Language of document : ECLI:EU:T:2019:356

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

23 mai 2019 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché du recyclage de batteries automobiles plomb-acide – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Coordination des prix d’achat – Amendes – Paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 – Paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑222/17,

Recylex SA, établie à Paris (France),

Fonderie et Manufacture de Métaux SA, établie à Bruxelles (Belgique),

Harz-Metall GmbH, établie à Goslar (Allemagne),

représentées par Mes M. Wellinger, S. Reinart et K. Bongs, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. I. Rogalski, J. Szczodrowski et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes dans la décision C(2017) 900 final de la Commission, du 8 février 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.40018 – Recyclage de batteries automobiles),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Recylex SA, Fonderie et Manufacture de Métaux SA et Harz-Metall GmbH (ci-après, prises ensemble, les « requérantes » ou « Recylex »), sont des sociétés établies, respectivement, en France, en Belgique et en Allemagne, actives dans la production de plomb recyclé et d’autres produits (polypropylène, zinc et métaux spéciaux).

2        Par la décision C(2017) 900 final, du 8 février 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.40018 – Recyclage de batteries automobiles) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE dans le secteur de l’achat de déchets de batteries automobiles plomb-acide utilisés pour la production de plomb recyclé. Cette infraction, à laquelle quatre entreprises ou groupes d’entreprises auraient participé, à savoir, premièrement, Campine NV et Campine Recycling NV (ci‑après, prises ensemble, « Campine »), deuxièmement, Eco-Bat Technologies Ltd, Berzelius Metall GmbH et Société de traitement chimique des métaux SAS (ci-après, prises ensemble, « Eco-Bat »), troisièmement, Johnson Controls, Inc., Johnson Controls Tolling GmbH & Co. KG et Johnson Controls Recycling GmbH (ci-après, prises ensemble, « JCI »), et, quatrièmement, Recylex, aurait été commise durant la période allant du 23 septembre 2009 au 26 septembre 2012 (considérants 1 et 2, et article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée).

3        Selon la Commission, l’infraction en cause, qui constitue une infraction unique et continue, a pris la forme d’accords ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas. Elle a consisté, pour les quatre entreprises ou groupes d’entreprises visés au point 2 ci-dessus, à coordonner leur comportement en matière de prix d’achat de déchets de batteries automobiles plomb-acide utilisés pour la production de plomb recyclé (considérants 1 et 2, et article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée).

 Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

4        La procédure administrative a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), déposée le 22 juin 2012 par JCI. Le 13 septembre 2012, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à cette entreprise, conformément au paragraphe 18 de cette communication (considérant 29 de la décision attaquée).

5        Du 26 au 28 septembre 2012, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux, notamment, des entreprises mentionnées au point 2 ci-dessus (considérant 30 de la décision attaquée).

6        Eco-Bat, le 27 septembre 2012, et Recylex, le 23 octobre 2012, ont présenté une demande d’immunité ou, à défaut, une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006. Le 4 décembre 2012, Campine a présenté une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la même communication (considérant 31 de la décision attaquée).

7        Dans le cadre de son enquête, en application de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission a adressé des demandes d’informations aux entreprises mentionnées au point 2 ci-dessus ainsi qu’à diverses entreprises tierces (considérant 32 de la décision attaquée).

8        Le 24 juin 2015, la Commission a engagé la procédure administrative à l’encontre des quatre entreprises ou groupes d’entreprises mentionnés au point 2 ci-dessus ainsi que de Métal Blanc et de sa société sœur aux Pays-Bas, Van Peperzeel BV, et leur a adressé une communication des griefs (considérant 33 de la décision attaquée).

9        À la communication des griefs était annexé un CD-ROM qui contenait les parties accessibles du dossier de la Commission. Les destinataires de la communication des griefs ont fait usage de leur droit d’accès aux parties du dossier de la Commission qui n’étaient disponibles que dans les locaux de cette dernière (considérant 34 de la décision attaquée).

10      Par lettre du 24 juin 2015, la Commission a informé Eco-Bat et Recylex de sa conclusion provisoire selon laquelle les éléments de preuve que ces dernières lui avaient communiqués constituaient une valeur ajoutée significative au sens des paragraphes 24 et 25 de la communication sur la coopération de 2006 et, partant, de son intention de réduire le montant de l’amende qui leur serait infligée. Par lettre du même jour, la Commission a également informé Campine de sa conclusion provisoire selon laquelle cette dernière ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2006 (considérant 33 de la décision attaquée).

11      Les destinataires de la communication des griefs ont fait connaître à la Commission, par écrit, leur point de vue sur les objections soulevées à leur égard dans le délai prescrit. Ils ont également exercé leur droit d’être entendus oralement, lors de l’audition tenue les 17 et 18 novembre 2015 (considérant 35 de la décision attaquée).

12      Par lettre du 13 décembre 2016, la Commission a informé Campine, Eco-Bat, JCI et Recylex qu’elle avait l’intention d’appliquer aux amendes qui leur seraient imposées une augmentation spécifique sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »). Recylex a présenté des observations sur cette lettre le 23 décembre 2016.

13      Le 8 février 2017, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle, notamment, elle reprochait à Recylex d’avoir participé à l’infraction visée au point 3 ci-dessus du 23 septembre 2009 jusqu’au 26 septembre 2012 et lui infligeait solidairement une amende d’un montant de 26 739 000 euros.

14      Le 6 avril 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 2223 final, rectifiant la décision attaquée (ci-après la « décision rectificative »). L’adoption de la décision rectificative était justifiée par le fait que la Commission, d’une part, avait omis d’indiquer, dans la décision attaquée, la valeur des achats qu’elle avait prise en compte pour déterminer le montant de base des amendes à infliger et, d’autre part, avait commis certaines erreurs matérielles dans le calcul du montant de base de l’amende à infliger à JCI (considérants 2 et 3 de la décision rectificative). Cette omission et ces erreurs matérielles n’auraient, toutefois, eu aucun impact sur le montant des amendes infligées dans la décision attaquée (considérants 2 et 3 de la décision rectificative).

 Décision attaquée

 Secteur concerné

15      Les produits concernés par l’infraction sont les déchets de batteries automobiles plomb-acide utilisés pour la production de plomb recyclé (considérant 3 de la décision attaquée).

16      Quatre groupes d’opérateurs sont présents dans le secteur du recyclage de plomb, à savoir, premièrement, les collecteurs de ferraille, deuxièmement, les ferrailleurs ou négociants, troisièmement, les entreprises de recyclage et, quatrièmement, les fabricants de batteries (considérant 13 de la décision attaquée).

17      Les collecteurs de ferraille récupèrent les déchets de batteries auprès de différents points de collecte et les vendent soit aux ferrailleurs ou négociants soit directement aux entreprises de recyclage (considérant 13 de la décision attaquée).

18      Les ferrailleurs ou négociants agissent en tant qu’intermédiaires entre, d’une part, les collecteurs de ferraille et, d’autre part, les entreprises de recyclage. En général, ils agissent principalement au nom d’une entreprise de recyclage (considérant 13 de la décision attaquée).

19      Les entreprises de recyclage procèdent au traitement et à la valorisation des déchets de batteries, que soit elles recueillent directement auprès de leurs propres points de collecte, soit elles acquièrent auprès des collecteurs de ferraille ou des ferrailleurs ou négociants (considérant 13 de la décision attaquée).

20      Les entreprises de recyclage sont souvent actives à plusieurs niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, Eco-Bat et JCI opèrent à la fois en tant qu’entreprises de recyclage et collecteurs de déchets de batteries. JCI est, en outre, un fabricant de batteries, tandis qu’Eco-Bat est également active dans la vente en gros et au détail de batteries plomb-acide neuves et d’autres types de batteries. Campine, en revanche, n’opère qu’en tant qu’entreprise de recyclage. Les entreprises de recyclage interagissent donc les unes avec les autres en tant que fournisseurs, clients et concurrents. Campine, Eco-Bat et Recylex fournissent du plomb recyclé à JCI, mais entrent également en concurrence avec cette dernière pour l’achat de déchets auprès des collecteurs de plomb, des ferrailleurs ou des négociants (considérant 18 de la décision attaquée).

21      Durant la période infractionnelle, les principaux fournisseurs tiers de déchets de batteries auprès de Campine, d’Eco-Bat, de JCI et de Recylex étaient des collecteurs de ferraille ou des ferrailleurs ou négociants établis en Belgique, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas (considérant 16 de la décision attaquée).

22      Les fabricants de batteries acquièrent le plomb recyclé auprès des entreprises de recyclage (considérant 13 de la décision attaquée).

23      Certains fabricants de batteries disposent de leurs propres réseaux de collecte de déchets de batteries ou sont verticalement intégrés avec des collecteurs de déchets de batterie. Ils confient alors le recyclage de ces déchets à des entreprises de recyclage dans le cadre de contrats de travail à façon (considérant 13 de la décision attaquée). Ainsi, durant la période infractionnelle, Campine, Eco-Bat et Recylex avaient, chacune, conclu de tels contrats avec JCI.

