Language of document : ECLI:EU:T:2016:152

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

16 mars 2016 (*)

« Aides d’État – Droits d’accises – Remise partielle d’une dette fiscale dans le cadre d’un concordat – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Droits de la défense – Droits procéduraux des parties intéressées – Critère du créancier privé – Charge de la preuve »

Dans l’affaire T‑103/14,

Frucona Košice a.s., établie à Košice (Slovaquie), représentée par MM. K. Lasok, QC, B. Hartnett, barrister, Me O. Geiss, avocat, et M. J. Holmes, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati, M. P.‑J. Loewenthal et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2014/342/UE de la Commission, du 16 octobre 2013, concernant l’aide d’État SA.18211 (C 25/05) (ex NN 21/05) mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (JO L 176, p. 38),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Évolution de la situation de la requérante et procédure de concordat

1        La requérante, Frucona Košice a.s., est une société de droit slovaque qui était active, notamment, dans le secteur de la production d’alcools et de spiritueux.

2        Entre novembre 2002 et novembre 2003, la requérante a bénéficié de plusieurs reports de paiement de dettes fiscales constituées de droits d’accises dont elle était redevable. Ces reports de paiement lui ont été accordés après la constitution de garanties financières en faveur de l’autorité fiscale locale dont elle relevait, à savoir le bureau Košice IV (ci‑après l’« autorité fiscale locale »).

3        Le 25 février 2004, en raison de difficultés financières auxquelles elle devait faire face, la requérante n’était pas en mesure d’acquitter les droits d’accises dont elle était redevable au titre du mois de janvier 2004. À la suite d’un changement législatif intervenu à compter du 1er janvier 2004, la requérante ne pouvait plus obtenir de report de paiement de ces droits d’accises.

4        En conséquence, la requérante s’est vu retirer sa licence pour la production et la transformation d’alcools et de spiritueux. Depuis lors, elle a limité son activité à la distribution, sous la marque Frucona, des spiritueux achetés à O.H., une société qui, conformément à un accord avec la requérante, les produisait sous licence dans les fabriques de spiritueux de cette dernière.

5        La requérante s’est également retrouvée en situation d’endettement au sens du zákon č. 328/1991 Zb. o konkurze a vyrovnaní (loi no 328/1991 relative à la liquidation judiciaire et au concordat).

6        Le 8 mars 2004, la requérante a introduit une demande d’ouverture d’une procédure de concordat devant le Krajský súd v Košiciach [cour régionale de Košice (Slovaquie)], en proposant à ses créanciers de payer à chacun 35 % du montant de la somme qu’elle leur devait (ci‑après la « proposition de concordat »). La dette totale de la requérante s’élevait à environ 644,6 millions de couronnes slovaques (SKK), dont environ 640,8 millions de SKK de dette fiscale.

7        Par décision du 29 avril 2004, le Krajský súd v Košiciach a autorisé l’ouverture de la procédure de concordat.

8        Le 9 juillet 2004, les créanciers de la requérante, y compris l’autorité fiscale locale, ont accepté la proposition de concordat au cours d’une audience de concordat. Dans le cadre de cette procédure de concordat, l’autorité fiscale locale agissait en tant que créancier distinct, qualité dont elle bénéficiait du fait des garanties constituées en sa faveur lors des reports de paiement des droits d’accises dus par la requérante (voir point 2 ci‑dessus).

9        Avant le 9 juillet 2004, la requérante expose avoir notamment soumis à l’autorité fiscale locale un rapport d’audit établi par une société d’audit indépendante (ci‑après le « rapport E »), afin de permettre à ladite autorité d’évaluer les avantages respectifs du concordat et de la liquidation judiciaire.

10      Le 21 juin 2004, l’administration fiscale slovaque a procédé à une inspection sur place dans les locaux de la requérante. Lors de cette inspection, la situation financière de cette dernière à la date du 17 juin 2004 a été déterminée.

11      Par décision du 14 juillet 2004, le Krajský súd v Košiciach a homologué le concordat. Conformément à ce dernier, la créance de l’administration fiscale slovaque devait être remboursée à concurrence de 35 %, soit un montant à payer d’environ 224,3 millions de SKK.

12      Par lettre du 20 octobre 2004, l’autorité fiscale locale a notamment indiqué à la requérante que les modalités du concordat, selon lesquelles une partie de la dette fiscale ne devait pas être remboursée, constituaient une aide d’État indirecte soumise à l’autorisation de la Commission des Communautés européennes.

13      Le 17 décembre 2004, la requérante a notamment payé à l’autorité fiscale locale un montant de 224,3 millions de SKK, correspondant à 35 % de sa dette fiscale totale. Par décision du 30 décembre 2004, le Krajský súd v Košiciach a prononcé la clôture de la procédure de concordat. Le 18 août 2006, le Krajský súd v Košiciach a ramené le montant devant être payé à l’autorité fiscale locale à 224,1 millions de SKK.

 Procédure administrative

14      Le 15 octobre 2004, une plainte a été introduite auprès de la Commission concernant une aide d’État présumée illégale en faveur de la requérante.

15      Par lettre du 4 janvier 2005, la République slovaque a informé la Commission, à la suite de la demande d’informations de celle‑ci, de la possibilité que la requérante ait reçu une aide illégale et lui a demandé d’autoriser cette aide en tant qu’aide au sauvetage accordée à une entreprise en difficulté.

16      Après avoir recueilli des informations complémentaires, la Commission a, par lettre du 5 juillet 2005, notifié à la République slovaque sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant la mesure en cause. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2005, C 233, p. 47).

17      Par lettre du 10 octobre 2005, la République slovaque a communiqué ses observations sur la mesure en cause à la Commission. De même, par lettre du 24 octobre 2005, la requérante a communiqué ses observations sur la mesure en cause à la Commission. Celles‑ci ont été transmises à la République slovaque pour permettre à cette dernière de réagir, ce qu’elle a fait par lettre du 16 décembre 2005.

 Décision initiale

18      Le 7 juin 2006, la Commission a adopté la décision 2007/254/CE, concernant l’aide d’État C 25/05 (ex NN 21/05) mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (JO 2007, L 112, p. 14, ci‑après la « décision initiale »). Le dispositif de cette décision prévoyait, à son article 1er, que l’aide d’État mise à exécution par la République slovaque en faveur de la requérante, d’un montant de 416 515 990 SKK, était incompatible avec le marché commun et ordonnait, à son article 2, la récupération de cette aide.

 Procédures devant le Tribunal et la Cour

19      Le 12 janvier 2007, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision initiale.

20      Par arrêt du 7 décembre 2010, Frucona Košice/Commission (T‑11/07, Rec, EU:T:2010:498), le Tribunal a rejeté ce recours comme non fondé.

21      Saisie d’un pourvoi introduit par la requérante au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour a, par arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, Rec, EU:C:2013:32), annulé l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498). Dans le cadre de l’appréciation au fond du litige en première instance, la Cour a jugé que, en ayant omis de prendre en compte, dans l’appréciation du critère du créancier privé, la durée de la procédure de liquidation judiciaire, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation ou, pour autant qu’elle avait pris cet élément en considération, avait omis de motiver la décision initiale à suffisance de droit. Enfin, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les moyens soulevés devant lui sur lesquels il ne s’était pas prononcé.

22      À la suite de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), et afin de remédier aux lacunes mises en évidence par la Cour, la Commission a, le 16 octobre 2013, adopté la décision 2014/342/UE concernant l’aide d’État SA.18211 (C 25/05) (ex NN 21/05) mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s. (JO L 176, p. 38, ci‑après la « décision attaquée »), dont l’article 1er énonce que la décision initiale « est annulée ».

23      C’est par la suite que, par voie d’ordonnance motivée du 21 mars 2014, Frucona Košice/Commission (T‑11/07 RENV, EU:T:2014:173), le Tribunal, saisi en application de l’article 117 de son règlement de procédure du 2 mai 1991 par l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation de la décision initiale.

 Décision attaquée

24      Ainsi que cela est mentionné au point 22 ci‑dessus, la Commission a adopté la décision attaquée, qui a remplacé la décision initiale, afin de remédier aux vices affectant cette dernière, tels qu’identifiés par l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32) (considérant 10 de la décision attaquée).

25      Dans la décision attaquée, la Commission a notamment estimé qu’il était nécessaire d’examiner la question de savoir, en substance, si, en acceptant la proposition de concordat et, partant, la remise de 65 % de sa créance, l’autorité fiscale locale s’était comportée envers la requérante comme un créancier privé en économie de marché. Elle a précisé à cet égard que la position de créancier de la requérante de ladite autorité était inhabituellement forte en ce que cette autorité se trouvait dans une situation juridique et économique plus favorable que les créanciers privés de la requérante. L’autorité fiscale locale détenait en effet plus de 99 % de toutes les créances enregistrées et était un créancier distinct dont les créances pouvaient être honorées à tout moment au cours de la procédure de liquidation judiciaire grâce à la vente des actifs garantis (considérant 80 de la décision attaquée).

26      En premier lieu, s’agissant du critère du créancier privé, la Commission a notamment observé que l’applicabilité de ce critère dépendait de ce que l’État membre concerné accordât un avantage économique à une entreprise autrement qu’en sa qualité de puissance publique et que, si l’État membre invoquait ce critère au cours de la procédure administrative, il lui incombait, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre était liée à sa qualité d’opérateur économique privé sur le marché. Elle a fait référence, à cet égard, à l’arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, Rec, EU:C:2012:318, points 81 à 85) (considérant 82 de la décision attaquée).

27      Au considérant 83 de la décision attaquée, la Commission a relevé ce qui suit :

« En résumé, la République slovaque indique qu’à son sens, la mesure concernée constitue une aide d’État. Elle reconnaît qu’au moment du concordat, la question de l’aide d’État n’avait tout simplement pas été envisagée et elle avait demandé que la mesure en cause soit considérée comme une aide au sauvetage. Il semble par conséquent que les exigences de la jurisprudence citée n’ont, en l’espèce, pas été respectées et que la mesure contestée constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, […] TFUE. »

28      En second lieu, après avoir observé, au considérant 84 de la décision attaquée, que, « [e]n l’espèce, [la requérante] a[vait] affirmé que la mesure n’[était] pas une aide et produit les documents mentionnés, en particulier les rapports des deux auditeurs », la Commission a vérifié si la République slovaque s’était comportée, à l’égard de la requérante, comme un créancier privé.

29      À cet effet, la Commission a, premièrement, comparé, au regard des preuves présentées par la requérante, les procédures de concordat et de liquidation judiciaire (considérants 88 à 119 de la décision attaquée), deuxièmement, comparé les procédures de concordat et d’exécution fiscale (considérants 120 à 127 de la décision attaquée) et, troisièmement, apprécié les autres preuves produites par les autorités slovaques et la requérante (considérants 128 à 138 de la décision attaquée). En substance, la Commission a estimé que tant la procédure de liquidation judiciaire que celle d’exécution fiscale étaient, du point de vue de l’administration fiscale locale, des alternatives plus avantageuses que la proposition de concordat (considérants 119, 124 et 127 de la décision attaquée).

30      La Commission a conclu, au considérant 139 de la décision attaquée, que le critère du créancier privé n’était pas satisfait et que la République slovaque avait conféré à la requérante un avantage que celle‑ci n’aurait pu obtenir dans des conditions de marché. Au considérant 140 de ladite décision, elle a conclu que l’annulation de la dette approuvée par l’autorité fiscale locale dans le cadre du concordat constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Enfin, au considérant 182 de cette même décision, la Commission a conclu que cette aide d’État n’était pas compatible avec le marché intérieur.

31      Le dispositif de la décision attaquée comporte cinq articles.

32      Selon l’article 1er de la décision attaquée, « [l]a décision [initiale] est annulée » (voir point 22 ci‑dessus).

33      Selon l’article 2 de la décision attaquée, l’aide d’État mise à exécution par la République slovaque en faveur de la requérante, d’un montant de 416 515 990 SKK, est incompatible avec le marché intérieur.

34      À l’article 3 de la décision attaquée, la Commission ordonne à la République slovaque la récupération de l’aide en cause, accordée illégalement à la requérante, majorée d’intérêts de retard.

35      Selon l’article 4 de la décision attaquée, la République slovaque est tenue d’informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, des mesures qu’elle a prises pour s’y conformer.

36      Conformément à l’article 5 de la décision attaquée, la République slovaque est la destinataire de cette dernière.

37      La requérante a reçu un exemplaire de la décision attaquée, de la part des autorités slovaques, le 24 octobre 2013.

38      Le 14 juin 2014, la décision attaquée a été publiée au Journal officiel.

 Procédure et conclusions des parties

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2014, la requérante a introduit le présent recours.

40      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2014, la requérante a introduit une demande en référé tendant, en substance, à obtenir le sursis à l’exécution de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et de l’article 4 de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 6 mai 2014 et les dépens ont été réservés.

41      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2014, la requérante a introduit une nouvelle demande en référé tendant, en substance, à obtenir le sursis à l’exécution de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et de l’article 4 de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 18 septembre 2014 et les dépens ont été réservés.

42      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, a invité la requérante à déposer certains documents et a posé à la Commission une question écrite. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

43      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 septembre 2015.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

46      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens. En substance, ceux‑ci sont tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une erreur de droit entachant le considérant 83 de la décision attaquée, le troisième, d’erreurs de fait et de droit entachant la conclusion selon laquelle la procédure de liquidation judiciaire était plus avantageuse que la procédure de concordat et, le quatrième, d’erreurs de fait et de droit entachant la conclusion selon laquelle la procédure d’exécution fiscale était plus avantageuse que la procédure de concordat.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

47      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir violé les droits de la défense à son égard et à l’égard de la République slovaque. Elle fait notamment valoir que la Commission aurait dû l’entendre sur certains éléments du dossier à la suite de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), ainsi que sur certains éléments de cet arrêt et aurait dû entendre les parties intéressées et la République slovaque sur les appréciations juridiques et les considérations émises dans la décision attaquée. Dans la réplique, la requérante ajoute que le présent moyen devrait être compris plus largement comme mettant en cause une violation des formes substantielles, que le juge devrait examiner d’office, dès lors que la Commission a refusé, lors de l’adoption de la décision attaquée, de recueillir toutes les informations pertinentes et s’est limitée, comme elle l’a admis dans le mémoire en défense, aux seules informations dont elle disposait lors de l’adoption de la décision initiale.

48      La Commission conteste le bien‑fondé de l’ensemble de ces arguments.

49      Il y a lieu d’examiner successivement les allégations de la requérante tirées d’une violation des droits de la défense et d’une violation des formes substantielles.

50      Dans un premier temps, et en premier lieu, la requérante allègue une violation des droits de la défense à son égard.

51      Selon une jurisprudence bien établie, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union européenne et doit être assuré même en l’absence d’une réglementation spécifique. Ce principe exige que la personne concernée ait été mise en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec, EU:C:1986:302, point 27 ; du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, Rec, EU:T:2008:262, point 169 ; du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, Rec, EU:T:2009:505, point 101, et du 12 mai 2011, Région Nord‑Pas‑de‑Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, Rec, EU:T:2011:209, point 70).

52      Toutefois, la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Les entreprises bénéficiaires des aides sont uniquement considérées comme étant des « intéressées » dans cette procédure. Elles ne sauraient prétendre elles‑mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec, EU:C:2002:524, points 81 et 83 ; Alitalia/Commission, point 51 supra, EU:T:2008:262, point 170, et EDF/Commission, point 51 supra, EU:T:2009:505, point 102).

53      C’est ainsi que la jurisprudence impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêts Alitalia/Commission, point 51 supra, EU:T:2008:262, point 172 et jurisprudence citée ; EDF/Commission, point 51 supra, EU:T:2009:505, point 103 et jurisprudence citée, et Région Nord‑Pas‑de‑Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, point 51 supra, EU:T:2011:209, point 74 et jurisprudence citée).

54      Il s’ensuit que la requérante ne saurait alléguer de violation de ses droits de la défense, étant donné que de tels droits ne lui sont aucunement reconnus dans le cadre de la procédure administrative en matière d’aides d’État. Cette conclusion s’impose même si l’État membre qui a octroyé l’aide d’État et la requérante, en tant que bénéficiaire de celle‑ci, peuvent avoir des intérêts divergents dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, arrêt EDF/Commission, point 51 supra, EU:T:2009:505, point 104).

55      En revanche, il y a lieu de vérifier si la requérante a été associée à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Alitalia/Commission, point 51 supra, EU:T:2008:262, point 173, et du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, EU:T:2014:235, point 206).

56      À cet égard, premièrement, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a le devoir de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée). En ce qui concerne ce devoir, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure, tout en précisant que cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein‑Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec, EU:T:2003:57, point 124 et jurisprudence citée ; arrêt Alitalia/Commission, point 51 supra, EU:T:2008:262, point 171).

