Language of document : ECLI:EU:T:2024:274

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

24 avril 2024 (*)

« Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Aide nouvelle – Confiance légitime – Récupération – Clauses contractuelles protégeant les bénéficiaires contre la récupération d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur – Répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales »

Dans l’affaire T‑514/14,

Hispavima, SL, établie à Murcie (Espagne), représentée par Mes A. Barba, M. López Ridruejo et A. Picón Franco, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents, assistés de Me M. Segura Catalán, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : Mme P. Nuñez Ruiz, administratrice,

–        vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591),

–        la décision du 20 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 22 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement de l’affaire,

–        la réponse de la requérante du 13 mars 2023 demandant au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans son intégralité,

–        la réponse de la Commission du 16 mars 2023, selon laquelle, en substance, l’ensemble des questions soulevées dans le cadre du présent recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et le recours doit être rejeté comme étant non fondé, sauf en ce qui concerne les troisième et cinquième moyens, sur lesquels il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt,

à la suite de l’audience du 16 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hispavima, SL, demande l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Sur la décision attaquée

2        À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il était appliqué à certains accords de location‑financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5, ci‑après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »).

3        Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de sa décision mentionnée au point 2 ci-dessus, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de sa construction, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente, tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » en ce sens que les bénéfices et les pertes enregistrés par le GIE étaient transférés automatiquement aux investisseurs résidant en Espagne au prorata de leur participation dans le GIE, et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4        La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de ladite loi, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi ainsi que de l’article 49 dudit règlement, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la même loi et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, de ce règlement.

5        Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de ladite loi prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. Cet article imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la même loi. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de cette loi était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.

6        Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7        L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus‑values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de ladite loi, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8        Selon la décision attaquée, en appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location‑vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré était normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire était entièrement amorti ou lorsque ce dernier était vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9        Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10      Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41, ci‑après la « décision sur les GIE fiscaux français »).

 Sur les autres recours introduits contre la décision attaquée

11      Par l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.

12      Par l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.

13      Par l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.

14      Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434) et, statuant de manière définitive dans les deux recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.

15      Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.

16      Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs des GIE n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1 de la même décision en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle-ci.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que la Commission a constaté l’existence d’une aide d’État et ordonné sa récupération auprès des investisseurs des GIE ;

–        à titre subsidiaire, priver d’effet de l’injonction de récupération prévu à l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enfreint les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ;

–        annuler partiellement l’article 2 de cette décision en constatant l’illégalité de la méthode de calcul du prétendu avantage énoncée dans la même décision ;

–        annuler partiellement l’article 4, paragraphe 1, de la décision en question en ce que la Commission a constaté la nullité des clauses contractuelles prévoyant une indemnité au profit des investisseurs des GIE dans le cas où les avantages fiscaux du RELF seraient déclarés constituer une aide d’État illégale ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre principal, condamner la requérante aux dépens et, à titre subsidiaire, déclarer que cette dernière supportera, outre l’ensemble de ses propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la Commission.

 En droit

19      Au soutien du recours, la requérante avance six moyens :

–        le premier, tiré de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a erronément considéré que les mesures fiscales composant le RELF constituaient, dans leur ensemble, une aide d’État ;

–        le deuxième, tiré de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a erronément considéré que certaines mesures fiscales composant le RELF, considérées de manière individuelle, constituaient des aides d’État nouvelles ;

–        le troisième, tiré de la violation de l’obligation de motivation, concernant l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a erronément considéré que seuls les GIE et leurs investisseurs étaient bénéficiaires des aides en cause ;

–        le quatrième, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Ce moyen se décompose en trois branches tirées, la première, de la longueur de la procédure engagée par la Commission et de l’inaction de celle-ci durant cette procédure ; la deuxième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la décision attaquée exige la récupération de l’aide en cause accordée avant la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ; et la troisième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la récupération concerne les GIE qui, avant la date de la décision sur les GIE fiscaux français, réunissaient les conditions pour bénéficier des avantages fiscaux ;

–        le cinquième, tiré de la violation des articles 107 et 108 TFUE et du principe de proportionnalité, dans la mesure où la méthode énoncée dans la décision attaquée pour déterminer les montants à récupérer est erronée ;

–        le sixième, tiré de la violation de l’article 108 TFUE, de l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), de l’article 7 TFUE et des articles 16 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée interdit de « transférer la charge de la récupération à d’autres personnes ».

20      Lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à son premier moyen ainsi qu’à la première branche du quatrième moyen, relative à la longueur de la procédure engagée par la Commission et à l’inaction de celle-ci durant cette procédure.

 Sur la disparition partielle de l’objet du litige

21      Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).

22      Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il a été jugé que l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).

23      En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante obtient le seul résultat que son recours peut lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C‑123/92, EU:C:1993:87, point 10).