24      D’autres fabricants de batterie disposent de leurs propres installations de recyclage (considérant 13 de la décision attaquée).

25      Le prix des déchets de batteries plomb-acide est le principal élément de coût dans le processus de recyclage de plomb. Le plomb primaire se négocie au London Metal Exchange (LME, marché des métaux de Londres, Royaume-Uni). Les prix du plomb au LME servent de base à la détermination des prix tant du plomb primaire que du plomb recyclé (considérant 24 de la décision attaquée). Les prix des déchets de batteries suivent généralement les prix fixés au LME et peuvent être exprimés en pourcentage de ces derniers prix (considérant 25 de la décision attaquée).

 Description de l’infraction

26      Aux considérants 40 à 182 de la décision attaquée, la Commission a décrit l’infraction en cause.

27      En premier lieu, la Commission a exposé les principes directeurs de l’entente et la manière dont celle-ci était organisée (considérants 40 à 58 de la décision attaquée).

28      Tout d’abord, la Commission a indiqué que l’objectif de l’entente était de coordonner les prix (prix indicatifs, prix maximaux ou réductions forfaitaires des prix) pour l’achat de déchets de batteries automobiles plomb-acide et de restreindre le jeu de la concurrence pour l’achat de ces déchets. Selon elle, en réduisant le prix d’achat desdits déchets ou en empêchant toute augmentation de ce prix, les participants à l’entente visaient à accroître leur marge bénéficiaire (considérant 40 de la décision attaquée).

29      La Commission a exposé que les participants à l’entente coordonnaient leur comportement par le biais de contacts portant sur les prix, le comportement futur sur le marché et les négociations avec les fournisseurs (considérant 41 de la décision attaquée).

30      Ainsi, s’agissant des prix, les participants à l’entente auraient conclu des accords entre eux visant à maintenir à un certain niveau les prix proposés aux fournisseurs tiers de déchets de batteries ou à les réduire d’un certain montant, parfois par des réductions échelonnées sur une période de temps définie. Ils auraient échangé des informations et se seraient mis d’accord sur les prix proposés à certains fournisseurs, sur les prix maximaux et les prix indicatifs, ainsi que sur les évolutions de prix prévues et les intentions d’achat en Belgique, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Ils auraient également essayé de faire en sorte que les prix d’achat ne tombent pas au-dessous d’un certain niveau qui aurait incité les fournisseurs à vendre leurs déchets à des entreprises tierces (considérant 42 de la décision attaquée).

31      S’agissant du comportement futur sur le marché, en plus d’échanger des informations sur les prix, en cours ou à venir, proposés aux fournisseurs, les participants à l’entente auraient également, à certaines occasions, échangé des informations sur les prévisions en matière de volumes d’achat, sur les niveaux des stocks et sur les niveaux d’activité (considérant 43 de la décision attaquée).

32      S’agissant des négociations de prix avec les fournisseurs, les participants à l’entente se seraient mutuellement informés sur les prix qu’ils proposaient à leurs collecteurs de ferraille ou ferrailleurs tiers respectifs, lesquels entraient directement en concurrence avec eux pour l’achat de déchets de batteries (considérant 44 de la décision attaquée).

33      Ensuite, la Commission a identifié les personnes qui auraient participé à l’entente, en précisant, à chaque fois, le nom de la société à laquelle elles appartenaient, le poste à responsabilité, essentiellement d’encadrement supérieur, qu’elles y occupaient et leur période de travail au sein de la société concernée durant la période infractionnelle (considérants 45 à 48 de la décision attaquée). Ainsi, s’agissant de Recylex, elle a cité les noms de MM. R. (président-directeur général chez Recylex SA), F. (président et directeur commercial chez Recylex Commercial SAS, agent commercial de Recylex SA pour l’achat de batteries destinées à être recyclées en France, cette société opérant uniquement comme société de portefeuille depuis le 1er janvier 2011, et conseiller du président-directeur général chez Recylex SA) et P. (acheteur et directeur commercial chez Recylex SA). Elle a également cité les noms de MM. M. et O. (respectivement directeur général et directeur commercial chez Fonderie et Manufacture de Métaux) ainsi que de M. B. (gestionnaire chez Harz-Metall).

34      Enfin, la Commission a décrit la manière dont l’entente était organisée (considérants 49 à 58 de la décision attaquée).

35      À cet égard, la Commission a relevé que JCI, Eco-Bat et Recylex avaient confirmé que, durant la période s’étendant du 23 septembre 2009, au moins, au 26 septembre 2012, une série de réunions et de contacts étaient intervenus entre les participants à l’entente. Ces derniers se seraient tenus mutuellement informés, directement ou indirectement, de ce dont ils avaient discuté les uns avec les autres. La Commission a indiqué que la plupart des contacts anticoncurrentiels étaient bilatéraux et qu’ils avaient principalement eu lieu par téléphone, courriel ou SMS. Des rencontres en face à face auraient également eu lieu, soit lors de réunions bilatérales, soit, plus rarement, lors de réunions multilatérales. Certains des contacts seraient intervenus en marge de manifestations commerciales internationales ou de manifestations organisées par des associations professionnelles nationales. Généralement, lors de ces différents contacts, les personnes impliquées se seraient échangé des informations sur les prix qu’elles offraient pour l’achat de déchets de batteries et sur ceux qu’elles entendaient offrir dans un futur proche, et ce pour la Belgique, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Elles se seraient ensuite mises d’accord sur les prix indicatifs ou maximaux à payer à leurs fournisseurs, ou sur des réductions de prix déterminées (considérants 49 et 50 de la décision attaquée).

36      La Commission a également exposé le schéma selon lequel les contacts bilatéraux se présentaient généralement, en précisant notamment que la fréquence et l’intensité de ceux-ci étaient fonction de l’évolution des prix du plomb fixés au LME (considérants 53 et 54 de la décision attaquée).

37      Par ailleurs, la Commission a indiqué que les participants à l’entente contrôlaient la bonne application des prix convenus (considérant 55 de la décision attaquée). Elle a également relevé qu’ils étaient conscients du caractère illégal des contacts et qu’ils essayaient d’éviter de communiquer par écrit. Certaines des personnes impliquées auraient utilisé dans leurs communications un langage codé faisant référence à des conditions météorologiques (considérant 56 de la décision attaquée).

38      Enfin, la Commission a fourni un tableau indiquant la date de chacun des contacts anticoncurrentiels intervenus, la nature de ces contacts (réunion, courriel, appel téléphonique, SMS, conférence téléphonique ou contact non déterminé) ainsi que les entreprises et représentants de celles-ci qui y avaient pris part. S’agissant de Recylex, 39 contacts ont été retenus à son endroit (considérant 58 de la décision attaquée).

39      En second lieu, la Commission a exposé la chronologie des événements, en décrivant les différents contacts anticoncurrentiels qui étaient intervenus entre les participants à l’entente et certains autres faits pertinents liés à ces contacts (considérants 59 à 182 de la décision attaquée).

 Appréciation juridique de l’infraction par la Commission

40      Aux considérants 183 à 243 de la décision attaquée, la Commission a exposé son appréciation juridique du comportement des entreprises concernées.

41      En premier lieu, la Commission a décrit la nature de l’infraction en cause (considérants 185 à 230 de la décision attaquée).

42      À cet égard, premièrement, la Commission a fait valoir une série de considérations aux fins d’établir, en renvoyant aux faits décrits dans la « chronologie des événements », que le comportement reproché aux entreprises concernées présentait toutes les caractéristiques d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérants 185 à 196 de la décision attaquée).

43      Deuxièmement, la Commission a exposé que chacun des aspects du comportement reproché aux entreprises concernées avait pour objet de restreindre le jeu de la concurrence et, partant, constituait une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Elle a considéré qu’il pouvait toutefois être conclu que ces différentes violations individuelles de l’article 101, paragraphe 1, TFUE constituaient ensemble une infraction unique et continue dont toutes ces entreprises pouvaient être tenues pour responsables, dès lors que, tout d’abord, leur comportement s’inscrivait dans un plan global poursuivant un objectif anticoncurrentiel commun, ensuite, elles entendaient toutes contribuer à ce plan global et, enfin, elles avaient connaissance du comportement infractionnel envisagé ou mis en œuvre par chacune d’entre elles dans la poursuite des mêmes objectifs, ou pouvaient raisonnablement le prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque (considérants 197 à 230 de la décision attaquée).

44      En deuxième lieu, la Commission a considéré que le comportement reproché aux participants à l’entente était constitutif d’une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérants 231 à 238 de la décision attaquée).

45      En troisième lieu, la Commission a constaté que ce comportement était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, après avoir indiqué, en substance, que le marché concerné se caractérisait par un volume commercial substantiel entre les États membres, que ledit comportement couvrait au moins la Belgique, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas et qu’il concernait tant les importations que les exportations (considérants 239 à 241 de la décision attaquée).

