Language of document : ECLI:EU:T:2013:64

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre) 

7 février 2013 (*)

« Dumping – Importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires de Russie – Demande de réexamen à l’expiration des mesures – Demande de réexamen intermédiaire – Recevabilité – Valeur normale – Prix à l’exportation – Articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 1 à 3, du règlement (CE) no 384/96 [devenus articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 1 à 3, du règlement (CE) no 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑84/07,

EuroChem Mineral and Chemical Company OAO (EuroChem MCC), établie à Moscou (Russie), représentée initialement par Mes P. Vander Schueren et B. Evtimov, avocats, puis par Me Evtimov et M. D. O’Keeffe, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.‑P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me G. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. H. van Vliet et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre le règlement (CE) nº 1911/2006 du Conseil, du 19 décembre 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires d’Algérie, du Belarus, de Russie et d’Ukraine à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 384/96 (JO L 365, p. 26),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation de base antidumping est constituée par le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996 L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)].

2        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1225/2009) dispose :

« 1.      Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2.      Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

3        Aux termes de l’article 2 du règlement de base (devenu article 2 du règlement no 1225/2009) :

« 1.      La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.

Lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.

Les prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation.

[…]

2. Les ventes du produit similaire destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale si le volume de ces ventes représente 5 % ou plus du volume des ventes du produit considéré dans la Communauté.

Toutefois, un volume des ventes inférieur peut être utilisé, par exemple, lorsque les prix pratiqués sont considérés comme représentatifs du marché concerné.

3. Lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

[…]

5.      Les frais sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. Si les frais liés à la production et à la vente du produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres producteurs ou exportateurs du même pays, ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

Il est tenu compte d’éléments de preuve soumis concernant la juste répartition des frais, à condition qu’il soit démontré que ce type de répartition a été utilisé de manière constante dans le passé. En l’absence d’une méthode plus appropriée, la préférence est accordée à un système de répartition des frais fondé sur le chiffre d’affaires. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition des frais visée au présent alinéa, les frais sont ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante.

Lorsque, pendant une partie de la période nécessaire à la couverture des coûts, ces derniers sont affectés par l’utilisation d’installations de production nouvelles requérant des investissements supplémentaires substantiels et par de faibles taux d’utilisation des capacités en raison d’opérations de démarrage ayant lieu pendant tout ou partie de la période d’enquête, les frais moyens de la période de démarrage sont ceux applicables, en vertu des règles de répartition susmentionnées, à la fin de cette phase et sont inclus à ce niveau, pour la période concernée, dans les frais moyens pondérés visés au paragraphe 4 deuxième alinéa. La durée de la phase de démarrage est déterminée en fonction des circonstances propres au producteur ou à l’exportateur concerné, mais n’excède pas une partie initiale appropriée de la période nécessaire à la couverture des coûts. Pour cet ajustement des frais applicables au cours de la période d’enquête, les informations relatives à une phase de démarrage s’étendant au-delà de cette période sont prises en compte dans la mesure où elles sont fournies avant les visites de vérification et dans les trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête.

6.      Les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête. Lorsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, ils peuvent l’être sur la base :

a)       de la moyenne pondérée des montants réels établis pour les autres exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête à l’égard de la production et des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays d’origine ;

b)       des montants réels que l’exportateur ou le producteur en question a engagés ou obtenus à l’égard de la production et des ventes, au cours d’opérations commerciales normales, de la même catégorie générale de produits sur le marché intérieur du pays d’origine ;

c)       de toute autre méthode raisonnable, à condition que le montant correspondant au bénéfice ainsi établi n’excède pas le bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine.

7.      a)       Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

            Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

[…]

10.      Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu’il s’agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation […]

[…]

i)       Commissions

Un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. Le terme ‘commissions’ couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

[…] »

4        L’article 11, paragraphes 1 à 3 et 5, du règlement de base (devenu article 11, paragraphes 1 à 3 et 5, du règlement no 1225/2009) prévoit ce qui suit :

« 1.      Une mesure antidumping ne reste en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer un dumping qui cause un préjudice.

