Language of document : ECLI:EU:C:2009:539

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2009 (*)

«Directive 2003/30/CE – Promotion de l’utilisation de biocarburants ou d’autres carburants renouvelables dans les transports – Directive 2003/96/CE – Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Mélange d’huile végétale, d’additif et de carburant – Biocarburants – Réglementation nationale – Exonération fiscale – Remplacement de l’exonération par une obligation de respecter une part minimale de biocarburant dans les carburants – Conformité aux directives 2003/30/CE et 2003/96/CE – Principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime»

Dans l’affaire C‑201/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hessisches Finanzgericht (Allemagne), par décision du 8 mai 2008, parvenue à la Cour le 16 mai 2008, dans la procédure

Plantanol GmbH & Co. KG

contre

Hauptzollamt Darmstadt,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Plantanol GmbH & Co. KG, par M. J. Runkel, gérant,

–        pour le Hauptzollamt Darmstadt, par MM. M. Völlm et K. Goldmann, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de M. P. Mantle, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Mölls, B. Schima et K. Gross, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 mai 2003, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports (JO L 123, p. 42), ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Plantanol GmbH & Co. KG au Hauptzollamt Darmstadt (autorité douanière de Darmstadt) au sujet du paiement de la taxe sur l’énergie relative au mois de mai 2007.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

La directive 2003/30

3        Aux termes des dixième, douzième, quatorzième, dix-neuvième, vingtième, vingt-deuxième et vingt-septième considérants de la directive 2003/30:

«(10) La promotion de l’utilisation des biocarburants dans les transports est une étape vers une utilisation plus large de la biomasse, permettant à terme de développer davantage les biocarburants, sans exclure d’autres formules possibles et en particulier la filière hydrogène.

[…]

(12)      L’huile végétale pure provenant des plantes oléagineuses obtenue par pression, extraction ou procédés comparables, brute ou raffinée, mais sans modification chimique, peut également être utilisée comme biocarburant dans certains cas particuliers où son utilisation est compatible avec le type de moteur et les exigences correspondantes en matière d’émissions.

[…]

(14)      Le bioéthanol et le biodiesel, lorsqu’ils sont utilisés pour les véhicules à l’état pur ou sous forme de mélange, devraient satisfaire aux normes de qualité établies pour assurer un rendement optimal des moteurs. […]

(19)      Dans sa résolution du 18 juin 1998 [JO C 210, p. 215], le Parlement européen a préconisé de faire passer, sur une période de 5 ans, la part des biocarburants à 2 % du marché par la mise en œuvre d’une série de mesures, entre autres par l’exonération fiscale, par une aide financière à l’industrie de transformation et par la fixation d’un pourcentage obligatoire de biocarburants pour les compagnies pétrolières.

(20)      La méthode optimale pour accroître la part des biocarburants sur les marchés nationaux et communautaire dépend de la disponibilité en ressources et en matières premières, des politiques nationales et communautaires visant à promouvoir les biocarburants et des dispositions fiscales, ainsi que de la participation appropriée de toutes les parties prenantes/parties concernées.

[…]

(22)      La promotion de la production et de l’utilisation des biocarburants pourrait contribuer à une réduction de la dépendance à l’égard des importations d’énergie ainsi qu’à une diminution des émissions des gaz à effet de serre. En outre, les biocarburants, sous forme pure ou en mélange, peuvent en principe être utilisés dans les véhicules à moteur existants et être fournis par le réseau actuel de distribution de carburant. Le mélange de biocarburants avec des carburants d’origine fossile pourrait favoriser une réduction potentielle des coûts du système de distribution dans la Communauté.

[…]

(27)      Il convient d’introduire des mesures permettant de mettre rapidement au point des normes de qualité pour les biocarburants destinés au secteur de l’automobile, qu’ils soient employés à l’état pur ou sous forme de mélange avec les carburants classiques. Bien que la fraction biodégradable des déchets soit une source potentiellement utile de production de biocarburant, il faut que les normes de qualité prennent en compte l’éventualité de la présence de facteurs contaminants dans les déchets afin d’éviter que des composants particuliers n’endommagent le véhicule ou ne causent la détérioration des émissions.»

4        L’article 1er de la directive 2003/30 dispose:

«La présente directive vise à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou d’autres carburants renouvelables pour remplacer le gazole ou l’essence à des fins de transport dans chaque État membre, en vue de contribuer à la réalisation d’objectifs consistant notamment à respecter les engagements en matière de changement climatique, à assurer une sécurité d’approvisionnement respectueuse de l’environnement et à promouvoir les sources d’énergie renouvelables.»

5        Aux termes de l’article 2 de cette directive:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)      ‘biocarburant’, un combustible liquide ou gazeux utilisé pour le transport et produit à partir de la biomasse;

b)      ‘biomasse’, la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et de ses industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux;

[… ]

2.      La liste des produits considérés comme biocarburants comprend au minimum les produits énumérés ci-après:

a)      ‘bioéthanol’: éthanol produit à partir de la biomasse et/ou de la fraction biodégradable des déchets et utilisé comme biocarburant;

b)      ‘biodiesel’: ester méthylique de qualité diesel produit à partir d’une huile végétale ou animale à utiliser comme biocarburant;

[…]

j)      ‘huile végétale pure’: huile produite à partir de plantes oléagineuses par pression, extraction ou procédés comparables, brute ou raffinée, mais sans modification chimique, dans les cas où son utilisation est compatible avec le type de moteur concerné et les exigences correspondantes en matière d’émissions.»