46      En quatrième lieu, la Commission a relevé que, en l’espèce, il n’y avait pas d’indications selon lesquelles les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE pourraient être remplies et qu’aucun des participants à l’entente n’avait d’ailleurs prétendu qu’elles l’étaient (considérants 242 et 243 de la décision attaquée).

 Durée de la participation à l’infraction

47      Aux considérants 244 à 264 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la durée de la participation des entreprises concernées à l’infraction.

48      En premier lieu, la Commission a fixé au 23 septembre 2009 la date du début de l’infraction, cette date correspondant à celle de la réunion ayant eu lieu à Windhagen (Allemagne), à laquelle toutes les entreprises concernées avaient participé. S’agissant de la date de la fin de l’infraction, elle a retenu le 26 septembre 2012 pour Campine, Eco-Bat et Recylex, cette date correspondant à celle du début de ses inspections, et le 22 juin 2012 pour JCI, date à laquelle cette dernière avait déposé sa demande d’immunité (considérants 244 et 245 de la décision attaquée).

49      En second lieu, la Commission a examiné s’il existait des éléments de preuve qui se rapportaient à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il pût être raisonnablement admis que l’infraction s’était poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (considérants 246 à 264 de la décision attaquée). En ce qui concerne, plus particulièrement, Recylex, elle a considéré que cette dernière avait participé sans interruption à l’infraction du 23 septembre 2009 jusqu’au 26 septembre 2012, soit durant une période de trois ans et quatre jours (considérants 261 à 264 de la décision attaquée).

 Responsabilité de l’infraction

50      Aux considérants 265 à 287 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de l’imputation de la responsabilité de l’infraction.

51      S’agissant, plus particulièrement, des requérantes, la Commission a relevé que Recylex SA, Fonderie et Manufacture de Métaux et Harz‑Metall avaient directement participé à l’infraction par l’intermédiaire de MM. R, F. et P., de MM. M. et O., et de M. B., respectivement. Elle a ajouté que, durant toute la période infractionnelle, 100 % des parts de ces deux dernières sociétés étaient détenues par Recylex SA. Partant, elle a tenu ces trois sociétés pour solidairement responsables de l’infraction (considérants 284 à 287 de la décision attaquée).

 Calcul du montant des amendes

52      Aux considérants 288 à 420 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question des amendes à infliger aux destinataires de celle-ci, et ce après avoir considéré qu’il convenait de leur ordonner de mettre immédiatement fin, s’ils ne l’avaient pas déjà fait, à l’infraction et de s’abstenir désormais de toute pratique restrictive ayant un objet ou un effet identique ou équivalent. Par ailleurs, elle a rejeté les allégations de Recylex selon lesquelles celle-ci aurait dû bénéficier de l’immunité partielle en application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, dès lors qu’elle aurait été la première à soumettre des preuves déterminantes concernant la partie de l’infraction relative à la France (considérant 333 de la décision attaquée).

53      S’agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices ainsi que de la communication sur la coopération de 2006.

–       Base pour la détermination du montant de base des amendes

54      Pour déterminer le montant de base des amendes, la Commission a pris en compte la valeur des achats de déchets de batteries automobiles plomb-acide effectués au cours de la totalité de l’exercice social 2011 par chacune des entreprises concernées auprès des collecteurs de ferraille, des ferrailleurs ou des négociants établis en Belgique, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, y compris les achats effectués directement auprès des points de collecte où étaient déposées les batteries usagées (considérants 297 à 319 de la décision attaquée). Par ailleurs, elle a rejeté l’allégation de Recylex selon laquelle elle devrait prendre en compte la moyenne du prix du plomb au LME au cours de la période infractionnelle, soit de 2009 à 2012, qui était inférieure à celle réalisée en 2011 (considérants 316 à 318 de la décision attaquée).

–       Montant de base des amendes

55      La Commission a rappelé que, conformément aux lignes directrices, le montant de base des amendes se composait d’un montant compris entre 0 et 30 % de la valeur des achats concernés de l’entreprise en fonction du degré de gravité de l’infraction, multiplié par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, et d’un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des achats concernés de l’entreprise indépendamment de la durée (considérant 320 de la décision attaquée).

56      Pour fixer la proportion de la valeur des achats en fonction du degré de gravité de l’infraction, la Commission a examiné et pris en considération la nature de celle-ci (considérants 321 à 334 de la décision attaquée). À cet égard, elle a retenu, pour toutes les entreprises concernées, un pourcentage de 15 % en arguant du fait que cette infraction consistait en un accord horizontal de fixation de prix qui, par sa nature même, faisait partie des restrictions à la concurrence les plus graves.

57      Compte tenu d’une durée de participation de Campine, d’Eco-Bat et de Recylex à l’infraction de 1 100 jours, la Commission a fixé à 3,01 le coefficient multiplicateur à appliquer à ces entreprises pour la durée de l’infraction (considérant 344 de la décision attaquée). Elle a retenu un coefficient multiplicateur de 2,74 pour JCI, qui avait participé à l’infraction pendant 1 004 jours (considérant 344 de la décision attaquée).

58      Par ailleurs, elle a rejeté l’allégation de Recylex selon laquelle celle-ci aurait dû bénéficier de l’immunité partielle en application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, dès lors qu’elle aurait été la première à soumettre des preuves déterminantes concernant la date de commencement de l’entente (considérant 340 de la décision attaquée).

59      Afin de dissuader les entreprises de participer à des accords ou pratiques concertées interdits comme étant incompatibles avec le marché intérieur, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices et en considération de son appréciation de la nature de l’infraction (voir point 56 ci-dessus), inclus dans le montant de base des amendes un montant additionnel correspondant à 15 % de la valeur de leurs achats (considérants 345 à 347 de la décision attaquée).

60      Au terme de cette première étape, la Commission a fixé à 37 124 000 euros le montant de base de l’amende à infliger à Recylex (considérant 348 de la décision attaquée).

–       Ajustements du montant de base des amendes

61      La Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante pour les destinataires de la décision attaquée (considérants 349 et 350 de la décision attaquée).

62      De plus, à aucun des destinataires de la décision attaquée la Commission n’a estimé nécessaire d’imposer une majoration du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 30 des lignes directrices, selon lequel la Commission peut augmenter l’amende à imposer aux entreprises dont le chiffre d’affaires, au-delà des biens et des services auxquels l’infraction se réfère, est particulièrement important, afin d’assurer un effet suffisamment dissuasif (considérants 360 et 361 de la décision attaquée).

63      Par ailleurs, la Commission n’a accordé à Recylex aucune réduction du montant de base au titre des circonstances atténuantes (considérants 351, 353, 354, 356, 357 et 359 de la décision attaquée).

64      Ensuite, ayant rejeté l’argument selon lequel une amende symbolique suffirait en raison de la précarité de ses ressources financières et de sa situation économique difficile, la Commission n’a pas accordé à Recylex une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 36 des lignes directrices (considérant 362 de la décision attaquée).

65      Enfin, sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices, la Commission a décidé d’augmenter de 10 % le montant de l’amende à infliger à chacun des destinataires de la décision attaquée, et ce afin de tenir compte des particularités de l’affaire et d’atteindre un niveau dissuasif (considérants 363 à 380 de la décision attaquée). Elle a justifié cette augmentation par, en substance, le fait que, en l’espèce, était en cause une entente en matière d’achat et que la valeur des achats n’était pas en soi susceptible de constituer une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction. Elle a expliqué, à cet égard, que plus une entente ayant pour objectif de réduire les prix d’achat ou d’empêcher leur augmentation était mise en œuvre avec succès, plus le montant de la valeur des achats, et, partant, celui de l’amende, était bas.

–       Application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires

66      La Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Le montant de l’amende fixé pour Recylex après application de ce plafond était de 38 199 130 euros (considérants 381 à 383 de la décision attaquée).

–       Application de la communication sur la coopération de 2006 et montant final des amendes

67      Aux considérants 384 à 411 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur l’application de la communication sur la coopération de 2006.

68      S’agissant de Recylex, la Commission, tout d’abord, a indiqué à celle‑ci, le 13 décembre 2013, qu’elle ne pouvait pas bénéficier d’une immunité totale d’amendes (considérants 394 et 395 de la décision attaquée). Ensuite, le 24 juin 2015, elle l’a informée qu’elle était la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative, donnant droit à une réduction comprise entre 20 et 30 % par rapport au montant de l’amende qui lui aurait, à défaut, été infligée, au titre des paragraphes 24 et 25 de la communication sur la coopération de 2006 (considérants 396 et 397 de la décision attaquée).

69      Par ailleurs, la Commission a rejeté l’argument de Recylex selon lequel elle avait droit à une réduction du montant de l’amende comprise entre 30 et 50 % au motif qu’elle était la première à avoir fourni des éléments de preuve dotés d’une valeur ajoutée significative, à savoir des éléments concernant les arrangements collusoires en France, la durée de l’entente et la date à laquelle celle-ci avait débuté (la réunion de Windhagen), les réunions des 21 juin et 8 octobre 2010 et l’usage d’un langage codé faisant référence à des conditions météorologiques. La Commission a relevé, à cet égard, qu’elle avait déjà obtenu, dans le mois ayant suivi les inspections, de nombreux documents et informations d’Eco-Bat. Bien que Recylex fût la première entreprise à lui fournir des éléments de preuve concernant les réunions des 21 juin et 8 octobre 2010, cette circonstance ne justifierait pas une réduction du montant de l’amende comprise entre 30 et 50 % (considérants 400 à 402 de la décision attaquée).

