Language of document : ECLI:EU:T:2015:23

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 janvier 2015 (*)

« Recours en annulation – Dumping – Importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de Chine – Acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping – Industrie communautaire – Absence d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑507/13,

SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne),

Brandoni solare SpA, établie à Castelfidardo (Italie),

Global Sun Ltd, établie à Sliema (Malte),

Silicio Solar, SAU, établie à Madrid (Espagne),

Solaria Energia y Medio Ambiente, SA, établie à Puertollano (Espagne),

représentées par Mes L. Ruessmann, avocat, et J. Beck, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J.‑F. Brakeland, T. Maxian Rusche et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2013/423/UE de la Commission, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 209, p. 26), et de la décision d’exécution 2013/707/UE de la Commission, du 4 décembre 2013, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO L 325, p. 214),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, SolarWorld AG, Brandoni solare SpA, Global Sun Ltd, Silicio Solar, SAU et Solaria Energia y Medio Ambiente, SA sont des producteurs européens de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels qui soutiennent EU ProSun, une association de producteurs européens de produits similaires. Cette dernière a introduit, le 25 juillet 2012, une plainte antidumping auprès de la Commission européenne dirigée contre les importations de ces produits en provenance de Chine. Les requérantes ont coopéré à l’enquête antidumping et ont participé à la procédure en tant que parties intéressées.

2        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 septembre 2012 (JO C 269, p. 5), la Commission a annoncé l’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de la République populaire de Chine.

3        Par avis publié au Journal officiel le 8 novembre 2012 (JO C 340, p. 13), la Commission a annoncé l’ouverture d’une procédure antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de la République populaire de Chine.

4        Dans un premier temps, la Commission a institué des droits antidumping provisoires. Dans un deuxième temps, elle a accepté les engagements des exportateurs chinois en application de l’article 8 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base antidumping »). Dans un troisième temps, le Conseil a institué des droits antidumping et antisubventions définitifs et la Commission a accepté un engagement modifié.

5        En l’espèce, par son règlement (UE) no 513/2013, du 4 juin 2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) no 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 152, p. 5, ci-après le « règlement provisoire antidumping »), la Commission a institué un droit antidumping provisoire sur les importations dans l’Union européenne de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, pour autant que certaines conditions soient remplies.

6        Par la décision 2013/423/UE de la Commission, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 209, p. 26, ci-après la « première décision attaquée »), celle-ci a accepté une offre d’engagement formulée par un groupe de producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré en concertation avec la chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (ci-après la « CCCME »). Une liste des entreprises concernées figure dans l’annexe de cette décision.

7        Il ressort des considérants 5 et 6 de la première décision attaquée que les exportateurs chinois en question se sont engagés, en premier lieu, à respecter un prix minimal à l’importation pour les modules photovoltaïques et un prix pour chacun de leurs éléments essentiels (cellules et wafers). En second lieu, ils ont proposé de garantir que le volume des importations effectuées dans le cadre de l’engagement serait fixé à un niveau annuel correspondant approximativement à leur performance sur le marché au moment de la formulation de l’offre. Il découle, en outre, du considérant 8 de cette décision qu’un droit antidumping provisoire serait perçu sur les importations dépassant ledit volume annuel.

8        Le règlement (UE) no 748/2013 de la Commission, du 2 août 2013, portant modification du règlement no 513/2013 (JO L 209, p. 1), a été adopté afin de tenir compte de la première décision attaquée. Entre autres modifications, il a introduit un article 6 au règlement provisoire antidumping qui prévoit, pour autant que certaines conditions soient remplies, que les importations de certains produits déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la première décision attaquée sont exonérées du droit antidumping provisoire institué par l’article 1er du règlement provisoire antidumping.

9        La Commission a adopté la décision d’exécution 2013/707/UE, du 4 décembre 2013, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO L 325, p. 214, ci-après la « seconde décision attaquée »). Il découle du considérant 4 de ladite décision que, à la suite de l’adoption des mesures antidumping provisoires, la Commission a poursuivi l’enquête sur le dumping, le préjudice et l’intérêt de l’Union ainsi que sur la procédure antisubventions menée parallèlement. Les wafers ont été exclus du champ des deux enquêtes et, par conséquent, du champ d’application des mesures définitives.

