés qui, à la date du 1er mai 2005, avaient des enfants à charge était effectivement comparable à celle de ceux qui, à cette même date, n’en avaient pas.

43      À cette fin, dès lors que le Tribunal de la fonction publique a effectué ladite comparaison au regard de la finalité de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA, il est nécessaire de rappeler l’objectif poursuivi par cette réglementation.

44      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA prévoit la faculté pour l’institution concernée de compenser une baisse de la rémunération qui est occasionnée par le passage de l’intéressé au régime d’agent contractuel. En outre, lorsqu’elle fait usage de cette faculté, afin d’éviter une telle baisse de la rémunération, cette institution doit tenir compte, lors de la détermination du montant supplémentaire, des différences existant entre, d’une part, la législation en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de pensions de l’État membre d’affectation et, d’autre part, les dispositions applicables à l’agent contractuel.

45      Or, force est de constater que la notion de rémunération, telle que définie aux articles 62 et suivants du statut et aux articles 19 et suivants, lus conjointement avec l’article 92 du RAA et, partant, dans toute législation communautaire dérivée, y compris l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA ainsi que l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 1, des DGE OIB, comprend les allocations familiales (arrêts Commission/Belgique, point 26 supra, points 26 et 29, et Commission/Allemagne, point 26 supra, point 18).

46      Eu égard à cette notion statutaire de rémunération, telle que visée aux articles 62 et suivants du statut et applicable au cas d’espèce en vertu des articles 19 et suivants, lus conjointement avec l’article 92 du RAA, l’obligation des institutions, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA, de tenir compte des différences existant entre, d’une part, la législation en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de pensions de l’État membre d’affectation et, d’autre part, les dispositions applicables à l’agent contractuel doit être interprétée en ce sens que, lorsque ces institutions entendent compenser une baisse de la rémunération lors du passage au régime d’agent contractuel communautaire, elles doivent prendre en considération tous les éléments constitutifs de cette notion de rémunération. Pour ce faire, elles sont dès lors tenues de tenir compte des particularités du droit national antérieurement applicable en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de pensions qui peuvent avoir une incidence sur le niveau de cette rémunération au sens statutaire communautaire du terme, alors même que d’éventuels avantages pécuniaires relevant de ces particularités ne constituent pas nécessairement des composantes de la rémunération au sens du droit national. Partant, l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA impose aux institutions, lorsqu’elles prennent la décision discrétionnaire de compenser une baisse de la rémunération, de prendre en considération, lors du calcul des montants supplémentaires, tous les avantages salariaux, fiscaux et sociaux relevant du droit national qui, dans le droit communautaire applicable, relèveraient de la notion de rémunération.

47      Dès lors, le fait pour la Commission d’avoir intégré les allocations familiales au sens du droit belge, qui relèvent d’une prestation sociale versée par l’État et non de la rémunération payée par l’employeur, dans le calcul des montants supplémentaires accordés aux parties demanderesses en première instance constitue une application correcte de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA.

48      Il convient d’observer que, aux points 85 à 88 de l’arrêt Bertolete, et aux points 97 à 100 des arrêts Abarca et Ider, le Tribunal de la fonction publique a utilisé lui-même la notion de rémunération telle que prévue à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA ainsi qu’à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 8, paragraphe 1, des DGE OIB, tout en considérant, d’une part, que « l’intégration des allocations familiales dans la définition des rémunérations » est de nature à générer des différences de traitement (point 87 de l’arrêt Bertolete et point 99 des arrêts Abarca et Ider) et, d’autre part, qu’aucune justification objective n’a été avancée à cet égard par la Commission, qui s’est contentée de soutenir que « les allocations familiales constituent […] une composante de la rémunération que les Communautés sont tenues de verser à leurs fonctionnaires ou agents » (point 88 de l’arrêt Bertolete et point 100 des arrêts Abarca et Ider).

