Language of document : ECLI:EU:T:2002:77

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 mars 2002 (1)

«Concurrence - Entente - Conduites de chauffage urbain - Article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) - Principe de bonne administration - Amende - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Confiance légitime»

Dans l'affaire T-31/99,

ABB Asea Brown Boveri Ltd, établie à Zurich (Suisse), représentée par Mes A. Weitbrecht et S. Völcker, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Oliver et É. Gippini Fournier, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d'annulation de l'article 3 de la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1) ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l'amende infligée par cette décision à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 26 octobre 2000,

rend le présent

Arrêt (2)

Faits à l'origine du litige

1.
    La requérante est un groupe international actif dans les secteurs de la production, de la transmission et de la distribution d'électricité, des systèmes industriels et des systèmes de construction et dans le secteur du transport. Dans le groupe ABB Asea Brown Boveri Ltd (ci-après le «groupe ABB»), les activités relatives au chauffage urbain regroupent l'entreprise danoise ABB IC Møller A/S (ci-après «ABB IC Møller»), située à Fredericia (Danemark) ainsi que d'autres entreprises de production et/ou de distribution situées en Allemagne, en Finlande, en Pologne et en Suède.

(...)

8.
    Le 21 octobre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/60/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision du 6 novembre 1998 [C(1998) 3415 final] (ci-après la «décision» ou la «décision attaquée») constatant la participation de diverses entreprises, et, notamment, de la requérante, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) (ci-après l'«entente»).

9.
    Selon la décision, un accord a été conclu, à la fin de l'année 1990, entre les quatre producteurs danois des conduites de chauffage urbain sur le principe d'une coopération générale sur leur marché national. Cet accord aurait réuni ABB IC Møller, Dansk Rørindustri A/S, aussi connue sous le nom de Starpipe (ci-après «Dansk Rørindustri»), Løgstør Rør A/S (ci-après «Løgstør») et Tarco Energi A/S (ci-après «Tarco») (ci-après, les quatre pris ensemble, les «producteurs danois»). L'une des premières mesures aurait consisté à coordonner une augmentation des prix tant pour le marché danois que pour les marchés à l'exportation. Aux fins de partager le marché danois, des quotas auraient été fixés puis appliqués et contrôlés par un «groupe de contact» réunissant les responsables des ventes des entreprises concernées. Pour chaque projet commercial (ci-après un «projet»), l'entreprise à laquelle le groupe de contact avait attribué le projet aurait informé les autres participants du prix qu'elle avait l'intention de proposer et ces derniers auraient alors fait une offre plus élevée de façon à protéger le fournisseur désigné par l'entente.

10.
    Selon la décision, deux producteurs allemands, le groupe Henss/Isoplus (ci-après «Henss/Isoplus») et Pan-Isovit GmbH, se sont joints aux réunions régulières des producteurs danois à partir de l'automne de 1991. Dans le cadre de ces réunions se seraient tenues des négociations en vue de la répartition du marché allemand. Celles-ci auraient abouti, en août 1993, à des accords fixant des quotas de vente pour chaque entreprise participante.

11.
    Toujours selon la décision, il a été convenu d'un accord entre tous ces producteurs, en 1994, afin de fixer des quotas pour l'ensemble du marché européen. Cette entente européenne aurait comporté une structure à deux niveaux. Le «club des directeurs», réunissant les présidents ou les directeurs généraux des entreprises participant à l'entente, aurait attribué des quotas à chacune de ces entreprises tant sur l'ensemble du marché que sur chacun des marchés nationaux, notamment l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède. Pour certains marchés nationaux, un «groupe de contact» aurait été institué, composé de responsables locaux des ventes, qui se seraient vu confier la tâche de gérer les accords en attribuant les projets et en coordonnant les soumissions aux appels d'offres.

12.
    En ce qui concerne le marché allemand, la décision mentionne que, à la suite d'une réunion des six principaux producteurs européens (la requérante, Dansk Rørindustri, Henss/Isoplus, Løgstør, Pan-Isovit et Tarco) et de Brugg Rohrsysteme GmbH (ci-après «Brugg»), le 18 août 1994, une première réunion du groupe de contact pour l'Allemagne s'est tenue le 7 octobre 1994. Les réunions de ce groupe se seraient poursuivies longtemps après les vérifications de la Commission, à la fin de juin 1995, bien que, à partir de ce moment-là, elles se soient tenues à l'extérieur de l'Union européenne, à Zurich. Les réunions à Zurich se seraient poursuivies jusqu'au 25 mars 1996.

13.
    Comme élément de l'entente, la décision cite, notamment, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à éliminer la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe. La Commission précise que certains participants à l'entente ont recruté des «salariés clés» de Powerpipe et ont fait comprendre à cette dernière qu'elle devait se retirer du marché allemand. À la suite de l'attribution à Powerpipe d'un important projet allemand, en mars 1995, une réunion se serait tenue à Düsseldorf, à laquelle auraient participé les six producteurs susvisés et Brugg. Selon la Commission, il a été décidé, lors de cette réunion, d'instituer un boycottage collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe. Ce boycottage aurait ensuite été mis en oeuvre.

14.
    Dans la décision, la Commission expose les motifs pour lesquels non seulement l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les producteurs danois à la fin de 1990, mais également les arrangements conclus à compter d'octobre 1991, visés ensemble, peuvent être considérés comme formant un «accord» prohibé par l'article 85, paragraphe 1, du traité. De plus, la Commission souligne que les ententes «danoise» et «européenne» ne constituaient que l'expression d'une seule entente qui a débuté au Danemark, mais qui avait, dès le départ, pour objectif, à plus long terme, d'étendre le contrôle des participants à tout le marché. Selon la Commission, l'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.

15.
    Pour ces motifs, la décision a pour dispositif:

«Article premier

ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rørindustri A/S, le groupe Henss/Isoplus, KE KELIT Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Løgstør Rør A/S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento S.r.L. et Tarco Energi A/S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres marchés nationaux, auquel se sont ralliées Pan-Isovit et Henss/Isoplus, et qui a fini par constituer, fin 1994, une entente générale couvrant l'ensemble du marché commun.