6        L’article 3 de ladite directive est libellé comme suit:

«1.      a)     Les États membres devraient veiller à ce qu’un pourcentage minimal des biocarburants et autres carburants renouvelables soit [mis] en vente sur leur marché et ils fixent, à cet effet, des objectifs nationaux indicatifs.

b)      i)     Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 2 %, calculée sur la base de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre 2005 au plus tard.

         ii)   Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 5,75 %, calculée en fonction de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre  2010 au plus tard.

2.      Les biocarburants peuvent se présenter sous les formes suivantes:

a)      biocarburants à l’état pur ou dilués par des dérivés d’huiles minérales dans des mélanges à forte teneur conformes à des normes spécifiques de qualité pour une utilisation dans les transports;

b)      biocarburants mélangés à des dérivés d’huiles minérales conformément aux normes européennes appropriées énonçant les spécifications techniques pour les carburants destinés au transport (EN 228 et EN 590);

c)      liquides dérivés de biocarburants, tels que l’ETBE (éthyl‑tertio‑butyl-éther), dont la teneur en biocarburant est précisée à l’article 2, paragraphe 2.

[…]

4.      Dans les mesures qu’ils prennent, les États membres devraient tenir compte du bilan climatique et environnemental global des différents types de biocarburants et des autres carburants renouvelables et pourraient encourager en priorité les carburants dont le bilan environnemental global et la rentabilité sont excellents, tout en prenant en compte la compétitivité et la sécurité des approvisionnements.

[…]»

 La directive 2003/96/CE

7        La directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), a pour objet d’imposer, au niveau communautaire, la taxation des produits énergétiques au-delà des seules huiles minérales couvertes par la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), telle que modifiée par la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 365, p. 46), et par la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19), telle que modifiée par la directive 94/74.

8        L’article 1er de la directive 2003/96 prévoit que les États membres taxent les produits énergétiques conformément à cette directive.

9        L’article 2 de ladite directive prévoit:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘produits énergétiques’ les produits:

a)      relevant des codes [de la nomenclature combinée, ci-après la «NC»] 1507 à 1518 inclus, lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme combustible ou comme carburant;

b)      relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus;

[…]

3.      […]

Outre les produits imposables visés au paragraphe 1, tout produit destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant ou comme additif ou en vue d’accroître le volume final des carburants est taxé au taux applicable au carburant équivalent.

[…]

5.      Les codes de la [NC] visés dans la présente directive sont ceux figurant dans le règlement (CE) n° 2031/2001 de la Commission, du 6 août 2001, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun [(JO L 279, p. 1)].

[...]»

10      L’article 16 de la directive 2003/96 est libellé comme suit:

«1.      Les États membres peuvent, sans préjudice du paragraphe 5, appliquer une exonération ou un taux de taxation réduit, sous contrôle fiscal, aux produits imposables visés à l’article 2, quand ils sont constitués par ou contiennent un ou plusieurs des produits suivants:

–        les produits relevant des codes NC 1507 à 1518 inclus,

[…]

3.      L’exonération ou la réduction de taxation appliquées par les États membres sont modulées en fonction de l’évolution des cours des matières premières, afin que lesdites réductions ne conduisent pas à une surcompensation des coûts additionnels liés à la production des produits visés au paragraphe 1.

[...]»

 Le règlement n° 2031/2001

11      Selon les dispositions de l’annexe I du règlement n° 2031/2001, l’huile de colza relève de la position 1514 de la NC et le gazole relève de la position 2710 de la NC.

 La réglementation nationale

La loi relative à la taxe sur les huiles minérales

12      La loi relative à la taxe sur les huiles minérales (Mineralölsteuergesetz), telle que modifiée par la loi du 23 juillet 2002 portant modification de la loi relative à la taxe sur les huiles minérales et d’autres lois (BGBl. 2002 I, p. 2778, ci-après la «loi relative à la taxe sur les huiles minérales»), comportait un article 2a qui, sous l’intitulé «Taux réduits en faveur des biocarburants», disposait:

«1)      Les taux établis aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, sont réduits jusqu’au 31 décembre 2008 à concurrence de la part de biocarburants comprise de manière avérée dans les huiles minérales visées par ces articles.

2)      Les biocarburants sont des produits énergétiques exclusivement obtenus à partir de biomasse […]. Les produits énergétiques obtenus pour partie à partir de biomasse au sens de la première phrase sont considérés comme des biocarburants à hauteur de la part en question. Les méthylesters d’huiles végétales sont considérés comme des biocarburants.

3)      Il incombe au ministère fédéral des Finances […] de présenter tous les deux ans au Bundestag [chambre basse du Parlement fédéral], et pour la première fois d’ici au 31 mars 2004, un rapport relatif à la commercialisation des biocarburants et à l’évolution des cours de la biomasse et du pétrole brut, ainsi que des prix des carburants, et de proposer dans ce rapport, le cas échéant, une adaptation à l’évolution du marché des réductions de taux en faveur des biocarburants.»