24      Il en va de même lorsque l’annulation partielle de l’acte attaqué a donné à la partie requérante le résultat qu’elle visait par une partie de son recours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, points 37 et 38).

25      Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle‑ci.

27      Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide en cause, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.

28      Dans le cadre de son recours, la requérante, qui a succédé à une entreprise ayant effectué des investissements dans un GIE dans le cadre du RELF, soutient, par le troisième moyen, que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation et une violation de l’article 107 TFUE, en ce qu’elle qualifie les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, bien que ladite décision reconnaisse elle-même que d’autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF, notamment les compagnies maritimes, étaient également des bénéficiaires de ce régime et en ont également tiré avantage.

29      Ainsi, par le troisième moyen, la requérante demande, en substance, que le Tribunal annule l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires du RELF.

30      Or, comme il a été relevé aux points 16 et 26 ci-dessus, l’article 1er de la décision attaquée a été annulé partiellement, dans cette mesure, par la Cour.

31      Il s’ensuit que l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour a donné à la requérante le résultat qu’elle recherchait par une partie de son recours, à savoir la disparition de cet aspect de la décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T‑405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).

32      Dès lors, il convient de considérer que le présent recours est devenu sans objet dans cette mesure.

33      Ensuite, par son cinquième moyen, la requérante conteste, en substance, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée afin de calculer le montant qui doit être remboursé par les investisseurs, ainsi que l’article 2 de ladite décision, en ce que ce dernier concerne ladite méthode. Elle soutient qu’il est disproportionné et incohérent d’exiger la récupération de l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE, sans déduire les montants des avantages que ces investisseurs ont transférés à des tiers dans le cadre du RELF.

34      À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 263 à 269, la décision attaquée comporte une section intitulée « Détermination des montants à récupérer », dans laquelle la Commission indique une méthode en quatre étapes, qu’elle estime que le Royaume d’Espagne doit appliquer afin de déterminer, dans chaque cas, le montant de l’aide incompatible à récupérer auprès des bénéficiaires. La Commission précise que cette méthode peut faire l’objet d’un ajustement important, notamment en vue de déterminer le montant réel de l’avantage fiscal dont ont bénéficié les investisseurs, compte tenu de leur situation fiscale individuelle.

35      Ces quatre étapes sont les suivantes :

–        premièrement, calculer l’avantage fiscal total généré par l’opération [ou valeur actuelle nette (VAN) des avantages fiscaux retirés par le GIE ou ses investisseurs, c’est-à-dire avant déduction de la partie de ces avantages transférée à la compagnie maritime par le biais d’une ristourne sur le prix] ;

–        deuxièmement, calculer l’avantage fiscal généré par les mesures fiscales générales appliquées à l’opération (c’est-à-dire la VAN – calculée de la même façon que dans la première étape – du montant des avantages fiscaux qu’auraient obtenus le GIE ou ses investisseurs dans une situation de référence dans laquelle seul l’amortissement accéléré aurait été utilisé à partir du moment où l’exploitation du navire a commencé et où l’opération serait taxée selon le régime ordinaire de l’impôt sur les sociétés) ;

–        troisièmement, calculer l’avantage fiscal équivalant à une aide d’État, à savoir la différence entre les montants obtenus à l’issue de la première et de la deuxième étapes ;

–        quatrièmement, calculer le montant de l’aide résultant du calcul de la troisième étape qui est compatible (c’est-à-dire l’avantage répercuté sur la compagnie maritime qui est compatible conformément à la section 11 des orientations maritimes, la Commission ayant, en effet, considéré, aux considérants 202 et suivants de la décision attaquée, qu’une partie de l’avantage transféré à la compagnie maritime pouvait être considérée comme étant compatible si cette compagnie, le navire en cause et les activités de transport étaient éligibles en vertu des orientations maritimes, comme cela a été indiqué au point 9 ci-dessus).

36      Or, l’argumentation de la requérante visant à contester la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée et notamment l’absence de déduction des montants qui ont été transférés à des tiers, repose sur la prémisse selon laquelle la récupération de l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur suivra ladite méthode.

37      Cependant, à la suite de l’annulation partielle de l’article 1er et de l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, les GIE et leurs investisseurs ne sont plus considérés comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et les investisseurs ne sont plus considérés comme étant les seules entreprises auprès desquelles il doit être enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’aide. Ainsi, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée, en ce qu’elle repose sur la prémisse, désormais erronée, selon laquelle l’intégralité de l’avantage doit être récupérée auprès des seuls investisseurs des GIE, est devenue obsolète à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

38      En particulier, une partie significative de l’avantage pourrait devoir être restituée par d’autres bénéficiaires du RELF. Or, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée est fondée sur une prémisse autre, jugée erronée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), selon laquelle l’intégralité de l’avantage incompatible doit être restituée par les investisseurs des GIE. Ainsi, par exemple, dans la troisième étape de cette méthode, laquelle porte sur le « calcul de l’avantage fiscal équivalant à une aide d’État » (considérant 266 de ladite décision), il est affirmé que « l’aide reçue par le GIE et ses investisseurs en leur qualité de bénéficiaires des mesures fiscales en cause » correspond à « la [valeur actuelle nette] de l’avantage total retiré du recours à l’amortissement anticipé, le régime de la taxation au tonnage […] et l’exonération fiscale des plus-values obtenues ».