La durée de l'infraction était la suivante:

-    dans le cas d'ABB [...]: plus ou moins à partir de novembre-décembre 1990, et au moins jusqu'en mars ou avril 1996

[...]

Les principales caractéristiques de l'entente étaient:

-    la répartition entre producteurs des différents marchés nationaux, puis de l'ensemble du marché européen, grâce à un système de quotas,

-    l'attribution de marchés nationaux à certains producteurs et l'organisation du retrait des autres producteurs,

-    la fixation des prix du produit et de chaque projet,

-    l'attribution de projets à des producteurs désignés à cet effet et la manipulation des procédures de soumission, afin que les marchés en question soient attribués à ces producteurs,

-    pour protéger l'entente de la concurrence de la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe AB, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à entraver son activité commerciale, à nuire à la bonne marche de ses affaires ou à l'évincer purement et simplement du marché.

[...]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:

a)    ABB Asea Brown Boveri Ltd., une amende de 70 000 000 écus

[...]»

(...)

Sur le fond

23.
    La requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier moyen est tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe de bonne administration. Le quatrième moyen est tiré d'une violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende. Le cinquième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation dans la détermination du montant de l'amende.

Sur le premier moyen, tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité

Arguments des parties

24.
    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir établi ses affirmations concernant l'implication de la haute direction du groupe ABB dans l'entente et concernant l'utilisation, afin de renforcer l'efficacité de l'entente, de ses ressources en tant que société multinationale.

25.
    D'abord, la requérante conteste l'allégation de la Commission selon laquelle l'entente correspondait à un plan stratégique «conçu, approuvé et dirigé au plus haut niveau de la direction du groupe». Premièrement, la conception de l'entente ne serait pas imputable à la haute direction du groupe ABB. Le plus important dirigeant impliqué dans l'entente aurait été, à l'époque, le président de la filiale danoise Asea Brown Boveri A/S Odense (ci-après «ABB Odense»), M. V., qui ne serait devenu directeur général adjoint du groupe qu'en janvier 1993, alors que le premier accord de l'entente aurait déjà été conclu à la fin de 1990. Deuxièmement, il n'existerait pas de preuve qu'un membre du conseil d'administration du groupe autre que M. V. ait été impliqué dans cette affaire. En effet, M. V. n'aurait pas pu approuver une mesure que lui-même avait prétendument «conçue». Troisièmement, M. V., bien qu'il ait été tenu informé de certaines activités de l'entente après être devenu directeur général adjoint, n'aurait pas participé à l'entente au point qu'il aurait pu l'avoir «dirigée». Enfin, au sens ordinaire du terme, il faudrait entendre par «direction du groupe» la participation de dirigeants chargés de plus d'un domaine d'activités. Or, cela n'aurait été le cas ni pour M. V., avant qu'il ne soit nommé directeur général adjoint du groupe, ni pour les directeurs généraux successifs d'ABB IC Møller.

26.
    Ensuite, la Commission n'aurait apporté aucune preuve selon laquelle la haute direction du groupe aurait arrêté des mesures visant à contester et à dissimuler l'infraction et à poursuivre les activités liées à celle-ci après le début de l'enquête de la Commission. Il faudrait rappeler, à cet égard, les démarches faites par la haute direction du groupe auprès de la division du chauffage urbain, qui ont révélé que la haute direction du groupe a été trompée par la direction responsable de l'activité de chauffage urbain.

27.
    Enfin, il n'y aurait aucun élément dans le dossier révélant que la requérante, en tant que groupe multinational, aurait utilisé ses ressources et ses activités extérieures au marché du chauffage urbain pour renforcer l'efficacité de l'entente ou s'assurer de l'obéissance des membres de l'entente. La seule influence économique que la division du chauffage urbain ait exercée pour mettre en oeuvre l'entente résulterait de sa position sur le marché et non pas d'une subvention ou d'une assistance assurées par la direction ou par les ressources du groupe.

28.
    À cet égard, la requérante conteste les faits cités par la Commission devant le Tribunal comme preuves de l'utilisation ou de menaces d'utilisation de son pouvoir économique. En ce qui concerne le projet de débaucher un salarié clé de Powerpipe pour finalement l'employer comme «consultant» au bureau d'influence de la requérante à Bruxelles, dans des activités sans rapport avec le chauffage urbain, il y aurait lieu de préciser qu'il s'agit bien d'une démarche qui faisait partie d'un accord commun entre la requérante et Løgstør. La raison pour laquelle la personne en question a été embauchée finalement en dehors du secteur du chauffage urbain aurait été une plainte de Powerpipe au sujet de la clause de non-concurrence contenue dans l'ancien contrat de l'intéressé. En ce qui concerne les menaces d'action en justice et l'évocation de «mesures de représailles», il faudrait tenir compte du fait que le conseiller juridique d'ABB qui avait signé la lettre envoyée à Powerpipe, figurant en annexe 17 de la communication des griefs, était convaincu à ce moment-là, ayant été lui-même trompé par la division du chauffage urbain, de ce que les accusations de Powerpipe n'étaient pas fondées et de ce qu'il agissait dans l'intérêt légitime de l'entreprise.

29.
    Ainsi que cela ressortirait du considérant 169 de la décision, ce serait en vertu de toutes ces allégations contestées que la Commission, dans la décision, a augmenté le montant de l'amende afin d'assurer un effet suffisamment dissuasif de celle-ci au regard de la prétendue implication de la haute direction du groupe. Contrairement à ce que prétend la défenderesse, le considérant 169 de la décision n'exprimerait donc pas l'intention d'établir la responsabilité de la requérante en tant que groupe. Les questions soulevées par la responsabilité du groupe, notamment la détermination du destinataire de la décision et la pertinence du chiffre d'affaires de la division du chauffage urbain dans le contexte de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, seraient spécifiquement traitées dans un autre passage de la décision.

30.
    La défenderesse fait observer, en ce qui concerne l'implication de hauts cadres d'ABB, que le dossier fournit de nombreuses preuves de la participation directe aux activités de l'entente de dirigeants qui doivent être considérés comme se situant à un niveau supérieur de la direction du groupe. Cela serait le cas non seulement pour M. V., mais également pour les deux personnes qui se sont succédé en tant que directeur général d'ABB IC Møller, la société qui dirige le secteur d'activité «chauffage urbain» et réunit plus de 30 entreprises au sein du groupe ABB, dont notamment ABB Isolrohr GmbH, la principale filiale allemande du groupe.

