Language of document : ECLI:EU:T:2021:788

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Allocation pour enfant à charge – Article 2 de l’annexe VII du statut – Notion d’“enfant à charge” – Refus d’accorder le statut d’enfant à charge à un étudiant percevant une bourse – Entretien effectif de l’enfant – Régime d’assurance maladie »

Dans l’affaire T‑408/20,

KR, représenté par Me S. Orlandi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 25 octobre 2019 de ne plus considérer l’enfant du requérant comme un enfant à charge, au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, à partir du 1er septembre 2019,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme M. Stancu, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, KR, est un fonctionnaire de la Commission européenne.

2        À partir de l’année académique 2019/2020, l’enfant du requérant, né en 1997, a rejoint un programme doctoral d’une durée de cinq ans, proposé par une université (ci‑après l’« université d’accueil ») au Canada (ci‑après le « pays d’accueil »).

3        Dans le cadre de ce programme, l’université d’accueil lui octroie un soutien financier.

4        Par courriel du 25 octobre 2019 (ci‑après la « décision attaquée »), l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a informé le requérant de sa décision de ne plus considérer l’enfant de ce dernier comme un enfant à charge au sens de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

5        Le 12 novembre 2019, l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci‑après, l’« AIPN ») a rejeté la demande du requérant visant à ce que son enfant soit considéré comme un enfant à charge afin de lui permettre de bénéficier, pendant une période maximale d’un an, de la couverture contre les risques de maladie au titre de l’article 72, paragraphe 1 ter, du statut.

6        Le 22 décembre 2019, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, laquelle a été rejetée par décision du 22 avril 2020.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2020, le requérant a introduit le présent recours. Par acte séparé du même jour, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat, qui lui a été accordé par décision du Tribunal du 29 septembre 2020.

8        La Commission a déposé le mémoire en défense le 29 septembre 2020.

9        Le 17 novembre 2020, le requérant a déposé la réplique.

10      Le 22 décembre 2020, la Commission a déposé la duplique.

11      Par acte du 6 janvier 2021, le requérant a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

12      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la phase orale de la procédure.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 septembre 2021.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Cadre juridique

16      L’article 67, paragraphes 1 et 2, du statut énonce ce qui suit :

« 1. Les allocations familiales comprennent :

a)      l’allocation de foyer ;

b)      l’allocation pour enfant à charge ;

c)      l’allocation scolaire.

2. Les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales visées au présent article sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées par ailleurs, ces allocations venant en déduction de celles payées en vertu des articles 1[er], 2 et 3 de l’annexe VII du statut. »

17      L’article 2 de l’annexe VII du statut prévoit ce qui suit :

« 1. Le fonctionnaire ayant un ou plusieurs enfants à charge bénéficie, dans les conditions énumérées aux paragraphes 2 et 3, d’une allocation de 418,31 [euros] par mois pour chaque enfant à sa charge.

2. Est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.

[…]

3. L’allocation est accordée :

a)      d’office, pour l’enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 18 ans ;

b)      sur demande motivée du fonctionnaire intéressé, pour l’enfant âgé de 18 ans à 26 ans qui reçoit une formation scolaire ou professionnelle.

[…] »

18      La conclusion du collège des chefs d’administration du 26 juin 1975 (087D/75), prise pour l’application de l’article 3 de l’annexe VII du statut, est libellée comme suit :

« Objet : Octroi de l’allocation scolaire ([a]rticle 3 de l’annexe VII du [s]tatut)

[…]

Les [c]hefs d’[a]dministration conviennent qu’au cas où un enfant d’un fonctionnaire perçoit une bourse d’études de la part des autorités nationales, cette bourse vient en déduction du montant de l’allocation scolaire, conformément aux règles de l’article 67 du [s]tatut.

Par contre, le fonctionnaire continue à bénéficier de l’allocation pour enfant à charge.

Ces mêmes dispositions s’appliquent au cas où l’enfant d’un fonctionnaire est pris en charge par l’établissement où les études sont poursuivies. »

19      La conclusion 223/04, révisée par le collège des chefs d’administration le 30 janvier 2013, indique ce qui suit :

« 1. Il y a lieu d’exprimer en un pourcentage du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AST 1, premier échelon, le seuil de revenu de l’enfant au-delà duquel il ne doit pas être considéré comme à charge de son parent fonctionnaire ou autre agent.

