Language of document : ECLI:EU:T:2013:216

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 avril 2013(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives spécifiques prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire – Gel des fonds – Adaptation des conclusions – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Droits de la défense – Droit de propriété »

Dans l’affaire T‑119/11,

Simone Gbagbo, demeurant à Abidjan (Côte d’Ivoire), représentée par Me J.-C. Tchikaya, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Driessen et M. Chavrier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. A. Bordes et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

et par

République de Côte d’Ivoire, représentée par Mes J.-P. Mignard, J.-P. Benoit et G. Merland, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet initial une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2011/18/PESC du Conseil, du 14 janvier 2011, modifiant la décision 2010/656/PESC du Conseil renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire (JO L 11, p. 36), et, d’autre part, du règlement (UE) n° 25/2011 du Conseil, du 14 janvier 2011, modifiant le règlement (CE) n° 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 11, p. 1), pour autant que ces actes concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vue la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Simone Gbagbo, est une ressortissante ivoirienne.

2        La décision 2010/656/PESC du Conseil, du 29 octobre 2010, renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire (JO L 285, p. 28), telle que modifiée, et le règlement (CE) n° 560/2005 du Conseil, du 12 avril 2005, infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 95, p. 1), tel que modifié, prévoient, notamment, que les personnes et entités incluses dans les listes figurant aux annexes I et II de ladite décision et aux annexes I et I A dudit règlement sont soumises, dans les conditions prévues par ces actes, à des mesures restrictives.

3        La liste figurant à l’annexe I de la décision 2010/656 et à l’annexe I du règlement n° 560/2005 contient les noms de personnes et d’entités désignées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou le comité des sanctions instauré par la résolution 1572 (2004).

4        La liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005 contient les noms de personnes et d’entités ne figurant pas dans les annexes I de ces derniers actes et qui font obstruction au processus de paix et de réconciliation nationale et en particulier mettent en péril le respect du résultat du processus électoral.

5        Par la décision 2010/801/PESC, du 22 décembre 2010, amendant la décision 2010/656 (JO L 341, p. 45), le Conseil de l’Union européenne a, notamment, procédé à l’inscription du nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656, avec la mention des motifs suivants :

« Épouse de M. Gbagbo.

Présidente du groupe Front populaire ivoirien (FPI) à l’Assemblée nationale. Soupçonnée d’entretenir des réseaux parallèles politico-religieux qui s’opposent aux résolutions internationales. »

6        Par la décision 2011/18/PESC, du 14 janvier 2011, modifiant la décision 2010/656 (JO L 11, p. 36), et par le règlement (UE) n° 25/2011, du 14 janvier 2011, modifiant le règlement n° 560/2005 (JO L 11, p. 1), le Conseil a, notamment, d’une part, maintenu le nom de la requérante sur ladite liste et, d’autre part, procédé à l’inscription de son nom sur celle figurant à l’annexe I A du règlement n° 560/2005, avec la mention des motifs suivants :

« Présidente du groupe Front populaire ivoirien (FPI) à l’Assemblée nationale : Obstruction aux processus de paix et de réconciliation ; incitation publique à la haine et à la violence. »

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

7        Le 30 mars 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1975 (2011), par laquelle il a infligé des sanctions ciblées à des personnes, dont la requérante, qui répondent aux critères établis dans la résolution 1572 (2004) et dans des résolutions postérieures, notamment des personnes qui font obstacle à la paix et à la réconciliation en Côte d’Ivoire et aux activités de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et des autres acteurs internationaux en Côte d’Ivoire et qui commettent de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

8        Par la décision 2011/221/PESC, du 6 avril 2011, modifiant la décision 2010/656 (JO L 93, p. 20), et le règlement (UE) n° 330/2011, du 6 avril 2011, modifiant le règlement (CE) n° 560/2005 (JO L 93, p. 10), le Conseil a, notamment, supprimé le nom de la requérante de la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005, et procédé à l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe I de cette dernière décision et à l’annexe I de ce dernier règlement, avec la mention de la désignation par le Conseil de sécurité des Nations unies et les motifs suivants :

« Présidente du groupe parlementaire du Front populaire ivoirien (FPI) : obstruction au processus de paix et de réconciliation, incitation publique à la haine et à la violence. »

 Procédure

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2011, la requérante a introduit le présent recours.

10      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 2 et 3 mars 2011, des personnes également visées par des mesures restrictives infligées au regard de la situation en Côte d’Ivoire ont introduit des recours contre la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011 (affaires T‑118/11, T‑123/11 et T‑124/11).

11      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 14 et 15 juin 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil dans la présente affaire et dans les affaires T‑118/11, T‑123/11 et T‑124/11.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 21 juin 2011, la République de Côte d’Ivoire a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil dans la présente affaire et dans les affaires T‑118/11, T‑123/11 et T‑124/11.

13      Le Conseil a déposé le mémoire en défense dans la présente affaire le 13 juillet 2011.

14      La requérante n’a pas déposé de réplique dans le délai imparti.

15      Par ordonnance du 7 octobre 2011, le président de la cinquième chambre du Tribunal, les parties entendues, a décidé de joindre les affaires T‑118/11, T‑119/11, T‑123/11 et T‑124/11 (ci-après les « affaires jointes »), aux fins de la procédure écrite et de la procédure orale.

16      Par ordonnances du 20 octobre 2011, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes en intervention de la Commission et de la République de Côte d’Ivoire.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 décembre 2011, la Commission a renoncé à déposer un mémoire en intervention.