31.
    Selon la défenderesse, la décision ne prétend pas démontrer que la direction de l'entente, comme cherche à le montrer la requérante, est imputable à l'ensemble du comité de direction du groupe. La seule question traitée dans la décision aurait été de savoir si des hauts cadres, qui pouvaient raisonnablement être considérés comme ayant assumé des responsabilités de direction dans le groupe ABB, ont approuvé la conception et la conduite de l'entente et y ont été impliqués. À cet égard, la décision aurait apporté suffisamment de preuves. La tentative de la requérante de minimiser la participation à l'entente des dirigeants suprêmes du groupe n'aurait guère d'utilité, puisque la requérante ne conteste pas la conclusion qui est tirée d'une telle participation, notamment l'imputation de la responsabilité à l'ensemble du groupe ABB).

32.
    Quant à l'exploitation par la requérante de son pouvoir économique comme entreprise multinationale, il ne serait pas énoncé, dans la décision, que la requérante a usé des ressources attribuables à des secteurs d'activité autres que le chauffage urbain. La décision constaterait uniquement le fait incontesté que la requérante a mis son pouvoir économique et ses ressources d'entreprise multinationale au service de l'entente. Même si l'on acceptait l'interprétation de la requérante, la décision aurait cité plusieurs exemples d'utilisation ou de menaces d'utilisation du pouvoir économique de la requérante.

Appréciation du Tribunal

33.
    Il convient d'observer, en ce qui concerne les affirmations de la Commission sur le rôle joué par la direction du groupe, au plus haut niveau, dans l'entente que ces affirmations sont suffisamment étayées par les éléments de preuve indiqués par la Commission, notamment en ce qui concerne le rôle joué par M. V., initialement responsable des activités du groupe ABB au Danemark en tant que président de ABB Odense et, à compter de novembre 1992, directeur général adjoint du groupe ABB, et en ce qui concerne le comportement des directeurs généraux successifs d'ABB IC Møller.

34.
    À cet égard, il y a lieu de préciser que la requérante ne conteste pas les constatations faites par la Commission quant au rôle joué par chacun des dirigeants susmentionnés dans l'entente, mais soutient que ces dirigeants ne faisaient pas tous partie de la direction du groupe ABB.

35.
    Il convient d'observer, toutefois, que, contrairement à ce que prétend la requérante, le terme «direction du groupe» ne peut être limité aux seuls dirigeants chargés de plus d'un domaine d'activité du groupe. Il y a lieu d'observer que, dans la structure du groupe ABB telle qu'expliquée par la requérante, le secteur du chauffage urbain ne jouit pas d'une autonomie complète, dans la mesure où toutes les entreprises actives dans ce secteur exercent leurs activités, sur le plan commercial, sous la direction d'un directeur responsable du secteur du chauffage urbain, lequel est en même temps directeur général d'ABB IC Møller, tandis qu'elles sont également subordonnées à la principale filiale d'ABB de leur pays ou région. Dans ces circonstances, tant les personnes responsables dans un pays ou une région des activités d'ABB que la personne chargée, au niveau du groupe ABB, de la direction commerciale de toutes les entreprises de chauffage urbain peuvent être considérées comme faisant partie de la direction du groupe ABB. Par ailleurs, il ressort des rapports annuels du groupe ABB que tant les dirigeants responsables pour un pays ou une région que les dirigeants chargés de toutes les entreprises actives dans un secteur donné sont mentionnés dans la liste du «management» du groupe ABB.

36.
    Il y a lieu de remarquer que la désignation des directeurs généraux d'ABB IC Møller comme appartenant à la direction du groupe ABB n'est pas contredite par le fait que, dans l'organisation du groupe ABB, la division du chauffage urbain ressort également de la responsabilité directe d'un membre du conseil d'administration, notamment M. V. En effet, la responsabilité additionnelle d'un membre du plus haut organe d'ABB ne saurait empêcher que les dirigeants chargés expressément, au niveau du groupe, de toutes les entreprises actives dans un secteur déterminé puissent également être considérés comme faisant partie de la direction du groupe.

37.
    Étant donné que non seulement M. V., en tant que directeur général adjoint du groupe ABB, mais également les directeurs généraux successifs d'ABB IC Møller ainsi que M. V., avant sa nomination au conseil d'administration du groupe ABB, en tant que responsable des activités d'ABB au Danemark, ont exercé des fonctions au niveau de la direction du groupe ABB, la requérante ne saurait s'appuyer sur le fait que M. V. a été le seul membre du conseil d'administration du groupe ABB responsable du chauffage urbain pour prétendre que l'entente n'a pas pu être conçue, approuvée et dirigée au niveau de la haute direction du groupe.

38.
    Quant aux mesures prises, au niveau de la direction du groupe ABB, pour nier ou dissimuler l'existence de l'entente, même après les vérifications, il convient d'observer, d'abord, que la requérante ne conteste pas que le directeur général d'ABB IC Møller représentait ABB lors des réunions des directeurs qui se sont poursuivies jusqu'en mars 1996. Il y a lieu de remarquer, à ce propos, que, selon la propre déclaration de la requérante, il a été décidé lors d'une réunion des directeurs, après les vérifications de la Commission, de tenir secrets la date et le lieu des rencontres et de tenir toutes les réunions du club des directeurs en dehors de l'Union européenne (réponse de la requérante du 13 août 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996). Il convient de lire cette déclaration de la requérante avec la déclaration de Løgstør selon laquelle il y avait, après les vérifications, «une forte pression d'ABB pour que l'accord soit maintenu» et selon laquelle «tous les autres avaient peur» (observations de Løgstør sur la communication des griefs). Quant à M. V., il s'avère que celui-ci continuait d'être informé des activités de l'entente même après sa nomination au conseil d'administration d'ABB, ainsi que cela ressort de notes internes d'ABB envoyées les 19 et 22 avril et le 2 juillet 1993 (annexes 26, 29 et 48 de la communication des griefs). Or, en ce qui concerne les mesures concertées contre Powerpipe, il ressort des lettres des 4 mars et 2 mai 1994 adressées par M. V. à Powerpipe, en réponse aux accusations relatives aux activités anticoncurrentielles d'ABB dont Powerpipe aurait été la victime, que M. V. continuait à nier l'existence de telles activités anticoncurrentielles (annexes 2 et 7 de la communication des griefs). En outre, il ressort des télécopies figurant en annexes 11, 13 et 16 de la communication des griefs que M. V. était impliqué, en décembre 1994, dans l'élaboration de la position prise par ABB en réponse aux allégations des avocats de Powerpipe niant le caractère anticoncurrentiel des activités de l'entreprise. Par conséquent, tant le directeur général d'ABB IC Møller que M. V. ont été impliqués, en tant que membres de la haute direction du groupe ABB, dans les tentatives de nier ou de dissimuler l'entente.

