Language of document : ECLI:EU:T:2007:176

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 juin 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative FENNEL – Marque communautaire verbale antérieure FENJAL – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), article 73, deuxième phrase, et article 74, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑167/05,

Grether AG, établie à Binningen (Suisse), représentée initialement par Mes V. von Bomhard, A. Pohlmann et A. Renck, puis par Mes  von Bomhard, Pohlmann et T. Dolde, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Crisgo (Thailand) Co., Ltd, établie à Samutsakom (Thaïlande), représentée par Mes A. Bensoussan, M. Haas et L. Tellier-Loniewski, avocats,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 14 octobre 2004 (affaire R 250/2002-4), relative à une procédure d’opposition entre Grether AG et Crisgo (Thailand) Co., Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, V. Vadapalas et N. Wahl, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2005,

à la suite de l’audience du 29 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 août 1998, l’intervenante a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « poudres compactes, rouges à lèvres, ombres à paupières, surligneurs d’yeux, fards à joues, vernis à ongles et mascaras ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 37/1999, du 10 mai 1999.

5        Le 28 juillet 1999, la requérante a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits couverts par celle-ci. Elle a invoqué le risque de confusion avec sa marque communautaire verbale antérieure FENJAL, en raison de la similitude entre les signes en cause, du fait que les produits visés par les deux marques sont identiques ou similaires et que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif élevé en raison de sa renommée auprès du public allemand.

6        Par décision du 28 février 2002, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son ensemble.

7        Le 28 mai 2004, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

8        Ce recours a été rejeté par décision de la quatrième chambre de recours du 14 octobre 2004 (ci-après la « décision attaquée »). La chambre de recours a confirmé les conclusions de la division d’opposition, en considérant que les produits en cause étaient identiques et que les légères similitudes entre les signes en conflit étaient largement compensées par les différences qui les séparaient. Selon la chambre de recours, ces derniers produisent donc une impression d’ensemble différente, eu égard notamment au degré supérieur d’attention qu’accorde le consommateur aux produits en cause et à la circonstance que ces derniers sont généralement achetés à vue. La chambre de recours conclut que les différences visuelles, phonétiques et éventuellement conceptuelles entre les signes en cause suffisent à écarter un risque de confusion dans l’esprit du public visé, même s’agissant de produits identiques et d’une marque antérieure bien connue ou jouissant d’une renommée en Allemagne.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 74, paragraphe 1, conjointement avec l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94, et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

12      Le Tribunal considère qu’il convient d’examiner, d’abord, le second moyen.

 1. Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

13      La requérante fait valoir que la marque demandée consiste dans le mot dominant « fennel » et dans un logo séparé de l’élément verbal, purement décoratif figurant au-dessus de ce mot, composé de deux lettres, formant une unité impossible à identifier clairement et jouant un rôle secondaire dans la comparaison des marques en conflit. Le public pertinent ne percevrait pas le logo, mais uniquement le mot « fennel », comme faisant partie de la marque demandée.

14      Ainsi, la comparaison entre les signes en cause devrait se concentrer sur les éléments « fenjal » et « fennel », ce qui aboutirait à constater leur similitude visuelle et phonétique. D’ailleurs, selon la requérante, des pages du site Internet de l’intervenante présentent ses produits commercialisés et distribués sous le simple nom « fennel » sans logo.

15      En premier lieu, la requérante fait valoir que, d’un point de vue visuel, les signes sont très similaires. Les termes « fenjal » et « fennel » auraient le même nombre de lettres. Quatre des six lettres composant ces termes seraient identiques et auraient la même position au sein desdits termes. Ils partageraient la même première syllabe « fen » et la dernière lettre « l ». Or, le premier élément des marques serait particulièrement important lors de la comparaison des signes, compte tenu du fait que le public tendrait à se concentrer sur le début d’une marque lorsqu’il est confronté au produit. La requérante précise que les ressemblances entre les marques ne sont remises en cause ni par l’existence de lettres différentes au milieu des signes en cause, qui sont moins remarquées par les consommateurs, ni par l’existence du logo.

16      La requérante conteste le raisonnement de la chambre de recours, selon lequel les cosmétiques sont généralement achetés à vue, de sorte que la comparaison visuelle entre les marques revêt une importance particulière. La requérante précise que, s’il est vrai que les produits cosmétiques sont parfois achetés à vue, on ne saurait dire qu’en règle générale il s’agit de la seule manière pertinente de les acheter, car ils sont souvent achetés au comptoir, par exemple, dans de plus petits magasins ou des pharmacies, où le consommateur commandera le produit oralement. Le consommateur pourrait aussi s’adresser à un vendeur pour demander de l’aide, et ainsi mentionner le produit. Selon la requérante, le consommateur peut également connaître le produit uniquement par ouï-dire, par exemple sur recommandation d’amis. Un achat pourrait encore être effectué sur commande et au nom d’une autre personne qui aurait demandé de ramener un certain produit du supermarché. Dans ces situations, l’impression visuelle serait totalement reléguée à l’arrière-plan et le risque de confusion ne pourrait résulter que de l’impression phonétique.