18      La République de Côte d’Ivoire a déposé un mémoire en intervention le 9 décembre 2011.

19      Seul le Conseil a déposé ses observations sur le mémoire en intervention de la République de Côte d’Ivoire dans le délai imparti.

20      Le 15 mars 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties dans les affaires jointes à se prononcer, notamment, sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet et des conclusions du recours dans la présente affaire, de l’adoption de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011.

21      Seuls le Conseil et la Commission ont répondu à l’invitation du Tribunal du 15 mars 2012 dans le délai imparti.

22      Par ordonnance du 4 juin 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de disjoindre la présente affaire des affaires T‑118/11, T‑123/11 et T‑124/11 et a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les recours dans ces trois dernières affaires.

23      Le 5 juin 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties, notamment, à prendre position sur une éventuelle suspension de la présente affaire jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑417/11 P, ainsi que sur l’éventualité, pour le Tribunal, de soulever d’office un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation des actes attaqués.

24      Seuls le Conseil et la Commission ont répondu à l’invitation du Tribunal du 5 juin 2012 dans le délai imparti.

25      Par ordonnance du 4 juillet 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé de suspendre la présente affaire jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑417/11 P.

26      Le 15 novembre 2012, la Cour a prononcé l’arrêt dans l’affaire C‑417/11 P et la procédure dans la présente affaire a repris.

27      Le 16 novembre 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties à se prononcer sur les éventuelles conséquences à tirer de l’arrêt de la Cour du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba (C‑417/11 P, non encore publié au Recueil) sur le recours.

28      Seuls le Conseil et la Commission ont répondu à l’invitation du Tribunal du 16 novembre 2012 dans le délai imparti. Malgré son dépôt hors délai, le président du Tribunal (cinquième chambre) a décidé de verser au dossier la réponse de la République de Côte d’Ivoire.

29      Le 10 décembre 2012, constatant que, depuis le dépôt de la requête, la requérante n’avait déposé aucun mémoire, aucun acte de procédure et n’avait pas répondu aux diverses sollicitations du Tribunal, ce dernier a invité la requérante à présenter ses observations éventuelles quant à la suite de la procédure devant le Tribunal, et notamment sur la question de savoir s’il y avait encore lieu de statuer. Son attention a été attirée sur le fait que, en l’absence d’information, le Tribunal pourrait déclarer d’office que le recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer.

30      Malgré son dépôt hors délai, le président du Tribunal (cinquième chambre) a décidé de verser au dossier la réponse de la requérante.

 Conclusions des parties

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011, pour autant qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

32      Lors de l’audience, la requérante a demandé à ce que le recours tende également à l’annulation de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011.

33      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

34      La République de Côte d’Ivoire conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

35      Dans leurs réponses à la question visée au point 20 ci-dessus, le Conseil et la Commission n’ont marqué aucune objection à une éventuelle adaptation des conclusions du recours.

36      Dans sa réponse à la question visée au point 27 ci-dessus, le Conseil a fait valoir que, dans la mesure où le recours était dirigé contre la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011, celui-ci était devenu sans objet.

37      Lors de l’audience, le Conseil, la Commission et la République de Côte d’Ivoire s’en sont remis à la sagesse du Tribunal à l’égard de la demande visée au point 32 ci-dessus.

 En droit

 Sur l’objet du recours et les conséquences procédurales de l’adoption de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011

38      Il convient de rappeler que, par la décision 2011/221 et le règlement n° 330/2011, le Conseil a, notamment, supprimé le nom de la requérante de la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005 et ajouté son nom à la liste figurant à l’annexe I de cette dernière décision et de ce dernier règlement.

39      Interrogée par le Tribunal, au cours de la procédure écrite, sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet et des conclusions du recours dans la présente affaire, de l’adoption de ces actes (voir point 20 ci-dessus), la requérante n’a pas répondu dans le délai qui lui était imparti.

40      Toutefois, lors de l’audience, la requérante a demandé que le recours tende également à l’annulation de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011 (voir point 32 ci-dessus).

41      En l’espèce, les parties n’ayant soulevé aucune objection, il y a lieu de faire droit à cette demande et de considérer que la requérante est recevable à demander l’annulation de la décision 2011/18 et du règlement n° 25/2011, ainsi que de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011, pour autant que ces actes la concernent, sans qu’il y ait lieu de distinguer, en l’espèce, selon que ladite demande a ou non été introduite dans le délai de deux mois à compter de la publication ou de la notification des actes qu’elle vise, prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et du 9 septembre 2010, Al-Aqsa/Conseil, T‑348/07, Rec. p. I‑4575, points 31 à 35).

42      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le recours tend à l’annulation de la décision 2011/18 et du règlement n° 25/2011 ainsi que de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

43      Dans ce contexte, il importe de préciser que, nonobstant l’adoption de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011, qui, en substance, abrogent et remplacent la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011, notamment, en ce que ceux-ci infligent des mesures restrictives à la requérante, cette dernière conserve, conformément à la jurisprudence, un intérêt à obtenir l’annulation de ces derniers actes (voir, en ce sens, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, précité, point 48). La demande de non-lieu à statuer à l’égard de ces actes présentée par le Conseil dans sa réponse à la question du Tribunal sur les éventuelles conséquences à tirer de l’arrêt Conseil/Bamba, précité, (voir point 36 ci-dessus) doit, par conséquent, être rejetée.