39.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission a constaté à juste titre, au considérants 121 et 169 de la décision, que la participation à l'entente de la requérante a été conçue, approuvée et dirigée au plus haut niveau de la direction du groupe ABB, de même que l'ont été les mesures prises pour nier ou dissimuler l'existence de l'entente et pour assurer son maintien après les vérifications. L'affirmation selon laquelle la direction du groupe serait intervenue, déjà en novembre 1995, auprès de la division du chauffage urbain afin que celle-ci respecte les règles de la concurrence n'est pas à même d'invalider cette constatation.

40.
    Quant à l'utilisation par la requérante de son pouvoir économique et de ses ressources de société multinationale, il suffit d'observer que la décision cite plusieurs faits, non contestés par la requérante, qui témoignent de l'utilisation par cette dernière de son pouvoir économique, notamment lors de ses tentatives pour obtenir des participations dans d'autres entreprises présentes dans le secteur (considérants 37, 46, 48, 91 et 106 de la décision).

41.
    De plus, il ressort du dossier, comme cela est mentionné au considérant 156 de la décision, que les efforts de la requérante pour éliminer Powerpipe et pour préserver les intérêts de l'entente ont été mis en oeuvre par le biais d'entreprises dont le domaine d'activité n'était pas celui du secteur du chauffage urbain.

42.
    À cet égard, il convient d'observer, en premier lieu, en ce qui concerne le recrutement d'un salarié clé de Powerpipe, qu'il ressort de la note interne d'ABB, figurant en annexe 27 de la communication des griefs, que le projet initial était d'engager cette personne dans une filiale espagnole d'ABB qui n'avait rien à voir avec le secteur du chauffage urbain. Or, même si l'engagement de cette personne dans le secteur du chauffage urbain avait été impossible à cause des obligations contractuelles de cette dernière, il doit tout de même être constaté que les membres du personnel de la requérante qui, au sein de la division du chauffage urbain, préparaient ce débauchage ont dû savoir que d'autres entreprises dans le groupe ABB étaient prêtes à soutenir leurs démarches.

43.
    En second lieu, il convient de constater que les activités de la division du chauffage urbain vis-à-vis de Powerpipe ont été suivies et soutenues par des personnes appartenant à des entreprises qui, selon la structure du groupe ABB, ne faisaient pas partie de la division du chauffage urbain. D'abord, il ressort des correspondances figurant aux annexes 9, 11, 13, 15 et 16 de la communication des griefs que la position prise par ABB lors des contacts avec Powerpipe a été coordonnée non seulement avec M. V. et le directeur général d'ABB IC Møller, mais également avec une personne de la filiale allemande Asea Brown Boveri AG Mannheim. De même, les lettres figurant en annexes 144 et 146 de la communication des griefs démontrent qu'un membre de la direction de cette filiale allemande est intervenu, en mars 1995, en ce qui concerne l'attribution du projet de Leipzig-Lippendorf, pour déconseiller au maître d'ouvrage de l'attribuer à Powerpipe. Enfin, la télécopie figurant en annexe 159 de la communication des griefs démontre que la personne débauchée de Powerpipe a, même après son engagement dans une division des transports d'ABB située en Belgique, continué de suivre les activités de Powerpipe pour en informer le directeur général d'ABB IC Møller. Même s'il est vrai qu'il s'agissait, dans ce dernier cas, d'une personne ayant été active dans le secteur du chauffage urbain et, en ce qui concerne Asea Brown Boveri AG Mannheim, d'une entreprise agissant en même temps, en Allemagne, comme société mère par rapport aux entreprises d'ABB actives sur le marché allemand du chauffage urbain, il n'en reste pas moins que les activités à l'encontre de Powerpipe ont été suivies par des membres du personnel appartenant à des entreprises d'ABB dont le domaine d'activité n'était pas le chauffage urbain.

44.
    Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission a été en droit de constater, au considérant 169 de la décision, que la requérante a systématiquement exploité son pouvoir économique et ses ressources en tant que grande entreprise multinationale pour renforcer l'efficacité de l'entente et s'assurer que les autres entreprises obéiraient à ses volontés.

45.
    Partant, le moyen doit être rejeté.

(...)

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne administration

Arguments des parties

91.
    La requérante fait observer que les exigences de bonne pratique administrative, d'objectivité et de neutralité doivent constituer les lignes de conduite du traitement des affaires en matière de concurrence. Elle soutient toutefois que le principal gestionnaire de l'affaire au sein de la Commission a fait preuve d'un préjugé essentiel à son égard pendant toute la procédure, préjugé qui a trouvé son expression dans la décision telle qu'adoptée par le collège des membres de la Commission. À cet effet, la requérante cite plusieurs faits qui seraient la preuve d'un parti pris du principal gestionnaire du dossier de l'affaire.

92.
    Premièrement, au printemps de 1996, à la fin d'une réunion avec des représentants de Løgstør, ce fonctionnaire leur aurait assuré que Løgstør n'avait rien à craindre, mais que c'était plutôt ABB qui était la principale cible de l'enquête.

