Language of document : ECLI:EU:T:2022:215

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale NUTRIFEM AGNUBALANCE – Marque de l’Union européenne verbale antérieure NUTRIBEN – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑370/21,

Biogena GmbH & Co KG, établie à Salzburg (Autriche), représentée par Me I. Schiffer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Alter Farmacia, SA, établie à Madrid (Espagne),

ayant pour objet un recours contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 22 avril 2021 (affaire R 1208/2020-5), relative à une procédure d’opposition entre Alter Farmacia et Biogena,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 22 juin 2018, la requérante, Biogena GmbH & Co. KG, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1430349 de la marque verbale NUTRIFEM AGNUBALANCE. Cet enregistrement international a été notifié le 25 octobre 2018 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        Les produits et les services pour lesquels la protection de l’enregistrement international en cause a été demandée relèvent des classes 5, 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Additifs nutritionnels, notamment antioxydants à usage médical ; produits diététiques et compléments nutritionnels à usage médical ; préparations pour la production de boissons à usage médical ; produits diététiques à usage médical spécial (régimes équilibrés) ; aliments pour bébés, notamment lait en poudre pour bébés ; compléments nutritionnels et alimentaires pour le sport et pour une amélioration des performances à usage médical ; compléments alimentaires à base de minéraux ; amidon à usage pharmaceutique et diététique ; additifs nutritionnels, principalement composés de vitamines, acides aminés, minéraux et oligo-éléments, à usage médical ; tisanes à usage médical » ;

–        classe 29 : « Fruits et légumes cuits, séchés et conservés ; concentrés et extraits de légumes (purées) à usage culinaire (à l’exception d’huiles essentielles) » ;

–        classe 30 : « Fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées ; tisanes autres qu’à usage médical, thés noirs ; essences de thé, extraits de thé, thés instantanés, mélanges de thés ».

3        L’enregistrement international désignant l’Union européenne a été publié au Bulletin des marques de l’Union européenne no 204/2018, du 26 octobre 2018.

4        Le 26 février 2019, Alter Farmacia, SA a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 2 ci-dessus, alléguant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement 2017/1001.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union antérieure verbale,  NUTRIBEN, déposée le 7 mai 2004 et enregistrée le 2 août 2005 sous le numéro 3823333, pour des produits relevant des classes 5, 29, 30 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits diététiques alimentaires à caractère médicinal ; substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; produits vitaminés » ;

–        classe 29 : « Viande, poisson et volaille ; extraits de viande ; œufs, lait et produits laitiers ; fruits et légumes en conserve ; gelées, confitures, compotes » ;

–        classe 30 : « Thé, cacao, sucre, farines et préparations faites de céréales ; glaces comestibles » ;

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; jus de fruits ».

6        Le 21 mars 2019, l’EUIPO a adressé à la requérante une communication l’informant, notamment, que l’opposition avait été jugée recevable, que le délai imparti à l’opposant pour l’étayer expirerait le 26 juillet 2019 et celui qui lui était imparti pour présenter ses observations, le 26 septembre 2020.

7        Le 12 août 2019, l’EUIPO a transmis à la requérante les éléments avancés au soutien de l’opposition et lui a donné un délai supplémentaire pour présenter ses observations, jusqu’au 17 octobre 2019.

8        Le 17 octobre 2019, la requérante a présenté ses observations sur l’opposition, dans le corps desquelles figurait une demande de preuve de l’usage de la marque antérieure. Le même jour, elle a communiqué à l’EUIPO le pouvoir donné à un avocat à des fins de représentation au cours de la procédure.

9        Le 4 novembre 2019, l’EUIPO a transmis à l’opposante les observations de la requérante et l’a informée que le délai pour présenter ses observations en réponse expirait le 9 janvier 2020.

10      Le 9 janvier 2020, l’opposante a présenté ses observations en réponse.

11      Le 14 janvier 2020, l’EUIPO a adressé à la requérante directement, et non à son représentant, une communication transmettant les observations en réponse de l’opposante et l’informant, en substance, qu’il n’estimait pas approprié que de nouvelles observations en réponse soient soumises et qu’il se prononcera sur l’opposition sur la seule base des éléments déjà fournis.

12      Le 17 avril 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

13      Le 14 juin 2020, la requérante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

14      Par décision du 22 avril 2021 (ci-après, la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par la requérante contre la décision de la division d’opposition.

15      En premier lieu, la chambre de recours a estimé que l’erreur commise par l’EUIPO lors de la procédure d’opposition, consistant à adresser certaines de ses communications à la requérante directement plutôt qu’à son représentant désigné, n’avait pas eu pour conséquence une violation des droits de la défense.