 Sur le fond

44      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, en substance, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation, le deuxième, d’un détournement de pouvoir, le troisième, d’une violation de l’article 215, paragraphe 3, TFUE, et, le quatrième, d’une violation de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389).

45      Avant de procéder à l’examen de ces moyens, le Tribunal estime opportun de s’interroger sur la motivation des actes attaqués.

 Sur la motivation des actes attaqués

46      La requérante ne soulève pas formellement et explicitement de moyen pris de la violation de l’obligation de motivation dans la requête. Dans cette dernière, elle fait néanmoins valoir, dans le cadre du premier moyen, que le Conseil allègue des faits imprécis ne pouvant, dès lors, justifier les sanctions adoptées à son encontre et, dans le cadre du quatrième moyen, que, en l’absence de faits précis pouvant corroborer les accusations portées contre elle, elle n’est pas en mesure de les contester efficacement, les quelques vagues allégations figurant dans la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011 étant insuffisantes à cet égard.

47      Ces griefs doivent être considérés comme se rapportant implicitement à une violation de l’obligation de motivation.

48      En tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 296 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt de la Cour du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 34, et la jurisprudence citée). À cet égard, il doit être relevé que, dans le cadre de ses observations quant à la suite de la procédure devant le Tribunal (voir point 30 ci-dessus), ainsi que lors de l’audience, la requérante a demandé au Tribunal de soulever d’office, en tant que de besoin, un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

49      Dans ce contexte, il importe de préciser que, hors les cas particuliers tels que, notamment, ceux prévus par les règlements de procédure des juridictions de l’Union, le juge de l’Union ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ledit moyen (arrêt Commission/Irlande e.a., précité, point 57). Or, en l’espèce, les parties ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur la question de la motivation des actes attaqués, en particulier dans le cadre de leurs observations relatives aux conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt Conseil/Bamba, précité, ainsi que lors de l’audience.

50      Il y a donc lieu d’examiner la motivation des actes attaqués.

51      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 296 TFUE, les actes juridiques sont motivés.

52      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 49, et la jurisprudence citée).

53      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 50, et la jurisprudence citée).

54      Dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 51, et la jurisprudence citée).

55      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 52, et la jurisprudence citée).

56      Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 53, et la jurisprudence citée).

57      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, précité, point 54, et la jurisprudence citée).

58      En l’espèce, d’une part, il convient de relever, en premier lieu, que, aux considérants 2 à 6 de la décision 2011/18 ainsi qu’aux considérants 1 et 4 du règlement n° 25/2011, le Conseil expose le contexte général l’ayant conduit à étendre le champ d’application personnel des mesures restrictives instaurées à l’encontre de la République de Côte d’Ivoire. Il en ressort que ce contexte général, qui était nécessairement connu de la requérante eu égard, en particulier, à sa position personnelle et politique, tenait à la gravité de la situation dans ledit pays et à la menace concrète que faisaient peser sur la paix et la sécurité internationales les obstructions aux processus de paix et de réconciliation nationale, en particulier celles qui mettaient en péril le respect de la volonté exprimée souverainement par le peuple ivoirien, lors de l’élection des 31 octobre et 28 novembre 2010, de désigner M. Alassane Ouattara comme président (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, précité, point 55). En second lieu, aux considérants 2 à 4 de la décision 2011/221 ainsi qu’aux considérants 3 et 4 du règlement n° 330/2011, le Conseil expose le contexte général l’ayant conduit à imposer des mesures restrictives supplémentaires, à étendre le champ d’application personnel de celles-ci et à modifier les listes des personnes en faisant l’objet. Il en ressort que ce contexte général, qui était, pour les mêmes motifs, également nécessairement connu de la requérante, tenait, notamment, à la gravité de la situation en Côte d’Ivoire ainsi qu’à l’adoption de la résolution 1975 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies.

59      D’autre part, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que la requérante devait faire l’objet de telles mesures restrictives, la motivation de la décision 2011/18 et du règlement n° 25/2001, reproduite au point 6 du présent arrêt, ainsi que celle, en substance identique, de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011, reproduite au point 8 du présent arrêt, identifient les éléments spécifiques et concrets qui traduisent, pour le Conseil, une implication de l’intéressée dans l’obstruction au processus de paix et de réconciliation en Côte d’Ivoire (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, précité, point 55).

60      La lecture de cette motivation permet en effet de comprendre que le Conseil tire la raison spécifique et concrète l’ayant conduit à adopter des mesures restrictives à l’encontre de la requérante de la prétendue responsabilité de cette dernière, au titre de sa fonction alléguée de présidente du groupe Front populaire ivoirien (FPI) à l’Assemblée nationale ivoirienne, dans des actes d’obstruction aux processus de paix et de réconciliation ainsi que d’incitation publique à la haine et à la violence.

61      Par ces indications, la requérante a ainsi été mise en mesure de contester utilement le bien-fondé des actes attaqués. Au vu de celles-ci, il lui eût été loisible, le cas échéant, de contester la réalité des faits mentionnés dans les actes litigieux, notamment, en niant sa qualité de présidente du groupe FPI à l’Assemblée nationale ivoirienne ou en réfutant avoir participé à l’obstruction au processus de paix et de réconciliation ou à des actes d’incitation publique à la haine et à la violence, susceptibles de justifier l’application de mesures restrictives à son encontre.