13      La deuxième loi portant modification de dispositions fiscales – loi fiscale modificative de 2003 (Zweites Gesetz zur Änderung steuerrechtlicher Vorschriften – Steueränderungsgesetz 2003), du 15 décembre 2003 (BGBl. 2003 I, p. 2645), a modifié l’article 2a, paragraphes 1 et 2, de la loi relative à la taxe sur les huiles minérales à compter du 1er janvier 2004 afin de prolonger l’application des taux réduits en faveur des biocarburants jusqu’au 31 décembre 2009 et d’élargir leur champ d’application aux biocombustibles. Le paragraphe 3 de cet article a été modifié comme suit:

«L’octroi de taux réduits ne doit pas conduire à une surcompensation des coûts additionnels liés à la production des biocarburants et des biocombustibles visés au paragraphe 1; à cet effet, il incombe au ministère fédéral des Finances […] de présenter chaque année au Bundestag, et ce pour la première fois d’ici au 31 mars 2005, un rapport relatif notamment à la commercialisation des biocarburants et des biocombustibles et à l’évolution des cours de la biomasse et du pétrole brut, ainsi que des prix des carburants et combustibles, et de proposer dans ce rapport, en cas de surcompensation, une adaptation à l’évolution du marché, résultant du cours des matières premières, des réductions de taux en faveur des biocarburants et des biocombustibles. À cet égard, il convient de tenir compte des incidences sur la protection de l’environnement et du climat, la protection des ressources naturelles, les coûts externes des différents carburants, la sécurité des approvisionnements et la réalisation de l’objectif relatif au pourcentage minimal des biocarburants et autres carburants renouvelables conformément à la [directive 2003/30]. […]»

 La loi relative à la taxe sur l’énergie

14      La loi portant réforme de la taxation des produits énergétiques et modifiant la loi sur la taxation de l’électricité (Gesetz zur Neuregelung der Besteuerung von Energieerzeugnissen und zur Änderung des Stromsteuergesetzes), du 15 juillet 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1534), se référant explicitement aux directives 2003/30 et 2003/96, a introduit, par son article 1er, la loi relative à la taxe sur l’énergie (Energiesteuergesetz). Cette dernière loi, entrée en vigueur le 1er août 2006 et abrogeant à compter de cette date la loi relative à la taxe sur les huiles minérales, soumet les biocarburants à la taxation en tant que «produits énergétiques».

15      L’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie, intitulé «Exemption en faveur des biocarburants et des biocombustibles», prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

«1)      L’assujetti peut demander à bénéficier d’une exemption pour les produits énergétiques taxés de manière avérée qui comprennent des biocarburants ou des biocombustibles. [….] Le bénéfice de l’exemption est accordé, sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, troisième phrase, jusqu’au 31 décembre 2009.

2)      L’exemption est accordée à concurrence de la taxe afférente à la part de biocarburant ou biocombustible. Par dérogation à la première phrase, les produits énergétiques […] qui comprennent des esters de méthyle d’acides gras ou de l’huile végétale comme biocarburants, ne bénéficient que d’une exemption partielle pour la part d’esters de méthyle d’acides gras ou d’huile végétale. L’exemption s’élève à

[…]

2.      par 1 000 l d’huile végétale

jusqu’au 31 décembre 2007                            470,40 EUR

du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008          370,40 EUR

du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009          290,40 EUR

du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010          210,40 EUR

du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011          140,40 EUR

à partir du 1er janvier 2012                             20,40 EUR

[…]»

16      L’article 50, paragraphe 4, de la loi relative à la taxe sur l’énergie prévoit, à l’instar des dispositions antérieures de la loi relative à la taxe sur les huiles minérales, que l’exemption ne doit pas conduire à une surcompensation des coûts additionnels liés à la production des biocarburants.

17      L’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie a été modifié à compter du 1er janvier 2007 par la loi portant introduction d’une obligation en matière de biocarburants par modification de la loi fédérale relative à la protection contre les émissions de polluants et modification des dispositions en matière de taxation de l’énergie et de l’électricité (Gesetz zur Einführung einer Biokraftstoffquote durch Änderung des Bundes-Immissionsschutzgesetzes und zur Änderung energie- und stromsteuerrechtlicher Vorschriften), du 18 décembre 2006 (BGBl. 2006 I, p. 3180, ci-après la «loi introduisant une obligation en matière de biocarburants»). Se référant explicitement aux directives 2003/30 et 2003/96, cette dernière loi vise, dans une large mesure, à remplacer l’avantage fiscal accordé aux biocarburants par une obligation de mélange ou de commercialisation d’une part minimale de biocarburants.