57      En l’espèce, d’une part, il est constant que, à la suite de la publication, par la Commission, de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel, la requérante a présenté des observations par lettre du 24 octobre 2005 et a également soumis des observations orales le 28 mars 2006, c’est‑à‑dire préalablement à l’adoption de la décision initiale que la décision attaquée remplace. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas le fait qu’elle avait, avec la décision d’ouverture de la procédure formelle, une connaissance suffisante des éléments pertinents et était en mesure de présenter utilement ses observations à cet égard.

58      Il s’ensuit que, lors de la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision initiale, la Commission n’a pas méconnu les droits procéduraux de la requérante, ce que cette dernière ne conteste au demeurant pas.

59      D’autre part, il est également constant que la décision attaquée se fonde exclusivement sur les informations disponibles à la date d’adoption de la décision initiale, sur lesquelles la requérante a pu présenter ses observations ou qu’elle a elle‑même fournies dans ses observations. En particulier, la requérante, tout en faisant valoir que la Commission a introduit de nouveaux motifs et appréciations dans la décision attaquée, reconnaît néanmoins dans la réplique, et a confirmé à l’audience en réponse à une question du Tribunal, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal d’audience, que la Commission n’avait pris en considération aucune information autre que celles dont elle disposait lors de l’adoption de la décision initiale.

60      Partant, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait utiliser ces informations en vue de l’adoption de la décision attaquée sans être tenue, contrairement à ce que fait valoir la requérante, de recueillir de nouveau les observations de cette dernière.

61      Deuxièmement, il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, la procédure visant à remplacer un acte illégal peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procédure en remontant au‑delà de ce point précis (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec, EU:C:1998:533, point 31 ; du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec, EU:C:2000:531, point 82, et Alitalia/Commission, point 51 supra, EU:T:2008:262, points 99 et 142). Cette jurisprudence relative au remplacement d’un acte annulé par le juge de l’Union s’applique également, en l’absence de toute annulation de l’acte en cause par le juge, lors du retrait et du remplacement d’un acte illégal par son auteur (voir, en ce sens, arrêt Région Nord‑Pas‑de‑Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, point 51 supra, EU:T:2011:209, point 83).

62      Or, en l’espèce, d’une part, il est constant que, dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32, points 101 à 103), la Cour a considéré que la Commission, en ce qu’elle avait omis de tenir compte, dans le cadre de son appréciation du critère du créancier privé, de la durée de la procédure de liquidation judiciaire, avait commis une erreur manifeste d’appréciation ou que, pour autant que cet élément aurait été pris en considération par la Commission, celle‑ci n’avait pas motivé sa décision à suffisance de droit. En revanche, il ne ressort nullement de cet arrêt que la Cour ait remis en cause la procédure d’examen de la mesure litigieuse ni même l’exactitude des données de base recueillies au cours de celle‑ci.

63      D’autre part, il est également constant que, ainsi que cela ressort du considérant 10 de la décision attaquée, la Commission a adopté cette décision en vue de remédier aux vices constatés par la Cour et entachant la décision initiale. Ainsi, la décision attaquée contient, notamment, une appréciation de la durée de la procédure de liquidation judiciaire au titre de l’appréciation du critère du créancier privé.

64      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 61 ci‑dessus, la Commission n’était aucunement tenue de rouvrir la procédure formelle et de recueillir de nouveau les observations de la requérante.

65      Il s’ensuit que, en adoptant la décision attaquée sur la base des informations recueillies dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision initiale et sans recueillir de nouveau les observations de la requérante, la Commission n’a pas méconnu le droit de cette dernière d’être associée à ladite procédure.

66      Aucun des arguments avancés par la requérante n’est de nature à renverser cette conclusion.

67      Premièrement, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir donné la possibilité de prendre position sur les nouveaux éléments figurant dans la décision attaquée, sur l’incidence de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), sur la liquidation judiciaire de L., une société opérant dans le même secteur, et sur certains points de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498). Dans la réplique, elle ajoute que la Commission a omis de donner aux parties intéressées l’occasion de fournir les informations nécessaires pour déterminer si son interprétation du droit était applicable.

68      À cet égard, d’abord, d’une part, il convient de noter que, aux points 141, 145, 146, 148, 177, 180, 181, 190, 191 et 198 de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498), cités par la requérante, le Tribunal a, en substance, constaté l’insuffisance de certaines informations et allégations présentées par elle lors de la procédure administrative et l’absence d’obligation à charge de la Commission de solliciter des informations supplémentaires. D’autre part, il ressort du considérant 117 de la décision attaquée que la requérante n’avait pas démontré la similitude entre son propre cas et celui de L.

69      L’argumentation de la requérante revient ainsi en substance à reprocher à la Commission de ne pas avoir rouvert la procédure formelle d’examen et de ne pas l’avoir entendue sur tous les éléments d’information qu’elle avait fournis au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision initiale et qui auraient été jugés insuffisants par le Tribunal dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498), ou par la Commission dans la décision initiale. Or, une telle argumentation se heurte à la jurisprudence, rappelée au point 52 ci‑dessus, selon laquelle les intéressés, dont le bénéficiaire de l’aide, ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission. En effet, si cette argumentation était admise, elle aurait précisément pour effet d’instaurer un tel débat.

70      Ensuite, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir entendu les parties intéressées à propos de l’appréciation juridique et des considérations figurant dans la décision attaquée, il importe de noter qu’il a déjà été jugé qu’il ne ressort d’aucune disposition relative aux aides d’État ni de la jurisprudence que la Commission serait tenue d’entendre le bénéficiaire de ressources étatiques sur l’appréciation juridique qu’elle porte sur la mesure en cause ou serait tenue d’informer l’État membre concerné − et, a fortiori, le bénéficiaire de l’aide − de sa position avant d’adopter sa décision dès lors que les intéressés et l’État membre ont été mis en demeure de présenter leurs observations (arrêts du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec, EU:T:2004:222, point 198, et du 1er juillet 2010, Nuova Terni Industrie Chimiche/Commission, T‑64/08, EU:T:2010:270, point 168 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech‑Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec, EU:T:1999:7, points 230 et 231). Or, en l’espèce, il est constant que la Commission a mis la requérante en mesure de présenter ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle.

71      Enfin, pour ces mêmes considérations, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait omis de l’entendre au sujet de l’incidence de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), sur son analyse.

72      Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir omis de recueillir toutes les informations pertinentes en vue de l’adoption de la décision attaquée et de s’être limitée aux seules informations dont elle disposait lors de l’adoption de la décision initiale.

73      Certes, il convient de relever que, comme le fait valoir la requérante, la Cour a notamment jugé que, dans le cadre du contrôle des appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, le juge de l’Union doit contrôler si les éléments de preuve invoqués constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 76). Il est également exact que, selon la jurisprudence citée par la requérante, lorsqu’il apparaît que le critère du créancier privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’application de ce critère sont remplies (arrêt du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, EU:C:2013:186, point 33).

74      Toutefois, ces considérations s’inscrivent dans l’examen du bien‑fondé d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État. Ainsi, elles ont été formulées lors de l’examen de moyens soulevés dans le cadre de la procédure de pourvoi et ayant trait au bien‑fondé de l’appréciation, par le Tribunal, de moyens se rapportant à la légalité au fond des décisions litigieuses et, plus précisément, au critère du créancier privé. En revanche, la Cour ne s’est pas prononcée, dans les arrêts cités au point 73 ci‑dessus, sur la question différente de la régularité de la procédure d’adoption d’une telle décision au regard, en particulier, des droits procéduraux du bénéficiaire de l’aide.

75      Il s’ensuit que les arguments de la requérante résumés au point 72 ci‑dessus ont trait à la légalité au fond de la décision attaquée et ne sauraient établir une quelconque violation de ses droits procéduraux. Il en va de même du fait, à le supposer avéré, que l’examen initial de la Commission n’était pas fiable.

76      Troisièmement, la requérante allègue que, bien que les rôles de l’État membre concerné et du bénéficiaire de l’aide lors de la procédure formelle d’examen diffèrent, il conviendrait de veiller à ce que les arguments du bénéficiaire soient entendus par d’autres moyens lorsque l’État membre ne défend pas l’intérêt de celui‑ci.

77      Toutefois, d’une part, eu égard à la jurisprudence citée au point 54 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que le fait que l’État membre concerné ne défend pas l’intérêt du bénéficiaire de l’aide ne saurait être de nature à modifier le rôle de ce dernier lors de la procédure administrative ni la nature de sa participation à ladite procédure, au point de lui conférer, s’agissant des droits de la défense, des garanties comparables à celles de cet État membre.

78      D’autre part, s’agissant du droit du bénéficiaire de l’aide d’être associé à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce, il suffit de rappeler que la requérante a, en l’espèce, été mise en mesure de fournir toutes les informations qu’elle estimait pertinentes et utiles à la suite de la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel. Il ressort sans équivoque des observations présentées par la requérante à ce stade qu’elle avait connaissance du fait que les autorités slovaques ne contestaient pas les conclusions provisoires tirées dans ladite décision s’agissant de la qualification de la mesure en cause d’aide d’État. Elle était donc, en tout état de cause, en mesure de présenter ses observations en dépit de la divergence de positions.

79      Il découle des considérations qui précèdent que l’ensemble des arguments de la requérante tendant en substance à établir que la Commission aurait dû l’entendre à la suite de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), doivent être écartés. Il s’ensuit également qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument tiré de ce que, si elle avait pu présenter des observations supplémentaires, le contenu de la décision attaquée aurait pu être différent.

80      En second lieu, la requérante a confirmé, en réponse à une question du Tribunal à l’audience, qu’elle entendait également se prévaloir d’une violation des droits de la défense de la République slovaque, que la Commission aurait omis d’entendre à la suite de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), et sur les questions nouvelles soulevées dans la décision attaquée.

81      Selon la jurisprudence, la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par sa nature (voir arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec, EU:T:2004:221, point 425 et jurisprudence citée), laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui‑même (arrêt Nuova Terni Industrie Chimiche/Commission, point 70 supra, EU:T:2010:270, point 186 ; voir également, en ce sens, arrêt Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 70 supra, EU:T:2004:222, point 203).

82      Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation des droits de la défense dont aurait été victime la République slovaque.

83      Dans un second temps, il convient d’examiner l’allégation formulée dans la réplique selon laquelle le présent moyen devrait être compris plus largement comme mettant en cause une violation des formes substantielles, que le Tribunal devrait examiner d’office, dès lors que la Commission a admis dans le mémoire en défense qu’elle avait exclu de son analyse toutes les informations reçues après la procédure ayant mené à l’adoption de la décision initiale.

84      À cet égard, il convient de relever que, certes, la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, constitue un moyen d’ordre public, qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union (arrêt du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, Rec, EU:T:2013:645, point 70 ; voir également, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission, C‑192/13 P, Rec, EU:C:2014:2156, point 103, et du 22 octobre 2014, Espagne/Commission, C‑429/13 P, Rec, EU:C:2014:2310, point 34).

85      En revanche, un moyen portant sur la légalité au fond de la décision attaquée, qui relève de la violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, au sens de l’article 263 TFUE, ne peut en principe être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant (arrêts du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, Rec, EU:C:2013:812, point 28, et du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, EU:C:2014:175, point 18 ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 67).

86      En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort des points 73 à 75 ci‑dessus, la question de savoir si la Commission a tenu compte de l’ensemble des informations pertinentes en vue d’apprécier le critère du créancier privé relève de l’appréciation du bien‑fondé de la décision attaquée et non d’une quelconque violation des formes substantielles.

87      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter les arguments de la requérante tirés d’une violation des formes substantielles, sans même qu’il soit besoin d’apprécier leur recevabilité en ce qu’ils ont été avancés pour la première fois au stade de la réplique.

88      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit entachant le considérant 83 de la décision attaquée

89      Dans le cadre du deuxième moyen d’annulation, la requérante fait valoir que le considérant 83 de la décision attaquée est entaché d’une erreur de droit au motif, en substance, que la Commission a à tort déduit de l’arrêt Commission/EDF, point 26 supra (EU:C:2012:318, points 81 à 85), que le seul fait qu’un État membre ne prenne pas position sur l’aide au moment des faits ou qu’il demande que ladite mesure soit considérée comme une aide au sauvetage implique qu’il s’agisse nécessairement d’une aide d’État. À cet égard, premièrement, la requérante fait observer que la notion d’aide d’État est une notion objective et que des déclarations auxquelles consent l’État membre peuvent ne pas être fiables et ne sauraient être opposées à une partie intéressée contestant la qualification de la mesure en cause d’aide d’État. Deuxièmement, la question de savoir en quelle qualité la République slovaque a agi en l’espèce ne se poserait pas, étant donné que cette dernière ne pouvait agir qu’en qualité de créancier. Dès lors, se poserait seulement la question de savoir si, eu égard notamment aux critères énoncés aux points 70 à 73 de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), la requérante n’aurait manifestement pas pu obtenir l’avantage en cause de la part d’un créancier privé. Troisièmement, la Commission ne disposerait d’aucune preuve selon laquelle l’autorité fiscale locale n’avait pas traité la dette fiscale en cause en qualité de créancier en cherchant à optimiser le montant susceptible d’être recouvré. Or, selon la requérante, seule la décision de cette autorité et non l’appréciation des autorités slovaques, telle que rapportée au considérant 83 de la décision attaquée, est pertinente à cet égard. Quatrièmement, la requérante allègue qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission estime à tort qu’il incombe à l’État membre d’invoquer le critère du créancier privé.

90      La Commission conteste le bien‑fondé de ces arguments au motif, en substance, que le considérant 83 de la décision attaquée est conforme à la jurisprudence relative à l’applicabilité du critère du créancier privé et que, en tout état de cause, elle a examiné les informations à sa disposition afin d’apprécier si les conditions relatives à l’application de ce critère étaient réunies en l’espèce. Premièrement, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, l’applicabilité du critère du créancier privé dépend de la qualité en laquelle l’État membre concerné accorde un avantage économique à une entreprise, étant précisé qu’il incombe audit État d’invoquer et d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables qu’il a pris sa décision en qualité d’opérateur économique et non de puissance publique. Selon la Commission, s’il convenait d’admettre que le bénéficiaire d’une aide pouvait invoquer le critère du créancier privé, cette jurisprudence s’appliquerait de la même manière et à plus forte raison. Deuxièmement, l’argumentation de la requérante serait fondée sur l’hypothèse erronée selon laquelle le critère du créancier privé peut être appliqué sans que son applicabilité soit préalablement établie, compte tenu de l’intention de l’État membre d’agir en tant qu’opérateur privé. Or, en l’espèce, la République slovaque aurait fourni des éléments tendant à écarter l’applicabilité de ce critère. Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante tirés d’une divergence de positions entre les autorités slovaques et l’autorité fiscale locale, la Commission rappelle que seul l’État membre est partie à la procédure d’examen des aides d’État.

91      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

92      La notion d’aide comprend non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêts du 1er décembre 1998, Ecotrade, C‑200/97, Rec, EU:C:1998:579, point 34 ; Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 69, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 30).

93      Toutefois, les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’« aide » au sens de l’article 107 TFUE ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 70, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 78 et jurisprudence citée).

94      Cette appréciation s’effectue, lorsqu’un créancier public octroie des facilités de paiement pour une dette qui lui est due par une entreprise, par application, en principe, du critère du créancier privé. En effet, ce critère, lorsqu’il est applicable, figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une telle aide (arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 71, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêts du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, Rec, EU:C:1999:210, point 46, et du 29 juin 1999, DM Transport, C‑256/97, Rec, EU:C:1999:332, point 24).

95      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le contexte du critère de l’investisseur privé en économie de marché, la Cour a jugé que l’applicabilité de ce critère dépendait, en définitive, de ce que l’État membre concerné accordât en sa qualité d’actionnaire, et non pas en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise lui appartenant (arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 81).

96      De manière analogue, il y a lieu de considérer que l’applicabilité du critère du créancier privé dépend, en définitive, de ce que l’État membre concerné accorde autrement qu’en sa qualité de puissance publique un avantage économique à une entreprise (voir, en ce sens, arrêt EDF/Commission, point 51 supra, EU:T:2009:505, point 224). En effet, selon la jurisprudence, lorsqu’une autorité publique octroie des facilités de paiement pour une dette qui lui est due par une entreprise, son comportement doit être comparé à celui d’un créancier privé cherchant à obtenir le paiement de sommes qui lui sont dues par un débiteur connaissant des difficultés financières (arrêts du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec, EU:T:2002:188, point 167, et du 17 mai 2011, Buczek Automotive/Commission, T‑1/08, Rec, EU:T:2011:216, point 70 ; voir également, en ce sens, arrêts Espagne/Commission, point 94 supra, EU:C:1999:210, point 46, et DM Transport, point 94 supra, EU:C:1999:332, point 24). Dans ce type de situations, le critère de l’opérateur privé et, partant, du créancier privé est pertinent, parce que le comportement de l’État est susceptible d’être adopté, du moins en principe, par un opérateur privé dans un but lucratif (voir, en ce sens, arrêt EDF/Commission, point 51 supra, EU:T:2009:505, point 224).