17      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, d’un point de vue phonétique, les mots « fenjal » et « fennel » sont prononcés de manière semblable dans la plupart des langues communautaires, l’accent tonique étant placé sur la première syllabe identique des signes en cause. En conséquence, la seule lettre perceptible de la deuxième syllabe serait la dernière lettre identique « l », en ce que le public tendrait à avaler cette partie du signe en la prononçant, au moins dans les pays où l’accent tonique se trouve sur la première syllabe du mot.

18      En langue anglaise, les deux mots « fenjal » et « fennel » seraient prononcés de manière presque identique, avec l’accent tonique sur la première syllabe. La deuxième voyelle « a » du mot « fenjal » serait prononcée de la même manière que la deuxième voyelle « e » du terme « fennel ». La légère différence de prononciation de la partie centrale des mots en cause serait à peine perceptible. En outre, la comparaison phonétique entre les marques en cause dans les pays anglophones serait d’une grande importance si l’on devait supposer, à l’instar de la chambre de recours dans la décision attaquée, que la marque demandée a une signification en anglais.

19      En langue allemande, les deux signes seraient également prononcés de façon semblable, l’accent tonique étant sur la première syllabe. La deuxième syllabe ne serait pas articulée et la différence de prononciation de la partie centrale des deux mots ne serait probablement pas perçue.

20      La requérante conteste la décision de la chambre de recours qui considère que la marque demandée sera probablement prononcée « èf-èl-fènel », ce qui, à son avis, constitue une supposition dénuée de toute base factuelle, éloignée de l’expérience quotidienne et contraire au sens commun. La requérante considère qu’un consommateur ne fera pas référence à une marque combinant un logo et un mot en tentant de prononcer à la fois ce logo et ce mot.

21      En l’espèce, soit le logo ne serait pas prononçable du tout, parce qu’il n’est pas perçu comme contenant deux lettres, soit il pourrait être prononcé « èf-ji ». L’hypothèse la moins probable est, de l’avis de la requérante, qu’il soit prononcé « èf-èl ». En tout état de cause, tout consommateur moyen se référerait toujours au signe demandé en prononçant seulement le mot « fennel ».

22      En dernier lieu, la requérante relève que, d’un point de vue conceptuel, les marques en conflit n’ont pas la moindre signification dans la plupart des États membres. En ce qui concerne les pays anglophones, même si le public pertinent devait être conscient de la signification du mot « fennel » comme étant une plante ou un végétal, cela ne ferait que renforcer la similitude entre les termes « fenjal » et « fennel ». Il en serait ainsi parce que le concept véhiculé par le terme « fennel » ne ferait qu’accentuer l’importance de cet élément au sein de la marque demandée, au détriment du logo constituant également ladite marque. Dans ce cas, les différences conceptuelles entre les signes en conflit seraient compensées par les ressemblances visuelles et phonétiques entre les mots « fenjal » et « fennel ».

23      La requérante précise que la comparaison conceptuelle entre les signes en conflit peut aboutir à trois résultats différents, tous trois renforçant la conclusion d’une ressemblance entre les marques en cause. Selon le premier, le consommateur ne serait pas à même d’effectuer une comparaison conceptuelle, parce que les deux marques n’ont pas de signification ou parce qu’une telle signification est inconnue du consommateur. Le deuxième serait qu’il peut être vaguement conscient du sens de « fennel », auquel cas il serait enclin à retrouver ce même sens dans la marque antérieure, compte tenu de la ressemblance étroite entre les marques en cause. Le troisième serait que le consommateur, qui est familier de la marque antérieure, confondra la marque demandée et la marque antérieure, auquel cas une confusion se produira avant que la moindre comparaison conceptuelle ne soit faite.

24      La requérante en déduit que la chambre de recours s’est largement trompée en supposant que les significations différentes alléguées des mots concernés en anglais ont eu une influence majeure sur la confusion potentielle de la part du public.

25      La requérante fait valoir que, dans ce contexte, et tenant compte du fait que les produits couverts par les deux marques sont identiques, un risque de confusion existe, parce que le consommateur de produits d’usage courant comme les cosmétiques n’est pas très attentif lors de ses achats et se fondera plutôt sur le souvenir imparfait de la marque gardé en mémoire à la suite de son dernier achat. Même si le public devait percevoir deux lettres à l’intérieur du rectangle du logo de la marque demandée, ces lettres ne feraient que renforcer le risque de confusion entre les marques en cause, dans la mesure où ces lettres rappelleraient au public la marque antérieure.

