Language of document : ECLI:EU:T:2012:584

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 novembre 2012 (*)

« Aides d’État – Hôpitaux publics – Subventions octroyées par les autorités belges aux hôpitaux publics appartenant à l’association IRIS – Décision à l’issue de la phase préliminaire – Décision déclarant les aides compatibles avec le marché intérieur – Service d’intérêt économique général – Définition de la mission de service public – Proportionnalité de la compensation pour le service public »

Dans l’affaire T‑137/10,

Coordination bruxelloise d’institutions sociales et de santé (CBI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me D. Waelbroeck, avocat, et M. D. Slater, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky, C. Urraca Caviedes et S. Thomas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, en qualité d’agents,

par

Royaume des Pays-Bas, représenté initialement par Mmes M. Noort et M. de Ree, puis par Mmes Noort, C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

par

Région de Bruxelles-Capitale (Belgique),

Commune d’Anderlecht (Belgique),

Commune d’Etterbeek (Belgique),

Commune d’Ixelles (Belgique),

Ville de Bruxelles (Belgique) et

Commune de Saint-Gilles (Belgique),

représentées par Mes P. Slegers et A. Lepièce, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 8120 de la Commission, du 28 octobre 2009, concernant l’aide d’État NN 54/09 mise à exécution par le Royaume de Belgique en faveur du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS de la région de Bruxelles-Capitale,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le Royaume de Belgique est un État fédéral comprenant trois régions, la Région flamande, la Région wallonne et la Région Bruxelles-Capitale, cette dernière étant divisée en 19 communes.

2        La région de Bruxelles-Capitale comptait, en 2005, environ 8 900 lits d’hôpitaux, dont environ 67 % étaient gérés par les hôpitaux privés.

3        La requérante, la Coordination bruxelloise d’institutions sociales et de santé (CBI), est une association de droit belge regroupant neuf hôpitaux privés implantés dans la région de Bruxelles-Capitale et exploitant 2 708 lits d’hôpitaux.

4        L’Interhospitalière régionale des infrastructures de soins (IRIS) est une association faîtière de droit public belge regroupant cinq associations de droit public qui exploitent, à leur tour, les cinq hôpitaux publics généraux de la région de Bruxelles-Capitale (ci-après les « hôpitaux IRIS »), représentant environ 2 400 lits d’hôpitaux de la région.

 Cadre juridique belge

 Loi coordonnée sur les hôpitaux

5        Les obligations de service public hospitalier incombant à tout hôpital, qu’il soit public ou privé, étaient régies, à l’époque des faits, par la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987 (ci-après la « LCH »).

6        La LCH définit, en particulier, les établissements considérés comme des hôpitaux et le type d’hôpitaux reconnus comme prestataires éligibles, les conditions de gestion d’un hôpital et la structure de l’activité médicale, la programmation hospitalière, les normes et conditions d’agrément des hôpitaux et des services hospitaliers.

7        Concernant les normes d’agrément des hôpitaux et des services hospitaliers, la LCH est complétée, notamment, par les arrêtés royaux du 23 octobre 1964 (Moniteur belge du 7 novembre 1964) et du 30 janvier 1989 (Moniteur belge du 21 février 1989, p. 2967).

 Loi organique des CPAS

8        Les centres publics d’action sociale (CPAS) sont des établissements publics institués par la loi organique du 8 juillet 1976 (Moniteur belge du 5 août 1976, p. 9876, ci-après la « loi organique des CPAS »).

9        L’article 57 de la loi organique des CPAS précise ce qui suit :

« Le CPAS a pour mission d’assurer aux personnes et aux familles l’aide due par la collectivité. Il assure non seulement une aide palliative ou curative, mais encore une aide préventive […] Cette aide peut être matérielle, médicale, médico-sociale ou psychologique. »

 Réseau hospitalier public bruxellois

10      Avant 1996, le réseau hospitalier public bruxellois était constitué d’établissements hospitaliers, sans personnalité juridique, gérés par les CPAS.

11      À la suite de sa restructuration, achevée le 1er janvier 1996, les hôpitaux publics bruxellois ont obtenu l’autonomie juridique et budgétaire et ont été transformés en associations de droit public régies par la loi organique des CPAS. Les communes et les CPAS respectifs ont la majorité des sièges dans leurs assemblées générales et leurs conseils d’administration.

12      Les cinq hôpitaux publics généraux bruxellois sont regroupés au sein de l’IRIS, association de droit public régie par le chapitre XII bis de la loi organique des CPAS qui exerce la tutelle sur les hôpitaux concernés. Dans son assemblée générale et son conseil d’administration, sont représentés les communes bruxelloises et les CPAS concernés, les associations de médecins, l’Université libre de Bruxelles (ULB) et la Vrije Universiteit Brussel (VUB).

13      À cet égard, l’article 135 ter de la loi organique des CPAS dispose :

« Il peut être créé une association faîtière qui a pour objet […] d’assurer la direction et la gestion générale de l’activité exercée en matière hospitalière par les associations locales. La direction et la gestion générale des activités hospitalières comprennent notamment un pouvoir général de coordination et d’intégration des politiques à mener par les associations locales au moyen de la fixation, par l’association faîtière, d’une part, de la stratégie générale et d’établissement de la politique hospitalière et, d’autre part, des actions à entreprendre pour assurer la mise en œuvre de cette stratégie un pouvoir de contrôle, et le cas échéant, de substitution à l’égard des associations locales afin d’assurer et de garantir la mise en œuvre de la stratégie générale et d’établissement définie par l’association faîtière, en particulier, dans les domaines financier et budgétaire, en matière de programmation et d’organisation des activités médicales ainsi que dans les secteurs de la logistique et des investissements. »

 Financement des hôpitaux

–       Mesures applicables à tous les hôpitaux

14      Tous les hôpitaux belges reçoivent des montants de l’assurance maladie et invalidité pour les soins dispensés, en vertu de la législation relative à la sécurité sociale, ainsi que des montants résultant de la rétrocession de tout ou partie des honoraires des médecins hospitaliers, en vertu des articles 130 à 140 de la LCH.

15      En vertu de la LCH, tous les hôpitaux bénéficient également d’un financement des frais d’exploitation exposés dans l’exercice des missions de service public hospitalières visées par la LCH, par le biais d’un « budget des moyens financiers » (ci-après le « BMF »), fixé annuellement pour chaque hôpital par le ministre fédéral compétent, selon les conditions définies par l’arrêté royal du 25 avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du BMF des hôpitaux (Moniteur belge du 30 mai 2002, p. 23593).

16      Conformément à l’arrêté royal du 25 avril 2002, le BMF comporte une sous-partie « B8 », destinée à couvrir les coûts spécifiques générés par l’hôpital dont les patients ont un profil socio-économique très modeste. Ainsi, un montant déterminé est réparti entre les hôpitaux en situation difficile en fonction de certains critères définis au préalable, liés, en substance, au ratio correspondant au nombre d’admissions des patients socialement et économiquement fragiles par rapport au nombre total d’admissions.

–       Financement en vertu de l’article 109 de la LCH

17      Au-delà du financement dans le cadre du BMF, l’article 109 de la LCH prévoit la couverture des déficits éventuels dans les comptes de gestion des hôpitaux exploités par des CPAS ou par des associations visées à l’article 118 de la loi organique des CPAS.

18      Les critères de cette couverture sont fixés par des arrêtés royaux, notamment, l’arrêté royal du 8 décembre 1986 (Moniteur belge du 12 décembre 1986, p. 17023) abrogé par celui du 8 mars 2006 (Moniteur belge du 12 avril 2006, p. 20232). L’article 109 de la LCH permet, notamment, de couvrir le déficit hospitalier résultant de la prise en charge de patients sociaux, dans la mesure où celle-ci n’est pas suffisamment financée dans le cadre de la sous-partie « B8 » du BMF.

–       Mesures spécifiques applicables aux hôpitaux IRIS

19      L’obligation de financement découlant de l’article 109 de la LCH, incombant aux administrations locales bruxelloises, est assurée par la Région Bruxelles-Capitale.

20      Un mécanisme de financement relatif à cette obligation est prévu par l’ordonnance de la Région Bruxelles-Capitale du 2 mai 2002, modifiant l’ordonnance du 8 avril 1993 portant création du fonds régional bruxellois de refinancement des trésoreries communales (FRBRTC) (Moniteur belge du 22 mai 2002, p. 21682).

21      En outre, le financement des missions sociales spécifique aux hôpitaux IRIS est prévu par l’ordonnance de la Région Bruxelles-Capitale du 13 février 2003 portant octroi de subventions spéciales aux communes de la région de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge du 5 mai 2003, p. 24098, ci-après l’« ordonnance du 13 février 2003 »). Celle-ci institue une subvention spéciale, décidée sur une base annuelle, en faveur des communes pour la réalisation des missions d’intérêt communal.

 Procédure administrative

22      Le 7 septembre 2005, la requérante et l’Association bruxelloise des institutions de soins privées (ABISP) ont introduit auprès de la Commission des Communautés européennes une plainte concernant de prétendues aides d’État octroyées par les autorités belges dans le cadre du financement des hôpitaux IRIS.

23      Des informations supplémentaires ont été communiquées par les plaignants à la Commission et de nombreux contacts et réunions ont eu lieu au cours des années 2006, 2007 et 2008. Des informations ont été communiquées par les autorités belges à la Commission, à la demande de cette dernière, les 2 juin, 27 octobre, 6 décembre 2006, 22 mars 2007 et 23 septembre 2008. Ces envois ont été complétés par des échanges informels.

24      Par lettres des 10 janvier et 10 avril 2008, la Commission a indiqué à la requérante et à l’ABISP qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour poursuivre l’examen des mesures dénoncées dans leur plainte.

25      Les 25 mars et 20 juin 2008, la requérante et l’ABISP ont introduit, devant le Tribunal, les recours en annulation des prétendues décisions contenues dans lesdites lettres (affaires T‑128/08 et T‑241/08). Par ordonnance du 5 mai 2010, CBI et ABISP/Commission (T‑128/08 et T‑241/08, non publiée au Recueil), le Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur lesdits recours.

26      Par décision C (2009) 8120, du 28 octobre 2009, concernant l’aide d’État NN 54/09 mise à exécution par le Royaume de Belgique en faveur du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS de la région de Bruxelles-Capitale (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures en cause à l’issue de la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.

27      Le 24 mars 2010, la décision attaquée a fait l’objet d’une publication sommaire au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 74, p. 1), comportant un renvoi au site Internet de la Commission permettant l’accès au texte intégral de cette décision.

 Décision attaquée

28      Dans la décision attaquée, la Commission relève, tout d’abord, que, indépendamment du contenu de la plainte, elle est tenue d’examiner l’ensemble des financements publics accordés aux hôpitaux IRIS, pouvant être résumés comme suit (considérant 102 de la décision attaquée) :

–        l’ensemble des compensations couvrant les coûts nécessaires à la prestation des missions de service public hospitalières ;

–        la compensation des déficits hospitaliers au titre de l’article 109 de la LCH ;

–        l’aide octroyée pour la restructuration des hôpitaux publics bruxellois en 1995 ;

–        les compensations des missions de service public non hospitalières.

29      Elle examine, ensuite, si les conditions de l’article 87, paragraphe 1, CE sont réunies en l’espèce, en constatant que, « dans la mesure où les activités des hôpitaux en question peuvent être qualifiées comme étant de nature économique », ces conditions sont « en principe remplies » et que les mesures en cause « semblent a priori constitu[er] des aides d’État » (considérants 103 à 133 de la décision attaquée).

30      Elle rappelle que les compensations de service public ne constituent pas des aides d’État, à condition de satisfaire aux quatre critères cumulatifs posés par l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark ») (considérants 134 à 136 de la décision attaquée).

31      Elle considère que les mesures en cause satisfont au premier critère, relatif au mandatement et à la définition des obligations de service public (considérants 137 à 157 de la décision attaquée).

32      Son appréciation se distingue selon les « missions de service public hospitalières » et « non hospitalières » des hôpitaux IRIS.

33      Concernant les missions hospitalières, selon la Commission, les hôpitaux IRIS sont chargés, outre les missions générales incombant à tous les hôpitaux en vertu de la LCH, de missions spécifiques, dévolues en vertu de la loi organique des CPAS et des plans stratégiques adoptés par l’association IRIS, à savoir « l’obligation de prise en charge de tout patient en toute circonstance, y compris posturgence, et l’obligation d’offrir une activité complète de soins hospitaliers multisite » (considérant 146 de la décision attaquée). Elle constate une différence entre un hôpital public, celui-ci étant « sous l’obligation clairement définie de fournir à tout patient, sur simple demande, tout type de service hospitalier, dans un cadre multisite », et un hôpital privé, qui « reste libre, en l’absence d’une exigence légale lui imposant ce type d’obligation, de définir les patients qu’il accueille posturgence, de choisir une ou plusieurs spécialités, et d’organiser librement ses activités en fonction des différents sites où il opère » (considérant 147 de la décision attaquée).

34      Concernant les missions non hospitalières, la Commission considère que les hôpitaux IRIS sont chargés des missions sociales déléguées par les CPAS, en vertu de la loi organique des CPAS ainsi que des conventions signées entre les CPAS et les hôpitaux concernés. Ces missions, relevant de la compétence des CPAS, consistent, en particulier, à fournir une aide sociale individuelle accompagnant l’aide médicale en faveur des patients (considérant 152 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission note que les hôpitaux IRIS, comme tout établissement public de la Région Bruxelles-Capitale, sont tenus à l’obligation de bilinguisme (considérant 156 de la décision attaquée).

35      La Commission procède à l’examen du quatrième critère, relatif au mandatement par procédure de marché public ou compensation basée sur l’analyse des coûts d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, en considérant que ce critère n’est pas satisfait (considérants 159 à 162 de la décision attaquée).

36      Elle en conclut que les mesures en cause ne satisfont pas au quatrième critère de l’arrêt Altmark et constituent donc des aides d’État (considérant 163 de la décision attaquée).