70      Eu égard à ces différents éléments, la Commission a estimé qu’il y avait lieu d’accorder à Recylex une réduction de 30 % du montant de l’amende (considérant 403 de la décision attaquée).

71      Enfin, la Commission a examiné le bien-fondé de la demande de Recylex introduite au titre de l’absence de capacité contributive, fondée sur le paragraphe 35 des lignes directrices (considérants 412 à 418 de la décision attaquée). Elle a rejeté cette demande pour les raisons mentionnées à l’annexe I de la décision attaquée.

72      Le montant final des amendes infligées a été de 8 158 000 euros pour Campine, de 32 712 000 euros pour Eco-Bat, de 0 euro pour JCI et de 26 739 000 euros pour Recylex (considérant 420 et article 2 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

73      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.

74      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

75      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 novembre 2018.

76      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        leur octroyer des délais de paiement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

77      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

78      À l’appui de leurs conclusions en réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, les requérantes invoquent cinq moyens, les premier, deuxième et quatrième moyens étant tirés d’erreurs dans l’application du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006, le troisième moyen étant tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 37 des lignes directrices et le cinquième moyen tendant, expressément, à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction au vu du caractère prétendument inapproprié du montant de l’amende. À l’appui de leurs conclusions tendant à ce que le Tribunal leur octroie des délais de paiement, les requérantes invoquent le sixième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant la durée de l’infraction

79      Par le premier moyen, Recylex fait valoir que la Commission n’a pas correctement appliqué le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006. Elle affirme que, dès lors qu’elle a fourni, le 23 octobre 2012, des preuves déterminantes utilisées par la Commission pour établir des éléments de fait supplémentaires qui étendent la durée de l’infraction d’un an et demi, ces faits n’auraient pas dû être pris en considération lors de la détermination du montant de base de l’amende. En outre, les éléments de preuve invoqués par la Commission pour justifier sa capacité à prouver la poursuite de la commission de l’infraction entre le 23 septembre 2009 et le 4 avril 2011 n’auraient pas de valeur probante suffisante. Elle aurait ainsi dû bénéficier de l’immunité partielle prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 pour la période allant du 23 septembre 2009 au 4 avril 2011.

80      Les requérantes font valoir que la jurisprudence portant sur la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») ne s’applique pas à la communication sur la coopération de 2006. Dans le cadre de l’application de cette dernière, la question clé consisterait à déterminer si la Commission aurait pu établir à suffisance de droit, sur la base d’éléments de preuve dont elle disposait déjà avant les observations des requérantes, que l’entente multilatérale avait débuté le 23 septembre 2009, date de la réunion de Windhagen.

81      Recylex ajoute que, pour justifier qu’elle avait connaissance de cette réunion avant sa déclaration orale, la Commission ne se fonderait que sur des notes manuscrites obtenues lors de son inspection dans les locaux de Campine le 27 septembre 2012 (ci-après les « notes manuscrites »). Toutefois, ces notes ne révéleraient ni l’identité des participants, ni le lieu de la réunion, ni l’existence de pratiques anticoncurrentielles. En outre, d’une part, Campine aurait contesté la nature anticoncurrentielle des réflexions se trouvant dans les notes manuscrites et aurait exposé que celles-ci pourraient tout autant refléter des estimations fondées sur des informations disponibles sur le marché.

82      La Commission conteste ces arguments.

83      Il convient de rappeler que le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 dispose que, si une entreprise qui sollicite une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée est la première à fournir des preuves déterminantes, au sens du paragraphe 25 de ladite communication, que la Commission utilise pour établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la gravité ou la durée de l’infraction, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis.

84      Cette règle vise à inciter les entreprises à coopérer pleinement avec la Commission, même si elles ne se sont pas vu accorder une immunité conditionnelle en application du paragraphe 8 de la communication sur la coopération de 2006. En effet, en l’absence de la règle prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de cette communication, ces entreprises devraient craindre que, en soumettant des éléments de preuve ayant un impact sur la durée ou la gravité de l’infraction et que la Commission ignorait précédemment, elles s’exposent au risque d’une augmentation du montant des amendes pouvant leur être infligées (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 376).

85      Les termes « première à fournir des preuves déterminantes » autorisent à retenir une interprétation restrictive du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, en le limitant aux cas où une société partie à une entente fournit une information nouvelle à la Commission, relative à la gravité ou à la durée de l’infraction, et en excluant les cas où la société n’a fait que fournir des éléments permettant de renforcer les preuves relatives à l’existence de l’infraction (voir arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 377 et jurisprudence citée).

86      Or, la formulation de la disposition en cause ne modifie pas la logique de l’immunité partielle telle qu’elle avait été interprétée par la jurisprudence au regard de la formulation du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002. Selon cette jurisprudence, le critère d’application de celle-ci repose sur l’apport par une des entreprises participant à une entente d’un élément de preuve portant sur un fait nouveau qui accroît la gravité ou la durée de l’infraction, et en excluant les cas où l’entreprise n’a fait que fournir des éléments permettant de renforcer les preuves relatives à l’existence de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 79 et jurisprudence citée).

87      Aux fins de l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, il y a lieu de considérer que la possession par la Commission d’un élément de preuve équivaut à la connaissance de son contenu, indépendamment du point de savoir si cet élément a été effectivement examiné et analysé par ses services (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 72).

88      En outre, dès lors que les informations fournies par une entreprise portent sur des faits qui n’étaient pas précédemment ignorés de la Commission, la demande d’immunité partielle, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 en ce qui concerne ces faits doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de comparer la valeur probante des information fournies par rapport à celle des informations précédemment fournies par d’autres parties (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 81).

89      La disposition en cause n’exige pas que les informations déjà en possession de la Commission soient des preuves déterminantes au sens du paragraphe 25 de la communication sur la coopération de 2006, à savoir des preuves qui n’ont pas besoin d’être corroborées par d’autres éléments de preuve. Aux termes du paragraphe 26, troisième alinéa, de cette communication, cette exigence s’applique aux preuves soumises à la Commission dans le but d’obtenir l’immunité partielle, mais pas aux preuves que la Commission détenait déjà. Partant, l’appréciation de la valeur probante des éléments de preuve soumis par un demandeur d’immunité partielle est requise uniquement dans les circonstances où celui-ci a fourni des informations portant sur un fait nouveau qui accroît la gravité ou la durée de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, points 386 et 387).

90      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé des motifs pour lesquels la Commission a refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex pour la période allant du 23 septembre 2009 au 4 avril 2011.

91      Concernant la question de savoir si la Commission avait déjà connaissance, avant la demande de clémence de Recylex du 23 octobre 2012, du fait qu’une réunion anticoncurrentielle s’était tenue le 23 septembre 2009, il convient de constater qu’il ressort des notes manuscrites, lues à la lumière des informations générales sur l’entente fournies par JCI, dans la version non confidentielle de sa demande de clémence du 28 juin 2012, que des discussions multilatérales sur les prix d’achat avaient eu lieu lors de cette réunion.

92      Dans sa demande de clémence, JCI a fourni à la Commission différentes informations générales sur l’entente. Ainsi, tout d’abord, JCI a donné des précisions sur l’objet de l’entente, à savoir la coordination des prix d’achat des déchets de batteries plomb-acide. Ensuite, JCI a déclaré que l’entente durait depuis au moins deux ans, voire que certains contacts auraient pu avoir lieu avant 2008. Enfin, JCI a fourni les noms et les adresses des entreprises participantes à l’entente ainsi que ceux de leurs représentants.

93      Les notes manuscrites ont été rédigées par un représentant de Campine, M. G., lors d’une discussion qu’il avait eue avec un autre représentant de la même entreprise, M. C., quelques jours après la réunion de Windhagen. Elles font mention de la date du 24 septembre 2009 et, bien qu’elles n’indiquent pas l’endroit où la réunion a eu lieu, elles contiennent différentes informations établissant qu’il s’agit d’un compte rendu de discussions anticoncurrentielles qui ont eu lieu lors d’une réunion multilatérale. Les prix et les marges relatifs à différents marchés y apparaissent. L’utilisation de l’expression « 520 ex-works Recylex » suggère que le prix payé par les parties pour l’achat de déchets de batteries a été discuté, comme la Commission l’a constaté au considérant 69 de la décision attaquée. De même, la ligne suivante indique une tendance dans l’évolution des prix sur le marché allemand. Il est fait référence à une discussion au sein de Recylex et à des contacts entre JCI et Recylex dont il peut être déduit qu’ils portaient sur les prix au vu du contexte de ces notes. Eco-Bat et ses représentants sont également mentionnés.

