Language of document : ECLI:EU:T:2013:648

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

4 décembre 2013 (*)

« Recours en annulation – Tarif douanier commun – Suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche – Modification de la description de certaines suspensions  – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑438/10,

Forgital Italy SpA, établie à Velo d’Astico (Italie), représentée par Mes V. Turinetti di Priero et R. Mastroianni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. F. Florindo Gijón et Mme A. Lo Monaco, puis par M. Florindo Gijón et Mme K. Pellinghelli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mmes D. Recchia et L. Keppenne, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) nº 566/2010 du Conseil, du 29 juin 2010, modifiant le règlement (CE) nº 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (JO L 163, p. 4), en ce qu’il modifie la description de certaines marchandises pour lesquelles les droits autonomes du tarif douanier commun sont suspendus,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé, lors du délibéré, de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis (rapporteur) et C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        L’article 4 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), tel que modifié, énonce :

« Aux fins du présent code, on entend par :

[…]

5)      décision : tout acte administratif concernant la réglementation douanière pris par une autorité douanière statuant sur un cas individuel, qui a des effets de droit sur une ou plusieurs personnes déterminées ou susceptibles d’être déterminées ;

[…]

17)      déclaration en douane : acte par lequel une personne manifeste dans les formes et modalités prescrites la volonté d’assigner à une marchandise un régime douanier déterminé ;

[…]

20)      mainlevée d’une marchandise : la mise à la disposition, par les autorités douanières, d’une marchandise aux fins prévues par le régime douanier sous lequel elle est placée ;

[…] »

2        L’article 59, paragraphe 1, du code des douanes dispose :

« Toute marchandise destinée à être placée sous un régime douanier doit faire l’objet d’une déclaration pour ce régime douanier. »

3        L’article 62 du code des douanes prévoit :

« 1.      Les déclarations faites par écrit doivent être établies sur un formulaire conforme au modèle officiel prévu à cet effet. Elles doivent être signées et comporter toutes les énonciations nécessaires à l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées.

2.      Doivent être joints à la déclaration tous les documents dont la production est nécessaire pour permettre l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées. »

4        Aux termes de l’article 63 du code des douanes :

« Les déclarations qui répondent aux conditions fixées à l’article 62 sont immédiatement acceptées par les autorités douanières, si par ailleurs les marchandises auxquelles elles se rapportent sont présentées en douane. »

5        L’article 71 du code des douanes dispose :

« 1. Les résultats de la vérification de la déclaration servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées.

2. Lorsqu’il n’est pas procédé à la vérification de la déclaration, l’application des dispositions visées au paragraphe 1 s’effectue d’après les énonciations de la déclaration. »

6        Selon l’article 73, paragraphe 1, du code des douanes :

« Sans préjudice de l’article 74 lorsque les conditions de placement sous le régime en cause sont réunies et pour autant que les marchandises ne fassent pas l’objet de mesures de prohibition ou de restriction, les autorités douanières octroient la mainlevée des marchandises dès que les énonciations de la déclaration ont été vérifiées ou admises sans vérification. Il en est de même si la vérification ne peut pas être terminée dans des délais raisonnables et que la présence des marchandises en vue de cette vérification n’est plus nécessaire. »

7        Aux termes de l’article 74 du code des douanes :

« 1.      Lorsque l’acceptation d’une déclaration en douane entraîne la naissance d’une dette douanière, il ne peut être donné mainlevée des marchandises faisant l’objet de cette déclaration que si le montant de la dette douanière a été payé ou garanti. Toutefois, sans préjudice du paragraphe 2, cette disposition n’est pas applicable pour le régime de l’admission temporaire en exonération partielle des droits à l’importation.

2.      Lorsque, en application des dispositions relatives au régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées, les autorités douanières exigent la constitution d’une garantie, la mainlevée desdites marchandises pour le régime douanier considéré ne peut être octroyée qu’après que cette garantie a été constituée. »

8        Aux termes de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes :

« Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte).