2. Ce pourcentage est :

–        pour les enfants jusqu’à 18 ans, 25 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AST 1, premier échelon ;

–        pour les enfants de 18 à 26 ans qui reçoivent une formation scolaire ou professionnelle, 40 % de ce traitement.

Les montants qui en découlent sont affectés du coefficient correcteur applicable aux rémunérations fixé pour le pays dans lequel l’enfant exerce l’activité donnant lieu à revenu.

3. Les revenus sont à prendre en considération après déduction des charges sociales et avant déduction de l’impôt.

Les revenus des étudiants en 3[e] cycle d’études, même perçus dans le cadre du travail de doctorat, sont à prendre en compte.

4. Toutefois, l’enfant est considéré comme restant à charge du fonctionnaire ou autre agent lorsqu’il ne peut pas être couvert par un régime public d’assurance maladie national ou international.

[…] »

20      La conclusion 274/15, approuvée le 24 février 2016 par le collège des chefs d’administration, dispose ce qui suit :

« Conformément à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire/agent ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.

La jurisprudence a confirmé que le droit à l’allocation pour enfant à charge ainsi qu’aux autres allocations familiales et aux bénéfices dérivés de l’allocation pour enfant à charge est subordonné à la condition de l’entretien effectif de l’enfant par le fonctionnaire/agent concerné.

Les critères dégagés par la jurisprudence pour l’évaluation de l’entretien effectif d’un enfant se réfèrent notamment à la prise en charge de tout ou partie des besoins essentiels de l’enfant, notamment en ce qui concerne le logement, la nourriture, l’habillement, l’éducation, les soins et les frais médicaux.

Il n’y a pas d’obstacle à ce qu’un enfant puisse être considéré comme étant effectivement entretenu par plusieurs personnes. Or, l’enfant ne saurait être considéré comme étant à charge du fonctionnaire/agent, ni ouvrir le droit à l’allocation pour enfant à charge lorsqu’une autre personne, publique ou privée, assure intégralement son entretien effectif.

Le montant des contributions nécessaires pour que le parent fonctionnaire/agent puisse être considéré comme contribuant à l’entretien effectif des enfants ne s’apprécie pas en fonction des revenus et capacités financières du parent, mais en fonction des besoins essentiels de l’enfant.

Sur base des critères dégagés par la jurisprudence, les chefs d’administration décident que la condition de l’entretien effectif est évaluée comme suit :

1. Pour l’enfant du fonctionnaire/agent ou de son conjoint

L’entretien effectif peut être présumé :

a)      lorsque l’enfant du fonctionnaire/agent ou de son conjoint vit en permanence ou au moins une partie substantielle du temps au domicile du fonctionnaire/agent en application d’une obligation d’entretien lui incombant de plein droit ou d’une décision judiciaire ou administrative confirmant la résidence de l’enfant ;

b)      lorsque l’enfant du fonctionnaire/agent ou de son conjoint vit en dehors du domicile du fonctionnaire/agent pour poursuivre une formation scolaire ou professionnelle, pourvu que les conditions énoncées au point a) fussent remplies avant le début de cette formation.

L’entretien effectif doit être prouvé dans toute autre situation.

Le fonctionnaire/agent est tenu de signaler tout changement dans la résidence de l’enfant, notamment par rapport à la décision judiciaire ou administrative confirmant la résidence de l’enfant et de fournir des éléments de preuve de l’entretien effectif le cas échéant.

[…]

6. La preuve de l’entretien effectif

L’entretien effectif est évalué sur base d’éléments factuels à apporter par le fonctionnaire/agent, confirmant qu’il prend à charge une partie des besoins essentiels de l’enfant. Lorsque l’administration procède à des contrôles, elle peut demander au fonctionnaire/agent de fournir des éléments de preuve de l’entretien effectif également dans des dossiers où l’entretien effectif avait été présumé.