94      Il convient de relever que, premièrement, les notes manuscrites font mention de plusieurs prénoms, deuxièmement, il y a un chevauchement important entre les personnes nommées dans ces notes et celles dont font mention les informations fournies par JCI et, troisièmement, elles sont intitulées « “Reach” vergadering » (réunion « Reach »). Ces éléments confortent la position de la Commission selon laquelle ces notes constituaient le compte rendu d’une réunion anticoncurrentielle plutôt que d’une négociation concernant le renouvellement d’un contrat de travail à façon entre JCI et Campine et ne contenaient pas de simples réflexions et spéculations au sujet du marché. Il y a lieu d’ajouter qu’il n’est pas essentiel, pour déterminer la date du début d’une entente, d’avoir des informations sur l’endroit où la première réunion anticoncurrentielle a eu lieu.

95      Partant, il convient de constater que, à la lumière des informations fournies par JCI le 28 juin 2012, le contenu et le sens des notes manuscrites permettaient de savoir que les différentes entreprises citées et leurs représentants avaient participé, le 23 septembre 2009, à une réunion anticoncurrentielle.

96      Il résulte de ce qui précède que la Commission avait déjà connaissance du fait qu’une réunion anticoncurrentielle avait eu lieu le 23 septembre 2009, avant même de recevoir les informations fournies par Recylex, qui n’ont fait que renforcer la capacité de la Commission à prouver ledit fait. Par conséquent, ces informations ne sauraient être considérées comme étant des éléments de preuve permettant d’établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la durée de l’infraction au sens du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006.

97      Il s’ensuit que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 88 et 89 ci‑dessus, les arguments de Recylex concernant la valeur probante, d’une part, des éléments de preuve que la Commission détenait déjà et, d’autre part, de ceux qu’elle a fournis à cette dernière sont inopérants.

98      Concernant l’argument des requérantes remettant en cause la capacité de la Commission à prouver la poursuite de l’infraction entre le 23 septembre 2009 et le 4 avril 2011, il convient de relever que cette dernière ne prétendait pas utiliser les différents courriels invoqués pour établir la date du début de l’entente. Elle n’invoquait ces documents qu’en tant qu’indices de la poursuite de l’entente par les différents participants à celle-ci. Il convient de constater que, dès lors qu’il a été établi que la Commission avait connaissance de la réunion anticoncurrentielle qui avait eu lieu le 23 septembre 2009, les informations fournies par Recylex sur les contacts intervenus entre cette date et le 4 avril 2011 n’étaient pas de nature à accroître la durée de l’infraction. Partant, le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 n’était pas applicable.

99      Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que la Commission a refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex pour la période allant du 23 septembre 2009 au 4 avril 2011.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant l’infraction relative à la France

100    Par le deuxième moyen, Recylex fait valoir que la Commission n’a pas correctement appliqué le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006. Elle affirme qu’elle a été la première à lui soumettre, le 23 octobre 2012, des preuves déterminantes concernant la partie de l’infraction relative à la France et que, dès lors, elle aurait dû bénéficier de l’immunité partielle par rapport à celle-ci.

101    Recylex affirme que les déclarations de JCI et d’Eco-Bat auxquelles la Commission fait référence dans la décision attaquée ne sont pas suffisantes pour établir une infraction en France. Dans sa déclaration du 22 juin 2012, JCI n’aurait fait que mentionner brièvement différents pays qui auraient pu être concernés par l’infraction, dont la France. L’absence de valeur probante de cette déclaration serait confirmée par le fait que quatre des États membres cités, à savoir la République tchèque, le Luxembourg, la Pologne et la Slovénie, n’ont pas été inclus dans le champ géographique de l’infraction. En outre, les déclarations du 5 au 16 juillet 2012 faites par JCI relatives à des transactions entre cette dernière et Métal Blanc ne concerneraient pas des pratiques collusoires. Concernant les informations fournies par Eco-Bat, Recylex affirme que celles-ci ne concernaient que le marché néerlandais et ne pouvaient donc constituer des preuves déterminantes de l’infraction relative à la France.

102    Enfin, il serait clair que la Commission ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour prouver l’infraction relative à la France, dans la mesure où, dans la décision attaquée, ses constatations concernant ce pays sont fondées sur des informations transmises par Recylex.

103    La Commission conteste ces arguments.

104    Il convient d’examiner les arguments soulevé dans le cadre de ce moyen à la lumière des principes exposés aux points 82 à 89 ci-dessus.

105    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, avant que les requérantes ne lui communiquent les éléments de preuve en cause, la Commission disposait déjà de différentes déclarations faites par JCI. La première, en date du 22 juin 2012, indiquait que la coordination en cause concernait en particulier le marché français. Cette affirmation a ensuite été réitérée par JCI dans la version non confidentielle de sa déclaration orale du 28 juin 2012.

106    La Commission détenait également les notes manuscrites (voir point 93 ci-dessus), qui font référence, bien que brièvement, au marché français. Au vu de la nature anticoncurrentielle de la réunion de Windhagen, constatée dans le cadre du premier moyen, il pouvait être déduit de la mention, dans ces notes, du « marché français » que, lors de cette réunion, les participants avaient discuté de leurs activités en France et que l’entente couvrait le territoire de ce pays. Une telle explication est d’autant plus justifiée qu’il ressort de la première déclaration de JCI que deux des six entreprises participant à l’entente étaient établies en France. Il s’ensuit que la Commission avait déjà connaissance du fait que l’entente couvrait la France avant la demande d’immunité partielle de Recylex du 23 octobre 2012. Partant, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments de cette dernière concernant la valeur probante, d’une part, des déclarations de JCI du 5 au 16 juillet 2012 et, d’autre part, des informations fournies par Eco-Bat dans ses demandes des 12 et 19 octobre 2012.

107    Enfin, contrairement à ce que prétend Recylex, et ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le fait que, dans la décision attaquée, la Commission se soit fondée sur certains des éléments de preuve que Recylex lui avait fournis pour établir l’existence de l’infraction relative à la France ne s’oppose pas au constat que, avant d’obtenir ces éléments de preuve, elle avait déjà connaissance du fait que le champ géographique de l’entente s’étendait à la France (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 406). De même, il ne saurait être déduit du fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas constaté une infraction dans certains États membres mentionnés dans les déclarations orales d’un demandeur d’immunité que, au moment où Recylex lui a fourni des informations, elle n’avait pas connaissance de ce que l’infraction couvrait la France. À cet égard, il convient d’ajouter que les déclarations de JCI indiquaient que l’entente concernait « en particulier » le marché français.

108    Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que la Commission a refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex concernant la partie de l’infraction relative à la France.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 37 des lignes directrices concernant la majoration spécifique de 10 % dans le calcul du montant de l’amende

109    Par le troisième moyen, Recylex fait valoir que la Commission a erronément appliqué le paragraphe 37 des lignes directrices en majorant de 10 %, sur la base de cette disposition, le montant de l’amende pour les destinataires de la décision attaquée.

110    En premier lieu, Recylex affirme que, dans la mesure où la Commission a décidé de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices, il lui appartenait de fournir un raisonnement solide de nature à constituer une motivation adéquate. Or, la Commission n’aurait pas satisfait à cette obligation. D’une part, elle affirmerait, à la fois, ne pas avoir tenu compte des effets et que ces effets sont probables. D’autre part, alors qu’elle aurait indiqué, au considérant 361 de la décision attaquée, qu’il « n’[était] pas nécessaire d’appliquer un multiplicateur de dissuasion » pour Recylex, elle aurait précisément invoqué la dissuasion pour justifier la majoration.

111    En deuxième lieu, Recylex affirme que la majoration repose sur le postulat erroné selon lequel l’entente a eu des effets sur le niveau des prix d’achat de déchets de batteries. Or, ainsi qu’elle l’aurait démontré dans sa réponse à la communication des griefs, l’entente n’aurait conduit à aucune baisse des prix d’achat, ni même empêché des augmentations de ces prix.

112    En troisième lieu, Recylex avance que la majoration aura un effet préjudiciable sur sa position dans les éventuelles actions civiles en dommages-intérêts devant les juridictions nationales en ce qu’elle reviendrait à conclure que l’entente a eu des effets anticoncurrentiels sans apporter les preuves normalement requises pour une telle conclusion. Les parties requérantes au niveau national pourraient s’appuyer sur ce fait pour soutenir que les prix auraient été 10 % plus élevés en l’absence d’entente.

113    En quatrième lieu, Recylex soutient que la majoration du montant de l’amende conduit à une dissuasion excessive et, dans la mesure où la gravité de l’infraction a déjà été prise en compte dans le calcul du montant de l’amende, à une situation où une entente sur les prix d’achat est sanctionnée plus sévèrement qu’une entente sur les prix à la vente, bien qu’elle constitue une pratique moins néfaste pour les consommateurs.

