Language of document : ECLI:EU:T:2007:183

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

18 juin 2007 (*)

« Référé – Demande de mesures provisoires – Règlement (CE) n° 1429/2004 – Organisation commune du marché vitivinicole – Régime d’utilisation des noms des variétés de vigne ou de leurs synonymes – Limitation de l’utilisation dans le temps – Demande devenue sans objet »

Dans l’affaire T‑431/04 R,

République italienne, représentée par Me M. Fiorilli, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme E. Righini et M. L. Visaggio, puis par M. F. Jimeno Fernández et Mme Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Hongrie, représentée initialement par M. P. Gottfried, puis par Mmes R. Somssich et J. Stadler, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires visant à obtenir, à titre principal, le sursis, jusqu’au prononcé de l’arrêt par la Cour dans les affaires jointes C‑23/07 et C‑24/07, à l’exécution de la disposition limitant au 31 mars 2007 le droit d’utiliser la dénomination « tocai friulano », disposition figurant sous la forme d’une note explicative figurant à l’annexe I, point 103, du règlement (CE) n° 1429/2004 de la Commission, du 9 août 2004, modifiant le règlement (CE) n° 753/2002 fixant certaines modalités d’application du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles (JO L 263, p. 11), et, à titre subsidiaire, le sursis à l’exécution de la même disposition sur le territoire de la République italienne, jusqu’au prononcé de l’arrêt par la Cour dans les affaires jointes C‑23/07 et C‑24/07, assorti d’une interdiction d’exporter la production dans la Communauté et sans préjudice de la commercialisation du vin portant la dénomination « tokaj » de production hongroise ou des vins homonymes admis à la commercialisation en Italie et dans la Communauté,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        L’article 19 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1), applicable à partir du 1er août 2000, prévoit que « [l]es États membres établissent un classement des variétés de vigne destinées à la production de vin » et que, dans leur classement, ils « indiquent les variétés de vigne aptes à la production de chacun des [vins de qualité produits dans des régions déterminées] de leur territoire ».

2        Le règlement n° 1493/1999 a été mis en œuvre par le règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission, du 29 avril 2002, fixant certaines modalités d’application du règlement n° 1493/1999 (JO L 118, p. 1). Le règlement n° 753/2002 est applicable depuis le 1er août 2003.

3        L’article 19 du règlement n° 753/2002, intitulé « Indication des variétés de vignes », dispose :

« 1. Le nom des variétés de vigne, utilisées pour l’élaboration d’un vin de table avec indication géographique ou d’un [vin de qualité produit dans des régions déterminées], ou leurs synonymes, peut figurer dans l’étiquetage des vins concernés, pour autant que :

[…]

c)      le nom de la variété ou l’un de ses synonymes ne comprenne pas une indication géographique utilisée pour désigner un [vin de qualité produit dans des régions déterminées] ou un vin de table ou un vin importé figurant dans les listes des accords conclus entre les pays tiers et la Communauté, et, lorsqu’il est accompagné d’un autre terme géographique, figure dans l’étiquetage sans ce terme géographique ;

[…]

2. Par dérogation au paragraphe 1, [sous] c) :

a)       le nom d’une variété de vigne ou [de] l’un de ses synonymes qui comprend une indication géographique peut figurer dans l’étiquetage d’un vin désigné avec cette indication géographique ;

b)       les noms des variétés et leurs synonymes figurant à l’annexe II peuvent être utilisés dans les conditions nationales et communautaires en application à la date de l’entrée en vigueur du présent règlement ».

4        L’annexe II du règlement n° 753/2002, intitulée « Noms des variétés de vignes ou de leurs synonymes qui comprennent une indication géographique et qui peuvent figurer dans l’étiquetage des vins en application de l’article 19, paragraphe 2 », vise, notamment, en ce qui concerne l’Italie, la mention « tocai friulano, tocai italico ». Selon une note en bas de page relative à cette mention, « [l]e nom ‘tocai friulano’ et le synonyme ‘tocai italico’ peuvent être utilisés pour une période transitoire, [allant] jusqu’au 31 mars 2007 ».

5        Le règlement n° 753/2002 a été modifié à la suite de l’adhésion de dix nouveaux États membres, dont la République de Hongrie, le 1er mai 2004, par le règlement (CE) n° 1429/2004 de la Commission, du 9 août 2004, modifiant le règlement n° 753/2002 (JO L 263, p. 11). Le règlement n° 1429/2004 est applicable depuis le 1er mai 2004.