[…] »

 En droit

21      Au soutien de sa demande en annulation, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 2 de l’annexe VII du statut du fait de la prétendue méconnaissance, par la Commission, de la notion d’« enfant à charge » telle que définie par cette disposition et par la conclusion 223/04.

22      La Commission conteste les arguments que le requérant avance au soutien de son moyen unique.

23      Dans un premier temps, il y a lieu de relever que l’enfant à charge, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, qu’il s’agisse de l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, ouvre droit au versement de l’allocation pour enfant à charge dans la mesure où il est effectivement entretenu par le fonctionnaire et remplit, en outre, l’une des conditions énumérées aux paragraphes 3 et 5 dudit article. L’enfant à charge, pour ouvrir droit à l’allocation prévue par l’article 2 de l’annexe VII du statut, doit, ainsi, soit être âgé de moins de 18 ans, soit être âgé de 18 à 26 ans et recevoir une formation scolaire ou professionnelle, soit être atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins. Dans chacun de ces trois cas, le statut confère à l’AIPN une compétence liée, en ce sens que celle-ci est tenue d’accorder l’allocation pour enfant à charge dès lors qu’elle constate que les conditions sont remplies, et de ne pas l’accorder dans le cas contraire (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, T‑75/89, EU:T:1990:88, point 23).

24      Dans le cas d’espèce, le droit à l’allocation pour enfant à charge est subordonné à la satisfaction de trois conditions, à savoir l’entretien effectif par le fonctionnaire de son enfant, le fait que ce dernier ait entre 18 et 26 ans et le fait qu’il reçoive une formation scolaire ou professionnelle. Les deuxième et troisième conditions ne sont pas contestées.

25      En ce qui concerne la condition relative à l’entretien effectif de son enfant, le requérant affirme que l’article 2, paragraphe 3, sous b), de l’annexe VII du statut, confirmé par la jurisprudence, établit le principe selon lequel un enfant est présumé, de par sa seule qualité d’étudiant, comme étant effectivement à charge du fonctionnaire. Cette disposition ne laisserait aucun pouvoir discrétionnaire à l’AIPN et lui conférerait, en réalité, une compétence liée.

26      À cet égard, s’il est vrai que, dans l’arrêt du 7 mai 1992, Conseil/Brems (C‑70/91 P, EU:C:1992:201, point 5), la Cour a reconnu que l’article 2, paragraphes 3 et 5, de l’annexe VII du statut concernait les cas où l’enfant du fonctionnaire ouvrait nécessairement droit à l’allocation pour enfant à charge, du fait que ces dispositions présument que l’enfant qui y est visé est, de par sa seule condition de mineur, d’étudiant, de malade ou d’infirme, effectivement à charge du fonctionnaire, il convient de relever que, comme la Commission le souligne dans le mémoire en défense, ledit arrêt doit être replacé dans son contexte pour comprendre la portée de cette présomption. Or, la reconnaissance de cette présomption s’est faite à l’occasion d’une question d’interprétation relative à l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, qui concerne les personnes n’ayant pas les qualités visées à l’article 2, paragraphes 3 et 5, de l’annexe VII du statut, mais qui peuvent néanmoins être exceptionnellement assimilées à un enfant à charge. Si la Cour a spécifiquement exclu le bénéfice de cette présomption dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, elle ne s’est, en revanche, pas prononcée sur la possibilité de renverser ladite présomption dans le cadre de l’article 2, paragraphes 3 et 5, de l’annexe VII du statut.

27      Dans la mesure où, conformément à une jurisprudence constante, l’allocation pour enfant à charge répond à un objectif social justifié par les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine, liée à l’existence de l’enfant et à son entretien effectif (voir arrêt du 7 mai 1992, Conseil/Brems, C‑70/91 P, EU:C:1992:201, point 9 et jurisprudence citée), il ne peut être exclu que l’octroi de ladite allocation puisse être refusé lorsque, par exemple, les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine liée à l’entretien effectif de l’enfant font défaut.