114    En cinquième lieu, Recylex fait valoir que la Commission a également commis une erreur en ne tenant pas compte de sa position spécifique lors de l’application de cette majoration. La Commission aurait appliqué la même majoration à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée. Or, sa position serait particulière, en raison tant de sa situation financière précaire que du fait que sa gamme de produits est beaucoup plus limitée que celle des autres destinataires. Selon Recylex, le principe d’égalité de traitement imposait à la Commission de prendre ces éléments en considération. La Commission aurait donc dû se fonder sur le paragraphe 37 des lignes directrices pour réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée et ainsi dûment tenir compte de sa position spécifique. Une telle absence de prise en considération de sa position spécifique violerait également le principe de proportionnalité consacré par l’article 5, paragraphe 4, TUE et l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

115    En sixième et dernier lieu, Recylex soutient que la Commission a violé ses droits de la défense en ne lui donnant pas l’occasion de faire valoir son point de vue sur l’intention de cette dernière de majorer le montant de l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices. Le raisonnement sur lequel se fonde cette majoration étendrait la portée des griefs retenus contre Recylex dans la communication des griefs, ce qui lui ouvrirait un droit à une audition ou, à tout le moins, à la production par la Commission d’une nouvelle communication des griefs et à la possibilité d’y répondre.

116    La Commission conteste ces arguments.

 Sur le défaut de motivation

117    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 39 et jurisprudence citée).

118    L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150 et jurisprudence citée).

119    Le paragraphe 37 des lignes directrices dispose que, « [b]ien que les présentes lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au paragraphe 21 ».

120    Lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant, comme en l’espèce, sur le paragraphe 37 de ces lignes directrices, les exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur. Cette motivation doit être d’autant plus précise que le paragraphe 37 des lignes directrices se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder, comme en l’occurrence, à une adaptation exceptionnelle des amendes infligées. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48 et jurisprudence citée).

121    Enfin, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151 et jurisprudence citée).

122    Il convient donc de vérifier si la Commission a suffisamment motivé sa décision pour permettre aux parties de la contester devant le juge de l’Union et à celui-ci d’apprécier la légalité au fond de cette décision et si elle a expliqué de façon suffisamment claire, précise et logique la manière dont elle entendait faire usage de son pouvoir d’appréciation.

123    À cet égard, contrairement à ce que soutient Recylex, force est de constater que, au point 8.3.3.5 de la décision attaquée (voir, en particulier, les considérants 363 à 365), la Commission a exposé à suffisance de droit et avec clarté les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il y avait lieu d’appliquer une majoration.

124    En effet, elle a indiqué ce qui suit :

–        la teneur des paragraphes 5 et 6 des lignes directrices, qui font référence à la valeur des ventes ;

–        l’entente en cause avait pour objectif la coordination des prix d’achat des déchets de batteries plomb-acide ;

–        la fixation du prix d’achat diffère de la fixation du prix de vente dans la mesure où son objectif n’est pas d’obtenir une augmentation du prix (d’achat), mais, au contraire, d’obtenir une réduction de celui-ci ou d’empêcher son augmentation ;

–        le mécanisme prévu par la méthodologie générale pour la fixation du montant des amendes est tel que, plus une entente en matière de ventes est mise en œuvre avec succès, plus la valeur des ventes est élevée et, partant, le montant de l’amende ;

–        dans le cas d’une entente en matière d’achat, c’est la situation inverse qui se présente : plus une telle entente est mise en œuvre avec succès, moins le montant de la valeur des achats est élevé et, partant, le montant de l’amende ;

–        les lignes directrices ont été établies par la Commission en ayant à l’esprit les ententes en matière de ventes, sans tenir compte de cette particularité relative aux ententes en matière d’achat ;

–        il est donc inhérent au fait que l’entente en cause est une entente en matière d’achat que la valeur des achats n’est en soi pas susceptible de constituer une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ;

–        normalement, dans le cas d’une société d’exploitation, les achats sont moins élevés que les ventes en termes de valeur, ce qui entraîne un point de départ systématiquement inférieur pour la détermination du montant de base de l’amende ;

–        dès lors, s’il était fait application de la méthodologie générale prévue par les lignes directrices sans procéder au moindre ajustement, cela ne permettrait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant (non seulement spécifique, mais aussi général) ;

–        afin de tenir compte de cette particularité et d’assurer un effet dissuasif suffisant, il est approprié d’appliquer, à toutes les entreprises concernées, une majoration de 10 %.

125    Les arguments de Recylex ne sauraient remettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la Commission, telle que rappelée au point 124 ci-dessus. D’une part, son argument selon lequel cette dernière aurait dû analyser et prendre en compte l’effet de l’entente concerne l’appréciation au fond de la justification avancée pour majorer de 10 % l’amende imposée. D’autre part, ladite motivation n’est entachée d’aucune incohérence. La Commission pouvait, sans se contredire, décider, au considérant 361 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer un coefficient multiplicateur de dissuasion sur le fondement du paragraphe 30 des lignes directrices et, au considérant 365 de la décision attaquée, que la dissuasion justifiait une majoration de 10 % du montant de l’amende. En effet, les paragraphes 30 et 37 des lignes directrices, s’ils concernent tous les deux l’objectif de dissuasion, ne prennent pas en considération les mêmes éléments. Le premier s’applique lorsque le chiffre d’affaires d’une entreprise destinataire de la décision de la Commission est particulièrement important. Le second s’applique lorsque les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière le justifient. Le paragraphe 37 a donc un champ d’application plus large et concerne des situations particulières qui dépassent celle prévue par le paragraphe 30.

126    Force est donc de constater que la Commission a exposé à suffisance de droit les éléments qu’elle a pris en compte pour appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices.

 Sur le bien-fondé des motifs

127    Concernant l’appréciation au fond de la justification avancée par la Commission pour majorer de 10 % l’amende imposée à Recylex, il convient de relever, tout d’abord, que l’absence d’analyse des effets de l’entente sur les prix n’implique pas que la Commission a commis une erreur d’appréciation. En effet, elle ne prétend pas que l’entente a eu des effets sur les prix d’achat. Elle ne fait que considérer que la valeur des achats, si elle constitue la valeur la plus adaptée à prendre en compte et d’ailleurs la seule disponible en l’absence de valeur des ventes, constitue un fondement imparfait pour assurer un effet dissuasif de l’amende. Cette évaluation de l’effet dissuasif de l’amende, à la fois à l’égard des destinataires de la décision attaquée, mais aussi de toutes les entreprises susceptibles de participer à une entente portant sur les prix d’achat, justifie, de façon adéquate, sa décision de majorer de 10 % le montant de l’amende imposée à Recylex.

128    Concernant l’argument tiré des conséquences de la décision de la Commission d’appliquer une majoration sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices sur d’éventuelles actions en dommages-intérêts au niveau national, il convient de relever que, comme il a déjà été indiqué au point 127 ci-dessus, la Commission ne s’est pas fondée sur l’existence d’effets de l’entente. Il s’ensuit que les conséquences invoquées par les requérantes ne sont pas susceptibles de se concrétiser. Partant, cet argument ne saurait être retenu.

129    Quant à la position spécifique de Recylex, celle-ci a été prise en compte à la fois dans le calcul du montant de base, car les valeurs des achats pour chaque entreprise diffèrent, et dans celui de la durée de sa participation. De plus, la Commission a également apprécié le bien‑fondé de la demande de Recylex tenant à sa position spécifique sur le fondement du paragraphe 35 des lignes directrices aux considérants 412 à 418 de la décision attaquée et dans l’annexe I de cette décision. Recylex ne conteste pas cette appréciation. Par conséquent, son argument, fondé sur l’absence de prise en compte de sa position spécifique, doit être rejeté.

130    Concernant l’argument de Recylex selon lequel l’amende qui lui a été infligée devrait être réduite en application du paragraphe 37 des lignes directrices au vu du fait que sa gamme de produits est plus limitée que celle des autres destinataires de la décision attaquée, il convient d’observer, à l’instar de la Commission au considérant 379 de la décision attaquée, que la Cour a dit pour droit que la différence de pourcentage que représenterait l’amende dans le chiffre d’affaires total des entreprises concernées ne saurait en soi constituer un motif suffisant pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul qu’elle s’est elle-même fixée. En effet, cela reviendrait à avantager les entreprises les moins diversifiées, sur la base de critères qui sont sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction. Or, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 66 et jurisprudence citée).

131    La Commission ayant dûment pris en compte la position spécifique de Recylex dans la décision attaquée, l’argument connexe fondé sur le principe de proportionnalité doit également être rejeté.

132    Les arguments de Recylex tendant à démontrer que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en n’utilisant pas le paragraphe 37 des lignes directrices pour réduire le montant de son amende ne sont pas davantage convaincants. Premièrement, n’est pas pertinente la prétendue absence de différenciation suffisante du fait que l’amende de Recylex a atteint le plafond de 10 %. En effet, Recylex ne démontre pas en quoi le fait que ce plafond soit atteint la met dans une position spécifique justifiant une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. Deuxièmement, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 327 et jurisprudence citée).