37      S’agissant de la compatibilité des mesures en cause, au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, la Commission rappelle que, afin de bénéficier d’une dérogation, celles-ci doivent remplir les critères de nécessité et de proportionnalité et satisfaire aux conditions suivantes : i) le service en question doit être un service d’intérêt économique général (SIEG) et être clairement défini en tant que tel par l’État membre ; ii) l’entreprise assurant la prestation de SIEG en question doit avoir été formellement mandatée à cet effet par l’État membre et iii) l’application des règles de concurrence prévues par le traité CE doit empêcher l’accomplissement des missions particulières assignées à ladite entreprise et l’exemption desdites règles ne doit pas affecter les échanges entre les États membres dans une mesure contraire aux intérêts communautaires (considérant 165 de la décision attaquée).

38      La Commission rappelle avoir précisé la manière dont elle entendait appliquer l’article 86, paragraphe 2, CE, dans un « Paquet SIEG », constitué de l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4), ainsi que de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, [CE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 312, p. 67).

39      Selon le Paquet SIEG, les critères suivants doivent être remplis : i) l’existence d’un mandat spécifiant, notamment, la nature et la durée des obligations de service public, l’entreprise et le territoire concernés, la nature des droits exclusifs ou spéciaux éventuels octroyés à l’entreprise, les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation, ainsi que les modalités de remboursement des éventuelles surcompensations et les moyens d’éviter une surcompensation ; ii) le plafonnement de la compensation à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts encourus pour l’accomplissement des obligations de service public et l’absence de subventions croisées et iii) le contrôle de la surcompensation par les autorités publiques des États membres (considérant 166 de la décision attaquée).

40      Elle précise que les critères plus détaillés du Paquet SIEG, notamment sous les critères i) et iii) ci-dessus, ne sont applicables qu’à partir du 29 novembre 2006 (considérant 168 de la décision attaquée).

41      La Commission articule son analyse en fonction des critères résultant de la jurisprudence et du Paquet SIEG, relatifs à la nécessité et à la proportionnalité des mesures d’aide.

42      S’agissant des critères relatifs à la nécessité :

–        « Définition et mandatement » : la Commission fait un renvoi à l’analyse du premier critère Altmark, considéré comme rempli (considérants 172 à 174 de la décision attaquée) ;

–        « Paramètres de la compensation établis ex ante » : ce critère est considéré comme rempli tant en ce qui concerne les compensations dans le cadre du BMF que celles, accordées aux seuls hôpitaux publics, en application de l’article 109 de la LCH et, s’agissant des missions sociales, en application de la loi organique CPAS et de l’ordonnance du 13 février 2003. L’aide à la restructuration accordée en 1995 à travers le FRBRTC concerne uniquement des missions de service public exercées avant 1996. Les surcoûts liés à l’obligation de bilinguisme sont compensés en application de l’article 109 de la LCH (considérants 175 à 181 de la décision attaquée) ;

–        « Modalités pour prévenir et corriger les éventuelles surcompensations » : la Commission observe l’existence de telles modalités dans le cadre du BMF. S’agissant du financement en application de l’article 109 de la LCH, la compensation est limitée au solde des coûts nets du service public, qui n’ont pas été préalablement couverts par le BMF. Le mécanisme mis en place par le biais du FRBRTC a pour but d’avancer temporairement les montants nécessaires pour combler les déficits des hôpitaux publics bruxellois, dans l’attente de la fixation du déficit définitif par le ministre fédéral compétent, qui connaît un retard de près de dix ans. Des dispositions visant à éviter une surcompensation par la prise en compte indue de coûts inéligibles sont prévues dans les arrêtés royaux du 8 décembre 1986 et du 8 mars 2006 définissant les critères pour la fixation des déficits des hôpitaux. Concernant les missions sociales, la prise en charge par les CPAS des coûts est assujettie au respect des exigences énoncées par les CPAS, ce qui permet d’éviter une éventuelle compensation indue. Concernant le bilinguisme, la prise en charge des surcoûts est couverte par le mécanisme de l’article 109 de la LCH, limitée au maximum à 100 % de ces surcoûts (considérants 182 à 192 de la décision attaquée).

43      S’agissant des critères relatifs à la proportionnalité :

–        « Adéquation de la compensation à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts encourus pour l’accomplissement des obligations de service public » : la Commission indique avoir examiné, pour chaque hôpital concerné pour la période de 1996 à 2007, d’une part, les résultats annuels des SIEG, établis en prenant en compte toutes les recettes des SIEG et toutes les charges y afférentes et, d’autre part, les compensations des SIEG, tant celles accordées en application de l’article 109 de la LCH que celles accordées, depuis 2003, au titre de la réalisation des missions sociales. Les données, reprises dans le tableau figurant au considérant 199 de la décision attaquée, montrent, pour tous les hôpitaux IRIS, une sous-compensation des SIEG, bien que trois hôpitaux aient connu une surcompensation ponctuelle, sur un ou deux exercices annuels, reportée sur la période suivante. Par ailleurs, de la mise en créance irrécouvrable des financements avancés par le FRBRTC aux communes, dans le cadre de la restructuration hospitalière de 1995, ne pouvait résulter une surcompensation. En outre, le mécanisme d’avance à travers le FRBRTC ne permet que la couverture temporaire des déficits, cette avance devant être remboursée lorsque le montant du déficit de l’hôpital est fixé, ce qui permet d’exclure toute surcompensation (considérants 194 à 201 de la décision attaquée) ;

–        « Comptabilité séparée et absence de subventions croisées » : la Commission considère que les dispositions en matière de comptabilité hospitalière, applicables à l’ensemble des hôpitaux, requièrent un enregistrement comptable séparé des charges relevant des missions de service public SIEG et des autres charges. L’exigence de comptabilité séparée est donc remplie. Les subventions croisées sont exclues, eu égard au fait que les activités commerciales des hôpitaux publics sont marginales et font l’objet d’une comptabilisation séparée (considérants 202 à 206 de la décision attaquée) ;

–        « Contrôle de la surcompensation par les autorités publiques » : la Commission estime que l’activité des hôpitaux IRIS, s’agissant des missions de service public tant hospitalières que sociales, est soumise à divers mécanismes de contrôle permettant d’éviter l’octroi de surcompensations (considérants 207 à 211 de la décision attaquée).

44      Enfin, la Commission estime que le système de financement en cause satisfait aux exigences des articles 1er à 3 de la directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (JO L 195, p. 35), remplacée par la directive 2006/111/CE de la Commission, du 16 novembre 2006, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO L 318, p. 17) (considérants 213 à 218 de la décision attaquée).

45      La Commission conclut comme suit :

« […] [A]u cours de la période 1996-2007, et y compris l’aide à la restructuration de 1995, les [hôpitaux] IRIS ont bénéficié d’un ensemble de financements publics au titre de compensations des missions de SIEG hospitalières et non hospitalières. Ces financements constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE] […] Eu égard à leur conformité avec les dispositions du [P]aquet SIEG […], ces mesures bénéficient de la dérogation [à l’]obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, [CE] [à compter du 19 décembre 2005,] tandis que pour la période précédente ces aides non notifiées doivent être considérées comme illégales. Cependant, toutes ces aides sont compatibles avec le marché intérieur, compte tenu de leur conformité aux exigences […] visées à l’article 86, paragraphe 2, [CE]. »

 Procédure et conclusions des parties

46      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mars 2010, la requérante a introduit le présent recours.

47      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 21 juin 2010, ainsi que les 9, 16 et 26 juillet 2010, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la Région Bruxelles-Capitale, la commune d’Anderlecht (Belgique), la commune d’Etterbeek (Belgique), la commune d’Ixelles (Belgique), la ville de Bruxelles (Belgique) et la commune de Saint-Gilles (Belgique) ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

48      Il a été fait droit aux demandes d’intervention de la Région Bruxelles-Capitale, de la commune d’Anderlecht, de la commune d’Etterbeek, de la commune d’Ixelles, de la ville de Bruxelles et de la commune de Saint-Gilles par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 13 septembre 2010.

49      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

50      Il a été fait droit aux demandes d’intervention de la République française et du Royaume des Pays-Bas par ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du 4 octobre 2010.

51      Les intervenantes ont déposé leurs mémoires en intervention le 20 décembre 2010. La requérante et la Commission ont soumis leurs observations sur ces mémoires le 7 avril 2011.

52      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé à la Commission de produire certains documents et a posé des questions écrites aux parties, celles-ci ayant répondu par lettres du 18 novembre 2011.

53      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 6 décembre 2011, à l’exception du Royaume des Pays-Bas qui a informé le Tribunal qu’il n’y serait pas représenté.

54      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission et les parties intervenantes aux dépens.

55      Dans son mémoire en réplique, la requérante conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner que la Commission produise certains documents.

56      La Commission, soutenue par les parties intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

57      La Commission, soutenue par la République française, s’interroge sur la recevabilité du recours, en ce qu’il soulève des moyens d’annulation tirés de prétendues erreurs d’appréciation quant à la compatibilité de l’aide. Selon elles, dans le cadre du présent recours, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la compatibilité de l’aide, les moyens concernés de la requérante devant donc être déclarés irrecevables.

58      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les intéressés bénéficiant des garanties de procédure prévues audit article ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union.

59      Pour ces motifs, est recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui‑ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, points 34 et 35 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, points 23 à 26, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, points 17 à 20).

60      En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, 223), en démontrant notamment que sa position sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 22 à 25, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 37).

61      En l’espèce, la requérante indique que son recours vise à la sauvegarde de ses droits procéduraux, en tant que partie intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, en ce que le refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen y porte atteinte. Selon elle, la démonstration des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de l’examen de l’aide ne peut être détachée, en l’espèce, de l’existence d’erreurs relatives à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE.

62      Il convient de relever, sans que ce fait soit contesté par la Commission, que la requérante, en sa qualité d’association regroupant un nombre d’hôpitaux privés installés dans la région de Bruxelles-Capitale, doit être considérée comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

63      Elle est donc recevable à agir en annulation de la décision attaquée, afin de sauvegarder ses droits procéduraux découlant de cette disposition.

64      Quant aux arguments de la Commission et de la République française pris de ce que la requérante soulèverait des moyens d’annulation irrecevables tirés de prétendues erreurs d’appréciation quant à la compatibilité de l’aide, il convient de rappeler que, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur.

65      L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (arrêt de la Cour du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, Rec. p. I‑4441, point 59).

66      Dans le cadre d’un tel recours, les moyens contestant la compatibilité de l’aide doivent alors être appréciés par le Tribunal au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse, sans qu’il y ait lieu de les déclarer irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, Rec. p. II‑3397, point 72, et du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, Rec. p. II‑4227, points 58 et 59).

67      En l’espèce, il résulte clairement de la requête que la requérante demande l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections, en mettant en cause le fait que la décision attaquée a été adoptée en violation de ses droits procéduraux.

68      S’agissant ainsi d’un recours contestant la légalité de la décision prise sans ouverture de la procédure formelle d’examen, il convient d’examiner l’ensemble des moyens articulés par la requérante, afin d’apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

69      Dès lors, le présent recours doit être considéré comme recevable.

 Sur le fond

70      À l’appui du recours, la requérante invoque en substance un moyen unique tiré de l’existence de difficultés sérieuses lors de l’examen préliminaire des mesures d’aide en cause. Elle soutient, d’une part, que la Commission aurait dû éprouver des doutes sérieux quant à la compatibilité avec le marché intérieur des mesures d’aide examinées, au regard des critères relatifs à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, et, d’autre part, que la décision attaquée est insuffisamment motivée.

71      En outre, pour la première fois dans son mémoire en réplique, elle invoque certaines circonstances ayant entouré l’adoption de la décision attaquée, à savoir la durée de la procédure administrative ainsi que la longueur et la complexité de cette décision.

 Observations liminaires

–       Sur l’étendue du contrôle juridictionnel

72      Selon une jurisprudence constante, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le traité.

73      En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts Cook/Commission, précité, point 29, et Matra/Commission, précité, point 33).

74      La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur (arrêt de la Cour du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 63 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T‑49/93, Rec. p. II‑2501, point 60, et British Aggregates e.a./Commission, précité, point 56).

75      Le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt British Aggregates e.a./Commission, précité, point 57, et la jurisprudence citée).

76      Le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses dépasse la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (arrêts du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon‑Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 47, et British Aggregates e.a./Commission, précité, point 56).

77      Dans la mesure où la légalité de la décision attaquée dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, il incombe au requérant d’apporter la preuve de l’existence de tels doutes, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 59, et ordonnance de la Cour du 9 juin 2011, TF1/Commission, C‑451/10 P, non publiée au Recueil, point 52).

78      Avant d’examiner, en premier lieu, les arguments de la requérante relatifs à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE aux mesures d’aide en cause, le Tribunal estime opportun de rappeler les conditions d’application de cette disposition.

–       Sur les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

79      En vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE, les entreprises chargées de la gestion de SIEG ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité CE, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.

80      Par l’arrêt Altmark (points 87 à 94), la Cour a jugé que la compensation octroyée en contrepartie des prestations effectuées pour l’exécution des obligations de service public ne constitue pas une aide d’État, à condition de satisfaire aux quatre critères cumulatifs suivants :

–        l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies ;

–        les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente ;

–        la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations, et

–        lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait supportés pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

81      Les compensations de service public qui ne remplissent pas ces critères sont soumises à l’application des règles en matière d’aides d’État, mais peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur, notamment, en vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE (arrêt M6 et TF1/Commission, précité, point 62).

82      À l’époque des faits, les conditions de l’application de la dérogation en cause étaient explicitées, d’une part, dans la décision 2005/842 et, d’autre part, dans l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public.

83      Il ressort de la décision attaquée que, pour apprécier la compatibilité des mesures en cause, la Commission s’est fondée, en substance, sur les conditions résultant de la décision 2005/842, tout en ajoutant que, à l’exception de certaines exigences supplémentaires, ces conditions reposaient sur les trois premiers critères posés par l’arrêt Altmark (considérant 167 et 168 de la décision attaquée).