2.      Une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice […]

3.      La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d’un État membre ou, sous réserve qu’une période raisonnable d’au moins un an se soit écoulée depuis l’institution de la mesure définitive, à la demande d’un exportateur, d’un importateur ou des producteurs de la Communauté contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n’est pas ou n’est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice […]

[…]

5.      Les dispositions pertinentes du présent règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes, à l’exclusion de celles qui concernent les délais, s’appliquent à tout réexamen effectué en vertu des paragraphes 2, 3 et 4. Ces réexamens sont effectués avec diligence et normalement menés à leur terme dans les douze mois à compter de la date de leur ouverture […] »

5        Les considérants 3 et 4 du règlement (CE) no 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement de base (JO L 305, p. 1), énoncent :

« (3) L’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 384/96 dispose, entre autres, que lorsque les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable, du fait d’une situation particulière du marché, la valeur normale doit être calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il y a lieu de mieux définir les circonstances pouvant être considérées comme constituant une situation particulière du marché dans laquelle les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Ces circonstances peuvent, par exemple, être liées à la pratique du troc et à l’existence d’autres régimes de transformation non commerciaux, ou à d’autres entraves au marché. En conséquence, les signaux du marché peuvent ne pas refléter correctement l’offre et la demande, ce qui peut avoir une incidence sur les coûts et prix correspondants et peut aussi entraîner un décalage des prix nationaux par rapport aux prix du marché mondial et aux prix d’autres marchés représentatifs. Il est évident que toutes les précisions données dans ce contexte ne peuvent pas être exhaustives compte tenu de la grande variété des éventuelles situations particulières du marché ne permettant pas une comparaison valable.

(4)       Il convient de fournir des indications sur la marche à suivre si, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) no 384/96, les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Dans ces circonstances, les données pertinentes doivent être obtenues de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions. Il peut s’agir des coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, de toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée, soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie. »

6        L’article 2.2.1.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping de 1994 »), qui figure à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), dispose :

« Aux fins du paragraphe 2, les frais seront normalement calculés sur la base des registres de l’exportateur ou du producteur faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et tiennent compte raisonnablement des frais associés à la production et à la vente du produit considéré. Les autorités prendront en compte tous les éléments de preuve disponibles concernant la juste répartition des frais, y compris ceux qui seront mis à disposition par l’exportateur ou le producteur au cours de l’enquête, à condition que ce type de répartition ait été traditionnellement utilisé par l’exportateur ou le producteur, en particulier pour établir les périodes appropriées d’amortissement et de dépréciation et procéder à des ajustements concernant les dépenses en capital et autres frais de développement. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition visée au présent alinéa, les frais seront ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante, ou des circonstances dans lesquelles les frais ont été affectés, pendant la période couverte par l’enquête, par des opérations de démarrage d’une production. »

 Antécédents du litige

7        Le 18 septembre 2000, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 1995/2000, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive des droits provisoires sur les importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium originaires d’Algérie, du Belarus, de Lituanie, de Russie et d’Ukraine et clôturant la procédure antidumping concernant les importations en provenance de la République slovaque (JO L 238, p. 15). Les mesures instituées sur les importations de solutions d’urée et de nitrate d’ammonium (ci-après les « SUNA » ou le « produit concerné ») originaires de Lituanie ont expiré après l’élargissement de l’Union européenne intervenu le 1er mai 2004.

 Sur la demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping

8        Le 20 juin 2005, à la suite de la publication, le 17 décembre 2004, d’un avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping et de certaines mesures compensatoires (JO C 312, p. 5), la Commission des Communautés européennes a été saisie d’une demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Cette demande a été déposée par l’Association européenne des fabricants d’engrais.

9        Ayant conclu, après consultation du comité consultatif, à l’existence d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de SUNA originaires d’Algérie, du Belarus, de Russie et d’Ukraine, la Commission a publié, le 22 septembre 2005, un avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO C 233, p. 14).

10      L’enquête sur la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping a couvert la période comprise entre le 1er juillet 2004 et le 30 juin 2005 (ci-après la « période d’enquête de réexamen »). L’examen des tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice a porté sur la période allant de l’année 2002 à la fin de la période d’enquête de réexamen.