133    Troisièmement, il convient également de rejeter l’argument de Recylex tiré de la violation du droit d’être entendu. En effet, il est de jurisprudence constante qu’afin de remplir son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fondera son calcul du montant des amendes, la Commission n’est pas tenue de préciser la manière dont elle se servira de chacun de ces éléments pour la détermination du montant de l’amende (voir arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 21 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, contrairement à ce que prétend Recylex, les éléments de fait et de droit sur lesquels la Commission a fondé son calcul du montant des amendes étaient tous indiqués dans la communication des griefs et la Commission n’était pas tenue de préciser les conséquences qu’elle tirerait, notamment, du fait que l’entente portait sur les prix d’achat plutôt que sur les prix de vente.

134    En outre, Recylex a pu faire valoir ses observations sur la majoration du montant de l’amende à la suite de la lettre du 13 décembre 2016 de la Commission par laquelle cette dernière l’a informée de son intention d’appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices (considérant 366 de la décision attaquée). Ses observations ont été dûment prises en compte dans la décision attaquée, ainsi que cela ressort de ses considérants 370 à 380.

135    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 concernant la coopération d’Eco-Bat

136    Par son quatrième moyen, Recylex soutient qu’Eco-Bat n’a pas satisfait à son devoir de coopération au sens du paragraphe 12, sous a) et c), de la communication sur la coopération de 2006, ainsi que l’exige le paragraphe 24 de cette communication. Selon elle, étant donné que, pour pouvoir prétendre à une réduction du montant de l’amende, les conditions cumulatives du paragraphe 12, sous a) à c), de cette communication doivent être remplies, Eco-Bat ne pouvait pas bénéficier d’une réduction d’amende. Il devrait donc être conclu que, au lieu d’être la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative, Recylex était la première entreprise à fournir de tels éléments de preuve. Partant, la Commission aurait commis une erreur dans l’application du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 en lui accordant une réduction dans la fourchette allant de 20 à 30 % au lieu de celle allant de 30 à 50 %.

137    Recylex prétend qu’Eco-Bat n’a pas satisfait à son devoir de coopération sous plusieurs aspects. Premièrement, Eco-Bat aurait fourni, avant la demande de clémence de Recylex, des informations incomplètes et trompeuses à propos des territoires concernés par l’infraction. En effet, Eco-Bat aurait affirmé que l’infraction se limitait à l’Allemagne, aux Pays-Bas et, occasionnellement, à la Belgique. Eco-Bat aurait également répondu de manière évasive aux questions de la Commission sur l’infraction relative à la France. Deuxièmement, Eco-Bat n’aurait pas révélé toute l’étendue de la participation de ses représentants à l’infraction, ce qui démontrerait qu’elle n’avait pas effectué des recherches sérieuses afin de fournir à la Commission une description complète de sa participation. Troisièmement, Eco-Bat aurait fourni des informations trompeuses à propos du rôle de l’un de ses représentants. Plus généralement, les réponses d’Eco-Bat aux demandes de renseignements de la Commission ne démontreraient pas une véritable coopération.

138    Par conséquent, au vu de la disqualification d’Eco-Bat, Recylex estime qu’elle avait droit à la réduction maximale de 50 % dans la première fourchette du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006. Concernant la valeur ajoutée significative des preuves qu’elle a fournies, Recylex s’appuie, en substance, sur les mêmes arguments que ceux qu’elle invoque au soutien de ses premier et deuxième moyens.

139    Lors de l’audience, Recylex a confirmé que, par ce moyen, elle ne tendait pas à priver Eco-Bat de la réduction de 50 % dont elle bénéficiait.

140    La Commission affirme qu’il est constant entre les parties qu’Eco-Bat, le 27 septembre 2012, avait été la première entreprise à fournir des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative. Recylex, le 23 octobre 2012, était la deuxième entreprise à fournir de tels éléments de preuve. Compte tenu de l’ordre chronologique des dépôts d’éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative, Recylex ne saurait, en tout état de cause, être qualifiée comme étant la première entreprise à fournir des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative, même si Eco-Bat était disqualifiée de toute réduction en raison d’un manquement au devoir de coopération conforme aux exigences du paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006. Par conséquent, les griefs de Recylex concernant le manquement au devoir de coopération d’Eco-Bat et ses affirmations quant à la valeur ajoutée significative des preuves qu’elle a fournies seraient sans objet.

141    La première question qui se pose est de savoir si, dans le cas où deux entreprises ont fourni des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative, celle qui les a fournis en second lieu pourrait prendre la place de la première, si la coopération de celle-ci se révélait ne pas être conforme aux exigences du paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006.

142    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, par l’adoption de la communication sur la coopération de 2006, la Commission a créé des attentes légitimes, ce qu’elle a d’ailleurs reconnu au paragraphe 38 de ladite communication. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission peuvent tirer de cette communication, la Commission est donc obligée de s’y conformer (voir arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 361 et jurisprudence citée).

143    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, la procédure de clémence constituant une exception au principe selon lequel une entreprise doit être sanctionnée pour toute violation au droit de la concurrence, les règles qui s’y rapportent doivent être interprétées strictement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, T‑128/11, EU:T:2014:88, point 167).

144    Aux termes des dispositions du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, il est prévu ce qui suit:

« Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qui lui aurait à défaut été infligée :

–        Première entreprise à fournir une valeur ajoutée significative : réduction comprise entre 30 et 50 %.

–        Deuxième entreprise à fournir une valeur ajoutée significative : réduction comprise entre 20 et 30 %.

–        Autres entreprises fournissant une valeur ajoutée significative : réduction maximale de 20 %. »

145    Le paragraphe 24 de la communication sur la coopération de 2006 dispose que, afin de pouvoir prétendre à une réduction, une entreprise doit remplir les conditions cumulatives fixées au paragraphe 12, sous a) à c), de ladite communication. Le paragraphe 12 expose les exigences concernant le devoir de coopération. Il dispose, en substance, que l’entreprise doit, premièrement, apporter une coopération véritable, totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative, ce qui requiert que l’entreprise fournisse des informations précises, non trompeuses et complètes. Deuxièmement, elle doit mettre fin à sa participation à l’entente présumée et, troisièmement, elle ne doit pas avoir détruit, falsifié ou dissimulé des preuves de l’entente présumée. En l’espèce, les requérantes ne contestent pas qu’Eco-Bat remplissait la deuxième condition.

146    Le paragraphe 30, dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 dispose que, si la Commission constate qu’une entreprise ne remplit pas les conditions fixées au paragraphe 12, elle ne bénéficiera d’aucun traitement de faveur au titre de cette communication. Partant, ainsi qu’il est au demeurant constant entre les parties, l’exigence de coopération, au sens du paragraphe 12 de la communication en cause, constitue un critère primordial pour déterminer si une entreprise a droit à l’immunité totale ou partielle, ou à une quelconque réduction du montant de l’amende. Si elle n’a pas satisfait à son devoir de coopération, elle ne saurait bénéficier de clémence.

147    Il convient de constater, en revanche, qu’il ne ressort pas de la communication sur la coopération de 2006 qu’un manquement au devoir de coopération affecte l’ordre d’arrivée accordé aux demandes de clémence.

148    Il doit également être constaté que, selon une jurisprudence constante, il ressort de la logique même de la communication sur la coopération de 2002, ainsi que de celle de 2006, que l’effet recherché est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes. Dans le cadre de ce système, et selon la même logique, les entreprises les plus rapides à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins rapides à coopérer (voir arrêts du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 147 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T‑496/07, non publié, EU:T:2013:464, point 334 et jurisprudence citée).

149    L’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres de l’entente constituent donc des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication sur la coopération de 2006 (arrêt du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, EU:T:2011:562, point 380 ; voir, également, arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 148 et jurisprudence citée).

150    Il s’ensuit que ni le libellé de la communication sur la coopération de 2006 ni sa logique n’étayent une interprétation selon laquelle, dans le cas où deux entreprises ont fourni des éléments de preuve qui représentent une valeur ajoutée significative, celle qui les a fournis en second lieu prend la place de la première, si la coopération de celle-ci se révèle comme n’ayant pas été conforme aux exigences du paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006.

151    Une conclusion contraire pourrait mener à une situation hypothétique dans laquelle deux entreprises profiteraient des réductions visées à chacun des tirets du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006. Cela risquerait d’affaiblir l’incitation, pour chaque entreprise participant à une entente anticoncurrentielle, à coopérer avec la Commission aussi rapidement que possible sans toutefois augmenter l’incitation à coopérer avec elle pleinement, parce que l’incitation à apporter une coopération véritable est déjà intégralement protégée par la menace de l’application, par la Commission, des paragraphes 24 et 30 de la communication sur la coopération de 2006.

152    Enfin, il convient de relever également que Recylex n’a invoqué ni dans ses mémoires ni dans sa réponse à la question posée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure d’arguments pertinents qui remettraient en doute cette conclusion.