97      Dans le contexte du critère de l’investisseur privé en économie de marché, la Cour a par ailleurs jugé que, si un État membre invoque, au cours de la procédure administrative, ledit critère, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’actionnaire (arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 82). Ces éléments doivent faire apparaître clairement que l’État membre concerné a pris, préalablement ou simultanément à l’octroi de l’avantage économique en cause, la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement dans l’entreprise publique contrôlée (voir arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 83 et jurisprudence citée). Peuvent notamment être requis, à cet égard, des éléments faisant apparaître que cette décision est fondée sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement (arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 84). En revanche, des évaluations économiques établies après l’octroi dudit avantage, le constat rétrospectif de la rentabilité effective de l’investissement réalisé par l’État membre concerné ou des justifications ultérieures du choix du procédé effectivement retenu ne sauraient suffire à établir que cet État membre a pris, préalablement ou simultanément à cet octroi, une telle décision en sa qualité d’actionnaire (voir arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 85 et jurisprudence citée).

98      Selon cette jurisprudence, si l’État membre concerné fait parvenir à la Commission des éléments de la nature requise, il appartient à cette dernière d’effectuer une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis par cet État membre, tout autre élément pertinent lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortit à la qualité d’actionnaire ou à celle de puissance publique dudit État membre (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 86).

99      Dans la décision attaquée, la Commission a rappelé que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle avait exprimé des doutes quant au fait que la République slovaque se soit comportée envers la requérante comme un créancier privé (considérant 78 de la décision attaquée). Tout en notant que les conditions du concordat étaient identiques pour les créanciers privés et pour l’autorité fiscale locale (considérant 79 de la décision attaquée), elle a fait observer que la position de créancier de cette autorité était inhabituellement forte. Elle en a déduit que, « [p]ar conséquent, il [était] nécessaire d’examiner si l’autorité fiscale a[vait] utilisé tous les moyens à sa disposition pour obtenir le taux de recouvrement de ses créances le plus élevé possible, comme le ferait un créancier en économie de marché » (considérant 80 de la décision attaquée).

100    À cette fin, la Commission a notamment rappelé, aux considérants 81 et 82 de la décision attaquée, la jurisprudence relative à l’application du critère du créancier privé, citée en substance aux points 93 et 94 ci‑dessus, et à l’applicabilité de ce critère, par analogie avec la jurisprudence rappelée aux points 95 et 97 ci‑dessus. Par la suite, après avoir relevé ce qui suit aux considérants 83 et 84 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application de ce critère :

« (83)      En résumé, la République slovaque indique qu’à son sens, la mesure concernée constitue une aide d’État. Elle reconnaît qu’au moment du concordat, la question de l’aide d’État n’avait tout simplement pas été envisagée et elle avait demandé que la mesure en cause soit considérée comme une aide au sauvetage. Il semble par conséquent que les exigences de la jurisprudence citée n’ont, en l’espèce, pas été respectées et que la mesure contestée constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, […] TFUE.

(84)      En l’espèce, [la requérante] a affirmé que la mesure n’[était] pas une aide et produit les documents mentionnés, en particulier les rapports des deux auditeurs. »

101    En premier lieu, il convient de relever qu’il découle de la décision attaquée que, contrairement à la lecture suggérée par la Commission dans ses écritures et à l’audience, cette institution a en substance considéré le critère du créancier privé comme étant applicable. Cette lecture s’impose en particulier au regard des considérants 78 et 80 de la décision attaquée, tels qu’exposés au point 99 ci‑dessus. Elle s’impose également au regard du considérant 84 de la décision attaquée, dans lequel la Commission fait état de l’invocation de ce critère par la requérante elle‑même, cette dernière ayant produit des documents à ce titre, avant que la Commission ne décide d’appliquer ce critère au fond.

102    Cette lecture de la décision attaquée n’est pas remise en cause par le considérant 83 de la décision attaquée. En effet, la référence, dans ce considérant, à la « jurisprudence citée » peut, du fait de sa généralité et de son imprécision, viser tant la jurisprudence relative à l’applicabilité du critère du créancier privé que celle relative à l’application de ce critère, respectivement exposées aux considérants 82 et 81 de la décision attaquée. Autrement dit, la conclusion de la Commission selon laquelle « [i]l semble par conséquent que les exigences de la jurisprudence citée n’ont, en l’espèce, pas été respectées et que la mesure contestée constitue une aide d’État » peut être comprise non seulement en ce sens que le critère du créancier privé n’était pas applicable, comme l’allègue à présent la Commission, mais encore en ce sens que, compte tenu des éléments fournis par la République slovaque, ses conditions d’application n’étaient pas réunies. Eu égard aux considérations émises au point 101 ci‑dessus, cette dernière lecture s’impose, contrairement à la position défendue par la Commission.

103    Or, s’il est exact que la Commission ne pouvait, au considérant 83 de la décision attaquée, tirer de la seule qualification de la mesure en cause d’aide d’État par la République slovaque la conclusion que cette mesure constituait effectivement une telle aide, il n’en demeure pas moins qu’elle a en tout état de cause apprécié le critère du créancier privé au fond et examiné l’ensemble des conditions constitutives d’une aide d’État.

104    Il s’ensuit que le présent moyen, qui est dirigé contre la conclusion selon laquelle la mesure en cause doit être qualifiée d’aide d’État dès lors que la République slovaque l’avait suggéré, est inopérant. Cette conclusion s’impose sans même qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments, résumés au point 89 ci‑dessus, que la requérante a soulevés en particulier en réponse aux arguments de la Commission. Ces arguments tendent en effet à démontrer l’existence d’une erreur de droit entachant le considérant 83 de la décision attaquée et sont sans incidence sur le caractère inopérant de cette erreur.

105    Il s’ensuit également que le Tribunal ne saurait, comme l’y invite en substance la Commission dans le cadre tant de l’examen du deuxième moyen que de celui des troisième et quatrième moyens, qui portent sur l’application du critère du créancier privé, constater l’inapplicabilité de ce critère en l’espèce. Un tel constat le conduirait, en effet, à substituer son appréciation à celle de la Commission.

106    Or, selon la jurisprudence, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, le Tribunal est compétent pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité FUE ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir. L’article 264 TFUE prévoit que, si le recours est fondé, l’acte contesté est déclaré nul et non avenu. Le Tribunal ne peut donc, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée, et du 28 février 2013, Portugal/Commission, C‑246/11 P, EU:C:2013:118, point 85 et jurisprudence citée).

107    En second lieu, il importe d’ajouter que, à supposer que le considérant 83 de la décision attaquée doive être compris en ce sens que, comme elle l’affirme à présent, la Commission a écarté l’applicabilité du critère du créancier privé en l’espèce, ce considérant serait entaché d’une erreur de droit, laquelle serait, toutefois, inopérante au regard de la légalité de la décision attaquée pour les motifs exposés aux points 103 et 104 ci‑dessus et au point 127 ci‑après.

108    À cet égard, il convient de relever que, par analogie avec la jurisprudence citée au point 97 ci‑dessus, si un État membre invoque, au cours de la procédure administrative, le critère du créancier privé, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables, tels que ceux visés audit point, que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’opérateur privé.

109    Il convient toutefois de noter qu’il ne découle pas de cette jurisprudence que, lorsque l’État membre concerné ne se prévaut pas du critère du créancier privé et considère que la mesure en cause constitue une aide d’État, la Commission peut, pour ce seul motif, se dispenser de tout examen dudit critère ou le tenir pour inapplicable. Au contraire, le critère du créancier privé peut être invoqué par le bénéficiaire de l’aide.

110    En effet, d’abord, selon la jurisprudence, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre concerné et aux bénéficiaires de la mesure considérée de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que la mesure en cause ne constitue pas une aide ou qu’elle est compatible avec le marché intérieur, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire (voir arrêts du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec, EU:T:2008:537, point 208 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, Rec, EU:T:2011:493, point 246 et jurisprudence citée).

111    Or, le critère du créancier privé ne constitue pas une exception ne s’appliquant que sur la demande d’un État membre, lorsque les éléments constitutifs de la notion d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur, figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont réunis. En effet, il ressort du point 94 ci‑dessus que ce critère, lorsqu’il est applicable, figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une telle aide (voir, par analogie, arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 103).

112    Il s’ensuit que, outre le fait que, eu égard à la jurisprudence citée au point 111 ci‑dessus, la possibilité d’invoquer le critère du créancier privé n’est aucunement réservée au seul État membre concerné, une interprétation de la jurisprudence selon laquelle le bénéficiaire de l’aide serait empêché de se prévaloir du critère du créancier privé au seul motif que l’État membre concerné n’a ni invoqué ce critère ni même contesté la qualification de la mesure en cause d’aide d’État serait incompatible avec la jurisprudence rappelée au point 110 ci‑dessus, selon laquelle le bénéficiaire peut faire valoir ses arguments tendant à démontrer que la mesure en cause ne constitue pas une aide d’État.

113    Ensuite, au point 61 de l’arrêt du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission (C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, Rec, EU:C:2013:682), la Cour a observé que, dans cette affaire, ni au cours de la procédure administrative ni devant le Tribunal, l’autorité qui avait accordé un avantage économique, l’État membre concerné et le bénéficiaire de l’aide n’avaient invoqué des éléments faisant apparaître que la mesure en cause était fondée sur des évaluations économiques réalisées par ladite autorité en vue de déterminer sa rentabilité, ce dont il peut être déduit que, outre l’État membre concerné, le bénéficiaire d’une aide peut se prévaloir du critère du créancier privé en établissant, le cas échéant, que la mesure en cause a été décidée par ledit État en sa qualité d’opérateur économique.

114    Enfin, il convient de relever que la jurisprudence exposée aux points 97 et 108 ci‑dessus doit être lue dans le contexte des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/EDF, point 26 supra (EU:C:2012:318, point 82), à savoir l’invocation du critère de l’investisseur privé en économie de marché par l’État membre lui‑même. La Cour n’ayant pas été saisie de la question de savoir si le bénéficiaire pouvait se prévaloir dudit critère lorsque l’État membre concerné alléguait que la mesure en cause devait être qualifiée d’aide d’État, il ne saurait être déduit de cet arrêt que seul cet État membre peut valablement invoquer ledit critère.

115    Néanmoins, il y a lieu de relever que, à l’instar de l’État membre qui se prévaut du critère du créancier privé, lorsque le bénéficiaire de l’aide l’invoque, il lui appartient, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à la qualité d’opérateur économique dudit État membre.

116    En l’espèce, la République slovaque n’a certes pas invoqué le critère du créancier privé et a suggéré de qualifier la mesure en cause d’aide d’État. Cependant, la requérante s’est prévalue de ce critère au cours de la procédure formelle d’examen et a, comme cela ressort du considérant 84 de la décision attaquée, produit des documents à l’appui de cette allégation, dont en particulier les rapports de deux auditeurs.

117    Dans ces conditions, d’une part, eu égard en particulier au point 112 ci‑dessus, la Commission ne saurait déduire du seul fait que l’État membre estimait que la mesure litigieuse constituait une aide d’État et ne s’est pas prévalu du critère du créancier privé que ce critère était en l’espèce inapplicable.

118    D’autre part, eu égard à la jurisprudence exposée aux points 95, 97 et 98 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que, dès lors que la requérante s’était prévalue dudit critère et avait produit des documents à cet effet, il appartenait à la Commission de vérifier si lesdits documents correspondaient aux exigences énoncées par ladite jurisprudence et, dans l’affirmative, de procéder à une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis, tout autre élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortissait à la qualité d’opérateur économique ou à celle de puissance publique de l’État membre en cause. Or, s’il est exact que la Commission a, aux considérants 47 et 107 de la décision attaquée, constaté que, contrairement à ce que faisait valoir la requérante, il n’était pas établi que le rapport E avait été mis à la disposition de l’autorité fiscale locale avant l’acceptation, par celle‑ci, du concordat, force est de constater que la Commission ne s’est pas prononcée sur les caractéristiques desdits documents et n’a pas procédé à ladite appréciation globale aux fins de déterminer l’applicabilité du critère en l’espèce.

119    À titre surabondant, il importe en toute hypothèse de noter que l’arrêt Commission/EDF, point 26 supra (EU:C:2012:318, points 81 à 85), qui a clarifié les conditions d’applicabilité du critère de l’investisseur privé en économie de marché et sur lequel la Commission fonde son allégation selon laquelle le critère du créancier privé n’est, en l’espèce, pas applicable, a été prononcé le 5 juin 2012, soit un mois avant l’audience qui s’est tenue, le 5 juillet 2012, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32). Il est constant par ailleurs que, dans ce dernier arrêt, la Cour a tenu compte de certains enseignements tirés de l’arrêt Commission/EDF, point 26 supra (EU:C:2012:318).

120    Certes, dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), la Cour ne s’est pas explicitement prononcée sur l’applicabilité du critère du créancier privé, comme l’a en substance fait valoir la Commission. En outre, d’après les indications fournies par cette dernière, cette question n’avait pas été abordée lors du pourvoi.

121    Toutefois, il est constant que, aux points 68 à 91 et 100 à 104 de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), la Cour a statué sur le bien‑fondé de l’appréciation, par le Tribunal et par la Commission, des conditions d’application du critère du créancier privé, respectivement, dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498), et dans la décision initiale.

122    Or, l’applicabilité du critère du créancier privé est un préalable nécessaire à son application, ainsi que cela ressort par ailleurs du point 71 de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), dans lequel la Cour a relevé que ledit critère, lorsqu’il est applicable, figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une aide.

123    Partant, dès lors que la Cour a procédé à l’appréciation des conditions d’application du critère du créancier privé, il y a lieu de considérer qu’elle a implicitement mais nécessairement considéré ce critère comme étant applicable.

124    D’une part, cette conclusion s’impose d’autant plus que, tandis que la Commission avait, dans la décision initiale, constaté que les conditions d’application du critère du créancier privé n’étaient pas réunies et que le Tribunal avait écarté au fond des moyens et arguments dirigés contre une partie du raisonnement sous‑tendant ce constat, la Cour – statuant après annulation de l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 20 supra (EU:T:2010:498), sur le litige en première instance conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice – a en substance jugé que l’appréciation dudit critère dans la décision initiale était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ou, à tout le moins, d’une insuffisance de motivation (arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, points 101 à 103).

125    D’autre part, la conclusion tirée au point 123 ci‑dessus s’impose indépendamment du fait que, selon les indications données par la Commission, l’applicabilité du critère du créancier privé n’avait pas été contestée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32). En effet, selon une jurisprudence constante, tout en ne devant statuer que sur la demande des parties, auxquelles il appartient de délimiter le cadre du litige, le juge de l’Union ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles‑ci au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées (ordonnances du 27 septembre 2004, UER/M6 e.a., C‑470/02 P, EU:C:2004:565, point 69 ; du 13 juin 2006, Mancini/Commission, C‑172/05 P, RecFP, EU:C:2006:393, point 41, et arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec, EU:C:2010:541, point 65). Il s’ensuit que, pour éviter de fonder son arrêt, par lequel elle a en substance invalidé une partie du raisonnement appuyant la conclusion selon laquelle les conditions d’application du critère du créancier privé n’étaient pas remplies et laquelle présuppose l’applicabilité de ce critère, sur des considérations juridiques erronées, la Cour aurait, même en l’absence de toute contestation, pu constater son inapplicabilité. La Cour ne l’ayant pas fait, il y a lieu de considérer qu’elle a entendu entériner l’applicabilité de ce critère en l’espèce.

126    Dès lors, s’il convenait d’écarter à présent, comme le suggère la Commission, l’applicabilité du critère du créancier privé aux circonstances de la présente affaire, l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), serait méconnue.

127    Il s’ensuit que l’argumentation de la Commission tendant à démontrer l’inapplicabilité du critère du créancier privé ne saurait prospérer. Partant, pour autant que le considérant 83 de la décision attaquée contienne la conclusion selon laquelle ledit critère est inapplicable en l’espèce, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit. Toutefois, dès lors que la Commission a examiné ce critère au fond, cette erreur ne serait pas, à elle seule, de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée.

128    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen soulevé par la requérante comme étant inopérant.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit entachant la conclusion selon laquelle la procédure de liquidation judiciaire était plus avantageuse que la procédure de concordat

129    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle un créancier privé aurait opté pour la procédure de liquidation judiciaire et non pour le concordat. Ce moyen est sous‑divisé en six séries d’arguments, qui ont trait, la première, à une critique générale de l’approche de la Commission, la deuxième, à l’évaluation par la Commission du produit de la vente des actifs de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire, les troisième à cinquième, à la durée de la procédure de liquidation judiciaire et, la sixième, à une erreur entachant le considérant 92 de la décision attaquée.

 Rappels liminaires de jurisprudence

130    Avant d’examiner le bien‑fondé de l’appréciation comparative des procédures de liquidation judiciaire et de concordat par la Commission à la lumière des arguments de la requérante, il convient de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence pertinente relative à l’application du critère du créancier privé, à la répartition de la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application de ce critère et au contrôle juridictionnel de l’appréciation du même critère.