39      Dès lors, en vertu de l’article 266 TFUE qui lui impose de tirer les conséquences de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Commission doit notamment réexaminer intégralement la méthode de calcul des montants à récupérer. Celle-ci a d’ailleurs indiqué, lors de l’audience, que l’ordre de récupération devait être adapté pour assurer l’exécution dudit arrêt.

40      Il s’ensuit que le recours a perdu son objet en ce qu’il vise à contester la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée, ainsi qu’à demander l’annulation partielle de l’article 2 de cette décision, en ce qu’il concerne ladite méthode.

41      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que le présent recours est devenu sans objet dans la mesure où il vise à contester, d’une part, l’identification des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération ainsi que la motivation de la décision attaquée à cet égard et, d’autre part, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée.

42      En revanche, il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions de la requérante en ce qu’ils tendent à l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

43      En effet, certains chefs de conclusions présentés par la requérante visent une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). Ainsi, la requérante a demandé au Tribunal, en particulier, dans le cadre du premier chef de conclusions de son recours, d’annuler ladite décision en ce qu’elle constate l’existence d’une aide d’État et ordonne que celle-ci soit récupérée auprès des investisseurs des GIE, dans le cadre du deuxième chef de conclusions de son recours, de priver d’effet l’injonction de récupération de l’aide visant les investisseurs des GIE en ce qu’elle violerait les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime et, dans le cadre du quatrième chef de conclusions de son recours, d’annuler l’article 4, paragraphe 1, de cette décision en ce qu’il constate la nullité des clauses contractuelles prévoyant une indemnité au profit des investisseurs des GIE dans le cas où les avantages fiscaux du RELF seraient déclarés constituer une aide d’État illégale.

44      Quant aux moyens soulevés à l’appui des chefs de conclusions mentionnés au point 43 ci-dessus, il convient de rappeler d’emblée, comme cela a été indiqué au point 20 ci-dessus, que la requérante a renoncé au premier moyen et à la première branche du quatrième moyen de son recours.

45      Il en résulte qu’il y a lieu de statuer sur la partie du recours par laquelle la requérante invoque, dans le cadre du deuxième moyen, une violation de l’article 107 TFUE en ce que la Commission a erronément considéré que certaines mesures fiscales composant le RELF, considérées de manière individuelle, constituaient des aides d’État nouvelles, dans le cadre des deuxièmes et troisièmes branches du quatrième moyen, une violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la décision attaquée exige la récupération de l’aide en cause accordée avant la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et en ce que la récupération concerne les GIE qui, avant la date de la décision sur les GIE fiscaux français, réunissaient les conditions pour bénéficier des avantages fiscaux et, dans le cadre du sixième moyen, une violation de l’article 108 TFUE, de l’article 14 du règlement no 659/1999, de l’article 7 TFUE et des articles 16 et 51 de la Charte, en ce que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée interdit de « transférer la charge de la récupération à d’autres personnes ».

46      En effet, si ces moyens et branches étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

47      À cet égard, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante, l’annulation partielle de la décision attaquée par la Cour n’a pas rendu l’ordre de récupération nul et non avenu.

48      En effet, l’affirmation de la requérante procède d’une interprétation erronée de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

49      Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), comme cela a été relevé au point 16 ci-dessus, la Cour n’a annulé que partiellement la décision attaquée, à savoir uniquement son article 1er « en ce qu’il désigne les [GIE] et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision » (point 3 du dispositif de cet arrêt) et son article 4, paragraphe 1, « en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visé dans cette décision auprès des investisseurs des [GIE] qui en ont bénéficié » (point 4 du même dispositif).

50      En revanche, l’identification des GIE et des investisseurs en tant que bénéficiaires du RELF et l’obligation à charge du Royaume d’Espagne de récupérer l’aide, ou une partie de celle-ci, au moins auprès de ces derniers n’ont pas été annulées par la Cour.

51      En effet, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 33 et jurisprudence citée).

52      Or, dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 46), la Cour a jugé que la Commission avait considéré à bon droit que les GIE avaient la qualité de bénéficiaires du RELF. En outre, dans les recours ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), les arguments des parties requérantes dans ces affaires visant à démontrer que le RELF ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE au bénéfice des GIE et de leurs investisseurs ont été rejetés. Par ailleurs, les arguments de ces parties visant à démontrer que la récupération auprès des investisseurs des GIE était contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’ont pas non plus été accueillis par la Cour.