49      Or, dans le cadre de la comparaison des situations en cause au regard de la finalité de la réglementation applicable, le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de remettre en cause, ne serait-ce qu’implicitement ou indirectement, la notion statutaire communautaire de rémunération, telle que consacrée aux articles 62 et suivants du statut, applicables au cas d’espèce en vertu des articles 19 et suivants du RAA, dispositions que les institutions communautaires sont tenues de respecter lorsqu’il s’agit d’établir un régime transitoire visant un changement de statut des fonctionnaires ou des agents concernés.

50      Il en découle que, en l’espèce, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement s’agissant de la détermination des montants supplémentaires à octroyer aux intéressés à la suite de leur passage au régime d’agent contractuel communautaire, la Commission est tenue de comparer les situations en cause, au regard de l’objectif de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA visant à maintenir le niveau de la rémunération antérieure telle que définie statutairement, c’est-à-dire la rémunération globale antérieure, y compris les allocations familiales, et à la traduire en une rémunération au sens statutaire. Cette comparaison au regard de la finalité des dispositions applicables et de la notion statutaire communautaire de rémunération implique ainsi l’obligation pour la Commission de prendre en compte la situation familiale respective des intéressés et, en particulier, le fait qu’ils ont ou non des enfants.

51      Contrairement à ce que soutiennent les parties demanderesses en première instance, d’un point de vue tant factuel que juridique, au moment du passage au régime d’agent contractuel prévu par l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 1, des DGE OIB, la situation familiale et salariale d’une personne ayant un ou plusieurs enfants se distingue, de manière essentielle, de celle d’une personne sans enfant, cette dernière n’ayant pas droit – ni sur le fondement du régime contractuel belge préalable ni sur celui du droit statutaire communautaire – à des allocations familiales pour enfants à charge en tant que composante particulière de la rémunération. Au contraire, la situation familiale et salariale distincte de ces deux catégories de personnes constitue un critère pertinent de différenciation que la Commission ne pouvait légalement négliger au regard de la finalité de la réglementation applicable.

52      Dans ces conditions, il convient de conclure que, en ne tirant pas les conséquences nécessaires, dans le cadre de son appréciation du caractère comparable des situations en cause, des exigences découlant de la notion statutaire de rémunération sur la prise en compte de l’absence ou de l’existence d’enfants à charge, au moment du passage des personnes concernées au régime d’agent contractuel, le Tribunal de la fonction publique a fait une application erronée du principe d’égalité de traitement en ce que, d’une part, il a considéré, au point 85 de l’arrêt Bertolete et au point 97 des arrêts Abarca et Ider, que les situations desdites personnes étaient néanmoins comparables au regard de la finalité de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA et, d’autre part, il a fait état, au point 87 de l’arrêt Bertolete et au point 99 des arrêts Abarca et Ider, d’une différence de traitement « en termes de salaire » entre lesdites personnes.

53      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en concluant que la Commission avait violé le principe d’égalité de traitement s’agissant des parties demanderesses en première instance, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit.

54      À titre surabondant, il convient d’ajouter que le Tribunal de la fonction publique a méconnu les exigences du principe d’égalité de traitement même à supposer qu’il ait fondé son examen comparatif sur l’hypothèse selon laquelle les personnes sans enfants étaient susceptibles d’en avoir après le 1er mai 2005. En effet, conformément à ce qui a été exposé au point 41 ci-dessus, l’application du principe d’égalité de traitement à un régime transitoire suppose que la Commission tienne compte de la situation personnelle de tous les intéressés au moment précis du changement de leur statut, changement qui constitue un événement de césure significatif, qui est susceptible de modifier, de manière substantielle, l’ensemble de leurs droits et obligations (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 février 2007, Simões Dos Santos/OHMI, T‑435/04, non encore publié au Recueil, points 90 et suivants). S’il en allait différemment, les institutions communautaires devraient, afin de respecter le principe d’égalité de traitement dans une telle situation de changement ad hoc du statut des intéressés, prendre en considération, lors de l’adoption de mesures de portée générale, des évolutions hypothétiques de la situation personnelle de chacun de ces intéressés, ce qui les soumettrait à une exigence excessive et impraticable d’examen prospectif et comparatif. Cette appréciation est toutefois sans préjudice de la nécessité de vérifier, à intervalles réguliers, la situation personnelle des agents concernés et de remédier, le cas échéant, à des inégalités futures entre des personnes se trouvant, à ce stade ultérieur, dans des situations similaires ou identiques, question qui n’est pas pertinente dans le cas d’espèce et qui n’a pas été tranchée par le Tribunal de la fonction publique dans les arrêts attaqués.