26      En effet, souligne la requérante, selon la jurisprudence communautaire, le risque de confusion doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents. Dans le cas d’espèce, les produits en cause seraient des cosmétiques, d’usage quotidien, comme des rouges à lèvres, du vernis à ongles ou de l’ombre à paupières, qui ne sont pas nécessairement des produits à haute valeur ajoutée, pouvant être achetés partout, y compris dans les supermarchés, ou dans des stations-service. Contrairement à l’appréciation de la décision attaquée, l’attention des consommateurs de cosmétiques serait réduite.

27      De l’avis de la requérante, le risque de confusion doit être déterminé au moyen d’une appréciation globale de la ressemblance visuelle, phonétique et conceptuelle des marques, sur la base de l’impression qu’elles donnent, en gardant à l’esprit leurs composants distinctifs et dominants. La marque antérieure FENJAL jouirait d’une force et d’un caractère distinctif renforcés, tant intrinsèquement qu’en raison de l’usage intensif et de la promotion dont ladite marque a bénéficié.

28      En effet, la requérante estime que la marque FENJAL est un terme de fantaisie, sans aucune signification dans les langues communautaires, de sorte que les consommateurs ne l’associeront pas avec les produits concernés. Toutefois, la marque FENJAL jouirait d’un caractère distinctif renforcé en raison de son usage ancien et intensif, ainsi que de sa réputation en Allemagne. Relancée en 1996, la marque antérieure aurait construit sa réputation sur son prédécesseur FENJALA, dont les ventes auraient dépassé un montant de 35 millions d’euros en 1980. Actuellement, la requérante serait le troisième producteur d’huiles de bain dans cet État membre.

29      La requérante estime en outre que, d’après la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en considération, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, une faible similitude entre les produits ou les services pourrait être compensée par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

30      Or, selon la requérante, dans le cas d’espèce, étant donné que les produits couverts par les marques en conflit sont identiques, que les signes sont similaires sur les plans visuel et phonétique, et que le caractère distinctif de la marque antérieure est renforcé, il existe un risque de confusion entre les marques en cause.

31      La requérante ajoute que ce risque de confusion pourra même prendre la forme d’un risque d’association, notamment dans l’hypothèse improbable où le public reconnaîtrait la combinaison des deux lettres formant le logo de la marque demandée, car il pourrait associer ce logo avec la marque antérieure FENJAL, vu la présence de la lettre « j » composant le logo. En effet, la lettre « j » se trouvant au milieu du mot « fenjal » se distinguerait car sa partie inférieure soulignerait la lettre précédente « n » de ladite marque. De plus, selon la requérante, il y a une couronne au-dessus de la lettre « j » représentée dans une couleur différente du mot « fenjal ». Enfin, la lettre « j » du mot « fenjal » serait la seule lettre qui semble être écrite en majuscule. En conséquence, la lettre « j » jouerait un rôle important dans l’impression globale produite par la marque telle qu’elle est actuellement utilisée.

32      En premier lieu, l’OHMI relève que l’identité des produits en cause n’est pas contestée.

33      En deuxième lieu, s’agissant de la similitude des signes en conflit, l’OHMI rappelle la jurisprudence communautaire selon laquelle l’appréciation des similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces marques, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants. L’OHMI souligne par ailleurs que cette appréciation doit prendre en considération la perception de la marque antérieure par le public du territoire de l’Union européenne, FENJAL étant une marque communautaire.

34      L’OHMI rejette le raisonnement de la requérante selon lequel les signes en conflit sont similaires. En effet, le signe antérieur FENJAL serait une marque verbale, consistant en un mot de six lettres, qui n’est porteur d’aucune signification dans l’une des langues de l’Union européenne lorsqu’il s’applique aux produits de la classe 3. Selon l’OHMI, le signe FENNEL est également un mot de six lettres, qui n’est pas écrit dans une police de caractères particulièrement originale. Cet élément verbal serait surplombé par un élément figuratif composé des lettres « fl » et encadré d’un rectangle, à l’intérieur duquel le « l » apparaît « en miroir ».

35      Sur le plan visuel, l’OHMI partage l’avis de la chambre de recours qui a considéré les signes en conflit comme étant différents. Selon lui, les légères similitudes visuelles dues à la suite de lettres « fen » et « l » sont compensées par la différence de configuration des signes dans leur ensemble. Le doublement de la lettre « n » au centre du mot (« nn ») attirerait particulièrement le regard dans la marque communautaire demandée et l’impact visuel des terminaisons des signes, « jal » et « nel », serait sensiblement différent. L’OHMI estime que les disparités dans la construction des signes sont, en outre, renforcées par la présence de l’élément figuratif, qui, s’il revêt une importance secondaire, n’est pas purement décoratif et ne peut dès lors être ignoré.

36      Sur le plan phonétique, l’OHMI partage la conclusion de la chambre de recours qui a considéré les deux signes comme étant différents.