53      Ainsi, à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la décision attaquée demeure valide en ce qu’elle déclare illégale et incompatible avec le marché intérieur l’aide qui bénéficie à tout le moins aux GIE et à leurs investisseurs, et oblige le Royaume d’Espagne à récupérer ladite aide, ou une partie de celle-ci, auprès de ces derniers. Par ailleurs, la circonstance que, pour le calcul des montants à récupérer, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée doive être modifiée à la lumière dudit arrêt ne modifie en rien le fait que cette obligation de récupération persiste en tant que telle.

54      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il tend à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié.

 Sur le fond

 Sur le deuxième moyen, tiré de la qualification erronée de certaines mesures fiscales constituant le RELF, prises individuellement, en tant qu’aides nouvelles

55      La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs dans son analyse de certaines des mesures fiscales qui composent le RELF prises de manière individuelle.

56      Premièrement, la requérante fait valoir que le régime d’amortissement anticipé a une portée générale et ne confère aucun avantage sélectif.

57      Deuxièmement, s’agissant de l’application du régime de la taxation au tonnage aux GIE et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, la requérante relève, en substance, que ces deux mesures avaient déjà été autorisées par la Commission dans la décision C(2002) 582, telle que modifiée par la décision C(2004) 1931, de sorte que, si elles devaient être considérées comme étant des aides d’État, celles-ci constitueraient, le cas échéant, des aides existantes. En outre, elle fait valoir que, en tout état de cause, ladite disposition ne constitue pas une mesure sélective, puisque cette disposition est cohérente avec le système fiscal espagnol.

58      La Commission conteste les arguments de la requérante.

59      À cet égard, il convient de relever que les arguments de la requérante, contestant la qualification de certaines mesures fiscales composant le RELF en tant qu’aides nouvelles et leur caractère sélectif, sont fondés, en réalité, sur la prémisse selon laquelle lesdites mesures devraient être appréciées séparément, au regard de l’article 107 TFUE, et non en tenant compte du RELF dans son ensemble.

60      Or, cette prémisse est erronée. En effet, comme la Commission l’a indiqué au considérant 116 de la décision attaquée, les différentes mesures fiscales composant le RELF sont liées en droit, en substance, parce que l’amortissement anticipé était soumis à l’obtention d’une autorisation par les autorités fiscales, dont dépendait par ailleurs l’application de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés établissant une exception au régime de la taxation au tonnage. Elles étaient, en outre, liées en fait, parce que l’autorisation administrative pour l’amortissement anticipé était accordée uniquement dans le contexte de contrats de location-vente de navires éligibles audit régime, qui ont pu dès lors bénéficier de la règle prévue à l’article 50, paragraphe 3, dudit règlement.

61      C’est en raison de l’existence d’un tel lien entre les mesures fiscales composant le RELF que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble, cette conclusion ayant été confirmée par la Cour aux points 71 et 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

62      En outre, la nécessité d’apprécier le RELF dans son ensemble comme étant un régime d’aide a été implicitement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En effet, au point 137 de cet arrêt, la Cour, pour conclure que la Commission avait commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci, s’est notamment appuyée sur le fait que la Commission avait considéré que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, et destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit notamment des GIE et des compagnies maritimes.

63      Il en découle que, en ce que l’ensemble des arguments de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle chacune des trois mesures fiscales composant le RELF mentionnées aux points 56 et 57 ci-dessus doit être analysée individuellement au regard de l’article 107 TFUE, et non en appréciant le RELF dans son ensemble, ils doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

64      Ainsi, pour répondre plus particulièrement aux griefs soulevés par la requérante, en premier lieu, s’agissant du grief contestant la sélectivité de certaines mesures fiscales composant le RELF, notamment l’application du régime de l’amortissement anticipé et l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, la Cour a confirmé, aux points 57 à 74 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), l’appréciation du Tribunal selon laquelle l’existence des aspects discrétionnaires du RELF était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, et a confirmé que l’amortissement anticipé présentait ainsi un caractère sélectif. En outre, elle a jugé que le Tribunal avait pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

65      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante tiré de ce que la Commission a erronément considéré que le régime d’amortissement anticipé et l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, pris individuellement en tant que mesures fiscales composant le RELF, étaient sélectifs.

66      En deuxième lieu, s’agissant de grief de la requérante tiré de l’absence d’aide nouvelle, à titre liminaire, il convient de relever que, si la Commission a établi, au considérant 238 de la décision attaquée, que, « prises isolément, les mesures constitu[ai]ent une aide d’État (à l’exception de l’amortissement accéléré d’actifs achetés à bail) », il n’en demeure pas moins que, comme cela est relevé au point 60 ci-dessus, le RELF a été analysé conjointement avec le régime de la taxation au tonnage et que c’est l’opération du RELF dans son ensemble qui a été considérée comme étant une aide d’État illégale et partiellement incompatible avec le marché intérieur, et que cette approche a été validée par la Cour, comme il a été rappelé au point 62 ci-dessus.