93.
    Deuxièmement, au début de l'audition qui s'est tenue le 24 novembre 1997, le même fonctionnaire aurait jeté, sans aucune raison, un opprobre particulier sur la requérante en énonçant ce qui suit: «ABB s'enorgueillit de sa réputation d‘entreprise plus respectée d'Europe’ [...] il se peut qu'après les faits relevant de cette affaire, il soit généralement connu qu'ils vont travailler très dur en fait pour veiller à la sauvegarde de cette réputation.» Lors de l'audition, ledit fonctionnaire aurait également posé à la requérante des questions sans utilité et qui ne pouvaient être considérées autrement que comme une tentative de l'embarrasser dans ce lieu.

94.
    Troisièmement, le 9 novembre 1998, avant même que la Commission ait signifié le texte de la décision à ABB IC Møller, ledit fonctionnaire aurait formulé des remarques péjoratives dans un exposé lors d'une conférence relative au droit de la concurrence. Lors de son exposé de l'affaire des conduites précalorifugées, il aurait remarqué que l'acronyme ABB prendrait une nouvelle signification: «A Bad Business» (une mauvaise entreprise). Au sujet de cet incident, le directeur général de la direction générale de la concurrence aurait exprimé plus tard ses excuses. À cet égard, l'explication donnée par la défenderesse, selon laquelle «A Bad Business» était le titre d'un article publié auparavant dans The Parliament, n'aurait pas de pertinence étant donné qu'on ne pourrait assimiler les normes de conduite d'un éditorialiste à celles de fonctionnaires de la Commission débattant d'une affaire en leur qualité officielle.

95.
    À l'égard de ce dernier incident, il ne serait pas pertinent d'avancer qu'il a eu lieu après l'adoption de la décision étant donné que ce fait n'est pas mentionné en tant que vice de procédure, mais comme preuve d'un préjugé persistant de la part du principal gestionnaire de l'affaire pendant toute la procédure ayant abouti à la décision attaquée.

96.
    Selon la requérante, la décision du collège des membres de la Commission a été influencée par le parti pris contre elle du gestionnaire du dossier. Ainsi, certaines failles de la décision s'expliqueraient probablement par l'acharnement dont ce fonctionnaire aurait fait preuve afin de châtier spécialement la requérante. Sur ce point, la requérante fait observer d'abord que la décision assimile ABB à la seule multinationale en cause même si trois autres entreprises, Oy KWH Tech AB (ci-après «KWH»), Pan-Isovit et Sigma Tecnologie di rivestimento Srl (ci-après «Sigma») font également partie de grands groupes internationaux et même si, en ce qui concerne Pan-Isovit, le dossier révèle que les membres de sa haute direction ont participé à l'entente. Ensuite, la décision comprendrait des allégations, non étayées et induisant en erreur, relatives à la participation de membres de la haute direction du groupe ABB à l'entente, qui étaient destinées à influencer le collège des membres de la Commission au détriment de la requérante et à l'amener à prononcer une amende extrêmement élevée contre cette dernière. Eu égard aux preuves apportées quant au préjugé du gestionnaire du dossier et à l'expression de ce préjugé dans la décision, ce serait à la Commission de démontrer que le préjugé n'a exercé aucun effet sur la décision prise par le collège des membres de la Commission.

97.
    La défenderesse fait remarquer que, même si les faits mentionnés étaient exacts, elle ne peut y distinguer un quelconque préjugé. Quant aux remarques citées, il faudrait observer que la remarque lors de la conférence a été faite après l'adoption de la décision et n'aurait donc pas pu en affecter le contenu ni la validité. Par ailleurs, non seulement la remarque «A Bad Business» n'aurait pas été que le titre d'un article publié auparavant, mais cet article aurait été mentionné expressément en tant que tel durant cette conférence.

98.
    En tout état de cause, la requérante n'aurait indiqué aucun élément illicite de la décision qui découlerait du prétendu préjugé. Les constatations de la Commission dans la décision et les amendes infligées aux participants de l'entente découleraient de leur propre comportement et se justifieraient par des faits et des circonstances pleinement confirmés dans le dossier.

Appréciation du Tribunal

99.
    Il convient d'observer que parmi les garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l'obligation pour l'institution compétente d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 86, du 26 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7/92, Rec. p. II-669, point 34, et du 11 juillet 1996, Métropole télévision/Commission, T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93, Rec. p. II-649, point 93).

100.
    Dans ce contexte, il convient de constater, comme cela ressort du procès-verbal de l'audition, que la requérante a été l'objet, lors de son audition, le 24 novembre 1997, d'une remarque péjorative concernant sa réputation et d'une série de questions tendancieuses sur des faits qu'elle ne contestait plus, toutes de la part d'un fonctionnaire de la Commission chargé de l'affaire ayant conduit à la décision attaquée. Il n'est pas contesté que le même fonctionnaire s'est, lors d'une conférence du 9 novembre 1998 sur les questions du droit de la concurrence, exprimé en utilisant une citation jetant le discrédit sur les activités de la requérante.

101.
    Il est vrai que ces remarques témoignent d'un comportement et d'un langage peu soignés de la part d'un membre de l'équipe chargée, au sein de la Commission, de la présente affaire. Cela est d'ailleurs confirmé par le fait que le directeur général de la concurrence de la Commission a offert ses excuses à la requérante à la suite de la remarque faite lors de la conférence du 9 novembre 1998.

102.
    Toutefois, de telles remarques, pour regrettables qu'elles soient, ne sont pas de nature à faire surgir un doute sur le degré de soin et d'impartialité avec lequel la Commission a mené son enquête sur l'infraction commise par la requérante. Il en va de même, s'il était prouvé, pour le commentaire que le même fonctionnaire aurait fait vis-à-vis des représentants de Løgstør, même s'il convient de constater que, en ce qui concerne ce prétendu commentaire, la requérante n'en a apporté aucune preuve.

103.
    D'ailleurs, en ce qui concerne la remarque exprimée lors de la conférence du 9 novembre 1998, il y a lieu de constater que, au moment de cette conférence, même si la décision n'avait pas encore été notifiée à la requérante, elle avait déjà été adoptée. Or, il ressort de la jurisprudence que des actes postérieurs à l'adoption de la décision ne peuvent pas affecter sa validité (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, points 15 à 16).