37      L’OHMI considère que la requérante a essentiellement fait valoir l’existence d’un risque de confusion en Allemagne. Or, sur ce territoire, la marque antérieure se prononcerait « fén-ial » avec un accent sur la deuxième voyelle, tandis que la marque communautaire demandée se prononcerait « fè-nel » avec un accent sur la première voyelle. Selon l’OHMI, en Allemagne, ainsi que dans tout autre État membre, il en résulterait que les signes sont différents sur le plan phonétique.

38      Sur le plan conceptuel, l’OHMI approuve la position de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit n’ont pas de signification précise, sauf en anglais, langue dans laquelle les signes seraient perçus comme ayant des contenus sémantiques différents, le mot « fennel » peut faire penser à une plante aromatique, connue comme remède contre les troubles gastriques et intestinaux. Lesdits signes ne pourraient donc être distingués sur le plan conceptuel par la partie non anglophone du public pertinent.

39      En troisième lieu, s’agissant du risque de confusion, l’OHMI conteste l’argument de la requérante selon lequel le niveau d’attention lors de l’achat des cosmétiques est faible. L’OHMI fait valoir que les cosmétiques ne constituent pas une catégorie homogène, car ils incluent une grande variété de produits différents, tels que les produits de beauté et les produits d’hygiène. Or, une plus grande attention caractériserait l’achat de produits de beauté que celui de produits d’hygiène, étant donné leur coût, les effets positifs que ces produits sont censés avoir sur l’aspect du consommateur et parce qu’ils sont considérés comme un plaisir plutôt que comme une nécessité. Le degré d’attention serait dès lors susceptible d’être plus élevé.

40      L’OHMI fait observer que, en dépit de la nature identique des produits couverts par les deux signes litigieux et de leur suite de lettres communes « fen » et « l », la chambre de recours pouvait, en droit, affirmer que le public pertinent sur le territoire communautaire, qui est avisé et présente un degré d’attention relativement élevé, n’était pas susceptible de croire que les produits en cause provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, compte tenu des différences visuelles et phonétiques relevées entre les deux signes en cause.

41      De l’avis de l’OHMI, les différences visuelles desdits signes sont d’autant plus importantes que les cosmétiques sont généralement achetés à vue, parce qu’ils sont généralement présentés sur des rayons de telle manière que les consommateurs sont à même de les examiner visuellement au cours de leur achat. En conséquence, même si l’argument de la requérante selon lequel les signes présentent une certaine similitude phonétique était correct, ce degré de similitude phonétique ne serait pas décisif et serait neutralisé par les différences visuelles.

42      L’OHMI fait valoir que les deux marques en conflit, ayant été jugées différentes dans leur ensemble, l’éventuel caractère distinctif élevé de la marque antérieure, allégué par la requérante, ne peut pas affecter l’évaluation globale du risque de confusion.

43      En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à la publicité diffusée sur Internet sous le seul nom « fennel », sans logo, l’OHMI relève que les annexes à la requête, tendant à démontrer une telle affirmation, n’ont jamais été présentées à la chambre de recours et doivent dès lors être ignorées.

44      L’OHMI soutient, en outre, que le risque de confusion est uniquement apprécié, dans une procédure d’opposition, sur la base d’une comparaison entre la demande de marque communautaire, telle que déposée, et la marque antérieure, telle qu’enregistrée. Il ne serait pas tenu compte de la façon dont la marque antérieure est réellement utilisée sur le marché tant qu’elle n’est pas soumise à l’obligation de la preuve de l’usage. De même, l’usage actuel ou futur de la marque communautaire demandée n’exercerait aucun impact sur l’appréciation du risque de confusion.

45      L’intervenante, s’agissant en premier lieu de la comparaison des signes en cause, partage la thèse de la chambre de recours selon laquelle lesdits signes sont différents sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

46      L’intervenante estime que, les produits concernés étant des cosmétiques achetés à vue, les signes en cause sont d’abord perçus visuellement. Ce ne serait qu’en les examinant de plus près que les consommateurs les perçoivent phonétiquement. Ainsi, l’importance la plus grande devrait être attachée à la similitude visuelle.

47      Sur le plan visuel, la comparaison devrait se faire entre la marque verbale FENJAL et la marque figurative complexe FENNEL, comportant à la fois un élément verbal et un élément figuratif, à savoir un monogramme, composé de la lettre « f »et d’un « l » inversé, placé dans un cadre. Les deux signes seraient visuellement différents, du fait de l’existence des séries de lettres « nja » dans la marque antérieure et « nne » dans celle ayant fait l’objet de la demande et de l’écriture des deux lettres « nn » en caractères gras. Le monogramme serait un élément figuratif additionnel distinctif, constituant une partie substantielle de la marque demandée et sa présence ne serait pas secondaire.

48      Sur le plan phonétique, l’intervenante ajoute que la marque FENNEL se caractérise par une impression d’écho. Si l’on considère que les consommateurs prononcent uniquement la partie verbale de la marque, la prononciation est « fè-nel », marquée par une alternance des sons « èn » et « nè », et cette impression se renforce s’ils prononcent l’ensemble de la marque demandée, c’est-à-dire « èf-èl-fè-nel ». Dans les deux cas, le son prédominant serait « è ». En revanche, la marque antérieure se prononcerait de manière très différente : dans la marque FENJAL, la prononciation de la lettre « e » serait à peine audible, la voyelle dominante étant la voyelle dure « a », qui est beaucoup plus sonore.