84      À cet égard, l’argumentation formulée dans la requête étant structurée selon les critères posés par l’arrêt Altmark, dont les trois premiers coïncident largement, selon la Commission, avec les dispositions de la décision 2005/842, il convient d’examiner les arguments de la requérante dans l’ordre desdits critères.

–       Sur la nature particulière du service public hospitalier

85      Il convient de relever que, bien que les conditions énoncées dans l’arrêt Altmark et dans le Paquet SIEG concernent sans distinction tous les secteurs de l’économie, leur application doit tenir compte de la spécificité du secteur donné.

86      Le Tribunal a notamment jugé que, au regard de la nature particulière de la mission de SIEG dans certains secteurs, il convenait de faire preuve de souplesse quant à l’application de l’arrêt Altmark, en se référant à l’esprit et à la finalité des conditions y figurant qui ont présidé à leur énoncé, de manière adaptée aux données particulières du cas d’espèce (arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 160).

87      S’agissant du secteur hospitalier, cette considération est reflétée, au considérant 16 de la décision 2005/842, selon lequel :

« Il convient […] de tenir compte du fait que, au stade actuel du développement du marché intérieur, l’intensité de la distorsion de concurrence dans [ce secteur] n’est pas nécessairement proportionnelle au chiffre d’affaires et au niveau de la compensation. En conséquence, les hôpitaux proposant des soins médicaux, des services d’urgence et des services auxiliaires directement liés aux activités principales, notamment dans le domaine de la recherche […] doivent bénéficier de l’exemption de notification énoncée dans la présente décision, même si le montant de la compensation qu’ils reçoivent excède les seuils prévus par celle-ci, pour autant que les services qu’ils fournissent sont qualifiés de [SIEG] par les États membres. »

88      Lors de l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, il convient également de prendre en considération l’absence de dimension marchande du service public donné, sa qualification de SIEG s’expliquant plutôt plus par son impact sur le secteur concurrentiel et marchand (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, Rec. p. II‑1161, point 153).

89      Il en résulte que les critères élaborés par la Cour dans l’arrêt Altmark concernant l’activité de transport, constituant indiscutablement une activité économique et concurrentielle, ne peuvent pas être appliqués, avec la même rigueur, au secteur hospitalier, qui n’est pas nécessairement doté d’une telle dimension concurrentielle et marchande.

90      Par ailleurs, le Tribunal a jugé que, dans la mesure où un système national de santé, géré par les ministères et autres entités, fonctionnait conformément au principe de solidarité dans son mode de financement par des cotisations sociales et autres contributions étatiques et dans sa prestation gratuite de services à ses affiliés sur la base d’une couverture universelle, ces organismes n’agissaient pas en tant qu’entreprises dans leur activité de gestion de ce système (arrêt du Tribunal du 4 mars 2003, FENIN/Commission, T‑319/99, Rec. p. II‑357, point 39).

91      Cette considération est prise en compte dans la décision attaquée. D’une part, celle-ci qualifie d’économique l’activité de prestation de soins hospitaliers, en considérant qu’il convient de la distinguer de la « gestion du système national de santé », exercée par des organismes publics dans le cadre des prérogatives d’autorité publique. D’autre part, elle constate que les hôpitaux publics exercent également d’autres activités à caractère social, lesquelles ne sauraient vraisemblablement être qualifiées d’économiques, mais incluses dans la décision attaquée uniquement pour des raisons d’économie procédurale : même si ces activités étaient considérées comme économiques, les subventions correspondantes seraient des aides compatibles (considérants 110 et 111 de la décision attaquée).

92      Il convient de relever, en outre, que l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, dans le secteur hospitalier concerné doit tenir compte du respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l’organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux, cette considération résultant notamment de l’article 152, paragraphe 5, CE.

93      Conformément à ces considérations, les États membres organisent leur système national de santé en fonction des principes qu’ils choisissent, en particulier, les obligations afférentes au service public hospitalier peuvent comprendre tant des obligations imposées à tout établissement hospitalier que des obligations complémentaires imposées uniquement aux établissements publics, compte tenu de leur importance accrue pour le bon fonctionnement du système national de santé.

94      Néanmoins, dès lors que l’organisation de la fourniture de service de santé décidée par un État membre comporte l’imposition d’obligations de service public aux opérateurs privés, il convient de tenir compte de ce fait dans le cadre de l’appréciation des mesures d’aide adoptées dans le secteur.

95      En particulier, lorsque des exigences différentes incombent aux entités, publiques et privées, chargées du même service public, ce qui suppose un niveau différent des coûts et de la compensation, ces différences doivent ressortir clairement de leurs mandats respectifs, notamment, afin de permettre de vérifier la compatibilité de la subvention avec le principe d’égalité de traitement. En effet, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole les principes généraux du droit de l’Union, tel le principe d’égalité de traitement, ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission (arrêt de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 51).

96      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante tirés des appréciations de la Commission relatives à la compatibilité des mesures d’aide en cause avec le marché intérieur.

 Sur l’existence d’une mission de service public clairement définie

97      Selon le premier critère posé par l’arrêt Altmark, l’entreprise bénéficiaire d’une compensation doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies.

98      Le Tribunal a déjà jugé que le même critère s’appliquait dans le cadre d’application de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE (arrêts du Tribunal du 11 juin 2009, ASM Brescia/Commission, T‑189/03, Rec. p. II‑1831, point 126, et Italie/Commission, T‑222/04, Rec. p. II‑1877, point 111).

99      Selon une jurisprudence constante, les États membres ont un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des SIEG, cette définition ne pouvant être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 216, et BUPA e.a./Commission, précité, points 166 et 169).

100    L’étendue du contrôle effectué par le Tribunal sur les appréciations de la Commission tient nécessairement compte de cette limitation.

101    Ce contrôle doit néanmoins s’assurer du respect de certains critères minimaux tenant, notamment, à la présence d’un acte de puissance publique investissant les opérateurs en cause d’une mission de SIEG (voir arrêt BUPA e.a./Commission, précité, point 181, et la jurisprudence citée), ainsi qu’au caractère universel et obligatoire de cette mission (arrêt BUPA e.a./Commission, précité, point 172).

102    Par ailleurs, en vertu de l’article 4 de la décision 2005/842, la « responsabilité de la gestion du [SIEG] doit être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre », ces actes devant notamment indiquer « la nature et la durée des obligations de service public » et « les entreprises et le territoire concernés ».

103    En l’espèce, lors de l’appréciation des mesures d’aide en cause, la Commission fait une distinction entre, premièrement, les missions de service public hospitalières incombant à tous les hôpitaux (considérants 140 à 145 de la décision attaquée), deuxièmement, les missions de service public hospitalières spécifiques aux hôpitaux IRIS (considérants 146 à 149) et, troisièmement, les missions de service public non hospitalières spécifiques aux hôpitaux IRIS (considérants 151 à 156).

104    La requérante soutient, en substance, que la première condition énoncée dans l’arrêt Altmark n’est pas remplie, en ce qui concerne ces deuxième et troisième catégories de missions de service public, s’agissant de missions hospitalières et non hospitalières qui, selon la Commission, incombent uniquement aux hôpitaux IRIS.

–       Sur la présence d’un acte de puissance publique constituant le mandat

105    Dans la décision attaquée, la Commission se réfère à trois types d’actes confiant les missions hospitalières de service public aux hôpitaux IRIS, à savoir, premièrement, les actes législatifs et réglementaires, à savoir la LCH, la loi organique des CPAS et les actes dérivés, deuxièmement, les conventions conclues entre les CPAS et les hôpitaux IRIS et, troisièmement, les plans stratégiques adoptés par l’association IRIS (ci-après les « plans stratégiques IRIS »).

106    La requérante ne conteste pas le fait que la mission de service public puisse être définie dans des actes distincts, y compris des actes conventionnels. Elle soutient, néanmoins, que les plans stratégiques IRIS ne sauraient être considérés comme constituant le mandat, dès lors qu’il s’agit de plans adoptés par la structure faîtière IRIS et que, partant, les obligations qu’ils prévoient pour les hôpitaux IRIS sont « auto-imposées ».

107    Il y a lieu de rappeler que les États membres ont un large pouvoir d’appréciation dans la définition des SIEG (point 99 ci-dessus) et, en conséquence, quant au choix de la forme juridique d’un acte ou des actes de mandatement.

108    Le mandat conférant la mission de service public peut être défini dans plusieurs actes distincts, tant ceux posant la réglementation générale du domaine que ceux s’adressant spécifiquement à certains établissements. En effet, une possibilité de confier la mission par « un ou plusieurs » actes officiels est explicitement visée à l’article 4 de la décision 2005/842.

109    Le mandat peut également recouvrir des actes conventionnels, pour autant qu’ils émanent de la puissance publique et sont contraignants. Il en va a fortiori ainsi lorsque de tels actes concrétisent les obligations imposées par la législation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, Rec. p. I‑5815, point 66).

110    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les plans stratégiques IRIS pouvaient être qualifiés d’actes de puissance publique, « du fait qu’[ils étaient] imposés aux [hôpitaux] IRIS par les pouvoirs publics qui [avaient] arrêté le contenu de ces plans au travers de l’assemblée générale de la structure faîtière IRIS, qui [était] assimilable à un pouvoir public, où ceux-ci [avaient] la majorité des sièges » (considérant 146 de la décision attaquée).

111    Il y a lieu d’observer, à cet égard, qu’un organisme peut être considéré comme étant doté de l’exercice de la puissance publique s’il est composé d’une majorité de représentants de la puissance publique et s’il doit respecter, lors de l’adoption d’une décision, un certain nombre de critères d’intérêt public (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto, C‑96/94, Rec. p. I‑2883, points 23 à 25, et du 18 juin 1998, Commission/Italie, C‑35/96, Rec. p. I‑3851, points 41 à 44).

112    Ainsi, pour pouvoir qualifier d’actes publics les décisions d’une entité, ses organes doivent être composés des personnes investies d’une mission d’intérêt public et les autorités publiques doivent disposer d’un pouvoir effectif de contrôle sur les décisions (voir, a contrario, arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, CIF, C‑198/01, Rec. p. I‑8055, points 77 et 78).

113    En l’espèce, il convient de relever que l’IRIS est une association formée par les pouvoirs publics et qui reste soumise au contrôle de ceux-ci à travers ses organes. Elle a été créée dans l’objectif d’assurer les tâches explicitement prévues par la législation relative à la gestion du service public concerné, à savoir la loi organique des CPAS. L’adoption des plans stratégiques par l’IRIS est prévue par la même législation, en tant que moyen de fixation de la stratégie générale et d’établissement de la politique hospitalière (considérant 25 de la décision attaquée).

114    La requérante n’a fait valoir aucune argumentation susceptible de mettre en cause les appréciations de la Commission relatives à ces éléments, permettant de considérer les plans stratégiques comme des actes de puissance publique, ainsi qu’au caractère contraignant desdits plans stratégiques.

115    En effet, la requérante a indiqué que, selon la Commission, le mandatement des obligations de service public des hôpitaux IRIS représente la « volonté de leurs actionnaires (adhérents) qui sont les pouvoirs publics » (considérant 147 de la décision attaquée), ce qui laisse entendre que le mandat de service public émane des organes publics dans leur rôle d’actionnaire des hôpitaux.

116    Il ressort néanmoins des précisions données par la Commission, dans sa réponse du 18 novembre 2011 à une question écrite du Tribunal, que l’association IRIS ne saurait être considérée comme une entité qui exploite elle‑même les hôpitaux concernés, s’agissant d’une personne juridique distincte des associations gestionnaires des hôpitaux, lesquelles jouissent d’ailleurs, selon la Commission, d’une autonomie décisionnelle significative dans leur gestion des activités hospitalières.

117    Ces indications ne sont pas remises en cause par la requérante qui se borne à indiquer que l’association IRIS peut se substituer aux associations locales, « du moins en principe », tout en affirmant que, dans la pratique, elle exerce uniquement un contrôle limité, dont l’élément clé consiste en l’adoption de plans stratégiques.

118    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante visant à mettre en cause la qualification des plans stratégiques IRIS d’actes de puissance publique doit être écartée.

–       Sur le mandat relatif aux missions hospitalières spécifiques des hôpitaux IRIS

119    Il est constant entre les parties que tous les hôpitaux belges, publics et privés, sont investis d’une mission de service public « générale », découlant de la LCH et des actes dérivés, analysée par la Commission aux considérants 140 à 145 de la décision attaquée.

120    La requérante conteste uniquement les considérations de la Commission relatives à l’existence des missions hospitalières « spécifiques », dévolues aux seuls hôpitaux IRIS, examinées aux considérants 146 à 149 de la décision attaquée. Elle soutient que les actes officiels belges n’imposent aux hôpitaux IRIS aucune obligation spécifique et additionnelle par rapport à la mission hospitalière découlant de la LCH et que, en tout état de cause, ces prétendues obligations spécifiques ne sont pas clairement définies.

121    Il ressort des considérants 146 à 149 de la décision attaquée que les hôpitaux IRIS sont chargés d’une mission hospitalière spécifique, en étant soumis à des obligations de service public additionnelles par rapport à celles incombant aux autres hôpitaux belges publics et privés en vertu de la LCH.

122    Selon la Commission, il s’agit, d’une part, de « l’obligation de prise en charge de tout patient en toute circonstance, y compris posturgence » ou de « l’obligation de prodiguer des soins hospitaliers continuels, offerts à tout patient, quelle que soit sa situation sociale ou financière » et, d’autre part, de « l’obligation d’offrir une activité complète de soins hospitaliers multisite » ou « de fournir à tout patient, sur simple demande, tout type de service hospitalier, dans un cadre multisite » (considérants 146 à 149 de la décision attaquée).

123    S’agissant de « l’obligation de prise en charge de tout patient en toute circonstance », la Commission se réfère, tout d’abord, à l’article 57, paragraphe 1, de la loi organique des CPAS, qui stipule que les CPAS ont « pour mission d’assurer aux personnes et aux familles l’aide due par la collectivité », y compris l’aide médicale (considérant 146 de la décision attaquée).