10      Il ressort des considérants 7 à 10 et de l’article 1er de la seconde décision attaquée que, à la suite de la notification des conclusions finales des procédures antidumping et antisubventions, les producteurs-exportateurs chinois, en concertation avec la CCCME, ont présenté une notification en vue de modifier leur offre d’engagement initiale. Cette modification de l’engagement portait sur l’exclusion des wafers du champ de l’enquête, sur la participation d’un certain nombre de producteurs-exportateurs additionnels à cet engagement et sur l’expansion des termes de l’engagement en vue d’éliminer également les effets préjudiciables des importations faisant l’objet de subventions.

11      Selon le considérant 5 de la seconde décision attaquée, l’enquête antidumping a confirmé les conclusions provisoires concernant l’existence d’un dumping préjudiciable.

12      Les conclusions définitives de l’enquête sont exposées dans le règlement d’exécution (UE) no 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de République populaire de Chine (JO L 325, p. 1, ci-après le « règlement définitif antidumping »). Selon l’article 1er dudit règlement, un droit antidumping définitif sur les importations de certains modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin et de cellules du type utilisé dans les modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin originaires ou en provenance de la République populaire de Chine a été institué pour autant que certaines conditions soient remplies.

13      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement définitif antidumping, qui s’applique à certains produits dont les références sont spécifiées au regard de la nomenclature douanière et qui sont facturés par des sociétés dont la Commission a accepté des engagements et dont les noms figurent à l’annexe de la seconde décision attaquée, les importations déclarées pour la mise en libre pratique sont exonérées du droit antidumping institué par l’article 1er dudit règlement moyennant le respect de certaines conditions.

14      L’article 3, paragraphe 2, du règlement définitif antidumping énonce qu’une dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique dès lors qu’il est établi qu’une ou plusieurs des conditions énoncées au paragraphe précédent n’ont pas été remplies ou lorsque la Commission retire son acceptation de l’engagement.

15      Par ailleurs, par son règlement d’exécution (UE) no 1239/2013, du 2 décembre 2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, (JO L 325, p. 66, ci-après le « règlement définitif antisubventions »), le Conseil a également institué un droit compensateur définitif sur les modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de Chine pour autant que certaines conditions soient remplies.

16      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement définitif antisubventions, qui s’applique à certains produits dont les références sont spécifiées au regard de la nomenclature douanière et qui sont facturés par des sociétés dont la Commission a accepté des engagements et dont les noms figurent à l’annexe de la seconde décision attaquée, les importations déclarées pour la mise en libre pratique sont exonérées du droit antisubventions institué par son article 1er moyennant le respect de certaines conditions.

17      L’article 2, paragraphe 2, du règlement définitif antisubventions énonce qu’une dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique dès lors qu’il est établi qu’une ou plusieurs des conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 1, du même règlement n’ont pas été remplies ou lorsque la Commission retire son acceptation de l’engagement.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

19      Par acte déposé également le 23 septembre 2013, les requérantes ont demandé à ce qu’il soit statué selon la procédure accélérée.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2013, la Commission s’est opposée à ce qu’il soit statué selon la procédure accélérée.

21      Par décision du 24 octobre 2013, le Tribunal (cinquième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

22      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2013, les requérantes ont demandé au Tribunal d’autoriser l’adaptation du recours de sorte que les conclusions en annulation visent également la seconde décision attaquée et les violations du règlement (CE) no 597/2009, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 188, p. 93). qui en découlent.

23      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2014, la Commission a déclaré ne pas avoir d’objections quant à l’admissibilité de l’adaptation de la requête en annulation.

24      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2014, les requérantes ont, en substance, proposé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure et d’instruction.

25      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2014, la Commission a invité le Tribunal à rejeter la demande d’adoption des mesures d’organisation et d’instruction.

26      Dans la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la première décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      Dans la demande d’adaptation de leur recours, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit à la demande d’adaptation du recours ;

–        déclarer le recours adapté recevable et fondé ;

–        annuler la première décision attaquée et la seconde décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé en droit ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

29      Dans le mémoire en duplique, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours sans objet, dans la mesure où il tend à l’annulation de la première décision attaquée ;

–        rejeter le recours comme irrecevable, dans la mesure où il tend à l’annulation de la seconde décision attaquée et, à titre subsidiaire, également dans la mesure où il tend à l’annulation de la première décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé en droit ;

–        condamner les requérantes aux dépens de l’instance.