67      En effet, comme la requérante l’a confirmé à l’audience, elle ne conteste pas que le RELF en tant que système n’a pas été notifié à la Commission, ni autorisé par cette institution dans une décision antérieure et que ledit régime, apprécié dans son ensemble, ne saurait, par conséquent, être qualifié d’aide existante. En outre, il est constant qu’au moins une des mesures fiscales composant le RELF, notamment l’amortissement anticipé, prise individuellement, n’a pas été notifiée à la Commission et que cette dernière ne l’a pas approuvée dans une décision antérieure.

68      Il en résulte que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission ne devait pas recourir à la procédure applicable aux régimes d’aides existants lorsqu’elle a examiné le RELF dans la décision attaquée.

69      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de répondre à l’argumentation de la requérante portant sur le caractère sélectif ou la qualification en tant qu’aide nouvelle des mesures fiscales en cause, prises individuellement.

 Sur les deuxième et troisième branches du quatrième moyen, tirées de la violation du principe de protection de la confiance légitime

70      Dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, la requérante avance que ce n’est qu’à partir de la date de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen que les bénéficiaires potentiels du RELF ont pu savoir que la Commission entretenait des doutes quant à la compatibilité de ce régime avec l’article 107 TFUE. Selon elle, la situation d’incertitude juridique n’a donc pas été interrompue avec la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, puisque ce dernier régime n’était pas suffisamment similaire au RELF.

71      Dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, la requérante estime que, même à supposer que le bénéfice de ce principe doive s’appliquer uniquement jusqu’à la date de publication de la décision sur les GIE fiscaux français, ce bénéfice devrait s’appliquer à l’ensemble des GIE qui réunissaient les conditions objectives pour bénéficier des avantages fiscaux avant cette date, même s’ils avaient reçu l’autorisation de l’amortissement anticipé de l’administration fiscale espagnole après cette date. Elle en déduit qu’elle n’est pas tenue de restituer les aides litigieuses.

72      La Commission conteste les arguments de la requérante.

73      À cet égard, il convient de relever que, comme l’a rappelé le Tribunal au point 157 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le principe de protection de la confiance légitime peut être invoqué lorsque trois conditions sont remplies.

74      Premièrement, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants. De plus, ces assurances doivent émaner de sources autorisées et fiables. Par ailleurs, seules les assurances conformes aux normes applicables peuvent fonder une confiance légitime (voir arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission, T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434, point 158 et jurisprudence citée).

75      Deuxièmement, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission, T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434, point 159 et jurisprudence citée).

76      Troisièmement, lorsque les institutions de l’Union ont créé une situation susceptible de faire naître pour le justiciable une confiance légitime, celle-ci peut néanmoins être écartée lorsque l’institution en cause démontre qu’il existe un intérêt public supérieur prévalant sur les intérêts privés affectés (voir arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission, T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434, point 160 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, s’agissant de la première condition, la requérante n’a identifié aucune assurance précise de la part de la Commission qui ait pu faire naître à son égard des espérances fondées, au sens de la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus, dans le cadre des deuxième et troisième branches du présent moyen.

78      En tout état de cause, s’agissant de la deuxième condition, il convient de relever que, à partir de la date de publication de la décision sur les GIE fiscaux français, un opérateur économique prudent et avisé était en mesure de prévoir qu’un régime comme le RELF pouvait constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

79      En effet, à cet égard, il y a lieu de relever que, à l’instar de ce qu’a jugé le Tribunal au point 199 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et qui a été confirmé par la Cour au point 94 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que cette décision avait fait cesser toute insécurité juridique en ce qu’elle aurait dû amener un opérateur économique prudent et avisé à considérer qu’un régime similaire au RELF pourrait constituer une aide d’État. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision sur les GIE fiscaux français qu’un système pour la construction de navires maritimes et leur mise à disposition de compagnies maritimes, par l’intermédiaire de GIE et avec l’utilisation de contrats de location-financement, qui engendrait certains avantages fiscaux, était susceptible de constituer un régime d’aide d’État.

80      Par ailleurs, s’agissant de l’argument selon lequel la requérante ne devrait pas être tenue de restituer les aides litigieuses car le GIE dans lequel elle avait participé, réunissait, avant la date de publication de la décision sur les GIE fiscaux français, les conditions objectives pour bénéficier des avantages fiscaux conférés par le RELF, il convient de relever que, au point 71 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a relevé que la possibilité de bénéficier du RELF dans son ensemble dépendait de l’autorisation préalable de l’administration fiscale. Ainsi, aux points 67 et 69 dudit arrêt, la Cour a confirmé l’analyse du Tribunal selon laquelle ladite administration avait une marge de discrétion importante pour octroyer cette autorisation et, contrairement à ce que soutient la requérante, le régime d’autorisation ne reposait pas sur des critères objectifs ne permettant pas à l’administration fiscale de choisir les bénéficiaires.