28      Or, il convient de rappeler que, lorsqu’une institution est tenue par une compétence liée, comme celle que l’article 2 de l’annexe VII du statut confère à l’AIPN, elle n’est pas dispensée de son obligation de vérification de la satisfaction des conditions auxquelles le bénéfice d’un droit est subordonné (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 1991, Schwedler/Parlement, C‑132/90 P, EU:C:1991:452, points 19 à 24).

29      Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la présomption mentionnée au point 26 ci-dessus est réfragable, ce que ne contestent pas les parties, comme cela ressort de leurs réponses fournies lors de l’audience, et, d’autre part, qu’il ne peut être reproché à la Commission d’avoir examiné si la condition relative à l’entretien effectif était satisfaite in concreto dans le cas du requérant.

30      Dans un second temps, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, la notion d’« entretien effectif » doit être entendue comme la prise en charge effective, par le fonctionnaire, de tout ou partie des besoins essentiels de son enfant, notamment en ce qui concerne le logement, l’alimentation, l’habillement, l’éducation, les soins et les frais médicaux (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juin 2019, BS/Parlement, T‑593/18, non publiée, EU:T:2019:425, point 38 et jurisprudence citée).

31      Ensuite, il incombe au fonctionnaire de prouver que sont réunies les conditions à satisfaire pour obtenir le paiement d’une allocation, notamment celle liée à l’entretien effectif de l’enfant (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juin 2019, BS/Parlement, T‑593/18, non publiée, EU:T:2019:425, point 39 et jurisprudence citée).

32      Enfin, les dispositions du droit de l’Union européenne qui donnent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (voir ordonnance du 17 juin 2019, BS/Parlement, T‑593/18, non publiée, EU:T:2019:425, point 40 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, le requérant a fourni deux types de documents au soutien de sa démonstration de la satisfaction de la condition relative à l’entretien effectif, à savoir, d’une part, des preuves de paiement de réservations relatives à sept trajets en avion entre l’Union et le pays d’accueil, faites au nom de son enfant, couvrant la période allant du 8 août 2019 au 1er septembre 2020 et, d’autre part, cinq documents attestant de virements bancaires de sommes diverses pour le compte de son enfant, s’étalant sur la période allant du 3 septembre 2019 au 15 avril 2020.

34      En premier lieu, en ce qui concerne les documents relatifs aux contributions du requérant aux frais de voyage de son enfant, il convient de les écarter pour défaut de pertinence. En effet, ce type de dépenses n’entre pas, en principe, dans la notion de « besoins essentiels » telle qu’entendue par la jurisprudence (voir, à cet égard, point 30 ci‑dessus). Or, aucune justification n’a été apportée par le requérant pour expliquer les raisons pour lesquelles ces dépenses devraient être considérées comme répondant auxdits besoins essentiels.

35      En second lieu, en ce qui concerne les virements bancaires effectués par le requérant au profit de son enfant, leur seule existence ne suffit pas à démontrer la satisfaction de la condition relative à l’entretien effectif, sous peine de risquer de prendre en compte, par la même occasion, des éléments étrangers à l’objectif poursuivi par l’attribution de l’allocation pour enfant à charge défini par la jurisprudence en la matière (voir point 27 ci‑dessus), tels que le milieu socioculturel ou le niveau intellectuel de l’enfant (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 1990, Schwedler/Parlement, T‑41/89, EU:T:1990:19, point 24), et de contrevenir à l’interprétation stricte de la notion de « besoins essentiels » qu’il convient d’adopter s’agissant de prestations financières (voir point 32 ci‑dessus).

36      Il est, dès lors, nécessaire d’apprécier la pertinence desdits virements bancaires en tant que preuves de contribution à l’entretien de l’enfant au regard des frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine liée à la prise en charge effective, par le fonctionnaire, de tout ou partie des besoins essentiels de son enfant, notamment en ce qui concerne le logement, l’alimentation, l’habillement, l’éducation, les soins et les frais médicaux.

37      Dans ce cadre, il doit être tenu compte des revenus dont dispose l’enfant, dans la mesure où ceux‑ci conduisent à diminuer l’importance de la prise en charge, par le fonctionnaire, de ses besoins essentiels.

