Language of document : ECLI:EU:T:2001:133

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 mai 2001 (1)

«Recours en annulation - Importation de téléviseurs en provenance de Turquie - Accord d'association CEE-Turquie - Article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel - Prélèvement compensateur - Article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1430/79 - Remise des droits à l'importation non justifiée - Droits de la défense»

Dans les affaires jointes T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à T-218/97, T-279/97, T-280/97, T-293/97 et T-147/99,

Kaufring AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-186/97,

Crown Europe GmbH, établie à Gelsenkirchen (Allemagne), représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-187/97,

Profex Electronic Verwaltungsgesellschaft mbH, établie à Tiefenbach (Allemagne), représentée initialement par Me G. Sobotta puis par Me E. O. Rau, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-190/97,

Horten AG, établie à Düsseldorf, représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-191/97,

Dr. Seufert GmbH, établie à Karlsruhe (Allemagne), représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-192/97,

Grundig AG, établie à Fürth (Allemagne), représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-210/97,

Hertie Waren- und Kaufhaus GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes D. Ehle et V. Schiller, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-211/97,

Lema SA, établie à Gennevilliers (France), représentée par Me F. Goguel, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-216/97,

Masco SA, anciennement Seiga SA (High Tech Industries), établie à Thiais (France), représentée par Me F. Goguel, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans les affaires T-217/97 et T-218/97,

DFDS Transport BV, établie à Venlo (Pays-Bas), représentée par Me C. Grisart, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-279/97,

Wilson Holland BV, établie à Hoogvliet Rotterdam (Pays-Bas), représentée par Me C. Grisart, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-280/97,

Elta GmbH, établie à Dreieich-Sprendlingen (Allemagne), représentée par Mes G. Breit et A. Breit, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-293/97,

Miller NV, établie à Willebroek (Belgique), représentée par Mes Y. Van Gerven et I. Bernaerts, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-147/99,

soutenues par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté, dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97, par Mmes M. Ewing et R. V. Magrill, assistées de M. D. Wyatt, QC, en qualité d'agents, et, dans les affaires T-216/97 à T-218/97, par M. D. Cooper, assisté de M. Wyatt, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante dans les affaires T-186/97, T-187/97,

T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à

T-218/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97,

par

République fédérale d'Allemagne, représentée initialement par MM. E. Röder et C.-D. Quassowski puis par MM. W. D. Plessing et Quassowski, en qualité d'agents,

partie intervenante dans les affaires T-186/97, T-187/97,

T-190/97 à T-192/97 et T-210/97,

et par

République française, représentée initialement par Mme K. Rispal-Bellanger, MM. G. Mignot et F. Pascal puis par Mmes Rispal-Bellanger et C. Vasak, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-216/97 à T-218/97,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée, dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-293/97, par M. R. B. Wainwright, assisté initialement de Mme K. Schreyer puis de M. G. zur Hausen, en qualité d'agents, dans les affaires T-216/97 à T-218/97, initialement par M. M. Nolin puis par M. R. Tricot, en qualité d'agents, assisté de Me A. Barav, avocat et barrister, dans les affaires T-279/97 et T-280/97, par M. Wainwright, assisté de M. Tricot, en qualité d'agents, et, dans l'affaire T-147/99, par M. Tricot, en qualité d'agent, assisté de Me J. Stuyck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en ce qui concerne les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97, une demande d'annulation des décisions de la Commission en date des 19 février, 25 mars et 5 juin 1997 constatant que la remise des droits à l'importation n'est pas justifiée et, dans les affaires T-216/97 à T-218/97 et T-147/99, une demande d'annulation des décisions de la Commission en date du 24 avril 1997 et du 26 mars 1999 constatant que les droits à l'importation doivent être recouvrés et que la remise de ces droits n'est pas justifiée,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. P. de Bandt, référendaire,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 juillet 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

I - Réglementation relative au prélèvement compensateur

A - Accord d'association CEE-Turquie

1.
    Les présentes affaires se situent dans le cadre de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après «l'accord d'association») signé à Ankara par la république de Turquie, d'une part, et les États membres de la CEE et la Communauté, d'autre part (ci-après les «parties contractantes»). L'accord d'association a été approuvé par décision du Conseil 64/732/CEE, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685). Il est entré en vigueur le 1er décembre 1964.

2.
    L'accord d'association a pour objet, aux termes de l'article 2 figurant dans le titre I relatif aux principes, de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes.

3.
    Il comporte une phase préparatoire permettant à la république de Turquie, aux termes de l'article 3, de renforcer son économie, avec l'aide de la Communauté, une phase transitoire consacrée, selon l'article 4, à la mise en place progressive d'une union douanière et au rapprochement des politiques économiques et une phase définitive qui, aux termes de l'article 5, est fondée sur l'union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques. Selon l'article 28, l'accord d'association doit permettre, à terme, d'examiner la possibilité d'une adhésion de la république de Turquie à la Communauté.

4.
    Les parties contractantes prennent, aux termes de l'article 7, toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de l'accord d'association et s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des objectifs de cet accord.

5.
    Les articles 22 et 23, figurant dans le titre III consacré aux dispositions générales et finales, prévoient l'institution d'un conseil d'association composé, d'une part, de membres des gouvernements des États membres, du Conseil et de la Commission et, d'autre part, de membres du gouvernement turc, qui, statuant à l'unanimité, dispose, pour la réalisation des objectifs fixés par l'accord d'association, d'un pouvoir de décision. L'article 25 confère à ce conseil, sur saisie de chacune des parties contractantes, compétence pour régler tout différend relatif à l'application ou à l'interprétation de l'accord d'association ou le soumettre à la Cour.

6.
    Enfin, l'accord relatif aux mesures à prendre et aux procédures à suivre pour l'application de l'accord d'association (JO 1964, 217, p. 3703) établit, en son article 1er, les modalités selon lesquelles est arrêtée la position commune des représentants de la Communauté et des États membres au sein du conseil d'association.

B - Article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel

7.
    En vue d'arrêter les conditions, modalités et rythmes de la réalisation de la phase transitoire prévue par l'accord d'association, les parties contractantes ont signé, le23 novembre 1970, à Bruxelles, un protocole additionnel. Ce protocole a été approuvé par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1).

8.
    La phase définitive envisagée par l'accord d'association n'étant entrée en vigueur que le 31 décembre 1995 (décision n° 1/95 du conseil d'association, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l'union douanière, JO 1996, L 35, p. 1), les dispositions du protocole additionnel étaient applicables au moment des importations visées par les décisions de la Commission dont l'annulation est demandée dans le cadre des présents recours.

9.
    Parmi ces dispositions figure, plus particulièrement, l'article 3, paragraphe 1, dudit protocole. En vertu de cet article, les dispositions du protocole additionnel relatives à l'élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives (ci-après le «régime préférentiel») s'appliquent «également aux marchandises obtenues dans la Communauté ou en Turquie, dans la fabrication desquelles sont entrés des produits en provenance de pays tiers qui ne se trouvaient en libre pratique ni dans la Communauté ni en Turquie».

10.
    Il est toutefois stipulé que l'admission desdites marchandises au bénéfice du régime préférentiel est subordonnée à la perception, dans l'État d'exportation, d'un prélèvement compensateur dont le taux est égal à un pourcentage des droits du tarif douanier commun prévus pour les produits de pays tiers entrés dans leur fabrication (ci-après le «prélèvement compensateur»).

11.
    Il est également prévu que le conseil d'association détermine le pourcentage du prélèvement compensateur ainsi que les modalités de perception de celui-ci. Enfin, le conseil d'association est chargé de déterminer les méthodes de coopération administrative pour l'application de l'article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel (article 4 du protocole additionnel).

12.
    C'est en application de ces dernières dispositions que le conseil d'association a pris un certain nombre de décisions relatives au prélèvement compensateur.

13.
    Par décision n° 2/72, du 29 décembre 1972 (non publiée au Journal officiel des Communautés européennes), le conseil d'association a fixé à cent le pourcentage des droits du tarif douanier commun à prendre en compte pour le calcul du prélèvement compensateur pour les marchandises obtenues en Turquie.

14.
    Par décision n° 3/72, du 29 décembre 1972 (non publiée au Journal officiel), le conseil d'association a arrêté les modalités de perception du prélèvement compensateur. Selon cette décision, le prélèvement est à calculer en fonction de l'espèce et de la valeur en douane des produits originaires de pays tiers à l'association qui sont entrés dans la fabrication des marchandises sur le territoire des parties contractantes (ci-après les «composants d'origine tierce»)(article 1er). En cas d'exonération ou de suspension partielle ou complète des droits de douanesur ces composants d'origine tierce, le prélèvement compensateur doit être payé à concurrence du montant des droits non perçus (article 3). La Communauté et la république de Turquie s'informent mutuellement et informent le conseil d'association des mesures qu'elles prennent en vue d'assurer l'application uniforme de la décision (article 4).

15.
    Enfin, le conseil d'association a pris la décision n° 5/72, du 29 décembre 1972, relative aux méthodes de coopération administrative pour l'application des articles 2 et 3 du protocole additionnel à l'accord d'Ankara (JO 1973, L 59, p. 74), selon laquelle la présentation d'un titre justificatif délivré à la demande de l'exportateur par les autorités douanières de la république de Turquie ou d'un État membre est nécessaire pour l'obtention du régime préférentiel. Pour les marchandises transportées directement de la Communauté en Turquie, il s'agit du certificat de circulation des marchandises A.TR.1 (ci-après le «certificat A.TR.1») dont un modèle est annexé à la décision (article 2). Ce modèle a été remplacé par le formulaire annexé à la décision du conseil d'association n° 1/78, du 18 juillet 1978, modifiant la décision n° 5/72 (JO L 253, p. 2).

16.
    Au verso dudit formulaire figurent des explications sur les «marchandises pouvant donner lieu au visa d'un [certificat A.TR.1]». Conformément au point I 1, sous c), de ces explications, tel est le cas pour les «marchandises obtenues dans l'État d'exportation et dans la fabrication desquelles sont entrés des produits qui n'ont pas été soumis aux droits de douane et taxes d'effet équivalent qui leur étaient applicables ou qui ont bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits ou taxes, sous réserve que soit perçu, s'il y a lieu, le prélèvement prévu à leur égard».

17.
    L'article 11 de la décision n° 5/72, précitée, dispose que les États membres et la république de Turquie se prêtent mutuellement assistance, par l'entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l'authenticité et de la régularité des certificats, «en vue d'assurer une application correcte des dispositions de la présente décision». L'article 12 de la décision n° 5/72 énonce ensuite:

«La [république de] Turquie, les États membres et la Communauté prennent, chacun en ce qui le concerne, les mesures que comporte l'exécution des dispositions de la décision.»

C - Transposition de la réglementation relative au prélèvement compensateur par les autorités turques

1. Période antérieure à l'adoption du décret de janvier 1994

18.
    Jusqu'au 15 janvier 1994, le gouvernement turc n'avait pas, de manière générale, instauré de réglementation prévoyant la perception, en conformité avec l'article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel, d'un prélèvement compensateur pour les marchandises obtenues à partir de composants d'origine tierce qui n'avaient pas étémis en libre pratique en Turquie. En revanche, le gouvernement turc avait instauré un programme d'aide à l'exportation et adopté, en juin 1992, deux décrets ayant trait, l'un, à la perception d'un droit compensateur et, l'autre, à la suspension de certains droits à l'importation.

a) Programme d'aide à l'exportation

19.
    Afin d'encourager les exportations de produits turcs vers la Communauté et les pays tiers, les autorités turques ont instauré un programme d'aide à l'exportation (le «export incentive scheme» ci-après le «programme d'incitation à l'exportation»). Ce programme prévoyait une exemption des droits de douane à l'importation de composants d'origine tierce à condition que ces composants soient intégrés à des produits qui étaient par la suite exportés vers la Communauté ou des pays tiers. Les sociétés turques souhaitant bénéficier de l'exemption devaient disposer d'un certificat d'aide à l'exportation délivré par les autorités turques. Le nom des sociétés bénéficiaires du programme d'incitation à l'exportation était publié annuellement au Journal officiel turc. L'exemption des droits de douane à l'importation n'était valable qu'à condition que les produits intégrant lesdits composants soient exportés avant l'expiration d'un certain délai après l'importation de ces derniers en Turquie. À l'importation, les droits normalement dus étaient calculés et consignés auprès d'établissements bancaires. Ensuite, après fabrication et exportation, l'entreprise justifiait de ses exportations afin de recouvrer les sommes consignées.

b) Décrets adoptés par le gouvernement turc en juin 1992

20.
    Par lettre du 28 juillet 1992, la délégation permanente de la république de Turquie auprès des Communautés européennes a informé le conseil d'association de l'adoption, le 16 juin 1992, de deux décrets par le gouvernement turc.

21.
    Il s'agit, premièrement, du décret 92/3177, du 16 juin 1992, publié au Journal officiel turc n° 21277, du 7 juillet 1992, et entré en vigueur le même jour. Ce décret dispose que les exportateurs qui souhaitent exporter des téléviseurs couleur au moyen de certificats A.TR.1 doivent obtenir un rapport d'expertise de la part de leur chambre de commerce faisant apparaître que la valeur des composants d'origine tierce est inférieure ou égale à 56 % de la valeur fob (franco de bord) totale des téléviseurs. Les autorités douanières doivent percevoir un prélèvement compensateur s'il ressort de l'expertise que la valeur des composants d'origine tierce est supérieure à ce pourcentage. Le prélèvement compensateur ainsi perçu est versé au fonds d'aide et de stabilisation des prix (Support and Price Stabilization Fund). L'exécution de ce décret est de la compétence du ministre auquel est rattaché le sous-secrétariat pour le Trésor et le Commerce extérieur (Undersecretariat for Treasury and External Commerce).

22.
    Le gouvernement turc a adopté le même jour le décret 92/3127, publié au Journal officiel turc n° 21277, du 7 juillet 1992, et entré en vigueur à cette date. Ce décretprévoit la suspension des droits à l'importation sur les tubes cathodiques pour téléviseurs couleur importés en Turquie, quelle que soit leur origine (CEE ou pays tiers) et leur destination (incorporés dans des téléviseurs destinés au marché intérieur ou exportés vers la CEE ou un pays tiers).

2. Décret adopté par le gouvernement turc en janvier 1994

23.
    Le 12 janvier 1994, le gouvernement turc a adopté le décret 94/5168, publié au Journal officiel turc n° 21832, du 28 janvier 1994. L'article 1er de ce décret prévoit la perception d'un prélèvement compensateur sur les composants d'origine tierce incorporés dans des téléviseurs couleur à destination de la Communauté. Le taux du prélèvement correspond au taux prévu par le tarif douanier communautaire pour ce genre de produit. Les sommes ainsi perçues sont versées au fonds pour la promotion des investissements et des services rapportant des devises étrangères (Fund for the Promotion of Investments and Foreign Exchange Earning Services). L'article 2 du décret 94/5168 abroge le décret 92/3127, précité. Le décret 94/5168 a donné lieu à la publication d'une communication au Journal officiel turc n° 21845, du 10 février 1994.

24.
    De plus, le 16 août 1994, le gouvernement turc a adopté le décret 94/5782, publié au Journal officiel turc du 26 août 1994, lequel étend la perception du prélèvement compensateur à tous les produits contenant des composants d'origine tierce qui n'ont pas été mis en libre pratique en Turquie.

II - Réglementation relative à la remise et au non-recouvrement des droits de douane

A - Dispositions de fond relatives à la remise et au non-recouvrement a posteriori des droits de douane

1. Dispositions applicables aux importations litigieuses

25.
    Ainsi qu'il ressort du deuxième considérant des décisions attaquées, celles-ci ont trait à des importations dans la Communauté de téléviseurs couleur en provenance de Turquie, qui ont été effectuées durant les années 1991 à 1993 et au début de l'année 1994 (ci-après la «période litigieuse»). La quasi-totalité de ces importations est donc régie, d'une part, par le règlement (CEE) n° 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation (JO L 175, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 3069/86 du Conseil, du 7 octobre 1986 (JO L 286, p. 1), et, d'autre part, par le règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1).

26.
    En ce qui concerne les importations effectuées après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»), il convient de relever que les dispositions pertinentes des règlements nos 1430/79 et 1697/79 ont été remplacées par des dispositions quasi identiques du code des douanes. En raison de cette identité, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relatives aux premières s'applique également aux secondes (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T-195/97, Rec. p. II-2907, point 33, et de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C-48/98, Rec. p. I-7877, point 53). Dès lors, il ne s'avère pas nécessaire de distinguer les importations soumises au code des douanes. Les dispositions pertinentes de ce dernier ne seront donc citées qu'en tant que de besoin.

2. Différence entre la remise et le non-recouvrement

27.
    La différence essentielle entre la remise et le non-recouvrement des droits de douane tient au fait que, dans le cas de la remise, les droits de douane ont déjà été pris en compte par les autorités douanières, alors que tel n'est pas le cas en ce qui concerne le non-recouvrement. Par «prise en compte», il faut entendre l'inscription par les autorités douanières du montant des droits à l'importation ou à l'exportation qui résulte d'une dette douanière dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (article 217 du code des douanes).