131    En premier lieu, ainsi que cela a été relevé aux points 92 à 94 du présent arrêt, la notion d’aide comprend des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise. Toutefois, les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’aide ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, cette appréciation s’effectuant, en principe, lorsqu’un créancier public octroie à une entreprise des facilités de paiement d’une dette, par application à l’égard dudit créancier du critère du créancier privé.

132    De telles facilités de paiement constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE si, compte tenu de l’importance de l’avantage économique ainsi octroyé, l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un créancier privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur connaissant des difficultés financières (voir arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 72 et jurisprudence citée, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 46 et jurisprudence citée).

133    Il appartient donc à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel créancier privé (arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 73, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 47 ; voir également, par analogie, arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 86).

134    À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un créancier privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur aux prises avec des difficultés de paiement (arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 78, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 54).

135    En outre, il ressort de la jurisprudence que, lorsque, comme en l’espèce, aux fins d’obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, un créancier privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle des autorités slovaques devait choisir entre plusieurs procédures, en vue d’identifier l’alternative la plus avantageuse, il devait évaluer les avantages et désavantages de chacune desdites procédures (voir, en ce sens, arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, points 79 et 80, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 56).

136    Ce choix du créancier privé est influencé par une série de facteurs, tels que sa qualité de créancier hypothécaire, privilégié ou ordinaire, la nature et l’étendue des sûretés éventuelles qu’il détient, son appréciation des chances de redressement de l’entreprise ainsi que le bénéfice qui lui reviendrait en cas de liquidation (arrêts HAMSA/Commission, point 96 supra, EU:T:2002:188, point 168, et Buczek Automotive/Commission, point 96 supra, EU:T:2011:216, point 84 ; voir également, en ce sens, arrêt Rousse Industry/Commission, point 85 supra, EU:C:2014:175, point 61), de même que les risques de voir ses pertes encore accrues (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, Rec, EU:T:2007:253, point 283). Le processus décisionnel du créancier privé est également susceptible d’être influencé, de manière non négligeable, par la durée des procédures, ajournant la récupération des sommes dues et pouvant ainsi affecter, en cas de longues procédures, notamment, leur valeur (arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 81).

137    Il s’ensuit que la Commission devait en l’espèce déterminer si, compte tenu de ces facteurs, aux fins d’obtenir le paiement des sommes qui lui étaient dues, un créancier privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle des autorités slovaques n’aurait manifestement pas accepté la proposition de concordat (voir, en ce sens, arrêt Buczek Automotive/Commission, point 96 supra, EU:T:2011:216, point 85). À cet effet, en vue d’identifier l’alternative la plus avantageuse, elle devait comparer, en fonction des intérêts d’un créancier privé, les avantages et désavantages de chacune desdites procédures (voir, en ce sens, arrêt Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 57).

138    En deuxième lieu, s’agissant de la détermination de la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère du créancier privé, premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque, dans le contexte du critère du créancier privé, elle procède à l’appréciation globale visée au point 133 ci‑dessus, la Commission tient compte, outre des éléments fournis par l’État membre concerné, de tout autre élément pertinent en l’espèce (voir, en ce sens et par analogie, la jurisprudence citée au point 98 ci‑dessus). Ainsi, lorsqu’il apparaît que le critère du créancier privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à cet État membre de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’application de ce critère sont remplies (arrêt Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 33).

139    Il s’ensuit que la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère du créancier privé pèse sur la Commission (voir, en ce sens, arrêt Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 34). Il en va d’autant plus ainsi lorsque la décision attaquée est fondée non pas sur un défaut de production d’éléments qui avaient été demandés par la Commission à l’État membre concerné, mais sur le constat qu’un créancier privé ne se serait pas comporté de la même manière que les autorités dudit État membre, constatation qui suppose que la Commission a disposé de tous les éléments pertinents nécessaires à l’élaboration de sa décision (voir, en ce sens, arrêt Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 35).

140    Deuxièmement, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée par la Commission qu’il ne saurait être reproché à cette institution de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec, EU:T:2004:4, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 85 supra, EU:C:1998:154, point 60).

141    Toutefois, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec, EU:C:2010:480, point 90 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 85 supra, EU:C:1998:154, point 62).

142    En outre, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt Commission/Scott, point 141 supra, EU:C:2010:480, point 91 et jurisprudence citée).

143    À cet égard, il ressort en substance de la jurisprudence que la Commission peut ignorer des éléments d’information qui ne lui ont pas été fournis au cours de la procédure administrative dès lors qu’elle peut valablement considérer qu’elle bénéficie d’informations plus fiables ou que lesdits éléments d’information ne sont pas pertinents (voir, en ce sens, arrêt Commission/Scott, point 141 supra, EU:C:2010:480, points 95 à 98).

144    En troisième lieu, il importe de noter que l’examen par la Commission de la question de savoir si des mesures déterminées peuvent être qualifiées d’aides d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un créancier privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec, EU:C:2007:698, point 59 ; Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 74, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 48).

145    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 75, et Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Scott, point 141 supra, EU:C:2010:480, points 64 et 66 et jurisprudence citée).

146    Ainsi, dans la mesure où l’application, par la Commission, du critère du créancier privé en économie de marché implique des appréciations économiques complexes, elle fait, en vertu d’une jurisprudence constante, l’objet d’un contrôle restreint à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Lenzing, point 144 supra, EU:C:2007:698, points 59 à 61).

147    Toutefois, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts Commission/Scott, point 141 supra, EU:C:2010:480, point 65 et jurisprudence citée, et Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt Commission/Buczek Automotive, point 73 supra, EU:C:2013:186, point 50).

148    C’est à la lumière des principes rappelés dans la jurisprudence mentionnée ci‑dessus qu’il convient d’examiner, à titre principal, le bien‑fondé de la décision attaquée au regard des arguments de la requérante.

149    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 119 de la décision attaquée, la Commission a conclu qu’un créancier privé n’aurait pas accepté la proposition de concordat. Cette conclusion est fondée sur une appréciation du montant probable que l’autorité fiscale locale aurait pu obtenir dans le cadre d’une procédure de liquidation et de la durée de cette procédure en comparaison avec le montant proposé dans le cadre du concordat.

150    Ainsi, d’une part, la Commission a en substance estimé que le montant probable que l’autorité fiscale locale aurait pu obtenir dans le cadre d’une procédure de liquidation aurait été considérablement plus élevé que celui obtenu dans le cadre du concordat. En effet, après avoir ajusté les évaluations effectuées dans le rapport E, évalué le produit probable d’une vente des actifs de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire et déduit de ce dernier montant les coûts d’une telle procédure, la Commission a estimé, aux considérants 104 et 105 de la décision attaquée, que, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, ladite autorité aurait pu obtenir une somme de 356,7 millions de SKK, soit 132,4 millions de SKK de plus que la somme proposée dans le cadre du concordat (224,3 millions de SKK). En outre, la Commission a ajouté, au considérant 106 de la décision attaquée, que, « même si » la méthode d’évaluation du rapport E devait être retenue, cette autorité aurait pu obtenir, lors d’une liquidation judiciaire, un montant de 225,5 millions de SKK, qui demeure supérieur au montant obtenu dans le cadre du concordat.

151    D’autre part, s’agissant de la durée de la procédure de liquidation judiciaire, premièrement, la Commission a estimé, aux considérants 109 à 112 de la décision attaquée, que cette durée n’aurait pas eu d’influence significative sur la décision d’un créancier privé, étant donné, en substance, que l’autorité fiscale locale en tant que créancier privilégié aurait pu être remboursée à tout moment pour un montant d’au moins 194 millions de SKK du fait de la vente des actifs immobilisés donnés en garantie. Deuxièmement, aux considérants 113 à 118 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins évalué, d’une part, la durée probable d’une procédure de liquidation judiciaire, en estimant que celle‑ci serait probablement plus brève que la durée moyenne d’une telle procédure, et, d’autre part, son incidence sur le montant susceptible d’être reçu par le créancier au terme d’une telle procédure (356,7 millions de SKK après déduction des frais de la procédure), étant précisé que, à ce dernier titre, selon la Commission, du fait de l’importance du produit probable de la vente des actifs en question, même une durée de quatre à cinq ans ne jouerait aucun rôle significatif dans la décision du créancier privé.

152    En substance et sans préjudice du bien‑fondé des appréciations effectuées par la Commission, il apparaît ainsi que cette dernière a, comme le requiert la jurisprudence citée aux points 133 à 137 ci‑dessus, procédé à l’analyse des avantages et inconvénients de la procédure de liquidation judiciaire en comparaison avec la procédure de concordat en tenant compte, notamment, du produit probable d’une vente des actifs de la requérante dans le cadre de la première procédure et de l’incidence de la durée probable de celle‑ci, ainsi que de la qualité de créancier privilégié de l’autorité fiscale locale.

153    La requérante fait toutefois valoir en substance que cette analyse est erronée et non étayée par des éléments de preuve suffisants. En particulier, tout d’abord, elle critique l’approche générale de la Commission et conteste le considérant 92 de la décision attaquée (première et sixième séries d’arguments). Ensuite, elle remet en cause l’appréciation par la Commission du produit probable d’une vente de ses actifs dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (deuxième série d’arguments). Enfin, elle conteste l’appréciation de la durée probable d’une telle procédure et de son incidence sur le choix d’un créancier privé (troisième à cinquième séries d’arguments).

154    D’emblée, il y a lieu d’examiner le bien‑fondé de l’appréciation, d’une part, du produit probable d’une vente des actifs de la requérante à l’occasion d’une liquidation judiciaire et, d’autre part, de la durée d’une telle procédure et de son incidence sur le choix d’un créancier privé.

 Sur le bien‑fondé de l’évaluation du produit de la cession des actifs de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire (deuxième série d’arguments)

155    La requérante conteste l’estimation à hauteur de 435 millions de SKK du produit de la cession de ses actifs dans le cadre d’une liquidation judiciaire. En substance, tout en relevant que la Commission devait apprécier cette question du point de vue d’un créancier privé et qu’elle ne disposait ni de l’expérience ni des connaissances nécessaires, la requérante soutient que la Commission s’est contentée de procéder à des estimations sans avoir réalisé d’enquête au sujet de la probabilité du bénéfice d’une vente ni cherché à obtenir des expertises ou d’autres preuves étayant son estimation et qu’elle ne pouvait pas remplacer les coefficients de liquidation du rapport E par d’autres facteurs, à moins d’avoir obtenu des preuves pertinentes de la part d’un expert compétent.

156    En particulier, la requérante conteste l’évaluation par la Commission du produit de la cession, respectivement, de ses actifs immobilisés, de ses stocks ainsi que de ses créances à court terme dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

157    Premièrement, la requérante observe que, en évaluant le produit minimal probable de la cession de ses actifs immobilisés à hauteur de 194 millions de SKK, alors que le rapport E faisait application d’un coefficient de liquidation de 45 %, la Commission a appliqué un coefficient inventé, arbitraire, irrationnel et non prouvé, étant précisé que ledit montant ne correspond pas à une estimation du produit d’une cession au cours d’une procédure de liquidation judiciaire et que le montant de 397 millions de SKK avancé par les autorités slovaques a été évalué sur la base de sa comptabilité. En outre, la location par O.H. de ses actifs de production ne permettrait de tirer aucune conclusion quant au bénéfice probable de leur vente en cas de liquidation judiciaire et la Commission n’aurait pas tenu compte de la liquidation judiciaire de L., toujours en cours.

158    Deuxièmement, s’agissant du produit de la vente de ses stocks, d’une part, la requérante estime qu’un créancier privé aurait tenu compte des implications de la révocation de sa licence pour les spiritueux sur la vente des produits non finis qui représentaient la majeure partie de ses stocks le 9 juillet 2004. D’autre part, elle soutient que la Commission suppose à tort et sans réfuter les preuves mentionnées au considérant 108 de la décision attaquée que les conditions d’une vente dans le cadre d’une liquidation judiciaire seraient les mêmes que celles auxquelles elle a pu liquider les stocks au cours de la procédure de concordat.

159    Troisièmement, s’agissant du produit de la cession de ses créances à court terme, la requérante estime que la Commission a refusé à tort de procéder au deuxième ajustement opéré dans le rapport E, sans motifs ni preuves qui contrediraient cet ajustement. Or, un créancier privé procéderait à cet ajustement afin de déterminer la valeur récupérable probable des créances restantes.

160    La Commission conteste le bien‑fondé de l’ensemble de ces arguments de la requérante. En substance, d’une part, elle fait valoir qu’elle a pris en considération et examiné en détail les éléments pertinents disponibles, étant précisé qu’elle ne saurait être tenue de considérer tout rapport d’expert comme étant pertinent ou de demander une expertise. D’autre part, la Commission allègue qu’elle est parvenue à la conclusion que les éléments du rapport E n’étaient pas fiables et qu’elle a procédé à un ajustement des coefficients de liquidation contenus dans ce rapport, compte tenu des informations et éléments de preuve dont l’autorité fiscale locale disposait au moment des faits. Dans la duplique, la Commission ajoute qu’il ne lui incombe pas d’accomplir elle‑même les démarches qu’un créancier privé aurait entreprises, mais de vérifier que l’autorité publique a agi comme tel.

161    En particulier, premièrement, s’agissant des actifs immobilisés de la requérante, la Commission estime que, en l’absence d’explication du coefficient de liquidation retenu par le rapport E, il était approprié de prendre en considération tous les autres éléments disponibles se rapportant à la valeur desdits actifs qu’un créancier privé aurait examinés. Étant donné qu’il appartiendrait à la requérante d’établir le caractère fondé de son allégation relative à la logique du créancier privé, la Commission ne serait pas tenue de fournir le coefficient de liquidation correct, mais d’évaluer l’ensemble des éléments disponibles pour déterminer si l’allégation de la requérante est étayée de manière crédible. En outre, s’agissant de la référence à O.H., la Commission indique qu’elle s’est contentée, au considérant 96 de la décision attaquée, de rejeter l’argument tiré de ce qu’aucun acheteur n’aurait pu être trouvé. Par ailleurs, ladite référence illustrerait la tendance de la requérante à focaliser son attention sur certains détails au mépris de la constatation selon laquelle, d’une part, même en prenant en considération les coefficients de liquidation du rapport E, le produit de la cession de ses actifs aurait été supérieur à la somme proposée dans le cadre du concordat et, d’autre part, le caractère désavantageux du concordat apparaît de manière flagrante au regard des estimations corrigées par elle.

162    Deuxièmement, s’agissant des stocks de la requérante, en premier lieu, la Commission fait observer que la décision attaquée rejette le coefficient de liquidation du rapport E, pour lequel aucune explication n’a été fournie, et fonde l’évaluation raisonnable du produit de la vente des stocks sur les autres éléments disponibles, à savoir une indication de la requérante selon laquelle celle‑ci pouvait obtenir 110 millions de SKK de la vente des stocks ainsi que l’évolution concrète de ceux‑ci. Or, une vente de stocks dans ces conditions afin de financer le concordat pourrait être comparée aux circonstances d’une vente au cours d’une liquidation judiciaire, étant précisé que la licence de la requérante lui avait déjà été retirée au moment de ladite vente. En second lieu, le considérant 108 de la décision attaquée avait pour seul but de rejeter les rapports produits à titre de preuve.

163    Troisièmement, s’agissant des créances à court terme, la Commission estime que, s’il convenait d’ajuster leur valeur comptable pour refléter leur valeur réelle et tenir compte des créances irrécouvrables ou de mauvaise qualité, rien ne justifiait une valeur inférieure à celle que la requérante avait elle‑même prévu d’obtenir de ses débiteurs. En outre, la requérante ne fournirait toujours aucune justification du deuxième ajustement, étant précisé que, selon la Commission, le fait qu’une entreprise soit déclarée en liquidation judiciaire ne remet pas en cause le recouvrement des créances à l’égard de ses débiteurs.

164    En vue d’examiner le bien‑fondé de l’évaluation par la Commission du produit de la cession des actifs de la requérante au cours d’une liquidation judiciaire, il convient de rappeler que cette évaluation est fondée, tant dans le rapport E que dans la décision attaquée, sur des « coefficients de liquidation » qui ont été appliqués aux différents actifs de la requérante.

165    Ainsi que cela ressort du considérant 94 de la décision attaquée, de tels coefficients expriment, en pourcentage, la part de la valeur de la cession des actifs dans le cadre d’une liquidation judiciaire par rapport à leur valeur comptable. Ils ont pour objectif de calculer la valeur résiduelle des actifs cédés dans ce cadre en prenant en considération le caractère de la cession, étant précisé que, en fonction du type d’actifs, il est estimé que la valeur tirée de leur cession dans le cadre de la liquidation est nettement inférieure à leur valeur comptable. Ni le recours à des coefficients de liquidation ni leur définition ne sont contestés en l’espèce.

166    L’estimation proposée dans le rapport E et l’estimation effectuée par la Commission divergent cependant à deux égards. Selon la Commission, ce rapport ne constituait en effet pas une base fiable de comparaison des procédures de liquidation judiciaire et de concordat (considérant 89 de la décision attaquée).