16      En second lieu, la chambre de recours a retenu que c’était à juste titre que la division d’opposition avait conclu à l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent, en se fondant sur la perception du grand public de langue polonaise de l’Union dont le degré d’attention variait de moyen a élevé selon la nature des produits en cause. Elle a considéré, premièrement, que les produits en cause relevant de la classe 5 étaient identiques, ceux relevant de la classe 29 étaient pour partie identiques et, pour partie, disposaient à tout le moins d’un degré élevé de similitude, et ceux relevant de la classe 30, étaient pour partie identique et, pour partie, disposaient au moins d’un degré moyen de similitude. Deuxièmement, dans le cadre de son analyse de la comparaison des signes, elle a, notamment, retenu que l’élément « nutri » commun aux deux marques ne serait pas compris par le grand public de langue polonaise comme une référence à la « nutrition ». Elle en a déduit, d’une part, que les signes en conflit étaient, au moins similaires à un faible degré sur le plan visuel, similaires à un faible degré sur le plan phonétique et que la comparaison conceptuelle était dépourvue de pertinence et, d’autre part, que la marque antérieure possédait un degré moyen de caractère distinctif intrinsèque à l’égard des produits en cause. Troisièmement, et par voie de conséquence, elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent, y compris à l’égard des produits relevant de la classe 5 pour lesquels ledit public dispose d’un degré élevé d’attention à l’occasion de leur acquisition.

II.    Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accorder l’enregistrement international pour tous les produits demandés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la compétence du Tribunal pour connaître du chef de conclusions par lequel il est demande au Tribunal d’adresser une injonction

19      L’EUIPO souligne que le deuxième chef de conclusions de la requérante s’apparente à une demande que des injonctions lui soient adressées.

20      Force est effectivement de constater que, dans la mesure où par ce chef de conclusions il est demandé au Tribunal d’accorder l’enregistrement de la marque demandée, il s’apparente à solliciter du Tribunal qu’il ordonne à l’EUIPO de procéder à l’enregistrement de la marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2017, Metronia/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE O NADA), T‑159/16, non publié, EU:T:2017:340, points 14 et 16].

21      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

22      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions de la requérante, par lequel elle demande, en substance, au Tribunal d’adresser une injonction à l’EUIPO, doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

B.      Sur le fond

23      À l’appui du recours, la requérante avance, en substance, deux moyens. Le premier moyen concerne l’absence de prise en compte par la chambre de recours de la méconnaissance par l’EUIPO, au cours de la procédure d’opposition, de l’article 60, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p.1), laquelle aurait abouti à une violation de ses droits de la défense. Le second moyen est pris d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense de la requérante au cours de la procédure d’opposition

24      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tiré les conséquences de l’erreur commise par l’EUIPO au cours de la procédure d’opposition, ayant consisté à lui adresser certaines de ses communications directement plutôt que par l’intermédiaire de son représentant désigné, en violation de l’article 60, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625. Elle soutient que, en raison de cette erreur, elle estimait que son représentant recevait l’ensemble des documents et serait en mesure de soumettre les observations nécessaires, alors que celui-ci n’avait pas été mis en en position de le faire. En n’annulant pas la décision de la division d’opposition pour ce motif, ladite chambre aurait donc méconnu l’article 94 du règlement 2017/1001.

25      L’EUIPO estime, en substance, que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’erreur commise au cours de la procédure d’opposition n’était pas susceptible d’avoir une incidence sur le contenu de la décision de la division d’opposition.

26      Conformément à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général du droit de l’Union de protection des droits de la défense. En vertu de ce dernier, toute personne à qui une décision d’une autorité publique fait grief doit avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de ladite décision. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de ladite décision, mais non à la position finale que l’autorité publique entend adopter [voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2010, Storck/OHMI (Forme d’une souris en chocolat), T‑13/09, non publié, EU:T:2010:552, point 52 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 61 et jurisprudence citée].

27      En outre, il découle de la jurisprudence que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour les entreprises mises en conflit de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence (voir arrêt du 17 décembre 2010, Forme d’une souris en chocolat, T‑13/09, non publié, EU:T:2010:552, point 53 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il convient, en premier lieu, de souligner qu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure d’opposition par l’EUIPO, dès lors que celui-ci a erronément adressé certaines de ses communications à la requérante directement plutôt que par l’intermédiaire de son représentant, en violation de l’article 60, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625.

29      En second lieu et, par voie de conséquence, il convient d’examiner si l’irrégularité en cause a eu une incidence concrète sur la possibilité pour la requérante de se défendre au cours de la procédure d’opposition. Plus particulièrement, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que cette irrégularité avait été sans incidence sur l’issue de la procédure d’opposition ou si, au contraire, elle aurait dû retenir qu’il ne pouvait être exclu que le contenu de la décision de la division d’opposition aurait pu être différent en son absence.