49      Sur le plan conceptuel, et concernant la possible association de « fennel » à une plante aromatique dans la langue anglaise, l’intervenante soutient que, soit les consommateurs ne comprennent pas l’anglais et il est alors impossible d’analyser les ressemblances conceptuelles entre les deux termes, qui, dans ce cas, n’ont pas de signification, soit les consommateurs sont anglophones mais y voient un terme dépourvu de contenu sémantique, car il ne fait pas partie du vocabulaire anglais de base, soit ils comprennent que « fennel » renvoie à une plante aromatique, n’ayant cependant pas de signification liée aux cosmétiques, de sorte que la marque est distinctive en elle-même. Ainsi, quelle que soit l’hypothèse, les deux signes ne présenteraient aucune similitude conceptuelle.

50      S’agissant de l’appréciation du risque de confusion, l’intervenante conteste l’argument de la requérante selon lequel le niveau d’attention du consommateur est réduit. Ainsi, l’intervenante fait valoir qu’un tel niveau d’attention est supérieur à la moyenne, voire susceptible de varier selon le produit en cause.

51      L’intervenante précise que la demande de marque communautaire ne couvre pas l’ensemble des produits de la classe 3, mais se limite aux poudres compactes, rouges à lèvres, ombres à paupières, surligneurs d’yeux, fards à joues, vernis à ongles et mascaras. Dans l’esprit du public pertinent, composé de personnes de sexe féminin, soucieuses d’embellir leur apparence, ce type de produits serait de même nature que les produits de luxe.

52      Ces produits seraient achetés dans les parfumeries et les salons de beauté, où les consommateurs reçoivent les conseils du personnel tout en ayant la possibilité d’essayer les produits avant l’achat. Ils ne seraient pas achetés à la hâte. L’acquisition des cosmétiques en supermarché se ferait avec l’intervention d’un vendeur et serait l’exception et non la règle.

53      Enfin, l’intervenante fait valoir que la différence entre les niveaux d’attention respectivement retenus par la chambre de recours et par la requérante n’a aucune incidence sur l’absence de similitude entre les signes en cause ni sur l’absence de risque de confusion. Compte tenu des différences globales entre les deux signes, le consommateur pertinent n’attribuerait pas la même origine commerciale aux produits désignés par les marques en conflit.

 Appréciation du Tribunal

54      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

55      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 23, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 37].

56      Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 50].

57      Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des signes en conflit et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 19).

58      En l’espèce, le public pertinent se compose des consommateurs moyens de l’Union européenne dans lesquels le signe antérieur bénéficie d’une protection.

59      La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

60      L’identité des produits désignés par les signes litigieux n’est pas contestée par les parties. Seule est débattue entre les parties la question de savoir si la chambre de recours a considéré à bon droit que les signes en cause étaient suffisamment dissemblables pour écarter un risque de confusion.

–       Sur la similitude des signes

61      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

62      En l’espèce, le signe antérieur est exclusivement constitué par l’élément verbal « fenjal », tandis que la marque demandée se compose de l’élément verbal « fennel » et d’un logo séparé représenté au-dessus de ce mot, comprenant deux lettres insérées dans un cadre rectangulaire, à savoir la lettre « f » ainsi qu’une autre lettre pouvant être perçue soit comme un « j » stylisé, soit comme un « l » majuscule dont la partie inférieure est tournée vers la gauche.

63      Aux fins de la comparaison des signes litigieux, la requérante a présenté divers arguments en faveur d’une comparaison entre les seuls éléments verbaux « fenjal » et « fennel », le logo ayant une fonction purement décorative.

64      Pour étayer cette affirmation, la requérante a présenté en annexe à sa requête des pages Internet censées démontrer la commercialisation des cosmétiques de la marque demandée, sous son seul élément verbal « fennel » sans logo. L’OHMI fait valoir que ces éléments de preuve n’ont jamais été présentés à la chambre de recours et ne peuvent être pris en compte.

65      Il résulte du dossier et il a été confirmé à l’audience que ces preuves ont été produites pour la première fois devant le Tribunal, et qu’elles n’ont jamais été présentées dans le cadre de la procédure administrative devant l’OHMI. Il s’ensuit qu’elles sont irrecevables et ne peuvent pas être prises en considération. En effet, l’admission de ces preuves serait contraire à l’article 74 du règlement n° 40/94.

–       Sur la similitude visuelle

66      Si la comparaison visuelle des signes en conflit révèle certes une coïncidence entre leurs trois premières lettres et leur lettre finale, la chambre de recours a constaté à juste titre que les signes litigieux produisaient, chacun, une impression visuelle différente. Les légères similitudes visuelles dues à la suite de lettres « fen » et « l » sont compensées par la différence de configuration des signes dans leur ensemble.