3. Conditions pour la remise des droits de douane

28.
    Les conditions pour la remise des droits de douane étaient, jusqu'au 1er janvier 1994, prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, tel que modifié. Cet article dispose:

«Il peut être procédé [...] à la remise des droits à l'importation dans des situations particulières [...] qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé.»

29.
    L'article 4, point 2, sous c), du règlement (CEE) n° 3799/86 de la Commission, du 12 décembre 1986, fixant les dispositions d'application des articles 4 bis, 6 bis, 11 bis et 13 du règlement n° 1430/79 (JO L 352, p. 19), retient comme situation ne constituant pas par elle-même une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79 «la présentation, même de bonne foi, pour l'octroi d'un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique de documents dont il est établi ultérieurement qu'ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l'octroi de ce traitement tarifaire préférentiel».

30.
    Avec l'entrée en vigueur du code des douanes, le règlement n° 1430/79 a été abrogé (article 251 du code des douanes). L'article 13, paragraphe 1, de cerèglement a été repris à l'article 239, paragraphe 1, du code des douanes, lequel énonce, dans des termes quasi identiques:

«Il peut être procédé [...] à la remise des droits à l'importation ou des droits à l'exportation dans des situations [...] qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé [...]»

31.
    Le règlement n° 3799/86 a été abrogé par l'article 913 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du code des douanes (JO L 253, p. 1).

32.
    L'article 4, point 2, sous c), du règlement n° 3799/86 a été remplacé par l'article 904 du règlement n° 2454/93 qui prévoit:

«Il n'est pas procédé [...] à la remise des droits à l'importation lorsque, selon le cas, le seul motif à l'appui de la demande [...] de remise est constitué par: [...] c) la présentation, même de bonne foi, pour l'octroi d'un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique de documents dont il est établi ultérieurement qu'ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l'octroi de ce traitement tarifaire préférentiel.»

4. Conditions pour le non-recouvrement a posteriori des droits de douane

33.
    Les conditions pour le non-recouvrement a posteriori des droits de douane, étaient, jusqu'à l'entrée en vigueur du code des douanes, prévues à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. Cet article dispose:

«Les autorités compétentes peuvent ne pas procéder au recouvrement a posteriori du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane [...]»

34.
    Avec l'abrogation du règlement n° 1697/79 à la suite de l'entrée en vigueur du code des douanes, le texte de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 a été repris à l'article 220, paragraphe 2, dudit code, lequel dispose, dans des termes quasi identiques:

«Hormis les cas visés à l'article 217, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque [...] b) le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes lesdispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane [...]»

B - Dispositions procédurales relatives à la remise et au non-recouvrement a posteriori des droits de douane

1. Dispositions procédurales applicables aux importations litigieuses

35.
    Dans la mesure où il est de jurisprudence constante [arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, points 9 à 14, et, spécifiquement en matière de remise et de non-recouvrement, du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C-121/91 et C-122/91, Rec. p. I-3873, point 22] que les dispositions procédurales ont vocation à s'appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, ce sont les dispositions procédurales définies dans le code des douanes et dans le règlement n° 2454/93 qui s'appliquent aux demandes de remise introduites après l'entrée en vigueur de ces dispositions. Il s'agit plus particulièrement des articles 236 à 239 du code des douanes et des articles 878 à 909 du règlement n° 2454/93.

36.
    Il convient toutefois de remarquer que, jusqu'à l'entrée en vigueur du code des douanes, la procédure relative à la remise et au remboursement des droits de douane était définie, de façon quasi identique, aux articles 16 et 17 du règlement n° 1430/79 ainsi que par le règlement (CEE) n° 1574/80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispositions d'application des articles 16 et 17 du règlement n° 1430/79 (JO L 161, p. 3). Quant à la procédure relative au non-recouvrement, les dispositions procédurales étaient prévues par le règlement (CEE) n° 2380/89 de la Commission, du 2 août 1989, fixant les dispositions d'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 (JO L 225, p. 30).

2. Procédure relative à la remise des droits de douane

37.
    Toute remise des droits de douane doit faire l'objet d'une demande spécifique de la part de l'intéressé (ci-après la «demande de remise») (article 878, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93). Cette demande doit être déposée auprès de l'autorité douanière compétente (article 879, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93). Afin de faciliter son traitement, la demande doit être établie sur le formulaire prévu à l'annexe 111 du code des douanes. Lorsqu'elle est en possession de tous les éléments nécessaires, l'autorité douanière compétente statue par écrit sur la demande de remise (article 886, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93).

38.
    Toutefois, lorsque l'autorité douanière n'est pas en mesure de décider sur la base des articles 899 et suivants du règlement n° 2454/93, lesquels définissent un certain nombre de situations dans lesquelles la remise peut ou ne peut pas être accordée, et «que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé», l'État membre dont relève cetteautorité transmet le cas à la Commission (article 905, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93). Le dossier transmis à la Commission doit comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté (article 905, paragraphe 2). Dans les quinze jours suivant la date de réception du dossier, la Commission en communique copie aux États membres (article 906, paragraphe 1). Ensuite, après consultation d'un groupe d'experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité des douanes afin d'examiner le cas d'espèce, la Commission «prend une décision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l'octroi [...] de la remise, soit qu'elle ne le justifie pas» (article 907, premier alinéa). Cette décision doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la date de réception par la Commission du dossier transmis par l'État membre (article 907, deuxième alinéa) et doit être notifiée dans les meilleurs délais à l'État membre concerné (article 908, paragraphe 1). Enfin, sur la base de la décision de la Commission, l'autorité de décision statue sur la demande qui lui a été présentée (article 908, paragraphe 2).

39.
    Il convient de noter que les règles procédurales décrites aux points précédents ont été quelque peu modifiées à la suite de l'entrée en vigueur, le 6 août 1998, du règlement (CE) n° 1677/98 de la Commission, du 29 juillet 1998, portant modification du règlement n° 2454/93 (JO L 212, p. 18). Les nouvelles règles ont été appliquées dans le cadre de l'affaire T-147/99, Miller/Commission.

40.
    Le règlement n° 1677/98 introduit, notamment, un nouvel article 906 bis, lequel dispose: «À tout moment de la procédure prévue aux articles 906 et 907, lorsque la Commission a l'intention de prendre une décision défavorable au demandeur du remboursement ou de la remise, elle lui communique ses objections par écrit, ainsi que tous les documents sur lesquels elle fonde lesdites objections. Le demandeur du remboursement ou de la remise exprime son point de vue par écrit dans le délai d'un mois à compter de la date de l'envoi desdites objections. S'il n'a pas fait connaître son point de vue dans ledit délai, il est considéré qu'il a renoncé à la possibilité d'exprimer sa position.» Quant au délai de six mois prévu à l'article 907 du règlement n° 2454/93, il est remplacé par un délai de neuf mois.

3. Procédure relative au non-recouvrement a posteriori des droits de douane

41.
    Contrairement à la remise, le non-recouvrement des droits de douane ne fait pas nécessairement suite à une demande de la part de l'intéressé. Il s'agit d'une décision que les autorités douanières peuvent prendre elles-mêmes lorsque les conditions prévues pour chacun des cas limitativement énumérés à l'article 869 du règlement n° 2454/93 sont satisfaites.

42.
    Cependant, lorsque les autorités compétentes soit estiment que «les conditions de l'article 220, paragraphe 2, [sous] b), du code [des douanes] sont réunies, soit ont un doute quant à la portée des critères de cette disposition au regard du cas concerné, ces autorités transmettent le cas à la Commission», le dossier ainsitransmis devant comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté (article 871, premier alinéa, du règlement n° 2454/93). Dans les quinze jours suivant la date de réception du dossier, la Commission en communique copie aux États membres (article 872, premier alinéa). Ensuite, après consultation d'un groupe d'experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité des douanes afin d'examiner le cas d'espèce, la Commission «prend une décision établissant soit que la situation examinée permet de ne pas prendre en compte a posteriori des droits en cause, soit qu'elle ne le permet pas» (article 873, premier alinéa).

43.
    Cette décision doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la date de réception par la Commission du dossier transmis par l'État membre (article 873, deuxième alinéa) et doit être notifiée dans les meilleurs délais à l'État membre concerné (article 874, premier alinéa).

44.
    Il convient de noter que les règles procédurales relatives au non-recouvrement, décrites aux points précédents, comme celles applicables à la remise des droits de douane, ont été modifiées à la suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 1677/98. Les nouvelles règles ont été appliquées dans le cadre de l'affaire T-147/99, Miller/Commission.

45.
    Ainsi, le règlement n° 1677/98 introduit, notamment, un nouvel article 872 bis, lequel dispose: «À tout moment de la procédure prévue aux articles 872 et 873 [du règlement n° 2454/93], lorsque la Commission a l'intention de prendre une décision défavorable à la personne intéressée par le cas présenté, elle lui communique ses objections par écrit, ainsi que tous les documents sur lesquels elle fonde lesdites objections. La personne intéressée par le cas présenté à la Commission exprime son point de vue par écrit dans le délai d'un mois à compter de la date de l'envoi des objections. Si elle n'a pas fait connaître son point de vue dans ce délai, il est considéré qu'elle a renoncé à la possibilité d'exprimer sa position.» Quant au délai de six mois prévu à l'article 873 du règlement n° 2454/93, il est remplacé par un délai de neuf mois.

Faits à l'origine du litige

I - Cadre général

46.
    Les présentes affaires ont trait à l'importation dans la Communauté de téléviseurs couleur assemblés en Turquie durant la période litigieuse. Ces téléviseurs étaient produits par diverses sociétés turques, notamment Vestel, Meta, Profilo, Bekoteknik et Cihan. Celles-ci utilisaient pour leur fabrication des composants d'origine turque, mais également des composants d'origine communautaire ainsi que des composants d'origine tierce (généralement en provenance de Corée, du Japon, de Hong-Kong et de Singapour).

47.
    Durant la période litigieuse, les téléviseurs couleur fabriqués en Turquie ont été importés dans la Communauté à l'aide de certificats A.TR.1, de sorte qu'ils ont bénéficié de l'exonération des droits de douane prévue par l'accord d'association et le protocole additionnel.

48.
    À la suite d'un certain nombre de plaintes et de communications d'irrégularités, la Commission a procédé, du 18 octobre au 9 novembre 1993, à une mission de vérification en Turquie, à laquelle ont participé deux représentants de ses services et cinq représentants des services douaniers belges, français, néerlandais, allemands et du Royaume-Uni. Cette mission de vérification a donné lieu à la rédaction d'un rapport (ci-après le «rapport de mission»). À l'occasion de cette mission, il a été constaté que les autorités turques authentifiaient les certificats A.TR.1 sans qu'aucun droit compensateur ne soit perçu.

49.
    La Commission a conclu dans le rapport de mission que les certificats présentés étaient invalides parce qu'ils se rapportaient en fait à des téléviseurs couleur fabriqués en Turquie dont les composants d'origine tierce n'avaient été ni mis en libre pratique ni soumis au prélèvement compensateur et que, en conséquence, ces téléviseurs ne pouvaient pas bénéficier du régime de la libre circulation lors de leur importation dans la Communauté.

50.
    Elle a, dès lors, par lettres des 2 mars et 21 avril 1994, enjoint aux États membres concernés de réclamer aux sociétés ayant importé des téléviseurs originaires de Turquie durant la période litigieuse, tout en tenant compte du délai de prescription applicable, le paiement des droits de douane prévus par le tarif douanier commun (à savoir 14 % de la valeur totale des téléviseurs au moment de leur importation dans la Communauté). La Commission a toutefois autorisé les États membres qui le désiraient à suspendre ou à ajourner le recouvrement des droits jusqu'à son appréciation définitive des résultats de la mission de vérification.

51.
    Enfin, la Commission a confirmé aux États membres, par lettre du 25 novembre 1994, qu'il y avait lieu de procéder sans délai au recouvrement des droits de douane relatifs aux importations de téléviseurs couleur effectuées sur la base de certificats A.TR.1 délivrés avant le 15 janvier 1994, en tenant compte du délai de prescription de trois ans.

II - Cadre particulier

A - Cadre particulier des affaires allemandes (T-186/97, T-187/97, T-190/97, T-191/97, T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-293/97)

1. Ordres de recouvrement adressés par les autorités allemandes

52.
    Les sociétés Kaufring AG (ci-après «Kaufring») (T-186/97), Crown Europe GmbH (ci-après «Crown») (T-187/97), Profex Electronic Verwaltungsgesellschaft mbH (ci-après «Profex») (T-190/97), Horten AG (ci-après «Horten») (T-191/97), Dr. Seufert GmbH (ci-après «Dr. Seufert») (T-192/97), Grundig AG (ci-après «Grundig») (T-210/97), Hertie Waren- und Kaufhaus GmbH (ci-après «Hertie») (T-211/97) et Elta GmbH (ci-après «Elta») (T-293/97) (ci-après les «requérantes allemandes») ont importé, durant la période litigieuse, plusieurs lots de téléviseurs couleur originaires de Turquie. Toutes les importations étaient accompagnées d'un certificat A.TR.1 et ont, dès lors, bénéficié du régime préférentiel. Les certificats A.TR.1 ont tous été visés par les autorités douanières turques.

53.
    Conformément à l'injonction de la Commission (voir, ci-dessus, aux points 50 et 51), les autorités douanières allemandes ont adressé des avis de modification de l'imposition (Steueränderungsbescheide) aux requérantes allemandes. Ainsi, elles ont réclamé le paiement des droits de douane pour un montant total de 545 727,35 marks allemands (DEM) à Kaufring, de 238 352,97 DEM à Crown, de 2 269 866,84 DEM à Profex, de 123 809,12 DEM à Horten, de 126 828,26 DEM à Dr. Seufert, de 6 596 210,31 DEM à Grundig, de 593 110,16 DEM à Hertie et de 113 875,49 DEM à Elta.

2. Demandes de remise et/ou de non-recouvrement adressées aux autorités allemandes par les requérantes allemandes

54.
    Les requérantes allemandes ont formé opposition contre ces avis. Elles ont demandé aux bureaux de douane concernés de leur accorder une remise des droits de douane. Dr. Seufert, Crown et Grundig ont également demandé que ces droits ne soient pas recouvrés.

3. Demandes de remise adressées à la Commission par les autorités allemandes

55.
    Après étude des demandes introduites par les requérantes allemandes, le Bundesministerium der Finanzen (le ministère des Finances allemand), auquel les bureaux de douane concernés avaient transmis les dossiers, a estimé que les conditions pour la remise des droits de douane, prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et à l'article 239 du code des douanes, étaient satisfaites en l'espèce.

56.
    Le Bundesministerium der Finanzen a, dès lors, conformément à l'article 905 du règlement n° 2454/93, transmis les dossiers à la Commission, à laquelle il a fait part de son opinion quant à la satisfaction des conditions prévues pour la remise des droits de douane.

57.
    Il convient de souligner que, avant cette transmission, le Bundesministerium der Finanzen avait prié chacune des requérantes allemandes, d'une part, de commenter le projet de demande qu'il comptait adresser à la Commission et, d'autre part, de fournir une déclaration écrite confirmant que la demande prenait en compte toutes les circonstances de l'espèce ainsi que tous leurs arguments et que le dossier était complet.

58.
    Kaufring, Horten, Hertie, Profex et Elta ont accepté de fournir une telle déclaration écrite. En revanche, Grundig, Dr. Seufert et Crown ont informé le Bundesministerium der Finanzen qu'elles refusaient. Elles ont souhaité que leurs demandes de remise avec les annexes soient jointes aux dossiers transmis par le Bundesministerium der Finanzen, ce que ce dernier a accepté. Le Bundesministerium der Finanzen a également accepté, en ce qui concerne ces parties, d'intégrer le passage suivant dans ses lettres de transmission adressées à la Commission:

«L'intéressée demande que la Commission prenne comme base de décision la demande de remise détaillée jointe à la présente avec ses annexes. L'intéressée demande également à être entendue directement par la Commission avant l'adoption d'une décision afin de faire valoir ses droits de la défense à l'égard de la Commission; l'intéressée estime qu'elle doit être informée par la Commission des faits et documents essentiels sur la base desquels la Commission envisage de prendre sa décision sur la remise des droits de douane.»

59.
    La Commission, avant de prendre une décision définitive sur chacune des demandes de remise susvisées, a consulté le groupe d'experts prévu à l'article 907, premier alinéa, du règlement n° 2454/93. Celui-ci a examiné les cas présentés au cours de sa réunion du 10 janvier 1997. L'ensemble des représentants des États membres présents à cette réunion, à l'exception de ceux de la République d'Autriche et de la République portugaise, se sont prononcés en faveur de la remise.

60.
    Ensuite, par les décisions REM 14/96, REM 15/96, REM 16/96, REM 17/96, REM 18/96, REM 19/96 et REM 20/96, en date du 19 février 1997, relatives à, respectivement, Horten, Kaufring, Elta, Grundig, Hertie, Crown et Profex, et REM 21/96, en date du 25 mars 1997, relative à Dr. Seufert, la Commission a constaté que l'octroi des remises demandées n'était pas justifié. Ces décisions individuelles ont été notifiées aux requérantes allemandes par leurs autorités nationales.