81      Ainsi, vu le caractère déterminant de l’autorisation préalable pour pouvoir bénéficier du RELF, et la marge de discrétion importante accordée à l’administration fiscale pour autoriser l’amortissement anticipé, il y a lieu de constater que, avant l’octroi d’une telle autorisation, les GIE n’étaient pas en mesure de s’attendre à ce que le bénéfice du RELF soit accordé.

82      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée uniquement dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant la publication de la décision sur les GIE fiscaux français.

83      Compte tenu des considérations qui précèdent concernant la première et la deuxième des conditions cumulatives relatives à la violation du principe de protection de la confiance légitime, il n’est pas nécessaire d’examiner la troisième condition.

84      Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 108 TFUE, de l’article 14 du règlement no 659/1999, de l’article 7 TFUE et des articles 16 et 51 de la Charte, en ce que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée interdit de « transférer la charge de la récupération à d’autres personnes »

85      Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 108 TFUE, de l’article 14 du règlement no 659/1999, de l’article 7 TFUE et des articles 16 et 51 de la Charte.

86      En particulier, la requérante fait valoir que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, selon lequel le Royaume d’Espagne doit récupérer l’aide auprès des bénéficiaires « sans que [ceux-ci] puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes », prévoit à tort la nullité des clauses contractuelles en vertu desquelles les investisseurs pourraient réclamer, auprès des chantiers navals, les montants qu’ils ont dû rembourser à l’État (ci-après les « clauses d’indemnisation »).

87      Selon la requérante, la Commission a outrepassé ses compétences en matière d’aides d’État, dans la mesure où il appartient exclusivement aux juridictions nationales de se prononcer sur la validité d’accords privés connexes à une aide d’État.

88      La Commission conteste les arguments de la requérante.

89      Tout d’abord, il convient de rappeler, s’agissant du principe d’attribution de compétences, que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, TUE, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, TUE et de l’article 5, paragraphe 2, TUE toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.

90      S’agissant des principes régissant les rôles de la Commission et des autorités nationales en matière d’aides d’État, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 108 TFUE et à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, la Commission est compétente non seulement pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, mais aussi pour ordonner la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur. En particulier, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement, la Commission peut, en cas de décision négative concernant une aide illégale, décider que l’État membre concerné « prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ». Si l’ordre de récupération doit être exécuté par les autorités nationales, conformément aux procédures prévues par le droit national, il convient de rappeler que l’autonomie procédurale des États membres est limitée notamment par le principe d’effectivité du droit de l’Union, ainsi qu’il ressort, en substance, de l’article 14, paragraphe 3, du même règlement.

91      Ainsi, un État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (voir arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, EU:C:2013:31, point 91 et jurisprudence citée).

92      L’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide considérée par la Commission comme étant incompatible avec le marché intérieur vise, selon une jurisprudence constante de la Cour, au rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 130 et jurisprudence citée).

93      En outre, l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C‑69/13, EU:C:2014:71, point 29 et jurisprudence citée).

94      Ainsi, dans le cadre du contrôle du respect par les États membres des obligations mises à leur charge par les articles 107 et 108 du traité FUE, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires et distincts. Tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, points 74 et 75 et jurisprudence citée).

95      Par ailleurs, aux termes de l’article 7 TFUE, l’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions, en tenant compte de l'ensemble de ses objectifs et en se conformant au principe d'attribution des compétences et, en vertu de l’article 51, paragraphe 2, de la Charte, cette dernière ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités.

96      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le sixième moyen.

97      À titre liminaire, il convient de relever que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, selon laquelle le Royaume d’Espagne doit récupérer l’aide auprès des bénéficiaires « sans que [ceux-ci] puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes », est rédigée en termes larges et ne se limite pas expressément, dans son libellé, aux clauses d’indemnisation analysées par la Commission aux considérants 270 à 276 de ladite décision.

98      Toutefois, selon une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 69 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 1258 et jurisprudence citée).

99      En outre, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire (voir arrêt du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 44 et jurisprudence citée).

100    Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient de lire l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée à la lumière des considérants 270 à 276 de cette décision.