38      Il ne peut, dès lors, être reproché à la Commission ni de prendre en compte les revenus perçus par des étudiants de 3e cycle dans le cadre du travail de doctorat, conformément au point 3 de la conclusion 223/04, ni d’appliquer une formule qui vise à définir un seuil de revenus au‑dessus duquel l’enfant n’est plus considéré comme étant à charge du fonctionnaire, conformément aux points 1 et 2 de ladite conclusion.

39      En revanche, comme le souligne à juste titre le requérant, ni cette prise en compte ni l’application de cette formule ne peuvent se faire mécaniquement, sous peine de risquer d’ignorer des circonstances particulières qui doivent être prises en compte afin de respecter l’objectif poursuivi par l’attribution de l’allocation pour enfant à charge, dès lors qu’une conclusion formulée par le collège des chefs d’administration et adoptée dans le souci de suivre une pratique administrative uniforme quant à l’interprétation d’une disposition statutaire n’a pas pour effet de lier l’autorité compétente en ce qui concerne l’adoption des actes individuels faisant application d’une telle disposition (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2003, Birkhoff/Commission, T‑302/01, EU:T:2003:276, point 42).

40      Dans la décision attaquée, la Commission a pris en compte la totalité du financement alloué à l’enfant du requérant par l’université d’accueil pour conclure que le seuil fixé par la conclusion 223/04 était dépassé.

41      Il y a donc lieu d’examiner s’il existe des circonstances particulières qui n’ont pas été prises en compte par la Commission, en violation de l’article 2 de l’annexe VII du statut.

42      À cet égard, le requérant fait valoir deux circonstances qui auraient dû être prises en compte afin de lui permettre de conserver l’octroi de l’allocation pour enfant à charge : d’une part, la nature du financement que constitue la bourse d’études versée par l’université d’accueil et, d’autre part, la nature du régime d’assurance maladie souscrit par cette université pour son enfant.

43      Premièrement, en ce qui concerne la nature du financement que constitue la bourse d’études versée par l’université d’accueil, d’une part, le requérant relève que, conformément à la conclusion des chefs d’administration du 26 juin 1975, prise pour l’application de l’article 3 de l’annexe VII du statut, la perception d’une bourse d’études d’origine publique ne remet pas en cause le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge. Or, aucun intérêt légitime ne permettrait de traiter différemment une bourse d’études d’origine privée, telle que celle perçue par son enfant. D’autre part, le requérant considère que le financement reçu par son enfant constitue une libéralité octroyée à titre gracieux en raison des mérites exceptionnels de son récipiendaire. De ce fait, cette bourse d’études ne serait pas de même nature que les allocations familiales et ne pourrait donc être déduite des allocations familiales versées au requérant au titre de l’article 67, paragraphe 2, du statut.

44      À titre liminaire, il convient d’observer que l’argumentation du requérant n’est pas dépourvue d’ambigüités.

45      D’une part, il s’appuie sur la conclusion des chefs d’administration du 26 juin 1975, prise pour l’application de l’article 3 de l’annexe VII du statut, pour conclure que, si son enfant avait obtenu une bourse d’études équivalente de la part d’une autorité publique plutôt que d’un organisme privé, au terme d’une procédure de sélection fondée sur les mérites de chaque candidat, il aurait à tout le moins conservé le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge.

46      Cependant, comme cela est rappelé au point 39 ci‑dessus, un tel instrument ne permet pas de déroger à l’obligation de satisfaire aux conditions substantielles qui régissent l’attribution de l’allocation pour enfant à charge, parmi lesquelles figure la preuve de l’entretien effectif. Or, le requérant semble assimiler le bénéfice de l’allocation pour enfant à charge à son octroi au vu des preuves apportées par le fonctionnaire intéressé. Dans la mesure où la question qui se pose en l’espèce réside dans la preuve de l’entretien effectif, dont le défaut a conduit la Commission à refuser ladite allocation au requérant, l’argument de ce dernier tiré de la conclusion des chefs d’administration du 26 juin 1975, prise pour l’application de l’article 3 de l’annexe VII du statut, est dénué de pertinence.