 En droit

 Observations liminaires

30      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

31      En l’espèce, les parties se sont déjà exprimées, dans leurs écritures, sur la question de la recevabilité du présent recours et, en particulier, sur la question de l’affectation directe des requérantes. Dès lors, le Tribunal estime que les parties ont été entendues, qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

32      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114 du règlement de procédure, la Commission fait valoir que le recours est irrecevable. Plus précisément, elle estime que la première décision attaquée n’est pas un acte règlementaire et comporte des mesures d’exécution, que celle-ci n’affecte pas directement et individuellement les requérantes et n’exprime pas la position définitive des institutions de l’Union, que le recours contre la première décision attaquée est sans objet et que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir en l’espèce.

33      S’agissant de la demande des requérantes, en date du 11 décembre 2013, visant à adapter leurs conclusions, il convient de rappeler que la recevabilité d’un recours s’appréciant au moment de son introduction, un requérant ne saurait être autorisé à adapter ses conclusions et moyens, de façon à viser la survenance de nouveaux actes durant l’instance, que pour autant que sa demande d’annulation de l’acte initialement attaqué ait été elle-même recevable à la date de son introduction (ordonnance du 20 novembre 2012, Shahid Beheshti University/Conseil, T‑120/12, EU:T:2012:610, point 57).

34      Dès lors, l’adaptation des conclusions visant l’annulation de la seconde décision attaquée n’est recevable que dans la mesure où le recours, en ce qu’il tend à l’annulation de la première décision attaquée, serait déclaré recevable. Il convient donc d’examiner si le recours pour autant qu’il vise l’annulation de la première décision attaquée est recevable.

35      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

36      S’agissant de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée sont cumulatives (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, point 76). En ce qui concerne la troisième hypothèse visée à ce même article, les conditions tenant à l’affectation directe par un acte réglementaire dont l’annulation est demandée et à l’absence de mesures d’exécution sont également cumulatives.

37      Ainsi, il convient d’examiner la condition mentionnée dans ces deux hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir si les requérantes, dans la mesure où elles ne sont pas des destinataires de la première décision attaquée, sont directement concernées par cette dernière.

 Sur la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité pour agir en raison de l’absence d’affectation directe des requérantes

38      Les requérantes estiment que la première décision attaquée affecte directement leur situation juridique parce qu’elle écarte les droits antidumping pour environ 70 % des importations dans l’Union du produit concerné en provenance de Chine. De plus, elle autoriserait la poursuite des importations du produit concerné à des niveaux de prix qui n’écartent ni le dumping ni le préjudice. Cela menacerait la survie des requérantes sur le marché de l’Union. En tant que producteurs de l’Union du produit similaire, les requérantes seraient directement et individuellement concernées par la première décision attaquée. Plus spécifiquement, les requérantes auraient participé activement aux procédures antidumping et antisubventions en tant que parties intéressées. Elles seraient de facto un groupe restreint et fermé et tiendraient une position importante sur le marché de l’Union et l’acceptation de l’engagement en question porterait atteinte à leurs intérêts économiques et juridiques.

39      La Commission fait valoir que l’acceptation d’un engagement concerne de façon directe exclusivement les exportateurs qui ont offert l’engagement et non pas les requérantes.

40      Il y a lieu de constater que, dans le cadre d’un recours introduit par des personnes physiques ou morales au titre des deuxième et troisième hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE [conclusions de l’avocat général Kokott dans les affaires Telefónica/Commission (C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:204, point 59) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:21, point 69)], la condition tenant à l’affectation directe requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir, d’une part, que l’acte dont les requérantes poursuivent l’annulation produise directement des effets sur leur situation juridique et, d’autre part, que cet acte ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation du droit de l’Union sans l’application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, ordonnance du 24 septembre 2009, Município de Gondomar/Commission, C‑501/08 P, EU:C:2009:580, point 25 ; arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec, EU:C:2011:656, point 66).

