Language of document : ECLI:EU:T:2001:129

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

3 mai 2001 (1)

«Fonctionnaires - Rémunération - Indemnité de dépaysement - Article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut»

Dans l'affaire T-60/00,

Paraskevi Liaskou, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me É. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. F. Anton et Mme D. Zahariou, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision du Conseil du 5 juillet 1999, refusant à la requérante le bénéfice de l'indemnité de dépaysement prévue à l'article 4 de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et, d'autre part, une demande de paiement de cette indemnité augmentée des intérêts moratoires,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 17 janvier 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Selon l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), l'indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire «qui n'a pas et n'a jamais eu la nationalité de l'État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et qui n'a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État». Pour l'application de cette disposition, «les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération».

2.
    L'article 2 de la décision du Conseil du 22 juillet 1980 portant adoption des dispositions générales d'exécution relatives à l'application de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut (communication au personnel n° 141/80, du 24 juillet 1980), tel que modifié par la décision du Conseil du 22 février 1988 (communication au personnel n° 18/88, du 23 février 1988), se lit comme suit:

«1. Lors de l'entrée en fonctions du fonctionnaire, le lieu d'origine de celui-ci est présumé être le lieu de recrutement.

[...]

2. Pour l'application de la présente décision, on entend:

-    par lieu de recrutement, l'endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement. Ne peuvent être considérées comme résidence habituelle, les résidences provisoires, notamment pour études, service militaire, stages, tourisme;

[...]»

Faits à l'origine du litige

3.
    La requérante, de nationalité grecque, est arrivée en Belgique le 16 octobre 1987. Depuis cette date, elle habite à la même adresse dans la commune d'Ixelles, laquelle est rattachée à la Région de Bruxelles-Capitale. La requérante était inscrite au «registre spécial des étrangers» d'Ixelles jusqu'au 25 février 1994, date à laquelle elle a été inscrite au «registre de la population» de la même commune. Elle n'a jamais eu la nationalité belge.

4.
    Entre 1987 et 1992, la requérante a suivi les cours de l'Institut supérieur pour traducteurs et interprètes de Bruxelles. Au titre de l'année académique 1992/1993, elle était inscrite à l'Institut linguistique de l'université de Mons-Hainaut (Belgique).

5.
    Entre le 1er octobre 1991 et le 29 février 1992, la requérante a suivi un stage rémunéré de traducteur à la Commission.

6.
    De 1990 à 1993, la requérante a effectué en Belgique des travaux de traduction et de révision pour trois sociétés belges.

7.
    Du 14 avril 1993 jusqu'au 30 avril 1999, elle a travaillé pour le secrétariat de Schengen.

8.
    Le 1er mai 1999, la requérante est entrée au service du secrétariat général du Conseil en qualité de fonctionnaire de grade LA 7.

9.
    Par note du 5 juillet 1999, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a communiqué à la requérante la décision lui refusant le bénéfice de l'indemnité de dépaysement (ci-après la «décision attaquée»).

10.
    Le 24 août 1999, la requérante a introduit une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision.

11.
    Dans la décision portant rejet de la réclamation, communiquée à la requérante par lettre du 21 décembre 1999, l'AIPN a précisé:

«Dans votre cas, le fait que vous aviez habité à Bruxelles continuellement à la même adresse durant toute la période de référence (et même pendant les six mois avant cette période) démontre que vous avez fixé le centre habituel de vos intérêts en Belgique pendant la période de référence, d'autant plus que rien dans votre dossier ne démontre que vous auriez jamais séjourné durablement en dehors de la Belgique pendant la période concernée.

Le fait que votre permis de résidence en Belgique était 'provisoire‘ jusqu'au moment de votre entrée en service au secrétariat de Schengen n'est pas suffisant pour contredire cette analyse (cf. les conclusions de l'avocat général Jacobs dans l'affaire Atala-Palmerini précitée, point 7).

[...]

En tout état de cause, je relève que, pour vos travaux de traduction effectués pour trois agences belges entre 1990 et 1993, un certificat daté de juin 1999, de 'Context Language Services‘ certifie que vous n'avez effectué pour eux que des travaux à titre exceptionnel, alors qu'un certificat donné en 1993, par la même société et pour la même période, établit que vous avez mis 'régulièrement‘ vos compétences à son service.»