B - Cadre particulier des affaires françaises (T-216/97 à T-218/97)

1. Ordres de recouvrement adressés par les autorités françaises

61.
    Les sociétés Lema SA (ci-après «Lema») (T-216/97) et Masco SA (ci-après «Masco») (T-217/97 et T-218/97) (ci-après les «requérantes françaises») ont importé à intervalles réguliers des lots de téléviseurs couleur originaires de Turquie. Toutes les importations étaient accompagnées d'un certificat A.TR.1 et ont, dès lors, bénéficié du régime préférentiel. Les certificats A.TR.1 ont tous été visés, au moment de l'exportation, par les autorités douanières turques et, ensuite, au moment de l'importation en France, par les autorités douanières françaises.

62.
    Conformément à l'injonction de la Commission (voir, ci-dessus, aux points 50 et 51), les autorités douanières françaises, en l'espèce la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après la «DNRED»), ont constaté que Lema et Masco avaient commis une infraction en important des téléviseurs sous couvert de certificats A.TR.1. Elles ont, à ce titre, réclamé le paiement des droits de douane pour un montant total de 12 201 564 francs français (FRF) à Lema et de 32 966 173 FRF (affaire T-217/97) ainsi que de 4 192 502 FRF (affaire T-218/97) à Masco.

2. Examen par les autorités françaises des demandes de remise et de non-recouvrement introduites par les requérantes françaises

63.
    Lema et Masco ont formé opposition contre ces réclamations a posteriori des droits de douane. Elles ont demandé à la DNRED soit de ne pas recouvrer les droits en question, soit de leur accorder une remise de ces droits. Ces demandes individuelles étaient fondées, d'une part, en ce qui concerne le non-recouvrement, sur les articles 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 et 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes et, d'autre part, en ce qui concerne la remise, sur les articles 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et 239 du code des douanes.

3. Demandes de non-recouvrement et de remise adressées à la Commission par les autorités françaises

64.
    Après étude des diverses demandes introduites par les requérantes françaises, le ministère de l'Économie et des Finances français (ci-après le «ministère») a estimé que les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 étaient satisfaites en l'espèce. Il a soumis à chacune des requérantes françaises un projet de la demande d'examen qu'il souhaitait adresser à cet égard à la Commission. Lema et Masco ont, dans leurs réponses, souhaité que soit jointe au dossier une copie des demandes complètes qu'elles avaient adressées à la DNRED. Elle ont rappelé avoir également formulé une demande de remise sur la base de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et ont indiqué maintenir celle-ci à titre subsidiaire.

65.
    Le ministère a ensuite transmis les dossiers à la Commission, auxquels étaient joints les dossiers communiqués par les requérantes françaises à la DNRED.

66.
    Le ministère a souligné que les conditions prévues pour le non-recouvrement des droits étaient satisfaites en l'espèce.

67.
    Il a également demandé à la Commission d'examiner les demandes subsidiaires de remise des droits.

68.
    Avant de prendre une décision définitive, la Commission a consulté le groupe d'experts prévu aux articles 873 et 907 du règlement n° 2454/93. Celui-ci a examiné les cas présentés au cours de sa réunion du 10 janvier 1997. L'ensemble desreprésentants des États membres présents à cette réunion, à l'exception de ceux de la République d'Autriche et de la République portugaise, se sont prononcés en faveur du non-recouvrement et de la remise.

69.
    Ensuite, par les décisions REC 7/96 et REC 9/96, relatives à Masco, et REC 8/96, relative à Lema, en date du 24 avril 1997, la Commission a constaté que les droits à l'importation devaient être recouvrés et que la remise de ces droits n'était pas justifiée.

70.
    Ces décisions ont été communiquées par le secrétariat général de la Commission à la représentation permanente de la République française auprès de l'Union européenne. Les autorités nationales les ont ensuite notifiées aux requérantes françaises.

C - Cadre particulier des affaires néerlandaises (T-279/97 et T-280/97)

1. Ordres de recouvrement adressés par les autorités néerlandaises

71.
    Les sociétés DFDS Transport BV (ci-après «DFDS») (T-279/97) et Wilson Holland BV (ci-après «Wilson») (T-280/97) (ci-après les «requérantes néerlandaises») ont importé plusieurs lots de téléviseurs couleur originaires de Turquie. Toutes les importations étaient accompagnées d'un certificat A.TR.1 et ont, dès lors, bénéficié du régime préférentiel. Les certificats A.TR.1 ont tous été visés, en Turquie, par le bureau de douane d'Istanbul et, ensuite, au Pays-Bas, par celui de Rotterdam.

72.
    Conformément à l'injonction de la Commission (voir, ci-dessus, aux points 50 et 51), les autorités douanières néerlandaises ont adressé des avis de recouvrement (uitnodiging tot betaling) à DFDS et à Wilson. Ainsi, elles ont réclamé le paiement des droits de douane pour un montant total de 212 657 florins néerlandais (NLG) à DFDS et de 30 712,50 NLG à Wilson.

2. Demandes de remise adressées aux autorités néerlandaises par les requérantes néerlandaises

73.
    Les requérantes néerlandaises ont formé opposition contre ces avis de recouvrement. Elles ont demandé aux bureaux de douane concernés de leur accorder la remise des droits de douane.

3. Demandes de remise adressées à la Commission par les autorités néerlandaises

74.
    Après étude de la demande introduite par les requérantes néerlandaises, le Belastingdienst (l'administration fiscale néerlandaise), auquel les bureaux de douane concernés avaient transmis les dossiers, a estimé que les conditions pour la remise des droits de douane prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et à l'article 239 du code des douanes étaient satisfaites en l'espèce.

75.
    Le Belastingdienst a, dès lors, conformément à l'article 905 du règlement n° 2454/93, transmis les dossiers à la Commission à laquelle il a fait part de son opinion quant à la satisfaction des conditions prévues pour la remise des droits de douane.

76.
    Il convient de souligner que, avant cette transmission, les requérantes néerlandaises, à la demande de leurs autorités nationales, avaient indiqué à ces dernières qu'elles avaient pris connaissance du dossier les concernant et que ce dossier était complet.

77.
    Avant de prendre une décision définitive, la Commission a consulté le groupe d'experts prévu à l'article 907, premier alinéa, du règlement n° 2454/93. Celui-ci a examiné les cas présentés au cours de sa réunion du 7 mars 1997. L'ensemble des représentants des États membres présents à cette réunion, à l'exception de ceux de la République d'Autriche et de la République portugaise, se sont prononcés en faveur de la remise.

78.
    Enfin, par les décisions REM 26/96 et REM 27/96, en date du 5 juin 1997, relatives à, respectivement, DFDS et Wilson, elle a constaté que l'octroi des remises demandées n'était pas justifié. Ces décisions ont été notifiées aux autorités nationales, lesquelles les ont notifiées aux requérantes néerlandaises.

D - Cadre particulier de l'affaire belge (T-147/99)

1. Ordre de recouvrement adressé par les autorités belges

79.
    Durant la période litigieuse, la société Miller NV (ci-après «Miller») (T-147/99) a importé plusieurs lots de téléviseurs couleur originaires de Turquie. Toutes les importations étaient accompagnées d'un certificat A.TR.1 et ont, dès lors, bénéficié du régime préférentiel. Les certificats A.TR.1 ont tous été visés en Turquie par le bureau de douane d'Istanbul et ensuite, en Belgique, par celui d'Anvers.

80.
    Conformément à l'injonction de la Commission (voir, ci-dessus, aux points 50 et 51), les autorités douanières belges ont adressé un avis de recouvrement (uitnodiging tot betaling) à Miller. Ainsi, elles lui ont réclamé le paiement des droits de douane pour un montant total de 11 381 735 francs belges (BEF).

2. Demande de non-recouvrement adressée aux autorités belges par Miller

81.
    Miller a formé opposition contre cet avis de recouvrement. Elle a demandé au bureau de douane concerné de ne pas recouvrer les droits de douane. Cette demande était fondée sur l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 et l'article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

3. Demande de non-recouvrement et de remise adressée à la Commission par les autorités belges

82.
    Après étude de la demande introduite par la requérante, le ministère des Finances, département des douanes et accises, auquel le bureau de douane concerné avait transmis le dossier, a estimé que les conditions pour le non-recouvrement prévues à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 et à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes étaient satisfaites en l'espèce. À titre subsidiaire, le ministère des Finances a estimé que les conditions pour la remise, prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et à l'article 239 du code des douanes, l'étaient également.

83.
    Le ministère des Finances a, dès lors, conformément aux articles 871 et 905 du règlement n° 2454/93, transmis le dossier à la Commission, à laquelle il a fait part de son opinion quant à la satisfaction des conditions prévues pour le non-recouvrement et pour la remise.

84.
    Il convient de souligner que, avant cette transmission, les autorités belges avaient demandé à Miller ses observations éventuelles quant au projet de demande de non-recouvrement et de remise qu'elles souhaitaient transmettre à la Commission et de confirmer que le dossier était complet. Miller avait répondu, par lettre du 24 avril 1998, que le dossier était complet. À cette lettre était jointe une déclaration de son avocat décrivant les différents documents qui lui avaient été transmis par le ministère des Finances en annexe du projet de lettre à la Commission, résumant ses arguments essentiels et rappelant son souhait de pouvoir consulter le dossier de l'institution.

85.
    La Commission a examiné le dossier conformément aux articles 871 et 905 et suivants du règlement n° 2454/93.

86.
    Par lettre du 24 novembre 1998, la Commission a fait parvenir à Miller un résumé du dossier, conformément aux articles 872 bis et 906 bis du règlement n° 2454/93. Elle l'a également informée de son intention d'enjoindre aux autorités douanières belges de procéder au recouvrement a posteriori des droits de douane en cause et de refuser la remise de ces droits. Dans cette lettre, la Commission a, en effet, fait état de ses doutes quant à la satisfaction des conditions prévues à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. En outre, elle a estimé que les circonstances de l'espèce n'étaient pas constitutives d'une «situation résultant de circonstances particulières» au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79. La Commission a toutefois invité Miller à lui faire part de ses observations éventuelles dans un délai d'un mois à partir de la réception de la lettre.

87.
    En réponse à cet envoi, la requérante, par lettre du 2 décembre 1998, a demandé à la Commission de pouvoir consulter toutes les pièces du dossier de cette dernière afin de pouvoir formuler ses observations en pleine connaissance de cause, en se référant à la jurisprudence du Tribunal (arrêt du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T-42/96, Rec. p. II-401, points 78 à 88).

88.
    Par lettre du 22 décembre 1998, la Commission a refusé de faire droit à cette demande au motif que Miller avait déjà pu prendre connaissance de son dossier, lequel comprenait uniquement les données communiquées par les autorités belges. Elle a reconnu que le rapport de mission n'en faisait pas partie mais a exposé que, dans la mesure où ce rapport ne faisait que confirmer la véracité des faits et, partant, l'invalidité des certificats litigieux, elle n'estimait pas utile de le communiquer à Miller.

89.
    Par lettre du 7 janvier 1999, la requérante a protesté contre ce refus de la Commission et a indiqué que, au cas où la décision définitive de cette dernière lui serait défavorable, elle se réservait le droit de saisir le Tribunal d'un recours en annulation contre cette décision pour violation des droits de la défense. Elle a, dès lors, demandé une nouvelle fois à avoir accès aux documents sur lesquels la Commission serait susceptible de fonder sa décision définitive ainsi qu'à tous les autres documents - y compris administratifs - ayant trait à cette affaire.

90.
    En outre, Miller a répondu à la lettre de la Commission du 24 novembre 1998 par courrier du 22 janvier 1999. Elle a indiqué les motifs pour lesquels elle estimait que les conditions d'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 étaient effectivement satisfaites. De plus, elle a déclaré que, selon elle, il y avait en l'espèce une situation résultant de circonstances particulières et qu'aucune négligence ou manoeuvre, au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, ne pouvait lui être reprochée.

91.
    Ayant pris connaissance des observations de Miller, la Commission a, avant de prendre une décision définitive, consulté le groupe d'experts prévu aux articles 873 et 907, premier alinéa, du règlement n° 2454/93. Celui-ci a examiné l'affaire au cours de sa réunion du 25 février 1999. L'ensemble des représentants des États membres présents à cette réunion, à l'exception de ceux de la République d'Autriche et de la République portugaise, se sont prononcés en faveur du non-recouvrement et de la remise.

92.
    Ensuite, par la décision REC 3/98, en date du 26 mars 1999, elle a constaté que les droits à l'importation devaient être recouvrés et que la remise de ces droits n'était pas justifiée. Les autorités belges ont notifié cette décision à Miller par lettre du 21 avril 1999.

III - En ce qui concerne la motivation des décisions attaquées

93.
    Les décisions attaquées reposent sur une motivation quasi identique. Aucune différence substantielle ne caractérise les décisions ayant trait uniquement à des demandes de remise sur la base de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 par rapport à celles ayant trait à des demandes de remise présentées conjointement à des demandes de non-recouvrement sur la base de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79.

94.
    Ainsi, après avoir rappelé que, conformément à la jurisprudence constante, la confiance légitime d'un opérateur n'est digne de protection que si les autorités compétentes sont elles-mêmes à l'origine de cette confiance, la Commission a constaté, dans les décisions attaquées, que les exportateurs turcs avaient déclaré à la case 13 des certificats A.TR.1 que les marchandises qui y étaient désignées remplissaient les conditions pour l'obtention dudit certificat. Or, tel n'était pas le cas, puisque, ainsi qu'il a été constaté lors de la mission de vérification en Turquie, les téléviseurs fabriqués en Turquie contenaient des composants d'origine tierce qui n'avaient été ni mis en libre pratique ni soumis au prélèvement compensateur prévu à l'article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel.

95.
    La Commission a, dès lors, considéré que les autorités compétentes turques avaient été induites en erreur par les déclarations inexactes des exportateurs. Aucune erreur active ne pouvait en conséquence être imputées à ces autorités. Eu égard à cette circonstance, le fait que les autorités turques avaient délivré les certificats litigieux sur la base des déclarations des exportateurs n'était pas suffisant pour permettre aux importateurs d'avoir une confiance légitime dans la validité de ces certificats.

96.
    En outre, la Commission a observé que la réglementation en cause était connue et relativement simple quant aux conditions de délivrance d'un certificat A.TR.1 et que les importateurs ne pouvaient, dès lors, pas l'ignorer. Elle a également relevé qu'un opérateur diligent aurait dû avoir des doutes sur la validité des certificats A.TR.1.

97.
    Au vu de ces constatations, la Commission a considéré que les conditions pour la remise et/ou pour le non-recouvrement des droits de douane n'étaient pas satisfaites.

98.
    En ce qui concerne les conditions pour la remise, la Commission a par ailleurs précisé que les circonstances de l'espèce ainsi que les prétendues lacunes dans l'application du protocole additionnel ne sauraient constituer une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 dans la mesure où le régime de libre circulation pouvait être obtenu en procédant simplement à la mise en libre pratique en Turquie des composants d'origine tierce.

Procédure

99.
    Par requêtes séparées déposées au greffe du Tribunal entre le 20 juin 1997 et le 18 juin 1999, les requérantes ont introduit les présents recours en annulation.

100.
    Par ordonnances du 25 mai 1998, la République fédérale d'Allemagne a été autorisée à intervenir à l'appui des conclusions des requérantes dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97 et T-210/97.

101.
    Par ordonnances du 25 mai 1998, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été autorisé à intervenir à l'appui des conclusions des requérantes dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à T-218/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97.

102.
    Par ordonnances du 25 mai 1998, la République française a été autorisée à intervenir à l'appui des conclusions des requérantes dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-216/97 à T-218/97.

103.
    Par lettres séparées déposées au greffe du Tribunal dans le courant des mois de mai, juin et juillet 1998, Grundig, Dr. Seufert, Crown, Hertie, Horten et Kaufring ont demandé que le Tribunal ordonne la production par la Commission d'un certain nombre de documents relatifs au fond du litige. La Commission ainsi que les parties intervenantes ont été invitées à présenter leurs observations à cet égard.

104.
    Par une mesure d'organisation de la procédure du 29 octobre 1999, le Tribunal a invité la Commission à produire un certain nombre de documents relatifs à l'application des dispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel aux importations de téléviseurs couleur originaires de Turquie. La Commission a déféré à cette demande par le dépôt, en date du 29 novembre 1999, d'un dossier constitué de 24 classeurs contenant approximativement 7 000 pages. Elle a complété ce dossier par l'envoi, le 22 décembre 1999, d'un certain nombre de documents additionnels et, le 13 janvier 2000, d'une traduction non officielle en anglais des déclarations d'importation et d'exportation turques figurant dans ledit dossier.

105.
    À la suite d'une invitation en ce sens du Tribunal, toutes les requérantes (à l'exception d'Elta) ainsi que la Commission et la République française ont participé, le 6 décembre 1999, à une réunion informelle en vue d'organiser la consultation du dossier déposé le 29 novembre 1999 et le déroulement de l'audience.