[…] »

9        L’article 221 du code des douanes dispose :

« 1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

2. Lorsque mention du montant des droits à acquitter a été effectuée, à titre indicatif, dans la déclaration en douane, les autorités douanières peuvent prévoir que la communication visée au paragraphe 1 ne sera effectuée que pour autant que le montant des droits indiqué ne correspond pas à celui qu’elle a déterminé.

Sans préjudice de l’application de l’article 218 paragraphe 1 deuxième alinéa, lorsqu’il est fait usage de la possibilité prévue au premier alinéa, l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut communication au débiteur du montant des droits pris en compte.

[…] »

10      Selon l’article 243 du code des douanes :

« 1. Toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à l’application de la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement.

A également le droit d’exercer un recours, la personne qui avait sollicité une décision relative à l’application de la réglementation douanière auprès des autorités douanières, mais qui n’a pas obtenu que celles-ci statuent sur cette demande dans le délai visé à l’article 6 paragraphe 2.

Le recours doit être introduit dans l’État membre où la décision a été prise ou sollicitée.

2. Le droit de recours peut être exercé :

a) dans une première phase, devant l’autorité douanière désignée à cet effet par les États membres ;

b) dans une seconde phase, devant une instance indépendante qui peut être une autorité judiciaire ou un organe spécialisé équivalent, conformément aux dispositions en vigueur dans les États membres. »

11      Le Conseil de l’Union européenne a, par l’adoption du règlement (CEE) n° 2658/87, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié, instauré une nomenclature complète des marchandises faisant l’objet d’opérations d’importation ou d’exportation dans l’Union européenne (ci-après la « nomenclature combinée » ou la « NC »). Cette nomenclature figure à l’annexe I dudit règlement.

12      Aux termes de l’article 12 du règlement n° 2658/87, la Commission européenne adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux autonomes et conventionnels des droits du tarif douanier commun y afférents, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil ou par la Commission.

13      En ce qui concerne l’année 2010, la version complète de la nomenclature combinée et des taux autonomes et conventionnels des droits y afférents a été établie par le règlement (CE) n° 948/2009 de la Commission, du 30 septembre 2009, modifiant l’annexe I du règlement n° 2658/87 (JO L 287, p. 1). En application dudit règlement, le taux de droit conventionnel pour les marchandises « Titane sous forme brute ; poudres » de la sous‑position NC 8108 20 00, relevant de la position NC 8108 désignant les marchandises « Titane et ouvrages en titane, y compris les déchets et débris », a été fixé à 5 %.

14      L’article 31 TFUE habilite le Conseil à suspendre temporairement, en tout ou en partie, les droits du tarif douanier commun applicables à un certain nombre de produits.

15      Depuis le 1er juillet 1996, les suspensions temporaires des droits autonomes du tarif douanier commun applicables à certains produits industriels et agricoles ont été fixées dans le règlement (CE) n° 1255/96 du Conseil, du 27 juin 1996, portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles (JO L 158, p. 1). Ce règlement est toujours en vigueur et son annexe, qui contient la liste des produits auxquels les suspensions s’appliquent, est remplacée ou modifiée deux fois par an, aux fins de tenir compte de nouvelles demandes de suspension et de nouvelles orientations techniques et économiques relatives aux produits et aux marchés intervenues entre-temps.

16      La requérante, Forgital Italy SpA, est une société de droit italien produisant, par le procédé du laminage à chaud, des anneaux sans soudure qui sont utilisés comme composants structurels de machines et d’installations pour divers secteurs industriels. Parmi les marchandises que la requérante doit nécessairement se procurer sur le marché étranger pour sa production figureraient, notamment, des lingots en titane de grande dimension.

17      Le 15 mars 2008, les autorités françaises ont présenté aux services de la Commission, au nom d’une société française, une demande de suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun pour les lingots d’alliages de titane, correspondant au code NC ex 8108 20 00.