67      En effet, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que les lettres « nn » situées au centre de la marque FENNEL utilisent un graphisme différent des autres, ce qui attire le regard du consommateur. Ensuite, alors que l’impression visuelle globale du signe antérieur est exclusivement déterminée par l’élément verbal unique « fenjal », celle de la marque demandée résulte de la combinaison des deux éléments, verbal et figuratif, qui la composent.

68      Même en admettant, ainsi que le fait valoir la requérante, que l’élément figuratif revêt un caractère purement décoratif par rapport à l’élément verbal de la marque demandée, il convient de considérer qu’il est beaucoup plus apte que l’élément verbal à distinguer les produits désignés et à capter l’attention du consommateur et que le seul élément verbal « fenjal » de la marque antérieure est, en tout état de cause, suffisamment distinct du signe demandé pour que, sur le plan visuel, les différences l’emportent sur les aspects similaires dans la perception du consommateur. Cette conclusion n’est pas altérée par le fait, invoqué par la requérante, que l’attention du public se concentrera davantage sur les trois premières lettres et sur la dernière lettre des signes que sur les lettres « ja » et « ne ».

–       Sur la similitude phonétique

69      La prononciation du terme « fennel » se caractérise par la prédominance du son « è », tandis que, dans le mot « fenjal », le son dominant est celui de la voyelle « a ». Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours a retenu à bon droit que les signes litigieux présentaient des séquences phonétiques clairement différentes.

70      Il convient de remarquer également que l’existence d’un éventuel risque de confusion en Allemagne, alléguée par la requérante, ne saurait être retenue, étant donné que le mot « fenjal » se prononcera dans cet État membre avec un accent sur la deuxième voyelle tandis que le terme « fennel » se prononcera avec un accent sur la première voyelle.

–       Sur la similitude conceptuelle

71      Il est admis par les parties que les deux termes en cause n’ont pas de signification dans la plupart des États membres. Si des doutes existent pour le public pertinent de langue anglaise, pour lequel le terme « fennel » peut, éventuellement, désigner une plante ou un légume, ce fait ne remet pas en cause l’absence de similitude entre les signes en conflit.

72      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a considéré à bon droit que les différences entre les signes litigieux sont prédominantes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel pour l’ensemble des consommateurs concernés. En effet, il résulte de la comparaison entre les signes litigieux que ceux-ci produisent des impressions globales différentes. La seule coïncidence entre les trois premières lettres et la dernière lettre desdits signes ne modifie pas la constatation selon laquelle, dans l’impression d’ensemble qu’ils produisent, les différences entre les signes l’emportent sur les quelques éléments de similitude.

–       Sur l’appréciation globale du risque de confusion

73      Quant à l’existence d’un risque de confusion, il y a lieu, dans le cadre de son appréciation globale, de tenir compte de ce que le risque de confusion doit être apprécié par rapport à un consommateur communautaire normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de ce qu’il existe une identité entre les produits couverts par les marques en cause et de ce que les signes en conflit ne sont pas similaires.

74      Eu égard aux différences entre les signes en conflit, il y a lieu de retenir que la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il n’existait pas de risque de confusion entre eux, en dépit de l’identité des produits concernés. En effet, l’absence de similitude des signes en cause ne saurait être compensée, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, par le fait que les produits désignés sont identiques et que ceux-ci appartiennent au même secteur de production et de commercialisation, l’identité des produits ne suffisant pas pour reconnaître l’existence d’un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 octobre 2004, Aventis CropScience/OHMI – BASF (CARPO), T‑35/03, non publié au Recueil, point 29, et du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, Rec. p. II‑4035, point 76].

75      La conclusion de la chambre de recours n’est pas infirmée par le fait que, selon la requérante, la marque antérieure aurait un caractère distinctif élevé, notamment en Allemagne.

76      Il est vrai que, selon la jurisprudence, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en considération pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (arrêt Canon précité, points 18 et 24). Cette interprétation est confirmée par le septième considérant du règlement n° 40/94 selon lequel il y a lieu d’apprécier le risque de confusion au regard, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché.

77      En l’espèce, il résulte du dossier que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur le caractère distinctif ou non de la marque antérieure. Toutefois, il y a lieu de préciser que la notoriété du signe FENJAL en Allemagne ne remettrait pas en cause la conclusion de la chambre de recours.

78      En effet, s’il est de jurisprudence constante que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important [arrêt SABEL, précité, point 24, et arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 44], il convient de souligner qu’un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les signes. Ainsi, la notoriété d’une marque est un élément qui, loin de donner lieu, en lui-même, à un risque de confusion, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les signes ou entre les produits et services est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt Canon, précité, point 19, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 65].

79      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a retenu à bon droit qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes litigieux.