167    D’une part, tandis que le rapport E a pris pour point de départ la situation des actifs de la requérante au 31 mars 2004, la Commission a utilisé la situation de ces actifs à la date du 17 juin 2004 (considérants 90 et 103 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas. À cette dernière date, ainsi que cela ressort du tableau 5 qui figure dans la décision attaquée, les valeurs comptables des différents actifs de la requérante ont été établies comme suit :

–        actifs immobilisés (terrains, bâtiments, machines et équipements, actifs incorporels, actifs financiers) : 200 millions de SKK ;

–        stocks : 84 millions de SKK ;

–        disponibilités : 161 millions de SKK ;

–        créances commerciales à court terme : 63 millions de SKK.

168    D’autre part, la Commission a indiqué qu’elle ne pouvait accepter la méthodologie utilisée dans le rapport E pour évaluer le produit d’une cession des actifs de la requérante dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (considérant 93 de la décision attaquée). En particulier, elle a indiqué que ce rapport ne contenait aucune explication sur la façon dont les coefficients de liquidation avaient été déterminés (considérant 94 de la décision attaquée) et que les coefficients appliqués dans ce rapport aux actifs immobilisés (45 %), aux stocks (20 %) et aux créances à court terme (20 %, appliqués sur 59 % de la valeur comptable de ces créances) avaient été évalués à des niveaux trop faibles (considérants 95, 98 et 101 de la décision attaquée).

169    Dans ces conditions, la Commission a elle‑même déterminé les coefficients de liquidation pertinents pour estimer le produit probable d’une cession des actifs de la requérante dans le cadre d’une procédure de liquidation.

170    La requérante conteste cette évaluation. Afin d’examiner son bien‑fondé, il convient, eu égard aux arguments des parties, de préciser la place accordée aux expertises dans l’appréciation de la Commission avant d’apprécier la teneur des évaluations effectuées par la Commission.

171    Dans un premier temps, s’agissant des expertises, premièrement, il convient de relever que, contrairement aux arguments de la requérante, la Commission pouvait écarter les coefficients de liquidation utilisés par le rapport E.

172    En effet, selon la jurisprudence, si la Commission peut, sans d’ailleurs y être tenue, s’adjoindre le concours d’experts extérieurs, elle ne s’en trouve pas pour autant dispensée d’apprécier leurs travaux (arrêts du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec, EU:T:2004:266, point 72, et du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec, EU:T:2010:386, point 251). Un rapport d’expertise ne peut être considéré comme probant, tant par la Commission que par le juge, qu’à raison de son contenu objectif. En outre, une simple affirmation non étayée figurant dans un tel document ne permet pas de conclure à l’existence d’une aide d’État (arrêt Valmont/Commission, précité, EU:T:2004:266, point 71).

173    Or, en l’espèce, force est de constater que le rapport E ne contient, comme la Commission l’a affirmé dans la décision attaquée (voir point 168 ci‑dessus), aucune explication au sujet des coefficients de liquidation utilisés pour déterminer le produit maximal possible d’une vente des actifs de la requérante dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire. Il s’ensuit que, eu égard à la jurisprudence citée au point 172 ci‑dessus, les coefficients de liquidation utilisés dans ce rapport ne sauraient être qualifiés de probants.

174    Pour autant que la requérante allègue à cet égard que des évaluations telles que celles effectuées dans le cadre du rapport E sont fondées sur l’expérience et le jugement, il importe d’ajouter que, au regard de la jurisprudence citée au point 172 ci‑dessus, une telle allégation est insuffisante pour justifier la valeur probante d’un rapport d’expert et obliger la Commission à tenir compte des évaluations qu’il contient.

175    Partant, c’est à juste titre que la Commission n’a pas accepté la méthodologie du rapport E. Il convient toutefois de noter que la Commission a tenu compte des évaluations figurant dans ce rapport à titre subsidiaire et aux fins d’une évaluation a minima.

176    Il s’ensuit également que l’ensemble des arguments que la requérante tire des coefficients de liquidation utilisés dans le rapport E, en reprochant à la Commission de ne pas les avoir retenus ou en faisant valoir qu’un créancier privé en aurait tenu compte, doivent être écartés comme non fondés.

177    Deuxièmement, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir sollicité de nouvelle expertise, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le reproche adressé à la Commission de ne pas avoir eu recours à des experts extérieurs pour élaborer la décision attaquée ne saurait prospérer en tant que tel, aucune disposition du traité ou de la législation de l’Union n’imposant à la Commission une telle obligation (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec, EU:T:1998:140, point 72, et du 16 mars 2000, Astilleros Zamacona/Commission, T‑72/98, Rec, EU:T:2000:79, point 55).

178    Pour autant que la requérante se réfère, dans ce contexte, aux points 13, 14 et 20 à 28 de l’arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438), dont elle déduit que, même lorsqu’elle procède à une évaluation discrétionnaire des faits et des preuves, la Commission doit acquérir l’expertise idoine, il suffit de relever que, à la différence de la réglementation pertinente en l’espèce, la réglementation applicable dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt invoqué par la requérante prévoyait que la Commission consultait, le cas échéant, un groupe d’experts. Il s’ensuit que, eu égard à la jurisprudence citée au point 177 ci‑dessus, aucune conséquence ne saurait être déduite dudit arrêt en vue de la présente affaire.

179    Dans un second temps, il convient toutefois d’apprécier le bien‑fondé des estimations effectuées par la Commission. En particulier, il y a lieu de rappeler à cet égard que, si, comme cela ressort en substance du point 177 ci‑dessus, la Commission n’est pas par principe tenue de recourir à des experts extérieurs pour élaborer la décision attaquée, il n’en demeure pas moins qu’il lui appartenait de déterminer si un créancier privé n’aurait manifestement pas accepté la proposition de concordat et que c’est sur elle que pesait la charge de la preuve de ce que les conditions d’application du critère du créancier privé n’étaient pas réunies en l’espèce (voir points 132, 133, 137 et 139 ci‑dessus).

180    Il convient donc de rappeler les principales considérations émises par la Commission dans la décision attaquée avant d’apprécier, au regard en particulier de la jurisprudence citée aux points 145 à 147 ci‑dessus, si ces évaluations sont, comme l’allègue en substance la requérante, entachées d’erreurs manifestes d’appréciation, si elles sont étayées à suffisance de droit par les éléments du dossier et si la Commission a tenu compte de l’ensemble des données pertinentes.

181    Dans la décision attaquée, la Commission a évalué le produit probable d’une cession des actifs de la requérante à 435 millions de SKK, dont 194 au titre des actifs immobilisés, 43 au titre des stocks, 37 au titre des créances à court terme et 161 au titre des disponibilités (tableau 5 de la décision attaquée). La Commission a ainsi appliqué des coefficients de liquidation s’élevant respectivement, pour chacun de ces postes d’actifs, à 97, 52, 59 et 100 %, étant précisé que la détermination des trois premiers coefficients est contestée en l’espèce.

182    Plus particulièrement, en premier lieu, la Commission a évalué le produit probable de la cession des actifs immobilisés de la requérante dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire à hauteur de 194 millions de SKK. Ce montant correspond à la valeur des actifs donnés en garantie à l’autorité fiscale locale, telle qu’elle avait été avancée par la requérante sur la base d’évaluations réalisées par des experts indépendants en 2003 ou en 2004. Selon la Commission, un tel prix d’expert devrait normalement refléter la valeur générale des actifs qui correspond au prix auquel ceux‑ci peuvent être vendus à un moment donné. Cette valeur aurait en effet été fixée pour établir la valeur de ces actifs en tant que garanties (considérant 95 de la décision attaquée). Il s’agirait d’un prix minimal, dès lors que la valeur des actifs immobilisés de la requérante avait été évaluée à 397 millions de SKK par les autorités slovaques, ainsi que cela est mentionné dans la première note en bas de page figurant sous le tableau 5 de la décision attaquée. En outre, au considérant 96 de la décision attaquée, la Commission a répondu à l’allégation de la requérante selon laquelle il aurait été difficile de trouver un acheteur, en estimant qu’il existait, pour les actifs de production de cette dernière, un intérêt immédiat de la part d’un concurrent.

183    En deuxième lieu, s’agissant des stocks de la requérante, la Commission a retenu un coefficient de liquidation de 52 % au motif, en substance, que la requérante avait pu obtenir 110 millions de SKK de la vente de ses stocks en 2004, ce coefficient correspondant à la proportion de ce montant par rapport à la valeur comptable des stocks à l’époque pertinente. La Commission a ajouté que, vu l’activité de la requérante, il pouvait être supposé que ses stocks étaient constitués de produits finis ou semi‑finis qui auraient pu être vendus facilement (considérants 98 et 99 de la décision attaquée).

184    En troisième lieu, s’agissant des créances à court terme de la requérante, la Commission a retenu un coefficient de liquidation de 59 %. Celui‑ci correspond à un ajustement appliqué, dans le rapport E, à la valeur comptable desdites créances afin de refléter l’irrécouvrabilité ou la faible qualité de certaines créances et, partant, la valeur réelle des créances recouvrables. En revanche, relevant que, selon les informations fournies par les autorités slovaques, la valeur ainsi déterminée correspondait aux créances exigibles, la Commission n’a pas appliqué d’autre coefficient, à la différence du rapport E qui avait opéré un second ajustement au titre d’un coefficient de liquidation de 20 % (considérants 100 à 102 de la décision attaquée).

185    Il ressort de ces rappels de la décision attaquée que la Commission a déterminé les coefficients de liquidation par voie de déduction des éléments du dossier de la procédure administrative. Si ces déductions sont certes effectuées sur la base des éléments avancés par la requérante ou non contestés par elle, il n’en demeure toutefois pas moins que la Commission n’a procédé à aucune analyse méthodologique ou économique et n’a pas sollicité, lors de la procédure administrative, d’informations supplémentaires tendant à vérifier et à étayer les conclusions qu’elle avait tirées de ces éléments.

186    Or, il y a lieu de relever que, en l’espèce, les éléments du dossier de la procédure administrative ne sont pas de nature à étayer à suffisance de droit et de manière univoque les conclusions tirées par la Commission en vue de l’évaluation, à hauteur de 435 millions de SKK, du produit de la vente des actifs de la requérante à l’occasion d’une liquidation judiciaire.

187    Ainsi, premièrement, s’agissant de l’évaluation du produit probable de la cession de ses actifs immobilisés, il convient d’observer que la requérante a indiqué, dans ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que la valeur des actifs donnés en garantie s’élevait à environ 194 millions de SKK. Elle a précisé à cet égard que cette valeur était tirée de rapports d’évaluation indépendante préparés au cours des années 2003 et 2004 et qu’elle pouvait être vérifiée dans les décisions de report de paiement des taxes prises par l’autorité fiscale locale entre 2000 et 2003. Elle a également ajouté que ce montant n’équivalait pas automatiquement au produit probable d’une cession des actifs donnés en garantie dans le cadre d’une liquidation judiciaire et que, selon plusieurs évaluations indépendantes, le produit maximal probable se situerait entre 20 et 50 % de cette valeur.

188    En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, par laquelle le Tribunal avait demandé à la requérante de produire les rapports mentionnés au point 187 ci‑dessus, celle‑ci a produit un rapport établi par Mme K. ainsi que treize décisions de report de paiement des taxes établies en vue de la constitution des garanties entre juillet 2000 et septembre 2003.

189    Pour sa part, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal à titre de mesure d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas demandé, au cours de la procédure administrative, la production des rapports mentionnés au point 187 ci‑dessus. Elle a cependant fait observer qu’elle disposait des décisions de report de paiement mentionnées au point 188 ci‑dessus ainsi que des conclusions de l’inspection effectuée dans les locaux de la requérante le 21 juin 2004, telles qu’elles étaient énoncées dans une lettre des autorités slovaques qu’elle a jointe à sa réponse. La Commission a encore fait valoir que, dès lors que les rapports d’évaluation mentionnés au point 187 ci‑dessus avaient été commandés spécifiquement pour établir la valeur des actifs aux fins de la constitution des garanties, elle pouvait utiliser le chiffre établi par la requérante. Selon elle, en effet, lorsque la valeur d’un actif est établie aux fins de son utilisation à titre de garantie, le chiffre établi doit nécessairement tenir compte de ce qui se passerait si la garantie était appelée.

190    Il ressort certes des éléments exposés aux points 188 et 189 ci‑dessus que les parties conviennent, en substance, que l’évaluation de la valeur des actifs immobilisés de la requérante à hauteur de 194 millions de SKK, avancée par cette dernière elle‑même, était destinée à la constitution de garanties au profit de l’autorité fiscale locale au moment du report de paiement des taxes dont elle était redevable.

191    Toutefois, tout d’abord, il importe de relever que, en dépit des éléments exposés aux points 188 et 189 ci‑dessus, les éléments du dossier ne permettent pas de déterminer si cette évaluation des actifs donnés en garantie reflète la valeur comptable des actifs immobilisés donnés en garantie, leur prix de marché ou leur prix de cession en cas de liquidation judiciaire. Les avis des parties divergent à cet égard. Ainsi, alors même que, ainsi que cela ressort du point 187 ci‑dessus, la requérante a mis en doute l’adéquation entre le montant de 194 millions de SKK et le produit d’une cession de ses actifs immobilisés dans le cadre d’une liquidation judiciaire, la Commission s’est contentée, dans la décision attaquée et devant le Tribunal, de supputer que ce montant devrait refléter la valeur générale des actifs qui correspond au prix auquel ceux‑ci peuvent faire l’objet d’une cession à un moment donné, y compris dans le cadre d’une liquidation judiciaire, sans chercher à vérifier l’objet, la méthode ou la fiabilité de l’évaluation sur laquelle elle s’appuyait.

192    Ensuite, si certaines des décisions relatives au report des dettes fiscales produites par la requérante comportent une évaluation chiffrée des actifs donnés en garantie en faisant référence à des évaluations effectuées en 2002, ces décisions, prises ensemble, ne permettent pas pour autant de retenir le montant total de 194 millions de SKK. En particulier, plusieurs d’entre elles ne contiennent qu’une énumération des actifs donnés en garantie sans toutefois chiffrer leur valeur.

193    En outre, la lettre des autorités slovaques mentionnée au point 189 ci‑dessus fait référence à l’inspection qui s’est tenue le 21 juin 2004 dans les locaux de la requérante et en expose les résultats. Il y est indiqué que les actifs immobilisés de cette dernière s’élevaient, ainsi que cela ressortirait d’une évaluation d’expert, à 200 millions de SKK. En revanche, même à supposer qu’il s’agisse de la même évaluation que celle mentionnée par la requérante, il y a lieu d’observer que cette lettre ne contient aucune indication de la valeur des actifs immobilisés donnés en garantie. Elle n’indique pas davantage que le montant de 194 millions de SKK, qui n’y est au demeurant pas mentionné, correspond au produit probable d’une cession des actifs immobilisés de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

194    Par ailleurs, il convient de noter que, au regard des éléments avancés par les parties, l’évaluation utilisée par la Commission, qui daterait de la fin de l’année 2003 ou du début de l’année 2004, s’appuie sur des évaluations effectuées entre l’année 2000 et l’année 2003 lors des reports de paiement. Le montant de 194 millions de SKK ne ressort donc pas, comme la requérante l’a fait observer à l’audience, d’une évaluation contemporaine. Or, comme le fait valoir la requérante, la valeur des actifs donnés en garantie, en particulier des véhicules et machines, se déprécie avec le temps.

195    Enfin, il importe d’ajouter que le coefficient de liquidation appliqué par la Commission est particulièrement élevé, en ce qu’il correspond à 97 % de la valeur comptable de la totalité des actifs immobilisés de la requérante (194 sur 200 millions de SKK). Or, comme la requérante le fait valoir à juste titre, les circonstances d’une vente dans le cadre d’une liquidation judiciaire diminuent la valeur d’un actif par rapport à une vente dans des conditions commerciales normales dans lesquelles le vendeur peut choisir notamment le moment de la vente. La Commission a par ailleurs elle‑même fait observer, au considérant 94 de la décision attaquée, que, à l’aide des coefficients de liquidation, « en fonction du type d’actifs, l’on estime que la valeur tirée de la vente d’actifs dans le cadre de la liquidation est nettement inférieure à la valeur comptable ».

196    Au regard des considérations formulées aux points 191 à 195 ci‑dessus, il y a lieu de conclure que les éléments du dossier de la procédure administrative ne permettent pas d’étayer à suffisance de droit le coefficient de liquidation appliqué par la Commission en vue de l’évaluation du produit de la cession des actifs immobilisés de la requérante.

197    Deuxièmement, s’agissant de l’évaluation du produit des créances à court terme de la requérante, il convient, d’emblée, de constater que la requérante ne conteste pas l’ajustement de 59 % opéré par la Commission. Cet ajustement, tiré du rapport E, a pour objet, selon cette dernière, de refléter l’irrécouvrabilité ou la faible qualité de certaines créances (voir point 184 ci‑dessus).