41      Quant aux sociétés qui offrent un engagement, la jurisprudence a reconnu que pouvaient faire l’objet de recours par l’exportateur concerné devant les juridictions de l’Union les décisions de la Commission portant sur le retrait de l’acceptation d’un engagement et du règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations dudit exportateur (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Usha Martin/Conseil et Commission, C‑552/10 P, Rec, EU:C:2012:736).

42      En revanche, la Cour a jugé qu’un importateur dont le recours tendait à l’annulation des dispositions d’un règlement portant acceptation d’engagements de prix offerts par un exportateur n’était pas concerné directement et individuellement par ces dispositions (voir, en ce sens, ordonnance du 8 juillet 1987, Garelly/Commission, 295/86, Rec, EU:C:1987:344, points 2, 13 et 14).

43      De plus, il a été jugé que le rejet par la Commission d’une proposition d’engagement n’était pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une société qui offrait un engagement, étant donné que la Commission pouvait revenir sur sa décision ou que le Conseil pouvait décider de ne pas instituer un droit antidumping. Un tel rejet est une mesure intermédiaire dont l’objectif est de préparer la décision finale et ne constitue donc même pas un acte attaquable (arrêt du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec, EU:C:1990:116, point 8). Cependant, les opérateurs économiques peuvent, le cas échéant, faire valoir toute irrégularité relative au rejet de leurs propositions d’engagement en attaquant le règlement instituant des droits antidumping définitifs (arrêt du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, Rec, EU:C:1990:115, point 10).

44      S’agissant des engagements au sens du règlement de base antidumping, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’objectif de l’article 8 du règlement de base antidumping vise à garantir l’élimination des effets préjudiciables du dumping subi par l’industrie de l’Union, étant précisé que cet objectif repose principalement sur l’obligation de coopération de l’exportateur ainsi que sur le contrôle de l’exécution correcte de l’engagement souscrit par ce dernier (arrêt Usha Martin/Conseil et Commission, point 41 supra, EU:C:2012:736, point 36).

45      Cependant, force est de relever qu’il ne découle pas de cet objectif que des opérateurs économiques tels que les requérantes peuvent diriger un recours en annulation contre une décision d’acceptation d’un engagement en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping, telle, en l’espèce, la première décision attaquée.

46      Il y a lieu de relever que l’adoption de la première décision attaquée n’a pas modifié la situation juridique des requérantes. En effet, l’examen du système issu du règlement de base antidumping conduit à constater qu’une décision d’acceptation d’un engagement, prise au titre de l’article 8, paragraphe 1, de ce dernier, ne produit pas d’effets juridiques de nature à affecter directement la situation des producteurs de l’Union des produits concernés tels que les requérantes en l’espèce.

47      Selon la disposition en cause, qui concerne les engagements, dans le cas où l’existence d’un dumping et d’un préjudice a été constatée, la Commission a la faculté d’accepter des offres par lesquelles les exportateurs s’engagent volontairement et de manière satisfaisante à réviser leurs prix afin d’éviter d’exporter les produits concernés à des prix de dumping si elle est convaincue que l’effet préjudiciable du dumping est éliminé par cet engagement (arrêt Usha Martin/Conseil et Commission, point 41 supra, EU:C:2012:736, point 22).

48      Or, il résulte du système issu du règlement de base antidumping que ce n’est pas en raison de l’adoption de la décision d’acceptation des engagements que les importations visées par ces engagements sont exemptées de droits antidumping, l’exonération résultant des dispositions adoptées, soit par la Commission dans le règlement provisoire antidumping modifié, soit par le Conseil dans le règlement définitif antidumping, pour mettre en œuvre les engagements acceptés par la Commission. Une telle obligation pèse sur le Conseil en application de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base antidumping, qui énonce qu’un règlement doit instituer un droit antidumping définitif à l’égard des importations d’un produit faisant l’objet d’un dumping et causant un préjudice, incluant une exception à l’égard des importations en provenance de sources dont un engagement a, le cas échéant, été accepté.

49      En effet, il convient de constater que, alors même qu’une décision d’acceptation des engagements a été adoptée, les droits antidumping provisoires ou définitifs ne sont imposés, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base antidumping, que par voie de règlement, cette disposition prévoyant également que leur perception par les États membres est effectuée selon les autres éléments fixés par le règlement qui les impose, au nombre desquels figurent les conditions énoncées pour la mise en œuvre des engagements acceptés.