18      L’article 50, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur l’énergie, tel que modifié par la loi introduisant une obligation en matière de biocarburants, limite ainsi désormais, à son point 1, l’exonération aux seuls biocarburants purs, à savoir ceux qui ne sont pas mélangés à d’autres produits énergétiques, à l’exception cependant, en vertu des points 2 et 3, des biocarburants qui sont «particulièrement dignes de soutien». Ces derniers, énumérés au paragraphe 5 dudit article 50 incluent, notamment, les hydrocarbures synthétiques ou les mélanges de ceux-ci produits par transformation thermochimique de biomasse, dits «BtL», ainsi que les produits énergétiques comprenant une part de 70 à 90 % de bioéthanol, dits «E85».

 La loi fédérale relative à la protection contre les émissions de polluants

19      La loi introduisant une obligation en matière de biocarburants a modifié, également à compter du 1er janvier 2007, la loi fédérale relative à la protection contre les émissions de polluants (Bundes‑Immissionsschutzgesetz), du 26 septembre 2002 (BGBl. 2002 I, p. 3830), en fixant, à l’article 37a, paragraphe 3, de celle-ci, la part minimale de biocarburant qui doit être comprise dans la quantité totale de carburant commercialisé. Selon le paragraphe 4 dudit article, cette part minimale peut être garantie par mélange à l’essence ou au gazole ou par commercialisation de biocarburant pur.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      La requérante au principal commercialise en Allemagne depuis l’année 2005 un carburant, dénommé «Plantanol-Diesel», obtenu par le mélange, dans une citerne de camion aménagée à cet effet, d’huile vierge végétale, en l’occurrence de l’huile de colza raffinée (60 % en été et 50 % en hiver), de gazole d’origine fossile (37 % en été et 47 % en hiver) et d’additifs spécifiques (3 %). Ce produit est destiné à différents parcs de véhicules communaux ainsi qu’à une société de service de transport public de Francfort-sur-le-Main.

21      Selon la décision de renvoi, le Plantanol-Diesel, qui serait conforme aux exigences de la prénorme DIN V 51605, peut être utilisé aussi bien dans les moteurs diesel de conception ancienne que dans ceux de conception moderne à injection directe sans devoir procéder à l’installation de nouveaux équipements ou à des modifications techniques au niveau des moteurs des véhicules concernés. Certaines études auraient, en outre, mis en évidence les avantages de ce produit par rapport aux carburants fossiles du point de vue des émissions de particules de suie, du bilan CO2, de la consommation et du pouvoir cancérogène.

22      Le Hauptzollamt Darmstadt a, à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de l’article 50, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à la taxe sur l’énergie, tel que modifié par la loi introduisant une obligation en matière de biocarburants, réclamé à la requérante au principal le paiement de la taxe sur les produits énergétiques au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mai 2007, en ce qui concerne la part d’huile végétale contenue dans le Plantanol-Diesel.

23      Saisi en référé, le Hessisches Finanzgericht a, par ordonnance du 2 octobre 2007, suspendu l’avis d’imposition relatif aux mois de mai et de juin 2007, au motif qu’il éprouvait des doutes sérieux quant à la compatibilité dudit article 50, paragraphe 1, point 1, avec la directive 2003/30. Par ordonnance du 14 avril 2008, le Bundesfinanzhof a annulé cette ordonnance en référé.

24      Le 10 octobre 2007, le Hauptzollamt Darmstadt a rejeté le recours gracieux introduit par la requérante au principal concernant l’avis d’imposition au titre du mois de mai 2007.

25      La requérante au principal a introduit un recours contentieux contre cette décision devant le Hessisches Finanzgericht.

26      Dans sa décision de renvoi, cette dernière juridiction estime que l’article 50, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à la taxe sur l’énergie, tel que modifié par la loi introduisant une obligation en matière de biocarburants, est contraire au droit communautaire.

27      En premier lieu, ladite juridiction considère que cette disposition, en ce qu’elle cesse d’exonérer la part de biocarburant issue d’huile vierge végétale dans un mélange de carburants, est contraire à la directive 2003/30. En effet, en traitant de manière égale les parties de mélanges de carburants issues de biocarburants et celles issues de carburants fossiles, la République fédérale d’Allemagne ne serait plus en mesure d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports. En outre, la suppression de cette exonération n’aurait donné lieu à aucune appréciation quant à son incidence sur les critères de développement durable. Par ailleurs, le législateur national aurait considéré de manière erronée que cette suppression est nécessaire pour éviter une surcompensation.

28      En second lieu, la juridiction de renvoi estime que ladite disposition est contraire à certains principes généraux de droit communautaire. Elle serait contraire aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dès lors que les opérateurs économiques ne pouvaient en prévoir l’adoption, la réglementation communautaire n’ayant pas été modifiée entre-temps, et qu’aucune mesure transitoire n’a été prévue. Or, la directive 2003/30 se fonderait sur la prémisse selon laquelle tous les biocarburants, qu’ils soient utilisés à l’état pur ou mélangés, permettent de réaliser les objectifs visés. Cette même disposition serait également contraire au principe de proportionnalité car elle ne serait pas nécessaire pour préserver efficacement les recettes fiscales. En effet, d’une part, aucune évaluation de ces pertes n’aurait été effectuée et, d’autre part, une nouvelle exonération aurait dans le même temps été introduite en faveur des biocarburants «particulièrement dignes de protection», lesquels constituent aussi des biocarburants mélangés.