198    À cet égard, sans même qu’il soit besoin de se prononcer sur la question, non soulevée par la requérante, de savoir si la Commission pouvait, sans se contredire, utiliser le coefficient de 59 % appliqué dans le rapport E alors même qu’elle tenait ce rapport pour non fiable, il convient de relever que, en l’absence de toute explication figurant dans ledit rapport et eu égard aux objections de la requérante, ni la signification ni le bien‑fondé de ce coefficient ne peuvent être considérés comme étant établis. Ainsi, tandis que, selon la Commission, en substance, ce coefficient permettrait de déterminer les créances à court terme de bonne qualité qui seraient susceptibles d’être récupérées ou cédées sans perte à l’occasion d’une liquidation judiciaire, un second ajustement s’imposerait, de l’avis de la requérante, afin de tenir compte des circonstances d’une telle liquidation au cours de laquelle une récupération ou une cession des créances à court terme se ferait à un montant inférieur à leur valeur récupérable et impliquerait des frais, risques et retards.

199    Or, aucun élément du dossier ne permet d’étayer l’allégation de la Commission selon laquelle la somme des créances à court terme déterminée en application du coefficient de 59 % est récupérable dans son intégralité, sans être affectée par les circonstances d’une cession à l’occasion d’une liquidation judiciaire.

200    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir à suffisance de droit le coefficient de liquidation de 59 % appliqué par la Commission aux créances à court terme.

201    Il découle de ce qui précède et, en particulier, des conclusions tirées aux points 196 et 200 ci‑dessus que les éléments du dossier de la procédure administrative ne sont pas de nature à étayer à suffisance de droit l’évaluation, par la Commission, des produits probables d’une cession des actifs immobilisés et des créances à court terme dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Il apparaît ainsi que la Commission ne disposait pas, à la date d’adoption de la décision attaquée, des éléments nécessaires, les plus complets et fiables possibles pour adopter cette décision et qu’elle aurait dû, comme le fait valoir en substance la requérante, chercher à obtenir des informations supplémentaires aux fins de vérifier et d’étayer ses conclusions.

202    Il s’ensuit que, sans même qu’il soit besoin d’examiner le bien‑fondé de l’analyse, par la Commission, du produit de la vente des stocks de la requérante, les éléments du dossier de la procédure administrative ne sont pas de nature à établir à suffisance de droit l’évaluation, à hauteur de 435 millions de SKK, du produit de la cession de ses différents actifs dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

203    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la Commission.

204    Premièrement, la Commission allègue que, étant donné qu’il ne lui appartient pas de prouver que son analyse est exacte mais qu’il appartient à la requérante de démontrer que son allégation relative à la logique du créancier privé est fondée, elle n’est pas tenue de fournir le coefficient de liquidation correct, mais d’évaluer l’ensemble des éléments disponibles pour déterminer si l’allégation de la requérante est étayée de manière crédible.

205    Toutefois, il convient de relever que cet argument se heurte à la jurisprudence exposée au point 139 ci‑dessus. Conformément à cette jurisprudence, en effet, c’est sur la Commission que pèse la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère du créancier privé. Or, la Commission ne saurait s’acquitter de cette charge de la preuve en se contentant d’émettre, à propos de l’appréciation des conditions d’application du critère du créancier privé, de simples hypothèses non étayées à suffisance de droit.

206    Dans ces conditions, même à supposer que, comme la Commission l’a fait observer à l’audience, l’application du critère du créancier privé implique un « glissement » de la charge de la preuve, en ce qu’il appartiendrait à l’État membre ou au bénéficiaire de la mesure de renverser les éléments avancés par elle et au regard desquels les conditions d’application de ce critère ne sembleraient pas réunies, il convient de considérer que ces seules hypothèses non étayées avancées par la Commission sont insuffisantes pour justifier un tel renversement de la charge de la preuve.

207    Deuxièmement, la Commission fait référence, tant dans la décision attaquée que dans ses écritures, au fait que le produit d’une cession des actifs immobilisés évalué à 194 millions de SKK ne serait qu’un prix minimal, étant donné que les autorités slovaques avaient estimé la valeur des actifs donnés en garantie à 397 millions de SKK.

208    Or, d’une part, outre le fait que cette évaluation par les autorités slovaques est contestée par la requérante, il convient de relever que, comme cette dernière le fait valoir et ainsi que cela ressort des considérants 22 et 122 de la décision attaquée, lesdites autorités ont indiqué au cours de la procédure administrative que le montant de 397 millions de SKK avait été déterminé sur la base de la comptabilité de la requérante. Dans ces conditions, ce montant ne saurait servir de base à l’estimation du produit d’une cession des actifs immobilisés de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire. La Commission a par ailleurs admis, en réponse à une question posée à l’audience par le Tribunal, qu’elle ne disposait d’aucune preuve quant à la véracité de ce montant, en sorte qu’il ne pouvait être utilisé dans les calculs. D’autre part, il convient de relever que ce montant, qui a été évalué, selon la requérante, préalablement à la constitution des garanties, ne correspond en tout état de cause plus à la situation financière de la requérante au 17 juin 2004 que la Commission a utilisée comme base pour son évaluation. En effet, à cette date, la valeur comptable des actifs immobilisés de la requérante était de 200 millions de SKK.

209    Troisièmement, la Commission critique la tendance de la requérante à focaliser son attention sur certains détails de la décision attaquée au mépris de la constatation selon laquelle, même en prenant en considération les coefficients de liquidation du rapport E, le produit probable de la cession des actifs de la requérante aurait été supérieur à la somme proposée dans le cadre du concordat et selon laquelle le caractère désavantageux du concordat apparaît de manière flagrante au regard des estimations corrigées par elle.

210    Or, d’une part, il convient de relever que l’évaluation par la Commission du produit probable de la cession des actifs de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire n’est pas étayée à suffisance de droit par des éléments de preuve (voir points 201 et 202 ci‑dessus). Il s’ensuit que la Commission fait valoir à tort que l’attrait de la procédure de liquidation judiciaire par rapport à la procédure de concordat apparaît de manière flagrante au regard des estimations effectuées sur la base de sa propre méthodologie. D’autre part, s’il est exact que, même en utilisant les coefficients de liquidation utilisés dans le rapport E, le produit de la cession des actifs de la requérante reste supérieur de 1,2 million de SKK à celui obtenu dans le cadre du concordat, il n’en demeure pas moins que cette seule observation n’est pas suffisante pour établir qu’un créancier privé aurait manifestement privilégié la procédure de liquidation judiciaire sur la procédure de concordat. En effet, cette conclusion dépend également de l’incidence de la durée de la première procédure sur le choix du créancier (voir points 222 à 234 ci‑après).

211    Quatrièmement, l’argument de la Commission relatif à l’intérêt d’O.H. pour les actifs immobilisés de la requérante, en ce qu’il a pour seul objet d’indiquer que cette dernière n’a pas établi l’absence d’acheteur potentiel, est sans incidence sur l’appréciation du bien‑fondé de l’évaluation du produit de la cession de ses actifs immobilisés.

212    Cinquièmement, il convient d’ajouter que les arguments de la Commission relatifs aux créances à court terme de la requérante ont, en substance, été écartés aux points 198 et 199 ci‑dessus.

213    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir les arguments de la requérante tendant à contester l’évaluation, par la Commission, du produit probable d’une cession de ses actifs dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

 Sur le bien‑fondé de l’appréciation de la durée d’une procédure de liquidation judiciaire et de son incidence sur le choix du créancier privé (troisième à cinquième séries d’arguments)

214    La requérante conteste l’appréciation, par la Commission, de la durée de la procédure de liquidation judiciaire et de son incidence sur le choix du créancier privé.

215    En premier lieu, elle estime que la considération selon laquelle la longueur de la procédure de liquidation judiciaire était dénuée de pertinence du fait de la qualité de créancier privilégié de l’autorité fiscale locale est entachée de la même erreur que celle relevée dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32). D’une part, elle relève que le fait qu’une personne ait le droit de réaliser un actif immédiatement ne signifie pas qu’elle puisse trouver un acheteur immédiatement. Or, en dépit de l’exemple de L., la Commission n’aurait ni examiné cette question ni constaté l’existence d’un acheteur potentiel disposé à payer le produit probable d’une cession tel qu’établi par elle. D’autre part, le produit probable de la cession des actifs garantis serait seulement de 90 millions de SKK. Dans la réplique, la requérante ajoute que, si la qualité de créancier privilégié de l’autorité fiscale locale présente un intérêt, cet élément ne serait pas suffisant pour justifier la conclusion tirée par la Commission aux considérants 110 à 112 de la décision attaquée, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur la Commission.

216    En deuxième lieu, la requérante conteste l’appréciation, par la Commission, de la durée possible de la procédure de liquidation judiciaire. D’une part, elle estime que, eu égard aux éléments de preuve disponibles, cette durée n’était pas prévisible avec un quelconque degré de précision. D’autre part, l’exemple de la liquidation judiciaire de L., invoqué par elle à titre de preuve de la difficulté de trouver un acheteur pour ses actifs, était particulièrement pertinent. Or, lorsqu’elle est informée d’un fait pertinent, il appartiendrait à la Commission de procéder à une enquête appropriée. En outre, la possibilité de clôturer rapidement une procédure de liquidation judiciaire ne dépend pas du nombre de créanciers, mais de la facilité avec laquelle les actifs peuvent être mobilisés.

217    En troisième lieu, la requérante conteste le bien‑fondé de l’appréciation figurant au considérant 118 de la décision attaquée au motif que, en tenant compte des montants corrects, à savoir 225,5 millions de SKK au titre du résultat probable d’une cession de ses actifs et 90 millions de SKK au titre de la cession immédiate des actifs garantis, il apparaîtrait que la proposition de concordat était manifestement plus attractive que la procédure de liquidation judiciaire.

218    La Commission conteste le bien‑fondé de l’ensemble de ces arguments.

219    En premier lieu, premièrement, la Commission allègue que, s’il est exact que l’existence d’un droit de céder un actif immédiatement ne signifie pas qu’il soit possible de trouver un acheteur immédiatement, il n’en demeure pas moins que la requérante ne saurait lui reprocher de ne pas avoir établi l’existence d’un acheteur prêt à payer le prix indiqué par elle, étant donné qu’il appartient à la requérante d’établir que le comportement du créancier public répond à une logique économique rationnelle. La Commission ajoute qu’il ressort du considérant 96 de la décision attaquée que les actifs immobilisés de la requérante suscitaient de l’intérêt. En outre, la Commission estime que, eu égard aux éléments dont elle disposait, elle n’avait aucune raison de conclure qu’il était probable que la requérante se trouvait dans la même situation que L. Deuxièmement, selon la Commission, le deuxième argument de la requérante consiste à réitérer des arguments auxquels elle a déjà répondu dans le cadre du deuxième grief. Troisièmement, la Commission fait valoir qu’elle n’a pas réitéré l’erreur relevée par la Cour dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), mais qu’elle a, au contraire, remédié à l’insuffisance de motivation dont était entachée la décision initiale. Or, compte tenu de la qualité de créancier privilégié de l’autorité fiscale locale, la durée d’une liquidation judiciaire était en l’espèce dépourvue d’incidence sur le choix du créancier privé.

220    En deuxième lieu, d’abord, la Commission observe que les considérants 113 à 117 de la décision attaquée contiennent une analyse subsidiaire par rapport à la conclusion principale selon laquelle la durée de la procédure de liquidation judiciaire n’aurait eu aucune influence significative. Ensuite, s’agissant du cas de L., la Commission estime que les informations présentées à ce stade par la requérante sont non étayées, tardives et, en tout état de cause, insuffisantes. Enfin, outre le fait que la requérante aurait omis d’expliquer la raison pour laquelle le nombre de créanciers n’avait pas d’importance en vue de l’appréciation de la durée de la procédure de liquidation judiciaire, la Commission soutient que la conclusion tirée au considérant 117 de la décision attaquée se fonde sur un ensemble d’éléments.

221    En troisième lieu, la Commission observe qu’elle a déjà répondu aux arguments de la requérante tendant à remettre en cause son appréciation du produit prévisible de la cession des actifs de cette dernière en cas de liquidation judiciaire. Elle ajoute que la requérante semble reconnaître que le créancier privé tiendrait compte du fait qu’il peut réaliser immédiatement les actifs garantis comme élément renforçant l’attrait de la procédure de liquidation judiciaire.

222    En l’espèce, aux considérants 109 à 112 de la décision attaquée, la Commission a estimé, à titre principal, que la durée de la procédure de liquidation n’aurait pas eu d’influence significative sur la décision d’un créancier privé. Selon elle, indépendamment de cette durée, l’autorité fiscale locale en tant que créancier privilégié aurait pu être remboursée à tout moment pour un montant d’au moins 194 millions de SKK du fait de la cession des actifs immobilisés donnés en garantie. La Commission a ajouté à cet égard que, même en appliquant la méthode d’évaluation figurant dans le rapport E aux stocks et aux créances à court terme de la requérante, ladite autorité pouvait s’attendre à obtenir 185 millions de SKK supplémentaires au terme de la procédure de liquidation judiciaire. Selon la Commission, l’autorité fiscale locale aurait dès lors dû être consciente de ce que, en définitive, la dette remboursée dans le cadre d’une liquidation judiciaire aurait été largement supérieure à la somme proposée dans le cadre du concordat et de ce que, en comparaison avec celui‑ci, elle n’aurait dû patienter que pour une partie de cette somme.

223    Il découle de ce rappel de la décision attaquée que l’analyse de la Commission est fondée sur la prémisse selon laquelle l’autorité fiscale locale aurait pu obtenir – immédiatement et indépendamment du déroulement de la procédure de liquidation judiciaire – un montant de 194 millions de SKK du fait de la cession des actifs immobilisés de la requérante. Or, ainsi que cela ressort de la conclusion tirée au point 196 ci‑dessus, cette prémisse n’est pas étayée à suffisance de droit par les éléments du dossier.

224    Il s’ensuit que la conclusion tirée au considérant 112 de la décision attaquée et selon laquelle la durée de la procédure de liquidation judiciaire est dépourvue d’influence significative sur la décision d’un créancier privé hypothétique est entachée du même vice.

225    Aux considérants 113 à 118 de la décision attaquée, la Commission a cependant évalué, à titre surabondant, la durée probable d’une procédure de liquidation judiciaire et son incidence sur le montant susceptible d’être reçu par le créancier au terme d’une telle procédure. Selon elle, la durée de la procédure serait probablement plus brève qu’en moyenne compte tenu du nombre restreint des créanciers de la requérante et de la valeur de liquidation de ses actifs (considérants 113 à 117 de la décision attaquée). Elle a ajouté que, du fait de l’importance du produit de la cession desdits actifs, tel qu’estimé en application de sa propre méthodologie, par rapport au montant proposé dans le cadre du concordat, même une durée de procédure de liquidation judiciaire pouvant aller de quatre à cinq ans ne jouerait aucun rôle significatif dans la décision du créancier privé. Ce ne serait qu’en cas de dépassement d’une durée de neuf ans que la valeur actuelle serait inférieure à la somme convenue dans le cadre du concordat, étant précisé toutefois qu’aucun créancier privé ne considérait une durée aussi longue comme probable en l’espèce (considérant 118 de la décision attaquée).

226    Premièrement, force est de constater que la considération formulée au considérant 118 de la décision attaquée est fondée sur la prémisse selon laquelle, en cas de liquidation judiciaire, un créancier privé aurait pu obtenir un montant de 356,7 millions de SKK, correspondant au produit de la cession des actifs évalué par la Commission après déduction des coûts de la procédure. Or, comme le fait observer la requérante et ainsi que cela a été relevé au point 201 ci‑dessus, l’évaluation par la Commission du produit de la cession des actifs de la requérante n’est pas étayée à suffisance de droit par les éléments du dossier.

227    Deuxièmement, dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’apprécier le bien‑fondé de l’appréciation, aux considérants 113 à 117 de la décision attaquée, de la durée probable d’une procédure de liquidation judiciaire. En effet, même à supposer avéré le fait que cette procédure aurait pu être conduite rapidement, il y a lieu de relever que ce seul fait est, en tout état de cause, insuffisant pour justifier la conclusion, au considérant 119 de la décision attaquée, selon laquelle un créancier privé aurait préféré la procédure de liquidation judiciaire à la proposition de concordat.

228    En effet, comme cela a déjà été constaté au point 201 ci‑dessus, l’évaluation par la Commission du résultat probable d’une cession dans le cadre de cette procédure de liquidation judiciaire n’est pas étayée à suffisance de droit. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 136 ci‑dessus, outre le facteur de la durée, celui du montant susceptible d’être obtenu dans le cadre d’une procédure alternative influence le choix du créancier privé.