50      De plus, dans les cas où, au contraire, l’examen portant sur l’existence d’un dumping ou d’un préjudice est négatif, l’article 8, paragraphe 6, du règlement de base antidumping prévoit qu’un engagement déjà accepté devient automatiquement caduc, sauf si la conclusion d’un tel examen est due en grande partie à l’existence d’un engagement. Cette disposition laisse donc une marge d’appréciation aux institutions si un engagement reste en place.

51      Certes, dans sa deuxième phrase, l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping prévoit que, lorsque la Commission accepte une telle offre, et aussi longtemps que les engagements en question restent en vigueur, les droits provisoires institués par la Commission conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base antidumping ou les droits définitifs institués par le Conseil conformément à l’article 9, paragraphe 4, du même règlement, selon le cas, ne s’appliquent pas aux importations du produit concerné fabriqué par les sociétés visées dans la décision de la Commission portant acceptation des engagements et ses modifications ultérieures. Cependant, il importe de noter que l’article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de base antidumping s’adresse à la Commission et au Conseil et requiert, pour la période pendant laquelle un engagement reste en vigueur, l’exonération de droits antidumping qui résulte des dispositions qui sont adoptées, soit par la Commission dans le règlement provisoire antidumping modifié, soit par le Conseil dans le règlement définitif antidumping.

52      Il résulte de ces considérations qu’une décision d’acceptation d’un engagement, adoptée au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base antidumping, ne produit pas d’effets juridiques de nature à affecter directement la situation juridique des producteurs de l’Union, tels que les requérantes en l’espèce.

53      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

54      En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’atteinte à leurs intérêts juridiques découle des moyens soulevés dans leur recours, il convient de noter que le renvoi global aux moyens du recours ne suffit pas à expliquer comment les requérantes considèrent que, au regard de la jurisprudence mentionnée au point 40 ci-dessus, la première décision attaquée produit directement des effets sur leur situation juridique et que cet acte ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de la mesure en cause qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation du droit de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires. Pour autant que les requérantes essaient en réalité d’invoquer le fait que la protection juridictionnelle de leurs droits allégués justifierait de considérer qu’elles seraient concernées directement par la première décision attaquée, force est de constater que, même s’il est de jurisprudence constante que les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union, le droit à une telle protection ne saurait toutefois remettre en cause les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance Município de Gondomar/Commission, point 40 supra, EU:C:2009:580, point 38 et jurisprudence citée).

55      Dans ce contexte, il convient de noter que, dans le recours, les requérantes soulèvent au fond trois moyens à l’encontre de la première décision attaquée. Premièrement, elles considèrent que la Commission a conclu un accord avec le gouvernement chinois et la CCCME, agissant au nom d’un grand groupe de producteurs-exportateurs chinois, sans divulguer de manière appropriée et adéquate les éléments essentiels de l’engagement négocié et sans fournir la possibilité de présenter en temps utile et de manière effective des observations sur cet engagement. Deuxièmement, les requérantes considèrent que la Commission a accepté arbitrairement des niveaux de prix minimaux qui sont manifestement inadéquats pour écarter le préjudice causé aux producteurs de l’Union. Troisièmement, les requérantes soulèvent que la première décision attaquée a accepté et renforcé un accord de prix horizontal.

56      En tout état de cause, s’agissant du premier moyen concernant les droits procéduraux, les requérantes font en substance valoir que l’adoption de la première décision attaquée a violé leur droit à l’accès à une version non confidentielle de l’engagement en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base antidumping. Cependant, selon la jurisprudence, l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement ne contient aucune indication et, a fortiori, aucune obligation quant au moment auquel il convient de verser la copie de l’engagement de prix au dossier non confidentiel de la procédure (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, Rec, EU:T:2011:618, point 85). Les requérantes considèrent à tort que cette jurisprudence ne s’applique pas en l’espèce à cause du prétendu rôle du gouvernement chinois dans les négociations de l’engagement en question.

57      Concernant les deuxième et troisième moyens, les requérantes se limitent à contester le bien-fondé de la première décision attaquée.