30      Il convient de relever que ce n’est que le 17 octobre 2019, que la requérante a informé l’EUIPO de la désignation d’un représentant, soit à l’expiration du délai qui lui avait été imparti pour présenter ses observations sur l’opposition et présenter, le cas échéant, une demande de preuve de l’usage de la marque antérieure.

31      L’irrégularité en cause a donc seulement eu pour conséquence que la requérante a été informée directement, plutôt que par l’intermédiaire de son représentant, des observations présentées en réponse par l’opposante, et du choix de l’EUIPO de ne pas lui offrir la possibilité de présenter des observations en réponse additionnelles, dès lors qu’il avait décidé de statuer sur la seule base des informations déjà en sa possession.

32      Partant, dans la mesure où l’EUIPO avait décidé de ne pas faire usage de la faculté que lui offre l’article 8, paragraphe 6, du règlement délégué 2018/625 de laisser la possibilité au demandeur de présenter de nouvelles observations en réponse, l’irrégularité en cause n’a donc pas pu avoir d’incidence sur l’exercice par la requérante de ses droits de la défense.

33      Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

2.      Sur le second moyen, tiré de violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

34      La requérante considère que la chambre de recours a retenu, à tort, l’éventualité d’un risque de confusion pour le public concerné en méconnaissant ainsi l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. À cet égard, elle conteste le bien-fondé des appréciations de la chambre de recours, portant tant sur le degré d’attention du public pertinent, la comparaison des produits en cause et des signes en conflit, que l’appréciation globale du risque de confusion.

35      L’EUIPO estime que la chambre de recours n’a commis aucune des erreurs d’appréciation alléguées par la requérante et qu’elle a valablement conclu à l’existence d’un risque de confusion.

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

37      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

38      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

39      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

a)      Sur le public pertinent

41      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

42      En l’espèce, la chambre de recours a retenu que les produits en cause s’adressaient principalement au grand public et, en partie, à des professionnels et que si certains produits en cause relevant de la classe 5 impliquaient un degré supérieur à la moyenne d’attention à l’occasion de leur acquisition, les autres produits en cause relevant de cette classe, ainsi que ceux relevant des classes 29 et 30 n’impliquaient qu’un degré moyen d’attention. À l’instar de la division d’opposition, elle a fondé son appréciation sur la perception du grand public de langue polonaise de l’Union.

43      À l’encontre de cette analyse, la requérante soutient, en substance, que le public pertinent dispose d’un degré d’attention élevé pour l’ensemble des produits en cause relevant de la classe 5.

44      L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours a, à juste, titre retenu un degré élevé d’attention pour la seule partie des produits en cause disposant d’un usage médical.

45      En premier lieu, en ce qui concerne le territoire pertinent, la protection de la marque antérieure s’étendant à l’ensemble de l’Union c’est, partant, la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur l’ensemble de ce territoire qu’il convient de considérer. Toutefois, dès lors que, en application de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, il suffit qu’un motif relatif de refus existe dans une partie de l’Union, c’est à bon droit que la chambre de recours s’est fondée sur la perception du grand public de langue polonaise, aux fins de constater l’existence d’un risque de confusion entre lesdites marques.

46      En second lieu, en ce qui concerne la détermination du public pertinent et de son niveau d’attention, c’est, premièrement, à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 37 de la décision attaquée, que les produits en cause relevant des classes 29 et 30, lesquels concernent, respectivement, des « fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; extraits et concentrés (purées) de légumes à usage culinaire (à l’exclusion des huiles essentielles) » et des « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées ; tisanes autres qu’à usage médical, thés noirs ; essences de thé, extraits de thé, thés instantanés, mélanges de thés », constituent des produits de consommation courante s’adressant au grand public, lequel dispose d’un degré d’attention moyen à l’occasion de leur acquisition.

47      En outre, c’est également à juste titre que la chambre de recours a retenu, en substance, que ces produits pouvaient également concerner un public de professionnel, susceptible de disposer d’un degré d’attention plus élevé, mais que cette circonstance était dépourvue d’incidence, dès lors que, à l’occasion de l’appréciation du risque de confusion, il convient de prendre en considération le public disposant du niveau d’attention le moins élevé [voir arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO Group), T‑221/09, non publié, EU:T:2011:393, point 21 et jurisprudence citée].

48      Deuxièmement, en ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 5, la chambre de recours les a divisés en deux catégories.