153    Par conséquent, il convient de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en n’accordant pas à Recylex une réduction dans la fourchette de 30 à 50 %, en application du paragraphe 26, premier tiret, de la communication sur la coopération de 2006. En effet, même si Eco-Bat avait manqué à son devoir de coopérer pleinement avec la Commission, il n’en demeurerait pas moins que Recylex était la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative.

154    Il s’ensuit que les arguments restants sont inopérants et qu’il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré du caractère inapproprié du montant de l’amende

155    Par son cinquième moyen, Recylex demande au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée. Elle affirme que, compte tenu des éléments avancés dans le cadre des quatre premiers moyens, notamment des arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen, repris au point 114 ci-dessus, ainsi que des facteurs supplémentaires énumérés aux points 156 et 157 ci-après, le Tribunal devrait réduire l’amende du montant qu’il juge approprié pour assurer un traitement équitable, proportionné et individualisé.

156    À l’appui de ce moyen, Recylex invoque les facteurs supplémentaires suivants. Premièrement, le montant important de l’amende comparé à la taille du groupe Recylex ; deuxièmement, le manque d’actifs suffisamment importants que le groupe pourrait donner à titre de sûreté d’un prêt ; troisièmement, le fait qu’aucun tiers n’aurait d’intérêt à acheter une partie ou l’ensemble du groupe ; quatrièmement, un endettement important en conséquence d’arrêts de la Cour d’appel de Douai (France) du 31 janvier 2017, et, cinquièmement, le risque de compromettre le processus de redressement du groupe si le financement d’un projet de four à plomb en Allemagne demeure suspendu en conséquence de l’imposition de l’amende.

157    Recylex ajoute que le cours du plomb au LME était plus élevé en 2011 qu’en 2009, ce qui a engendré une différence de plus de 10 % entre la valeur des achats en 2011 et leur valeur moyenne au cours de la période allant de 2009 à 2012. Partant, selon elle, la Commission aurait dû accorder au moins un certain poids à la valeur des achats réalisés en 2009.

158    La Commission conteste ces arguments. D’une part, elle relève que Recylex n’a pas remis en cause la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté sa demande tendant à obtenir une réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive. D’autre part, elle affirme que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non corroboré et, dans la mesure où Recylex renvoie globalement à tous les autres moyens, comme manifestement dénué de fondement pour les mêmes raisons que celles invoquées dans le mémoire en défense dans le cadre des autres moyens.

159    Il y a lieu d’analyser si les arguments soulevés par Recylex dans le cadre des quatre premiers moyens, les facteurs repris au point 156 ci-dessus et les arguments concernant l’utilisation de la valeur des achats réalisés en 2009, séparément ou pris ensemble, justifient une réduction du montant de l’amende dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

160    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que le Tribunal est tenu d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 200 ; voir, également, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 195 et jurisprudence citée), ou ne reflète pas adéquatement le degré de coopération fourni par les requérantes.

161    Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

162    Ensuite, il convient de rappeler que, lorsque le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction, il n’est pas tenu par les lignes directrices, mais a l’obligation de vérifier lui-même si l’amende a un caractère proportionné à la gravité du comportement illégal (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, points 69 et 77). Toutefois, bien que ni les lignes directrices ni la communication sur la coopération de 2006 ne préjugent de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, rien n’empêche le Tribunal de s’en inspirer s’il l’estime approprié (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Dornbracht/Commission, T‑386/10, EU:T:2013:450, point 246 et jurisprudence citée).

163    En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la mesure où les arguments invoqués par Recylex dans le cadre du cinquième moyen sont une répétition de ceux soulevés dans le cadre des quatre premiers, il y a lieu de les rejeter pour les mêmes raisons. En outre, l’examen de ces moyens ne décèle aucune raison de considérer comme inapproprié le montant de l’amende infligée à Recylex. Celle-ci a, certes, fourni des informations utiles sur le déroulement de l’entente, les contacts anticoncurrentiels qui ont eu lieu, la manière dont était organisée l’entente et les activités anticoncurrentielles sur le marché français. Toutefois, le degré de coopération fourni par Recylex a été pleinement reconnu par l’octroi de la réduction maximale dans la deuxième fourchette du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006.

164    En outre, il convient de relever que Recylex a confirmé, lors de l’audience, qu’elle avait soulevé tous les facteurs exposés au point 156 ci-dessus dans le cadre de sa demande tendant à obtenir une réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive. Lors de l’audience, elle a également expliqué, notamment en ce qui concerne le cinquième facteur mentionné au point 156 ci-dessus, que sa situation financière avait évolué depuis sa première demande tendant à obtenir une réduction du montant de l’amende et qu’elle avait déposé une deuxième demande de réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive, laquelle, à la date de l’audience, était pendante.

165    À cet égard, il y a lieu d’observer, d’une part, que prendre en compte la situation économique d’une entreprise concernée, et notamment sa capacité financière, reviendrait à procurer des avantages concurrentiels injustifiés aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 67 et jurisprudence citée). D’autre part, selon le paragraphe 35 des lignes directrices, une réduction du montant de l’amende en raison d’absence de capacité contributive d’une entreprise ne pourrait être accordée que dans des circonstances exceptionnelles, sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

166    En l’espèce, de telles circonstances exceptionnelles ne prévalent pas. D’une part, Recylex a affirmé, dans la requête, que, ayant conclu un plan de paiement avec la Commission, la viabilité du groupe n’était pas compromise par l’amende. D’autre part, elle ne conteste pas le rejet de sa demande tendant à obtenir une réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive. Partant, le fait que l’amende engendre des difficultés financières ne saurait justifier une réduction au motif qu’elle n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction. S’agissant, enfin, de l’argument tiré de ce que la Commission a admis, dans l’annexe I de la décision attaquée, que le montant de l’amende était important comparé à la taille du groupe Recylex, celui-ci ne saurait prospérer, car cela reviendrait à avantager la requérante sur la base d’un critère qui est sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction.

167    Enfin, il convient de constater que la valeur moindre des achats réalisés en 2009, par rapport à ceux réalisés en 2011, ne constitue pas non plus une justification pour réduire le montant de l’amende. Selon la jurisprudence et le paragraphe 13 des lignes directrices, afin de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise normalement la valeur des ventes (en l’espèce, la valeur des achats) réalisées par l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. Ce facteur permet d’apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l’ampleur de l’infraction commise par chacune d’entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l’infraction commise par chaque entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, points 134 et 135 et jurisprudence citée). En l’espèce, il est constant que Recylex a participé à l’infraction pendant une partie seulement des années 2009 et 2012 et que la dernière année complète de sa participation était l’année 2011. Notamment, s’agissant de l’année 2009, elle n’a participé à l’infraction que pendant uniquement les trois derniers mois de celle-ci. Si elle affirme que le prix du plomb au LME était plus bas en 2009 qu’en 2011, elle n’explique pas en quoi la valeur des ventes en 2009 refléterait, de manière plus appropriée et proportionnée, sa véritable taille, sa puissance économique ou l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise.

168    Il convient de constater que, au regard de la compétence de pleine juridiction dont le Tribunal dispose en matière d’amendes pour infraction aux règles de concurrence, rien dans les griefs, arguments et éléments de droit et de fait avancés par Recylex ne permet de conclure que l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction ou avec le degré de coopération fourni par celle-ci dans le cadre du régime de clémence.

169    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, portant sur l’octroi de délais de paiement

170    Par leur sixième moyen, les requérantes estiment qu’il serait approprié pour le Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction afin de leur octroyer des délais de paiement pour toute partie du montant de l’amende qui resterait due.

171    Toutefois, à l’instar du constat formulé par le Tribunal au point 168 ci‑dessus en ce qui concerne le cinquième moyen et dès lors que rien dans les griefs, arguments et éléments de droit et de fait avancés par Recylex ne permet de conclure que de tels délais devraient lui être octroyés, le sixième moyen ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

172    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent ainsi que des circonstances de l’espèce que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

173    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Recylex ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.



2)      Recylex SA, Fonderie et Manufacture de Métaux SA et Harz-Metall GmbH sont condamnées aux dépens.


Collins

Kancheva

Barents


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mai 2019.

Signatures



Table des matières


Antécédents du litige

Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

Décision attaquée

Secteur concerné

Description de l’infraction

Appréciation juridique de l’infraction par la Commission

Durée de la participation à l’infraction

Responsabilité de l’infraction

Calcul du montant des amendes

– Base pour la détermination du montant de base des amendes

– Montant de base des amendes

– Ajustements du montant de base des amendes

– Application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires

– Application de la communication sur la coopération de 2006 et montant final des amendes

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant la durée de l’infraction

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant l’infraction relative à la France

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 37 des lignes directrices concernant la majoration spécifique de 10 % dans le calcul du montant de l’amende

Sur le défaut de motivation

Sur le bien-fondé des motifs

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 concernant la coopération d’Eco-Bat

Sur le cinquième moyen, tiré du caractère inapproprié du montant de l’amende

Sur le sixième moyen, portant sur l’octroi de délais de paiement

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.