18      Lorsque cette demande a été examinée par le groupe « économie tarifaire », qui représente les industries de chaque État membre, aucune objection à celle-ci n’a été soulevée. La Commission a ainsi proposé au Conseil une suspension tarifaire, fixant un taux de droit autonome de 0 % sur les produits en cause jusqu’au 31 décembre 2013.

19      Le 18 décembre 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1/2009 modifiant le règlement n° 1255/96 (JO 2009, L 1, p. 1), incluant la suspension tarifaire, pour la période allant du 1er janvier 2009 jusqu’au 31 décembre 2013, pour les « lingots d’alliages de titane », désignés dans la sous-position tarifaire correspondant au code NC ex 8108 20 00, telle que proposée par la Commission.

20      Le 6 novembre 2009, les autorités du Royaume-Uni se sont opposées à la suspension des droits en cause sur les lingots d’alliages de titane. Elles ont indiqué que ces produits étaient disponibles dans l’Union et ont ainsi communiqué à la Commission et aux autres États membres le nom et les coordonnées de la société les produisant.

21      Cette opposition a été examinée par le groupe « économie tarifaire » en novembre 2009. À la suite d’une proposition, formulée par les autorités françaises au sein de ce groupe, visant à modifier la désignation susmentionnée, en limitant ainsi l’application de la suspension des droits en cause aux seuls « lingots bruts de fusion en titane et alliages de titane d’un diamètre n’excédant pas 380 mm », les autorités du Royaume-Uni ont retiré leur opposition. Aucune objection n’a été soulevée à l’égard de cette nouvelle proposition de suspension.

22      Le 29 juin 2010, sur proposition de la Commission, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 566/2010, modifiant le règlement n° 1255/96 (JO L 163, p. 4, ci‑après le « règlement attaqué »). Ce règlement modifie, notamment, la définition de la suspension figurant à l’annexe du règlement n° 1255/96, tel que modifié, relative aux lingots d’alliages de titane, relevant de la sous‑position ex 8108 20 00 de la NC. Plus particulièrement, il supprime ladite définition et la réinsère en tant que nouvelle suspension, dont la description est désormais libellée comme suit : « Lingots bruts de fusion en titane et alliages de titane d’un diamètre n’excédant pas 380 mm ». Le taux des droits autonomes pour ces produits a été maintenu à 0 %, la période de suspension allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2013.

23      Ainsi, à compter du 1er juillet 2010, les lingots de titane ayant une dimension excédant 380 mm de diamètre, tels ceux prétendument importés par la requérante pour sa production, ne bénéficient plus de la suspension des droits autonomes.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Le Conseil et la requérante n’ont pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

26      Par ordonnance du 7 février 2011, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission.

27      Le 17 mars 2011, la Commission a déposé un mémoire en intervention. Le 5 mai 2011, la requérante a déposé des observations sur ledit mémoire.

28      Par décision du président du Tribunal du 1er octobre 2012, la présente affaire a été réattribuée à la sixième chambre et, par conséquent, à un nouveau juge rapporteur siégeant dans cette chambre.

29      Le 24 avril 2013, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à répondre à une question écrite concernant l’éventuelle incidence de l’ordonnance du Tribunal du 5 février 2013, BSI/Conseil (T‑551/11, non publiée au Recueil) sur la présente affaire, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en ce qui concerne l’article 1er, paragraphe 1, sous e), et son annexe, dans sa partie modifiant la dénomination du code ex 8108 20 00 TARIC 20 dudit règlement ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

32      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non‑recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. La décision est prise dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, de ce même règlement. Conformément au paragraphe 3 de ce dernier article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

33      En l’espèce, les parties ayant pu prendre position sur la question de la recevabilité du recours, en particulier au regard de l’incidence de l’ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra, sur la présente affaire, le Tribunal est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et estime qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

