Language of document : ECLI:EU:T:2011:145

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 avril 2011(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Run the globe – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑12/09,

Alexander Gruber, demeurant à Ulm (Allemagne), représenté par Mes T. Kienle et M. Krinke, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. S. Schäffner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 6 novembre 2008 (affaire R 1779/2007‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Run the globe comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 janvier 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 août 2006, le requérant, M. Alexander Gruber, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Run the globe.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, de la classe 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Organisation et mise en œuvre de manifestations sportives ».

4        Par décision du 2 octobre 2007, l’examinateur a rejeté la demande de marque communautaire pour les services mentionnés au point précédent au motif que la marque demandée se heurtait aux motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009]. L’examinateur a considéré, en substance, que le consommateur moyen des produits concernés comprendrait le signe Run the globe, non comme une marque, mais comme une indication de ce que les services visés concernent notamment des épreuves de course, comme par exemple des marathons, dont l’objectif est de faire le tour du monde. Selon l’examinateur, ce signe était dépourvu de caractère distinctif.

5        Le 15 novembre 2007, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 6 novembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que le signe Run the globe était composé d’une combinaison de mots communs en anglais ne pouvant pas être qualifiée d’inhabituelle ou de frappante dans le langage courant. Pour le public pertinent, ce signe indiquerait que les services qu’il vise ont trait à une course autour du monde ou à travers plusieurs pays du monde. Il serait ainsi compris par le public pertinent comme un message informatif et non comme une indication de l’origine commerciale des services. La marque demandée ne présentant aucune originalité et étant dépourvue de tout caractère distinctif, la chambre de recours a estimé que l’enregistrement de cette marque se heurtait au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

9        Le requérant invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

10      Le requérant fait valoir que le signe Run the globe n’est pas utilisé par le public concerné pour désigner les services en cause. Il renvoie aux résultats d’une recherche sur Internet pour étayer cette affirmation. Selon ces résultats, les dix premières occurrences pertinentes seraient sans rapport avec des manifestations sportives. Ce signe serait une création de fantaisie, inhabituelle pour le consommateur moyen anglophone, la traduction correcte de « courir autour du globe » étant « run around the globe ». Le signe aurait, en tout cas, un caractère distinctif suffisant, dans la mesure où il serait composé de plusieurs mots et présenterait une syntaxe inhabituelle.

11      En outre, contrairement à ce qui est indiqué au point 9 de la décision attaquée, les épreuves de course ne seraient qu’un type de manifestations sportives parmi beaucoup d’autres.

12      L’OHMI conteste l’argumentation du requérant.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que « le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

14      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 37, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 14].

15      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 44, et Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 14 supra, point 16].

16      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’un signe ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du Tribunal du 12 juin 2007, Sherwin‑Williams/OHMI (TWIST & POUR), T‑190/05, Rec. p. II‑1911, point 44].

17      Enfin, lorsque, dans le domaine visé par la marque, le public pertinent perçoit un signe comme fournissant des informations sur la nature des services qu’elle désigne et non comme indiquant l’origine des services en cause, la marque ne satisfait pas aux conditions prévues par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié au Recueil, point 19 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 69].

18      Il s’agit donc de vérifier si le lien établi par la chambre de recours entre, d’une part, le contenu sémantique du signe demandé et, d’autre part, les services en cause est suffisamment concret et direct pour démontrer que ce signe permet, dans l’esprit du public pertinent, une identification immédiate de ces services (arrêt TWIST & POUR, point 16 supra, point 48).

19      En l’espèce, il ressort notamment du point 12 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le signe demandé était dénué du caractère distinctif minimal requis étant donné que le public pertinent comprendrait sur-le-champ et sans autre analyse particulière que les services désignés par ce signe sont des épreuves de course autour du monde. Par conséquent, ce signe ne pourrait pas être perçu par le public pertinent comme une indication d’origine.