11      Les parties intéressées ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé dans l’avis d’ouverture. Toutes les parties intéressées qui l’ont demandé et qui ont indiqué qu’il y avait des raisons particulières pour les entendre ont été entendues.

12      Le 19 décembre 2006, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1911/2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de SUNA originaires d’Algérie, du Belarus, de Russie et d’Ukraine à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO L 365, p. 26) (ci-après le « règlement attaqué »). Aux termes de ce dernier, le Conseil a décidé de maintenir les mesures antidumping applicables aux importations de SUNA originaires notamment de Russie. Il a institué, à cet égard, un droit antidumping définitif sur les importations de mélanges d’urée et de nitrate d’ammonium en solutions aqueuses ou ammoniacales relevant du code NC 3102 80 00, originaires notamment de Russie. La requérante, producteur-exportateur en Russie, est l’une des entreprises visées par ce droit antidumping.

13      Les considérants 58 à 63 du règlement attaqué sont ainsi rédigés :

« (58) Il a été vérifié si les coûts liés à la production et aux ventes du produit concerné étaient raisonnablement reflétés dans les registres des parties concernées. En ce qui concerne le prix du gaz payé, il a été constaté que le prix du gaz payé sur le marché intérieur par les producteurs russes représentait environ un cinquième du prix à l’exportation de gaz naturel de Russie. À cet égard, toutes les données disponibles indiquent que les prix du gaz pratiqués sur le marché intérieur russe étaient des prix réglementés, qui sont nettement inférieurs aux prix pratiqués sur les marchés non réglementés du gaz naturel. C’est pourquoi, conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, les coûts du gaz supportés par les producteurs russes ont été ajustés sur la base des informations provenant d’autres marchés représentatifs. Le prix ajusté était basé sur le prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque (‘Waidhaus’), net des coûts de transport. Waidhaus étant le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russe à l’[Union européenne], qui est à la fois le plus grand marché du gaz russe et à des prix qui reflètent raisonnablement les coûts, il peut être considéré comme un marché représentatif au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

(59)      La valeur normale a été construite sur la base du coût de production du type de produit exporté, après ajustement pour le prix du gaz mentionné au considérant 58, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi que les bénéfices, conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base.

(60)      [L]es montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ne pouvaient pas être établis sur la base du chapeau de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base étant donné que les producteurs liés n’avaient pas réalisé de ventes intérieures représentatives du produit concerné au cours de leurs opérations commerciales normales. L’article 2, paragraphe 6, [sous] a), du règlement de base ne pouvait pas être appliqué puisqu’il n’existe que ces deux producteurs faisant l’objet de l’enquête. L’article 2, paragraphe 6, [sous] b), n’était pas non plus applicable étant donné que le coût de production de la même catégorie générale de produits devait lui aussi être ajusté au regard du prix du gaz, pour les raisons indiquées au considérant 58 ci-dessus. Comme il a été jugé impossible d’établir l’importance de l’ajustement nécessaire pour tous les produits de la même catégorie générale des produits vendus sur le marché intérieur, il a également été impossible d’établir les marges bénéficiaires après un tel ajustement. C’est pourquoi les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été établis conformément à l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base.

(61)      [L]es montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été déterminés sur la base de ces montants moyens pondérés des trois mêmes producteurs nord-américains. Il convient également de noter que le montant pour le bénéfice ainsi établi n’excédait pas le bénéfice réalisé par les producteurs russes sur les ventes de produits de la même catégorie générale sur leur marché intérieur.

(62)      Il a été constaté que les ventes à l’exportation des deux producteurs ayant coopéré ont été réalisées sur la base d’un contrat d’agence par l’intermédiaire de deux négociants liés, l’un situé en Suisse et l’autre dans les Îles vierges britanniques. Le dernier a cessé ses activités au début 2005. Le prix à l’exportation a été établi sur la base des prix à l’exportation réellement payés ou à payer au premier client indépendant aux États-Unis, leur principal marché d’exportation.