29      Dans ces conditions, le Hessisches Finanzgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 3 de la directive 2003/30 [...] s’oppose-t-il, eu égard notamment aux dixième, douzième, quatorzième, dix-neuvième, vingt-deuxième et vingt-septième considérants de cette directive, à une disposition nationale, telle que celle de l’article 50, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à la taxe sur l’énergie […], modifiée par la loi [introduisant une obligation en matière de biocarburants], qui exclut du bénéfice d’une exemption de taxes les parts de biocarburants issues d’huile végétale et satisfaisant aux exigences de la prénorme DIN V 51605 (version: juillet 2006) comprises dans les mélanges de carburants?

2)      Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime reconnus par le droit communautaire exigent-ils qu’un État membre ne puisse modifier au détriment des entreprises qui en bénéficient les dispositions adoptées aux fins de la transposition de la directive [2003/30] et ayant pour objet la mise en place d’un système pluriannuel de soutien au travers de mesures d’allègement de taxes qu’en présence de circonstances très exceptionnelles au cours de la période d’application du système en question?»

30      La juridiction de renvoi, considérant que lesdites questions appellent une réponse urgente de la Cour, eu égard au fait, d’une part, que la survie économique de la requérante au principal, qui a temporairement interrompu ses activités depuis le 15 juillet 2007, dépend de l’issue de l’affaire au principal et, d’autre part, que celle-ci a une incidence économique considérable au-delà du cas d’espèce, la réglementation nationale en cause pouvant priver de toute valeur les investissements réalisés, grâce aux avantages fiscaux, en vue de promouvoir le développement des biocarburants, a demandé à la Cour de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure accélérée, en application de l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure.

31      Le président de la Cour a rejeté cette demande par ordonnance du 3 juillet 2008, au motif que les conditions prévues audit article 104 bis, premier alinéa, n’étaient pas remplies.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

32      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 de la directive 2003/30 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut du régime d’exonération fiscale prévu par celle-ci en faveur des biocarburants un produit, tel celui en cause au principal, qui est issu d’un mélange d’huile végétale, de gazole fossile et d’additifs spécifiques.

33      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, si la directive 2003/30 vise, selon son article 1er, à promouvoir l’utilisation de biocarburants pour remplacer le gazole ou l’essence à des fins de transport dans chaque État membre, elle n’impose à ces derniers aucun objectif contraignant en ce qui concerne la mise sur le marché d’une part minimale de biocarburants.

34      En effet, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette directive, celle-ci se borne à prévoir, selon ses propres termes, que lesdits États «devraient», par la fixation d’objectifs nationaux «indicatifs», veiller à atteindre une telle part minimale, laquelle, calculée sur la base de la teneur énergétique, est fixée par le paragraphe 1, sous b), de cet article, respectivement, pour le 31 décembre 2005, à 2 % et, pour le 31 décembre 2010, à 5,75 % de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport.

35      Or, il y a lieu de constater que la directive 2003/30 n’impose pas davantage aux États membres les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs indicatifs, mais leur laisse, à cet égard, le libre choix quant à la nature des mesures à adopter, lesdits États disposant ainsi d’une large marge d’appréciation afin de tenir compte, notamment, ainsi qu’il ressort du vingtième considérant de cette directive, de la disponibilité en ressources et en matières premières ainsi que de la politique nationale relative à la promotion des biocarburants.

36      Il s’ensuit que les dispositions de la directive 2003/30 n’imposent pas aux États membres l’obligation d’introduire ou de maintenir en vigueur un régime d’exonération fiscale en faveur des biocarburants. À cet égard, il ressort du dix-neuvième considérant de cette directive que, si un régime d’exonération fiscale constitue l’un des moyens à la disposition desdits États pour atteindre les objectifs prévus par ladite directive, d’autres moyens sont également envisageables, tels que des aides financières à l’industrie de transformation ou la fixation d’un pourcentage obligatoire de biocarburants pour les compagnies pétrolières.

37      Par ailleurs, il ressort de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2003/30 que les États membres disposent également d’un large pouvoir d’appréciation quant aux produits qu’ils souhaitent promouvoir en vue d’atteindre les objectifs prévus par celle-ci, lesdits États pouvant choisir d’encourager en priorité certains types de biocarburants en tenant compte de leur bilan climatique et environnemental global, de leur rentabilité ainsi que de la compétitivité et de la sécurité des approvisionnements.

38      Dans ces conditions, il convient de constater qu’aucun droit à une exonération fiscale, à plus forte raison en faveur d’un produit déterminé, ne peut être déduit des dispositions de ladite directive.

39      Bien au contraire, il résulte de l’article 1er de la directive 2003/96 que les États membres ont, en principe, l’obligation de taxer un produit tel que celui en cause au principal, dès lors que celui-ci, issu d’un mélange de gazole fossile relevant de la position 2710 de la NC, d’huile végétale, en l’occurrence de l’huile de colza relevant de la position 1514 de la NC, et d’additifs, destinés à être utilisés comme combustible ou comme carburant, constitue, en vertu de l’article 2, paragraphes 1, sous a) et b), et 3, deuxième alinéa, de cette directive, un «produit énergétique» au sens dudit article (voir, à cet égard, arrêt du 18 décembre 2008, Afton Chemical, C‑517/07, non encore publié au Recueil, point 40).