47      D’autre part, le requérant semble vouloir tirer argument du fait que la bourse d’études en question aurait été attribuée au regard des mérites de son enfant et n’aurait pas été accordée « de droit » et que, dès lors, ce financement serait d’une nature différente de celle des allocations familiales et ne pourrait donc pas être déduit de ces allocations, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du statut.

48      Cependant, à supposer même que de tels arguments doivent être pris en compte, il ressort, en l’espèce, des caractéristiques du financement versé par l’université d’accueil à l’enfant du requérant que ce financement présente des éléments distinctifs par rapport à une réelle libéralité octroyée à titre gracieux en raison des mérites exceptionnels de son récipiendaire.

49      En effet, bien qu’il soit indiqué, dans l’attestation de l’université d’accueil, que la bourse d’études est accordée aux quelques candidats retenus pour le programme doctoral en cause qui ont passé avec succès la procédure de sélection, il doit, néanmoins, être relevé, tout d’abord, le fait que ce financement est obligatoire, en ce sens qu’il ne peut être refusé par l’étudiant qui choisit de s’inscrire dans le programme doctoral en cause. Il est automatiquement obtenu lors de l’enrôlement de l’étudiant dans le programme.

50      Ensuite, ce financement est versé à tous les étudiants du programme, sans distinction de mérites. À cet égard, il convient de relever que, si le requérant affirme que l’allocation de cette bourse est une manière pour l’université d’accueil d’attirer des étudiants particulièrement brillants, sans autre élément venant à son soutien, cette affirmation peut être relativisée. En effet, il ressort du dossier que, pour l’année académique 2020/2021, sur les seize offres d’admission, seules deux ont été acceptées. Si l’université d’accueil explique ce faible succès par la crise sanitaire, les chiffres relatifs à l’année académique 2019/2020 ne viennent cependant pas infirmer le doute qu’il est permis de nourrir quant à la pertinence de l’allégation du requérant, puisque, sur les seize offres d’admission, seules neuf ont trouvé preneur.

51      En outre, la bourse d’études est octroyée automatiquement annuellement pendant la durée complète du programme, à savoir cinq ans.

52      Par ailleurs, l’université d’accueil a confirmé, dans un échange de courriels avec la Commission, que la finalité de la bourse d’études visait à couvrir les besoins essentiels des étudiants, ce qui est également l’objectif poursuivi par l’allocation pour enfant à charge (voir point 27 ci‑dessus).

53      Enfin, cette bourse fait office d’allocation scolaire, dans la mesure où elle dispense son récipiendaire du paiement des frais de scolarité, tels que définis par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2018, Azoulay e.a./Parlement, C‑390/17 P, EU:C:2018:347, points 16 à 19).

54      Or, le critère retenu par la jurisprudence comme étant décisif dans la qualification d’allocations de même nature, au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut, est celui de la finalité poursuivie par les allocations en cause (voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 1977, Gelders-Deboeck/Commission, 106/76, EU:C:1977:151, point 16 ; du 13 octobre 1977, Emer van den Branden/Commission, 14/77, non publié, EU:C:1977:153, point 15, et du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 89).

55      Au regard de ces éléments, il ne peut être exclu que le financement accordé à l’enfant du requérant puisse être qualifié comme étant de même nature, au sens de l’article 67, paragraphe 2, du statut tel qu’interprété par la jurisprudence, que les allocations familiales visées par cet article.

56      Par conséquent, même dans la situation où il serait pertinent de prendre en compte l’économie du système prévu par l’article 67, paragraphe 2, du statut, les allégations du requérant apparaissent dénuées de fondement.

57      En tout état de cause, l’article 67, paragraphe 2, du statut ne trouve à s’appliquer que dans les situations où le fonctionnaire remplit les conditions ouvrant droit aux allocations familiales, notamment la condition relative à l’entretien effectif qui lui impose de prendre en charge au moins une partie des besoins essentiels de son enfant.

58      Or, en l’espèce, il ressort des éléments du dossier que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la bourse d’études accordée à son enfant s’apparente à une prise en charge des besoins essentiels de ce dernier, non seulement dans sa finalité (voir point 52 ci-dessus), mais également dans sa réalité.