Procédure et conclusions des parties

12.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 20 mars 2000, la requérante a introduit le présent recours.

13.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

14.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 17 janvier 2001.

15.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée,

-    annuler la décision du Conseil du 21 décembre 1999 portant rejet de sa réclamation;

-    condamner le Conseil au paiement de l'indemnité de dépaysement à partir du 1er mai 1999, déduction faite de ce qui lui a été alloué à titre d'indemnité d'expatriation, augmentée des intérêts moratoires au taux de 8 % l'an;

-    condamner le Conseil aux dépens.

16.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

17.
    La requérante invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique tiré en substance de la violation de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut (ci-après la «disposition litigieuse») et de la décision du Conseil du 22 juillet 1980 portant adoption des dispositions générales d'exécution relatives à l'application de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, telle que modifiée.

Arguments des parties

18.
    La requérante fait valoir qu'en refusant de lui octroyer l'indemnité de dépaysement, le Conseil n'a pas fait une interprétation et une application correctes de la disposition litigieuse. Il aurait fondé sa décision sur des motivations inexactes tant en fait qu'en droit et traité, par conséquent, la requérante d'une manière discriminatoire par rapport à d'autres fonctionnaires placés dans la même situation que celle-ci.

19.
    La décision attaquée serait illégale pour deux raisons: premièrement, la requérante n'aurait pas habité en Belgique de façon habituelle pendant la période de référence et, deuxièmement, elle n'aurait pas, en tout état de cause, habité dans ce pays pendant toute ladite période.

20.
    En premier lieu, concernant son lieu de résidence habituelle, la requérante soutient avoir maintenu sa résidence principale en Grèce pendant toute la période de référence prévue par la disposition litigieuse. Un certificat de la mairie d'Athènes (Grèce) attesterait que, pendant cette période, elle est restée habitante de ladite commune et inscrite au registre d'état civil.

21.
    En revanche, jusqu'au 25 février 1994, un an après son entrée au service du secrétariat de Schengen, elle n'aurait été que résidente provisoire en Belgique, aux fins d'études. Pour cette raison, elle aurait été inscrite uniquement au «registre spécial des étrangers» de la commune d'Ixelles.

22.
    La requérante fait valoir que, selon une jurisprudence constante, la notion de résidence habituelle doit s'entendre comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Or, la requérante n'aurait pas déplacé le centre de ses intérêts en Belgiqueet aurait maintenu sa résidence habituelle en Grèce. En effet, elle n'aurait jamais eu la volonté de conférer un caractère stable à sa résidence provisoire en Belgique.

23.
    En outre, le fait que la requérante ait poursuivi ses études en Belgique ne suffirait pas pour établir que sa résidence habituelle avait changé. La position soutenue par le Conseil serait contraire à la jurisprudence communautaire selon laquelle un séjour à l'étranger aux seuls fins d'études n'implique pas la rupture des liens sociaux avec le pays dans lequel l'étudiant a, à l'origine, sa résidence habituelle (arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Richter/Commission, 330/85, Rec. p. 3439, et arrêt du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T-63/91, Rec. p. II-2095). De plus, le Conseil lui-même aurait précisé dans les dispositions générales d'exécution relatives à l'application de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut qu'il ne considère pas comme résidence habituelle des résidences provisoires, notamment pour études. En prenant une position différente dans la présente affaire, le Conseil prendrait le risque de violer le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires.

24.
    Afin de démontrer que le centre de ses intérêts essentiels est resté, pendant la période de référence, en Grèce, la requérante s'appuie sur plusieurs documents, à savoir un certificat attestant qu'elle est propriétaire de biens immobiliers, des extraits du rôle provenant du ministère des Finances grec, une attestation de l'Institut d'assurances sociales, une attestation médicale relative à une hospitalisation du 5 au 7 octobre 1988 en Grèce et un vade-mecum remis aux étudiants étrangers en Belgique.

25.
    L'absence de volonté de rendre permanente sa résidence en Belgique serait aussi illustrée par le fait que la requérante n'a pas eu d'activité professionnelle en Belgique, que ses moyens de subsistance ont été assurés par sa mère vivant à Athènes, qu'elle a exercé ses droits civiques en Grèce et qu'elle y rentrait souvent.