80      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être rejeté comme non fondé.

 2. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 74, paragraphe 1, et de l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

81      La requérante fait valoir que la décision attaquée viole l’article 74, paragraphe 1, et l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours a fondé sa décision sur des arguments et faits nouveaux qui n’ont jamais été soulevés ou discutés par les parties, sur lesquels elle n’a pas eu l’occasion de se prononcer et qui se sont révélés pertinents pour fonder la décision attaquée.

82      En premier lieu, la requérante affirme que la chambre de recours a jugé à tort que le degré d’attention des consommateurs de cosmétiques était plus élevé que la moyenne et que les cosmétiques étaient normalement achetés à vue.

83      En deuxième lieu, la chambre de recours aurait considéré que les signes en question étaient conceptuellement différents dans les pays de langue anglaise. Or, ce n’est que devant la chambre de recours que l’intervenante aurait insinué qu’en langue anglaise l’élément verbal « fennel » signifiait légume.

84      En troisième lieu, la chambre de recours aurait ignoré les preuves que la requérante a soumises devant la division d’opposition démontrant l’usage intensif et la réputation de la marque antérieure FENJAL en Allemagne, ne prenant ainsi pas en compte son caractère distinctif.

85      L’OHMI rejette les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours a violé l’article 74, paragraphe 1, et l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94.

86      En premier lieu, l’OHMI fait valoir qu’elle a le devoir de procéder à un examen d’office de tous les éléments de droit pertinents du cas d’espèce, tels que visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour déterminer si le risque de confusion est susceptible de se produire ou non, lorsqu’elle examine s’il peut être fait droit à une opposition.

87      En ce qui concerne la similitude conceptuelle des signes, l’OHMI rappelle la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

88      Par conséquent, en l’absence de tout élément ou argument factuel dans le dossier concernant la signification des signes en conflit, la chambre de recours serait tenue de vérifier d’office si les signes pouvaient être intellectuellement liés dans l’esprit du public en raison de leur signification éventuelle dans l’une des langues officielles de l’Union européenne.

89      De plus, l’OHMI souligne que la signification des signes peut être examinée grâce à des dictionnaires, c’est-à-dire à partir de sources généralement accessibles. En tirant des conséquences d’une définition donnée par un dictionnaire qui n’avait pas été fournie par les parties, la chambre de recours n’aurait donc pas violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

90      En ce qui concerne le niveau d’attention du consommateur, l’OHMI estime que celui-ci varie en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause. En l’absence de tout élément ou argument factuel à cet égard dans le dossier, la chambre de recours serait néanmoins tenue d’évaluer d’office le niveau d’attention du consommateur moyen.

91      En ce qui concerne la question de savoir si les produits en cause sont généralement achetés à vue ou commandés oralement, l’OHMI estime que la chambre de recours était tenue de prendre en compte et d’apprécier les modalités de commercialisation des produits concernés, même en l’absence de tous faits ou preuves produits devant elle par les parties.

92      En second lieu, l’OHMI conteste le raisonnement de la requérante selon lequel celle-ci aurait dû être entendue pour pouvoir prendre position sur les références faites par la chambre de recours à la signification du mot « fennel », au niveau d’attention des consommateurs et aux méthodes de vente des cosmétiques, en faisant valoir que les considérations relatives à ces éléments de droit, qui sont appréciés sans préavis, en vertu de l’article 73 du règlement n° 40/94, ne doivent pas être soumises aux parties avant de rendre une décision. D’ailleurs, cet article n’impose aucune obligation d’informer les parties sur la façon dont l’instance décisionnelle concernée entend appliquer le règlement n° 40/94.

93      Par ailleurs, l’OHMI soutient que, tant durant la procédure devant la division d’opposition que devant la chambre de recours, la requérante a eu l’occasion de prendre position sur les divers éléments nécessaires à l’appréciation du risque de confusion.

94      L’OHMI fait encore valoir que la chambre de recours a établi que les signes en conflit, bien que présentant de légères similitudes visuelles, résultant de la présence commune de la suite de lettres « fen » et « l », seraient nettement différents dans leur ensemble, si bien qu’il n’y aurait pas lieu d’examiner le degré de caractère distinctif de la marque antérieure acquis par l’usage.

95      L’OHMI fait valoir que l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 ne lui impose pas l’obligation de tenir compte d’éléments de preuve non pertinents.

96      Par conséquent, selon l’OHMI, dès lors que l’une des conditions pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 font défaut – à savoir, dans le cas présent, la similitude des signes – la chambre de recours peut légitimement écarter des preuves documentaires qui ne sont pas à l’origine d’une similitude entre les signes mais qui se limitent à élargir le champ de protection de la marque antérieure.

97      L’intervenante estime que les arguments de la requérante concernant la violation de l’article 74, paragraphe 1, et de l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94 ne sont pas fondés, car, pour évaluer l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques en conflit, la chambre de recours s’est bornée à préciser et à appliquer le critère d'appréciation pertinent pour évaluer l’existence d’un risque de confusion entre deux marques, c’est-à-dire la perception présumée des consommateurs pertinents, tel que définis par les preuves de la requérante.