6        L’article 19 du règlement n° 753/2002 n’a pas subi de modifications. L’annexe II de ce même règlement est remplacée par une nouvelle annexe II figurant à l’annexe I du règlement n° 1429/2004. Ce nouveau texte, s’il apporte certaines modifications du fait de l’adhésion de dix nouveaux États membres, dont la République de Hongrie, à l’Union européenne, ne modifie pas, autrement que formellement, la mention « tocai friulano, tocai italico ».

7        Il ressort de l’annexe I du règlement n° 1429/2004 que figurent, parmi les variétés de vigne ou leurs synonymes concernant l’Italie, le nom « tocai friulano », au point 103, et le nom « tocai italico », au point 104. S’agissant du point 103, pour le nom « tocai friulano », il est indiqué en note (ci‑après la « disposition litigieuse ») que « [l]e nom ‘tocai friulano’ peut être utilisé exclusivement pour les [vins de qualité produits dans des régions déterminées] originaires des régions de Veneto et Friuli et pour une période transitoire, [allant] jusqu’au 31 mars 2007 ». S’agissant du tocai italico, il est également indiqué en note que « le synonyme ‘tocai friulano’ peut être utilisé exclusivement pour les [vins de qualité produits dans des régions déterminées] originaires des régions de Veneto et Friuli et pour une période transitoire, jusqu’au 31 mars 2007 ».

8        Le 4 avril 2007, la Commission a adopté, en raison de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la République de Roumanie à l’Union européenne, le règlement (CE) n° 382/2007, portant modification du règlement n° 753/2002 (JO L 95, p. 12). En vertu de l’article 2 de ce règlement, ce dernier est entré en vigueur le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, c’est-à-dire le 12 avril 2007. Il est applicable depuis le 1er avril 2007.

9        Le considérant 5 du règlement n° 382/2007 dispose :

« Le terme ‘tokaj’ désigne un ‘vin de qualité produit dans une région déterminée’ issu d’une région située à la frontière entre la Hongrie et la Slovaquie et est également une composante des dénominations de cépages françaises et italiennes suivantes : ‘tocai italico’, ‘tocai friulano’ et ‘tokay pinot gris’. La coexistence de ces trois dénominations de cépages et de l’indication géographique est limitée dans le temps, à savoir jusqu’au 31 mars 2007, et résulte de l’accord bilatéral du 23 novembre 1993 entre la Communauté européenne et la République de Hongrie, qui est intégré à l’acquis depuis le 1er mai 2004. À compter du 1er avril 2007, ces trois dénominations de cépages sont supprimées de l’annexe II du règlement [...] n° 753/2002, et la dénomination ‘tocai friulano’ est remplacée par la nouvelle dénomination de cépage ‘friulano’ ».

10      En vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 382/2007, l’annexe II du règlement n° 753/2002 est remplacée par une nouvelle annexe II figurant à l’annexe I du nouveau règlement et qui ne contient aucune mention relative à la dénomination « tocai friulano ».

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2004, la République italienne a formé un recours en annulation contre la disposition litigieuse sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Ce recours en annulation fait l’objet de l’affaire T‑431/04.

12      Par ordonnance en date du 7 mars 2005, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis la République de Hongrie à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

13      Par ordonnance du 28 mars 2007, le président de la quatrième chambre du Tribunal a suspendu la procédure dans l’affaire T‑431/04 jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C‑23/07 et C‑24/07.

14      Par acte séparé déposé au greffe le 30 mars 2007, la République italienne a présenté une demande visant au prononcé de mesures provisoires sur le fondement de l’article 242 CE et des articles 104 et suivants du règlement de procédure du Tribunal.

15      Par acte déposé au greffe le 16 avril 2007, la Commission a présenté ses observations sur la demande en référé.

16      Par acte déposé au greffe le même jour, la République de Hongrie a déposé ses observations sur la demande en référé.

17      Malgré l’invitation du président du Tribunal, la République italienne n’a pas déposé d’observations relatives aux observations de la Commission et de la République de Hongrie.

18      Dans sa demande en référé, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        à titre principal, surseoir à l’exécution de la disposition limitant au 31 mars 2007 le droit d’utiliser le nom « tocai friulano » figurant, sous la forme d’une note explicative, à l’annexe I, point 103, du règlement n° 1429/2004 jusqu’au prononcé de l’arrêt par la Cour dans les affaires jointes C‑23/07 et C‑24/07 ;

–        à titre subsidiaire, adopter une mesure provisoire de sursis à l’exécution de la même disposition sur le territoire de la République italienne, jusqu’au prononcé de l’arrêt par la Cour dans les affaires jointes C‑23/07 et C‑24/07, assortie d’une interdiction d’exporter la production dans la Communauté et sans préjudice de la commercialisation du vin portant la dénomination « tokaj » de production hongroise ou des vins homonymes admis à la commercialisation en Italie et dans la Communauté.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de sursis à exécution ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Dans son mémoire en intervention, la République de Hongrie conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal rejeter le recours.