34      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

35      La requérante soutient, en substance, qu’elle a qualité pour agir dans la mesure où le règlement attaqué est un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution. Au soutien de son allégation, elle relève, d’une part, que ledit règlement implique de manière automatique que les marchandises en cause soient de nouveau soumises au paiement du tarif douanier commun, ne laissant aucun pouvoir d’appréciation aux autorités douanières des États membres compétentes pour la perception de ces droits et, d’autre part, qu’il ne contient aucune disposition prévoyant des mesures d’exécution, le domaine de l’union douanière relevant d’ailleurs de la compétence exclusive de l’Union. En effet, les autorités douanières nationales n’auraient adressé aucune mesure d’exécution à la requérante, ses déclarations en douane étant conformes au règlement attaqué. La requérante ne prétend d’ailleurs pas être individuellement concernée par le règlement attaqué.

36      En réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil, soutenu par la Commission, a, d’une part, réaffirmé que la requérante n’était pas destinataire du règlement attaqué et qu’elle n’était pas individuellement concernée par celui‑ci. D’autre part, il a fait valoir que le règlement attaqué comportait des mesures d’exécution, dès lors que la perception des droits de douane concernant les marchandises en cause, ne bénéficiant plus d’une suspension temporaire à compter du 1er juillet 2010 en application du règlement attaqué, se ferait sur la base de mesures adoptées par les autorités douanières des États membres. Partant, en estimant que la requérante ne disposait pas, en l’espèce, de la qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Conseil a considéré qu’il serait approprié que le Tribunal se prononce sur la recevabilité du recours.

37      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi que les parties elles‑mêmes en conviennent, le règlement attaqué, adopté par le Conseil sur la base de l’article 31 TFUE, est un acte règlementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, il a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. En outre, ainsi que le relève à juste titre la requérante, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec. p. II‑7697, point 21, et ordonnances du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, non encore publiée au Recueil, points 43 et 44, et BSI/Conseil, point 29 supra, point 43]. La circonstance que le règlement attaqué n’appartienne pas à une des catégories d’actes non législatifs relevant des articles 290 et 291 TFUE, mais à la catégorie des actes adoptés sur le fondement d’articles spécifiques du traité FUE, distincts de ceux régissant la procédure législative ordinaire ou spéciale, en l’espèce l’article 31 TFUE, n’est pas susceptible de remettre en cause la qualification du règlement attaqué d’acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

38      S’agissant de la question de savoir si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que, en ce qui concerne les lingots d’alliages de titane, à l’égard desquels le règlement n° 1/2009 avait établi la suspension des droits autonomes du tarif douanier commun, le règlement attaqué vise, notamment, à limiter la suspension desdits droits aux seuls « lingots bruts de fusion en titane et alliages de titane d’un diamètre n’excédant pas 380 mm », tels que figurant dans la colonne 3 du tableau qu’il comporte en annexe, sous la sous‑position de la NC mentionnée dans la colonne 1 du même tableau. De ce fait, le règlement attaqué a pour effet de réinstaurer les droits en question pour tous les lingots excédant ces dimensions.

39      Ainsi, le règlement attaqué a pour conséquence directe d’obliger la requérante, lorsqu’elle importe de telles marchandises sur le territoire douanier de l’Union, à ne plus retenir pour celles‑ci la sous‑position ex 8108 20 00 de la NC, et donc à ne plus se prévaloir de la suspension des droits y afférents, dans la déclaration en douane qu’elle doit établir aux fins d’assigner aux marchandises importées un régime douanier déterminé, conformément à l’article 59, paragraphe 1, du code des douanes. Cependant, une telle obligation ne produit, par elle‑même, aucun effet juridique concret et définitif sur la situation de l’opérateur économique en cause. En particulier, elle n’emporte en elle-même ni décision sur le classement tarifaire indiqué dans la déclaration en douane ni décision sur le montant des droits de douane qu’il devra éventuellement acquitter.