106.
    Ensuite, les parties ayant été entendues sur ce point, le président de la troisième chambre du Tribunal a joint les présentes affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt par ordonnance du 10 janvier 2000.

107.
    La consultation au greffe du Tribunal par les requérantes et la République française du dossier déposé le 29 novembre 1999 a débuté le 17 janvier 2000 et s'est achevée le 28 février 2000. À la suite de cette consultation, ces parties ont déposé des observations dans le courant des mois de janvier, février et mars 2000. La Commission a répondu à ces observations par mémoire du 24 mars 2000.

108.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes.

109.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 10 juillet 2000.

Conclusions des parties

110.
    Kaufring (T-186/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 15/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

111.
    Crown (T-187/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 19/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

112.
    Profex (T-190/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 20/96;

-     enjoindre à la Commission de faire droit à la demande de remise des droits;

-    déclarer l'arrêt à intervenir exécutoire par provision, si nécessaire avec constitution de garanties;

-     condamner la Commission aux dépens.

113.
    Horten (T-191/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 14/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

114.
    Dr. Seufert (T-192/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 21/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

115.
    Grundig (T-210/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 17/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

116.
    Hertie (T-211/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 18/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

117.
    Elta (T-293/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 16/96;

-    condamner la Commission aux dépens.

118.
    Lema (T-216/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision REC 8/96;

-    déclarer qu'elle a droit au non-recouvrement a posteriori des droits litigieux;

-    subsidiairement, déclarer qu'elle a droit à la remise de ces droits;

-    condamner la Commission aux dépens.

119.
    Masco (T-217/97 et T-218/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les décisions REC 7/96 et REC 9/96;

-    déclarer qu'elle a droit au non-recouvrement a posteriori des droits litigieux;

-    subsidiairement, déclarer qu'elle a droit à la remise de ces droits;

-    condamner la Commission aux dépens.

120.
    DFDS (T-279/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 26/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

121.
    Wilson (T-280/97) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision REM 27/96;

-     condamner la Commission aux dépens.

122.
    Miller (T-147/99) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal:

    -    annuler la décision REC 3/98;

    -    condamner la Commission aux dépens;

-    à titre subsidiaire, condamner la Commission aux dépens;

-    à titre encore plus subsidiaire, condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

123.
    La République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal annuler les décisions visées par les recours dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97 et T-210/97.

124.
    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord conclut à ce qu'il plaise au Tribunal annuler les décisions visées par les recours dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à T-218/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97.

125.
    La République française conclut à ce qu'il plaise au Tribunal annuler les décisions visées par les recours dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-216/97 à T-218/97.

126.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     en ce qui concerne l'affaire T-190/97, rejeter comme irrecevables les conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal lui enjoigne de faire droit à la demande de remise et de déclarer l'arrêt à intervenir exécutoire par provision, si nécessaire avec constitution de garanties;

-     en ce qui concerne les affaires T-216/97 à T-218/97, rejeter comme irrecevables les conclusions visant à ce que le Tribunal déclare que les requérantes ont droit au non-recouvrement a posteriori des droits des douanes ou, à titre subsidiaire, à la remise de ces droits;

-     pour le surplus, rejeter comme non fondés les présents recours en annulation;

-     condamner les requérantes aux dépens.

127.
    À l'audience, Profex a déclaré qu'elle se désistait de ses conclusions visant à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de faire droit à sa demande de remise etdéclare l'arrêt à intervenir exécutoire par provision, si nécessaire avec constitution de garanties.

128.
    De même, Lema et Masco ont déclaré qu'elles se désistaient de leurs conclusions visant à ce que le Tribunal déclare qu'elles ont droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane ou, à titre subsidiaire, à la remise de ces droits.

129.
    Dès lors, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité ni, a fortiori, sur le fondement de ces conclusions.

En droit

130.
    Les requérantes ont invoqué, à l'appui de leurs recours, de nombreux griefs tenant tant à la violation des formes substantielles qu'à la violation de règles quant au fond. Toutefois, au vu des circonstances particulières de l'espèce, le Tribunal décide d'examiner successivement le moyen tiré d'une violation des droits de la défense et le moyen tiré d'une violation de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79.

I - Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative

A - Sur l'examen de ce moyen dans le cadre des présents recours

1. Arguments des parties

131.
    Crown, Dr. Seufert, Grundig et Miller font valoir que leurs droits de la défense ont été violés dans le cadre de la procédure administrative ayant mené à l'adoption des décisions qu'elles attaquent. À l'audience, Kaufring, Profex, Horten, Hertie et Elta ont précisé qu'elles invoquaient également ce moyen d'ordre public à l'appui de leurs recours.

132.
    Ce moyen est également invoqué par la République française dans les affaires dans lesquelles elle a déposé un mémoire en intervention, à savoir les affaires T-186/97, T-187/97, T-191/97, T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97, T-217/97 et T-218/97.

133.
    La Commission soulève toutefois une exception d'irrecevabilité dans les affaires T-186/97, T-191/97, T-211/97 et T-216/97 à T-218/97 au motif que ledit moyen n'a pas été invoqué par les requérantes, de sorte que la République française ne saurait en exciper sans violer l'article 37 du statut CE de la Cour de justice. Elle fait valoir aussi qu'il serait singulier d'autoriser une partie intervenante à invoquer un tel moyen, alors qu'il n'a pas été soulevé par la partie qui est censée être protégée par le principe en question. Elle se réfère, à cet égard, à l'arrêt de la Cour du 17 mars 1993, Commission/Conseil (C-155/91, Rec. p. I-939), ainsi qu'aux conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt de la Cour du 23 février1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité (30/59, Rec. p. 1, 59).

2. Appréciation du Tribunal

134.
    À cet égard, il suffit d'observer que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense constitue une forme substantielle dont la violation peut être soulevée d'office (arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C-291/89, Rec. p. I-2257, point 14, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 67; voir également arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, point 487).

135.
    Il appartient dès lors au Tribunal d'examiner d'office, dans toutes les affaires, si la Commission a respecté les droits de la défense des requérantes dans le cadre de la procédure administrative ayant abouti à l'adoption des décisions attaquées.

136.
    Le Tribunal estime en outre que l'argument de la Commission selon lequel le moyen relatif à la violation des droits de la défense invoqué par la République française serait irrecevable ne saurait être accueilli.

137.
    Il convient, en effet, de remarquer que, ainsi qu'il résulte du libellé de l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure, l'intervenant ne peut pas élargir les conclusions de la partie au soutien desquelles il intervient, mais il peut choisir librement les moyens et arguments qu'il invoque en faveur desdites conclusions (arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T-37/97, Rec. p. II-859, point 92).

B - Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense des requérantes dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97 à T-218/97, T-279/97, T-280/97 et T- 293/97

1. Arguments des parties

138.
    Grundig, Dr. Seufert et Crown font valoir que la Commission a violé leurs droits de la défense dans la mesure où, contrairement à une demande explicite de leur part, elle ne les a pas entendues avant d'adopter les décisions constatant que la remise des droits à leur égard n'était pas justifiée. Selon ces requérantes, le respect des droits de la défense est un principe général de droit que la Commission doit observer, même en l'absence d'une réglementation spécifique, dans toute procédure susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à une personne (arrêts de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44, du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, points 39 et 40,et du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21).

139.
    La République française estime également que la Commission a violé les droits de la défense de Kaufring, Crown, Horten, Dr. Seufert, Grundig, Hertie, Lema et Masco dans la mesure où, d'une part, elle n'a pas indiqué clairement à ces parties quel manque de diligence elle leur reprochait et, d'autre part, elle ne leur a pas donné l'occasion de s'exprimer sur ce grief. La partie intervenante se réfère, à cet égard, à l'arrêt du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission (T-346/94, Rec. p. II-2841) ainsi qu'à l'arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus (point 78).

140.
    La Commission conteste qu'elle aurait dû entendre les requérantes préalablement à l'adoption des décisions attaquées.

141.
    Elle rappelle en premier lieu que, d'une part, la procédure relative à la remise des droits de douane ne prévoit pas la participation formelle de la partie intéressée à la procédure d'adoption de la décision et que, d'autre part, la Cour a déjà confirmé à plusieurs reprises que cette procédure offre aux intéressés toutes les garanties juridiques nécessaires [arrêts de la Cour du 17 mars 1983, Control Data/Commission, 294/81, Rec. p. 911, point 17, du 13 novembre 1984, Van Gend & Loos et Bosman/Commission, 98/83 et 230/83, Rec. p. 3763, point 8 et suivants, et CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, cité au point 35 ci-dessus, point 48]. La référence aux procédures applicables dans le domaine antidumping ne serait pas non plus de nature à mettre en cause les règles de forme applicables en l'espèce, eu égard aux différences entre ces types de procédures.

142.
    En deuxième lieu, la Commission estime que les principes développés dans l'arrêt Commission/Lisrestal e.a., cité au point 138 ci-dessus, sont sans pertinence pour les présentes affaires, puisqu'ils sont relatifs à un cas de figure différent. En effet, la décision litigieuse dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt aurait été adoptée par la Commission sans que l'entreprise concernée ait été entendue au préalable, et ce ni par l'administration nationale ni par l'institution. Or, dans les présentes affaires, les requérantes ont été entendues par leur administration nationale et ont eu accès à toutes les données factuelles déterminantes. La Commission souligne par ailleurs qu'elle a basé les décisions attaquées sur les dossiers transmis par les autorités nationales, c'est-à-dire sur des éléments factuels qui étaient connus des requérantes et sur lesquels celles-ci avaient pu s'exprimer.

143.
    La Commission souligne, en troisième lieu, que dans son arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, le Tribunal a déjà examiné de manière approfondie la question de la nécessité d'une procédure contradictoire dans le cadre d'une procédure de remise des droits de douane et n'a pas jugé irrégulière la disposition qui ne prévoit pas l'audition de la partie intéressée par l'institution. Elle fait observer, de plus, que, dans cet arrêt, le Tribunal a seulement précisé que la Commission enfreint le principe du contradictoire lorsqu'elle arrêtesa décision sur la base d'un dossier incomplet ou lorsqu'elle ne prend pas en considération tous les faits pertinents parce que l'administration nationale n'a pas procédé à une audition complète. Selon la Commission, un tel cas de figure ne s'est pas présenté dans les différents cas d'espèce dans la mesure où, d'une part, la procédure préalable à l'adoption des décisions attaquées s'est déroulée régulièrement, les requérantes ayant eu toute latitude pour exprimer leurs points de vue devant l'administration nationale, et, d'autre part, tous les éléments qu'elles considéraient comme essentiels figuraient dans les dossiers.

144.
    La Commission précise que, à la suite de l'arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, elle a mis en place le système de la déclaration de l'intéressé. Conformément à ce système, les autorités nationales doivent demander à l'intéressé de confirmer qu'il a pris connaissance du dossier qu'elles vont transmettre à la Commission et qu'il n'a rien à y ajouter. En l'absence d'une telle déclaration, la demande de remise n'est pas recevable. La Commission souligne que, en l'espèce, toutes les requérantes, à l'exception de Grundig, Dr. Seufert et Crown, ont fait une telle déclaration. Quant à Grundig, Dr. Seufert et Crown, il serait sans importance qu'elles aient refusé de faire une telle déclaration, dans la mesure où il ressort d'une comparaison entre les demandes de remise qu'elles ont présentées dans le cadre de la procédure administrative et leurs requêtes en annulation des décisions adoptées à la suite de cette procédure que, au moment de l'adoption de ces dernières, tous les faits pertinents étaient connus tant de la Commission que de l'autorité nationale.

145.
    La Commission considère, en quatrième lieu, que la référence faite par la République française aux principes dégagés par le Tribunal dans son arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, est dénuée de pertinence dans la mesure où les faits à la base de cet arrêt sont différents de ceux des présentes affaires. En effet, dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal aurait constaté que la Commission était, en l'espèce, la seule à disposer des données nécessaires afin d'effectuer un contrôle du régime préférentiel. Tel ne serait pas le cas dans les présentes affaires. En outre, la Commission estime que le respect des droits de la défense n'exige pas nécessairement que la personne à l'encontre de laquelle une décision susceptible de faire grief doit être prise soit entendue par l'institution elle-même.

146.
    La Commission rappelle, à cet égard, qu'il existe de multiples procédures dans lesquelles l'intéressé est entendu seulement par les autorités nationales, et non pas par ses services. À titre d'exemple, elle se réfère à la procédure en matière de franchise douanière pour l'importation d'appareils scientifiques et à la jurisprudence de la Cour relative au respect des droits de la défense dans le cadre de cette procédure (arrêts de la Cour Control Data/Commission, cité au point 141 ci-dessus, et du 8 mars 1988, Nicolet Instrument, 43/87, Rec. p. 1557).

147.
    La Commission souligne, enfin, que, en ce qui concerne la remise des droits de douane, il y a lieu de ne pas confondre le respect des droits de la défense dans le cadre de la procédure nationale et le respect de ces droits dans le cadre de la procédure communautaire. Dans la mesure où la partie intéressée entendrait contester les éléments transmis par les autorités nationales à la Commission, il lui incomberait de saisir le juge national.

2. Appréciation du Tribunal

148.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la procédure administrative en matière douanière pour la remise des droits à l'importation, telle qu'organisée par le règlement n° 2454/93, se déroule, en premier lieu, au niveau national. Le redevable doit, en effet, présenter sa demande de remise à l'autorité nationale qui doit prendre une décision conformément aux articles 899 et suivants du règlement n° 2454/93, lesquels définissent un certain nombre de situations dans lesquelles la remise peut ou ne peut pas être accordée. Une telle décision peut être soumise au contrôle des juridictions nationales en vertu de l'article 243 du code des douanes, ces dernières pouvant saisir la Cour en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) (voir, notamment, arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher, C-64/89, Rec. p. I-2535, point 13).

149.
    Toutefois, si l'autorité nationale estime qu'elle n'est pas en mesure de prendre une décision sur la base des dispositions précitées et que la demande de remise est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé, elle transmet le cas à la Commission (article 905 du règlement n° 2454/93). Lors de cette seconde étape, qui se déroule exclusivement au niveau communautaire, la Commission, après avoir consulté un groupe d'experts composé de représentants de tous les États membres, prend une décision quant à la justification de la remise. Cette décision peut être soumise au contrôle des juridictions communautaires en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE).

150.
    Ainsi, le règlement n° 2454/93 ne prévoit que des contacts entre le demandeur de la remise et l'autorité nationale, d'une part, et entre l'autorité nationale et la Commission, d'autre part. Aucun contact direct n'est prévu entre le demandeur de la remise et la Commission (arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, point 30).

151.
    Il convient toutefois de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts Pays-Bas e.a./Commission, cité au point 138 ci-dessus, point 44, Fiskano/Commission, cité au point 138 ci-dessus, point 39, et Commission/Lisrestal e.a., cité au point 138 ci-dessus, point 21).

152.
    Eu égard au pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission lorsqu'elle adopte une décision en application de la clause générale d'équité prévue par l'article 13 du règlement n° 1430/79, le respect du droit d'être entendu doit d'autant plus être garanti dans le cadre des procédures de remise ou de remboursement des droits à l'importation (arrêts du Tribunal France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, point 34, Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 77, du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T-50/96, Rec. p. II-3773, point 60, et du 18 janvier 2000, Mehibas Dortselaan/Commission, T-290/97, Rec. p. II-15, point 46; voir, également en ce sens, conclusions de l'avocat général Mischo sous l'arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Hans Sommer, C-15/99, non encore publié au Recueil, points 78 à 86). Cette conclusion s'impose en particulier lorsque, dans le cadre de la compétence exclusive dont elle dispose en vertu de l'article 905 du règlement n° 2454/93, la Commission entend s'écarter de l'opinion de l'autorité nationale quant à la satisfaction des conditions prévues à l'article 13 du règlement n° 1430/79 (arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, point 36).

153.
    Le principe de respect des droits de la défense exige que toute personne à l'encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue, à tout le moins, au sujet des éléments retenus à sa charge par la Commission pour fonder sa décision (voir, en ce sens, arrêts Fiskano/Commission, cité au point 138 ci-dessus, point 40, et Commission/Lisrestal e.a., cité au point 138 ci-dessus, point 21).

154.
    Or, il est manifeste que, dans les présentes affaires, aucune des requérantes n'a été mise en mesure, préalablement à l'adoption des décisions attaquées, de prendre position et de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus par la Commission afin de constater que la remise n'était pas justifiée.

155.
    Cela est d'autant plus regrettable que la Commission envisageait de s'écarter du point de vue des autorités nationales en ce qui concerne la satisfaction des conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, en particulier quant à la question de savoir si une négligence manifeste devait être reprochée aux requérantes.