124    Il convient d’observer que, ainsi que l’indique à juste titre la requérante, s’agissant d’une obligation qui incombe aux CPAS, cette disposition ne peut pas être considérée, en elle-même, comme imposant une obligation spécifique aux hôpitaux IRIS.

125    Il ressort, néanmoins, de la décision attaquée que les missions prévues par l’article 57 de la loi organique des CPAS sont déléguées aux hôpitaux IRIS en vertu des conventions conclues avec les CPAS et des plans stratégiques IRIS (considérants 24, 25 et 146 de la décision attaquée).

126    S’agissant, en premier lieu, des conventions conclues avec les CPAS, la Commission a produit à titre d’exemple, dans sa lettre du 18 novembre 2011, la convention « domicile de secours bis » conclue entre onze CPAS bruxellois et les hôpitaux IRIS le 30 septembre 1998 (ci-après la « convention domicile de secours »), sur laquelle la requérante a pu émettre des observations dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure ainsi que lors de l’audience.

127    La requérante fait valoir que ladite convention n’instaure aucune obligation additionnelle à celles prévues par la LCH, mais organise essentiellement la prise en charge par les CPAS de soins délivrés aux patients indigents munis d’un réquisitoire. Elle estime qu’il ne saurait être soutenu que l’obligation de prise en charge de « tout patient en toute circonstance » puisse découler de simples conventions, en l’absence de toute disposition dans des actes législatifs applicables à l’activité hospitalière.

128    Il y a lieu de constater que ces arguments relatifs au contenu de la convention « domicile de secours » corroborent l’argumentation de la requérante tirée de l’existence de doutes quant à la présence d’un mandat définissant clairement les missions hospitalières spécifiques déléguées aux hôpitaux IRIS.

129    En effet, dans la décision attaquée, la Commission cite la clause de la convention en cause, selon laquelle les « hôpitaux publics assurent des missions sociales par la dispens[e] des soins à toute personne quels que soient notamment sa pathologie, ses niveaux de revenus, conditions d’assurance en soins de santé ou origines » (considérant 24 de la décision attaquée).

130    Or, ainsi qu’il ressort du texte de la convention « domicile de secours » produit par la Commission, ladite disposition, figurant dans le préambule de cette convention, est suivie de considérants précisant que la convention en cause « règle les relations entre les CPAS et les hôpitaux qui y sont parties dans le domaine des prises en charge des soins octroyés à certaines personnes dans ces hôpitaux ».

131    Il ressort des dispositions de la convention en cause que les hôpitaux s’engagent à accorder les soins, en priorité, aux personnes aidées par les CPAS et dont les traitements sont pris en charge par ces derniers. En effet, en vertu de l’article 1er de la convention, s’agissant des soins non urgents, « l’hôpital s’engage à […] prodiguer les soins […] en priorité en faveur des personnes aidées que les CPAS lui adressera et auxquelles celui-ci aura délivré, préalablement à cet effet, un engagement de prise en charge des frais (réquisitoire) », tandis que le CPAS « s’engage à honorer les factures incontestées de l’hôpital au plus tard dans les 60 jours ».

132    Dans sa lettre du 18 novembre 2011, la Commission indique que la convention en cause vise plus spécifiquement les soins accordés aux patients indigents, dits « à réquisitoire », et que l’obligation des hôpitaux publics IRIS de prendre en charge tout patient en toute circonstance concerne « notamment, mais pas uniquement » les interventions s’inscrivant dans le cadre de la convention en cause et dont les frais sont pris en charge par le CPAS.

133    À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort des considérants 24, 25 et 146 de la décision attaquée que la mission de service public, prévue à l’article 57 de la loi organique des CPAS, visant à accorder l’accès à l’aide médicale à toute personne, est déléguée aux hôpitaux IRIS en vertu de la convention conclue avec les CPAS. Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission aurait procédé à l’examen des dispositions matérielles de cette convention, visant les interventions fournies sur la base d’un réquisitoire et dont les frais sont pris en charge par les CPAS, avant de se prononcer sur l’existence et le contenu de la mission en cause.

134    Par ailleurs, les indications apportées par la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal ne concordent pas avec les appréciations formulées dans la décision attaquée.

135    Celle-ci constate que, au titre de la convention en cause, les hôpitaux IRIS ont assumé une mission de service public d’accès aux soins pour tous, visée à l’article 57 de la loi organique des CPAS (considérant 24 de la décision attaquée).

136    Or, il résulte des réponses de la Commission du 18 novembre 2011 que les dispositions de la convention en cause énoncent une obligation davantage circonscrite, visant à prodiguer les soins en faveur des personnes aidées par les CPAS, et dont les frais sont pris en charge par les CPAS.

137    En outre, dans ses réponses, la Commission indique que la mission de service public en cause concerne « notamment, mais pas uniquement » les interventions visées par la convention « domicile de secours », ce qui laisse entendre que cette convention ne régit pas toutes les obligations relevant de la mission en cause.

138    En deuxième lieu, s’agissant des plans stratégiques IRIS, lesquels, selon le considérant 25 de la décision attaquée, « organisent » la mission de service public en cause, il y a lieu d’observer qu’il s’agit de documents internes adoptés par l’association dans le cadre de sa compétence de gestion stratégique de l’activité du réseau hospitalier IRIS.

139    Dans la décision attaquée, la Commission se réfère à la disposition du plan stratégique IRIS 2002-2006 selon laquelle « les hôpitaux publics ont pour vocation d’accueillir et de dispenser des soins à tous les patients quelles que soient leurs origines, leurs conditions, leur culture, leurs convictions et leurs pathologies » (considérant 25 de la décision attaquée).

140    Il ressort de la partie du plan stratégique en cause, produite par la Commission dans sa lettre du 18 novembre 2011 en réponse à la question du Tribunal l’invitant à préciser le contenu de l’obligation des hôpitaux IRIS de prendre « en charge tout patient en toute circonstance », que la disposition pertinente est tirée de la partie introductive de l’intitulé « L’éthique » dudit plan. Cette partie prévoit, en substance, l’instauration d’un « comité éthique » dans chaque hôpital IRIS et organise le fonctionnement de cet organe. Or, à part ces éléments, la Commission n’invoque pas d’autres dispositions du plan stratégique IRIS susceptibles de constituer le mandat de service public en cause.

141    Par ailleurs, dans ses appréciations selon lesquelles l’obligation de service public en cause découle à la fois de la convention « domicile de secours » et du plan stratégique IRIS (considérants 24, 25 et 146 de la décision attaquée), la Commission omet de tenir compte du fait que ces actes officiels se distinguent quant à leur portée.

142    Ainsi que l’indique à juste titre la requérante, il s’agit, d’une part, d’un acte conventionnel conclu avec les entités choisies par les CPAS et, d’autre part, d’un document stratégique adopté tous les cinq ans dans le cadre de la gestion interne de l’association IRIS.

143    À cet égard, la convention domicile de secours, tout en prévoyant la délégation de la mission de service public prévue à l’article 57 de la loi organique des CPAS, établit un système auquel la participation est potentiellement ouverte aux entités privées. En effet, dans sa lettre du 18 novembre 2011, la Commission a fait valoir que la conclusion des conventions en cause n’était pas réservée aux hôpitaux publics IRIS, mais pouvait être étendue aux hôpitaux privés.

144    En revanche, il résulte des précisions apportées par la Commission au cours de l’instance que le régime juridique, sur la base duquel les plans stratégiques sont adoptés et rendus applicables aux hôpitaux publics IRIS, s’applique à ces seuls hôpitaux, à l’exclusion de tous les autres hôpitaux publics et privés en Belgique. En outre, au considérant 146 de la décision attaquée, la Commission indique que l’obligation de soigner tout patient en toute circonstance tient à la nature même du service public de santé et est spécifique aux hôpitaux publics.

145    En dernier lieu, il convient d’observer que l’argument de la requérante, tiré du manque de clarté des missions spécifiques hospitalières retenues dans la décision attaquée, est conforté par son indication portant sur l’économie du système instauré en vertu de la LCH, dans lequel les hôpitaux publics et privés sont financés selon des règles identiques dans le cadre du BMF.

146    En effet, la Commission indique elle-même que le système de financement fondé sur l’établissement du BMF inclut le financement spécifiquement applicable à tout hôpital public ou privé, visant à couvrir les coûts spécifiques générés par l’hôpital ayant un profil de patients très faible sur le plan socio-économique (considérants 38 à 40 de la décision attaquée).

147    Elle relève notamment que l’obligation de service public consistant en la prise en charge de tout patient en toutes circonstances concerne les soins de santé visés par la LCH et qu’elle est couverte par la partie B8 du BMF. Elle indique également que le financement prévu par la partie B8 en cause est ouvert à tout hôpital relevant de la LCH, qu’il soit public ou privé (considérant 48 et note en bas de page no 63 de la décision attaquée).

148    À cet égard, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, la Commission aurait dû s’interroger sur le fait de savoir si l’existence de cette couverture spécifique destinée à compenser la charge pesant sur les hôpitaux traitant les patients sociaux, qui est applicable indistinctement à tous les hôpitaux soumis à la LCH, n’infirme pas la thèse selon laquelle seuls les hôpitaux IRIS sont chargés d’une mission de service public consistant à rendre les soins accessibles à tous les patients, y compris les patients sociaux.

149    La pertinence de cet élément n’est pas valablement remise en cause par l’argument des communes bruxelloises intervenantes (point 47 ci-dessus) qui soutiennent, dans leur mémoire en intervention, que, à la différence des autres hôpitaux belges, les hôpitaux IRIS sont tenus d’accorder l’aide médicale dans le respect strict des convictions idéologiques, philosophiques et religieuses des patients et obligatoirement dans et hors les cas d’urgence, même aux patients indigents.

150    En effet, il convient d’observer que, ainsi que l’indique à juste titre la requérante, compte tenu du principe de non-discrimination, relevant tant du droit belge que de l’ordre juridique de l’Union, il ne saurait être soutenu que les hôpitaux privés bruxellois peuvent légalement sélectionner les patients selon leurs convictions idéologiques, philosophiques, religieuses ou leur situation d’indigence.

151    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les arguments de la requérante témoignent de la présence de doutes sérieux quant à l’existence d’une obligation de service public clairement définie, spécifique aux hôpitaux IRIS, consistant en la prise en charge de tout patient en toute circonstance.

152    S’agissant de l’obligation de « fournir une offre complète et continuelle de soins multisite », la requérante soutient, en substance, que la Commission omet de préciser le contenu exact de cette obligation. Elle indique que tous les hôpitaux sont soumis à des conditions de programmation et de fonctionnement résultant de la LCH et des actes dérivés.

153    Il y a lieu de relever, à cet égard, que, s’agissant du contenu de l’obligation en cause, la Commission se limite à faire référence à la disposition des plans stratégiques IRIS selon laquelle les hôpitaux publics IRIS « s’engagent à organiser la prise en charge des patients et à garantir toutes les possibilités de soins qu’ils requièrent » (considérant 25 de la décision attaquée).

154    Ainsi que le soutient à juste titre la requérante, cette seule citation, reprise dans la décision attaquée, ne permet pas de constater que la Commission a effectué un examen suffisant des obligations relatives à la mission de service public en cause.

155    Certes, la Commission explique, pour la première fois dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal du 18 novembre 2011, que la mission spécifique en cause consiste en une mission de médecine de proximité et que les plans stratégiques IRIS contiennent des dispositions concernant le maintien d’une activité d’hospitalisation décentralisée et d’une large couverture ambulatoire, afin que les patients, en particulier les patients âgés, puissent recevoir des soins hospitaliers à une distance raisonnable de leur domicile.

156    Toutefois, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission aurait examiné le contenu de la mission ainsi définie.

157    Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a fait valoir que les besoins de la médecine de proximité, dans le cadre des activités de l’association IRIS, devaient être relativisés en l’espèce, dès lors que le territoire de la ville de Bruxelles compterait déjà 38 sites hospitaliers publics et privés.

158    Il y a lieu d’observer, à cet égard, qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission aurait examiné dans quelle mesure les besoins de la médecine de proximité avaient conduit à imposer aux hôpitaux IRIS des obligations de service public additionnelles par rapport à celles résultant de la LCH pour tous les hôpitaux bruxellois.

159    Or, la Commission aurait dû procéder à l’examen de ces obligations additionnelles, notamment en les comparant avec les exigences de programmation et de fonctionnement applicables à tous les hôpitaux soumis à la LCH, avant de se prononcer sur l’existence d’une mission de service public en cause, spécifique aux hôpitaux IRIS.

160    Enfin, lors de l’audience, la Commission et la République française ont soutenu que, en tout état de cause, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité des mesures en question, il n’était pas nécessaire d’établir que les hôpitaux IRIS étaient effectivement chargés de missions de service public « spécifiques », complémentaires par rapport à celles résultant de la LCH. Selon elles, le fait que les hôpitaux IRIS sont chargés de missions de service public, qu’elles soient exclusives ou non, est suffisant pour conclure à l’existence d’un mandat de SIEG clairement défini.

161    Il y a lieu de relever que, certes, même à supposer que les missions de service public « spécifiques » des hôpitaux IRIS, examinées aux considérants 146 à 149 de la décision attaquée, recoupent les missions hospitalières « générales » qui leur sont dévolues en vertu de la LCH, ce fait ne met pas nécessairement en cause l’existence d’un mandat de SIEG en l’espèce.

162    En effet, il n’est pas exclu que les mesures de financement spécifiques applicables aux hôpitaux IRIS soient justifiées par d’autres considérations que celles liées à l’existence de leurs obligations additionnelles. Notamment, ainsi que l’indique la Commission, bien qu’à titre accessoire, au considérant 177 de la décision attaquée, la compensation des déficits des hôpitaux publics peut s’avérer nécessaire pour des raisons d’ordres sanitaire et social en vue d’assurer la continuité et la viabilité du système hospitalier.