62      C’est donc à tort que la requérante prétend, dans le cadre du premier moyen, que le Conseil allègue des faits imprécis ne pouvant, dès lors, justifier les mesures adoptées à son encontre. C’est donc également sans fondement que la requérante soutient, dans le cadre du quatrième moyen, que, en l’absence de fait précis pouvant corroborer les accusations portées à son encontre, elle ne pourrait efficacement les contester.

63      Il résulte de ce qui précède que la motivation des actes attaqués est suffisante pour permettre à la requérante d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de leur légalité.

64      Il s’ensuit que les actes attaqués sont motivés à suffisance de droit et que les griefs avancés par la requérante à cet égard doivent être rejetés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

65      La requérante fait valoir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant des mesures restrictives à son encontre au motif qu’elle aurait fait obstruction au processus de paix et de réconciliation et aurait refusé le résultat de l’élection présidentielle. En effet, ces mesures reposeraient sur la circonstance erronée que M. Allassane Ouattara aurait été élu président de la République de Côte d’Ivoire, alors que c’est M. Laurent Gbagbo qui a été proclamé élu par le Conseil constitutionnel ivoirien.

66      À cet égard, il convient de relever, s’agissant de l’intensité du contrôle juridictionnel, que deux types d’éléments doivent être distingués au sein de la décision 2010/656 et du règlement n° 560/2005. En effet, d’une part, les articles de cette décision et de ce règlement prévoient les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives qu’ils instaurent. D’autre part, les annexes de cette décision et de ce règlement, qui énumèrent les personnes et les entités visées par les mesures restrictives adoptées au titre de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/656 et de l’article 11 bis, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 560/2005, représentent un ensemble d’actes d’application des règles générales précitées à des personnes et des entités spécifiques (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 35).

67      En ce qui concerne, d’une part, les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures de sanctions économiques et financières sur la base de l’article 215 TFUE, conformément à une décision adoptée en vertu du chapitre 2 du titre V du Traité sur l’Union européenne. Le juge de l’Union ne pouvant, en particulier, substituer son appréciation des preuves, faits et circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé par le Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles mesures sont fondées (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 36, et la jurisprudence citée).

68      En ce qui concerne, d’autre part, la décision par laquelle une personne ou une entité est inscrite sur la liste figurant aux annexes de la décision 2010/656 et aux annexes du règlement n° 560/2005, au titre de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette décision et de l’article 11 bis, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, le contrôle juridictionnel de la légalité de la décision en question s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. Le Tribunal doit également s’assurer du respect des droits de la défense et de l’exigence de motivation à cet égard ainsi que, le cas échéant, du bien-fondé des considérations impérieuses exceptionnellement invoquées par le Conseil pour s’y soustraire (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 37, et la jurisprudence citée).

69      En l’espèce, la requérante fait valoir, en substance, que le Conseil a considéré à tort M. Ouattara comme président élu de la République de Côte d’Ivoire.

70      Force est de constater que, par cette argumentation, la requérante ne conteste pas directement les motifs de la décision par laquelle elle a été inscrite sur la liste figurant aux annexes de la décision 2010/656. En effet, pareille argumentation se réfère aux éléments sous-tendant cette décision, en l’occurrence, les résultats de l’élection présidentielle ivoirienne et les troubles qui l’ont entourée, lesquels concernent les éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives. Il s’ensuit que les appréciations du Conseil remises en cause par une telle argumentation doivent faire l’objet du contrôle évoqué au point 67 ci-dessus. D’ailleurs, en invoquant, dans le cadre du présent moyen, une erreur manifeste d’appréciation, la requérante se place elle-même dans le cadre d’un tel contrôle et non dans celui d’un contrôle entier.

71      À cet égard, il doit tout d’abord être relevé que, le 7 décembre 2010, les chefs d’États ou de gouvernements de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont reconnu M. Ouattara comme président élu de la République de Côte d’Ivoire et, par conséquent, comme représentant le choix librement exprimé par le peuple ivoirien.

72      Par ailleurs, ainsi qu’il découle du considérant 3 de la décision 2011/18, le 17 décembre 2010, le Conseil européen a appelé tous les responsables civils et militaires ivoiriens qui ne l’avaient pas encore fait à se placer sous l’autorité du président démocratiquement élu, M. Ouattara.

73      Enfin, il est à relever que le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 20 décembre 2010, la résolution 1962 (2010). Agissant en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, il a notamment, par cette résolution, constaté que la situation en Côte d’Ivoire continuait de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région et exhorté toutes les parties et acteurs ivoiriens à respecter la volonté du peuple et les résultats du scrutin, attendu que la Cedeao et l’Union africaine (UA) ont reconnu en M. Ouattara le président élu de la République de Côte d’Ivoire et le dépositaire de la volonté librement exprimé du peuple ivoirien, ainsi que l’a proclamé la commission électorale indépendante.

74      Au regard de ces prises de position, le Conseil a pu valablement considérer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, que M. Ouattara avait été élu président de la République de Côte d’Ivoire.