26.
    En second lieu, la requérante soutient qu'elle n'a pas, en tout état de cause, habité en Belgique pendant toute la période de référence.

27.
    Selon la jurisprudence, l'indemnité de dépaysement devrait être accordée à tous les fonctionnaires qui n'ont passé qu'une partie de la période de référence de cinq ans sur le territoire de l'État où est situé le lieu d'affectation (arrêts du Tribunal du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T-72/94, RecFP p. I-A-285 et II-865, point 48, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T-28/98, RecFP p. I-A-185 et II-973).

28.
    La requérante précise que, pour déterminer la période de référence, le temps passé au service d'une organisation internationale ne devrait pas être pris en compte. En particulier, elle soutient que la période pendant laquelle elle a effectué un stage à la Commission ne devait pas être prise en considération car il s'agit d'un temps passé au service de cette institution et que, dans la mesure où l'intention du législateur communautaire a été d'accorder largement le bénéfice de l'indemnitéde dépaysement, le terme service ne devait pas être interprété d'une façon stricte (arrêt du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T-4/92, Rec. p. II-357, point 37).

29.
    La requérante conteste également le fait que le Conseil a retenu comme période de référence les cinq ans précédant immédiatement la date à laquelle elle a commencé à travailler pour le secrétariat de Schengen. Comme le statut prévoit que la période de référence s'achève six mois avant l'entrée en fonctions du fonctionnaire, et comme les six ans pendant lesquels elle a travaillé pour ledit secrétariat ne doivent pas être pris en considération, le délai de six mois prévu à l'article 4, paragraphe 1, du statut devrait être pris en compte dans la période précédant cette date. Par conséquent, en l'espèce, la période de référence devrait être calculée de manière à ce qu'elle s'achève juste six mois avant la date à laquelle elle a été embauchée par le secrétariat de Schengen (arrêt de la Cour du 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211//87, Rec. p. 2791, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Fantechi/Commission, T-51/99, RecFP p. I-A-111 et II-485, point 29).

30.
    Dans ces circonstances, la période de référence, en tenant compte du délai statutaire de six mois et de l'absence de prise en compte des cinq mois de stage à la Commission, s'étendrait du 14 mai 1987 au 1er octobre 1991, d'une part, et du 1er mai 1992 au 14 octobre 1992, d'autre part. Or, pendant les premiers mois de cette période, la requérante n'aurait pas habité en Belgique.

31.
    La requérante conclut que, dès lors, elle satisfait à toutes les exigences prévues à l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut et qu'elle doit bénéficier de l'indemnité de dépaysement.

32.
    Le Conseil fait valoir que les prétentions de la requérante ne sont pas fondées parce qu'elle a, de façon habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale en Belgique durant la période de référence.

    

33.
    Premièrement, la requérante aurait mal calculé la période de référence de cinq ans, qui s'étendrait du 14 avril 1988 au 14 avril 1993.

34.
    En ce qui concerne, notamment, le stage auprès de la Commission, celui-ci ne constituerait pas un «service effectué pour une organisation internationale» au sens de la disposition litigieuse. En effet, les pièces produites par la requérante n'établiraient pas de lien de subordination, ni statutaire ni contractuel, entre celle-ci et la Commission et ne prouveraient donc pas qu'elle a effectué un service. De plus, elle n'aurait jamais fait partie du personnel de la Commission. S'agissant des travaux prétendument réalisés au profit de cette institution, ils auraient, en réalité, été effectués par des fonctionnaires de la Commission auxquels elle aurait apporté son concours. Par conséquent, le stage effectué par la requérante ne pourrait pas être assimilé à celui précédant la titularisation d'un fonctionnaire. En outre, l'argument tiré du caractère rémunéré du stage ne serait pas fondé dans la mesureoù la somme versée ne correspondrait pas à un paiement pour un service mais à une bourse d'étudiante compte tenu de son montant de 4 400 francs belges par mois.

35.
    Deuxièmement, le Conseil estime qu'il résulte de l'ensemble des faits que, pendant la période de référence, la requérante a résidé de façon habituelle en Belgique, pays où est situé le lieu d'affectation.

Appréciation du Tribunal

36.
    Conformément à l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut, pour que l'indemnité de dépaysement soit octroyée, il faut que le fonctionnaire n'ait, de façon habituelle, ni habité ni exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu d'affectation pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions (arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 8).