(63)       Les données des deux négociants liés ayant coopéré ont montré que les prix à l’exportation vers des pays tiers étaient inférieurs à la valeur normale construite pour la Russie. En fait, l’enquête a établi que, globalement, cette différence de prix s’échelonnait, pendant la période d’enquête de réexamen, de 2 à 6 %. Cela pourrait indiquer une probabilité de réapparition du dumping sur les exportations vers la Communauté en cas d’abrogation des mesures. »

 Sur la demande de réexamen intermédiaire partiel déposée par la requérante

14      Le 1er août 2005, la Commission a été également saisie, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, d’une demande de réexamen intermédiaire partiel des mesures adoptées par le règlement no 1995/2000. Cette demande a été déposée par deux producteurs exportateurs de Russie, Novomoskovskiy Azot (ci-après « NAK ») et Nevinnomyssky Azot (ci‑après « Nevinka »), tous deux filiales de la requérante (ci‑après, pris ensemble, la « requérante »). Au soutien de sa demande, la requérante a invoqué deux événements qui, selon elle, sont significatifs, à savoir l’octroi à la Fédération de Russie du statut d’économie de marché en 2002 et l’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux États membres le 1er mai 2004.

15      Par lettre du 10 août 2005, la Commission a répondu à la requérante, en lui demandant qu’elle présente un calcul de dumping complet sur la base de listes, transaction par transaction, de toutes les ventes du produit concerné sur le marché intérieur et à l’exportation ainsi que des informations sur les coûts de production correspondants, étayés par les pièces justificatives d’usage.

16      Dans sa réponse du 9 septembre 2005, la requérante a transmis un calcul de dumping sous la forme de tableaux. Le 27 octobre 2005, la requérante a présenté d’autres documents, des tableaux complémentaires et des pièces justificatives.

17      Par lettre du 16 décembre 2005, la requérante s’est plainte du retard pris dans le traitement de sa demande et, le 23 décembre 2005, la Commission lui a expliqué que ce retard était dû à l’insuffisance des pièces apportées.

18      Le 16 mars 2006, la Commission a envoyé une lettre à la requérante l’invitant à pallier certaines lacunes.

19      La requérante a envoyé des informations le 12 mai, le 31 octobre et le 23 novembre 2006 avant que la Commission n’ouvre, le 19 décembre 2006, le réexamen intermédiaire, en publiant un avis d’ouverture au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 311, p. 51). La Commission a conclu, après consultation du comité consultatif, que la demande contenait à première vue suffisamment d’éléments de preuve.

20      Le réexamen a porté uniquement sur l’examen du dumping en ce qui concerne la requérante. L’enquête relative aux pratiques de dumping a couvert la période comprise entre le 1er octobre 2005 et le 30 septembre 2006.

21      Toutes les parties intéressées qui en ont fait la demande et ont démontré qu’il existait des raisons particulières de les entendre ont été entendues.

22      Le 10 mars 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 238/2008, clôturant le réexamen intermédiaire partiel, effectué au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, du droit antidumping institué sur les importations de SUNA originaires de Russie (JO L 75, p. 14). Ledit réexamen a été clos sans modification des mesures en vigueur.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2007, la requérante a introduit le présent recours.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en particulier son article 1er, en ce qui concerne la requérante et les sociétés qui lui sont affiliées, telles que définies au considérant 14, sous a) et b), dudit règlement ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

25      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      À la suite d’une demande d’intervention présentée par la Commission le 3 juillet 2007, cette dernière a été, par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal en date du 7 septembre 2007, autorisée à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

27      À la suite du dépôt par la requérante d’une pièce supplémentaire à l’audience, le Conseil a, le 3 janvier 2012, communiqué au greffe du Tribunal des observations contestant la pertinence d’une telle pièce.

28      Par lettre du 31 janvier 2012, le greffe du Tribunal a informé les parties que la procédure orale était close.

 En droit

29      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés respectivement de la violation des articles 1er et 2 du règlement de base et de la violation de l’article 11, paragraphes 1 et 3, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 1er et 2 du règlement de base

30      Par son premier moyen, la requérante invoque la violation des articles 1er et 2 du règlement de base. Elle articule ce moyen en trois branches, aux termes desquelles, en substance, elle soutient, en premier lieu, que, pour le calcul de la valeur normale, il a été considéré à tort que les frais liés à la production et à la vente du produit concerné n’étaient pas raisonnablement reflétés dans ses registres comptables et qu’il convenait, en conséquence, de procéder à un ajustement. En deuxième lieu, elle indique que l’ajustement opéré pour le prix du gaz russe a été, à tort, calculé à partir du prix à Waidhaus (Allemagne) et qu’il n’a pas été déduit du montant de cet ajustement le droit à l’exportation de 30 % applicable au gaz russe. En troisième lieu, elle soutient qu’ont été déduites à tort de son prix à l’exportation au premier client indépendant les commissions des sociétés affiliées qui font partie de l’entité économique unique qu’elle constitue.