156.
    Il convient en effet d'observer que, dans le dossier qu'elles ont transmis à la Commission à la suite des demandes présentées par Masco et Lema, les autorités françaises avaient clairement précisé que l'erreur n'était pas décelable par ces importateurs, de sorte que ceux-ci devaient être considérés comme étant de bonne foi. De même, dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97 à T-192/97, T-210/97, T-211/97 et T-293/97, les autorités allemandes avaient estimé qu'il n'y avait pas lieu de reprocher une négligence manifeste ou une manoeuvre aux requérantes. Enfin, dans les affaires T-279/97 et T-280/97, les autorités néerlandaises avaient estiméque les requérantes étaient de bonne foi et qu'il ne saurait leur être reproché une négligence.

157.
    Or, la Commission a constaté, pour la première fois, dans les décisions attaquées que, d'une part, «la réglementation en cause était connue et relativement simple quant aux conditions de délivrance d'un [certificat A.TR.1] et que l'intéressé ne pouvait pas, dès lors, l'ignorer» et que, d'autre part, «un opérateur diligent aurait dû avoir de sérieux doutes quant à la validité des [certificats A.TR.1]». En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a précisé à cet égard qu'elle reprochait une négligence manifeste à toutes les requérantes.

158.
    En outre, il convient de remarquer que la Commission a fait valoir pour la première fois dans les décisions attaquées qu'elle estimait que les autorités douanières turques ayant délivré les certificats A.TR.1 avaient été induites en erreur par les déclarations erronées des exportateurs turcs sans que les requérantes en question aient été informées préalablement de cette constatation pourtant essentielle.

159.
    En adoptant les décisions attaquées sans que les requérantes ici en cause aient préalablement été mises en mesure de prendre utilement position à l'égard des griefs retenus, la Commission a violé les droits de la défense de ces requérantes.

160.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que la plupart des requérantes ont fait une déclaration selon laquelle le dossier que les autorités nationales ont transmis à la Commission était complet et qu'elles n'avaient rien à ajouter. En effet, ainsi que le Tribunal l'a considéré dans son arrêt Mehibas Dordtselaan/Commission, cité au point 152 ci-dessus (point 44), «si ce mécanisme permet ainsi à l'intéressé d'exercer efficacement son droit d'être entendu lors de la première étape de la procédure administrative, laquelle se déroule au niveau national, en revanche, il ne garantit nullement le respect des droits de la défense lors de la seconde étape de cette procédure, laquelle se déroule devant la Commission, une fois que les autorités nationales lui ont transmis le dossier. La déclaration de dossier est, en effet, présentée à un moment où la Commission n'a pas encore eu l'occasion d'examiner la situation de l'intéressé, ni, a fortiori, de prendre provisoirement position sur sa demande de remboursement».

161.
    En outre, il convient de souligner qu'il importe peu de savoir si, ainsi que le fait valoir la Commission, les décisions attaquées sont uniquement basées sur les dossiers transmis par les autorités nationales, c'est-à-dire sur des éléments factuels qui étaient connus des requérantes et sur lesquels celles-ci avaient pu s'exprimer. En effet, à supposer même que cette affirmation soit exacte, le seul fait que la défenderesse envisageait de s'écarter de la position des autorités nationales et de décider que la remise des droits n'était pas justifiée à l'égard des requérantes l'obligeait à informer ces dernières des raisons pour lesquelles elle entendait décider de la sorte et à les mettre en mesure de prendre position sur ces motifs.

162.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où aucune des requérantes n'a été mise en mesure de prendre position et de faire connaître son point de vue sur la pertinence des éléments retenus à sa charge, les décisions attaquées dans les affaires T-186/97, T-187/97, T-190/97, T-191/97, T-192/97, T-210/97, T-211/97, T-216/97, T-217/97, T-218/97, T-279/97, T-280/97 et T-293/97 ont été adoptées à la suite d'une procédure viciée.

163.
    Le moyen tiré d'une violation des droits de la défense est dès lors fondé quant à ces décisions.

C - Sur la violation des droits de la défense en ce qui concerne l'affaire T-147/99

1. Arguments de Miller

164.
    Il est constant entre Miller (T-147/99) et la Commission que, contrairement aux décisions attaquées dans les autres affaires jointes, la décision contestée dans cette affaire a été adoptée conformément à la nouvelle procédure énoncée aux articles 872 bis (en ce qui concerne le non-recouvrement) et 906 bis (en ce qui concerne la remise) du règlement n° 2454/93, laquelle prévoit l'audition de l'intéressé préalablement à l'adoption d'une décision défavorable à son égard (voir ci-dessus aux points 40 et 45). C'est en vertu de ces dispositions que la Commission a communiqué à Miller, par lettre du 24 novembre 1998, les éléments au vu desquels le non-recouvrement et la remise des droits à l'importation réclamés à cette société lui semblaient injustifiés. Cette dernière a, par sa lettre du 22 janvier 1999, pris position à l'égard de ces éléments.

165.
    Miller fait toutefois valoir que ses droits de la défense ont été violés dans le cadre de la procédure administrative, dans la mesure où la Commission lui a refusé l'accès à certains documents. Ce moyen s'articule en deux branches.

166.
    Dans une première branche, Miller fait valoir que la Commission a violé ses droits de la défense, dans la mesure où elle ne lui a pas donné accès, dans le cadre de la procédure administrative, aux documents sur lesquels elle allait fonder la décision attaquée.

167.
    Miller expose en effet que, dans son arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus (point 80), le Tribunal a confirmé que le principe du respect des droits de la défense exige non seulement que la partie intéressée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la pertinence des faits retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse, mais également qu'elle puisse prendre position à l'égard des documents sur lesquels l'institution communautaire a basé ladite décision.

168.
    Miller considère, en particulier, que c'est en violation de ces exigences que la Commission ne lui a pas donné accès au rapport de mission ainsi qu'aux autresdocuments relatifs à cette dernière. Elle soutient qu'il ressort clairement des quatrième et cinquième considérants de la décision attaquée que celle-ci est basée sur les résultats de cette mission. Elle fait remarquer, en outre, que le motif invoqué à l'appui de ce refus d'accès, à savoir que la communication du rapport de mission n'était pas nécessaire dans la mesure où ce dernier ne faisait que confirmer l'invalidité des certificats A.TR.1, fait qui ne serait pas contesté par les autorités nationales, est inopérant. En effet, selon Miller, ce motif manque en fait. Contrairement à ce que suggère la Commission, les faits sur lesquels celle-ci a fondé son appréciation (à savoir que les autorités douanières turques avaient été induites en erreur par les fausses déclarations des exportateurs) ne ressortiraient pas d'autres documents dont Miller aurait pu prendre connaissance, et ces faits auraient été clairement contestés par les autorités belges. Il manquerait également en droit, dans la mesure où il serait de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas à la Commission de refuser l'accès à des documents au motif qu'elle estime un tel accès inutile (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 81).

169.
    Dans une seconde branche du moyen, Miller fait valoir que ses droits de la défense ont également été violés, dans la mesure où, en dépit d'une demande de sa part, la Commission ne lui a pas donné accès aux autres documents administratifs non confidentiels ayant trait à l'affaire.

2. Arguments de la Commission

170.
    Tout en reconnaissant que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental de droit communautaire et que le droit d'accès au dossier est étroitement lié à ce principe, la Commission conteste avoir violé les droits de la défense de Miller dans le cadre de la procédure administrative.

171.
    La Commission expose que, dans le cadre d'une procédure de remise, elle ne peut fonder sa décision que sur les documents qui lui sont transmis par les autorités nationales et dont l'intéressé a pu prendre connaissance auprès de celles-ci.

172.
    Elle rappelle, à cet égard, que, dans son arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, le Tribunal a considéré que le droit à être entendu dans une procédure de remise doit être garanti tout d'abord dans le cadre des relations entre l'intéressé et l'administration nationale, et que la seule obligation de l'institution envers celui-ci est de s'assurer que le dossier transmis par les autorités nationales est complet et que l'intéressé a pu en prendre connaissance. Or, en l'espèce, Miller aurait confirmé qu'elle avait eu accès au dossier des autorités belges.

173.
    La Commission considère dès lors que, dans la mesure où elle a fondé la décision attaquée sur des documents dont Miller a pris connaissance ou, à tout le moins, a pu prendre connaissance, les droits de la défense de cette partie ont été respectés.

174.
    Quant au rapport de mission, la Commission fait observer que, en général, elle communique de tels rapports internes aux parties intéressées préalablement à l'adoption des décisions lorsqu'elle entend s'y référer aux fins de la motivation de ces dernières.

175.
    Elle relève toutefois que, en l'espèce, elle n'a pas communiqué le rapport de mission parce que celui-ci ne contenait que des éléments factuels qui avaient déjà été portés à la connaissance de l'intéressé dans le cadre de l'accès au dossier des autorités nationales.

176.
    La Commission considère par ailleurs que c'est à tort que Miller fait valoir qu'elle aurait dû avoir accès à l'ensemble des documents administratifs non confidentiels qui ont trait à l'affaire.

3. Appréciation du Tribunal

177.
    Il y a lieu d'examiner le moyen invoqué par Miller tiré de la violation de ses droits de la défense uniquement en ce qui concerne sa première branche.

178.
    Il est constant entre les parties que, par sa lettre du 24 novembre 1998, la Commission a invité Miller a prendre position à l'égard des motifs sur la base desquels elle entendait fonder la décision attaquée et que Miller a pris position à l'égard de ces motifs par lettre du 22 janvier 1999.

179.
    Il convient toutefois de rappeler que le respect des droits de la défense exige non seulement que la partie intéressée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la pertinence des faits, mais également qu'elle puisse prendre position, à tout le moins, sur les documents retenus par l'institution communautaire (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 25, du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C-462/98 P, non encore publié au Recueil, points 36 et 37; arrêts France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, point 32, Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 80, et Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 63).

180.
    Il y a, dès lors, lieu de rechercher si, dans le cas d'espèce, Miller a eu l'occasion de prendre position à l'égard des documents sur lesquels la Commission a basé la décision attaquée.

181.
    La Commission affirme à ce sujet qu'elle a fondé la décision attaquée uniquement sur le dossier qui lui a été transmis par les autorités belges et dont la requérante a pu prendre connaissance, ainsi qu'il ressortirait de la déclaration de cette dernière du 24 avril 1998.

182.
    Il convient toutefois d'observer que, ainsi que le souligne Miller, le dossier des autorités belges ne comprenait pas le rapport de mission ni les annexes de ce rapport.

183.
    Or, il ressort clairement de la décision attaquée que celle-ci est fondée, au moins en partie, sur les constatations qui ont été faites au cours de cette mission de vérification et qui ont été précisées dans ledit rapport. En effet, aux cinquième et sixième considérants de la décision attaquée, il est précisé:

«Lors d'une vérification opérée en Turquie par des représentants des services de la Commission des Communautés européennes et des services douaniers de plusieurs États membres, il a été constaté à la fin de l'année 1993 que les autorités compétentes de la Turquie authentifiaient les certificats sans qu'aucun droit compensateur ne soit perçu. En effet, la Turquie n'a jamais prévu dans sa législation la perception d'un éventuel droit compensateur, cette situation ayant duré de 1973 jusqu'en 1994.

Sur la base des résultats de cette vérification, il a été constaté que, dans le cas d'espèce, les certificats présentés, visés par les douanes turques, étaient invalides, car ils se rapportaient en fait à des téléviseurs fabriqués en Turquie dont les composants d'origine tierce n'avaient été ni mis en libre pratique ni soumis audit prélèvement compensateur. En conséquence, ces produits ne pouvaient pas bénéficier du régime de la libre circulation lors de leur importation dans la Communauté.»

184.
    La Commission ne conteste pas que tel soit le cas. Elle considère, en revanche, que la communication du rapport de mission à la requérante n'était pas nécessaire, dans la mesure où il ne faisait que confirmer des faits dont cette dernière avait pu prendre connaissance dans le cadre de la procédure administrative devant les autorités belges.

185.
    Cette argumentation ne saurait être acceptée. En effet, il n'appartient pas à la Commission de se prononcer sur la pertinence ou l'intérêt que certains documents pourraient revêtir pour la défense d'une partie. Ainsi que le Tribunal l'a estimé dans son arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus (point 81), il ne saurait être exclu que les documents jugés non pertinents par la Commission puissent présenter un intérêt pour la requérante. Si la Commission était en mesure d'exclure unilatéralement de la procédure administrative des documents qui lui sont éventuellement préjudiciables, cela pourrait constituer une grave violation des droits de la défense du demandeur d'une remise des droits à l'importation (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 93).

186.
    De plus, l'affirmation de la Commission selon laquelle le rapport de mission ne faisait que confirmer des faits dont la requérante avait eu connaissance dans le cadre de la procédure administrative devant les autorités belges et qui n'étaient pascontestés ne saurait, à supposer même qu'elle soit exacte, justifier le refus de l'institution de communiquer ledit rapport. Il ne saurait en effet être exclu que le rapport de mission contienne un certain nombre d'éléments factuels permettant à la requérante de démontrer que, en l'espèce, elle pouvait prétendre à la remise des droits.

187.
    Enfin, dans la mesure où la Commission entendait baser la décision attaquée, au moins en partie, sur le rapport de mission, il lui incombait de s'assurer que Miller avait pu prendre utilement position à l'égard de ce document, dans le cadre soit de la procédure nationale, soit de la procédure devant elle. Or, il ressort clairement du dossier que Miller n'a eu accès à ce rapport dans aucune de ces procédures.

188.
    Quant à l'argument en défense fondé sur la déclaration de Miller selon laquelle le dossier transmis par les autorités belges à la Commission était complet et elle n'avait rien à y ajouter, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus au point 160, une telle pratique ne permet pas de garantir le respect des droits de la défense dans le cadre de la procédure devant la Commission.

189.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, Miller n'ayant pas été mise en mesure de prendre utilement position à l'égard du rapport de mission et de ses annexes, la Commission a violé les droits de la défense de cette partie.

II - Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 en ce que la Commission a constaté dans les décisions attaquées que la remise des droits n'était pas justifiée

A - Arguments des parties

190.
    Toutes les requérantes et les parties intervenantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a considéré, dans les décisions attaquées, que les conditions prévues par l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 en ce qui concerne la remise des droits de douane, à savoir, d'une part, l'existence d'une situation particulière et, d'autre part, l'absence de négligence manifeste ou de manoeuvre de la part de l'intéressé, n'étaient pas satisfaites en l'espèce.

191.
    La défenderesse conteste avoir commis une erreur d'appréciation en constatant, dans les décisions attaquées, que les conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 n'étaient pas satisfaites en l'espèce.

192.
    Elle rappelle que, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 poursuivent le même but, à savoir limiter le paiement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation aux cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de laconfiance légitime. Ainsi, la négligence manifeste ou la manoeuvre, au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, correspondrait au caractère décelable de l'erreur au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 (voir arrêts de la Cour du 1er avril 1993, Hewlett Packard France, C-250/91, Rec. p. I-1839, point 46, et du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T-75/95, Rec. p. II-497, point 55). De plus, dans la mesure où les conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 sont cumulatives, la présence ou non de situations particulières importerait peu lorsqu'il y a négligence manifeste ou manoeuvre de la part de l'intéressé. Enfin, elle fait observer que l'erreur de l'autorité douanière peut, dans certaines conditions, constituer une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79 (arrêt Hewlett Packard France, précité, points 42 à 44).

193.
    Au vu de cette jurisprudence, la défenderesse expose, en premier lieu, que, contrairement à ce que prétendent les requérantes et les parties intervenantes, la non-perception du prélèvement compensateur n'est pas due à une erreur imputable au comportement actif des autorités compétentes elles-mêmes, de sorte que ce fait ne constitue pas une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79.

194.
    Elle relève en effet que, ainsi qu'elle l'a constaté dans les décisions attaquées, les autorités douanières turques, lesquelles sont à considérer comme des autorités compétentes au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 (arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C-153/94 et C-204/94, Rec. p. I-2509, point 88), ont été induites en erreur par les déclarations inexactes des exportateurs turcs, lesquels avaient confirmé à la case 13 des certificats A.TR.1 que les conditions pour l'obtention de ces derniers étaient satisfaites. Or, ainsi qu'il ressortirait de la jurisprudence (voir notamment arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 92) et de l'article 4, point 2, sous c), du règlement n° 3799/86, ou, le cas échéant, de l'article 904 du règlement n° 2454/93, la présentation de bonne foi de certificats falsifiés ne constitue pas en soi une circonstance justifiant la remise.

195.
    De même, le fait que les autorités douanières n'ont pas contesté les documents ne pourrait fonder une confiance légitime, sauf si ces autorités étaient au courant de toutes les circonstances importantes et que l'importateur se fiait à ce qu'elles les connaissaient (arrêt Faroe Seafood e.a., cité au point 194 ci-dessus, points 93 à 95). Or, les requérantes n'auraient pu démontrer que tel était le cas en l'espèce.