55      En tout état de cause, en l’espèce, il n’est pas contesté que, au moment du passage au régime d’agent contractuel communautaire, la Commission a traité tous les intéressés ayant un ou plusieurs enfants, en ce compris les parties demanderesses en première instance, de la même manière en tenant compte, lors du calcul des montants supplémentaires, des allocations familiales versées, sur le fondement du droit belge, antérieurement à leur entrée en service en tant qu’agents contractuels. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des exemples de calcul avancés par la Commission pour la première fois en cours d’instance, ni d’ailleurs son argument, fondé sur ces calculs, selon lequel les parties demanderesses en première instance auraient été avantagées par rapport aux personnes sans enfants.

56      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler les arrêts attaqués en ce que le Tribunal de la fonction publique a méconnu les exigences du principe d’égalité de traitement, sans qu’il faille se prononcer sur les autres griefs et sur le moyen subsidiaire avancés par la Commission au soutien de ses pourvois.

 Sur la demande de renvoi des affaires devant le Tribunal de la fonction publique

57      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, le Tribunal, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique, statue lui-même sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

58      Tel est le cas en l’espèce. En effet, le Tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur les recours.

59      En raison des considérations exposées aux points 38 à 47 et 53 à 55 de l’arrêt Bertolete, aux points 45 à 61 de l’arrêt Ider, ainsi qu’aux points 47 à 59 et 65 à 67 de l’arrêt Abarca, il y a lieu de rejeter comme non fondés le premier moyen avancé par les parties demanderesses en première instance dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts attaqués ainsi que le deuxième moyen avancé par les parties demanderesses en première instance dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca. En outre, pour les motifs exposés au point 78 de l’arrêt Bertolete et au point 90 des arrêts Abarca et Ider, il convient de déclarer irrecevable la branche de leur second moyen, tirée d’une violation du protocole d’accord, invoquée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, ainsi que la branche de leur troisième moyen, tirée d’une violation de ce protocole, invoquée dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca.

60      À l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a fait valoir, sans être contredite à cet égard par les parties demanderesses en première instance, que, dans l’hypothèse d’une annulation des arrêts attaqués, rien n’empêcherait le Tribunal de statuer définitivement sur les litiges du fait que le Tribunal de la fonction publique s’était prononcé sur l’ensemble des moyens avancés en première instance, à l’exclusion de la branche du second moyen, invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, et du troisième moyen, invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca, qui visait la violation de « principes généraux de la sécurité sociale ». Or, cette branche – respectivement du second moyen invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider et du troisième moyen invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca – serait manifestement irrecevable.

61      Il résulte des considérations exposées aux points 36 à 53 ci-dessus que la branche du second moyen, invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, et du troisième moyen, invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être rejetée comme non fondée.

62      Par ailleurs, dans le cadre de la branche du même moyen qui était tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe du RAA, les parties demanderesses en première instance avaient essentiellement soutenu que la Commission n’était pas fondée à intégrer les allocations familiales dans la notion de rémunération. Or, il ressort des considérations exposées au point 45 ci-dessus que cette branche du moyen doit également être rejetée comme non fondée.

63      Il convient de préciser enfin que, ainsi que l’a fait valoir la Commission à l’audience, le Tribunal de la fonction publique ne s’est pas prononcé sur la branche de ce moyen tirée d’une violation de « principes généraux de la sécurité sociale ».