37.
    Dans l'hypothèse où le fonctionnaire ne remplirait pas l'une ou l'autre de ces conditions, l'indemnité de dépaysement ne peut pas être octroyée.

38.
    Dans ces circonstances, il y a lieu tout d'abord de déterminer la période de référence dans le cas présent.

39.
    À ce sujet, la première question qui est posée par la présente affaire est celle de savoir si, au cas où l'entrée en fonctions du fonctionnaire dans une institution communautaire est précédée d'une période d'activité professionnelle qui ne doit pas être prise en considération pour l'application de la disposition susvisée comme ayant été effectuée au service d'une organisation internationale, la période de référence correspond aux cinq années précédant exactement le début de la période non prise en compte ou aux cinq années se terminant six mois avant cette période.

40.
    Au soutien de sa position selon laquelle la période de référence doit être calculée de manière à ce qu'elle s'achève six mois avant son entrée en fonctions au secrétariat de Schengen, la requérante invoque l'arrêt Fantechi/Commission, précité, dans lequel le Tribunal déclare que «la seconde phrase du second tiret de la disposition litigieuse, en vertu de laquelle '[p]our l'application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération‘, ne peut pas être dissociée de la phrase précédente, ainsi qu'il ressort explicitement des termes 'pour l'application de cette disposition‘» (point 28).

41.
    Or, s'il découle d'une lecture d'ensemble de ces deux phrases qu'une période de travail effectuée dans l'État du lieu d'affectation pour un autre État ou une organisation internationale ne peut être prise en considération lors de la détermination de la période de référence, il n'en résulte pas, pour autant, que cette absence de prise en compte implique la prise en compte du délai de six mois.

42.
    En effet, ce délai de six mois prévu par la disposition litigieuse doit être interprété à la lumière de sa finalité qui est d'éviter que des fonctionnaires, qui ont de façon habituelle et durant pratiquement la totalité de la période de référence habité ou exercé leur activité professionnelle principale dans le pays du lieu d'affectation souhaité, ne modifient leur résidence habituelle ou le lieu d'exercice de leur activité professionnelle principale quelque temps seulement avant leur entrée en fonction (voir arrêt Diamantaras/Commission, précité, point 50).

43.
    Or, dans les situations où, comme en l'espèce, une période ne pouvant être prise en compte pour l'application de la disposition susvisée intervient avant l'entrée en fonctions du fonctionnaire concerné, le risque défini ci-dessus n'existe pas et le délai de six mois est absorbé par ladite période si celle-ci dépasse en durée les six mois précédant l'entrée en fonctions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission, 201/88, Rec. p. 3109, points 3 et 6).

44.
    En conclusion, il y a lieu de rejeter l'interprétation soutenue par la requérante et de considérer que la période de référence se calcule immédiatement avant son entrée en fonctions au secrétariat de Schengen, à savoir le 14 avril 1993.

45.
    Ensuite, il y a lieu de déterminer si la période de référence correspond aux cinq années antérieures à la période d'emploi de la requérante au secrétariat de Schengen (du 14 avril 1988 au 14 avril 1993) ou si le stage effectué à la Commission par la requérante entre le 1er octobre 1991 et le 29 février 1992 doit être également considéré comme une «situation résultant de services effectués pour [...] une organisation internationale» et, par conséquent, ne pas être pris en compte pour l'application de la disposition litigieuse. Dans ce dernier cas, la période de référence serait celle comprise entre le 14 novembre 1987 et le 31 septembre 1991, d'une part, et le 1er mars 1992 et le 13 avril 1993, d'autre part.

46.
    Le Conseil fait valoir que la requérante n'a pas établi l'existence d'un lien de subordination, ni statutaire ni contractuel, entre elle et la Commission durant le stage et qu'elle n'a jamais fait partie du personnel de cette institution.

47.
    À cet égard, il y a lieu de constater que l'expression «situations résultant de services effectués pour une organisation internationale» a une portée beaucoup plus large que les termes «exercice de fonctions dans une organisation internationale».