75      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation avancée par la requérante au soutien du présent moyen. En effet, par cette argumentation, la requérante fait valoir que l’erreur du Conseil s’expliquerait par la fausse information selon laquelle M. Outtara aurait été proclamé élu par la commission électorale indépendante, dont les résultats auraient été certifiés par le représentant spécial des Nations unies en Côte d’Ivoire. À cet égard, premièrement, elle avance que ce dernier n’aurait pas reçu la mission de certifier les résultats électoraux et ne pouvait empiéter sur les compétences exclusives du Conseil constitutionnel ivoirien quant à la proclamation des résultats définitifs des élections. Deuxièmement, ledit représentant n’aurait pas certifié des résultats de la commission électorale indépendante, celle-ci n’ayant pas compétence pour proclamer des résultats définitifs et ne l’ayant d’ailleurs pas fait. Troisièmement, M. Ouattara n’aurait jamais été proclamé élu, le Conseil constitutionnel ivoirien ayant proclamé l’élection de M. Gbagbo. Or, force est de constater que l’examen d’une telle argumentation impliquerait que le Tribunal contrôle, non pas la légalité des actes attaqués, mais se prononce sur la régularité du processus électoral ivoirien et examine le bien-fondé des appréciations portées par diverses instances internationales à cet égard. Or, un tel examen échappe à la compétence du juge de l’Union, telle que définie à l’article 263, premier alinéa, TFUE.

76      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

77      La requérante soutient que le Conseil a commis un détournement de pouvoir. En premier lieu, il aurait poursuivi un but autre que la promotion de la démocratie et de l’état de droit, évoquée à l’article 21, paragraphe 1, TUE, étant donné que l’élection présidentielle qui a abouti à la proclamation de M. Gbagbo comme président de la République de Côte d’Ivoire se serait déroulée de façon démocratique. En second lieu, contrairement à ce que prévoit cette même disposition, il aurait adopté les actes attaqués en violation de la charte des Nations unies et du droit international, étant donné qu’il refuse de reconnaître les résultats définitifs proclamés par le Conseil constitutionnel ivoirien, de sorte qu’il méconnaîtrait le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État édicté par l’article 2, paragraphe 7, de la charte des Nations unies.

78      À cet égard, il convient de souligner qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, précité, point 151, et la jurisprudence citée).

79      Il doit également être relevé que, conformément à l’article 21 TUE, l’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international.

80      Il convient en outre de rappeler qu’il découle en substance des actes attaqués que ceux-ci ont, notamment, été adoptés au regard de la gravité de la situation en Côte d’Ivoire et des menaces que celle-ci faisait peser à l’égard de la paix et de la sécurité internationales (voir point 58 ci-dessus).

81      En l’espèce, aucun élément ne fait apparaître d’indice propre à accréditer l’idée que la procédure ayant conduit à l’adoption des actes attaqués aurait été engagée dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des objectifs autres que ceux évoqués aux points 79 et 80 ci-dessus.

82      En particulier, c’est à tort que la requérante prétend (voir point 77 ci-dessus) que le Conseil aurait adopté les actes attaqués dans un but autre que la promotion, dans le reste du monde, de la démocratie et de l’état de droit ou aurait adopté les actes attaqués en violation de la charte des Nations unies et du droit international. À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen du premier moyen, c’est sans commettre d’erreur et en se conformant, notamment, aux prises de position du Conseil de sécurité des Nations unies agissant en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, lequel a trait aux actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression, que le Conseil a estimé que M. Ouattara était le président démocratiquement élu de la République de Côte d’Ivoire.

83      Au surplus, s’agissant, plus particulièrement, de la décision 2011/221 et du règlement n° 330/2011, il doit être relevé que c’est afin de mettre en œuvre la résolution 1975 (2011) du Conseil de sécurité, en tant qu’elle concerne la requérante, que le Conseil a, par le biais desdits actes, supprimé le nom de celle-ci de la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005 et procédé à l’inscription du nom de celle-ci sur la liste figurant à l’annexe I de cette dernière décision et à l’annexe I de ce dernier règlement.

84      En tout état de cause, à supposer même que les violations alléguées par la requérante soient établies, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sauraient démontrer un quelconque détournement de pouvoir.

85      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 215, paragraphe 3, TFUE

86      La requérante fait valoir que les actes attaqués violent l’article 215, paragraphe 3, TFUE. En effet, selon elle, le règlement n° 25/2011 ne contient aucune garantie juridique, notamment procédurale, au profit des personnes en cause. Ce règlement aurait dû comporter l’indication des garanties dont doit bénéficier toute personne faisant l’objet de sanctions, concernant tant la procédure à suivre pour connaître les éléments retenus à sa charge que les règles permettant d’accéder au juge de l’Union. La simple affirmation que ledit règlement respecte les droits fondamentaux serait, à cet égard, insuffisante.

87      À cet égard, il doit être relevé que, conformément à l’article 215, paragraphe 3, TFUE, les décisions par lesquelles le Conseil adopte, ainsi qu’il est prévu par le paragraphe 2 dudit article, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques doivent contenir les dispositions nécessaires en matière de garanties juridiques.

88      En l’espèce, il y a lieu tout d’abord de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2010/656 et l’article 11 bis, paragraphe 3, du règlement n° 560/2005 prévoient que, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme des mesures restrictives et modifie les annexes de ces actes en conséquence, il lui communique sa décision, y compris les motifs de l’inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

89      L’article 7, paragraphe 4, de la décision 2010/656 et l’article 11 bis, paragraphe 4, du règlement n° 560/2005 disposent en outre que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence.

90      Il est également prévu par l’article 8 de la décision 2010/656 et l’article 2 bis du règlement n° 560/2005 que les annexes de ces actes indiquent les motifs de l’inscription sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives qu’ils édictent, ainsi que, si elles sont disponibles, les informations nécessaires à l’identification de celles-ci.