40      À cet égard, il doit être observé que si la détermination des éléments nécessaires à l’application de la réglementation douanière aux marchandises est effectuée sur la base des informations contenues dans la déclaration en douane, il n’en reste pas moins que cette dernière est par nature un acte unilatéral et ne constitue donc pas une « décision » au sens de l’article 4, point 5, du code des douanes (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 septembre 2011, DP grup, C‑138/10, Rec. p. I‑8369, points 34 et 35).

41      En réalité, pour qu’un règlement comportant la levée anticipée ou tout simplement la modification de la suspension des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits, tel que celui attaqué, puisse produire des effets juridiques concrets et définitifs à l’égard de l’importateur concerné, des mesures nationales doivent, dans tous les cas, être prises par les autorités douanières nationales à la suite de la présentation de la déclaration en douane. Ces mesures peuvent être, selon les cas, aux termes de l’article 221 du code des douanes, l’octroi de la mainlevée des marchandises ou la communication, au débiteur, du montant des droits à acquitter (voir, en ce sens, ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra, point 49).

42      La simple acceptation, par les autorités douanières, de la déclaration en douane ne saurait suffire à cet égard. En effet, lorsque ces autorités acceptent une déclaration en douane, signée par le déclarant ou son représentant, l’article 63 du code des douanes leur impose de se limiter à vérifier que les conditions, purement formelles, prévues à l’article 62 de ce code, sont respectées et que les marchandises concernées ont été présentées en douane.

43      Il s’ensuit que, lors de l’acceptation d’une déclaration en douane, les autorités douanières ne se prononcent pas sur l’exactitude des informations fournies par le déclarant et dont ce dernier assume la responsabilité (voir, par analogie, arrêt DP grup, point 40 supra, point 39). L’acceptation de la déclaration en douane ne saurait ainsi constituer, en soi, une décision sur le classement tarifaire ou sur le montant des droits de douane dont l’importateur devra éventuellement s’acquitter.

44      S’agissant des déclarations en douane faites par écrit, après leur acceptation et, le cas échéant, même après la mainlevée des marchandises, les autorités douanières ont, conformément à l’article 68 du code des douanes, la faculté de vérifier les informations fournies par le déclarant (voir, par analogie, arrêt DP grup, point 40 supra, point 39). Cette vérification peut prendre la forme d’un simple contrôle documentaire portant sur la déclaration et les documents qui y sont joints ou d’un examen des marchandises, éventuellement accompagné d’un prélèvement d’échantillons en vue de leur analyse ou d’un contrôle approfondi.

45      S’il n’est pas procédé à la vérification de la déclaration en douane, ce sont les énonciations de celle-ci qui servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier indiqué par le déclarant et, en principe, les autorités douanières octroient la mainlevée des marchandises concernées, ainsi que cela résulte de l’article 71, paragraphe 2, et de l’article 73, paragraphe 1, du code des douanes.

46      Dans cette hypothèse, lorsqu’aucun droit n’est dû, l’octroi de la mainlevée des marchandises emporte accord des autorités douanières sur le classement tarifaire indiqué par le déclarant.

47      En revanche, lorsque des droits sont dus, il ne peut être donné mainlevée des marchandises que si le montant de la dette douanière a été payé ou garanti, ainsi que cela résulte de l’article 74 du code des douanes. En principe, le montant de ces droits est calculé par les autorités douanières et fait l’objet d’une inscription par celles-ci dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, ainsi que cela résulte de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes, avant d’être communiqué, par les mêmes autorités, au débiteur, ainsi que cela résulte de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes. Cette communication contient donc, notamment, une décision sur le classement tarifaire retenu par le déclarant.