31      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, lorsque le Conseil et la Commission (ci-après les « institutions ») adoptent, en vertu du règlement de base, des actions de protection antidumping concrètes, elles disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 86, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec. p. I‑2817, point 10 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 131 ; du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 72 ; du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil, T‑155/94, Rec. p. II‑873, point 98 ; du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II‑1383, point 63, et du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, point 32).

32      Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence d’un détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 19 ; du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1923, point 21 ; du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 63 ; Rotexchemie, point 31 supra, point 11 ; arrêts Climax Paper/Conseil, point 31 supra, point 98 ; Shanghai Bicycle/Conseil, point 31 supra, point 64, et Thai Bicycle/Conseil, point 31 supra, point 33).

 Sur la première branche du premier moyen

33      Dans le cadre de cette première branche, la requérante entend démontrer que, pour le calcul de la valeur normale, les institutions ont à tort retenu le principe de l’ajustement ainsi qu’une méthode destinée aux pays dépourvus d’une économie de marché, ce qui serait contraire non seulement au libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, mais aussi à cette disposition lue en combinaison avec les autres dispositions des articles 1er et 2 du règlement de base (premier grief), ainsi qu’aux dispositions de l’accord antidumping de 1994 (second grief).

–       Sur le premier grief

34      Selon la requérante, le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base permet aux institutions de vérifier que les principaux frais de production et de vente sont dûment enregistrés et comptabilisés dans les registres des producteurs. En revanche, il ne prévoirait pas que ces institutions puissent vérifier si ces frais sont raisonnables par rapport au niveau des prix sur un autre marché. Le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base n’impliquerait pas qu’il convienne de vérifier la « fiabilité » des principaux éléments des frais de production et de vente du produit concerné à la lumière des prix ou valeurs d’intrants similaires exportés vers l’Union européenne ou que l’on trouve sur les marchés non réglementés de pays tiers.

35      La requérante soutient, en outre, que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, lu en combinaison avec les autres dispositions de l’article 1er et de l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, ne permet pas de confirmer le recours à l’ajustement du prix du gaz par les institutions en l’espèce.

36      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas en tant que tel le choix du Conseil d’avoir eu recours aux dispositions de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base pour calculer la valeur normale du produit concerné.

37      Cette disposition indique, d’une part, les critères de la mise à l’écart de la méthode d’établissement de la valeur normale, fondée sur les prix sur le marché intérieur du pays exportateur, et, d’autre part, les méthodes subsidiaires de calcul de cette valeur.

38      En l’espèce, les institutions ont eu recours à la méthode prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, selon laquelle la valeur normale du produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable (ci-après la « valeur normale construite »).

39      Les parties s’opposent en ce qui concerne la détermination du coût de production du produit concerné en application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base. Plus précisément, le litige porte sur le calcul du coût que représente le gaz dans la production du produit concerné.

40      Il est constant que le gaz constitue le principal intrant du produit concerné et que le prix du gaz dont la requérante a bénéficié pour la production dudit produit était réglementé en Russie. Le coût du gaz en tant que tel supporté par la requérante n’est pas litigieux, le Conseil ne soutenant pas que ce coût aurait été autre que celui chiffré dans les registres comptables de la requérante. La requérante reproche au Conseil de ne pas avoir calculé la valeur normale du produit concerné sur la base de ce coût et d’avoir utilisé pour ce calcul un autre prix du gaz, plus élevé, tiré d’un autre marché que le marché intérieur russe.

41      Il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 3, première phrase, et paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base que, pour le calcul de la valeur normale sur la base du coût de production, les frais sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête.