91      Par ailleurs, l’article 11 bis, paragraphe 6, du règlement n° 560/2005 prévoit que la liste de l’annexe I A du règlement n° 560/2005 est examinée à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois. L’article 10, paragraphe 3, de la décision 2010/656 prévoit quant à lui que les mesures visées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), et à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de cette décision sont réexaminées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois et qu’elles cessent de s’appliquer à l’égard des personnes et entités concernées si le Conseil établit, conformément à la procédure visée à l’article 6, paragraphe 2, que les conditions nécessaires à leur application ne sont plus remplies.

92      Dans ces conditions, force est de constater que la décision 2010/656 et le règlement n° 560/2005, dont les annexes sont modifiées par les actes attaqués, contiennent les garanties juridiques adéquates, en particulier, s’agissant de la communication des motifs de la décision d’appliquer des mesures restrictives, la possibilité de formuler des observations, et le réexamen de ladite décision.

93      Il convient encore de préciser que, le 18 janvier 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2010/656 et par le règlement n° 560/2005 (JO C 14, p. 8, ci-après l’« avis du 18 janvier 2011 »), par lequel, notamment, il attire l’attention des personnes et des entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005 sur le fait qu’il est possible de présenter aux autorités compétentes de l’État membre concerné une demande visant à obtenir l’autorisation d’utiliser les fonds gelés pour couvrir des besoins essentiels ou procéder à certains paiements. Il précise également que celles-ci peuvent lui envoyer une demande de réexamen de la décision par laquelle elles ont été inscrites sur les listes en cause. De même, le 6 avril 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues dans la décision 2010/656, telle que modifiée par la décision 2011/221, et dans le règlement n° 560/2005, tel que modifié par le règlement n° 330/2011 (JO C 108, p. 2, ci-après l’ « avis du 6 avril 2011 »), par lequel il indique aux personnes et entités figurant aux annexes I de la décision 2010/656 et du règlement n° 560/2005 qu’elles peuvent adresser une demande de réexamen au comité des Nations unies créé par la résolution 1572 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies. Il rappelle également à ces personnes qu’il est possible de présenter aux autorités compétentes de l’État membre concerné une demande visant à obtenir l’autorisation d’utiliser les fonds gelés pour couvrir des besoins essentiels ou procéder à certains paiements et qu’elles peuvent lui envoyer une demande de réexamen de la décision par laquelle elles ont été inscrites sur les listes en cause.

94      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que c’est à tort que la requérante reproche au Conseil de ne pas avoir indiqué la procédure à suivre pour connaître les éléments retenus à sa charge.

95      C’est également à tort qu’elle lui fait grief de ne pas avoir indiqué les règles prévues pour accéder au juge de l’Union. En effet, selon une jurisprudence constante, en l’absence de disposition expresse en droit de l’Union, il ne saurait être reconnu, à charge des autorités administratives ou juridictionnelles de l’Union, une obligation générale d’informer les justiciables des voies de recours disponibles ainsi que des conditions dans lesquelles ils peuvent les exercer (ordonnance de la Cour du 5 mars 1999, Guérin automobiles/Commission, C‑153/98 P, Rec. p. I‑1441, point 15 ; arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 210, et ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2001, Jestädt/Conseil et Commission, T‑332/99, Rec. p. II‑2561, point 50). Or, en l’espèce, aucune disposition n’impose expressément et spécifiquement une telle communication dans le cadre d’actes tels que les actes attaqués. En tout état de cause, l’avis du 18 janvier 2011 et l’avis du 6 avril 2011 rappellent la possibilité de contester les décisions du Conseil devant le Tribunal dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE. Cette indication, conjuguée au précisions contenues à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, était de nature à permettre à la requérante d’identifier la voie de recours dont elle disposait pour contester les actes attaqués ainsi que la date d’expiration du délai de recours, ce que confirme, du reste, le fait qu’elle a introduit son recours contre la décision 2011/18 et le règlement n° 25/2011 dans le délai imparti par cette disposition (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, précité, point 81).

96      Il résulte de l’ensemble ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de la charte des droits fondamentaux

97      Ce moyen, par lequel la requérante invoque une violation de la charte des droits fondamentaux, comporte deux branches, tirées, la première, d’une violation des droits de la défense et, la seconde, d’une violation du droit de propriété.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation des droits de la défense

98      Par cette branche, la requérante soutient que, dès lors que, en l’espèce, le Conseil ne lui a ni communiqué les éléments retenus à sa charge pour fonder les actes attaqués, ni accordé le droit de prendre connaissance desdits éléments dans un délai raisonnable après l’adoption de ces actes, elle n’était pas en mesure de faire connaître utilement son point de vue. Elle ajoute, dans ce contexte, que, après avoir appris qu’elle faisait l’objet de sanctions, elle a demandé au chef de la délégation de l’Union en Côte d’Ivoire si cette information était exacte ainsi que, dans l’affirmative, la communication des décisions y relatives. En réponse, le chef de ladite délégation de l’Union se serait limité à renvoyer aux règlements publiés au Journal officiel de l’Union européenne, sans répondre précisément à sa demande et en lui indiquant de suivre à l’avenir la voie diplomatique habituelle. Partant, la requérante estime que ses droits de la défense, et notamment celui d’être entendue, n’ont pas été respectés. De plus, en l’absence de faits précis pouvant corroborer les accusations portées à son encontre, elle prétend ne pas pouvoir utilement contester celles-ci, les vagues allégations figurant dans les actes attaqués étant manifestement insuffisantes pour lui permettre de réfuter efficacement ces accusations. Partant, elle estime que son droit à un recours juridictionnel effectif a été violé.