58      Dès lors, ces arguments ne démontrent pas en l’espèce que la première décision attaquée produit directement des effets sur la situation juridique des requérantes. À cet égard, il y a lieu de noter qu’il n’est pas exclu que les requérantes puissent soulever les moyens qu’elles invoquent dans le cadre d’un recours en annulation contre le règlement antidumping provisoire ou définitif pour autant qu’elles aient qualité pour agir dans une telle affaire.

59      En second lieu, les requérantes font valoir qu’un effet direct de la première décision attaquée découle du fait qu’elle n’implique pas de mesures d’exécution et qu’elle est directement applicable dans l’ensemble des États membres.

60      Il convient de rappeler que, en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d’un recours visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le critère selon lequel l’acte attaqué doit concerner les requérantes directement et celui selon lequel il ne doit pas comporter de mesures d’exécution sont des critères distincts. Il s’ensuit que l’accomplissement prétendu d’un de ces critères figurant à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne saurait indiquer l’accomplissement de l’autre.

61      En tout état de cause, il a déjà été rappelé au point 48 ci-dessus que l’exonération de droits antidumping dont bénéficient les importations visées par les engagements résulte des dispositions qui doivent être adoptées, soit par la Commission dans le règlement provisoire antidumping modifié, soit par le Conseil dans le règlement définitif antidumping, pour mettre en œuvre les engagements en question. En l’espèce, cette exonération est donc intervenue, à l’occasion de l’introduction du présent recours, par le règlement provisoire antidumping, tel que modifié par le règlement no 748/2013. Partant, étant donné que la première décision attaquée était mise en œuvre par un autre acte qui était susceptible de faire l’objet d’un recours soit devant le juge de l’Union, soit devant les juridictions des États membres (voir, en ce sens, ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, EU:T:2014:53, point 23 et jurisprudence citée), celle-ci comportait des mesures d’exécution.

62      Dès lors et contrairement à un troisième argument des requérantes, une prétendue perte de chiffre d’affaires causée par les importations du produit en question en provenance de Chine à des prix inférieurs à ceux des requérantes, à supposer qu’elle ait existé, ne résulterait pas, en ce qui concerne ces dernières, de la première décision attaquée.

63      Étant donné que les requérantes ne sont pas directement concernées par la première décision attaquée et que, de ce fait, une des conditions de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’est pas remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner si d’autres critères des deuxième et troisième hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont remplis.

64      En tout état de cause, il convient de noter que la première décision attaquée ne constitue pas un acte règlementaire au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la première décision attaquée est un acte réglementaire parce qu’elle constitue un acte non législatif, il importe de constater qu’il est vrai que la notion d’acte réglementaire, au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (ordonnances du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, Rec, EU:T:2012:273, point 42, et du 7 mars 2014, FESI/Conseil, T‑134/10, EU:T:2014:143, point 23). En l’espèce, la première décision attaquée ne constitue pas un acte législatif, dès lors qu’elle n’a été adoptée ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 21 ; ordonnance FESI/Conseil, précitée, EU:T:2014:143, point 25]. Cependant, elle n’a pas une portée générale en ce qu’elle ne s’applique pas à des situations déterminées objectivement et ne produit pas des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, ordonnances Bricmate/Conseil, point 61 supra, EU:T:2014:53, point 65, et FESI/Conseil, précitée, EU:T:2014:143, point 24). En effet, la première décision attaquée porte sur l’acceptation d’un engagement concret par la Commission et ne s’adresse qu’aux seules sociétés énumérées à son annexe en acceptant leur offre d’engagement. Dès lors, elle ne constitue pas un acte réglementaire, ce qui exclut également que le recours soit recevable en vertu de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

65      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours, au regard des deuxième et troisième hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce qu’il tend à l’annulation de la première décision attaquée, doit être rejeté comme irrecevable. Pour cette raison, il y a également lieu, au regard de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus, de déclarer la demande d’adaptation des conclusions irrecevable. Dans ces conditions, il n’y a également plus lieu de statuer sur la proposition visant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      SolarWorld AG, Brandoni solare SpA, Global Sun Ltd, Silicio Solar, SAU et Solaria Energia y Medio Ambiente, SA sont condamnées aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 janvier 2015.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.