163    Il n’en reste pas moins que l’approche adoptée par la Commission dans la décision attaquée repose clairement sur le constat selon lequel les mesures d’aide examinées sont justifiées par l’existence d’obligations de service public complémentaires imposées aux hôpitaux IRIS dans le cadre de missions de service public « spécifiques ». 

164    Dans le cadre du contrôle de la légalité de cette décision il convient donc d’examiner les appréciations de la Commission relatives à ce constat, contestées par la requérante, afin de vérifier si elles témoignent de l’existence de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur. En effet, le Tribunal ne saurait empiéter sur les compétences de la Commission en jugeant que l’appréciation de celle-ci aurait été la même si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen (arrêt de la Cour du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher‑Fleisch e.a., C‑47/10 P, Rec. p. I‑10707, point 109).

165    Il convient de rappeler également que l’approche suivie par la Commission tient compte du fait que, dans le cadre du système examiné, les obligations de service public hospitalier sont dévolues à tous les opérateurs du marché, publics et privés. Or, les mesures examinées dans la décision attaquée sont, selon la Commission, spécifiques aux hôpitaux IRIS, à la différence de tous les autres hôpitaux publics et privés belges.

166    Dans ces conditions, s’agissant du mandat dévolu à certaines entités publiques sélectionnées, il importe davantage de distinguer les particularités de leur mandat en mettant en évidence les différences qui existent quant à l’étendue des obligations spécifiques justifiant les mesures de financement s’ajoutant à celles applicables à l’ensemble des autres entités chargées d’un service public dans le même domaine.

167    Dès lors, il y a lieu d’écarter la thèse de la Commission et de la République française selon laquelle l’argumentation de la requérante contestant les missions hospitalières « spécifiques » des hôpitaux IRIS est inopérante, en ce qu’il n’aurait pas été nécessaire en l’espèce d’établir que les hôpitaux IRIS étaient effectivement chargés de telles missions « spécifiques ».

168    À la lumière de toutes ces considérations, il y a lieu de constater que les arguments présentés par la requérante à l’égard des appréciations portées dans la décision attaquée révèlent un certain nombre d’indices témoignant de la présence de doutes sérieux quant à l’existence d’un mandat de service public clairement défini, relatif aux missions hospitalières « spécifiques » des hôpitaux IRIS.

169    Il ressort, en outre, de la décision attaquée et des éléments produits dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure que la Commission n’a pas examiné de manière approfondie le contenu des actes officiels relatifs aux missions de service public en cause.

170    Or, le fait que la Commission n’a pas été en mesure, dans le cadre de l’examen préliminaire, d’effectuer une appréciation complète et cohérente des éléments pertinents constitue également un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

–       Sur le mandat relatif aux missions non hospitalières des hôpitaux IRIS

171    Parmi les missions non hospitalières spécifiques aux hôpitaux IRIS, la Commission distingue entre, d’une part, les missions sociales déléguées par les CPAS (considérants 49 à 52 et 151 à 155 de la décision attaquée) et, d’autre part, les « autres » missions, lesquelles se limitent aux obligations découlant du régime de bilinguisme (considérants 59 à 62 et 156).

172    La requérante soutient que ces différentes missions ne sont pas clairement définies dans les actes visés par la décision attaquée et que, en tout état de cause, les missions sociales répertoriées dans les rapports du réseau IRIS coïncident avec celles incombant aux hôpitaux privés.

173    S’agissant, d’une part, des obligations tenant au bilinguisme, il y a lieu de relever que leur importance, dans le cadre des mesures d’aide faisant l’objet de la décision attaquée, est limitée au vu du fait qu’elles ne bénéficient pas d’un financement spécifique et sont examinées par la Commission uniquement en ce qu’elles sont indissolublement liées aux autres activités subventionnées (considérants 112 et 181 de la décision attaquée).

174    S’agissant, d’autre part, des missions sociales, il ressort de la décision attaquée que les hôpitaux IRIS sont chargés de missions déléguées par les CPAS, définies par l’article 57 de la loi organique des CPAS, par l’ordonnance du 13 février 2003, ainsi que par des conventions (considérant 151 de la décision attaquée).

175    La Commission constate que le contenu des missions en cause est lié au fonctionnement du « service social [qui] consiste à assister les patients et leur famille pour résoudre et gérer des problèmes et des difficultés administratives, financières, relationnelles et sociales liées à l’état de maladie, au séjour et au traitement à l’hôpital, ainsi qu’aux nouvelles perspectives et situations » et s’articule « autour d’une aide administrative, d’un accompagnement psychosocial, d’un rôle d’information, de prévention, de sensibilisation, de collaboration et de coordination » (considérants 52 et 180 de la décision attaquée).

176    Elle indique, en outre, qu’il s’agit d’activités non hospitalières, visant à accorder aux patients et à leurs proches, selon leurs besoins, une aide sociomatérielle, socio-administrative ou psychosociale en complément de l’aide médicale des hôpitaux IRIS et que ces missions consistent à fournir une aide sociale individuelle accompagnant l’aide médicale en faveur des patients (considérants 111 et 152 de la décision attaquée).

177    À cet égard, premièrement, il y a lieu d’observer que, ainsi que l’indique à juste titre la requérante, l’article 57 de la loi organique des CPAS ne constitue pas une base juridique suffisante pour la mission de service public en cause, s’agissant d’une disposition légale qui s’adresse uniquement aux CPAS.

178    Deuxièmement, concernant l’ordonnance du 13 février 2003, la requérante argue que celle-ci ne définit pas clairement les missions de service public visées.

179    Il convient de relever, à cet égard, que ladite ordonnance, produite par les parties, prévoit des subventions spéciales annuelles en faveur des communes, destinées à la « réalisation de tâches d’intérêt communal », mais, ainsi que le soulève à juste titre la requérante, ne contient aucune précision quant à la nature des tâches d’intérêt communal concernées.

180    Troisièmement, quant aux conventions conclues dans le cadre des missions sociales, la requérante fait valoir que la Commission omet de citer les dispositions concrètes précisant ces missions.

181    À cet égard, s’agissant de conventions conclues entre la Région Bruxelles-Capitale et les communes dans le cadre de la subvention au titre des missions sociales (considérants 57 et 180 de la décision attaquée), la Commission a joint, à sa lettre du 18 novembre 2011, la convention type conclue entre le FRBRTC, la Région Bruxelles-Capitale, la commune de Bruxelles et le CPAS concerné. L’article 1er, sous b), et l’article 4 de cette convention prévoient qu’un prêt est accordé à la commune concernée « au titre d’intervention dans le volet social de l’hôpital », mais la convention ne précise pas le contenu concret de ce « volet social ».

182    S’agissant des conventions conclues entre les CPAS et les hôpitaux IRIS (considérant 153 de la décision attaquée), la Commission fait valoir, dans son mémoire en défense, que celles-ci imposent aux hôpitaux IRIS de réaliser des tâches à la place des CPAS, à savoir de procéder à des enquêtes sociales et de rechercher des documents probants.

183    Invitée à produire les conventions en cause, la Commission a indiqué, dans sa lettre du 18 novembre 2011, qu’il s’agissait de la convention « domicile de secours », laquelle organisait également les missions hospitalières des hôpitaux IRIS (voir point 126 ci-dessus).

184    Dans son mémoire en défense et lors de l’audience, la Commission a fait référence à l’article 3 de ladite convention, lequel prévoit :

« L’hôpital peut […] recouvrer les frais résultant de soins prodigués auprès du CPAS de la commune où une personne étant inscrite dans les registres de la population, des étrangers ou d’attente, lorsque cette personne […] est admise ou soignée en urgence […] et est reconnue en état d’indigence par le CPAS ; l’hôpital rassemble, dans la mesure du possible, les premiers éléments constitutifs à l’enquête sociale et les transmet au CPAS […] La déclaration d’inscription dans un des registres susdits fera l’objet d’une vérification par l’hôpital en utilisant les moyens à sa disposition. »

185    En outre, selon les indications de la Commission apportées au cours de l’instance, la réalisation de cette tâche, consistant en un rassemblement des premiers éléments requis pour établir un réquisitoire par le CPAS, correspond à la plus grande partie des coûts encourus en raison des missions sociales.

186    Or, il convient de relever que, pour ce qui est du contenu des missions sociales en cause, ces indications ne concordent pas entièrement avec les appréciations retenues dans la décision attaquée, lesquelles ne se réfèrent pas à l’obligation de rassembler des éléments requis pour établir un réquisitoire par le CPAS, mais analysent le fonctionnement du service social de l’hôpital qui s’articule notamment « autour d’un accompagnement psychosocial, d’un rôle d’information, de prévention, de sensibilisation, de collaboration et de coordination » et qui vise à « assister les patients et leur famille pour résoudre et gérer des problèmes et des difficultés administratives, financières, relationnelles et sociales liées à l’état de maladie, au séjour et au traitement à l’hôpital, ainsi qu’aux nouvelles perspectives et situations » (voir points 175 et 176 ci-dessus).

187    Eu égard à ces considérations, il convient de constater que, concernant les missions de service public non hospitalières des hôpitaux IRIS, la requérante a présenté un nombre d’indices de nature à établir l’existence de doutes quant à la compatibilité des mesures examinées avec le critère tenant à l’existence d’une mission de service public ayant une nature et un contenu clairement définis.

188    En outre, ces doutes n’ont pas été dissipés par les précisions apportées par la Commission au cours de l’instance.

 Sur l’existence des paramètres de la compensation préalablement établis

189    Selon le deuxième critère de l’arrêt Altmark, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de manière objective et transparente, afin d’éviter que cette compensation ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes.

190    De même, en vertu de l’article 4, sous d), de la décision 2005/842, les actes officiels confiant la gestion du SIEG doivent indiquer « les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation ».

191    L’État membre dispose d’une large marge d’appréciation non seulement quant à la définition d’une mission de SIEG, mais également concernant la détermination de la compensation des coûts liés aux SIEG. En particulier, rien n’interdit au législateur national de laisser aux autorités nationales une certaine marge d’appréciation pour déterminer la compensation des coûts occasionnés par l’exécution d’une mission de SIEG. Les paramètres en cause doivent néanmoins être précisés de façon à exclure tout recours abusif de l’État membre à la notion de SIEG (arrêt BUPA e.a./Commission, précité, point 214).

192    Ainsi, le critère en cause laisse les États membres libres du choix des modalités pratiques pour assurer son respect, pour autant que les modalités de fixation de la compensation restent objectives et transparentes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2008, TV 2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec. p. II‑2935, points 227 et 228). L’appréciation de la Commission à cet effet doit s’appuyer sur une analyse des conditions juridiques et économiques concrètes au regard desquelles le montant de la compensation est déterminé (voir, en ce sens, arrêt TV 2/Danmark e.a./Commission, précité, point 230).

193    En l’espèce, les mesures examinées dans le cadre de la décision attaquée, résumées dans son considérant 102, comprennent tant les compensations accordées à tous les hôpitaux en vertu du régime prévu par la LCH fondé sur l’établissement du BMF, non contestées par la requérante, que les instruments applicables aux seuls hôpitaux IRIS, s’agissant, premièrement, des mesures de financement des missions hospitalières spécifiques des hôpitaux IRIS, deuxièmement, de l’aide à la restructuration de 1995 et, troisièmement, des mesures de financement des missions sociales des hôpitaux IRIS.

–       Sur le financement des missions hospitalières

194    Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, le financement des missions hospitalières spécifiques aux hôpitaux IRIS comporte, d’une part, la compensation des déficits des activités hospitalières, fondée sur l’article 109 de la LCH et, d’autre part, le mécanisme mis en place au niveau régional par le biais du FRBRTC afin d’avancer temporairement les montants nécessaires pour combler les déficits (considérants 43 à 48 et 188 de la décision attaquée).

195    S’agissant, en premier lieu, de l’article 109 de la LCH, il ressort de la décision attaquée que cette disposition institue un financement supplémentaire au bénéfice des seuls hôpitaux publics, tenant compte du principe de la prise en charge des déficits des hôpitaux publics par les communes, existant en droit belge depuis 1973. Cette couverture est conditionnée à la détermination du montant du déficit par le ministre compétent, à l’exception du déficit des « activités qui ne relèvent pas de l’hôpital », les éléments pris en considération étant précisés dans un arrêté royal (considérants 43 à 45 et 177 de la décision attaquée).

196    Il convient d’observer que les arguments de la requérante ne concernent pas cette mesure de compensation, applicable à tous les hôpitaux publics belges, en tant que telle.

197    En effet, il ressort du dossier que, dans le cadre de sa plainte, la requérante a exclusivement critiqué la prétendue surcompensation des coûts de service public par le biais du FRBRTC. Dans la lettre à la Commission du 21 décembre 2006, jointe à la requête, elle a indiqué ne pas contester « l’intervention des communes dans le déficit des hôpitaux publics, basée sur l’article 109 de la loi sur les hôpitaux », en précisant que l’objet de la plainte concernait « le financement octroyé par la Région […] au bénéfice des seuls hôpitaux [IRIS] ».

198    Lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle ne contestait pas la couverture de déficit des hôpitaux publics par les communes prévue à l’article 109 de la LCH, en tant que telle, mais uniquement dans la mesure où elle se rattachait à des supposées missions spécifiques des hôpitaux IRIS.

199    En tout état de cause, il y a lieu d’observer que la décision attaquée contient de nombreuses indications, qui ne sont pas mises en cause par la requérante, relatives aux paramètres préalables de la compensation prévue à l’article 109 de la LCH.

200    En effet, il ressort du considérant 177 de la décision attaquée que la compensation en cause, régie par l’article 109 de la LCH et l’arrêté royal portant sur les mesures d’implémentation, s’applique uniquement aux déficits liés aux activités hospitalières, approuvés par le ministre compétent, les critères et la procédure régissant la détermination de ces déficits étant d’ailleurs clairement établis par la réglementation. Il résulte des modalités du calcul de ce déficit que la compensation est limitée aux coûts effectivement encourus dans le cadre du service public hospitalier, non compensés par d’autres mesures.