99      À cet égard, il convient d’emblée de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil tirée de ce que ces griefs seraient irrecevables, au motif qu’ils n’indiqueraient pas quelles dispositions de la charte des droits fondamentaux auraient été violées et que, par conséquent, il ne pourrait pas y répondre. En effet, il ressort de la jurisprudence que, dès lors qu’elle expose les moyens d’annulation d’une manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de se défendre utilement et au juge de l’Union d’exercer son contrôle juridictionnel, une requête introductive d’instance satisfait aux exigences minimales posées par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Regionalny Fundusz Gospodarczy/Commission, T‑288/06, Rec. p. II‑2247, point 25). En outre, un requérant n’est pas tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire pour que la partie adverse et le juge de l’Union puissent identifier sans difficultés cette règle (arrêt du Tribunal du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission, T‑128/05, non publié au Recueil, point 65). Or, en l’espèce, si la requête n’indique effectivement pas l’article précis de la charte des droits fondamentaux qui aurait été violé, il n’en demeure pas moins qu’il en ressort clairement et explicitement que, dans le cadre de la présente branche, la requérante invoque une violation des droits de la défense et, plus particulièrement, du droit d’être entendu et du droit à un recours juridictionnel effectif, lesquels sont protégés, notamment, par les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux. D’ailleurs, la requête a permis au Conseil de se défendre utilement, comme le démontre l’argumentation substantielle relative au fond de la présente branche qui est contenue dans le mémoire en défense. Elle permet également au juge de l’Union d’exercer son contrôle juridictionnel.

100    Ensuite, sur le fond, il doit être souligné que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que toute personne qui peut se voir infliger une sanction soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la sanction (arrêts de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, Rec. p. I‑5373, point 21, et du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C‑462/98 P, Rec. p. I‑7183, point 36 ; voir également arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci-après l’« arrêt OMPI », point 91, et la jurisprudence citée).

101    Il doit également être rappelé que le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ce principe ayant d’ailleurs été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37).

102    En l’espèce, il convient, à titre liminaire, de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle les actes attaqués ont valeur d’accusation à son encontre. En effet, cette allégation repose sur la prémisse erronée que les actes en cause relèveraient du domaine pénal. Or, les mesures restrictives en cause en l’espèce ne constituent pas une sanction pénale et n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 101, et du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec. p. II‑5555, point 67).

103    Ensuite, il doit être rappelé que les autorités de l’Union n’étaient pas tenues de procéder à une audition de la requérante préalablement à l’inclusion initiale de son nom dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, ci-après l’« arrêt Kadi », point 341). De même, selon la jurisprudence, le Conseil n’était pas tenu de procéder à une audition d’office, compte tenu également de la possibilité qu’a la requérante d’introduire immédiatement un recours devant le Tribunal (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI, points 130 et 137). Par ailleurs, la requérante bénéficie de la possibilité d’être entendue par le Conseil postérieurement à l’adoption des mesures prises à son encontre, en faisant usage du droit de présenter des observations que lui confèrent l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2010/656 et l’article 11 bis, paragraphe 3, du règlement n° 560/2005. Enfin, même si ni les actes attaqués, ni la décision 2010/656 ou le règlement n° 560/2005 ne prévoient, au stade du réexamen de la liste par le Conseil prévu par ces derniers actes, qu’il soit procédé à une audition, il n’en demeure pas moins, dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, que le respect des droits de la défense exige, d’une part, que l’intéressé se voie communiquer les informations ou éléments de dossier qui justifient son maintien sur les listes litigieuses et, d’autre part, qu’il soit mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue à ce sujet (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI, point 126). En particulier, toute décision subséquente de gel des fonds doit être précédée d’une nouvelle possibilité d’audition et, le cas échéant, d’une communication des nouveaux éléments à charge (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Kadi, point 338, et OMPI, point 131).

104    Il convient encore de préciser, dans ce contexte, que, en prévoyant que les personnes et les entités concernées peuvent envoyer au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle elles ont été inscrites sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, l’avis du 18 janvier 2011 et l’avis du 6 avril 2011 permettent également à la requérante d’exercer son droit à l’audition de manière effective (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 98).

105    En outre, s’agissant du grief de la requérante selon lequel le Conseil ne lui a pas indiqué toutes les garanties juridiques tenant aux droits de la défense, en l’occurrence la procédure à suivre pour prendre connaissance des éléments retenus à charge et les contester, cette argumentation doit être rejetée pour les motifs exposés aux points 87 à 95 ci-dessus, dès lors qu’il s’agit en substance d’une réitération de l’argumentation exposée dans le cadre du troisième moyen, laquelle a été rejetée.

106    Par ailleurs, s’agissant du grief de la requérante selon lequel le Conseil ne lui a pas accordé le droit de prendre connaissance des éléments retenus à sa charge dans un délai raisonnable après l’édiction des mesures restrictives en cause, force est de constater qu’il doit être écarté. En effet, non seulement aucun élément ne permet de démontrer que le Conseil a refusé que la requérante prenne connaissance de ces éléments, mais, de surcroît, rien ne prouve à suffisance de droit que la requérante les aient sollicités.