49      La première catégorie est constituée par « les additifs nutritionnels, notamment antioxydants à usage médical ; produits diététiques et compléments nutritionnels à usage médical ; préparations pour la production de boissons à usage médical ; produits diététiques à usage médical spécial (régimes équilibrés) ; compléments nutritionnels et alimentaires pour le sport et pour une amélioration des performances à usage médical ; amidon à usage pharmaceutique et diététique ; additifs nutritionnels, principalement composés de vitamines, acides aminés, minéraux et oligo-éléments, à usage médical ; tisanes à usage médical ». À leur égard, la chambre de recours a retenu, en substance, au point 36 de la décision attaquée, que tant le public de professionnel que le grand public disposent d’un degré d’attention supérieur à la moyenne à l’occasion de leur acquisition, dans la mesure où ils sont susceptibles d’affecter l’état de santé des consommateurs. Cette conclusion, par ailleurs non contestée par la requérante, doit être avalisée.

50      La seconde catégorie est constituée par « les aliments pour bébés, notamment lait en poudre pour bébés, et les compléments alimentaires à base de minéraux ». À leur égard, la chambre de recours a suivi une analyse équivalente à celle résumée aux points 46 et 47 ci-dessus, conduisant à la prise en compte d’un consommateur disposant d’un degré d’attention moyen à l’occasion de leur acquisition.

51      Certes, une appréciation équivalente a pu, occasionnellement, être retenue par le Tribunal, tant à l’égard des compléments alimentaires [arrêt du 7 octobre 2015, Atlantic Multipower Germany/OHMI – Nutrichem Diät + Pharma (NOxtreme), T‑186/14, non publié, EU:T:2015:754, points 43 et 44] que des aliments pour bébé [arrêt du 28 mars 2012, Hipp/OHMI – Nestlé (Bebio), T‑41/09, non publié, EU:T:2012:163, point 29].

52      Il n’en demeure pas moins que c’est à juste titre que la requérante fait valoir que ces produits sont susceptibles d’affecter l’état de santé du consommateur, de sorte qu’il dispose d’un degré d’attention élevé à l’occasion de leur acquisition.

53      Il convient de relever que les « aliments pour bébés, notamment lait en poudre pour bébés, et les compléments alimentaires à base de minéraux », s’ils ne constituent pas, en tant que tels, des produits pharmaceutiques, ont en commun de relever du domaine « paramédical », c’est-à-dire être liés, au sens large, à santé.

54      En raison de ce lien avec la santé, la jurisprudence la plus récente et majoritaire du Tribunal a retenu l’existence d’un degré attention supérieur à la moyenne à l’occasion de l’acquisition de ce type de produits [voir, s’agissant des compléments alimentaires, arrêts du 28 mai 2020, Aurea Biolabs/EUIPO – Avizel (AUREA BIOLABS), T‑724/18 et T‑184/19, EU:T:2020:227, point 50, et du 5 octobre 2020, SBS Bilimsel Bio Çözümler/EUIPO – Laboratorios Ern (apiheal), T‑53/19, non publié, EU:T:2020:469, points 30 et 32 et, s’agissant des aliments pour bébé, arrêts du 7 mai 2019, Sona Nutrition/EUIPO – Solgar Holdings (SOLGAR Since 1947 MultiPlus WHOLEFOOD CONCENTRATE MULTIVITAMIN FORMULA), T‑152/18 à T‑155/18, non publié, EU:T:2019:294, point 25 ; du 28 novembre 2019, August Wolff/EUIPO – Faes Farma (DermoFaes), T‑643/18, non publié, EU:T:2019:818, point 27, et du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal), T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468, points 30 et 32].

55      En effet, il convient de relever, d’une part, que l’acquisition d’un « compléments alimentaires à base de minéraux » se différencie de celle d’autres aliments, dès lors qu’elle procède d’une démarche d’amélioration de la santé. Il peut donc être considéré que le degré d’attention du consommateur sera supérieur à la moyenne à l’occasion de leur acquisition. D’autre part, s’agissant des « aliments pour bébés, notamment lait en poudre pour bébés », dès lors qu’ils sont nécessaires au bien-être et à la santé des enfants, qui plus est en bas âge, ils sont susceptibles de faire l’objet d’un degré d’attention au moins supérieur à la moyenne de la part des consommateurs, quand bien même il s’agirait de produits de consommation courante commercialisés dans la grande distribution [voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Ferring/OHMI – Kora (Koragel), T‑169/14, non publié, EU:T:2015:280, point 38].

56      Il en résulte que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en retenant l’existence d’un niveau d’attention de degré moyen à l’occasion de l’acquisition de certains des produits en cause relevant de la classe 5.

b)      Sur la comparaison des produits

57      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés  [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

58      Selon la jurisprudence, afin de pouvoir considérer des produits ou des services comme étant concurrents, il faut qu’ils revêtent un rapport de substituabilité entre eux [voir arrêt du 17 février 2017, Hernández Zamora/EUIPO – Rosen Tantau (Paloma), T‑369/15, non publié, EU:T:2017:106, point 26 et jurisprudence citée].