201    Dans la mesure où la requérante conteste le lien entre la compensation en cause et les missions de service public spécifiques des hôpitaux IRIS, il convient d’observer que l’article 109 de la LCH se réfère à la couverture du déficit des hôpitaux gérés par les CPAS, les associations visées à l’article 118 de la loi organique des CPAS et les associations intercommunales comprenant un ou plusieurs CPAS ou communes.

202    Ainsi que l’indique à juste titre la Commission, un lien avec la réalisation des missions de service public résultant de la loi organique des CPAS est donc inhérent à l’économie de cette disposition.

203    S’agissant de l’absence de séparation claire entre les coûts compensés dans le cadre du BMF et ceux pouvant être couverts en application de l’article 109 de la LCH, critiquée par la requérante, il y a lieu d’observer que la Commission indique, elle-même, que cette disposition permet de couvrir les coûts supportés par les hôpitaux IRIS résultant des missions qui sont également financées dans le cadre du BMF, et en particulier sa sous-partie B8, relative aux patients sociaux. Dans la mesure où les surcoûts engendrés par ces obligations ne sont pas compensés par le BMF et contribuent aux déficits hospitaliers des hôpitaux IRIS, ceux-ci sont en partie pris en charge par les pouvoirs publics sur la base de l’article 109 de la LCH (considérant 48 de la décision attaquée).

204    Contrairement à ce que prétend la requérante, cette particularité ne met pas nécessairement en cause la transparence des paramètres de compensation.

205    En effet, la requérante ne conteste pas le fait que l’article 109 de la LCH couvre exclusivement les coûts du service public hospitalier. Elle n’avance pas d’arguments indiquant que l’application de cette disposition permettrait d’inclure des coûts qui ne seraient pas liés aux missions de service public.

206    À cet égard, bien que le mécanisme de financement en cause englobe tant les déficits susceptibles d’être couverts dans le cadre du BMF que les coûts complémentaires non couverts par le BMF, il n’est pas contesté que, dans son ensemble, l’article 109 de la LCH vise à compenser les coûts de la prestation du service public, de sorte à exclure tout recours abusif à la notion du SIEG.

207    Il convient ainsi de constater que la requérante n’avance pas d’arguments susceptibles de remettre en cause les appréciations de la Commission relatives à l’obligation de couverture du déficit des hôpitaux publics résultant de l’article 109 de la LCH.

208    S’agissant, en second lieu, des fonds accordés aux seuls hôpitaux IRIS par le biais du FRBRTC, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les sommes versées par le biais du FRBRTC ne constituent que des avances remboursables sur des sommes dues aux hôpitaux publics en vertu de l’article 109 de la LCH, l’intervention du FRBRTC constituant ainsi une « opération nulle ». Elle soutient que, à cause du manque de transparence dans le fonctionnement du FRBRTC, il ne peut être établi dans quelle mesure ces paiements couvrent les déficits des hôpitaux au sens de l’article 109 de la LCH et que l’obligation de rembourser les avances n’est pas prévue dans les actes officiels.

209    Il convient d’observer que, ainsi que le fait valoir à juste titre la requérante, la décision attaquée tend à confondre le mécanisme en cause, visant le versement des fonds par le FRBRTC, avec celui prévu à l’article 109 de la LCH.

210    Selon la décision attaquée, le mécanisme des avances accordées par le biais du FRBRTC sert à satisfaire à l’obligation imposée aux autorités locales par l’article 109 de la LCH (considérant 47), cette disposition constituant donc également la base juridique pour le mécanisme d’avances (considérant 188).

211    Ainsi, la décision attaquée ne contient pas une appréciation distincte des paramètres préalables de la compensation relatifs au mécanisme d’avances accordées par le FRBRTC, mais se limite à analyser les paramètres de compensation relatifs à l’article 109 de la LCH (considérants 175 et suivants).

212    Interrogée à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué, dans sa lettre du 18 novembre 2011, que l’article 109 de la LCH et le mécanisme des avances du FRBRTC « se superposent et font l’objet d’une application corrélée », s’agissant donc « en substance du même mécanisme de compensation ».

213    Or, il y a lieu de relever que le mécanisme de financement par le biais du FRBRTC est susceptible d’être qualifié de mesure d’aide distincte de celle consistant à couvrir le déficit en vertu de l’article 109 de la LCH.

214    En effet, même à admettre qu’il s’agisse de compensations qui servent à combler uniquement le retard considérable dans les paiements prévus en vertu de l’article 109 de la LCH et qui doivent être restituées par la suite (considérant 188 de la décision attaquée), il ne saurait être exclu qu’elles confèrent un avantage aux hôpitaux, quoique temporaire, et, à ce titre, peuvent être qualifiées de mesures de compensation distinctes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑140/09, Rec. p. I‑5243, point 45).

215    Dès lors, dans la mesure où la Commission a omis de porter une appréciation distincte des paramètres de financement relatifs au mécanisme tenant au FRBRTC, il convient de constater qu’elle a opéré un examen incomplet de la mesure d’aide concernée.

216    À cet égard, la Commission soutient, à tort, dans sa lettre du 18 novembre 2011, que lesdits paramètres « ont une importance très secondaire dans l’analyse, car, en substance, ils concernent le financement des communes et non des hôpitaux ».

217    Cette thèse est contredite par le considérant 188 de la décision attaquée selon lequel les fonds accordés aux communes par la Région Bruxelles-Capitale, par le biais du FRBRTC, sont destinés à compenser le déficit des hôpitaux IRIS et sont versés à ces derniers.

218    En outre, les dispositions de la convention conclue entre le FRBRTC et les communes en vue d’organiser les compensations en cause, jointe à la lettre de la Commission du 18 novembre 2011, prévoient que « les fonds mis à disposition [de] la commune seront versés à l’hôpital dans un délai [maximal de] 7 jours ouvrables » (article 4).

219    Il résulte de ces considérations que, s’agissant du financement spécifique des hôpitaux IRIS à travers le FRBRTC, les arguments de la requérante témoignent de l’existence de doutes quant à la compatibilité des mesures examinées avec le critère tenant aux paramètres préalables de compensation.

–       Sur l’aide à la restructuration de 1995

220    Dans la décision attaquée, la Commission a examiné la mise en créance irrécouvrable, décidée en juin 1996, d’un prêt d’environ 100 millions d’euros, accordé par le FRBRTC aux communes bruxelloises concernées, afin que celles-ci « résorbent au 31 [décembre] 1995 le passif de liquidation des hôpitaux ». La mise en créance irrécouvrable a été confirmée par le gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale en 1999, après qu’il a été constaté que les communes respectaient leurs plans financiers (notamment considérants 65 à 68 et 178 à 200 de la décision attaquée).

221    La Commission indique, dans son mémoire en défense, qu’il s’agissait de prendre en charge des sommes dues par les communes aux hôpitaux IRIS au titre de déficits accumulés entre 1989 et 1993.

222    La requérante ne conteste pas cette dernière considération, mais soutient, en substance, que le prêt irrécouvrable en cause démontre que les avances payées par le FRBRTC ne sont pas remboursables, que les sommes avancées n’ont pas un lien clair avec le déficit au sens de l’article 109 de la LCH et que, dès lors, une surcompensation ne peut pas être exclue. Elle critique un manque de transparence du fonctionnement du FRBRTC.

223    Il convient d’observer que le prêt en cause est, dans l’appréciation portée par la décision attaquée, clairement distingué des autres mesures examinées, destinées à compenser les coûts du SIEG encourus pendant les périodes postérieures à la restructuration de 1995.

224    La Commission indique que la restructuration des hôpitaux publics bruxellois, intervenue le 31 décembre 1995, prévoyait la liquidation des anciens hôpitaux et le transfert d’activités vers des structures nouvelles juridiques propres, juridiquement et financièrement autonomes (considérant 14 de la décision attaquée).

225    Ainsi, l’aide à la restructuration est examinée par la Commission, « pour autant que cette aide […] peut être analysée comme bénéficiant à des entités juridiques nouvelles, succédant aux anciens hôpitaux qui relevaient des CPAS, qui ont été les bénéficiaires directs de ladite aide » (considérant 124 et note en bas de page no 128 de la décision attaquée).

226    Selon la Commission, l’aide en cause concerne l’apurement d’un déficit des activités hospitalières, en application de l’article 109 de la LCH, pour la période allant de 1989 à la date de la restructuration. Ainsi, elle concerne des missions de service public hospitalières réalisées avant 1996 par les hôpitaux publics des CPAS. En outre, elle a été accordée sur la base de dispositions législatives datant de 1994 et de 1995 conférant, à partir de cette date, un droit irrévocable au financement, et n’a bénéficié aux hôpitaux IRIS que de manière indirecte, car ces hôpitaux n’avaient pas, à l’époque, de personnalité juridique propre (considérant 178).

227    La requérante ne fait pas valoir d’arguments susceptibles de mettre en cause la compatibilité des mesures visées par ces appréciations.

228    Par ailleurs, tout en arguant d’un manque de transparence dans le fonctionnement du FRBRTC, la requérante omet d’expliquer en quoi les conditions du prêt en cause, octroyé dans le cadre des opérations de restructuration de 1995 et visant à couvrir les dettes accumulées par les hôpitaux publics entre 1989 et 1993, peuvent venir au soutien de son argument relatif au manque de transparence quant aux autres fonds accordés par le FRBRTC.

229    Or, il est constant que ces autres fonds concernent une période différente, postérieure à 1995, et ont été octroyés dans un contexte juridique distinct résultant de la réforme de 1995.

230    Dès lors, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante, relatifs aux conditions du prêt lié à la restructuration de 1995.

–       Sur le financement des missions sociales

231    S’agissant du financement des missions sociales des hôpitaux IRIS, la Commission relève que les coûts de ces missions sont compensés par une subvention spéciale, en vertu de l’ordonnance du 13 février 2003. Elle précise qu’il s’agit d’une mesure dont le budget annuel, de 10 millions d’euros pour les périodes sous examen, a été adopté chaque année par le parlement de la Région Bruxelles-Capitale et qui pouvait donc être régulièrement revu par les autorités publiques (considérants 53 à 58 de la décision attaquée).

232    La requérante argue de l’absence de paramètres préalables de compensation pour des missions sociales, en contestant en substance le lien entre la subvention en cause et le coût de la réalisation de ces missions. Elle soutient que les conventions conclues dans le cadre de la subvention sont trop abstraites, leurs défauts étant relevés dans les avis de l’inspection des finances du ministère de la Région Bruxelles-Capitale indiquant que la convention type ne contient aucune mention des tâches pour lesquelles la subvention est octroyée et, ainsi, qu’aucun contrôle de l’usage de celle-ci n’est possible.

233    Il convient d’observer que les avis de l’inspection des finances invoqués par la requérante, obtenus au cours du mois d’août 2010, ne font pas partie des éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité de l’aide en cause. De ce fait, ils ne sauraient être pris en compte pour contrôler la légalité de la décision attaquée (voir arrêt Nuova Agricast, précité, points 54 à 60, et la jurisprudence citée).

234    S’agissant des critiques de la requérante relatives aux conditions d’octroi de la subvention prévue par l’ordonnance du 13 février 2003, il convient d’observer qu’il ressort de ladite ordonnance que le gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale peut accorder, chaque année, une ou plusieurs subventions spéciales en faveur des communes, destinées à la réalisation des tâches d’intérêt communal (article 2).

235    Le gouvernement arrête, d’une part, la procédure d’instruction des demandes d’octroi, la liste des documents à fournir, les modalités de la liquidation des subventions et les modalités de leur remboursement en cas de non-réalisation des missions et, d’autre part, le montant des subventions, lesquelles seront « égales à, au moins cinquante pour cent et, au plus à cent pour cent, du coût de la réalisation des tâches et des missions [d’intérêt communal] » (article 3 de la même ordonnance). La conclusion d’une convention est, en outre, prévue entre la Région Bruxelles-Capitale et la commune bénéficiaire afin de déterminer leurs engagements respectifs (article 4).

236    Par ailleurs, la Commission indique que le système de financement en cause est appliqué par la convention conclue avec les communes concernées qui prévoit que la subvention est accordée « au titre des missions sociales des hôpitaux publics », et que les missions sociales subventionnées concernent des activités « dont le contenu est déterminé par avance et détaillé dans les plans stratégiques IRIS », les paramètres de coûts étant également déterminables par avance (considérants 57 et 180 de la décision attaquée).

237    À cet égard, la convention conclue entre la Région Bruxelles-Capitale et une des communes concernées, jointe par les communes bruxelloises intervenantes (point 47 ci-dessus) à leur mémoire en intervention, prévoit le versement d’une subvention spéciale, conformément à l’ordonnance du 13 février 2003, afin de remplir une mission d’intérêt communal, intitulée « Intervention de la commune dans les missions sociales des hôpitaux publics bruxellois » (article 1er). Cette subvention doit être versée intégralement et dans un délai de quinze jours à l’hôpital IRIS concerné (article 2 de la convention).

238    En outre, l’article 1er, sous b), de la convention conclue entre le FRBRTC et les communes concernées, produite par la Commission à la demande du Tribunal et jointe à la lettre du 18 novembre 2011, prévoit que le FRBRTC « s’engage à contribuer à l’équilibre général des finances de la Commune par l’octroi d’un prêt lui permettant […] de participer au financement du volet social résultant du plan financier et de la restructuration [de l’hôpital IRIS concerné] ».

239    Il y a lieu de relever que ces actes produits par la Commission et par les intervenants au cours de l’instance n’explicitent pas les modalités financières relatives à la subvention en cause et, dès lors, ne sont pas susceptibles de contredire l’argumentation de la requérante relative à l’application du critère tiré des paramètres préalables de la compensation.

240    Il convient de rappeler également que l’article 3 de l’ordonnance du 13 février 2003 prévoit notamment l’adoption des modalités de l’octroi des subventions, de leur liquidation et de leur remboursement en cas de non-réalisation des missions (point 235 ci-dessus).