64      Toutefois, hormis une brève mention dans un point introductif relatif au second moyen, invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, et au troisième moyen, invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca, cette branche n’a été aucunement développée ni dans la requête introductive d’instance, ni dans la réplique en première instance en violation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, tel qu’applicable aux procédures devant le Tribunal de la fonction publique à l’époque des faits. Par conséquent, cette branche du second moyen, invoqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ider, et du troisième moyen, invoqué dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Bertolete et Abarca, doit être déclarée irrecevable.

65      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les recours des parties demanderesses en première instance doivent être rejetés dans leur intégralité.

 Sur les dépens

66      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      Toutefois, en vertu de l’article 88, tel qu’applicable en première instance ainsi qu’aux pourvois formés par les institutions en vertu de l’article 144 et de l’article 148, deuxième alinéa, du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents et en cas d’un pourvoi formé par les institutions, les frais exposés par ces institutions restent à la charge de celles-ci.

69      Les parties demanderesses en première instance ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Les arrêts du Tribunal de la fonction publique (deuxième chambre) du 5 juillet 2007, Bertolete e.a./Commission (F‑26/06, non encore publié au Recueil), Abarca Montiel e.a./Commission (F‑24/06, non encore publié au Recueil) et Ider e.a./Commission (F‑25/06, non encore publié au Recueil), sont annulés.

2)      Les recours des parties demanderesses en première instance, Mme Marli Bertolete et les 8 autres agents contractuels de la Commission dont les noms figurent en annexe, Mme Sabrina Abarca Montiel et les 19 autres agents contractuels de la Commission dont les noms figurent en annexe, Mme Béatrice Ider, Mme Marie-Claire Desorbay et M. Lino Noschese, sont rejetés.

3)      Les parties demanderesses en première instance et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Jaeger

Tiili

Azizi

Meij

 

       Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 février 2009.

Le greffier

 

       Le président

 

Signatures             

 

Annexe

Dans l’affaire T-359/07 P

Ana Paula Cunha Correia, demeurant à Koekelberg (Belgique),

Margaretha Lichteveld, demeurant à Wavre (Belgique),

Muriel Mozelsio, demeurant à Enghien (Belgique),

Francesca Orlando, demeurant à Anderlecht (Belgique),

Fabienne Pendville, demeurant à Etterbeek (Belgique),

Bernadette Simons, demeurant à Bocholt (Belgique),

Dominique Sneessens, demeurant à Auderghem (Belgique),

Sabine Voisin, demeurant à Forest (Belgique).

Dans l’affaire T-360/07 P

Karine Adams, demeurant à Wavre,

Maria Alvarez y Bejarano, demeurant à Leeuw-Saint-Pierre (Belgique),

Chantal Baesens, demeurant à Woluwé-Saint-Lambert (Belgique),

Christine Blancke, demeurant à Berchem-Sainte-Agathe (Belgique),

Véronique Bruneel, demeurant à Kampenhout (Belgique),

Giovanna Butera, demeurant à Rebecq (Belgique),

Carmen Clarie, demeurant à Denderhoutem (Belgique),

Giovanna Gallo, demeurant à Zellik-Asse (Belgique),

Carla Gilis, demeurant à Ganshoren (Belgique),

Inge Gillard, demeurant à Gingelom (Belgique),

Christiane Kremer, demeurant à Laeken (Belgique),

Diana Maris, demeurant à Schaerbeek (Belgique),

Manuela Menacho y Sanchez, demeurant à Zellik-Asse,

Régine Thiry, demeurant à Herstal (Belgique),

Sonia Timmermans, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Renate Tuts, demeurant à Boutersem (Belgique),

Evdoxia Tzikas, demeurant à Anderlecht,

Chantal Van Droogenbroeck, demeurant à Eghezee (Belgique),

Christine Willems, demeurant à Liernu (Belgique).


* Langue de procédure : le français.