229    Par ailleurs, même à supposer que, en dépit des réserves émises à bon droit par la Commission à l’égard du rapport E (voir points 173 à 175 ci‑dessus), cette institution eût entendu s’appuyer à titre subsidiaire sur l’évaluation actualisée de ce rapport, force serait néanmoins de constater que, ainsi que cela ressort du considérant 106 de la décision attaquée, un créancier privé aurait alors pu s’attendre à obtenir 225,5 millions de SKK dans le cadre d’une liquidation judiciaire, soit à peine 1,2 million de SKK de plus que le montant proposé dans le cadre du concordat. Or, outre le fait que la Commission n’a nullement examiné l’incidence de la durée d’une liquidation judiciaire, fût‑elle plus brève qu’en moyenne, sur le choix d’un créancier privé qui pourrait s’attendre à obtenir un tel montant, il y a lieu de relever en tout état de cause que, compte tenu de cette faible différence au regard des montants conséquents en jeu, il peut raisonnablement être considéré qu’un créancier privé, fût‑il privilégié, aurait manifestement préféré recevoir immédiatement un montant de 224,3 millions de SKK plutôt qu’attendre l’issue d’une procédure de liquidation judiciaire dans laquelle il pourrait obtenir 1,2 million de SKK de plus, et ce même à supposer que cette procédure puisse être conduite dans un délai relativement bref.

230    Il s’ensuit que les arguments de la requérante tendant à contester l’appréciation de l’incidence de la durée d’une procédure de liquidation judiciaire doivent être accueillis.

231    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la Commission.

232    Premièrement, la Commission allègue qu’il appartient à la requérante d’établir que le comportement du créancier public répond à une logique économique rationnelle.

233    Cet argument se heurte à la jurisprudence relative à la répartition de la charge de la preuve de ce que les conditions du créancier privé sont réunies, telle qu’exposée aux points 138 à 143 ci‑dessus.

234    Deuxièmement, dans la mesure où la Commission répond aux différents arguments de la requérante relatifs à la possibilité de trouver rapidement un acheteur des actifs immobilisés et à l’intérêt d’O.H. pour ces actifs, à l’appréciation de la durée d’une procédure de liquidation judiciaire et au cas de la société L., il suffit de constater que ces arguments sont étrangers à la considération selon laquelle l’analyse par la Commission de l’incidence de la durée sur le choix du créancier privé est viciée du fait qu’elle est appuyée sur une évaluation elle‑même viciée, car appuyée sur des preuves insuffisantes, du produit probable de la cession des actifs de la requérante. Partant, l’ensemble de ces autres arguments sont dépourvus de pertinence à ce stade.

235    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les éléments du dossier ne sont pas de nature à étayer la conclusion, au considérant 119 de la décision attaquée, selon laquelle un créancier privé aurait préféré une liquidation judiciaire de la requérante plutôt que la proposition de concordat.

236    Il s’ensuit que le troisième moyen soulevé par la requérante doit être accueilli, sans même qu’il soit besoin d’examiner les arguments soulevés par cette dernière au sujet de l’évaluation du produit probable d’une vente de ses stocks.

237    Cependant, il convient d’ajouter que la conclusion, au considérant 139 de la décision attaquée, selon laquelle le critère du créancier privé n’a pas été satisfait est fondée non seulement sur le constat qu’un créancier privé aurait préféré une liquidation judiciaire à la proposition de concordat, mais encore sur celui qu’un tel créancier aurait privilégié une exécution fiscale sur ladite proposition. Il suffit donc que l’une de ces deux procédures, liquidation judiciaire ou exécution fiscale, soit plus avantageuse que la procédure de concordat pour justifier la conclusion que le critère du créancier privé n’a pas été respecté en l’espèce.

238    À l’inverse, il s’ensuit que ce n’est que si tant la procédure de liquidation judiciaire que la procédure d’exécution fiscale se révélaient moins avantageuses que la procédure de concordat que la conclusion, au considérant 139 de la décision attaquée, selon laquelle le critère du créancier privé n’a pas été satisfait serait entachée d’illégalité.

239    Partant, la conclusion tirée au point 235 ci‑dessus n’est pas, à elle seule, de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée. Encore faudrait‑il, en effet, que le quatrième moyen, relatif à la comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat, soit également fondé. Partant, il y a lieu de l’apprécier.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs entachant la conclusion selon laquelle la procédure d’exécution fiscale était plus avantageuse que la procédure de concordat

240    Par le quatrième moyen, la requérante conteste la conclusion figurant dans la décision attaquée, selon laquelle, en substance, la procédure d’exécution fiscale était plus avantageuse que la proposition de concordat. Après avoir exposé, à titre liminaire, les étapes de cette procédure telle que prévue par le droit slovaque, la requérante avance six séries d’arguments à l’appui de ce moyen. Celles‑ci peuvent être regroupées en deux catégories, selon qu’elles ont trait, les premières, à l’applicabilité du critère du créancier privé en vue de la comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat (première et deuxième séries d’arguments) et, les secondes, à l’application de ce critère (troisième à sixième séries d’arguments).

 Sur l’applicabilité du critère du créancier privé en vue d’une comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat (première et deuxième séries d’arguments)

241    D’une part, la requérante estime que le critère du créancier privé n’était pas pertinent en vue d’une comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat dès lors que la première n’était pas accessible à un créancier privé. D’autre part, elle conteste l’affirmation selon laquelle aucun élément de preuve en vue d’établir l’applicabilité de ce critère n’avait été présenté en l’espèce.

242    Il convient d’examiner successivement ces deux questions en commençant par la seconde.

243    En premier lieu, la requérante estime que, pour les raisons qu’elle a exposées dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui du présent recours, la Commission a commis une erreur de droit au considérant 120 de la décision attaquée.

244    La Commission conteste le bien‑fondé de cet argument et réitère, en substance, les arguments qu’elle a avancés en réponse au deuxième moyen de la requérante. Elle rappelle ainsi que l’indication, par l’État membre concerné, selon laquelle la question de savoir si la mesure litigieuse constituait une aide d’État n’avait pas été envisagée fait échec à toute tentative d’invoquer le critère du créancier privé. Elle ajoute que, si le bénéficiaire de la mesure peut invoquer ce critère, il devra d’autant plus établir sans équivoque que ledit État était conscient, préalablement ou simultanément à l’octroi de l’avantage, qu’il l’accordait en sa qualité d’opérateur privé.

245    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé, au sens de la jurisprudence citée aux points 95 et 97 ci‑dessus qu’elle a transposée au créancier privé au considérant 82 de ladite décision, qu’aucune preuve n’avait été présentée relativement au fait que l’autorité fiscale locale aurait envisagé une procédure d’exécution fiscale et serait parvenue à la conclusion que cette procédure était moins avantageuse que le concordat (considérant 120 de la décision attaquée). Néanmoins, il ressort de la décision attaquée que la Commission, tout en précisant que la requérante ne comparait pas le concordat proposé avec le résultat éventuel d’une exécution fiscale, a procédé à cette comparaison au motif que, comme l’ont confirmé les autorités slovaques, la procédure d’exécution fiscale constituait une réelle option pour l’autorité fiscale locale avant l’ouverture de la procédure de concordat ou après le veto qu’elle aurait pu opposer au concordat proposé et qu’« [i]l conv[enait], par conséquent, d’envisager cette possibilité lors de l’application du critère du créancier [privé] » (considérant 121 de la décision attaquée).

246    Or, sans même qu’il soit besoin de se prononcer sur la possibilité pour la requérante de procéder par simple renvoi aux arguments soulevés à l’appui d’un autre moyen tendant à contester d’autres considérations émises par la Commission dans la décision attaquée, force est de constater que les arguments soulevés par la requérante à l’appui du deuxième moyen ne sont pas de nature à invalider les considérations figurant au considérant 120 de la décision attaquée. En effet, ainsi que cela ressort de l’examen du deuxième moyen, la requérante contestait essentiellement la conclusion, au considérant 83 de la décision attaquée, selon laquelle il découlait du fait que l’État membre n’avait pas invoqué le critère du créancier privé et avait au contraire indiqué que la mesure litigieuse constituait une aide d’État que la mesure constituait effectivement une aide d’État. Or, aucune conclusion de la sorte n’a été tirée par la Commission au considérant 120.

247    En outre, dans la mesure où la Commission a fait observer que le critère du créancier privé était inapplicable en vue de la comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat et à supposer que le considérant 120 de la décision attaquée doive être compris en ce sens qu’il contient implicitement une telle conclusion, il convient de rappeler qu’il a été considéré, dans l’appréciation du deuxième moyen soulevé par la requérante, que ce critère était applicable aux circonstances de la présente affaire. Or, dès lors que le critère est applicable en tant que tel, il y a lieu de considérer que la Commission ne saurait distinguer, en vue de son applicabilité, selon les différentes alternatives à la mesure litigieuse.

248    À cet égard, il importe par ailleurs d’ajouter que, comme cela apparaît au point 245 ci‑dessus, il ressort sans équivoque du considérant 121 de la décision attaquée que la Commission a estimé qu’il convenait d’envisager la procédure d’exécution fiscale lors de l’application du critère du créancier privé dès lors que cette procédure constituait une réelle option pour l’autorité fiscale locale. Autrement dit, la Commission a considéré qu’il était nécessaire d’examiner au fond le critère du créancier privé dans ce contexte dès lors que l’exécution fiscale constituait une réelle option et, comme elle l’affirme dans ses écritures, afin de renforcer la décision attaquée.

249    En second lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit dès lors que la procédure d’exécution fiscale n’est pas accessible à un créancier privé et que la décision attaquée ne fait état d’aucune procédure analogue dont un tel créancier aurait pu bénéficier. Il s’ensuivrait que cette procédure ne saurait être prise en compte au titre du critère du créancier privé.

250    La Commission conteste le bien‑fondé de ces arguments.

251    Il a déjà été jugé que l’applicabilité du critère du créancier privé dépendait non pas de la forme sous laquelle l’avantage avait été octroyé, mais de la qualification de la mesure prise de décision prise par un opérateur privé (voir, par analogie, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays‑Bas et ING Groep, C‑224/12 P, Rec, EU:C:2014:213, point 31 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 93). Est déterminante à cet égard la question de savoir si la mesure en cause a obéi à un critère de rationalité économique, de sorte qu’un créancier privé, qui escompte maximiser ses chances de recouvrer sa créance ou à tout le moins la plus grande partie de cette créance, pourrait également accepter de prendre une telle mesure (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Pays‑Bas et ING Groep, précité, EU:C:2014:213, point 36).

252    En l’espèce, il est constant qu’un créancier privé pouvait, de la même façon que l’autorité fiscale locale, accepter de renoncer partiellement à sa créance dans le cadre du concordat. En revanche, les parties conviennent que seule l’autorité fiscale locale disposait de l’option de la procédure d’exécution fiscale.

253    Cependant, par analogie avec la jurisprudence citée au point 251 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que la seule circonstance que la procédure d’exécution fiscale n’était pas accessible à un créancier privé n’est pas de nature à empêcher l’analyse du critère du créancier privé en vue d’une comparaison de cette procédure avec la procédure de concordat. En effet, cette circonstance n’empêche pas de vérifier la rationalité économique de la décision prise par l’autorité fiscale locale d’opter pour la procédure de concordat.

254    Dans ce contexte, il convient encore d’écarter comme non pertinente la jurisprudence citée par la requérante selon laquelle, aux fins d’apprécier la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte (voir arrêt Commission/EDF, point 26 supra, EU:C:2012:318, point 79 et jurisprudence citée).

255    En effet, outre le fait que cette jurisprudence ne vise pas la question de savoir si le critère du créancier privé peut s’appliquer en vue d’une comparaison des avantages et inconvénients respectifs de deux procédures de recouvrement de créances et dont seulement l’une est ouverte au créancier privé alors que le créancier public peut recourir aux deux procédures, il y a lieu de relever qu’il ressort des arrêts cités à l’appui de cette affirmation dans l’arrêt Commission/EDF, point 26 supra (EU:C:2012:318, point 79), à savoir les arrêts Belgique/Commission, point 51 supra (EU:C:1986:302, point 14), du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (40/85, Rec, EU:C:1986:305, point 13), du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C‑278/92 à C‑280/92, Rec, EU:C:1994:325, point 22), et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C‑334/99, Rec, EU:C:2003:55, point 134), qu’il y a lieu de faire abstraction, lors de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, de toute considération d’ordre social, de politique régionale ou sectorielle et que ne doivent pas être pris en considération d’autres coûts ou responsabilités incombant à l’État membre en sa qualité de puissance publique.

256    Au regard des considérations qui précèdent, il convient d’écarter les arguments de la requérante relatifs à l’applicabilité du critère du créancier privé en vue d’une comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat.

 Sur l’application du critère du créancier privé en vue d’une comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat (troisième à sixième séries d’arguments)

257    Les troisième à sixième séries d’arguments soulevées par la requérante à l’appui du présent moyen ont trait à une appréciation comparative, dans le contexte du critère du créancier privé, des procédures d’exécution fiscale et de concordat.

258    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis, aux considérants 121 et 123 de la décision attaquée, des erreurs quant à la détermination tant du moment que de l’opération auxquels le critère du créancier privé devait être appliqué. Premièrement, s’agissant du considérant 121 de cette décision, d’une part, elle observe que la procédure d’exécution fiscale était juridiquement indisponible à la suite de la proposition de concordat et tant que la procédure de concordat était en cours, ce que la Commission aurait implicitement reconnu. D’autre part, la seule question pertinente serait celle de savoir si, le 9 juillet 2004, la procédure d’exécution fiscale aurait été manifestement plus avantageuse que le concordat. Deuxièmement, s’agissant du considérant 123 de la décision attaquée, la requérante fait valoir que la Commission n’était pas compétente pour évaluer les reports de paiement entre novembre 2002 et novembre 2003 et qu’elle devait s’en tenir à l’examen de la seule opération pertinente en l’espèce sans émettre d’hypothèses à propos de questions n’entrant pas dans le champ de sa compétence.

259    En deuxième lieu, la requérante fait observer que le considérant 123 de la décision attaquée contient uniquement des affirmations hypothétiques et erronées ainsi que des questions purement spéculatives et non résolues par la Commission, lesquelles ne sauraient faire office de motivation d’une telle décision. En outre, la Commission aurait omis de traiter la question pertinente de savoir si un créancier privé aurait reporté le paiement de la dette fiscale.

260    En troisième lieu, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation et d’avoir ignoré les indications données par la Cour dans l’arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra (EU:C:2013:32), en ce qu’elle aurait omis d’examiner toutes les informations disponibles susceptibles d’influencer de manière significative le processus décisionnel d’un créancier privé, s’agissant tant du montant susceptible d’être obtenu dans le cadre d’une exécution fiscale que des coûts de cette procédure. Dans la réplique, la requérante ajoute que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il appartenait à cette institution d’établir dans la décision attaquée les faits justifiant sa conclusion selon laquelle une exécution fiscale aurait abouti à un produit plus élevé que le concordat.

261    En quatrième lieu, la requérante allègue que la Commission a commis des erreurs en ce qui concerne la durée possible d’une procédure d’exécution fiscale. À cet égard, d’une part, elle fait valoir que, la Commission s’étant contentée de supposer sans analyse ni preuve que cette procédure aurait pu être conduite rapidement, elle a omis d’examiner cette question ou, à tout le moins, de motiver la décision attaquée à suffisance de droit. D’autre part, elle allègue qu’un créancier privé aurait examiné l’échéancier probable d’une procédure d’exécution fiscale au regard de la législation pertinente et aurait tenu compte de toutes les implications d’une procédure d’exécution fiscale, dont le risque que la requérante soit déclarée en faillite au cours de ladite procédure ainsi que la durée nécessaire afin de trouver un acheteur disposé à payer le montant minimal compte tenu des seuils de la législation slovaque. En réponse aux arguments de la Commission tirés de ce que celle‑ci aurait adopté la décision attaquée en tenant compte de toutes les informations disponibles, la requérante fait valoir dans la réplique que, selon la jurisprudence, cette institution doit prendre les mesures nécessaires pour obtenir toutes les informations pertinentes aux fins de son analyse.

262    La Commission conteste le bien‑fondé de l’ensemble de ces arguments.

263    En premier lieu, d’une part, la Commission rétorque que la procédure d’exécution fiscale aurait pu être engagée avant l’ouverture de la procédure de concordat ainsi qu’en cas de refus d’homologation du concordat par les juridictions nationales. D’autre part, l’argumentation de la requérante relative au considérant 123 de la décision attaquée serait fondée sur une compréhension erronée de l’observation relative aux événements antérieurs à l’adhésion de la République slovaque à l’Union. La Commission se serait contentée de suggérer que, avant même la conclusion du concordat, la conformité du comportement de l’État membre concerné au regard du critère du créancier privé était contestable, sans toutefois avoir jugé nécessaire de s’appuyer sur cet élément pour conclure que, en tout état de cause, un créancier privé n’aurait pas choisi le concordat.

264    En deuxième lieu, la Commission affirme que la question de savoir si les reports de paiement antérieurs au concordat étaient exempts de toute aide n’est pas pertinente aux fins de la conclusion selon laquelle le concordat constituait une aide d’État. Les considérants 122 et 123 de la décision attaquée contiendraient des observations superflues aux fins de la motivation sur laquelle se fonde la conclusion relative à l’existence d’une aide.