 En droit

21      En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

22      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence.

23      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, point 44].

24      Dès lors que les observations écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour statuer sur la demande de mesures provisoires, il n’y a pas lieu de les entendre en leurs explications orales.

25      En l’espèce, il convient, en premier lieu, d’examiner si les mesures provisoires demandées, à savoir, d’une part, le sursis à l’exécution de la disposition litigieuse et, d’autre part, à titre subsidiaire, l’adoption d’une mesure provisoire de sursis à l’exécution de la disposition litigieuse assortie de conditions restrictives, peuvent être ordonnées par le juge des référés et, le cas échéant, si elles peuvent avoir une quelconque utilité pratique pour la République italienne.

26      Il est de jurisprudence constante que des mesures provisoires ne sont susceptibles d’être ordonnées par le juge des référés que si elles peuvent présenter une quelconque utilité pratique pour la partie requérante. En effet, l’existence d’un intérêt à agir de l’auteur d’un recours introduit devant une juridiction suppose que celui-ci soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice au requérant [ordonnance du président de la Cour du 15 octobre 2004, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, C‑350/04 P(R), non publiée au Recueil, point 18 ; voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 58].

27      En l’espèce, la République de Hongrie soutient, en substance, que la demande en référé est devenue sans objet dans la mesure où il n’y a plus de disposition litigieuse dont l’exécution puisse être suspendue et que, quand bien même cette disposition serait encore en vigueur, il ne pourrait être sursis à son exécution indépendamment d’autres dispositions du règlement n° 753/2002.

28      Sans qu’il soit nécessaire en l’espèce de statuer sur la question de savoir s’il peut être sursis à l’exécution de la disposition litigieuse indépendamment d’autres dispositions du règlement n° 753/2002, force est de constater que les mesures provisoires demandées se rapportent à une disposition qui n’est plus applicable depuis le 1er avril 2007.

29      En effet, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 382/2007, l’annexe II du règlement n° 753/2002 est remplacée par la nouvelle annexe II figurant à l’annexe I du règlement n° 382/2007, qui ne reprend pas la disposition litigieuse. En conséquence, cette disposition litigieuse est supprimée.

30      En outre, le considérant 5 du règlement n° 382/2007 dispose que, à compter du 1er avril 2007, la dénomination « tocai friulano » est supprimée de l’annexe II du règlement n° 753/2002 et que la dénomination « tocai friulano » est remplacée par la nouvelle dénomination de cépage « friulano ».

31      Il en résulte donc qu’il est interdit d’utiliser la dénomination « tocai friulano » au‑delà du 31 mars 2007, mais que, en revanche, l’utilisation de la dénomination « friulano » est autorisée.

32      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d’examiner si chacune des deux mesures demandées peut présenter un caractère utile pour la République italienne.

33      S’agissant de la demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la disposition litigieuse, force est de constater, comme le relève en substance la République de Hongrie, qu’un tel sursis, s’il était ordonné, n’aurait pas pour effet d’autoriser l’utilisation de la dénomination « tocai friulano » au‑delà du 31 mars 2007, dans la mesure où celle‑ci est expressément supprimée au considérant 5 et à l’annexe I du règlement n° 382/2007. Dès lors, si le sursis à l’exécution de la disposition litigieuse devait être octroyé, cette mesure ne présenterait aucun effet utile pour la République italienne. En tout état de cause, le juge des référés ne peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte dont l’exécution n’est plus possible en raison de sa suppression.

34      S’agissant de la mesure provisoire demandée à titre subsidiaire, visant à permettre le sursis à l’exécution de la disposition litigieuse assorti de conditions restrictives, selon lesquelles, en substance, l’utilisation du nom « tocai friulano » serait autorisée sur le territoire italien, sans préjudice de la commercialisation du vin portant la dénomination « tokaj », il suffit de constater que, comme la demande à titre principal, la mesure provisoire demandée à titre subsidiaire n’a pour objet que de permettre le sursis à l’exécution de la disposition litigieuse. Dès lors, il convient de conclure que le juge des référés ne peut ordonner l’octroi de cette mesure provisoire.

35      Au regard des considérations qui précèdent, la demande de mesures provisoires doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 juin 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : l’italien.