59      Le caractère complémentaire des produits ou services concerne ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 48 et jurisprudence citée, et du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée]. Ainsi, aux fins de l’appréciation du caractère complémentaire de produits et de services, il convient, en fin de compte, de prendre en considération la perception par ledit public de l’importance pour l’usage d’un produit ou d’un service d’un autre produit ou service [arrêt du 28 avril 2021, Klaus Berthold/EUIPO – Thomann (HB Harley Benton), T‑284/20, non publié, EU:T:2021:218, point 74].

60      Aux points 46 à 52 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que les produits en cause relevant de la classe 5 étaient identiques, ceux relevant de la classe 29 étaient pour partie identiques et, pour partie, disposaient, à tout le moins, d’un degré élevé de similitude et ceux relevant de la classe 30, pour partie identique et, pour partie, disposaient au moins d’un degré moyen de similitude.

61      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours quant au niveau de similitude existant entre certains des produits en cause, relevant des classes 29 et 30.

62      L’EUIPO, dans sa réponse, reprend à son compte l’analyse de la chambre de recours.

63      De manière liminaire, il convient de relever que certaines des appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante et doivent être avalisées, dès lors qu’elles ne sont entachées d’aucune erreur d’appréciation.

64      Il s’agit de la constatation du caractère identique, d’une part, des produits en cause relevant de la classe 5 avec certains produits relevant de la même classe désignés par la marque antérieure et, d’autre part, des « fruits et légumes cuits, séchés et conservés », relevant de la classe 29 et des « tisanes autres qu’à usage médical, thés noirs ; essences de thé, extraits de thé, thés instantanés, mélanges de thés », relevant de la classe 30 avec certains des produits des mêmes classes désignés par la marque antérieure.

65      En premier lieu, la requérante conteste le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 50 de la décision attaquée, retenant l’existence « à tout le moins d’un degré élevé de similitude » des « concentrés et extraits de légumes (purées) à usage culinaire (à l’exception d’huiles essentielles) » avec les « fruits et légumes en conserve » relevant de la même classe, désignés par la marque antérieure. Elle fait valoir que la seule circonstance que les produits en cause puissent être utilisés ensemble ne permet pas d’établir leur similitude.

66      Il convient de relever que la possibilité d’une utilisation conjointe des produits visés au point 65 ci-dessus n’est pas le seul facteur pertinent, au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, pris en compte par la chambre de recours, celle-ci s’étant également référée, en substance, aux circonstances que les produits en cause disposent d’une nature proche, ont fréquemment la même origine commerciale, utilise les mêmes canaux de distribution et s’adressent au même public.

67      Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a retenu l’existence d’une similitude de niveau élevé entre les produits visés au point 65 ci-dessus.

68      Plus particulièrement, il convient de relever qu’est susceptible d’exister entre, d’une part, les « concentrés et extraits de légumes (purées) à usage culinaire (à l’exception d’huiles essentielles) », désignés par la marque demandée et, d’autre part, les « légumes en conserve », désignés par la marque antérieure, un rapport de substituabilité, au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, de sorte qu’ils peuvent être considérés comme étant concurrents.

69      En second lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu, au point 52 de la décision attaquée, l’existence d’une degré au moins moyen de similitude entre, d’une part, les « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées », relevant de la classe 30, visés par la marque demandée et les « fruits et légumes en conserve », relevant de la classe 29, désignés par la marque antérieure.

70      Certes, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que les produits visés au point 69 ci-dessus disposent de points en commun, dès lors qu’ils sont de nature végétale, que les « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées » peuvent être utilisés conjointement avec les « fruits et légumes en conserve » dans des préparations culinaires et qu’ils peuvent être commercialisés dans les mêmes points de vente et achetés par les mêmes consommateurs.

71      Toutefois, en retenant l’existence d’une similitude de niveau « au moins moyen », la chambre de recours a surestimé le degré de similitude des produits visés au point 69 ci-dessus. D’une part, il n’existe pas de lien étroit, au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, qui aurait été susceptible de les faire percevoir par le public pertinent comme étant complémentaires, mais seulement un rapport beaucoup plus indirect tenant dans la circonstance que les « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées » peuvent éventuellement être utilisés pour donner de la couleur ou du goût à des préparations dans lesquelles des « fruits et légumes en conserve » peuvent être utilisés. D’autre part, il n’est pas notoire que lesdits produits sont nécessairement commercialisés dans les mêmes rayons de magasins ou dans des rayons proches.