59      En effet, il convient de relever que, dans sa lettre du 10 octobre 2019, l’université d’accueil indiquait que le coût de la vie pour un de ses étudiants était estimé varier entre 20 000 et 30 000 dollars canadiens par an. Or, le montant de la bourse d’études est, précisément, de 20 000 dollars canadiens pour la première année, augmenté de 500 dollars canadiens pour les années suivantes jusqu’à la fin du programme.

60      Conformément au principe rappelé au point 32 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que ces éléments démontrent que l’entretien de l’enfant du requérant, en ce qui concerne ses besoins essentiels, est effectivement assuré par le système de financement obligatoire et généralisé dont bénéficient les étudiants qui font le choix de suivre le programme doctoral de l’université d’accueil. Dès lors, toute autre aide financière procurée par le requérant à son enfant relève d’un choix personnel qui n’a pas à être pris en considération dans l’appréciation de la satisfaction de la condition relative à l’entretien effectif.

61      Par conséquent, au regard des caractéristiques spécifiques de la bourse d’études et des particularités de la présente affaire, la nature du financement que représente cette bourse versée par l’université d’accueil ne constitue pas une circonstance particulière qui aurait dû être prise en considération par la Commission afin de permettre au requérant de conserver l’octroi de l’allocation pour enfant à charge. Au contraire, la Commission se devait, en l’espèce, de prendre en compte la totalité du montant de la bourse d’études pour évaluer si le seuil établi par les règles applicables était dépassé.

62      Deuxièmement, en ce qui concerne la nature du régime d’assurance maladie souscrit par l’université d’accueil pour son enfant, le requérant relève que le financement imposé par ladite université n’inclut pas de souscription à un régime public d’assurance maladie, mais s’accompagne, en revanche, d’une affiliation automatique à une assurance maladie souscrite auprès d’un organisme privépour tous les étudiants et dont la couverture est limitée à la province canadienne de l’Ontario, seuls les frais médicaux liés à des urgences médicales particulièrement graves étant remboursés en dehors de ce territoire.

63      Dès lors, en se fondant sur le point 4 de la conclusion 223/04, selon lequel l’enfant est considéré comme restant à charge du fonctionnaire lorsqu’il ne peut pas être couvert par un régime public d’assurance maladie national ou international, le requérant conclut que la Commission a commis une erreur en considérant que son enfant n’était plus à sa charge.

64      D’une part, en ce qui concerne la nature du régime d’assurance maladie, il convient de relever que, comme le précise le requérant, son enfant ne pourrait avoir accès à une couverture d’assurance maladie d’origine publique que s’il était résident permanent, ce qui ne peut être le cas, dans la mesure où son permis de séjour dans le pays d’accueil repose exclusivement sur son statut temporaire d’étudiant.

65      Ainsi, il existe des situations dans lesquelles l’exigence posée par la conclusion 223/04 relative à l’appartenance à un régime public d’assurance maladie apparaît comme difficilement conciliable avec l’une des conditions requises, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, sous b), de l’annexe VII du statut, pour qu’un enfant puisse être reconnu comme étant à charge, à savoir le fait d’être étudiant.

66      Cependant, cela ne signifie pas pour autant que l’objectif recherché par cette exigence ne peut pas être atteint par d’autres moyens. En effet, en vertu de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, il importe de comprendre cette exigence au regard de l’article 2 de l’annexe VII du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence en la matière. À cet égard, il convient de rappeler que les besoins essentiels comprennent les soins et les frais médicaux (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juin 2019, BS/Parlement, T‑593/18, non publiée, EU:T:2019:425, point 38 et jurisprudence citée). Dès lors, ceux‑ci doivent être couverts par le régime dont bénéficie l’enfant du fonctionnaire concerné.

67      Ainsi, il n’apparaît pas que l’origine publique ou privée du régime d’assurance maladie doive primer sur l’exigence selon laquelle les soins et les frais médicaux, en tant que besoins essentiels, doivent être couverts par le régime dont bénéficie effectivement l’enfant du fonctionnaire concerné.