104.
    Dans la mesure où la requérante prétend déduire de la généralité des remarques exprimées par le même fonctionnaire la preuve d'un préjugé contre elle, il convient d'observer qu'un comportement regrettable d'un membre de l'équipe chargée d'une affaire ne vicie pas à lui seul la légalité de la décision qui découle de cette affaire. En effet, même s'il y a eu, dans le chef de ce fonctionnaire, une violation du principe de bonne administration, il faudrait toutefois observer que la décision attaquée n'a pas été prise par le fonctionnaire en question, mais par le collège des membres de la Commission.

105.
    En tout état de cause, les éléments invoqués par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que, au cas où le fonctionnaire en question a eu un préjugé contre la requérante, ce préjugé aurait trouvé une expression dans la décision même. D'une part, en ce qui concerne l'allégation de la participation de la haute direction du groupe ABB à l'entente, il suffit de se référer aux points 33 à 44 ci-dessus, où il a été constaté que celle-ci est étayée par les éléments de preuve rassemblés par la Commission. D'autre part, en ce qui concerne le fait que la Commission a considéré ABB comme la seule entreprise multinationale impliquée dans l'affaire, force est de constater que, dès lors que la Commission n'a pas trouvé d'indices suffisants pour imputer l'infraction aux groupes auxquels appartiennent KWH, Pan-Isovit et Sigma, il incombe à la requérante, estimant que l'implication de tels groupes ressort du dossier, d'en apporter la preuve. Or, la requérante s'est limitée à affirmer, sans en apporter la preuve, que la haute direction du groupe auquel appartenait, à l'époque, Pan-Isovit aurait été informée des activités de l'entente et les aurait approuvées. Quant aux groupes auxquels appartenaient KWH et Sigma, la requérante ne s'est référée à aucun élément du dossier pouvant démontrer leur implication dans l'entente. Il y a lieu d'observer, à ce propos, que, étant donné que la Commission s'est appuyée sur un ensemble d'éléments pour imputer l'infraction au groupe ABB, comme cela ressort des considérants 156 et 169 de la décision, il ne suffit pas d'indiquer, afin d'étendre la responsabilité d'autres participants pour l'infraction à leur société mère, que ceux-ci font partie d'un groupe international et ont, eux-mêmes, des activités sur le plan international.

106.
    À cet égard, il convient d'observer encore que, lorsqu'il est établi qu'une entreprise a été impliquée dans une entente au niveau du groupe auquel elle appartient, même la preuve d'une manifestation prématurée par la Commission, au cours de la procédure administrative, de sa conviction, selon laquelle cette implication du groupe en question existe, n'est pas de nature à priver de sa réalité la preuve même d'une telle implication.

107.
    Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation du principe de bonne administration.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de principes généraux et d'erreurs d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende

108.
    Comme quatrième moyen, la requérante fait valoir la violation des principes généraux relatifs à la protection de la confiance légitime, à la proportionnalité et à l'égalité de traitement et elle reproche à la Commission une appréciation erronée de la durée de l'infraction ainsi que des circonstances aggravantes, des circonstances atténuantes et de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la coopération»).

(...)

Sur l'application erronée de la communication sur la coopération

- Arguments des parties

226.
    La requérante prétend que la Commission aurait dû lui accorder la réduction de 50 % à laquelle elle avait droit en vertu de la communication sur la coopération, étant donné qu'elle remplissait les deux conditions prévues au point D de cette communication. En ce qui concerne la condition selon laquelle «avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise», la Commission elle-même reconnaîtrait que la requérante a contribué sensiblement à l'établissement des éléments de fait pertinents, dont les faits concernant les origines de l'entente au Danemark à la fin de 1990, pour lesquels la Commission ne disposait d'aucun élément de preuve. En ce qui concerne la condition selon laquelle «après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité de faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations», il faudrait observer que la requérante était en fait le seul grand participant à l'entente qui n'a pas contesté les faits sur lesquels la Commission a fondé ses allégations.

227.
    Selon la requérante, les deux conditions du point D ne peuvent être considérées comme complémentaires. Sinon, une entreprise ne remplissant pas les conditions des points B et C de la communication sur la coopération n'aurait en effet aucun encouragement à coopérer avec la Commission avant l'envoi de la communication des griefs. En satisfaisant aux deux conditions prévues au point D, la requérante aurait dû obtenir une réduction de 50 % au moins. De fait, on s'imaginerait difficilement comment la requérante aurait pu être plus franche et coopérative ou comment sa franchise et son esprit de coopération auraient pu être plus précieux pour la Commission.

228.
    La requérante conteste la justification donnée dans la décision de ne lui accorder qu'une réduction de l'amende de 30 %, notamment l'explication selon laquelle elle n'aurait commencé à coopérer qu'après la réception d'une demande de renseignements, en mars 1996, soit neuf mois après qu'elle a été informée de ce que la Commission avait commencé une enquête. D'une part, en ce qui concerne le début de la coopération, les deux conditions du point D de la communication auraient bien été remplies. La première condition exigerait uniquement que la coopération doive avoir lieu avant la communication des griefs, sans allusion à la portée des lettres envoyées au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Quant à la deuxième condition, le commencement de la coopération serait un élément non pertinent. D'autre part, la décision ne cadrerait pas avec l'application de la communication sur la coopération dans la décision 98/247/CECA de la Commission, du 21 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA (IV/35.814 - Extra d'alliage) (JO L 100, p. 55, ci-après la «décision Extra d'alliage»). Dans cette affaire, des entreprises auraient bénéficié d'une réduction de 40 % motivée par leur coopération et leur aveu des agissements illicites, bien qu'elles n'aient coopéré que 21 mois après avoir appris que la Commission procédait à une enquête et un an après l'établissement de la communication des griefs par la Commission dans cette affaire.