72      Dans ces conditions, la chambre de recours aurait dû conclure à l’existence d’un similitude de faible niveau entre les produits visés au point 69 ci-dessus [voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2016, Lidl Stiftung/EUIPO – Horno del Espinar (Castello), T‑549/14, non publié, EU:T:2016:594, point 76].

c)      Sur la comparaison des signes

73      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

74      Pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35 et jurisprudence citée ; du 26 novembre 2015, Bionecs/OHMI – Fidia farmaceutici (BIONECS), T‑262/14, non publié, EU:T:2015:888, point 38 et jurisprudence citée, et du 23 mai 2019, Dentsply De Trey/EUIPO – IDS (AQUAPRINT), T‑312/18, non publié, EU:T:2019:358, point 37 et jurisprudence citée].

1)      Sur les éléments distinctifs et dominants des signes

75      En ce qui concerne les éléments distinctifs et dominant des signes en conflit, la chambre de recours a retenu, aux points 60 à 69 de la décision attaquée, d’une part, que l’élément « nutri » commun aux deux marques ne serait pas compris par le grand public de langue polonaise comme une référence à la « nutrition » et, d’autre part, que l’élément « ben » de la marque antérieure et les éléments « fem » et « agnubalance » de la marque demandée ne disposaient d’aucune signification pour ledit public.

76      La requérante fait valoir, tout d’abord, que l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, est descriptif de l’ensemble des produits en cause relevant de la classe 5, en ce qu’il constitue l’abréviation de « nutrition » et « nutritionnel », lesquels sont connus de l’ensemble du public de l’Union. Elle souligne, à cet égard, que de nombreuses marques de l’Union font usage de ce terme. Ensuite, elle considère que les deuxièmes éléments desdits signes, à savoir, respectivement, « ben » et « fem », sont compris comme des référence à « enfant » et « féminin ». Enfin, elle considère que l’élément « agnubalance » constitue l’élément distinctif et dominant de la marque demandée.

77      L’EUIPO estime que la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation à l’occasion de la détermination des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit.

78      En premier lieu, en ce qui concerne l’élément « agnubalance » de la marque demandée, la chambre de recours a retenu au point 69 de la décision attaquée qu’il disposait d’un caractère distinctif à l’égard des produits en cause. Cette appréciation, qui n’est pas contestée par la requérante, doit être avalisée. La requérante estime, cependant, qu’il s’agit de l’élément le plus distinctif des signes en conflit, dans la mesure où l’élément « nutri » sera compris comme une référence à la nutrition et les éléments « ben » et « fem » comme désignant, respectivement, « enfant » et « féminin ».

79      Il convient, partant, en deuxième lieu, d’examiner si le grand public de langue polonaise percevra l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, comme une référence à la nutrition.

80      Si tel était le cas, il conviendra de conclure que l’élément « nutri » », commun aux signes en conflit, est descriptif d’une des qualités, tout au moins, de certains des produits en cause. Le caractère descriptif de cet élément diminuerait, alors, considérablement son poids relatif dans la comparaison desdits signes, y compris sur les plans visuel et phonétique, même si sa présence devrait toujours être prise en compte [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Rothenberger/EUIPO – Paper Point (ROBOX), T‑49/20, non publié, EU:T:2020:492, point 67 et jurisprudence citée].

81      Dans le cas contraire, c’est-à-dire dans l’éventualité où il serait conclu que le grand public de langue polonaise ne percevra pas l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, comme une référence à la « nutrition », ainsi que l’a retenu la chambre de recours dans la décision attaquée, il en résulterait que cet élément dispose d’un caractère distinctif moyen dans lesdits signes. Sa présence constituerait, alors, un facteur de similitude important.

82      Premièrement, il convient de relever que la circonstance que « nutrition » soit un terme de langue anglaise ne permet pas de présumer que le sens de son abréviation « nutri » sera compris par le grand public de langue polonaise, dès lors que la connaissance par le consommateur polonais de l’anglais ne constitue pas un fait notoire [arrêt du 29 avril 2020, Kerry Luxembourg/EUIPO – Döhler (TasteSense By Kerry), T‑108/19, non publié, EU:T:2020:161, point 63].

83      En outre, s’il a été admis que dans certains secteurs, tels celui des technologies ou de l’informatique, l’usage de l’anglais est fréquent ou habituel, de sorte qu’il est possible d’en déduire que le public concerné dispose d’une connaissance de cette langue (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2020, TasteSense By Kerry, T‑108/19, non publié, EU:T:2020:161, point 63), tel n’est pas le cas du secteur dont relève les produits en cause.