101    À cet égard, il est vrai que, au considérant 270 de la décision attaquée, la Commission fait référence, de façon générale, à « l’existence de certaines clauses dans des contrats conclus entre les investisseurs, les compagnies maritimes et les chantiers navals », selon lesquelles « les chantiers navals seraient dans l’obligation d’indemniser les autres parties si elles ne peuvent pas obtenir les avantages fiscaux prévus ». Or, il convient de relever que, dans ladite décision, la Commission n’a pas concrètement identifié ces clauses et n’a pas cité leur libellé. En outre, comme elle l’a, en substance, admis lors de l’audience, il convient de relever que lesdites clauses ne visent pas spécifiquement l’hypothèse de la récupération d’une aide d’État illégale ou incompatible avec le marché intérieur, mais, de façon plus générale, les conséquences de la possibilité que les autorités compétentes n’approuvent pas les avantages fiscaux découlant du RELF, ou que, à la suite de leur approbation, leur validité soit remise en cause.

102    Cependant, dans les considérants 271 et suivants de la décision attaquée, la Commission procède, de façon plus concrète, à l’identification des aspects spécifiques des clauses d’indemnisation qui s’avèrent, selon elle, problématiques dans le contexte de la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Ainsi, aux considérants 272 à 274 de ladite décision, elle précise que l’objectif de la récupération, qui vise au rétablissement de la situation antérieure, et notamment à l’élimination de la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, serait irrémédiablement compromis si les acteurs du secteur privé pouvaient, grâce à des clauses contractuelles, altérer les effets des décisions de récupération arrêtées par la Commission. Elle considère, au considérant 275 de cette décision, que les clauses contractuelles qui protègent les bénéficiaires des aides contre la récupération d’une aide illégale et incompatible par le biais du transfert à d’autres personnes des risques juridiques et économiques de la récupération sont contraires à l’essence même du système de contrôle des aides d’État, qui constitue un ensemble de règles d’ordre public.

103    Partant, et nonobstant sa formulation large, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant que les clauses d’indemnisation dans la mesure où elles peuvent être interprétées comme protégeant les bénéficiaires d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur contre la récupération de celle-ci.

104    Ensuite, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait constaté la nullité des clauses d’indemnisation, une telle compétence revenant, le cas échéant, aux juridictions nationales.

105    En effet, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant qu’à clarifier la portée de l’obligation de récupération incombant, conformément à la jurisprudence précitée aux points 91 et 92 ci-dessus, au Royaume d’Espagne.

106    En particulier, les clauses d’indemnisation, dans la mesure où elles peuvent être interprétées dans le sens indiqué au point 103 ci-dessus, pourraient faire obstacle à ce que l’État membre en cause se conforme à son obligation de récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur auprès des bénéficiaires qui en ont eu la jouissance effective. En effet, du fait de ces clauses, ces derniers éviteraient la charge de la récupération, ce qui ne permettrait pas le rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission, une telle situation serait susceptible de compromettre l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité. Il incombe donc au Royaume d’Espagne, y compris aux juridictions nationales, de faire en sorte que l’obligation de récupération de l’aide auprès des bénéficiaires ou, en d’autres termes, des entreprises qui en ont eu la jouissance effective, conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, soit pleinement respectée.

107    Ainsi, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait outrepassé la compétence dont elle est investie au titre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. En effet, s’il est vrai que la récupération s’effectue conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du même règlement, il n’en reste pas moins que cette dernière disposition exige que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. Partant, rien ne s’oppose à ce que la Commission précise, dans ladite décision, que le Royaume d’Espagne doit faire en sorte que les bénéficiaires remboursent les montants des aides dont ils ont eu la jouissance effective, sans pouvoir transférer la charge de la récupération de ces montants à une autre partie au contrat.

108    En l’espèce, cette conclusion est d’autant plus justifiée que, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience, les clauses d’indemnisation étaient prévues dans des contrats-cadres conclus entre les divers participants du RELF. Or, ces contrats-cadres faisaient partie de l’ensemble des contrats juridiquement contraignants qui, ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 138), étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé. Au point 137 de cet arrêt, la Cour a confirmé qu’il convenait d’apprécier le RELF dans son ensemble comprenant non seulement la législation fiscale espagnole pertinente, mais également les autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole et, ainsi, lesdits contrats juridiquement contraignants.

109    Dans de telles circonstances, dès lors que, en appréciant la compatibilité du RELF avec les règles d’aide d’État, l’attention de la Commission a été attirée sur l’existence des clauses d’indemnisation prévues dans les contrats qui étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé, elle n’a pas outrepassé ses compétences en rappelant, en substance, que le Royaume d’Espagne devait récupérer l’aide auprès des bénéficiaires de celle-ci, sans que ces derniers puissent, sur le fondement des clauses d’indemnisation, transférer la charge de la récupération à une autre partie au contrat, conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci‑dessus.

110    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a outrepassé ses compétences en apportant la précision à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doivent être écartés.