42      Les institutions soutiennent que la seconde de ces deux dispositions apporte deux précisions, pouvant se présenter comme deux conditions, à savoir, d’une part, que les registres doivent être tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et, d’autre part, que les registres doivent tenir compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. La seconde condition permettrait aux institutions de vérifier le caractère « raisonnable » de la prise en compte des frais dans les registres même si les principes comptables généralement acceptés du pays concerné sont respectés et, le cas échéant, d’opérer des ajustements, en se fondant sur d’autres sources d’informations que les registres, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phase, du règlement de base.

43      Il n’est pas soutenu par le Conseil que la première condition ne soit pas remplie en l’espèce. En revanche, celui-ci estime que les registres de la requérante ne tiennent pas compte raisonnablement des frais liés à la production du produit concerné, étant donné que le prix du gaz serait artificiellement bas, nettement inférieur aux prix du gaz pratiqués sur les marchés non réglementés. De ce fait, le Conseil aurait été en droit, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, d’ajuster le prix du gaz sur la base d’informations provenant d’autres marchés représentatifs.

44      Il importe donc d’examiner si le Conseil pouvait écarter le coût du gaz effectivement supporté par la requérante, indiqué dans la comptabilité de celle-ci, pour la production du produit concerné, au motif que ce coût était, selon le Conseil, artificiellement bas en raison de la réglementation du prix du gaz en Russie, et s’il pouvait, en conséquence, ajuster ce coût à la hausse en prenant en considération le prix du gaz sur un marché considéré par lui comme représentatif.

45      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que l’article 2, paragraphe 3, première phrase, du règlement de base prévoit la méthode de calcul de la valeur normale lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable.

46      La seconde phrase de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, qui définit les cas de situation particulière du marché, a été insérée par le règlement no 1972/2002. Selon cette phrase, il existe une situation particulière du marché, notamment, lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

47      Il ressort du considérant 3 du règlement no 1972/2002 que l’insertion de l’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base vise à mieux définir les circonstances pouvant être considérées comme constituant une situation particulière du marché dans laquelle les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Selon ce considérant, ces circonstances peuvent, par exemple, être liées à la pratique du troc et à l’existence d’autres régimes de transformation non commerciaux, ou à d’autres entraves au marché. En conséquence, les signaux du marché peuvent ne pas refléter correctement l’offre et la demande, ce qui peut avoir une incidence sur les coûts et les prix correspondants et peut entraîner un décalage des prix nationaux par rapport aux prix du marché mondial ou aux prix d’autres marchés représentatifs.

48      L’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base prévoit qu’il existe une situation particulière du marché notamment lorsque les prix sur le marché du pays exportateur sont artificiellement bas.

49      À l’audience, le Conseil a affirmé que le recours à la méthode de la valeur normale construite avait été motivé en raison de l’insuffisance d’opérations commerciales normales comparables en Russie. Il a précisé que, en toute logique, il pouvait être aussi considéré qu’il y avait une situation particulière du marché, dès lors que le coût du gaz, l’intrant principal du produit concerné, était réglementé et que le prix du gaz naturel était fixé de manière artificiellement bas sur le marché intérieur.

50      Il convient de relever que l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base indique seulement les critères de la mise à l’écart des méthodes d’établissement de la valeur normale, calculée à partir du prix du produit sur le marché intérieur du pays exportateur. Cette disposition ne fixe pas les modalités du calcul des coûts de production pour l’établissement de la valeur normale construite, ce calcul étant régi par le paragraphe 5 de ce même article.

51      Le premier alinéa de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base prévoit que les frais de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. Ainsi, le calcul de la valeur normale construite s’effectue normalement en utilisant des informations tirées desdits registres.

52      L’article 2, paragraphe 5, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base contient des dispositions spécifiques concernant la répartition des frais et les frais de démarrage. Ces dispositions prévoient des possibilités d’ajustement des frais retranscrits dans les registres comptables, ces frais pouvant être adaptés et répartis de manière différente sous certaines conditions.