265    En troisième lieu, la Commission fait observer que, selon la jurisprudence, il appartient à la requérante d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que l’avantage n’a pas été conféré par l’État membre concerné en sa qualité d’opérateur privé et aurait pu être obtenu sur le marché. Or, en l’absence de toute tentative par la requérante de fournir les éléments requis, la Commission estime qu’elle devait prendre en considération toutes les informations disponibles et évaluer malgré tout la crédibilité de l’allégation selon laquelle il n’existait aucune aide du fait que l’État membre aurait agi de la même façon qu’un créancier privé, étant précisé qu’elle aurait examiné la procédure d’exécution fiscale pour renforcer la décision attaquée. En tout état de cause, les arguments de la requérante relatifs au montant susceptible d’être obtenu dans le cadre d’une procédure d’exécution fiscale ainsi qu’aux coûts générés par cette procédure sont non fondés. À ce dernier titre, la Commission fait observer qu’il semble admis qu’une procédure d’exécution fiscale n’entraînerait pas autant de frais administratifs qu’une procédure de liquidation judiciaire, étant précisé qu’elle ne disposait d’aucune information sur de quelconques autres frais à prendre en considération.

266    En quatrième lieu, la Commission rétorque qu’elle a examiné la durée d’une procédure de liquidation judiciaire et que, malgré l’insuffisance des éléments disponibles sur ce point, elle a conclu que, par rapport à la propension à la lenteur caractéristique d’une procédure de liquidation judiciaire, le fait que la procédure d’exécution fiscale soit conduite par le créancier lui‑même influerait positivement sur l’efficacité et, partant, la durée de ladite procédure.

267    C’est au regard de la jurisprudence rappelée aux points 131 à 147 ci‑dessus qu’il convient d’examiner le bien‑fondé de l’appréciation comparative, par la Commission, des procédures d’exécution fiscale et de concordat en vue de l’application du critère du créancier privé.

268    Conformément à cette jurisprudence, d’abord, la Commission devait en l’espèce déterminer si, compte tenu des facteurs mentionnés au point 136 ci‑dessus, aux fins d’obtenir le paiement des sommes qui lui étaient dues, un créancier privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle des autorités slovaques aurait manifestement préféré la procédure d’exécution fiscale à la proposition de concordat. À cet effet, en vue d’identifier l’alternative la plus avantageuse, la Commission devait comparer, en fonction des intérêts d’un créancier privé, les avantages et désavantages de chacune desdites procédures (voir points 132 à 137 ci‑dessus).

269    Ensuite, lorsque, dans le contexte du critère du créancier privé, elle procède à l’appréciation globale visée au point 133 ci‑dessus, la Commission tient compte, outre des éléments fournis par l’État membre en cause, de tout autre élément pertinent en l’espèce. Ainsi, lorsqu’il apparaît que le critère du créancier privé pourrait être applicable, il lui incombe de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’application de ce critère sont remplies. Dès lors, la charge de la preuve de ce que les conditions du critère du créancier privé sont réunies pèse sur la Commission. Il en va d’autant plus ainsi lorsque la décision attaquée est fondée non pas sur un défaut de production d’éléments qui avaient été demandés par la Commission à l’État membre concerné, mais sur le constat qu’un créancier privé ne se serait pas comporté de la même manière que les autorités dudit État membre, constatation qui suppose que la Commission a disposé de tous les éléments pertinents nécessaires à l’élaboration de sa décision (voir points 138 et 139 ci‑dessus).

270    Enfin, il ressort de la jurisprudence citée au point 147 ci‑dessus qu’il appartient au Tribunal notamment de contrôler si les éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qu’elle en a tirées, étant précisé que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 134 ci‑dessus, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un créancier privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public concerné et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur aux prises avec des difficultés de paiement.

271    En l’espèce, il est constant que, lors de la procédure administrative, ni la République slovaque ni la requérante n’ont effectué de comparaison, au titre du critère du créancier privé, des procédures de concordat et d’exécution fiscale. En particulier, il ressort des éléments du dossier que, dans ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle, la requérante s’est contentée de faire valoir que la procédure d’exécution fiscale n’aurait pas pu être appliquée en l’espèce dès lors que le déroulement d’une telle procédure est empêché par l’ouverture soit d’une procédure de liquidation judiciaire soit d’une procédure de concordat. La requérante a ajouté que, si elle n’avait pas fait de proposition de concordat, sa situation financière se serait détériorée à tel point que, en l’espace de quelques semaines, elle aurait été en état d’endettement excessif et aurait, partant, été légalement tenue soit de déposer son bilan soit de faire une proposition de concordat. Les autorités slovaques ont notamment précisé, en réponse à cette observation de la requérante, que la procédure d’exécution fiscale pouvait être entamée à la suite du refus d’homologation du concordat par les juridictions nationales.

272    Néanmoins, il ressort de la décision attaquée que la Commission a procédé à cette comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat au motif que la première constituait une réelle option pour l’autorité fiscale locale avant l’ouverture de la procédure de concordat ou après le veto qu’elle aurait pu opposer au concordat proposé (considérant 121 de la décision attaquée). Elle est en substance arrivée à la conclusion qu’une exécution fiscale aurait abouti à un produit plus élevé que le concordat (considérant 127 de la décision attaquée) et qu’un créancier privé, s’il en avait eu la possibilité, aurait préféré l’exécution fiscale à la proposition de concordat (considérant 124 de la décision attaquée).

273    À cet égard, en premier lieu, la Commission, observant que les autorités slovaques et la requérante divergeaient quant à la valeur des actifs immobilisés donnés en garantie et estimant qu’il n’était pas nécessaire de déterminer quelle donnée était correcte (considérant 122 de la décision attaquée), a relevé que, si la valeur des actifs de la requérante s’élevait en réalité uniquement à la moitié de la valeur de la garantie, cela signifierait que les garanties exigées pour les reports de paiement accordés entre novembre 2002 et novembre 2003 étaient insuffisantes. Dans ces conditions, ces reports n’auraient, en toute probabilité, pas satisfait au critère du créancier privé. Tout en estimant qu’il n’était pas nécessaire pour elle de déterminer si ces mesures constituaient une aide d’État, la Commission a néanmoins relevé que, si lesdits reports constituaient déjà une aide d’État, il ne serait plus possible de se référer au critère du créancier privé lorsque la dette reportée est par la suite partiellement annulée (considérant 123 de la décision attaquée).

274    Or, comme le fait valoir à bon droit la requérante et sans même qu’il soit besoin de vérifier si la Commission était compétente pour se prononcer sur les reports de paiement entre novembre 2002 et novembre 2003, il convient de constater que ce motif de la décision attaquée, purement hypothétique, ne saurait à lui seul permettre de justifier la conclusion selon laquelle l’annulation partielle de la dette fiscale conférait un avantage à la requérante que celle‑ci n’aurait pas pu obtenir dans des conditions du marché. En effet, la Commission se contente, à ce stade, d’émettre des hypothèses sans toutefois examiner les questions ainsi soulevées par elle, sans exposer le moindre élément à leur appui, et sans en tirer de quelconque conclusion définitive.

275    Par ailleurs, la Commission convient dans ses écritures que la question de savoir si les reports de paiement antérieurs au concordat étaient exempts de toute aide n’est pas pertinente aux fins de la conclusion selon laquelle le concordat constituait une aide d’État et que les considérants 122 et 123 de la décision attaquée contiennent des observations superflues aux fins de la motivation sur laquelle se fonde la conclusion relative à l’existence d’une aide d’État.

276    En second lieu, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, même si le montant des actifs immobilisés donnés en garantie s’élevait à seulement 194 millions de SKK, un créancier privé aurait néanmoins privilégié la procédure d’exécution fiscale (considérant 124 de la décision attaquée). À cet égard, elle a relevé que l’autorité fiscale pouvait procéder directement à la cession des actifs du débiteur dans le cadre d’une telle procédure. Selon la Commission, au moment de la conclusion du concordat, la valeur des actifs circulants de la requérante, à savoir 43 millions de SKK au titre des stocks, au moins 37 millions de SKK au titre des créances exigibles et 161 millions de SKK au titre des disponibilités, excédait le montant proposé dans le cadre du concordat. La Commission a ajouté que la requérante détenait des actifs immobilisés d’une valeur d’au moins 194 millions de SKK (considérant 125 de la décision attaquée). Enfin, elle a relevé que, à la différence d’une liquidation judiciaire, une exécution fiscale n’aurait pas donné lieu à des frais administratifs et que, dès lors qu’elle était engagée et gérée par l’autorité fiscale elle‑même, il pouvait être supposé que cette procédure aurait pu être conduite rapidement (considérant 126 de la décision attaquée). Au regard de ces éléments, la Commission a conclu qu’une exécution fiscale aurait abouti à un produit plus élevé que le concordat (considérant 127 de la décision attaquée).

277    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que l’appréciation de la Commission est fondée sur la reprise des évaluations effectuées dans le cadre de la liquidation judiciaire.

278    Or, il a été conclu au point 201 ci‑dessus que cette évaluation n’était pas étayée à suffisance de droit par les éléments du dossier.

279    Ensuite, s’agissant de la durée d’une procédure d’exécution fiscale, la Commission s’est limitée à « supposer qu’elle aurait été conduite rapidement », en particulier en comparaison avec la procédure de liquidation judiciaire, dès lors qu’elle aurait été engagée et gérée par l’administration elle‑même. En revanche, la Commission n’a procédé à aucune évaluation de cette durée, que ce soit dans les circonstances de la présente affaire ou à tout le moins en moyenne au regard des étapes de la procédure telle qu’instituée par le droit slovaque. La Commission reconnaît par ailleurs dans ses écritures l’insuffisance des éléments disponibles au sujet de la durée d’une procédure d’exécution fiscale.

280    Or, il importe de rappeler que la durée des procédures constitue un élément susceptible d’influencer, de manière non négligeable, le processus décisionnel d’un créancier privé (voir, en ce sens, arrêt Frucona Košice/Commission, point 21 supra, EU:C:2013:32, point 81).

281    Enfin, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la situation de l’entreprise bénéficiaire peut constituer un élément pertinent dans l’appréciation globale des conditions d’application du critère du créancier privé (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein‑Westfalen/Commission, point 56 supra, EU:T:2003:57, point 251, et du 30 juin 2015, Pays‑Bas e.a./Commission, T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13, EU:T:2015:447, point 88).

282    Or, alors même que, lors de la procédure administrative, la requérante a indiqué qu’une procédure d’exécution fiscale aurait pu être interrompue du fait qu’elle aurait pu être amenée à devoir déposer son bilan compte tenu de la détérioration de sa situation financière, la Commission n’a, dans la décision attaquée, aucunement pris cet élément en considération, ni même évalué les chances que la procédure d’exécution fiscale puisse, eu égard à ces éléments, aboutir en l’espèce. Cette lacune ne saurait être comblée par l’affirmation, devant le Tribunal, selon laquelle cette allégation de la requérante est purement spéculative.

283    Par ailleurs, il convient d’ajouter que, s’agissant des coûts d’une procédure d’exécution fiscale, la Commission s’est contentée de relever que cette procédure, à la différence de la procédure de liquidation judiciaire, n’aurait pas donné lieu à des frais administratifs. En revanche, il ne ressort aucunement de la décision attaquée que la Commission ait examiné la question de savoir si la procédure d’exécution fiscale était susceptible de générer des frais de quelque nature que ce soit. Elle n’a pas davantage abordé l’importance éventuelle de leur incidence sur le montant susceptible d’être obtenu dans le cadre d’une telle procédure.

284    Il apparaît ainsi que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la Commission ne disposait pas des éléments matériels lui permettant d’affirmer qu’un créancier privé aurait, à la date du 9 juillet 2004, manifestement opté pour la procédure d’exécution fiscale.

285    Cette conclusion s’impose sans même qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de la requérante, qui ont trait en substance à la possibilité et à la probabilité d’une vente directe dans le cadre d’une exécution fiscale, à la valeur des actifs qu’un expert aurait le cas échéant déterminée, à l’utilisation des chiffres déterminés dans l’évaluation du produit probable d’une vente des actifs dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, aux seuils légaux applicables en cas d’exécution fiscale et à leur incidence sur la possibilité d’une cession des actifs aux montants indiqués par la Commission, à la liquidation judiciaire de L. et au risque de dilapidation des actifs de la requérante.

286    La conclusion tirée au point 284 ci‑dessus n’est pas remise en cause par les arguments de la Commission.

287    Premièrement, la Commission fait observer que, selon la jurisprudence, il appartient à la requérante d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que l’avantage en cause n’a pas été conféré par l’État membre concerné en sa qualité d’opérateur privé et aurait pu être obtenu sur le marché. Elle ajoute qu’elle a procédé à la comparaison des deux procédures sur la seule base des éléments dont elle disposait et qu’elle ne disposait pas des éléments que la requérante aurait pu fournir pour étayer sa position selon laquelle la procédure d’exécution fiscale était moins avantageuse que la procédure de concordat.

288    Toutefois, eu égard à la jurisprudence citée aux points 138, 139, 141 et 269 ci‑dessus, il y a lieu de relever que, dès lors qu’elle a fait application du critère du créancier privé en vue de la comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat et qu’elle a en substance constaté qu’un créancier privé aurait préféré la première procédure à la seconde, la Commission ne pouvait se contenter d’émettre des hypothèses non étayées et non vérifiables au motif qu’elle ne disposait pas d’informations suffisantes. Elle ne saurait davantage s’appuyer sur la jurisprudence relative à l’applicabilité de ce critère, dont il ressort qu’il appartient à l’État membre concerné ou à la partie intéressée qui l’invoque d’établir que la mesure litigieuse ressortissait à la qualité d’opérateur économique dudit État membre, pour justifier le fait qu’elle se soit contentée, en l’absence de tels éléments, de tirer des conséquences imprécises au stade de l’application de ce critère.

289    Deuxièmement, la conclusion tirée au point 284 ci‑dessus n’est pas davantage remise en cause par les autres arguments soulevés par la Commission en réponse aux arguments invoqués par la requérante. Ces arguments de la Commission portent en substance sur la possibilité et la probabilité d’une vente directe dans le cadre d’une exécution fiscale, la valeur des actifs qu’un expert aurait le cas échéant déterminée, l’utilisation des montants déterminés dans l’évaluation du produit probable d’une vente des actifs dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, la liquidation judiciaire de L., les seuils légaux applicables en cas d’exécution fiscale et, enfin, le risque de dilapidation des actifs de la requérante.

290    Or, d’une part, il convient de noter que la conclusion tirée au point 284 ci‑dessus s’appuie sur le seul constat que la Commission ne disposait pas des éléments matériels lui permettant d’affirmer qu’un créancier privé aurait, à la date du 9 juillet 2004, manifestement opté pour la procédure d’exécution fiscale. D’autre part, cette conclusion, qui découle de l’accueil des arguments de la requérante tirés de ce que la Commission, à qui il appartiendrait d’établir que les conditions du critère du créancier privé n’étaient pas réunies en l’espèce, avait omis d’apprécier la durée et les coûts ainsi que sa propre situation économique dans le cadre de la comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat, a été tirée sans même qu’il ait été nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés par elle et visés au point 285 ci‑dessus. Or, dès lors que les arguments de la Commission mentionnés au point 289 ci‑dessus ont été présentés en réponse à ces derniers arguments de la requérante, ils ne sauraient en toute hypothèse permettre d’inverser la conclusion, tirée au point 284 ci‑dessus.

291    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le quatrième moyen soulevé par la requérante est fondé.

292    Par voie de conséquence et eu égard, en particulier, aux conclusions tirées aux points 236 et 291 ci‑dessus, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

293    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris à ceux afférents aux procédures de référé, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2014/342/UE de la Commission, du 16 octobre 2013, concernant l’aide d’État SA.18211 (C 25/05) (ex NN 21/05) mise à exécution par la République slovaque en faveur de Frucona Košice a.s., est annulée.

2)      La Commission supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Frucona Košice, y compris ceux afférents aux procédures de référé.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Signatures

Table des matières

Antécédents du litige

Évolution de la situation de la requérante et procédure de concordat

Procédure administrative

Décision initiale

Procédures devant le Tribunal et la Cour

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit entachant le considérant 83 de la décision attaquée

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit entachant la conclusion selon laquelle la procédure de liquidation judiciaire était plus avantageuse que la procédure de concordat

Rappels liminaires de jurisprudence

Sur le bien‑fondé de l’évaluation du produit de la cession des actifs de la requérante dans le cadre d’une liquidation judiciaire (deuxième série d’arguments)

Sur le bien‑fondé de l’appréciation de la durée d’une procédure de liquidation judiciaire et de son incidence sur le choix du créancier privé (troisième à cinquième séries d’arguments)

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs entachant la conclusion selon laquelle la procédure d’exécution fiscale était plus avantageuse que la procédure de concordat

Sur l’applicabilité du critère du créancier privé en vue d’une comparaison des  procédures d’exécution fiscale et de concordat (première et deuxième séries d’arguments)

Sur l’application du critère du créancier privé en vue d’une comparaison des procédures d’exécution fiscale et de concordat (troisième à sixième séries d’arguments)

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.