229.
    Enfin, la requérante fait observer qu'elle a été discriminée dans la mesure où elle s'est vu accorder une réduction de 30 % seulement de l'amende. La même réduction aurait été accordée à Løgstør et à Tarco, alors que ces entreprises avaient contesté un grand nombre des éléments de fait décisifs dont la requérante avait reconnu l'existence. Le traitement inégal de la requérante par la Commission ressortirait également du fait qu'elle a accordé à KE KELIT Kunststoffwerk GmbH une réduction de 20 % uniquement pour n'avoir pas contesté des éléments de fait essentiels dans la même communication des griefs. À cet égard, l'argument de la Commission selon lequel la requérante ne pourrait pas invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d'autrui n'a pas de fond, étant donné que la requérante ne soutient pas que les participants qui n'ont pas reçu d'augmentation de leur amende auraient été traités d'une manière illégale.

230.
    La défenderesse maintient qu'une réduction de 30 % tient objectivement et dûment compte de la collaboration de la requérante dans l'enquête. Il ne serait pas exact de soutenir que la décision ne mentionne qu'une seule raison de ne pas lui accorder la réduction maximale, à savoir le fait qu'ABB n'avait coopéré que neuf mois après les vérifications. L'importance de la réduction dépendrait, toutefois, de la mesure dans laquelle la coopération d'une entreprise a contribué à l'enquête de la Commission. Dans son considérant 174, la décision aurait bien précisé que la contribution de la requérante dans l'établissement des faits ne concernait pas tous les aspects de l'entente et que la Commission disposait aussi d'autres preuves de l'existence de l'entente avant 1994. Quant au fait que la requérante n'a jamais contesté les faits, même s'il n'est pas mentionné au considérant 174 de la décision, il serait correctement reconnu dans les considérants 26, 119 et 169 de la décision.

231.
    Quant à la coopération de la requérante, la défenderesse fait observer encore que la requérante, bien qu'étant la première à manifester son intention de coopérer, n'a pas été la première à fournir des preuves de l'origine de l'entente en 1990. En ce qui concerne cette période, la décision déclarerait uniquement que la Commission n'avait pu obtenir de preuves suffisantes «au cours de son enquête» dans les locaux des participants. De toute façon, la Commission aurait obtenu de nombreuses preuves à charge relatives à l'ensemble de l'entente au cours de ses vérifications. La tentative de la requérante de subdiviser l'infraction en deux parties contredirait l'appréciation non contestée que l'entente correspondrait à une infraction unique et continue. La défenderesse ajoute que la requérante n'a jamais fourni de preuves documentaires autres que celles qui ont été découvertes dans ses locaux durant l'enquête.

232.
    Ensuite, la défenderesse conteste la méthode de calcul réalisée par la requérante pour parvenir à une réduction de 50 %. La réduction de 30 % accordée à la requérante traduirait correctement sa contribution à l'enquête ainsi que le fait qu'elle n'a pas contesté les faits. La défenderesse explique que les deux conditions du point D de la communication sont largement complémentaires dans la mesure où la seconde condition est, la plupart du temps, implicitement contenue dans la première. On ne saurait donc soutenir que la non-contestation des faits pourrait entraîner une augmentation sensible de la réduction accordée à ABB pour avoir aidé la Commission à établir les faits. En tout état de cause, la non-contestation des faits ne justifierait qu'une faible réduction lorsqu'il n'y a que très peu de choses qu'une entreprise puisse contester sans contredire des preuves irréfutables ou annihiler sa propre contribution à l'enquête en vertu de la première partie du point D de la communication.

233.
    En ce qui concerne la prétendue discrimination, enfin, la défenderesse réitère son affirmation selon laquelle la requérante n'a pas démontré que l'appréciation de sa collaboration à l'enquête par la Commission a été manifestement erronée. En ce qui concerne les autres entreprises, l'appréciation des réductions à accorder refléterait dûment la situation de chaque entreprise. En ce qui concerne Løgstør, il faudrait observer que, bien que cette entreprise ait peut-être contesté une partie de l'interprétation des faits, telle que l'existence d'une entente continue pendant toute la période couverte par l'enquête, elle a fourni des éléments de preuve essentiels sur de nombreux aspects importants de l'affaire, y compris la poursuite de l'entente après l'enquête. En ce qui concerne Tarco, il s'agirait de la première entreprise à fournir des preuves documentaires sur l'origine de l'entente en 1990. De toute façon, même si la réduction accordée à d'autres participants à l'entente pouvait être qualifiée d'excessivement généreuse, le respect du principe d'égalité de traitement devrait être mis en balance avec le respect du principe de légalité, selon lequel nul ne pourrait invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui.

- Appréciation du Tribunal

234.
    Il y a lieu d'observer, au préalable, que la Commission, dans sa communication sur la coopération, a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de celle-ci qu'elles auraient autrement dû acquitter (voir point A, paragraphe 3, de la communication).

235.
    Il n'est pas contesté que le cas de la requérante ne tombe pas dans le champ d'application du point B de cette communication, visant le cas où une entreprise a dénoncé une entente secrète à la Commission avant que celle-ci n'ait procédé à une vérification (cas pouvant amener à une réduction d'au moins 75 % du montant de l'amende), ni dans celui du point C de cette communication, concernant une entreprise qui a dénoncé une entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sans que cette dernière ait pu donner une base suffisante pour justifier l'engagement de la procédure en vue de l'adoption d'une décision (cas pouvant amener à une réduction de 50 à 75 % du montant de l'amende).

236.
    En effet, le cas de la requérante relève du point D de la communication sur la coopération, aux termes duquel «[l]orsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération». Cette communication précise:

«Tel peut notamment être le cas si:

-    avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

-    après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.»

237.
    Dans ce cadre, il convient d'observer, d'abord, qu'il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir refusé d'accorder à la requérante la pleine réduction de 50 % admissible en vertu du point D de la communication sur la coopération en s'appuyant, notamment, sur le fait qu'il a fallu attendre, pour que la requérante coopère, l'envoi des demandes de renseignements détaillées (considérant 174, troisième et quatrième alinéas, de la décision).

238.
    En effet, selon une jurisprudence constante, une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération au cours de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise incriminée a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 36; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 393; du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T-310/94, Rec. p. II-1043, point 271, et BPB de Eendracht/Commission, T-311/94, Rec. p. II-1129, point 325). Or, étant donné que, même en dehors des situations relevant du point C de la communication, la coopération d'une entreprise avant que la Commission n'ait notifié une demande de renseignements est de nature à faciliter l'enquête de la Commission, il a été tout à fait loisible à la Commission de ne pas accorder la réduction maximale envisagée par le point D de la communication à la requérante, qui n'a déclaré sa volonté de coopérer qu'après la réception d'une première demande de renseignements datant du 13 mars 1996, alors que la vérification chez ABB IC Møller avait déjà eu lieu le 29 juin 1995.