53      Il ressort également de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie concernée ne sont pas pris comme base pour le calcul de la valeur normale si les frais liés à la production d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans ces registres. Dans ce cas, selon la seconde phrase dudit alinéa, les frais sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres sources d’information que ces registres. Ces informations peuvent être tirées des frais exposés par d’autres producteurs ou exportateurs ou, lorsque ces dernières informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, de toute autre source d’information raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

54      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, relative à la méthode de calcul de ladite valeur, a été insérée par le règlement no 1972/2002.

55      Il ressort du considérant 4 de ce dernier règlement que l’insertion de ladite seconde phrase visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des situations particulières du marché où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. En pareil cas, les données doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions.

56      Au même considérant 4 du règlement no 1972/2002, il est précisé qu’il est possible de recourir aux coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, à toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Il ressort également de ce considérant que les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie.

57      En l’espèce, le Conseil a soutenu devant le Tribunal qu’il y avait une situation particulière du marché dès lors que le prix du gaz, l’intrant principal du produit concerné, était réglementé de sorte que ce prix était artificiellement bas sur le marché intérieur. La requérante n’a pas contesté le fait que le prix du gaz sur le marché russe était réglementé et qu’il représentait une part importante du coût du produit concerné.

58      Le prix du gaz en Russie étant réglementé, il y a effectivement lieu de considérer que le coût de production du produit concerné était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché.

59      Par ailleurs, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, première phrase, du règlement de base, avancée par la requérante, tendant à calculer les frais de production sur la base des seuls registres comptables de la partie concernée, reviendrait à empêcher en définitive le recours à la valeur normale construite dans un cas, notamment, où les frais de production sont affectés par une situation particulière de marché, bien qu’un tel recours soit expressément prévu à l’article 2, paragraphe 3, du même règlement.

60      Les institutions ont donc pu conclure à bon droit que l’un des éléments des registres de la requérante ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement, en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs, et, partant, d’effectuer l’ajustement du prix du gaz.

61      S’agissant de l’argument selon lequel seul l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base permet aux institutions d’établir la valeur normale par référence non pas aux données relatives aux prix et aux coûts dans le pays exportateur ou d’origine, mais aux données relatives aux prix et aux coûts dans un pays tiers ayant une économie de marché, la requérante soutient que le champ d’application de ladite disposition est limité à une liste exhaustive de pays, dépourvus d’économie de marché. Or, la requérante relève que, à la date d’ouverture de l’enquête relative au réexamen des mesures parvenant à expiration dans la présente affaire, la Fédération de Russie ne figurait pas dans la liste des pays visés. La Fédération de Russie avait obtenu le statut d’économie de marché au niveau national en 2002 et un tel statut constituerait une présomption irréfutable que les coûts des producteurs établis dans ce pays et faisant l’objet d’une enquête seraient suffisamment fiables pour que la valeur normale puisse être calculée sur la base, notamment, de l’article 2, paragraphes 3 à 6, du règlement de base.

62      En l’espèce, la valeur normale n’a pas été établie en se fondant sur l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors que la Fédération de Russie n’était pas, au moment des faits de l’espèce, un pays visé par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et que l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement était applicable pour lesdits faits. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 53 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base permet, sous certaines conditions, de prendre en considération des informations émanant d’autres marchés que le marché du pays exportateur ou d’origine.

63      La requérante ajoute que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base proposée par les institutions aboutirait à plusieurs résultats incohérents.

64      D’une part, le producteur qui profite de prix bas sur le marché domestique des principaux intrants de ses produits serait confronté à un dilemme, à savoir soit ne pas augmenter ses prix, mais avec le risque, alors, d’être considéré comme étant importateur dans l’Union de produits faisant l’objet d’un dumping, soit augmenter ses prix pour éviter toute enquête antidumping, mais avec le risque, alors, d’avoir des prix qui deviennent prohibitifs sur le marché domestique. Les mêmes producteurs, pour éviter l’enquête antidumping, seraient conduits à inscrire dans leurs registres, en violation de leur droit national, non pas le coût réel des intrants de leurs produits, mais le coût moyen de ces intrants sur les marchés étrangers non réglementés.

65      À cet égard, comme le relève à juste titre le Conseil, son approche et celle de la Commission ne contraignent pas la requérante à augmenter le prix de ses ventes sur le marché intérieur. La mesure antidumping retenue dans le règlement attaqué ne restreint pas les possibilités pour la requérante de pratiquer les prix qu’elle souhaite sur le marché russe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, Rec. p. II‑2461, point 196).