48      Certes, en application de l’article 221, paragraphe 2, du code des douanes, les autorités douanières peuvent prévoir que la communication visée au paragraphe 1 du même article ne sera pas effectuée lorsque le montant qu’elles ont déterminé correspond à celui que le déclarant a mentionné, à titre indicatif, dans la déclaration en douane, étant entendu que l’octroi de la mainlevée des marchandises concernées vaut, dans ce cas, pareille communication. Dans une telle hypothèse, l’octroi de la mainlevée des marchandises emporte notamment accord desdites autorités sur le classement tarifaire mentionné par le déclarant.

49      Si les autorités douanières procèdent à la vérification de la déclaration en douane et ne constatent aucun manquement, elles octroient la mainlevée des marchandises, de sorte qu’un des cas de figure exposés aux points 46 à 48 ci-dessus se présente.

50      En revanche, si la vérification aboutit à des résultats discordants par rapport aux énonciations de la déclaration en douane, ce sont ces résultats qui servent de base pour l’application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises en cause sont placées. Ainsi, les autorités douanières pourraient, notamment, demander le paiement de droits d’un montant différent de celui indiqué dans la déclaration en douane.

51      De surcroît, il arrive que les autorités douanières prélèvent des échantillons des marchandises importées en vue d’une analyse ou d’un contrôle approfondi et qu’elles octroient la mainlevée de celles-ci sans attendre les résultats de cette analyse ou de ce contrôle. Si, au vu de ces résultats, elles concluent que ces marchandises relèvent d’une autre sous-position tarifaire que celle mentionnée dans la déclaration et que, de ce fait, des droits supplémentaires sont dus, l’avis invitant le débiteur à s’acquitter de ceux-ci emportera décision définitive sur le classement tarifaire mentionné dans la déclaration en douane. Il en est de même pour ce qui est des contrôles a posteriori de la déclaration en douane que les autorités douanières peuvent effectuer, conformément à l’article 78, paragraphe 2, du code des douanes, après avoir donné mainlevée des marchandises.

52      Il résulte des considérations qui précèdent qu’un règlement portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun, tel celui attaqué en l’espèce, n’est susceptible de produire des effets juridiques concrets et définitifs sur la situation des importateurs que moyennant l’intervention de mesures individuelles prises par les autorités douanières nationales à la suite de la présentation de la déclaration en douane, ces mesures pouvant être, selon les cas, l’octroi de la mainlevée des marchandises ou la communication, au débiteur, du montant des droits à acquitter (voir, en ce sens, ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra, point 53).

53      Partant, le règlement attaqué ne saurait être qualifié d’acte ne comportant pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

54      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le règlement attaqué est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, de sorte que les particuliers sont directement tenus de l’appliquer, sans que des mesures d’exécution nationales soient nécessaires, dans la mesure où les autorités douanières nationales chargées de sa mise en œuvre ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation. En effet, une telle argumentation est pertinente uniquement dans le cadre de l’analyse des conditions de l’affectation directe de la requérante. Or, l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une condition différente de celle tenant à l’affectation directe. Notamment, il y a lieu de relever que la question de savoir si le règlement attaqué laisse ou non un pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées des mesures d’exécution n’est pas pertinente pour déterminer s’il comporte des mesures d’exécution (ordonnances Eurofer/Commission, point 37 supra, point 59, et BSI/Conseil, point 29 supra, points 55 et 56).

55      En ce qui concerne la réponse de la requérante à la question écrite posée par le Tribunal, il convient de constater que l’argumentation de cette dernière se fonde sur une lecture inexacte de l’ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra. Selon elle, le Tribunal a reconnu une valeur décisive à l’existence des avis de recouvrement et de détermination de recouvrement que BSI avait reçus des autorités nationales (voir points 58 et 59 de ladite ordonnance), appliquant rétroactivement le droit antidumping prévu par le règlement mis en cause à certaines déclarations en douane présentées par BSI avant l’entrée en vigueur de celui‑ci.