196.
    En effet, contrairement à ce qu'affirment certaines requérantes et parties intervenantes, la gestion du programme d'incitation à l'exportation par les autorités douanières turques n'impliquerait pas que ces autorités délivraient les certificats litigieux en sachant que les téléviseurs contenaient des composants d'origine tierce qui n'avaient pas été mis en libre pratique en Turquie. Elle soutient que, dans la mesure où, outre des composants d'origine tierce, les fabricants turcs pouvaient également importer des composants d'origine communautaire en vertu du programme d'incitation à l'exportation, les autorités douanières turques pouvaientvalablement délivrer des certificats A.TR.1 pour des marchandises dans lesquelles de tels composants avaient été intégrés. Elle fait remarquer, de plus, que les documents relatifs au programme d'incitation à l'exportation, à savoir le «export promotion document» et les «export declarations», ne comportaient aucune indication précise quant au type, à l'origine ou à la valeur des composants effectivement intégrés dans les téléviseurs. Contrairement aux exportateurs turcs, les autorités douanières turques n'auraient pu, dès lors, connaître tous les faits pertinents.

197.
    La Commission fait observer à cet égard que, dans la mesure où l'existence de fausses déclarations de la part des exportateurs turcs était établie et qu'une dette douanière était née, ce n'est pas à elle mais aux requérantes qu'il incombait de démontrer que les autorités douanières turques n'avaient pas été induites en erreur par ces déclarations.

198.
    La Commission fait valoir ensuite que le défaut de transposition par le législateur turc de la réglementation relative au prélèvement compensateur n'a pas pu faire naître pour les requérantes une confiance légitime dans la régularité des certificats A.TR.1. En effet, cette circonstance n'aurait pas empêché les exportateurs soit de renoncer à l'obtention de tels certificats, soit, ainsi que la Commission l'a souligné dans les décisions attaquées, de remplir d'une autre manière les conditions de cette obtention, à savoir en mettant en libre pratique les composants d'origine tierce au moment de leur importation en Turquie.

199.
    De même, la Commission considère que, s'il était admis que l'apposition d'un visa par les autorités douanières turques sur les certificats A.TR.1 pouvait engendrer une confiance légitime pour les requérantes, cela aurait pour conséquence, d'une part, de rendre impossible tout recouvrement a posteriori des droits de douane et, d'autre part, de nier l'existence d'un risque commercial pour les opérateurs économiques.

200.
    Enfin, la Commission estime que, en ce qui concerne la notion d'«autorités compétentes» au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, il convient de ne pas confondre les autorités turques en général et les autorités douanières turques. Elle expose que l'article susvisé ne vise que l'erreur commise par les «autorités compétentes elles-mêmes», c'est-à-dire les autorités douanières (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Mecanarte, C-348/89, Rec. p. I-3277). Elle souligne également qu'il ressortirait des motifs des décisions attaquées que celle-ci ne vise que l'erreur des autorités douanières turques. Elle conteste enfin l'existence d'une connivence tacite entre les autorités douanières et les autorités politiques turques.

201.
    La Commission estime, en deuxième lieu, que, ainsi qu'elle l'a constaté dans les décisions attaquées, l'erreur des autorités douanières turques, à savoir la non-perception du prélèvement compensateur, était clairement décelable par les requérantes, de sorte qu'il y a lieu de leur reprocher une négligence manifeste.

202.
    Elle expose qu'il ressort clairement du protocole additionnel et des dispositions figurant au verso des certificats A.TR.1 que certaines conditions doivent être satisfaites pour l'obtention desdits certificats.

203.
    De plus, en vertu de l'article 9 de la décision n° 5/72, précitée, les autorités douanières du pays d'importation pourraient exiger, outre le certificat, une déclaration de l'importateur attestant que les marchandises remplissent les conditions requises pour l'application des dispositions du protocole additionnel.

204.
    Au vu de ces dispositions et en vertu de leur devoir de diligence, les requérantes auraient dû se renseigner pour savoir si les conditions précitées avaient été satisfaites et exiger de leurs fournisseurs, sous forme de condition résolutoire, qu'ils indiquent l'origine et le statut douanier des composants intégrés dans les téléviseurs en cause.

205.
    Selon la Commission, cette conclusion s'impose d'autant plus que toutes les requérantes avaient une expérience professionnelle plus ou moins grande en ce qui concerne l'importation de téléviseurs d'origine turque.

206.
    La Commission conteste, à cet égard, l'argument du gouvernement allemand selon lequel il ne saurait être exigé des exportateurs et importateurs qu'ils soient mieux informés et fassent preuve de plus de diligence que l'État turc, la défenderesse ou le conseil d'association. Elle souligne que ce sont les opérateurs économiques qui doivent assumer la responsabilité des transactions commerciales qu'ils effectuent puisqu'eux seuls connaissent la composition et le statut douanier des produits qu'ils importent ou exportent ou doivent s'informer sur ces éléments.

207.
    La défenderesse se réfère, à cet égard, à l'arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Pascoal & Filhos (C-97/95, Rec. p. I-4209, point 59), dans lequel la Cour a considéré que, «dans son évaluation des avantages que peut procurer le commerce de marchandises susceptibles de bénéficier de préférences tarifaires, un opérateur économique avisé et averti de l'état de la réglementation doit tenir compte des risques inhérents au marché qu'il prospecte et les accepter comme rentrant dans la catégorie des inconvénients normaux du négoce». Elle estime que, contrairement à ce qu'affirme la République française, la référence à cet arrêt serait pertinente dans la mesure où la Cour aurait répondu à la question de savoir si le fait d'imposer à un importateur de bonne foi le paiement des droits dus pour une marchandise à l'égard de laquelle l'exportateur a commis une infraction douanière dans laquelle l'importateur n'a eu aucune part est contraire aux principes de justice, de non-enrichissement aux dépens d'autrui, de proportionnalité, de sécurité juridique et de bonne foi.

208.
    Dans la mesure où il était établi qu'une des conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, à savoir l'absence de négligence manifeste, n'était pas satisfaite, la Commission considère que c'est à bon droit qu'elle a décidé dans les décisions attaquées que la remise des droits à l'importation n'était pas justifiée.

209.
    C'est, dès lors, à titre subsidiaire que la Commission conteste les arguments des requérantes quant à l'existence de situations particulières résultant de circonstances autres que l'erreur des autorités douanières turques.

210.
    Elle relève à cet égard que, pour qu'une circonstance puisse être considérée comme une «situation particulière» au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, il faut qu'il y ait un lien de causalité entre cette circonstance et la délivrance ou la reconnaissance des certificats de circulation de marchandises qui soit à la base de la confiance légitime du redevable. Or, en l'espèce, la non-perception du prélèvement compensateur et, partant, l'invalidité des certificats A.TR.1 résulteraient uniquement du fait que les autorités douanières turques avaient été induites en erreur par les déclarations inexactes des exportateurs turcs. Ils ne présenterait, dès lors, aucun lien de causalité avec les autres circonstances invoquées par les requérantes, notamment les prétendus manquements des autorités turques, de la Commission et du conseil d'association ou le paiement a posteriori du prélèvement compensateur par les exportateurs turcs.

211.
    Par ailleurs, la Commission conteste l'exactitude de ces affirmations.

212.
    Elle considère ainsi que, contrairement à ce qu'affirment certaines requérantes, elle n'a pas manqué à ses obligations dans le cadre de l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel.

213.
    Elle fait observer que sa première communication «Assistance mutuelle» aux États membres a été envoyée en janvier 1989, à la suite d'une plainte d'une association de fabricants communautaires, laquelle faisait état de subsides au profit des producteurs turcs, du non-paiement des droits de douane sur les composants d'origine tierce et de possibles pratiques de dumping. En l'absence de réponse des États membres, la Commission leur aurait envoyé une deuxième communication «Assistance mutuelle» en février 1991 et aurait convoqué les États membres concernés à une réunion qui se serait tenue à Bruxelles en mars 1991, et au cours de laquelle aurait été envisagée la possibilité d'une mission de vérification en Turquie. Une deuxième réunion aurait eu lieu à Bruxelles en février 1992, au cours de laquelle il aurait été constaté que certains composants utilisés pour la fabrication des téléviseurs étaient d'origine sud-coréenne ou japonaise. Ensuite, par lettre du 9 août 1992, la Commission aurait demandé formellement l'assistance des autorités turques et la tenue d'une réunion en vue de préparer une mission de vérification qui devait avoir lieu en Turquie avant la fin de l'année. Au cours de ladite réunion, qui a eu lieu en février 1993, la Commission aurait été informée pour la premièrefois de ce que le prélèvement compensateur n'avait pas été mis en place par la république de Turquie. À la même période, la Commission aurait fait une troisième communication «Assistance mutuelle» aux États membres, leur demandant de vérifier la validité des certificats A.TR.1. Enfin, la mission communautaire, prévue initialement pour avril 1993, aurait eu lieu en octobre et en novembre 1993.

214.
    Elle estime, dès lors, qu'elle a pris, avec la célérité requise, toutes les mesures nécessaires et possibles qui s'imposaient dans le cas d'espèce, alors que seuls les États membres avaient la compétence suffisante pour appliquer la réglementation douanière communautaire et en vérifier l'application, ce qui relevait de leur responsabilité.

215.
    Quant au fait que les fabricants turcs ont payé les prélèvements compensateurs a posteriori à la suite d'une demande de leurs autorités nationales, la défenderesse fait valoir, d'une part, que cette circonstance n'a pas eu pour conséquence d'éteindre la dette douanière née de l'importation des téléviseurs et, d'autre part, que ce paiement ne semble pas avoir été mis en oeuvre de manière satisfaisante par les autorités turques.

B - Appréciation du Tribunal

1. Observations liminaires

a) Sur la portée de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79

216.
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 constitue une clause générale d'équité (voir, notamment, arrêt de la Cour du 15 décembre 1983, Schoeller & Söhne/Commission, 283/82, Rec. p. 4219, point 7).

217.
    En vertu de cette disposition, le redevable qui démontre, d'une part, l'existence d'une situation particulière et, d'autre part, l'absence de négligence manifeste et de manoeuvre de sa part, a droit à la remise des droits de douane (voir, en ce sens, arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 134).

218.
    Il ressort de la jurisprudence que l'existence d'une situation particulière est établie lorsqu'il ressort des circonstances de l'espèce que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité (voir arrêts de la Cour du 25 février 1999, Trans-Ex-Import, C-86/97, Rec. p. I-1041, points 21 et 22, et du 7 septembre 1999, De Haan, C-61/98, Rec. p. I-5003, points 52 et 53) et que, en l'absence de ces circonstances, il n'aurait pas subi le préjudice lié à la prise en compte a posteriori des droits de douane (arrêt de la Cour du 26 mars 1987, Coopérative agricole d'approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22).

219.
    Quant à la condition relative à l'absence de négligence manifeste ou de manoeuvre de la part de l'intéressé, la Cour a considéré dans son arrêt Hewlett Packard France, cité au point 192 ci-dessus (point 46), que l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 et l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 poursuivent le même but, à savoir limiter le paiement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation aux cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de la confiance légitime. Dans cette perspective, le caractère décelable de l'erreur, au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, correspond à la négligence manifeste ou à la manoeuvre, au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79, de sorte que les conditions de cette disposition du règlement n° 1430/79 doivent être appréciées à la lumière de celles de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79.

220.
    Enfin, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, sont cumulatives (arrêt Günzler Aluminium/Commission, cité au point 192 ci-dessus, point 54, et arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Covita, C-370/96, Rec. p. I-7711, point 29), la remise doit être refusée dès qu'une de ces conditions fait défaut.

b) Sur la marge d'appréciation de la Commission en ce qui concerne la satisfaction des conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79

221.
    Il convient de relever que tout organe communautaire qui entend adopter une décision doit, à cette fin, tenir compte de l'ensemble des données de fait pertinentes dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions sous peine de l'illégalité de la décision pour erreur d'appréciation. Sont pertinentes dans un cas particulier les données de fait susceptibles d'être prises en compte dans le cadre de l'application des réglementations concernées.

222.
    Ainsi, il ressort de la jurisprudence que, afin de déterminer si les circonstances de l'espèce sont constitutives d'une situation particulière n'impliquant ni négligence manifeste ni manoeuvre de la part de l'intéressé au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, la Commission doit apprécier l'ensemble des données de fait pertinentes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Oryzomyli Kavallas e.a./Commission, 160/84, Rec. p. 1633, point 16, et arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, points 34 et 36).

223.
    Cette obligation implique que, dans des cas comme ceux en cause dans lesquels les redevables ont invoqué, à l'appui de leurs demandes de remise, l'existence de manquements graves des parties contractantes dans l'application d'un accord liant la Communauté, la Commission porte son appréciation quant à la justification de ces demandes sur l'ensemble des éléments factuels relatifs aux importations litigieuses dont elle a eu connaissance dans le cadre de sa fonction de surveillance et de contrôle de l'application de cet accord.

224.
    De même, la Commission ne saurait, au vu de l'obligation évoquée ci-dessus aux points 221 et 222 et du principe d'équité qui est à la base de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, faire abstraction des informations pertinentes dont elle a pris connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, bien que ne faisant pas partie du dossier administratif au stade de la procédure nationale, auraient éventuellement pu justifier une remise à l'égard des parties intéressées.

225.
    En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu'il ressort de l'arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus (point 133), si la Commission jouit d'une marge d'appréciation en ce qui concerne l'application de l'article 13 du règlement n° 1430/79 (arrêt France-aviation/Commission, cité au point 139 ci-dessus, point 34), elle est tenue d'exercer ce pouvoir en mettant réellement en balance, d'une part, l'intérêt de la Communauté à s'assurer du respect des dispositions douanières et, d'autre part, l'intérêt de l'importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire. Par suite, lors de son examen de la justification d'une demande de remise, elle ne saurait se contenter de tenir compte des agissements des importateurs. Elle doit également évaluer l'incidence de son propre comportement, le cas échéant fautif, sur la situation créée.

226.
    Dès lors, afin d'examiner la question de savoir si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, dans les décisions attaquées, que les conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, n'étaient pas satisfaites, il convient de se référer à l'ensemble des documents qui ont trait à l'application des dispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel en ce qui concerne l'importation de téléviseurs couleur en provenance de Turquie durant la période litigieuse et dont la Commission avait connaissance au moment où elle a pris lesdites décisions.

227.
    C'est au vu de ces documents, qui ont été produits par la Commission à la suite de la mesure d'organisation de la procédure du 29 octobre 1999, qu'il convient de rechercher si, d'une part, les circonstances de l'espèce sont constitutives d'une situation particulière et, d'autre part, il y a lieu de reprocher une négligence manifeste ou une manoeuvre aux requérantes.

2. Sur la satisfaction des conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79

a) Sur l'existence d'une situation particulière

228.
    En l'espèce, toutes les requérantes ont fait valoir, à l'appui de leur demande de remise, l'existence de graves manquements des parties contractantes dans l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel. Ces manquements seraient constitutifs d'une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79.

229.
    La Commission ne conteste pas que les autorités turques ont commis un certain nombre de manquements dans l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel. Elle considère toutefois que ces manquements ne sont pas à l'origine des irrégularités ayant affecté les importations litigieuses. En effet, selon la Commission, l'erreur des autorités douanières turques provient du fait que ces autorités ont été induites en erreur par les exportateurs turcs.

230.
    Il convient toutefois de relever, à titre liminaire, que le fait que les autorités douanières turques auraient été induites en erreur par les exportateurs turcs ne permet pas, en tant que tel, d'exclure que les circonstances de l'espèce puissent être constitutives d'une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79.

231.
    Il est vrai que, ainsi que la Cour a considéré dans son arrêt Mecanarte, cité au point 200 ci-dessus (points 23 et 24), la confiance légitime du redevable n'est digne de la protection prévue à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 que si ce sont les autorités compétentes elles-mêmes qui ont créé la base sur laquelle reposait la confiance du redevable. Ainsi, seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes et qui n'ont pu être raisonnablement décelées par le redevable ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane. Cette condition ne peut être considérée comme remplie lorsque les autorités compétentes sont induites en erreur, notamment sur l'origine de la marchandise, par des déclarations inexactes du redevable dont elles n'ont pas à vérifier ou à apprécier la validité. En pareil cas, c'est le redevable qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, supporte le risque provenant d'un document commercial qui se révèle faux lors d'un contrôle ultérieur.

232.
    Il convient toutefois de souligner que ces considérations ont spécifiquement trait à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79.

233.
    Or, ainsi que le Tribunal l'a rappelé dans son arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus (point 136 à 139), s'il est vrai que l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 et l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 poursuivent le même but, ces dispositions ne coïncident pas. Le premier a en effet une finalité plus restreinte que le second, dans la mesure où il a uniquement pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l'ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane (arrêt Faroe Seafood e.a., cité au point 194 ci-dessus, point 87). En revanche, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 constitue une clause générale d'équité.

234.
    Ainsi, lorsque des autorités compétentes, telles les autorités douanières turques, n'ont pas pris en compte des droits de douane en raison du fait qu'elles ont été induites en erreur par les déclarations des exportateurs turcs, le redevable ne peut invoquer l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. De même, ainsi qu'ilressort des articles 4, point 2, sous c), du règlement n° 3799/86 et 904, sous c), du règlement n° 2454/93, le redevable ne peut faire valoir que la présentation des certificats invalides et, partant, l'erreur de ces autorités compétentes constituent, en soi, une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 (voir, également en ce sens, arrêts Van Gend & Loos/Commission, cité au point 141 ci-dessus, point 16, et Pascoal & Filhos, cité au point 207 ci-dessus, points 57 à 60).