40      Toutefois, selon le libellé de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2003/96, les États membres ont la faculté d’exonérer ou d’appliquer un taux de taxation réduit à de tels produits énergétiques (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2007, Fendt Italiana, C‑145/06 et C‑146/06, Rec. p. I‑5869, point 36).

41      En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3 de la directive 2003/30 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut du régime d’exonération fiscale prévu par celle-ci en faveur des biocarburants un produit, tel celui en cause au principal, qui est issu d’un mélange d’huile végétale, de gazole fossile et d’additifs spécifiques.

 Sur la seconde question

42      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à ce qu’un État membre, s’agissant d’un produit tel que celui en cause au principal, supprime, avant la date d’expiration prévue initialement par la réglementation nationale, le régime d’exonération fiscale qui était applicable à celui-ci. En particulier, ladite juridiction vise à savoir, à cet égard, si une telle suppression est subordonnée à l’existence de circonstances exceptionnelles.

43      Il y a lieu de rappeler que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime font partie de l’ordre juridique communautaire. À ce titre, ils doivent être respectés par les institutions communautaires, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives communautaires (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 3 décembre 1998, Belgocodex, C‑381/97, Rec. p. I‑8153, point 26; du 26 avril 2005, «Goed Wonen», C‑376/02, Rec. p. I‑3445, point 32, ainsi que du 21 février 2008, Netto Supermarkt, C‑271/06, Rec. p. I‑771, point 18).

44      Il en découle qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui vise à transposer dans l’ordre juridique interne de l’État membre concerné les dispositions des directives 2003/30 et 2003/96, doit respecter ces principes généraux de droit communautaire.

45      Selon une jurisprudence constante, il incombe à la seule juridiction de renvoi d’examiner si une telle réglementation nationale est conforme auxdits principes (voir, notamment, arrêts du 11 mai 2006, Federation of Technological Industries e.a., C‑384/04, Rec. p. I‑4191, point 34; du 14 septembre 2006, Elmeka, C‑181/04 à C‑183/04, Rec. p. I‑8167, points 35 et 36, ainsi que du 17 juillet 2008, ASM Brescia, C‑347/06, non encore publié au Recueil, point 72), la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel au titre de l’article 234 CE, étant uniquement compétente pour fournir à cette juridiction tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette conformité (voir, notamment, arrêt du 18 décembre 1997, Molenheide e.a., C‑286/94, C‑340/95, C‑401/95 et C‑47/96, Rec. p. I‑7281, point 49).

46      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables (voir, notamment, arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20; du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C‑107/97, Rec. I‑3367, point 66, ainsi que du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 80). Cet impératif s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des charges financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (arrêt du 29 avril 2004, Sudholz, C‑17/01, Rec. p. I‑4243, point 34).

47      S’agissant de l’exigence de clarté et de précision, il y a lieu de relever que, en l’occurrence, la réglementation nationale ayant supprimé le régime d’exonération fiscale en cause au principal apparaît satisfaire à celle-ci.

48      S’agissant du caractère prévisible de la suppression du régime d’exonération fiscale en cause, il convient d’observer que, si cette suppression n’a eu lieu que pour l’avenir et qu’elle n’a donc pas remis en cause l’exonération acquise par la requérante au principal au titre des années 2005 et 2006, tant la loi relative à la taxe sur les huiles minérales, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2004, que la loi relative à la taxe sur l’énergie, dans sa version entrée en vigueur le 1er août 2006, prévoyaient l’application de ce régime d’exonération fiscale jusqu’à la date du 31 décembre 2009. En ce qui concerne les biocarburants tels que le produit en cause au principal, la réglementation adoptée ultérieurement en date du 18 décembre 2006 a cependant supprimé de manière anticipée ce régime d’exonération fiscale avec effet à compter du 1er janvier 2007.

49      Il y a toutefois lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que le principe de sécurité juridique n’exige pas l’absence de modification législative, mais requiert plutôt que le législateur tienne compte des situations particulières des opérateurs économiques et prévoie, le cas échéant, des adaptations à l’application des nouvelles règles juridiques (voir arrêt VEMW e.a., précité, point 81).

50      En l’occurrence, il semble ressortir à cet égard du dossier soumis à la Cour, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, que, si les produits tels que celui en cause au principal ne sont plus exonérés de la taxation relative aux produits énergétiques, ils sont néanmoins susceptibles de bénéficier du régime, institué simultanément par ladite réglementation, consistant à imposer aux fournisseurs de carburants le respect d’une part minimale obligatoire de biocarburants dans les carburants.

51      En ce qui concerne plus spécifiquement le principe de protection de la confiance légitime, il convient cependant de relever que, dans l’affaire au principal, le législateur national a supprimé de manière anticipée un régime d’exonération fiscale dont il avait auparavant indiqué à deux reprises, par des dispositions explicites de sa réglementation, que ce régime serait maintenu en vigueur jusqu’à une date d’échéance ultérieure clairement précisée.