20      Il convient de constater que, ainsi que l’a relevé l’examinateur, sans être contesté par le requérant devant la chambre de recours ou devant le Tribunal, les services désignés par la marque demandée étant l’organisation et la mise en œuvre de manifestations sportives, le public pertinent est le consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

21      Par ailleurs, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, le public pertinent par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus est un public anglophone, le signe verbal en cause étant composé d’éléments provenant de la langue anglaise, ce qui n’est au demeurant pas non plus contesté par le requérant (voir, en ce sens, arrêt TWIST & POUR, point 16 supra, point 46).

22      S’agissant d’une marque composée de mots, comme la marque demandée, un éventuel caractère distinctif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses termes ou de ses éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composent. En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un caractère distinctif (arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 28).

23      Le signe demandé est composé de trois mots communs en anglais, à savoir « run », « the » et « globe ». Ces mots peuvent signifier respectivement, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 9 de la décision attaquée, « courir », « la » et « planète, terre », ce qui n’a au demeurant pas été contesté par le requérant.

24      Ainsi que l’OHMI le fait valoir, et contrairement à ce que soutient le requérant, les trois mots dont le signe demandé est composé se combinent d’une façon ni inhabituelle ni frappante, mais d’une manière conforme à la syntaxe usuelle de la langue anglaise. Considéré dans son ensemble, le signe verbal Run the globe est constitué d’une expression grammaticalement correcte, cohérente et immédiatement perceptible pour le public anglophone pertinent dont l’une des significations possibles est « parcourir la planète à pied », comme la chambre de recours l’a indiqué à juste titre au point 9 de la décision attaquée. Une seconde signification possible est « courir autour de la planète », ce qui, en tout état de cause, est une façon de parcourir la planète à pied.

25      Il convient ainsi de considérer que la construction du signe demandé ne présente pas d’écart perceptible par rapport à la terminologie employée dans le langage courant du public pertinent, qui serait susceptible de lui conférer un caractère distinctif au sens de l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 40 ; voir, en ce sens, l’arrêt TWIST & POUR, point 16 supra, point 51).

26      S’agissant du rapport existant entre le contenu sémantique du signe Run the globe et les services concernés, il convient de constater que, eu égard à ce qui a été exposé au point 24 ci‑dessus, c’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 9 et 12 de la décision attaquée, que ce signe serait perçu par le public pertinent, dans le domaine visé par la demande d’enregistrement, comme une simple indication de ce que les services d’organisation et de mise en œuvre de manifestations sportives ont trait à des épreuves de course qui se déroulent dans plusieurs endroits de la planète en même temps ou qui sont organisées sous la forme d’une course autour du monde par étapes.

27      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le public pertinent percevrait le contenu sémantique du signe Run the globe comme fournissant des informations sur la nature même de certains des services visés par la demande d’enregistrement et non comme indiquant l’origine des services en cause.

28      Contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que l’organisation et le déroulement de manifestations sportives peut concerner des activités sportives autres que des courses ne s’oppose pas au constat précédent. En effet, dans la mesure où les services concernés par la demande d’enregistrement couvrent n’importe quelle manifestation sportive, ils comprennent également les épreuves de course qui se déroulent dans plusieurs endroits de la planète en même temps ou qui sont organisées sous la forme d’une course autour du monde par étapes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 octobre 2006, PTV/OHMI (map&guide), T‑302/03, Rec. p. II‑4039, point 49].

29      En ce qui concerne les arguments du requérant selon lesquels le signe demandé n’est utilisé ni par le public pertinent ni dans les communications commerciales et publicitaires pour désigner les services visés, il convient de rappeler que l’enregistrement n’a pas été refusé sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement nº 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009], relatif aux signes ou indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce. Or, si la question de la preuve de l’usage effectif du signe dont l’enregistrement est demandé, par le public pertinent ou dans les communications commerciales et publicitaires émanant de concurrents, est un facteur pertinent dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94, elle ne l’est pas dans le cadre de celle de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 41). Par conséquent, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les résultats d’une recherche sur Internet, fournis par le requérant devant le Tribunal, en vue d’étayer ses arguments concernant l’absence d’utilisation du signe demandé par le public pertinent pour désigner les services visés.

30      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe Run the globe était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94, de telle sorte que le moyen unique ne saurait être accueilli. Par conséquent, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Alexander Gruber est condamné aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.