235.
    En revanche, ces dispositions n'empêchent pas le redevable d'invoquer d'autres circonstances à l'appui de sa demande de remise sur la base de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 (voir, en ce sens, arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, points 163 et 164). En effet, il ne saurait, à titre d'exemple, être exclu que l'erreur des autorités compétentes ait elle-même été facilitée par un contrôle déficient de la part de la Commission de l'application des dispositions de l'accord d'association. Or, ainsi qu'il ressort de l'arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, une telle circonstance peut être constitutive d'une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79.

236.
    Dès lors qu'il est établi que le fait que les autorités douanières turques aient été induites en erreur par les exportateurs turcs n'exclut pas, en tant que tel, l'existence d'une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, il convient de rechercher si les circonstances de l'espèce sont constitutives d'une telle situation.

Sur les manquements imputables aux autorités turques

237.
    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 7 de l'accord d'association, il incombe aux parties contractantes de prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de l'accord et de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts de celui-ci. Cette disposition est l'expression du principe pacta sunt servanda ainsi que du principe de bonne foi qui doit guider le comportement des parties à un accord de droit international public (arrêt du Tribunal du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T-115/94, Rec. p. II-39, point 90).

238.
    Or, il convient de rappeler, en premier lieu, que, pendant plus de 20 ans, les autorités turques n'ont pas transposé la réglementation relative au prélèvement compensateur telle que prévue à l'article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel et la décision n° 2/72, précitée. En l'absence d'une telle transposition, les autorités douanières turques ne pouvaient légitimement délivrer des certificats A.TR.1 pour des marchandises, tels les téléviseurs couleur, dans lesquelles avaient été intégrés des composants d'origine tierce qui n'étaient pas en libre pratique en Turquie.

239.
    En deuxième lieu, il y a lieu de relever que les autorités turques ont mis en place, durant la période litigieuse, des mesures qui, soit ne respectaient pas lesdispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel, soit ne permettaient pas d'assurer une correcte application de ces dispositions en ce qui concerne l'exportation de marchandises (y inclus les téléviseurs couleur) à destination de la Communauté.

240.
    Ainsi, il n'est pas contesté que le gouvernement turc a adopté, en juin 1992, deux décrets dont les dispositions étaient clairement contraires à l'accord d'association et au protocole additionnel.

241.
    Le décret 92/3177, précité, prévoyait, en violation de l'article 3, paragraphe 1, du protocole additionnel et de la décision n° 2/72, précitée, qu'un prélèvement compensateur ne devait être perçu sur les composants d'origine tierce intégrés dans les téléviseurs à destination de la Communauté que s'il ressortait d'un rapport d'expertise que la valeur de ces composants était supérieure à 56 % de la valeur fob totale des téléviseurs.

242.
    Il importe peu à cet égard que, ainsi que l'affirme la Commission, ce décret n'ait jamais été appliqué par les autorités turques. En effet, l'adoption délibérée d'une mesure contraire aux dispositions du protocole additionnel et à une décision du conseil d'association constitue, en tant que telle, une violation de l'obligation prévue à l'article 7 de l'accord d'association. Cette constatation s'impose d'autant plus que, ainsi qu'il ressort de la lettre du 28 juillet 1992 par laquelle les autorités turques ont communiqué une copie de ce décret au conseil d'association, l'adoption dudit décret visait à dissiper les inquiétudes exprimées par la Communauté en ce qui concerne l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel aux exportations de téléviseurs couleur en provenance de Turquie.

243.
    Quant au décret 92/3127, précité, lequel introduisait un taux nul pour l'importation de tubes cathodiques pour téléviseurs couleur en provenance de la Communauté ou de pays tiers, il ressort du rapport de mission que, contrairement à ce que prévoit l'accord d'association, la république de Turquie n'a pas avisé la Communauté de son intention d'adopter une telle mesure.

244.
    Il est par ailleurs incontesté que les autorités turques avaient mis en place, durant la période litigieuse, le programme d'incitation à l'exportation, lequel permettait l'importation en franchise de droits de composants d'origine tierce à condition que ces composants soient intégrés dans des marchandises exportées par la suite vers la Communauté ou des pays tiers. En l'absence de transposition de la réglementation relative au prélèvement compensateur par les autorités turques, aucun composant d'origine tierce importé en vertu de ce programme ne pouvait être intégré dans des marchandises à destination de la Communauté dès lors que les autorités douanières turques n'étaient pas en mesure de percevoir les prélèvements compensateurs sur de tels composants.

245.
    Or, il ressort du rapport de mission que les principaux composants d'origine tierce qui ont été intégrés dans les téléviseurs à destination de la Communauté durant la période litigieuse ont été importés en franchise de droits en vertu du programme d'incitation à l'exportation.

246.
    De plus, la Commission a souligné à plusieurs reprises dans ses mémoires et à l'audience que, malgré leur tâche de supervision et de contrôle du programme d'incitation à l'exportation, les autorités douanières turques ayant délivré les certificats A.TR.1 ne disposaient d'aucune indication précise sur le type, l'origine ou la valeur des composants effectivement intégrés dans les téléviseurs à destination de la Communauté. En effet, selon la Commission, le programme d'incitation à l'exportation s'appliquait à la valeur totale des composants importés et aucun document ne permettait d'établir un lien direct entre les différents éléments importés et l'appareil ainsi assemblé, destiné à l'exportation.

247.
    Cette circonstance mérite une attention particulière. Elle confirme en effet que les autorités turques avaient instauré un régime d'aide ne permettant pas à leurs autorités douanières, pourtant chargées de la supervision et du contrôle de ce régime, de vérifier que son utilisation ne contrevenait pas aux dispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel. Une telle circonstance a indubitablement contribué au fait que, ainsi que l'affirme la Commission, les autorités douanières turques ayant délivré les certificats A.TR.1 ont pu éventuellement être induites en erreur par les déclarations des exportateurs turcs.

248.
    Il semble toutefois douteux que ces autorités douanières aient effectivement été induites en erreur par les déclarations des exportateurs.

249.
    Contrairement à ce qu'affirme la Commission, le seul fait que les exportateurs turcs ont confirmé à la case 13 des certificats A.TR.1 que les conditions pour l'obtention de ces derniers étaient satisfaites ne constitue pas, en soi, une preuve de ce que les autorités douanières turques ayant délivré lesdits certificats ont été induites en erreur. Ainsi qu'il ressort également de l'arrêt Faroe Seafood e.a., cité au point 194 ci-dessus (point 95), afin de déterminer si les autorités compétentes ont été induites en erreur par les déclarations des exportateurs, il convient de vérifier si ces derniers ont fait ces déclarations en se fiant à ce que les autorités compétentes connaissaient toutes les données factuelles nécessaires à l'application de la réglementation douanière en cause et si, nonobstant cette connaissance, ces autorités n'ont soulevé aucune objection en ce qui concerne ces déclarations. En effet, s'il est établi que les autorités compétentes avaient connaissance de toutes les données factuelles nécessaires à l'application de la réglementation douanière, il est évident que ces autorités n'ont pas pu être induites en erreur par les déclarations des exportateurs.

250.
    Or, un certain nombre de requérantes ont pu établir avec une certaine vraisemblance que, notamment sur la base des indications reprises sur les déclarations d'exportation et les certificats A.TR.1 et en raison de leur fonction desurveillance de l'application du programme d'incitation à l'exportation, ces autorités étaient ou, à tout le moins, auraient dû être au courant de la présence, dans les téléviseurs couleur, de composants d'origine tierce importés en vertu dudit programme.

251.
    Cette conclusion s'impose d'autant plus que, ainsi qu'il ressort du rapport de mission, c'est sur la base des documents douaniers à l'importation et à l'exportation que la mission de vérification a pu permettre d'établir l'importation en franchise de droits des composants d'origine tierce suivie de l'exportation des produits finis conformément au programme d'incitation à l'exportation. A fortiori, les autorités douanières turques, qui ont visé ces documents, auraient pu faire une constatation similaire. Le fait qu'elles ne disposaient pas des déclarations d'importation, ainsi que l'affirme la Commission, ne fait que confirmer le fonctionnement déficient de ces services.

252.
    La Commission a, par ailleurs, reconnu explicitement à l'audience que les autorités douanières centrales turques étaient au courant de la présence de composants d'origine tierce importés en vertu du programme d'incitation à l'exportation dans les téléviseurs couleur exportés en franchise de droits vers la Communauté sur la base de certificats A.TR.1. Or, contrairement à ce qu'affirme la Commission, la notion d'«autorités compétentes» ne se limite pas aux seules autorités douanières ayant délivré les certificats A.TR.1. En effet, ainsi qu'il ressort de l'arrêt Mecanarte, cité au point 200 ci-dessus (point 22), «en l'absence de définition précise et exhaustive des 'autorités compétentes‘ donnée par le règlement n° 1697/79 ou par le règlement n° 1573/80 pris pour son application, en vigueur à l'époque où les faits qui sont à la base de l'affaire au principal se sont produits, toute autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits de douane et peut ainsi susciter la confiance légitime du redevable doit être regardée comme une 'autorité compétente‘ au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. Il en va notamment ainsi des autorités douanières de l'État membre exportateur qui interviennent au sujet de la déclaration en douane».

253.
    En dernier lieu, il ressort du dossier que les autorités turques ont mis beaucoup de temps avant de coopérer activement avec la défenderesse afin de résoudre les problèmes relatifs à l'importation des téléviseurs couleur en provenance de Turquie.

254.
    Ainsi, il ressort du rapport de mission que, malgré une demande officielle de coopération administrative adressée le 12 août 1992 aux autorités turques, l'organisation d'une mission de vérification en Turquie a été reportée à maintes reprises à la suite du refus de ces autorités. Cette mission n'a finalement pu avoir lieu qu'à la fin de l'année 1993, soit un an et demi plus tard.

255.
    De même, alors qu'il ressort de la lettre du 28 juillet 1992 adressée au conseil d'association par les autorités turques que celles-ci savaient que leur réglementation n'était pas conforme à l'accord d'association dans la mesure où elle ne prévoyait pas de prélèvement compensateur, les mesures nécessaires n'ont été adoptées et appliquées que dans le courant de l'année 1994.

256.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les autorités turques ont commis de graves manquements dans l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel. Ces manquements ont indubitablement contribué à la survenance des irrégularités en ce qui concerne les exportations de téléviseurs en provenance de Turquie à destination de la Communauté. Ils permettent également de douter de la volonté des autorités turques d'assurer la correcte application des dispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel en ce qui concerne ces exportations.

Sur les manquements imputables à la Commission

257.
    En vertu de l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE) et du principe de bonne administration, la défenderesse avait l'obligation d'assurer une correcte application de l'accord d'association et du protocole additionnel [dans un même sens, voir arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 165 (obligation de contrôle du contingent de viande «Hilton Beef»), ainsi que, mais de manière moins explicite, arrêt de la Cour du 15 janvier 1987, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 97, point 17 (en ce qui concerne le contingent de manioc importé dans le cadre de l'accord CEE-Thaïlande)].

258.
    Cette obligation résultait également de l'accord d'association (voir notamment les articles 6, 7 et 25) ainsi que des différentes décisions adoptées par le conseil d'association en ce qui concerne l'application des articles 2 et 3 du protocole additionnel. Ainsi, l'article 4 de la décision n° 3/72, précitée, fixant les modalités de perception du prélèvement compensateur, prévoit que «[l]a Communauté et la [république de] Turquie s'informent mutuellement et informent le conseil d'association des mesures qu'elles prennent en vue de l'application uniforme de la présente décision». De même, l'article 12 de la décision n° 5/72, précitée, prévoit que «[l]a [république de] Turquie, les États membres et la Communauté prennent, chacun en ce qui le concerne, les mesures que comporte l'exécution des dispositions de la décision».

259.
    En outre, il y a lieu de constater que la Commission est représentée au sein du conseil d'association (article 23 de l'accord d'association) et qu'elle participe, en tant que représentant de la Communauté, aux différents comités, notamment le comité de coopération douanière, institués par ce conseil (article 24). De plus, la Commission dispose d'une représentation permanente en Turquie qui lui permet d'être informée, de manière fiable, sur les évolutions politiques, juridiques et économiques dans cet État.

260.
    Or, il ressort du dossier que des défaillances certaines imputables à la Commission peuvent être constatées en ce qui concerne le contrôle de l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel.

261.
    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, qu'il incombait à la Commission de vérifier, dans le cadre de sa tâche de contrôle de l'application de l'accord d'association, que les autorités turques avaient transposé, de manière correcte, les dispositions du protocole additionnel relatives au prélèvement compensateur. Or, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus au point 238, les autorités turques ont attendu plus de 20 ans avant de transposer ces dispositions dans leur législation.

262.
    De même, il incombait à la Commission de s'assurer que l'ensemble de la réglementation avait bien été porté à la connaissance des opérateurs communautaires de façon à permettre son entrée en vigueur vis-à-vis de ces derniers. Or, ainsi qu'un certain nombre de requérantes et de parties intervenantes ont fait observer, tant la décision n° 2/72, précitée (fixant le taux du prélèvement compensateur), que la décision n° 3/72, précitée (fixant les modalités de perception du prélèvement compensateur), n'avaient pas été publiées au Journal officiel, ce que la défenderesse ne conteste pas.

263.
    En deuxième lieu, il ressort du dossier que, alors qu'elle disposait d'informations concordantes quant à l'existence de problèmes relatifs à l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel par les autorités turques, elle a réagi avec lenteur à ces informations.

264.
    Ainsi, la Commission a été informée dès 1987 ou, au plus tard, par la plainte déposée le 5 octobre 1988 par la European Association of Consumer Electronics Manufacturers (EACEM) que les dispositions de l'accord d'association et du protocole additionnel n'étaient vraisemblablement pas respectées en ce qui concerne les exportations de téléviseurs couleur en provenance de Turquie.

265.
    Or, après avoir envoyé une première communication «Assistance mutuelle» aux États membres en janvier 1989, la Commission a attendu deux années avant de prendre de nouvelles mesures, à savoir l'envoi d'une deuxième communication «Assistance mutuelle» en février 1991 et l'organisation d'une réunion avec les représentants des États membres concernés en mars 1991.

266.
    Ensuite, elle a attendu jusqu'au mois d'août 1992 avant d'informer les autorités turques de l'existence de problèmes en ce qui concerne l'exportation des téléviseurs couleur en provenance de Turquie et de solliciter, à cet égard, une coopération administrative de la part de ces autorités.

267.
    De plus, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a affirmé qu'elle a eu, pour la première fois, connaissance de la non-transposition de laréglementation relative au prélèvement compensateur par les autorités turques à l'occasion d'une réunion avec celles-ci en février 1993, c'est-à-dire plus de 20 ans après l'adoption du protocole additionnel. Il convient toutefois de relever que, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, les autorités turques avaient informé le conseil d'association et la Commission, dès le mois de juillet 1992, de l'adoption de mesures prévoyant la perception d'un prélèvement compensateur sur les composants d'origine tierce intégrés dans les téléviseurs à destination de la Communauté en violation du protocole additionnel et de la décision n° 2/72, précitée. Une telle information aurait dû conduire la Commission à s'interroger enfin sur l'application qui était faite par les autorités turques de la réglementation relative au prélèvement compensateur.

268.
    En troisième lieu, il convient de relever que la Commission a manqué à son obligation de diligence en n'avertissant pas, au plus vite, les importateurs communautaires (en ce compris les requérantes) des risques potentiels qu'ils encouraient en important des téléviseurs couleur en provenance de Turquie. Il ressort en effet du dossier que, jusqu'à la fin de 1992, les requérantes n'ont jamais été informées des problèmes relatifs à l'application du protocole additionnel dans le cadre de l'importation de téléviseurs couleur en provenance de Turquie et des doutes que les différentes instances communautaires et nationales avaient sur la validité des certificats A.TR.1.

269.
    En dernier lieu, il est manifeste que la Commission a manqué à ses obligations en ne s'adressant pas en temps utile au conseil d'association et aux différentes instances relevant de ce dernier, notamment le comité de coopération douanière, afin de clarifier la situation et de prendre, si nécessaire, les mesures qui s'imposaient afin d'obtenir le respect par les autorités turques des termes de l'accord d'association et du protocole additionnel. Il ressort ainsi du dossier que les problèmes relatifs aux exportations de téléviseurs couleur en provenance de Turquie ont été évoqués pour la première fois à la réunion du comité de coopération douanière qui a eu lieu le 3 décembre 1992 et que cette réunion était la première après une interruption de près de dix ans. De même, il ressort de la réponse de la Commission à une demande écrite du Tribunal que le conseil d'association ne s'est, apparemment, pas réuni avant février 1993.