84      De même, s’il a également été admis qu’une grande partie des consommateurs dans l’Union dispose d’une connaissance du vocabulaire élémentaire de l’anglais (voir arrêt du 29 avril 2020, TasteSense By Kerry, T‑108/19, non publié, EU:T:2020:161, point 64 et jurisprudence citée), force est de constater que le terme « nutrition » auquel renvoie l’abréviation « nutri » ne peut être considéré comme faisant partie du vocabulaire de base de l’anglais.

85      Deuxièmement et par voie de conséquence, il convient de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu que la requérante n’avait pas démontré, au cours de la procédure administrative, que le sens de l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, était connu du grand public de langue polonaise ou, tout au moins, d’une partie non négligeable de celle-ci.

86      Dans les annexes 2, 7, 8 et 10 du recours contre la décision de la division d’opposition, la requérante a produit des éléments de preuve s’agissant de la perception de l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, par le grand public de langue polonaise.

87      Ces éléments de preuve ont été correctement résumées par la chambre de recours au point 62 de la décision attaquée comme attestant l’existence « d’une société “NUTRICIA Polska” dont le siège est en Pologne […] et de ses deux fournisseurs […], basés en Pologne, ainsi que l’existence de douze enregistrements internationaux de marques contenant le terme “[nutri]” et originaires de Pologne ».

88      En effet, il ressort de l’annexe 2 du recours contre la décision de la division d’opposition, constituée par un extrait du site Internet « nutricia.polandtrade.de », l’existence d’une société « Nutricia Polska ». L’existence de cette société et de ses fournisseurs est également attestée par les annexes 7 et 8 dudit recours, qui contiennent des extraits du site Internet « nutricia.com.pl ». Quant à l’annexe 10 de ce recours, elle est constituée par un extrait d’une base de données de l’OMPI listant des enregistrements de marque polonais contenant le terme « nutri ».

89      Force est cependant de constater, que de tels éléments de preuve ne suffisent pas à démontrer une compréhension du sens de l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, par le grand public de langue polonaise.

90      Certes, l’utilisation étendue par des opérateurs économiques en Pologne, dans leur raison sociale, de l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, pourrait constituer un indice de la connaissance par le grand public de langue polonaise de sa signification, dans la mesure où il serait révélateur d’une volonté desdits opérateurs de faire usage d’un terme dont les consommateurs polonais auraient connaissance. Il en irait de même d’un dépôt important de marques à destination des consommateurs polonais comprenant l’élément « nutri ». Toutefois, les annexes 2, 7 et 8 du recours contre la décision de la division d’opposition, démontrent seulement qu’un nombre très restreint d’opérateurs économiques en Pologne ont fait usage dans leur raison sociale de cet élément ou déposé des enregistrements l’incluant.

91      En troisième lieu, s’agissant des appréciations de la chambre de recours selon lesquelles le public pertinent ne percevra pas la signification de l’élément « ben » et de l’élément « fem » figurant dans les signes en conflit, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément de preuve de nature à étayer son argument selon lequel le grand public de langue polonaise les connaîtra, alors même qu’ils n’ont pas de signification en polonais.

92      Au vu de ce qui précède, il convient de relever qu’aucun élément des signes en conflit ne dispose d’un caractère distinctif plus élevé que les autres ou ne domine son impression d’ensemble.

2)      Sur les comparaisons visuelle, phonétique et conceptuelle des signes

93      La chambre de recours a considéré, aux points 70 à 76 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient, au moins similaires à un faible degré sur le plan visuel, similaires à un faible degré sur le plan phonétique et que leur comparaison conceptuelle était dépourvue de pertinence.

94      La requérante soutient que les signes en conflit sont différents sur les plans visuel et phonétique.

95      L’EUIPO renvoie à l’analyse figurant dans la décision attaquée.

96      Sur le plan visuel, il convient de souligner que les signes en conflit ont en commun l’élément « nutri » constituant leurs six premières lettres, ainsi que la lettre « e » en huitième position dans chacune des deux marques. Il se différencient par les septième et neuvième lettres ainsi que la présence dans la seule marque demandée de l’élément « agnubalance ».

97      Si c’est à juste titre que la requérante met en exergue les importantes différences entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, il n’en demeure pas moins que la présence de l’élément commun « nutri » dans lesdits signes implique un degré minimal de similitude entre ces signes.

98      Dans ces conditions, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu, en substance, que les signes en conflit étaient similaires à un faible niveau sur les plans visuel et phonétique.

99      Enfin, s’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu, en substance, au point 76 de la décision attaquée, qu’elle était neutre, dans la mesure où les signes en conflit ne seront pas perçus par le grand public de langue polonaise comme disposant d’une quelconque signification.

d)      Sur le risque de confusion

100    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

101    La chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion pour le public pertinent, y compris à l’égard des produits pour lesquels celui-ci dispose d’un degré d’attention élevé lors de leur acquisition.