52      Il y a lieu d’admettre qu’un opérateur économique, telle la requérante au principal, qui a commencé ses activités sous l’empire du régime d’exonération fiscale en cause au principal en faveur des biocarburants et qui, à cette fin, a procédé à des investissements coûteux est susceptible d’être considérablement affecté dans ses intérêts par une suppression anticipée de ce régime, et cela d’autant plus lorsque celle-ci est effectuée de manière soudaine et imprévisible, sans lui laisser le temps nécessaire pour s’adapter à la nouvelle situation législative.

53      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une autorité nationale a fait naître des espérances fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, Rec. p. I‑7285, point 81).

54      À cet égard, s’agissant de la confiance qu’un assujetti pourrait avoir quant à l’application d’un avantage fiscal, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’une directive en matière fiscale laisse de larges pouvoirs aux États membres, une modification législative adoptée conformément à la directive ne saurait être considérée comme imprévisible (voir arrêt du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep, C‑487/01 et C‑7/02, Rec. p. I‑5337, point 66).

55      Or, ainsi qu’il ressort des points 33 à 37 du présent arrêt, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux mesures à adopter en vue d’atteindre les objectifs fixés à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/30 et, notamment, ils peuvent, à cette fin, prévoir la fixation d’un pourcentage obligatoire de biocarburants pour les compagnies pétrolières.

56      En conséquence, dès lors que la réglementation nationale ayant supprimé le régime d’exonération fiscale en cause a pour objet d’imposer le respect d’une part minimale obligatoire de biocarburants dans les carburants, il ne saurait être exigé que ladite suppression, contrairement à ce que suggère la juridiction de renvoi, soit subordonnée à l’existence de circonstances exceptionnelles.

57      Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si un opérateur économique prudent et avisé pouvait être en mesure de prévoir la possibilité d’une telle suppression dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal. S’agissant d’un régime prévu par une réglementation nationale, c’est en tenant compte des modalités d’information normalement utilisées par l’État membre qui l’a adoptée et des circonstances de l’espèce que ladite juridiction doit apprécier, de manière globale et in concreto, si la confiance légitime des opérateurs économiques visés par cette réglementation a été dûment respectée (voir, en ce sens, arrêt «Goed Wonen», précité, point 43).

58      À cet égard, tant dans ses observations écrites que lors de l’audience, la requérante au principal a relevé, sans être contredite sur ce point par le Hauptzollamt Darmstadt, que ce dernier, contacté par elle au cours du mois de janvier 2007, ignorait le contenu des modifications apportées à la loi relative à la taxe sur l’énergie par la loi introduisant une obligation en matière de biocarburants, les nouveaux formulaires de déclaration fiscale requis à la suite de ces modifications étant d’ailleurs restés indisponibles jusqu’à la mi-mars 2007, de sorte que ladite requérante a continué à effectuer ses déclarations entre le 1er janvier et le 31 mars 2007 sur les anciens formulaires. La requérante au principal a également souligné que, le retrait anticipé de l’avantage fiscal octroyé par la loi relative à la taxe sur l’énergie ayant été effectué par une loi distincte, elle avait été confrontée à l’application de deux législations, dont l’une prévoyait une exonération fiscale, tandis que l’autre la supprimait.

59      Il ne saurait être exclu que ces circonstances ou certaines d’entre elles soient de nature à indiquer, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi d’examiner dans le cadre du litige au principal, que la réglementation nationale prévoyant la suppression de l’exonération fiscale en cause, qui est entrée en vigueur à très bref délai, n’a pas reçu, à ce moment-là un degré de publicité adéquat dans les milieux intéressés, ce que le Hauptzollamt Darmstadt a cependant contesté lors de l’audience, rendant ainsi l’accès à l’état du droit national applicable moins aisé pour les justiciables.

60      Toutefois, pour déterminer si un opérateur économique prudent et avisé pouvait être en mesure de prévoir la possibilité de ladite suppression dans une affaire telle que celle au principal, la juridiction de renvoi doit également tenir compte des différentes circonstances qui ont précédé cette entrée en vigueur. À cet égard, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever, en particulier, les éléments suivants qui ressortent du dossier soumis à la Cour et qui concernent le contexte réglementaire tant national que communautaire.

61      S’agissant, premièrement, du contexte réglementaire national, qui, pour une petite et moyenne entreprise telle que celle en cause au principal, constitue le cadre légal le plus accessible, il y a lieu de souligner que, dès 2004, la réglementation nationale ayant introduit le régime d’exonération fiscale en cause prévoyait, conformément, notamment, aux dispositions de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2003/96, que les autorités nationales ont l’obligation de réexaminer les exonérations et les réductions de taxation appliquées aux biocarburants en fonction de l’évolution des coûts des matières premières afin d’assurer que ces avantages fiscaux ne conduisent pas à une surcompensation des coûts additionnels liés à la production des biocarburants.