270.
    Par ailleurs, il y a lieu d'observer que la Commission a omis de faire usage de la procédure de résolution des litiges prévue à l'article 25 de l'accord d'association. Dans la logique de cet accord, la défenderesse aurait d'abord dû faire usage de cette procédure, avant de déclarer que les certificats A.TR.1 délivrés par les autorités douanières turques étaient invalides. Cette conclusion s'impose d'autant plus que, ainsi que la Commission l'a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal, l'accord d'association ne prévoit pas la possibilité pour une partie contractante de déclarer invalides les certificats émis par les autorités douanières de l'autre partie contractante. En outre, une telle façon de procéder semble difficilement conciliable avec le système de répartition de compétences entre les autorités douanières des parties à l'accord et le principe selon lequell'administration douanière de l'État d'importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l'État d'exportation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards, 218/83, Rec. p. 3105, point 26, et du 7 décembre 1993, Huygen e.a., C-12/92, Rec. p. I-6381, points 24 et 25).

271.
    À cet égard, l'argument avancé par la Commission selon lequel sa position s'expliquerait par les tensions qui ont caractérisé, pendant un certain temps, les rapports entre la Communauté et la république de Turquie ne saurait être accepté.

272.
    Il convient, en effet, de relever que l'existence de telles tensions ne dispense pas la Commission, en tant que gardienne du traité et des accords conclus en vertu de celui-ci, de s'assurer de la correcte application par un pays tiers des obligations qu'il a contractées en vertu d'un accord conclu avec la Communauté par le biais des moyens prévus par l'accord ou par les décisions prises en vertu de celui-ci. Si, en raison de tensions, elle n'est pas en mesure de satisfaire à cette obligation, notamment parce que les moyens mis à sa disposition s'avèrent inopérants ou inefficaces, il lui incombe, à tout le moins, d'informer au plus vite les États membres des mesures à prendre afin d'éviter un éventuel préjudice pour la Communauté et les opérateurs communautaires. En aucun cas, la Commission ne saurait utiliser la compétence exclusive dont elle dispose en matière de recouvrement et de remise des droits à l'importation pour pallier les défaillances dans l'application d'un accord conclu entre la Communauté et un pays tiers.

273.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission a commis de graves manquements dans le cadre de son contrôle de l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel et que ces manquements ont contribué à la survenance des irrégularités en ce qui concerne l'importation des téléviseurs couleur en provenance de Turquie durant la période litigieuse.

Sur les manquements imputables au conseil d'association

274.
    En ce qui concerne le conseil d'association, il suffit de constater que, conformément à l'article 22 de l'accord d'association, celui-ci a pour mission principale de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer le bon fonctionnement dudit accord et le respect de celui-ci par les parties contractantes.

275.
    Or, il est manifeste que, pendant plus de 20 ans, le conseil d'association n'a pris aucune mesure afin d'assurer le respect par la république de Turquie des dispositions relatives au prélèvement compensateur.

b) Sur l'absence de négligence manifeste ou de manoeuvre

276.
    Il est constant entre les parties que les requérantes n'ont pas commis de manoeuvre.

277.
    En revanche, les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant dans les décisions attaquées qu'il y avait lieu de leur reprocher une négligence manifeste dans la mesure où la réglementation était connue et relativement simple quant aux conditions de délivrance d'un certificat de circulation A.TR.1, de sorte qu'elles ne pouvaient pas l'ignorer, et que, en tant qu'opérateurs diligents, elles auraient dû avoir de sérieux doutes sur la validité des certificats litigieux.

278.
    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que le caractère décelable de l'erreur, au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, correspond à la négligence manifeste ou à la manoeuvre, visées par l'article 13 du règlement n° 1430/79.

279.
    Il découle également de la jurisprudence que, afin d'apprécier le caractère décelable de l'erreur au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, il convient de tenir compte, notamment, de la nature précise de l'erreur, de l'expérience professionnelle et de la diligence de l'opérateur (voir, également en ce sens, arrêts de la Cour Deutsche Fernsprecher, cité au point 148 ci-dessus, point 24, du 8 avril 1992, Beirafrio, C-371/90, Rec. p. I-2715, point 21, du 16 juillet 1992, Belovo, C-187/91, Rec. p. I-4937, point 17, et Hewlett Packard France, cité au point 192 ci-dessus, point 22; voir, en ce qui concerne l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79, arrêt Söhl & Söhlke, cité au point 26 ci-dessus, points 51 à 60). Cette appréciation doit se faire au vu des circonstances particulières de l'espèce (arrêt Faroe Seafood e.a., cité au point 194 ci-dessus, point 101).

280.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si la Commission a pu considérer à juste titre qu'il y avait lieu de reprocher une négligence manifeste aux requérantes.

281.
    À cet égard, il y a lieu de remarquer, en premier lieu, que les requérantes sont des sociétés disposant d'une certaine expérience en ce qui concerne l'importation de matériel électronique.

282.
    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la nature de l'erreur s'apprécie notamment au vu du laps de temps durant lequel les autorités ont persisté dans cette dernière (arrêt de la Cour du 12 décembre 1996, Foods Import, C-38/95, Rec. p. I-6543, point 30) et de la complexité des dispositions en cause (arrêt de la Cour du 4 mai 1993, Weis, C-292/91, Rec. p. I-2219, point 17).

283.
    En l'espèce, il est manifeste que les autorités douanières turques ont délivré des certificats A.TR.1 pour des marchandises ne répondant pas aux conditions d'obtention de tels certificats durant, au moins, toute la période litigieuse, c'est-à-dire pendant plus de trois ans.

284.
    Ensuite, il convient de relever que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, la réglementation en cause était particulièrement complexe.

285.
    Il y a lieu, en effet, de constater que la simple lecture de la réglementation relative au régime préférentiel, à savoir les articles 2 et 3 du protocole additionnel et les décisions du conseil d'association relatives à l'application de ces dispositions, ne permettait pas aux requérantes de déceler que les autorités douanières turques avaient commis une erreur en délivrant les certificats A.TR.1 pour les téléviseurs couleur (voir, en ce sens, arrêt Faroe Seafood e.a., cité au point 194 ci-dessus, point 100).

286.
    Il convient en effet de noter que, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, ni la décision n° 2/72 ni la décision n° 3/72, précitées, n'ont été publiées au Journal officiel, ce que la défenderesse ne conteste pas.

287.
    Le défaut de publication de ces deux décisions est d'une gravité particulière. Il est en effet assez étonnant que la défenderesse reproche aux requérantes de ne pas avoir pris connaissance des dispositions relatives au prélèvement compensateur, alors que certaines de ces dispositions n'ont pas été publiées. Ainsi, à défaut de publication de la décision n° 2/72, précitée, les opérateurs communautaires et extracommunautaires n'étaient pas censés savoir qu'un taux avait été fixé par le conseil d'association en ce qui concerne le prélèvement compensateur (voir, en ce qui concerne l'instauration d'une taxe compensatoire, arrêt Covita, cité au point 220 ci-dessus, points 26 et 27). Il convient d'ailleurs de noter que, dès lors que les décisions n° 2/72 et n° 3/72, précitées, avaient un caractère normatif général, leur publication au Journal officiel était, en principe, une condition préalable indispensable pour leur prise d'effet contraignant à l'égard de leurs destinataires.

288.
    De plus, il y a lieu d'observer que, à supposer même que les requérantes aient eu connaissance du fait qu'un taux avait été fixé pour le prélèvement compensateur, elles ne pouvaient savoir, à la simple lecture des conditions reprises au verso du certificat A.TR.1, que les autorités douanières turques commettaient une erreur en délivrant un tel certificat pour les marchandises litigieuses. En effet, les autorités douanières pouvaient valablement délivrer les certificats A.TR.1 sans perception d'un prélèvement compensateur, dès lors que les composants intégrés dans les téléviseurs concernés étaient d'origine turque ou communautaire ou, lorsqu'ils étaient d'origine tierce, avaient été mis en libre pratique en Turquie.

289.
    En outre, il convient de relever que, afin de déceler l'erreur commise par les autorités douanières turques, il était nécessaire non seulement d'avoir une connaissance approfondie de la réglementation générale relative au régime préférentiel, mais également de savoir que cette réglementation n'avait pas été transposée par la république de Turquie. Ce n'est, en effet, qu'en ayant connaissance du fait que la législation douanière turque ne prévoyait pas de dispositions relatives à la perception d'un prélèvement compensateur que les importateurs pouvaient savoir qu'ils devaient s'assurer que les composants d'origine tierce qui avaient été incorporés dans les téléviseurs avaient été mis en libre pratique en Turquie. Or, non seulement la Commission elle-même - pourtantchargée d'une fonction de surveillance de l'application de l'accord d'association et du protocole additionnel - a attendu plus de vingt années avant de constater que les autorités turques n'avaient pas transposé la réglementation relative au prélèvement compensateur, mais, de plus, il lui a fallu plus de cinq années et l'organisation d'une mission de vérification sur place pour s'informer de l'état de la réglementation turque en ce qui concerne l'importation de composants d'origine tierce.

290.
    Cette réglementation était par ailleurs d'une grande complexité. D'une part, les autorités turques avaient mis en place le programme d'incitation à l'exportation et, d'autre part, elles avaient adopté à l'égard de certains composants essentiels, tels les tubes cathodiques, un régime de suspension des droits à l'importation. Or, ainsi qu'il ressort d'une lettre de la Commission du 22 mars 1995, des composants importés en vertu d'un tel régime pouvaient, sous certaines conditions, être considérés comme étant en libre circulation en Turquie, conformément à l'accord d'association et au protocole additionnel. Dès lors, l'intégration de tels composants ne signifiait pas nécessairement qu'un prélèvement compensateur devait être perçu.

291.
    En troisième lieu, il convient de rejeter l'argumentation de la Commission selon laquelle, au vu des dispositions pertinentes, les requérantes auraient dû avoir des doutes quant à la validité des certificats A.TR.1 et, par conséquent, s'informer auprès des fabricants/exportateurs turcs ou prévoir dans leurs contrats avec ces derniers que seuls des composants d'origine tierce mis en libre pratique en Turquie pouvaient être utilisés pour la fabrication des téléviseurs couleur.

292.
    En effet, ainsi que l'ont souligné la plupart des requérantes et des parties intervenantes, la défenderesse n'indique pas pour quelles raisons les requérantes auraient dû avoir des doutes quant à la validité des certificats A.TR.1. Toutefois, l'argumentation de la défenderesse, susvisée, ne pourrait être retenue que si cette dernière était en mesure de démontrer que les requérantes avaient ou devaient avoir connaissance de l'absence de transposition de la réglementation relative au prélèvement compensateur par les autorités turques.

293.
    Or, ainsi qu'il a déjà été relevé, la défenderesse elle-même n'a pris connaissance de cette absence de transposition qu'après une période de près de 20 années.

294.
    De plus, si la Commission a fait, à plusieurs reprises, allusion aux prix auxquels les importateurs avaient acheté les téléviseurs couleur en provenance de Turquie, elle n'a pas démontré que ce niveau de prix était tel que ces importateurs auraient dû avoir des doutes quant à la satisfaction des conditions prévues pour l'obtention du régime préférentiel.

295.
    À cet égard, il y a d'ailleurs lieu d'observer que la Commission a ouvert, en novembre 1992, une enquête antidumping en ce qui concerne l'importation de téléviseurs couleur originaires de Turquie. Or, ainsi qu'il ressort du règlement (CE) n° 2376/94 de la Commission, du 27 septembre 1994, instituant un droitantidumping provisoire sur les importations d'appareils récepteurs de télévision en couleur originaires de Malaisie, de la république populaire de Chine, de la république de Corée, de Singapour et de Thaïlande (JO L 255, p. 50), cette enquête n'a pas abouti à l'imposition de droits sur les importations d'appareils originaires de Turquie, alors que de tels droits ont bien été imposés à l'égard des téléviseurs couleur en provenance de ces autres pays.

296.
    Il convient également de rejeter l'argument de la Commission selon lequel le fait que les autorités douanières turques peuvent exiger, en vertu de l'article 9 de la décision n° 5/72, précitée, que la déclaration d'importation soit complétée par une mention de l'importateur attestant que les marchandises remplissent les conditions requises pour l'application des dispositions du protocole additionnel implique nécessairement que les requérantes avaient l'obligation de se renseigner sur l'origine et le statut douanier des composants des téléviseurs couleur. En effet, ce n'est qu'en présence de doutes que les importateurs auraient dû s'informer à cet égard. Or, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, la Commission n'a pas expliqué pour quelles raisons les requérantes auraient dû avoir de tels doutes. De plus, un certain nombre de requérantes ont affirmé, sans être contredites par la Commission, que l'origine et le statut douanier des composants intégrés dans les téléviseurs relevaient du secret commercial des fabricants, de sorte que ceux-ci auraient refusé de donner une telle information.

297.
    En quatrième lieu, il convient de relever que l'ensemble des requérantes ont souligné à l'audience que la manière dont elles avaient conclu leurs contrats d'achat et effectué les importations litigieuses relevait d'une pratique commerciale habituelle. Dans une telle situation, il incombait à la Commission d'apporter la preuve d'une négligence manifeste de leur part (voir arrêt Eyckeler & Malt/Commission, cité au point 87 ci-dessus, point 159).

298.
    Or, la Commission n'a pas tenté d'apporter une telle preuve. En effet, en réponse à une question posée à ce sujet par le Tribunal lors de l'audience, elle s'est bornée à répéter les allégations contenues dans les décisions attaquées, selon lesquelles les requérantes n'avaient pas fait preuve de la diligence nécessaire en ne s'informant pas auprès des exportateurs pour savoir si les composants d'origine tierce avaient été mis en libre pratique en Turquie.

299.
    En dernier lieu, il convient d'examiner l'argument de la Commission tiré de l'arrêt Pascoal & Filhos, cité au point 207 ci-dessus. La Commission relève que, au point 59 de cet arrêt, la Cour a considéré que la Communauté européenne ne saurait supporter les conséquences préjudiciables des agissements incorrects des fournisseurs des importateurs, ensuite, que l'importateur peut tenter d'agir en réparation contre l'auteur de la falsification et, enfin, que, dans son évaluation des avantages que peut procurer le commerce de marchandises susceptibles de bénéficier de préférences tarifaires, un opérateur économique avisé et averti de l'état de la réglementation doit tenir compte des risques inhérents au marché qu'ilprospecte et les accepter comme rentrant dans la catégorie des inconvénients normaux du négoce.

300.
    Cette jurisprudence ne s'applique toutefois pas dans un cas comme celui de l'espèce, où c'est en raison de manquements graves des parties à un accord d'association que des irrégularités ont affecté les importations de marchandises sur la base d'un régime tarifaire préférentiel. Dans un tel cas, en effet, en l'absence d'une information claire et précise de la part des autorités nationales ou communautaires quant à la nature des irrégularités affectant le fonctionnement de l'accord, il ne saurait être exigé d'un importateur diligent qu'il pallie les manquements des parties à cet accord.

301.
    Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant dans les décisions attaquées qu'il y avait lieu de reprocher une négligence manifeste aux requérantes.

3. Conclusions quant à la satisfaction des conditions prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79

302.
    Les graves manquements imputables aux parties contractantes ont eu pour effet de placer les requérantes dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité. Ces manquements ont, en effet, indubitablement contribué à la survenance des irrégularités ayant mené à la prise en compte a posteriori des droits de douane à l'égard des requérantes.

303.
    De plus, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de reprocher une négligence manifeste ou une manoeuvre aux requérantes.

304.
    Il s'ensuit, dès lors, que la Commission a commis une erreur d'appréciation manifeste en considérant dans les décisions attaquées que les conditions pour la remise des droits de douane prévues à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 ou, le cas échéant, à l'article 239 du code des douanes n'étaient pas satisfaites. Le présent moyen est dès lors fondé.

305.
    Dès lors que les moyens tirés d'une violation des droits de la défense et d'une violation de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 ou, le cas échéant, de l'article 239 du code des douanes sont fondés, il y a lieu d'annuler les décisions attaquées, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens invoqués par les parties requérantes à l'appui de leurs recours.

Sur les dépens

306.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

307.
    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, la République française et la République fédérale d'Allemagne, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens, en application de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les décisions REM 14/96, REM 15/96, REM 16/96, REM 17/96, REM 18/96, REM 19/96, REM 20/96, en date du 19 février 1997, et REM 21/96, en date du 25 mars 1997, adressées à la République fédérale d'Allemagne et relatives à des demandes de remise des droits à l'importation, sont annulées.

2)    Les décisions REC 7/96, REC 8/96 et REC 9/96, en date du 24 avril 1997, adressées à la République française et relatives à des demandes de non-recouvrement et de remise des droits à l'importation, sont annulées.

3)    Les décisions REM 26/96 et REM 27/96, en date du 5 juin 1996, adressées au royaume des Pays-Bas et relatives à des demandes de remise des droits à l'importation, sont annulées.

4)    La décision REC 3/98, en date du 26 mars 1999, adressée au royaume de Belgique et relative à une demande de non-recouvrement et de remise, est annulée.

5)    La Commission est condamnée aux dépens.

6)    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, la République française et la République fédérale d'Allemagne supporteront leurs propres dépens.

Lenaerts
Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1: Langues de procédure: l'allemand, l'anglais, le français et le néerlandais.