102    À l’encontre de cette analyse, la requérante fait valoir qu’un tel risque de confusion ne peut exister en raison de l’absence de similitude existant entre les signes, du caractère distinctif faible de la marque antérieure et du degré élevé d’attention du public pertinent.

103    De manière liminaire, il convient de relever que, c’est à juste titre que la chambre de recours a, aux points 77 à 79 de la décision attaquée, retenu que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque moyen. En effet, pour les raisons explicitées aux points 79 à 90 ci-dessus, il doit être conclu que la requérante n’a pas démontré que l’élément « nutri », commun aux signes en conflit, revêtirait un caractère descriptif pour le public pertinent à l’égard de tout ou partie des produits en cause, de nature à affaiblir le caractère distinctif de la marque antérieure.

104    Il y a lieu de distinguer l’examen du risque de confusion pour le public pertinent selon que celui-ci concerne la commercialisation sous la marque demandée de trois catégories de produits, à savoir, premièrement, ceux relevant des classes 29 et 30, à l’exception des « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées », deuxièmement, lesdites « fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées » et, troisièmement, les produits relevant des classes 5.

105    En ce qui concerne les produits relevant de la première catégorie, c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent à l’occasion de leur acquisition. En effet, pour les raisons exposées aux points 64 à 67 ci-dessus ces produits sont, soit identiques, soit fortement similaires à certains des produits désignés par la marque antérieure. En application de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, cette identité ou forte similitude entre les produits en cause est de nature à compenser le plus faible degré de similitude existant entre les signes en conflit, de sorte qu’un risque de confusion est susceptible d’exister dans le chef du public pertinent.

106    C’est, par contre, à tort que la chambre de recours a retenu l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent à l’occasion de l’acquisition des produites de la deuxième catégorie (« fines herbes séchées ; épices et fines herbes conservées »). Pour les raisons exposées aux points 69 à 72 ci-dessus, ladite chambre aurait dû retenir l’existence d’un faible degré de similitudes de ces produits avec ceux désignés par la marque antérieure. Partant, dans la mesure où il existe à la fois un faible degré de similitude des signes et des produits et que la marque antérieure ne dispose pas d’un caractère distinctif élevé, susceptible de la faire jouir d’une protection plus étendue, l’existence d’un risque de confusion ne pouvait être retenue.

107    C’est également de manière erronée que la chambre de recours a retenu l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent à l’occasion de l’acquisition des produits de la troisième catégorie, à savoir les produits en cause relevant de la classe 5, en raison du degré élevé d’attention du consommateur, mis en exergue aux points 49 à 56 ci-dessus.

108    En effet, il découle de la jurisprudence que si le public pertinent n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe entre les différentes marques, mais doit se fier à « l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire », un niveau d’attention élevé du public pertinent peut amener à conclure qu’il ne confondra pas les marques en cause malgré l’absence de comparaison directe entre les différentes marques [voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2011, Ford Motor/OHMI – Alkar Automotive (CA), T‑486/07, non publié, EU:T:2011:104, point 95].

109    En l’espèce, au regard du degré d’attention du public pertinent, les différences entre les signes en conflit sont suffisantes pour qu’il ne considère pas que les produits en cause relevant de la classe 5, quel que soit leur degré de similitude avec les produits désignés par la marque antérieure, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

110    Cette conclusion n’est pas infirmée par la mise en exergue par la chambre de recours, au point 85 de la décision attaquée, de l’éventualité que le public pertinent considère que la marque demandée constitue une variation de la marque antérieure. En effet, une telle analyse repose sur le postulat selon lequel le premier mot constituant la marque demandée « nutrifem » sera associé à la marque antérieure « nutriben ». Or une telle association ne peut être retenue s’agissant d’un public disposant d’un degré élevé d’attention, en raison des différences entre les éléments « fem » et « ben ».

111    Au vu de ce qui précède, il convient d’accueillir le second moyen, dans la mesure où la chambre de recours a retenu l’existence d’un risque de confusion pour le public pertinent à l’égard, d’une part, des produits relevant de la classe 5 et, d’autre part, des « herbes séchées ; épices et fines herbes conservées », relevant de la classe 30 et de faire partiellement droit au présent recours dans cette seule mesure.

112    Le recours doit être rejeté pour le surplus.

IV.    Sur les dépens

113    Selon l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

114    En l’espèce, le recours n’étant accueilli que pour une partie des produits en cause, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 22 avril 2021 (affaire R 1208/2020-5) est annulée en tant qu’elle concerne les produits relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et les « herbes séchées ; épices et fines herbes conservées », relevant de la classe 30.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.