107    À cet égard, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le chef de la délégation de l’Union en Côte d’Ivoire s’est limité, en réponse à une demande de sa part, à renvoyer aux actes publiés au Journal officiel, il doit être relevé que, dans ladite demande, la requérante n’a pas sollicité la communication des motifs de son inclusion dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, mais s’est bornée à requérir la confirmation de l’information selon laquelle elle faisait l’objet de telles mesures et, dans l’affirmative, à solliciter la délivrance d’une copie de la décision y afférente. Le chef de ladite délégation de l’Union l’ayant invitée à se reporter aux actes publiés au Journal officiel, la requérante ne saurait donc prétendre que celui-ci n’a pas répondu « précisément » à sa demande ou que cette réponse constitue un « refus » de répondre. De même, il ne saurait être soutenu que, en indiquant à la requérante de suivre à l’avenir la voie diplomatique habituelle, le chef de cette délégation de l’Union lui a opposé une « interdiction formelle » de s’adresser à lui. En tout état de cause, en lui demandant de se reporter aux actes publiés au Journal officiel, le chef de la délégation de l’Union concernée a agi de manière adéquate au regard de la demande de la requérante, laquelle a été mise en mesure de prendre connaissance des actes la concernant, des motifs les sous-tendant ainsi que des droits dont elle disposait, afin notamment de présenter des observations et de demander le réexamen des actes du Conseil.

108    Au surplus, lors de l’audience, le Conseil a indiqué, sans que cela soit contesté par la requérante, que, hormis la demande mentionnée au point 107 ci-dessus, celle-ci ne lui avait adressé aucune autre demande concernant les mesures en cause.

109    Enfin, il convient d’écarter le grief de la requérante selon lequel le Conseil ne lui a pas communiqué les éléments retenus à charge, dès lors que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la motivation des actes attaqués, ceux-ci exposent à suffisance de droit les motifs justifiant son inscription sur les listes des personnes faisant l’objet des mesures restrictives en cause.

110    Il résulte de ce qui précède que la première branche doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation du droit de propriété

111    Par cette branche, la requérante soutient que les actes attaqués ont porté atteinte au droit de propriété, et ce de manière d’autant plus disproportionnée que les sanctions adoptées à son encontre ne sont pas fondées.

112    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété, consacré à l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CEDH et à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux, fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Ce principe n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt Kadi, point 355, et la jurisprudence citée).

113    Toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent le droit de propriété, causant ainsi des préjudices, en particulier aux personnes visées par lesdites mesures. L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation prévoyant de telles mesures est néanmoins de nature à justifier de telles conséquences négatives, même considérables, pour ces personnes (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, Rec. p. I‑3953, points 22 et 23, Kadi, points 355 et 361, et Fahas/Conseil, précité, point 73).

114    En l’espèce, la mesure de gel des fonds découlant des actes attaqués constitue une mesure conservatoire qui n’est pas censée priver les personnes concernées de leur propriété. Toutefois, elle comporte incontestablement une restriction à l’usage du droit de propriété de la requérante, restriction qui, au surplus, doit être qualifiée de considérable eu égard à la portée générale de la mesure de gel, impliquant que la requérante ne peut, notamment, pas disposer de ses fonds situés sur le territoire de l’Union ou détenus par des ressortissants de l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 71).

115    Toutefois, les mesures restrictives en cause en l’espèce contribuent à la mise en œuvre d’un objectif d’intérêt général fondamental pour la communauté internationale, à savoir la lutte contre les menaces à l’égard de la paix et de la sécurité internationales, ainsi qu’il ressort des actes attaqués, de la décision 2010/656 et du règlement n° 560/2005.

116    Au regard d’un tel objectif, le gel de tous les fonds et ressources économiques qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes qui font obstruction au processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire ne saurait, en soi, passer pour inadéquat ou disproportionné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Kadi, point 363, et la jurisprudence citée).

117    À cet égard, il convient également de prendre en compte le fait que la décision 2010/656 et le règlement n° 560/2005, d’une part, permettent aux autorités compétentes des États membres d’autoriser, sous certaines conditions, le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés, notamment lorsque ceux-ci sont nécessaires pour régler des dépenses ordinaires, et, d’autre part, prévoient un mécanisme de réexamen périodique des mesures restrictives en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Kadi, points 364 et 365, et Fahas/Conseil, précité, point 74).

118    Il doit en être conclu que les mesures restrictives qu’imposent les actes attaqués constituent des restrictions au droit de propriété qui, en principe, pourraient être justifiées.

119    Il y a encore lieu de rappeler que les procédures applicables doivent offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Pour s’assurer du respect de cette condition, qui constitue une exigence inhérente à l’article 1er du protocole n° 1 de la CEDH, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir arrêt Kadi, point 368, et la jurisprudence citée).

120    Or, en l’espèce, il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen que les procédures applicables en l’espèce ont offert à la requérante l’occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes.

121    Il résulte de ce qui précède que l’imposition des mesures restrictives que comportent les actes attaqués à l’égard de la requérante ne constitue pas une restriction injustifiée de son droit de propriété.

122    Il s’ensuit que la seconde branche doit être écartée, ainsi que, par voie de conséquence, le quatrième moyen dans son intégralité.

123    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    En outre, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa dudit règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens.

126    Enfin, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du même règlement, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.

127    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

128    Il convient, en outre, de décider que la République de Côte d’Ivoire et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Simone Gbagbo supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La République de Côte d’Ivoire et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 avril 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le français.