239.
    Quant à la comparaison du cas d'espèce avec la pratique antérieure de la Commission, il convient d'observer que le seul fait que la Commission ait accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n'implique pas qu'elle est tenue d'accorder la même réduction proportionnelle lors de l'appréciation d'un comportement similaire dans le cadre d'une procédure administrative ultérieure (arrêt du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347/94, Rec. p. II-1751, point 368).

240.
    Toutefois, il y a lieu d'examiner si la Commission, dans la mesure où elle a accordé à la requérante la même réduction de 30 % que celles accordées à Løgstør et à Tarco, a respecté le principe d'égalité de traitement qui s'oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174/89, Rec. p. I-2681, point 25; arrêt BPB de Eendracht/Commission, précité, point 309).

241.
    À cet égard, on ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir différencié le degré de coopération de la requérante de celui correspondant à Løgstør et à Tarco en ce qui concerne la communication d'éléments de preuve à la Commission. En effet, même s'il est vrai que les renseignements fournis par ABB ont contribué de manière notable à établir la matérialité des faits pertinents, en particulier en ce qui concerne les origines de l'entente au Danemark à la fin de 1990, il y a lieu d'observer que, à ce propos, Tarco a été la première à fournir des preuves (réponse de Tarco du 26 avril 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996). Du reste, il ressort du dossier que les informations données par la requérante dans ses réponses à la demande de renseignements ont été considérables, mais, du point de vue de leur contribution à la constatation de l'infraction, pas plus importantes que celles données par d'autres entreprises, vu les preuves dont disposait la Commission après les vérifications. Ainsi, en ce qui concerne la poursuite de l'entente après les vérifications, des éléments de preuve ont été fournis par Løgstør ( réponse de Løgstør du 25 avril 1996 à la demande de renseignements du 13 mars 1996) tandis que la requérante, après avoir reconnu une telle poursuite de l'infraction dans sa réponse du 4 juin 1996, n'a fourni des informations plus détaillées que dans sa réponse du 13 août 1996. En ce qui concerne les mesures prises à l'encontre de Powerpipe, il y a lieu d'observer que la Commission n'a pas pu se baser sur des renseignements donnés par ABB, mais a dû se baser sur l'information donnée par Powerpipe et sur d'autres documents attestant l'approbation et la mise en oeuvre d'un tel arrangement. Il s'ensuit que la Commission a été en droit de ne pas différencier la réduction relative à la coopération accordée à la requérante, à Løgstør et à Tarco, pour autant qu'il s'agit de leur communication d'éléments de preuve à la Commission.

242.
    Toutefois, il y a lieu de constater que la Commission aurait dû différencier la réduction relative à la coopération à accorder à la requérante de celles accordées à Løgstør et à Tarco en raison de la circonstance selon laquelle la requérante, après la réception de la communication des griefs, n'a plus contesté les constatations de faits ni leur interprétation par la Commission. Eu égard à la constatation selon laquelle, d'une part, la coopération de la requérante quant à sa communication d'éléments de preuve n'a pas été significativement différente de celle fournie par Løgstør ou par Tarco et, d'autre part, la Commission n'a plus mentionné, lors de l'appréciation de la coopération de la requérante au considérant 174 de la décision, le fait que celle-ci n'a pas contesté la matérialité des faits, il y a lieu de constater que cette dernière circonstance n'est pas entrée en ligne de compte dans le calcul de la réduction à accorder à la requérante pour sa coopération.

243.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission a expressément reconnu, au considérant 26 de la décision, que, à partir de ses observations sur la communication des griefs, la requérante s'est distinguée des autres entreprises dans la mesure où la plupart des entreprises ont minimisé la durée de l'infraction et le rôle qu'elles avaient joué et nié avoir participé à de quelconques manoeuvres pour nuire à Powerpipe, à l'exception de la requérante, qui n'a pas contesté les principaux faits décrits par la Commission ni les conclusions de cette dernière. La Commission a également indiqué que Løgstør et Tarco, dans leurs observations sur la communication des griefs, ont prétendu que, avant 1994, il n'y avait pas d'entente en dehors du marché danois et que, de plus, il n'y avait pas eu une entente continue et ont nié avoir participé à des actions visant à éliminer Powerpipe ou les avoir mises en oeuvre (considérant 26, deuxième alinéa, et considérant 27, cinquième alinéa, de la décision).

244.
    Étant donné que la Commission n'a pas respecté le principe d'égalité de traitement dans la mesure où elle aurait dû prendre en considération, lors de son appréciation de la coopération de la requérante, le fait que celle-ci n'a pas contesté les faits principaux, il convient de constater que la Commission a erronément fixé à 30 % la réduction à accorder à la requérante pour sa coopération au cours de la procédure administrative.

245.
    Le moyen doit donc être accueilli dans la mesure où il reproche à la Commission de ne pas avoir accordé une réduction supérieure à 30 % de son amende.

(...)

Conclusions

260.
    Ainsi qu'il résulte des considérations qui précèdent, notamment des points 240 à 245 ci-dessus, la Commission a erronément fixé le montant de l'amende à infliger à la requérante à 70 000 000 écus.

261.
    Pour cette raison, le Tribunal, statuant dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction au sens des articles 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, estime justifié de ramener le montant de l'amende imposé par l'article 3, sous a), de la décision, libellé en euros par application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), à 65 000 000 euros.

Sur les dépens

262.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que très partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que 90 % des dépens exposés par la Commission et que cette dernière supportera 10 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

Le Tribunal (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3, sous a), de la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées), est ramené à 65 000 000 euros.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La requérante supportera ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.

4)    La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.

Mengozzi
Tiili
Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'anglais.


2: -    Ne sont reproduits que les points des motifs du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile. Le cadre factuel et juridique de la présente affaire se trouve exposé dans l'arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission (T-23/99, Rec. p. II-0000).