48.
    En outre, il est constant que dans le cadre du stage la requérante s'est obligée à l'égard de la Commission à exécuter une prestation de services en contrepartie d'une rémunération. Même si le type de fonctions exercées et les obligations qui en découlent n'ont pas fait l'objet d'un contrat, cette circonstance ne saurait mettre en cause la nature juridique du lien ayant existé entre la requérante et l'institution concernée.

49.
    En outre, contrairement à ce que soutient le Conseil, la dérogation figurant à la dernière phrase de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut ne saurait être appliquée aux seuls fonctionnaires d'un État ou au personnel d'une organisation internationale, puisqu'elle vise «toutes les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale» (arrêt Diamantaras/Commission, précité, point 52).

50.
    Il y a donc lieu de considérer que le stage effectué à la Commission par la requérante correspond à un service effectué pour une organisation internationale. Par conséquent, la période de référence se situe entre le 14 novembre 1987 et le 31 septembre 1991, d'une part, et le 1er mars 1992 et le 13 avril 1993, d'autre part.

51.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de vérifier si la requérante a, de façon habituelle et pendant cette période, habité ou exercé son activité professionnelle principale dans le pays où est situé le lieu d'affectation.

52.
    Il est de jurisprudence constante que l'octroi de l'indemnité de dépaysement, prévue à l'article 4 de l'annexe VII du statut, a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès des Communautés, pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de changer de résidence du pays de leur domicile au pays d'affectation. Si ladite disposition se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les notions de résidence habituelle et d'activité professionnelle principale du fonctionnaire sur le territoire de l'État du lieu d'affectation pendant une certaine période de référence, c'est en vue d'établir des critères simples et objectifs pour appréhender la situation des fonctionnaires qui sont obligés, du fait de leurs prises de fonctions auprès des Communautés, de changer de résidence et de s'intégrer dans leur nouveau milieu (voir arrêt de la Cour du 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211/87, Rec. p. 2791, point 10, et arrêt du Tribunal du 13 avril 2000, Reichert/Parlement, T-18/98, RecFP p. I-A-73 et II-309, point 25).

53.
    La notion de résidence habituelle doit s'entendre comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. S'agissant d'une question de fait, la détermination de ce lieu exige de prendre en considération la résidence effective du fonctionnaire pendant la période de référence (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T-90/92, Rec. p. II-971, point 27, et la jurisprudence citée).

54.
    En ce qui concerne le lieu de résidence, il convient de constater que la requérante a séjourné dans la commune d'Ixelles pendant toute la période de référence. Toutefois, elle fait valoir qu'elle a séjourné en Belgique uniquement en qualité d'étudiante et que, pour cette raison, elle n'a pas créé des liens durables avec ce pays. En outre, elle aurait maintenu son lieu de résidence principale en Grèce.

55.
    Concernant le premier volet de l'argumentation de la requérante, il y a lieu de rappeler que, même si le fait de réaliser dans un pays un cursus universitaire, par définition temporaire, n'est pas de nature à fonder des rapports durables avec ledit pays, il représente cependant un élément de fait important s'il est pris en considération avec d'autres faits pertinents pour déterminer l'existence de liens sociaux et professionnels durables du fonctionnaire avec l'État d'affectation (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T-317/99, RecFP p. I-A-191 et II-867, point 51).

56.
    En outre, contrairement à ce que la requérante prétend, il résulte de la jurisprudence que le fait de séjourner dans un pays uniquement en tant qu'étudiant n'exclut pas l'existence d'une résidence habituelle dans ce pays (arrêt Atala-Palmerini/Commission, précité, point 11).

57.
    À cet égard, il y a lieu d'écarter l'argument de la requérante tiré des arrêts Richter/Commission et Benzler/Commission, précités. En premier lieu, il y a lieu de constater qu'aucun passage de ces arrêts ne permet d'infirmer les solutions adoptées dans les décisions citées aux points 55 et 56 ci-dessus. En second lieu, il résulte de la lecture de ces arrêts que les situations soumises à l'appréciation du juge communautaire étaient substantiellement différentes de la présente situation. En effet, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, les requérants invoquaient une période d'études à l'étranger pour justifier la rupture des liens avec le pays du lieu d'affectation - dans lequel ils avaient longtemps habité ou, dans le cas de l'arrêt Richter/Commission, précité, duquel le requérant était originaire - et la nécessité d'une indemnité de dépaysement pour compenser les désavantages d'une intégration dans ce pays. En l'espèce, il y a lieu, en revanche, d'apprécier dans quelle mesure la période d'études, qui couvre toute la période de référence, a permis à la requérante de s'intégrer dans le pays du lieu d'affectation.