241    Or, la décision attaquée ne contient pas d’analyse de ces modalités, mais se borne à citer l’article 3, paragraphe 2, de la même ordonnance, selon lequel les subventions sont « égales à, au moins cinquante pour cent et, au plus à cent pour cent, du coût de la réalisation des tâches et des missions [d’intérêt communal] ».

242    Par ailleurs, il convient d’observer qu’il ne ressort ni des motifs de la décision attaquée ni des éléments produits par la Commission au cours de l’instance que celle-ci aurait examiné le contenu des missions sociales concernées par la subvention spéciale en cause, avant de constater que le montant de la compensation était déterminé selon des modalités objectives et transparentes.

243    En effet, les actes régissant cette subvention, à savoir l’ordonnance du 13 février 2003 et les conventions précitées, se limitent à faire référence au « volet social » ou aux « missions sociales », sans préciser le contenu exact de ces termes, et ne se réfèrent pas clairement au fonctionnement du service social visant à accorder aux patients et à leurs proches une aide administrative ou psychologique en complément de l’aide médicale (voir points 175 et 176 ci-dessus).

244    Dès lors, la requérante soutient, à juste titre, que la Commission aurait dû entretenir des doutes quant à la compatibilité de la mesure de compensation visée par la convention conclue entre le FRBRTC et les communes concernées, relative aux missions sociales des hôpitaux IRIS, au regard du critère tenant à l’existence de paramètres préalables de la compensation.

 Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation ainsi que sur l’absence de surcompensation

245    En vertu de l’article 4, sous e), de la décision 2005/842, les actes officiels confiant la gestion du SIEG à l’entreprise concernée doivent indiquer « les modalités de remboursement des éventuelles surcompensations et les moyens d’éviter ces surcompensations ».

246    L’article 5 de la décision 2005/842, concernant le montant de la compensation, prévoit, notamment ce qui suit :

« 1. Le montant de la compensation n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, compte tenu des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable sur les capitaux propres nécessaires pour l’exécution de ces obligations. La compensation doit être effectivement utilisée pour assurer le fonctionnement du service d’intérêt économique général concerné, sans préjudice de la capacité de l’entreprise de profiter d’un bénéfice raisonnable.

[…]

2. Les coûts à prendre en considération englobent tous les coûts occasionnés par la gestion du service d’intérêt économique général. Ils sont calculés comme suit sur la base des principes de comptabilité analytique généralement acceptés :

a)      lorsque les activités de l’entreprise en cause se limitent au service d’intérêt économique général, tous ses coûts peuvent être pris en considération […] »

247    Ces dispositions tiennent compte du troisième critère de l’arrêt Altmark, selon lequel la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

248    En outre, en vertu de l’article 6, premier et deuxième alinéas, de la décision 2005/842, les États membres procèdent ou font procéder à des contrôles réguliers de surcompensation, exigent le remboursement de toute surcompensation éventuelle et mettent à jour les paramètres de la compensation. Lorsque la surcompensation ne dépasse pas 10 % de la compensation annuelle, elle peut être reportée et déduite de la compensation due pour la période suivante.

249    En l’espèce, la Commission a examiné les mesures en cause sous l’angle de ces exigences, aux considérants 182 à 201 de la décision attaquée, en concluant que les critères en cause étaient remplis.

250    La requérante conteste cette appréciation, ses arguments portant, d’une part, sur l’absence de contrôle d’une surcompensation concernant les missions spécifiques hospitalières et non hospitalières des hôpitaux IRIS et, d’autre part, sur l’existence d’une surcompensation dans les faits concernant ces deux types de missions, y compris concernant l’aide à la restructuration hospitalière de 1995.

–       Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement des missions hospitalières

251    La requérante soutient que les mécanismes permettant d’éviter les surcompensations invoquées dans la décision attaquée sont trop abstraits, en ce qu’ils se limitent à énoncer des principes « purement conceptuels », en indiquant, par exemple, que la surcompensation est interdite. Par ailleurs, s’agissant du mécanisme des avances accordées à travers le FRBRTC, elle argue de l’absence d’obligation de rembourser les avances.

252    Il convient d’observer que, aux considérants 182 à 190 de la décision attaquée, la Commission examine, à juste titre, au regard de l’article 4, sous e), de la décision 2005/842, l’existence des modalités, prévues par les actes de mandatement, permettant d’éviter et de corriger les surcompensations.

253    S’agissant, en premier lieu, du mécanisme de financement des missions hospitalières résultant de la LCH, la décision attaquée décrit les modalités générales prévues en vertu de la LCH, non contestées par la requérante (considérants 182 à 187 de la décision attaquée), en indiquant que les missions spécifiques, compensées en vertu de l’article 109 de la LCH, « relèvent du même régime de financement » (considérant 190 de la même décision) et que la définition des déficits, régie par les arrêtés royaux mettant en œuvre cette disposition, constitue une modalité permettant d’éviter la prise en compte de coûts inéligibles (considérant 189).

254    Contrairement à ce que prétend la requérante, cette appréciation ne témoigne pas du caractère insuffisant de l’analyse opérée par la Commission.

255    Notamment, les modalités décrites ne se limitent pas à énoncer le principe interdisant la surcompensation, mais incluent les critères de l’établissement du déficit relatif à l’activité hospitalière, fixé par le ministère fédéral.

256    S’agissant, en second lieu, du mécanisme de financement des missions hospitalières par le biais des avances accordées par le FRBRTC, il convient d’observer qu’il ressort de la décision attaquée que la détermination du déficit en vertu de l’article 109 de la LCH intervient avec un retard considérable, pouvant aller jusqu’à dix années. Pour cette raison, une subvention est accordée aux communes concernées, « au titre d’avance sur déficit ». Elle concerne les fonds, qui « selon des estimations vraisemblables, devraient permettre de couvrir une partie du déficit hospitalier » et a pour but « d’avancer temporairement les montants nécessaires pour combler les déficits des hôpitaux publics bruxellois, dans l’attente de la fixation du déficit définitif » (considérants 47 et 188 de la décision attaquée).

257    À la différence des actes officiels invoqués dans la décision attaquée, liés à la détermination du déficit en vertu de l’article 109 de la LCH et destinés à circonscrire ce déficit aux activités relevant du service public hospitalier (considérants 43 à 45 et 177 de la décision attaquée), la Commission ne se réfère pas aux actes qui imposeraient des dispositions comparables par rapport aux fonds octroyés par le FRBRTC.

258    Il ressort, en revanche, du considérant 47 de la décision attaquée, que ces fonds sont basés sur des « estimations vraisemblables » du déficit, sans autre précision.

259    En outre, la Commission n’avance pas d’argument pouvant réfuter la critique de la requérante relative à l’absence d’obligation claire visant au remboursement des avances reçues du FRBRTC.

260    Dans la décision attaquée, la Commission constate que, dès que le ministre compétent arrête définitivement les comptes en vertu de l’article 109 de la LCH, les hôpitaux « restituent aux communes les avances reçues à titre temporaire par le biais du FRBRTC » (considérant 188 de la décision attaquée).

261    Quant à la base juridique de cette obligation, la décision attaquée renvoie à la législation sur la comptabilité de l’État, tout en indiquant que, « dans l’éventualité où le déficit hospitalier des hôpitaux en cause serait plus important que le déficit arrêté par le ministre [compétent] sur la base de l’article 109 de la LCH, le solde du déficit hospitalier reste[rait] à [la] charge des pouvoirs publics compétents » (considérant 188 de la décision attaquée).

262     La requérante soutient que ces indications ne suffisent pas pour démontrer l’existence de l’obligation légale de rembourser les avances reçues du FRBRTC, dans l’hypothèse où le solde définitivement arrêté en vertu de l’article 109 de la LCH s’avérerait inférieur aux estimations.

263    Dans sa réponse du 18 novembre 2011 à la question écrite du Tribunal sur ce point, la Commission ne se réfère pas à la législation invoquée au considérant 183 de sa décision, mais cite l’article 7 de l’ordonnance relative au FRBRTC qui vise l’engagement des communes « de rembourser les prêts octroyés […] dès que […] le plan n’est pas respecté ou que les emprunts obtenus ont été affectés à d’autres dépenses » (points 39 à 43).

264    Or, il convient d’observer que, dans les précisions apportées au cours de l’instance, la Commission s’appuie sur des dispositions juridiques différentes de celles relatives à la comptabilité de l’État, auxquelles il est fait référence dans la décision attaquée. Par ailleurs, ces nouveaux éléments, dont il ne ressort pas que les hôpitaux sont tenus de rembourser aux communes le solde éventuel des avances relatives au déficit déterminé en application de l’article 109 de la LCH, ne suffisent pas pour remettre en cause l’argument de la requérante tiré de l’existence d’un doute quant à l’obligation de rembourser les avances.

265    Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments produits par la Commission au cours de l’instance ne sont pas suffisants pour dissiper les doutes, invoqués par la requérante, sur la compatibilité avec le marché intérieur du financement des hôpitaux IRIS par le biais du FRBRTC au regard du critère tiré de l’existence de modalités permettant d’éviter la surcompensation et de s’assurer de son remboursement.

–       Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement des missions sociales

266    S’agissant des missions sociales, la requérante admet que la subvention spéciale accordée pour celles-ci se limite à la couverture du déficit des hôpitaux IRIS, mais soutient que son utilisation n’est soumise à aucune modalité permettant d’éviter la surcompensation.

267    Il ressort de la décision attaquée que la prise en charge par les CPAS des coûts découlant de la prestation des services sociaux n’est pas automatique, car les compensations sont assujetties au respect des exigences énoncées par ces CPAS, permettant d’éviter une compensation indue (considérant 191 de la décision attaquée).

268    Cette considération laisse entendre que les CPAS contrôlent, eux-mêmes, les compensations des missions sociales, et que, étant donné qu’ils sont des autorités publiques qui siègent dans les organes de l’association IRIS, cela suffit pour éviter le recours abusif aux compensations des missions sociales.

269    Cette considération présuppose, néanmoins, que les subventions concernées sont effectivement assorties d’exigences permettant d’éviter une surcompensation.

270    À cet égard, d’une part, la Commission se réfère à l’ordonnance du 13 février 2003 qui organise les subventions spéciales concernées.

271    Or, il convient de rappeler que, alors que ledit acte prévoit, à son article 3, l’adoption des modalités de la liquidation des subventions en cause ainsi que les modalités de leur remboursement en cas de non-réalisation des missions, la décision attaquée ne comporte aucune analyse de ces différentes modalités.

272    D’autre part, la Commission se réfère, au considérant 191 de la décision attaquée, au fait que les CPAS peuvent conclure les « conventions avec des personnes, des établissements ou des services qui disposent des moyens nécessaires pour réaliser les diverses solutions qui s’imposent afin d’assurer la continuité et la qualité [du] service social ».

273    Elle indique ensuite que la « prise en charge par les CPAS des coûts découlant de la prestation de soins hospitaliers et des services sociaux […] n’est pas automatique dans la mesure où l’accès aux compensations est assujetti au respect des exigences énoncées par ces CPAS », permettant d’éviter une surcompensation.

274    Il y a lieu d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission ne précise pas quelles sont les conventions qui confirment l’existence des exigences relatives au financement des missions sociales.

275    Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a fait référence à la convention « domicile de secours », jointe à ses réponses du 18 novembre 2011 (point 126 ci-dessus). Or, il convient de rappeler que celle-ci organise en substance les soins prodigués aux personnes aidées par les CPAS et ne se réfère pas au financement du service social de l’hôpital tel que décrit dans la décision attaquée, à savoir le service visant, en substance, à accorder aux patients et à leurs proches une aide administrative ou psychologique en complément de l’aide médicale (voir points 175 et 176 ci-dessus).

276    Il convient de relever, à cet égard, que tant le contenu de la décision attaquée que celui des documents produits par la Commission confirment l’argument de la requérante tiré du caractère insuffisant des appréciations portées par la Commission sur les modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement des missions sociales.

277    En effet, compte tenu du contenu des dispositions invoquées par la Commission dans la décision attaquée et des éléments invoqués au cours de l’instance, il existe un doute sur la destination exacte de la subvention prévue par l’ordonnance du 13 février 2003 et, par voie de conséquence, sur le caractère suffisant des modalités permettant de s’assurer qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public.

278    Il en résulte que la requérante a apporté des indices témoignant de la présence de doutes quant à la compatibilité des mesures du financement des missions sociales spécifiques des hôpitaux IRIS avec le critère relatif à l’existence de modalités permettant d’éviter la surcompensation.

–       Sur l’absence de surcompensation dans les faits

279    S’agissant du critère lié à la proportionnalité des mesures d’aide sous examen, la Commission a vérifié le caractère adéquat du montant résultant des mesures d’aide en cause dans leur totalité.

280    Ainsi, afin de vérifier le respect de l’absence de surcompensation lors de la période d’examen, de 1996 à 2007, la Commission a examiné les résultats annuels des SIEG des hôpitaux IRIS, en prenant en compte l’ensemble des recettes des SIEG, à savoir les recettes des SIEG d’origine privée comme publique et les financements octroyés par le BMF, l’ensemble des charges y afférentes, ainsi que l’ensemble des compensations de SIEG, à savoir celles accordées en application de l’article 109 de la LCH et, depuis 2003, celles accordées en guise de compensation des missions sociales déléguées par les CPAS.

281    Les données synthétiques issues de cet exercice sont reprises dans le tableau figurant au considérant 199 de la décision attaquée.

282    Sur la base de ces données, la Commission a constaté une sous-compensation des SIEG au cours de la période examinée, pour tous les hôpitaux IRIS pris globalement. Trois de ces hôpitaux ont connu une surcompensation ponctuelle sur un ou deux exercices annuels qui, selon la Commission, a été reportée sur la période suivante et déduite du montant de la compensation due pour cette dernière période, ce report n’ayant pas excédé la limite de 10 % de la compensation annuelle prévue par l’article 6, deuxième alinéa, de la décision 2005/842 (considérant 199 de la décision attaquée).