68      Par conséquent, la nature du régime d’assurance maladie, qu’elle soit publique ou privée, n’est pas un facteur déterminant dans l’appréciation du statut d’enfant à charge.

69      D’autre part, en ce qui concerne l’étendue de la couverture de l’assurance maladie, il y a lieu de relever que, comme le précise le requérant, son enfant bénéficie d’une couverture médicale complète dans la province où il poursuit ses études. Or, le requérant n’a fourni aucun élément tangible démontrant que lesdites études nécessitent d’être poursuivies en dehors de ce territoire, et ce ni dans le dossier ni lors de l’audience.

70      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’affirmation du requérant selon laquelle, pendant les vacances scolaires se déroulant entre deux années académiques, son enfant vit chez ses parents, au sein de l’Union, et qu’il ne jouit alors d’aucune couverture maladie. En effet, de tels déplacements relèvent d’un choix personnel qui ne peut entrer en considération dans le cadre de l’appréciation des besoins essentiels relatifs aux soins et aux frais médicaux. En outre, il ressort d’un courriel du 22 mars 2020 adressé par le requérant aux services de la Commission, produit en annexe de la requête, dans lequel il précise l’étendue de la couverture de l’assurance maladie dont bénéficie son enfant en dehors du territoire du pays d’accueil, que, dans cette situation, ce dernier bénéficierait tout de même d’une couverture médicale en cas d’urgence.

71      De même, dans la mesure où seuls les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine liée à l’entretien effectif de l’enfant (voir point 27 ci‑dessus) sont à prendre en compte dans l’appréciation du statut d’enfant à charge, l’allégation du requérant selon laquelle restent à sa charge les frais médicaux exposés par son enfant lorsqu’il se trouve dans le pays d’accueil mais en dehors de la province où il poursuit ses études ne peut être prise en considération, en l’absence de preuve relative au caractère actuel et certain de la nécessité de tels déplacements. Par ailleurs, il convient de relever que, dans une telle situation, l’enfant du requérant est couvert par l’assurance médicale dont il bénéficie en raison de son intégration dans le programme doctoral de l’université d’accueil pour les frais médicaux liés à des urgences médicales particulièrement graves.

72      Par conséquent, conformément au principe rappelé au point 32 ci‑dessus, il convient de considérer que l’assurance maladie souscrite par l’université d’accueil pour l’enfant du requérant permet d’assurer à ce dernier que ses besoins essentiels relatifs aux soins et aux frais médicaux sont couverts, sans qu’une contribution, de quelque forme qu’elle soit, soit nécessaire de la part du requérant.

73      Étant donné qu’il a été conclu que la nature du régime d’assurance maladie n’était pas un facteur déterminant et que l’étendue de la couverture de l’assurance maladie dont bénéficiait l’enfant du requérant par son affiliation automatique au régime souscrit par l’université d’accueil permettait d’assurer ses besoins essentiels relatifs aux soins et aux frais médicaux, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments du requérant fondés sur les simulations, présentées en annexe de la réplique, relatives aux coûts supposément engendrés par la souscription d’une assurance dont la couverture serait comparable à celle d’un régime public d’assurance maladie national.

74      Ainsi, contrairement à ce qu’allègue le requérant, il ne ressort du dossier aucune circonstance particulière qui aurait dû être prise en compte par la Commission afin de reconnaître que celui-ci continuait de contribuer aux besoins essentiels de son enfant, lui permettant alors de conserver l’octroi de l’allocation pour enfant à charge.

75      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de relever que la demande de permis d’études, produite en annexe de la réplique, est dépourvue de pertinence, dans la mesure où elle ne constitue qu’une simple déclaration de la part du requérant, par laquelle il s’engage unilatéralement auprès des autorités du pays d’accueil à financer les besoins de son enfant, et n’est pas de nature à remettre en cause l’examen des éléments du dossier ayant conduit à confirmer que l’entretien effectif, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, de son enfant n’est pas assuré par le requérant.

76      Dès lors, c’est sans violer l’article 2 de l’annexe VII du statut que la Commission a décidé que l’enfant du requérant ne pouvait plus être considéré comme un enfant à charge au sens de cette disposition.

77      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      KR est condamné aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.