58.
    Il convient, par ailleurs, d'écarter l'argument de la requérante tiré de la violation de la décision du Conseil du 22 juillet 1980 portant adoption des dispositions générales d'exécution relatives à l'application de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut en ce que ces dispositions ne servent qu'à interpréter et préciser, pour la fixation du lieu d'origine, l'article précité. En outre, même si ces dernières peuvent servir à guider le Conseil dans l'application d'autres dispositions statutaires, telles que la disposition litigieuse, qui font référence à la notion de résidence habituelle, elles ne sauraient ni modifier le sens de cette notion ni lier le juge communautaire dans son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juin 1990, T-44/89, Gouvras-Laycock/Commision, Rec. p. II-217, point 25).

59.
    En l'occurrence, il résulte de l'analyse du dossier que la requérante a habité sans interruption en Belgique pendant toute la période de référence. Le fait que la requérante était enregistrée au registre spécial des étrangers d'Ixelles et, non au registre de la population de cette même commune, relève de l'application des règles de droit interne belge et ne permet pas de fonder l'affirmation selon laquelleelle n'a pas eu la volonté d'établir, pendant cette période, le centre principal de ses intérêts en Belgique.

60.
    De plus, parallèlement à ses études et au cours d'une période de trois ans, elle a réalisé des travaux de traduction pour des sociétés établies à Bruxelles. Même si ces travaux peuvent être considérées comme accessoires par rapport à son activité principale, ils constituent un élément pertinent dans la détermination du centre principal des intérêts de la requérante.

61.
    En outre, après ses études, elle a continué à séjourner de façon ininterrompue en Belgique. Le fait que la requérante a travaillé, pendant les années qui ont suivi la période de référence, pour une «organisation internationale» ne saurait empêcher le Tribunal d'apprécier le degré d'intégration de la requérante en Belgique à la lumière de la situation susvisée (voir arrêt Atala-Palmerini/Commission, précité, point 10).

62.
    Enfin, aucun élément du dossier ne permet de justifier l'affirmation de la requérante selon laquelle elle a maintenu, pendant la période de référence, sa résidence habituelle en Grèce. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la valeur probante de chacun des éléments de preuve avancés par la requérante, il suffit de relever qu'il s'agit d'éléments purement formels qui ne permettent pas d'établir la résidence effective de celle-ci pendant la période de référence.

63.
    Même en admettant la possibilité que certains des éléments avancés par la requérante, notamment, le fait d'avoir des biens immobiliers en Grèce, d'avoir conservé le bénéfice du régime d'assurance maladie dudit pays, et d'avoir été traitée médicalement en Grèce, révèlent qu'elle avait des liens durables avec ce pays, ils ne prouvent pas néanmoins que la Grèce restait le centre permanent de ses intérêts.

64.
    En outre, les liens familiaux et sociaux conservés par la requérante avec son pays natal, ainsi que ses visites en Grèce, ne sont que les liens usuels que les personnes gardent avec le pays où vivent leurs parents et où elles ont longtemps habité. En revanche, ils ne permettent pas de démontrer que sa résidence habituelle se situe dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T-18/91, Rec. p. II-1655, point 46).

65.
    En conséquence, il y a lieu de conclure que la requérante, qui a, d'une part, habité de façon ininterrompue en Belgique pendant toute la période de référence et même avant et après cette période, d'autre part, exercé une activité professionnelle dans ce pays durant une partie importante (environ trois ans) de cette période, avait en Belgique le centre habituel de ses intérêts durant ladite période. Par conséquent, elle n'avait pas, lors de son affectation au secrétariat général du Conseil à Bruxelles, à s'intégrer dans un nouveau milieu ou même à changer de lieu de résidence.

66.
    Dans ces circonstances, la requérante ne remplit pas une des deux conditions exigées par l'article 4, paragraphe 1, sous a), de l'annexe VII du statut pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de dépaysement.

67.
    Le recours doit, par conséquent, être rejeté.

Sur les dépens

68.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

69.
    Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

70.
    En l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Mengozzi Tiili Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: le français.