283    En outre, concernant l’aide à la restructuration de 1995, la Commission a constaté que « l’apurement des pertes en application de l’article 109 de la LCH pour la période 1989-1993 s’élev[ait] à près de 95 millions [d’euros] tandis que le prêt – mis en créance irrécouvrable – pour la même période s’élev[ait] à près de 98 millions [d’euros], soit au total près de 193 millions [d’euros] pour un déficit cumulé de près de 200 millions [d’euros] », la surcompensation pouvant donc être exclue.

284    La requérante conteste l’examen des résultats annuels des hôpitaux IRIS, opéré par la Commission aux considérants 198 à 200 de la décision attaquée, en soutenant qu’elle avait soumis à la Commission des éléments indiquant qu’il y avait eu une surcompensation concernant le déficit définitif des hôpitaux IRIS pour la période de 1989 à 1993 et que la décision attaquée n’indiquerait pas que le solde en cause avait été remboursé.

285    Il convient de rappeler, à cet égard, que l’étendue du champ d’investigation couvert par la Commission lors de l’examen préliminaire ainsi que la complexité du dossier considéré peuvent indiquer que la procédure en cause a notablement excédé ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE. Or, cette circonstance constitue un indice probant de l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 106).

286    En l’espèce, il y a lieu de relever que l’ampleur de l’analyse menée par la Commission, dont un résumé figure aux considérants 198 à 200 de la décision attaquée, est très importante, dès lors que cette analyse implique la vérification de l’ensemble des résultats financiers et des compensations des hôpitaux IRIS, sur une période de plus de dix ans, entre 1996 et 2007, y compris, en outre, les fonds relatifs à la restructuration hospitalière de 1995, lesquels se rattachent, selon la Commission, aux dépenses exposées par ces hôpitaux entre 1989 et 1993.

287    Le champ temporel et quantitatif des données soumises à la vérification en cause, s’agissant d’ailleurs de cinq entités juridiques distinctes disposant, chacune, de son propre budget, est révélateur de la complexité de la tâche entreprise par la Commission dans la décision attaquée.

288    Dans ces conditions, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les arguments de la requérante mettant en cause l’exactitude des calculs dont un résumé figure aux considérants 198 à 200 de la décision attaquée, il convient de constater que l’ampleur et la complexité des appréciations effectuées par la Commission à cet effet constituent, en elles-mêmes, un indice venant à l’appui de la thèse de la requérante tiré de l’existence des difficultés sérieuses.

 Sur l’applicabilité du critère tiré de l’analyse des coûts par rapport à une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée

289    Selon le quatrième critère posé par l’arrêt Altmark, lorsque le choix de l’entreprise chargée de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait supportés pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

290    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n’ayant pas examiné, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité des mesures en cause au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, si ledit critère était rempli.

291    Il convient de rappeler que la prétendue condition relative à l’efficacité économique d’une entreprise dans la fourniture du SIEG ne ressort aucunement de la décision 2005/842, applicable en l’espèce.

292    De même, selon une jurisprudence constante du Tribunal, le quatrième critère de l’arrêt Altmark n’entre pas en ligne de compte pour apprécier la compatibilité des mesures d’aide en vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE, les conditions de cette compatibilité étant distinctes des critères résultant de l’arrêt Altmark, posés pour apprécier l’existence d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, Rec. p. II‑471, points 129 à 140, et ordonnance du Tribunal du 25 novembre 2009, Andersen/Commission, T‑87/09, non publiée au Recueil, point 57).

293    Compte tenu de cette distinction, l’efficacité économique d’une entreprise dans la fourniture du SIEG et, en particulier, la question de savoir si une entreprise chargée du SIEG pourrait remplir ses obligations de service public à un moindre coût, est dénuée de pertinence pour ce qui est d’apprécier la compatibilité d’une aide d’État au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE. En effet, par l’appréciation de la proportionnalité de l’aide, l’article 86, paragraphe 2, CE vise seulement à prévenir que l’opérateur chargé du SIEG bénéficie d’un financement dépassant les coûts nets du service public (arrêt M6 et TF1/Commission, précité, points 140 et 141).

294    Ainsi, en l’absence d’une réglementation communautaire harmonisée, la Commission n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public, à savoir le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public (voir arrêt M6 et TF1/Commission, précité, point 139, et la jurisprudence citée).

295    La requérante prétend, à tort, que cette solution s’écarte de l’arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, FAB/Commission (T‑8/06, non publié au Recueil, point 64). En effet, cet arrêt concerne la qualification de subventions d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et non les conditions de leur compatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE.

296    Quant à la référence faite par la requérante à la communication de la Commission sur la réforme des règles de l’UE en matière d’aides d’État applicables aux SIEG, du 23 mars 2011 [COM (2011) 146], il convient d’observer qu’il s’agit d’un document de discussion relatif à la réforme des règles du SIEG, lequel expose certaines observations de lege ferenda, ne pouvant être considérées comme l’interprétation des règles de droit actuelles.

297    En tout état de cause, le point 4.2.2.2 de ce document invoqué par la requérante n’appuie pas sa thèse. Ledit point concerne exclusivement, ainsi que l’indique son intitulé, « Efficience des services commerciaux à grande échelle qui remplissent des obligations de service public », les secteurs caractérisés par des activités commerciales à grande échelle. La Commission y indique que « [l]e Paquet [SIEG] ne tient toutefois pas compte de la question de savoir si les coûts supportés par le prestataire sont du même ordre que ceux d’une entreprise bien gérée » et que, dans le cadre de la réforme en cours, « la Commission examine par conséquent dans quelle mesure une importance accrue devrait être accordée à l’efficience et à la qualité aux fins de l’autorisation des aides d’État en faveur du SIEG », tout en rappelant la nécessité de respecter « l’importante latitude laissée aux États membres en la matière ».

298    Enfin, de manière plus théorique, la requérante s’interroge sur le fait de savoir pourquoi une mauvaise gestion devrait être récompensée par le biais d’aides d’État, qualifiant cette position de « thèse du trou noir ».

299    Il suffit de constater que cette argumentation d’ordre général n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

300    En effet, il ressort des considérations qui précèdent que, dans l’état actuel du droit de l’Union, le critère lié à l’efficacité économique d’une entreprise dans la fourniture du SIEG ne relève pas de l’appréciation de la compatibilité d’une aide d’État au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE, le choix portant sur l’efficacité économique de l’exploitant public effectué par les autorités nationales ne pouvant donc pas être critiqué sur ce point.

301    Dès lors, l’argumentation de la requérante, tirée de l’erreur de droit résultant de l’omission de prendre en compte le critère lié à l’efficacité des gestionnaires du service public en cause, ne saurait prospérer.

 Sur la transparence

302    La requérante soutient que les conditions de financement des hôpitaux IRIS ne satisfont pas aux conditions de l’article 1er de la directive 80/723, remplacée par la directive 2006/111.

303    En l’espèce, la Commission a conclu que les exigences posées par les articles 1er et 3 de cette directive étaient remplies en ce qui concerne les relations entre les pouvoirs publics et les hôpitaux IRIS, dans la mesure où les fonds publics mis à leur disposition ressortaient clairement des comptes et où l’utilisation des fonds pour la couverture des coûts liés aux SIEG a été clairement établie. L’exigence d’une comptabilité séparée pour les activités SIEG ainsi que l’exigence d’une allocation appropriée de l’ensemble des recettes et des charges aux SIEG (article 4 de la directive) étaient remplies. Les autorités belges auraient transmis à la Commission toutes les données nécessaires, conformément à l’article 6 de ladite directive (considérants 215 à 217 de la décision attaquée).

304    En contestant cette appréciation, la requérante invoque l’« opacité complète du système », en se référant à l’argument selon lequel il ne lui a pas été possible de calculer avec précision les paiements faits aux hôpitaux IRIS par la Région Bruxelles-Capitale dans le cadre du FRBRTC, ni dans quelle mesure ces paiements couvrent uniquement les déficits de ces hôpitaux au sens de l’article 109 de la LCH. Les paiements effectués dépassaient, selon la requérante, les déficits des hôpitaux sans que soit indiqué si les surplus avaient été remboursés.

305    Il suffit de rappeler que, dès lors que les directives invoquées concernent la transmission des informations à la Commission, la prétendue méconnaissance des exigences qu’elles posent ne saurait être démontrée par le fait que la requérante n’a pas réussi à obtenir les informations. Or, quant à la transparence des informations transmises à la Commission, la requérante se limite à réitérer ses arguments relatifs à l’existence de la surcompensation déjà considérés ci-dessus (points 279 à 288 ci-dessus).

306    Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante, tirée de la violation des exigences posées par la directive 80/723, remplacée par la directive 2006/111, ne saurait constituer un indice autonome des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de l’examen des mesures en cause.

 Conclusion

307    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante tirés du contenu de la décision attaquée démontrent que la Commission aurait dû constater la présence de difficultés sérieuses dans le cadre de l’examen en cause.

308    En effet, la requérante a fait valoir un ensemble d’indices concordants qui témoignent de l’existence de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures examinées au regard des critères relatifs à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, concernant, premièrement, l’existence d’un mandat clairement défini relatif aux missions de service public hospitalières et sociales, spécifiques aux hôpitaux IRIS, deuxièmement, l’existence des paramètres de compensation préalablement établis et, troisièmement, l’existence de modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement de ces missions de service public (respectivement, points 168, 187, 219, 244, 265 et 278 ci-dessus).

309    Il résulte en outre du contenu de la décision attaquée et des documents produits au cours de l’instance que la Commission a effectué une analyse insuffisante des éléments pertinents (points 169 et 215 ci-dessus) et que certaines appréciations formulées dans la décision attaquée manquent de cohérence (points 134 et 186 ci-dessus). S’agissant de la proportionnalité des mesures en cause, la nature des appréciations effectuées par la Commission afin d’exclure la présence de la surcompensation constitue un indice supplémentaire des difficultés sérieuses (point 288 ci-dessus).

310    L’ensemble de ces considérations conduit au constat de l’existence de difficultés sérieuses dans l’examen préliminaire à l’issue duquel la Commission a conclu à la compatibilité des mesures d’aide en cause avec le marché intérieur.

311    Par ailleurs, il convient d’observer que, même si les indices de difficultés sérieuses apportés par la requérante n’affectent pas nécessairement tous les aspects de financement du SIEG des hôpitaux IRIS examinés dans la décision attaquée, néanmoins, l’analyse opérée dans ladite décision doit être considérée comme étant affectée, dans son ensemble, par l’existence de difficultés sérieuses.

312    En effet, le dispositif de la décision attaquée vise un « ensemble de financements publics au titre de compensations des missions de SIEG hospitalières et non hospitalières » dont bénéficiaient les hôpitaux IRIS. De même, il ressort des considérants 99 à 102 de la décision attaquée que la Commission a considéré qu’elle était tenue de vérifier, dans leur ensemble, les financements publics reçus par les hôpitaux IRIS dans le cadre du SIEG, même si la requérante ne mettait pas en cause tous ces financements dans sa plainte. Dans l’appréciation globale donnée aux résultats annuels des SIEG aux considérants 198 et 199 de la décision attaquée, le système de financement du service public des hôpitaux IRIS est considéré comme un tout. En outre, les mesures en cause ont été considérées, comme relevant d’un « régime » d’aide, lors de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la communication relative à l’adoption de la décision attaquée (JO 2010, C 74, p. 1).

313    Dès lors, il convient de considérer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, afin de recueillir tout élément pertinent pour la vérification de la compatibilité de l’ensemble des mesures d’aide en cause avec le marché intérieur, ainsi que de permettre à la requérante, et aux autres parties intéressées, de présenter leurs observations dans le cadre de ladite procédure.

314    Par conséquent, la décision attaquée ayant été adoptée en violation des droits procéduraux de la requérante, il y a lieu de faire droit à la demande d’annulation de ladite décision, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués, tirés des conditions d’adoption de la décision attaquée et d’une prétendue violation de l’obligation de motivation.

315    Le recours ayant été accueilli, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par la requérante dans son mémoire en réplique.

 Sur les dépens

316    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 87, paragraphe 4, premier et troisième alinéas, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens, le Tribunal pouvant également ordonner qu’une autre partie intervenante supportera ses propres dépens.

317    La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci. Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2009) 8120 de la Commission, du 28 octobre 2009, concernant l’aide d’État NN 54/09 mise à exécution par le Royaume de Belgique en faveur du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS de la région de Bruxelles-Capitale est annulée.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Coordination bruxelloise d’institutions sociales et de santé (CBI).

3)      La République française, le Royaume des Pays-Bas, la Région Bruxelles-Capitale (Belgique), la Commune d’Anderlecht (Belgique), la Commune d’Etterbeek (Belgique), la Commune d’Ixelles (Belgique), la Ville de Bruxelles (Belgique) et la Commune de Saint-Gilles (Belgique) supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Cadre juridique belge

Loi coordonnée sur les hôpitaux

Loi organique des CPAS

Réseau hospitalier public bruxellois

Financement des hôpitaux

– Mesures applicables à tous les hôpitaux

– Financement en vertu de l’article 109 de la LCH

– Mesures spécifiques applicables aux hôpitaux IRIS

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Observations liminaires

– Sur l’étendue du contrôle juridictionnel

– Sur les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE

– Sur la nature particulière du service public hospitalier

Sur l’existence d’une mission de service public clairement définie

– Sur la présence d’un acte de puissance publique constituant le mandat

– Sur le mandat relatif aux missions hospitalières spécifiques des hôpitaux IRIS

– Sur le mandat relatif aux missions non hospitalières des hôpitaux IRIS

Sur l’existence des paramètres de la compensation préalablement établis

– Sur le financement des missions hospitalières

– Sur l’aide à la restructuration de 1995

– Sur le financement des missions sociales

Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation ainsi que sur l’absence de surcompensation

– Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement des missions hospitalières

– Sur l’existence des modalités permettant d’éviter la surcompensation dans le cadre du financement des missions sociales

– Sur l’absence de surcompensation dans les faits

Sur l’applicabilité du critère tiré de l’analyse des coûts par rapport à une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée

Sur la transparence

Conclusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.