56      En réalité, il ressort de l’ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra, que la référence aux avis de recouvrement et de détermination de recouvrement a été effectuée dans le cadre d’une seconde étape du raisonnement suivi par le Tribunal. La raison primordiale pour laquelle le Tribunal a considéré le recours de BSI comme irrecevable réside, en effet, dans le fonctionnement du système douanier, tel qu’instauré par le code des douanes, selon lequel la perception des droits se fait, en définitive, sur la base de mesures adoptées par les autorités nationales (ordonnance BSI/Commission, point 29 supra, point 53). Ce n’est qu’à titre surabondant, et en réponse aux arguments de BSI, que le Tribunal a précisé, au point 58 de l’ordonnance précitée, que lesdits avis de recouvrement et de détermination de recouvrement « [devaient] aussi être qualifiés de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ».

57      En outre, il est certes exact, ainsi que le fait valoir la requérante dans sa réponse écrite à la question posée par le Tribunal, que les autorités douanières se fonderaient, en l’espèce, sur une déclaration en douane qui serait conforme au règlement attaqué. Il convient néanmoins de considérer que la mainlevée des marchandises ou, selon les cas, la communication du montant des droits à acquitter, en ce qu’elles emportent décision sur la déclaration en douane de l’importateur, ont manifestement des effets de droit sur la situation de ce dernier. Par conséquent, elles doivent pouvoir être contestées au niveau national, selon la procédure de recours mise en place par l’État membre en cause en conformité avec les principes posés aux articles 243 à 246 du code des douanes (voir, en ce sens, ordonnance BSI/Commission, point 29 supra, points 51 et 52, et la jurisprudence citée).

58      La requérante n’est dès lors pas fondée à prétendre que, pour obtenir l’accès à un juge et demander dans ce cadre que la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, soit saisie d’une demande de décision préjudicielle ayant pour objet la validité du règlement attaqué, elle serait contrainte d’enfreindre la loi, notamment en produisant une déclaration en douane erronée (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Eurofer/Commission, point 37 supra, point 60).

59      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de ce que le défaut de consultation des parties, au sens de l’article 113 du règlement de procédure, entraînerait en l’espèce une violation de ses droits de la défense et du principe de la protection juridictionnelle effective, il convient de relever que la requérante, à l’instar des autres parties, a été invitée à se prononcer, par écrit, sur les conséquences à tirer de l’ordonnance BSI/Conseil, point 29 supra. Or, par ladite ordonnance, le Tribunal a déclaré irrecevable un recours contre un règlement prétendument qualifié, tel celui faisant l’objet du présent recours, d’acte règlementaire ne comportant pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Plus particulièrement, ainsi qu’il est constaté au point 56 ci‑dessus, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance BSI/Commission, point 29 supra, le Tribunal a considéré, à la lumière des dispositions du code des douanes ayant trait à la procédure de dédouanement à l’importation, qui s’appliquent mutatis mutandis également dans le cas d’espèce, que la perception des droits se fait, dans tous les cas de figure, sur la base des mesures adoptées par les autorités nationales.

60      La requérante était dès lors parfaitement consciente, lorsqu’elle a répondu à la mesure d’organisation de la procédure précitée, que le Tribunal envisageait la possibilité de soulever d’office une exception d’irrecevabilité et elle pouvait dès lors s’attendre à ce que, dans le cas où le Tribunal considérerait que le recours était irrecevable, il statuerait par voie d’ordonnance, puisqu’il s’agit de l’une des hypothèses, visées audit article 113 du règlement de procédure, dans lesquelles le Tribunal peut statuer à tout moment (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, non encore publié au Recueil, point 43).

61      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, et compte tenu de ce qu’il peut être constaté que la requérante n’est ni destinataire du règlement attaqué, ni individuellement concernée par celui-ci, ledit règlement comportant, en outre, des mesures d’exécution, il convient de conclure que cette dernière n’a pas qualité pour agir en annulation en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE contre le règlement attaqué. Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

63      Par ailleurs, conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Forgital Italy SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 4 décembre 2013.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      H. Kanninen


* Langue de procédure : l’italien.