111    Aucun des autres arguments de la requérante ne saurait remettre en cause la légalité de ladite précision.

112    Premièrement, la requérante fait valoir que la précision figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée résulte en une différence de traitement des opérateurs économiques dans la mesure où, bien qu’il soit interdit pour certains opérateurs de transférer la charge de la récupération à d’autres parties, d’autres opérateurs, notamment les compagnies maritimes, auraient bénéficié du RELF, alors qu’ils ont été exonérés de toute obligation de remboursement.

113    À cet égard, il convient de relever que, à la suite de l’arrêt de la Cour du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, points 138 et 139), une telle différence de traitement a, en tout état de cause, disparu, étant donné que, dans ledit arrêt et comme cela est indiqué aux points 27 et 108 ci-dessus, la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide en cause, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu. Cet argument ne peut donc, à la suite de cet arrêt, prospérer.

114    Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, rien dans la jurisprudence de la Cour ne s’oppose à ce que, en ordonnant la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, la Commission précise que l’État membre concerné doit la récupérer auprès de ses bénéficiaires, sans que ces derniers puissent, sur le fondement de clauses d’indemnisation comme celles de l’espèce, transférer la charge de la récupération à une autre partie à un contrat, et ce malgré les éventuelles conséquences de cette précision pour les contrats conclus entre parties privées.

115    Au contraire, dans l’arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV (C‑275/10, EU:C:2011:814), cité au considérant 274 de la décision attaquée, la Cour a souligné que l’obligation de récupération d’une aide d’État versée illégalement exigeait que le bénéficiaire perde l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et que la situation antérieure au versement de l’aide soit rétablie (voir point 34 dudit arrêt). En outre, la Cour a jugé que, afin de remédier à la distorsion de concurrence causée par l’aide, les juridictions nationales pouvaient intervenir et déclarer la nullité des contrats, y compris au détriment de parties qui n’étaient pas bénéficiaires de l’aide. Or, en l’espèce, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée ne fait que rappeler au Royaume d’Espagne l’obligation qui lui incombe de récupérer l’aide auprès des bénéficiaires de celle-ci afin que la situation antérieure au versement de ladite aide soit rétablie. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que, à la différence de la présente affaire, celle ayant conduit à l’arrêt précité concerne les compétences des juridictions nationales de déclarer la nullité de contrats privés est sans pertinence à cet égard. En effet, comme il est relevé au point 104 ci-dessus, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait constaté la nullité des clauses d’indemnisation.

116    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante fait valoir que la décision attaquée contredirait certaines décisions antérieures de la Commission, même à supposer que tel soit le cas, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la légalité d’une décision, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, Ighoga Region 10 e.a./Commission, T‑582/20, non publié, EU:T:2022:648, point 215 et jurisprudence citée).

117    Troisièmement, selon la requérante, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée méconnaîtrait la liberté d’entreprise, consacrée à l’article 16 de la Charte. En particulier, la requérante fait valoir que, en constatant de facto la nullité des clauses d’indemnisation, la Commission a imposé une restriction à la liberté contractuelle, sans que cela ne fût pas prévu expressément par la réglementation de l’Union applicable.

118    À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 16 de la Charte, la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.

119    La protection conférée par cet article comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 82 et jurisprudence citée).

120    Selon une jurisprudence constante, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 83 et jurisprudence citée).

121    Par ailleurs, il importe de rappeler également que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et libertés consacrés par celle-ci, tels que la liberté d’entreprise, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 86).

122    En l’espèce, même à supposer que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée soit considérée comme limitant la liberté d’entreprise, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante, cette limitation découle notamment de l’obligation de récupération, prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que par l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

123    S’agissant de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’affecte pas ce contenu essentiel.

124    Ensuite, cette précision poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il est exposé aux points 106 et 107 ci-dessus, elle vise à assurer que les clauses d’indemnisation ne compromettent pas l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne et, plus généralement, à garantir l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité.

125    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à cet objectif, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée constitue une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de la liberté d’entreprise.

126    En ce qui concerne, enfin, le caractère nécessaire de la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, la requérante n’avance pas d’élément permettant de considérer que, en apportant cette précision, la Commission a dépassé les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis qui ont été rappelés au point 124 ci-dessus, tels que notamment celui du rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide et la restitution des aides en cause par les bénéficiaires. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point 107 ci-dessus, l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision ne fait que préciser la portée de l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne.

127    Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

128    Il convient de conclure que le recours a partiellement perdu son objet et qu’il doit être considéré comme étant, pour le surplus, non fondé.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

131    En l’espèce, il a été constaté qu’une partie du litige avait perdu son objet. Or, la disparition partielle de l’objet du litige est la conséquence d’une erreur de droit commise par la Commission qui a également été soulevée par la requérante dans le cadre du présent recours, laquelle a entraîné l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).

132    En revanche, la requérante a succombé pour ce qui concerne la partie du litige pour laquelle il y a toujours lieu de statuer.

133    Dans ces circonstances, le Tribunal décide de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans la mesure où il est dirigé contre l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.