62      En l’occurrence, il ne saurait être exclu que la suppression de l’exonération fiscale en faveur des produits mélangés tels que celui en cause au principal a été motivée, fût-ce en partie, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’établir, par la nécessité de mettre fin à une telle surcompensation. Quoi qu’il en soit, cependant, une telle disposition réglementaire était en tout état de cause de nature à indiquer d’emblée aux opérateurs économiques prudents et avisés que le régime d’exonération fiscale applicable aux biocarburants était susceptible d’être adapté, voire supprimé, par les autorités nationales afin de tenir compte de l’évolution de certaines circonstances extérieures et que, partant, aucune certitude dans le maintien d’un tel régime au cours d’une période déterminée ne pouvait être fondée sur les dispositions de ladite réglementation.

63      Par ailleurs, il y a lieu de noter que, selon la décision de renvoi ainsi que selon les observations écrites déposées par la Commission, la suppression du régime d’exonération fiscale applicable aux biocarburants tels que celui en cause au principal avait été annoncée par l’accord de coalition conclu le 11 novembre 2005 par la nouvelle majorité gouvernementale, celle-ci exprimant, dans cet accord, son intention de remplacer les différents avantages fiscaux en faveur des biocarburants par le respect d’une obligation relative au mélange des biocarburants. Il ressort également des observations du Hauptzollamt Darmstadt que cette mesure aurait été annoncée par un projet de loi datant du 6 avril 2006. Par ailleurs, cette même autorité douanière a expliqué lors de l’audience que des échanges importants avaient eu lieu à cet égard avec les milieux intéressés au cours de l’année 2006.

64      Toutefois, il y a lieu également de prendre en compte le fait que, cinq mois avant de supprimer le régime d’exonération fiscale en faveur des biocarburants tels que le produit en cause au principal, le législateur national a, par la loi relative à la taxe sur l’énergie, dans sa version en vigueur le 1er août 2006, confirmé la date du 31 décembre 2009 comme date d’échéance dudit régime, tout en prévoyant, s’agissant des biocarburants issus, à l’instar dudit produit, d’huiles végétales, la suppression progressive de ce régime par réductions échelonnées du taux de l’exonération à compter du 1er janvier 2008 jusqu’à la fin de l’année 2012.

65      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure une telle circonstance, qui reflétait la volonté du législateur national, au milieu de l’année 2006, de maintenir en vigueur le régime d’exonération fiscale en cause, a pu constituer un indice, pour un opérateur avisé et prudent, que ledit régime continuerait de s’appliquer au moins jusqu’à la date d’échéance prévue initialement, à savoir le 31 décembre 2009, voire, en partie, jusqu’en 2012. À cet égard, il incombe, en particulier, à ladite juridiction d’examiner dans quelle mesure la conviction d’un tel opérateur sur ce point a pu être renforcée par la circonstance que ce maintien en vigueur a été décidé après les différentes communications, relevées au point 63 du présent arrêt, indiquant que ce régime serait supprimé.

66      S’agissant, deuxièmement, du contexte réglementaire communautaire, il y a lieu de relever que ladite réglementation n’a subi, au cours de la période en cause, aucun changement. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure une telle circonstance a pu suggérer à un opérateur avisé et prudent que le droit national ayant pour objet de transposer cette réglementation demeurerait également inchangé, en dépit du fait que, comme il a été indiqué au point 35 du présent arrêt, la directive 2003/30 conférait un large pouvoir d’appréciation aux États membres quant à la nature des mesures à adopter pour atteindre les objectifs visés par celle-ci.

67      Il convient dès lors de conclure que c’est en tenant compte de l’ensemble des éléments qui précèdent, ainsi que de toute autre circonstance pertinente du litige dont elle est saisie, que la juridiction de renvoi doit examiner, dans le cadre d’une appréciation globale effectuée in concreto, si la requérante au principal, en tant qu’opérateur prudent et avisé, disposait d’éléments suffisants lui permettant de s’attendre à ce que le régime d’exonération fiscale en cause au principal soit supprimé avant la date initiale prévue pour l’expiration de ce régime.

68      En conséquence, il convient de répondre à la seconde question que les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à ce qu’un État membre, s’agissant d’un produit tel que celui en cause au principal, supprime, avant la date d’expiration prévue initialement par la réglementation nationale, le régime d’exonération fiscale qui était applicable à celui-ci. En tout état de cause, une telle suppression n’exige pas l’existence de circonstances exceptionnelles. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi d’examiner, dans le cadre d’une appréciation globale effectuée in concreto, si lesdits principes ont été respectés dans l’affaire au principal en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes relatives à celle-ci.

 Sur les dépens

69      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 3 de la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 mai 2003, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut du régime d’exonération fiscale prévu par celle-ci en faveur des biocarburants un produit, tel celui en cause au principal, qui est issu d’un mélange d’huile végétale, de gazole fossile et d’additifs spécifiques.

2)      Les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à ce qu’un État membre, s’agissant d’un produit tel que celui en cause au principal, supprime, avant la date d’expiration prévue initialement par la réglementation nationale, le régime d’exonération fiscale qui était applicable à celui-ci. En tout état de cause, une telle suppression n’exige pas l’existence de circonstances exceptionnelles. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi d’examiner, dans le cadre d’une appréciation globale effectuée in concreto, si lesdits principes ont été respectés dans l’affaire au principal en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes relatives à celle-ci.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.