98      En effet, les preuves présentées par la requérante démontreraient que le consommateur pertinent est une femme soucieuse et désireuse d’embellir son apparence, qu’elle achète ses cosmétiques à vue et qu’elle tient à les voir puis à les essayer avant de les acheter.

99      Ainsi, selon l’intervenante, l’article 73 du règlement n° 40/94 couvre l’ensemble des faits, allégations et preuves constituant la base de la décision. Il ne s’appliquerait toutefois pas à la position finale adoptée. La chambre de recours ne serait pas tenue de demander à la requérante de prendre position sur l’appréciation des faits avancés et des preuves produites.

100    L’intervenante fait valoir, en outre, que la chambre de recours a fondé sa décision sur une comparaison visuelle et phonétique et non sur la comparaison conceptuelle entre les deux signes en cause dans les pays de langue anglaise. La chambre de recours aurait envisagé cette comparaison comme une simple spéculation, en relevant au point 20 de la décision attaquée que, si une comparaison conceptuelle était possible, les signes seraient conceptuellement différents.

101    Or, il serait de jurisprudence constante que l’éventuelle similitude entre les marques en présence s’apprécie sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Par conséquent, la requérante, sachant qu’une telle comparaison conceptuelle aurait lieu, aurait eu la possibilité de prendre position sur ce point, mais s’en est abstenue, et ne pourrait pas, de ce fait, imputer ses propres carences à l’OHMI.

 Appréciation du Tribunal

102    Il y a lieu de considérer que, si le droit d’être entendu, tel que consacré par l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94, s’étend à tous les éléments de fait ou de droit ainsi qu’aux éléments de preuve qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, il ne s’applique toutefois pas à la position finale que l’administration entend adopter (arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, points 71 et 75 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec. p. II‑17, point 231).

103    En outre, il découle de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, que, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, telle que celle de l’espèce, l’examen d’office des faits auquel procède l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

104    Les critères d’application d’un motif relatif de refus d’enregistrement, comme de toute autre disposition invoquée à l’appui des demandes formées par les parties, font naturellement partie des éléments de droit soumis à l’examen de l’OHMI. Il convient de préciser, à cet égard, qu’une question de droit peut devoir être tranchée par l’OHMI alors même qu’elle n’a pas été soulevée par les parties, si la résolution de cette question est nécessaire pour assurer une correcte application du règlement n° 40/94 au regard des moyens et demandes présentés par les parties. Fait donc également partie des éléments de droit portés devant la chambre de recours une question de droit devant nécessairement être examinée pour l’appréciation des moyens invoqués par les parties et pour l’accueil ou le rejet des demandes, même si les parties ne se sont pas exprimées sur cette question et même si l’OHMI a omis de se prononcer sur cet aspect [arrêt du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI‑Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, point 21].

105    En l’espèce, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir pris en considération dans la décision attaquée la perception présumée du public pertinent, notamment en ce qui concerne le degré d’attention des consommateurs, la manière dont les produits sont achetés ou la signification des signes en cause, telle qu’elle résulte des faits et preuves qui ont été avancés devant lui par la requérante.

106    Par ailleurs, la chambre de recours a également fondé son analyse, en substance, sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des cosmétiques, que sont les poudres compactes, les rouges à lèvres, les ombres à paupières, les surligneurs d’yeux, les fards à joues, les vernis à ongles et les mascaras, ces faits étant susceptibles d’être connus des consommateurs de ces produits.

107    Il s’ensuit que la chambre de recours, contrairement à ce que soutient la requérante, n’a pas fondé sa décision sur des arguments et des faits nouveaux. D’ailleurs, l’appréciation des preuves à laquelle ladite chambre de recours a procédé pouvait, en tout état de cause, être contestée devant le Tribunal (arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 53).

108    Quant aux allégations relatives à l’absence de prise en compte des preuves démontrant le caractère distinctif de la marque antérieure en Allemagne, il convient de rappeler qu’une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi qu’en l’absence de cette irrégularité la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent [voir arrêt du Tribunal du 8 juin 2005, Wilfer/OHMI (ROCKBASS), T‑315/03, Rec. p. II‑1981, point 33, et la jurisprudence citée].

109    En l’espèce, il a été constaté, aux points 73 à 80 ci-dessus, que la différence entre les signes litigieux ne permettait pas de retenir l’existence d’un risque de confusion, quelle que puisse être la notoriété du signe antérieur. Dès lors, force est de constater que la reconnaissance de la notoriété du signe antérieur en Allemagne n’aurait pas été susceptible de modifier le dispositif de la décision attaquée.

110    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’article 74, paragraphe 1, et de l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94 doit être rejeté.

111    Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)       Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Vadapalas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’anglais.