66      D’autre part, selon la requérante, les coûts afférents à la production d’un produit dans un pays doté du statut d’économie de marché pourraient être considérés comme trop bas par rapport aux coûts d’un produit équivalent constatés dans l’Union ou sur d’autres marchés étrangers. L’enquête antidumping menée en l’espèce par les institutions se serait substituée, de façon injustifiée, à la réglementation en matière d’aides d’État et, plus particulièrement, au règlement (CE) no 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1).

67      À cet égard, il importe de rappeler que le règlement de base et le règlement no 2026/97 visent, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de ce dernier règlement, à fixer, sous une forme suffisamment détaillée, les dispositions d’application de ces deux instruments de défense commerciale.

68      Toutefois, rien n’indique que la question en l’espèce, qui porte sur une réglementation qui oblige Gazprom à fournir, en Russie, le gaz naturel à un prix bas, aurait dû être traitée uniquement sous l’angle des aides d’État. Il importe de relever que la requérante n’a apporté aucun élément en ce sens.

69      Par ailleurs, rien n’indique non plus que le seul fait que la question puisse, éventuellement, être examinée sous l’angle des aides d’État ait été de nature à empêcher les institutions d’analyser la présente affaire également sous l’angle des dispositions du règlement de base.

70      Ainsi que l’a relevé le Conseil à l’audience, la Commission et lui ont déjà été amenés à examiner certaines situations sous l’angle à la fois des aides d’État et du dumping (voir, à titre d’exemple, arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec. p. II‑3685).

71      Tout au plus, comme le prévoient l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base et l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 2026/97, aucun produit ne peut être soumis à la fois à des droits antidumping et à des droits compensateurs en vue de remédier à une situation résultant d’un dumping ou de l’octroi d’une subvention à l’exportation.

72      Il résulte de ce qui précède que le premier grief n’est pas fondé.

–       Sur le second grief

73      La requérante considère que les dispositions du règlement de base ont pour objet de mettre en œuvre les règles de l’accord antidumping de 1994 et que les institutions doivent interpréter et appliquer les dispositions du règlement de base conformément à un tel accord.

74      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53, et du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec. p. II‑2399, point 87).

75      Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (arrêts de la Cour Petrotub et Republica/Conseil, point 74 supra, point 54, et du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 30, ainsi qu’arrêt Reliance Industries/Conseil et Commission, point 74 supra, point 88).

76      Il ressort du considérant 5 du règlement de base que ce dernier a notamment pour objet de transposer dans le droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles nouvelles et détaillées contenues dans l’accord antidumping de 1994, au rang desquelles figurent, en particulier, celles relatives au calcul de la marge de dumping, et ce afin d’assurer une application appropriée et transparente desdites règles (arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 74 supra, point 55).

77      La Communauté a, dès lors, adopté le règlement de base pour satisfaire à ses obligations internationales découlant de l’accord antidumping de 1994 et, par l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, elle a entendu donner exécution aux obligations particulières que comporte l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 74 supra, point 56).

78      Il s’ensuit que l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété, dans la mesure du possible, à la lumière de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 74 supra, point 57, et Reliance Industries/Conseil et Commission, point 74 supra, point 91, et la jurisprudence citée).

79      Pour cela, il importe de relever, en premier lieu, que la requérante fait référence à l’un des derniers projets avant l’adoption de l’accord antidumping de 1994 qui prévoyait, en ce qui concerne les dispositions qui deviendraient l’article 2.2.1.1 dudit accord, que « les frais ser[aie]nt normalement calculés conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur, dans la mesure où lesdits principes reflètent raisonnablement les frais associés à la production et à la vente du produit considéré ». Il ressortirait d’un tel libellé que l’objet initial de l’article 2.2.1.1 dudit accord, et, par voie de conséquence, de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, était de s’assurer que le producteur faisant l’objet de l’enquête applique de bonnes règles comptables, reflétant objectivement les frais réels supportés par le producteur faisant l’objet de l’enquête, et non de vérifier si les prix des intrants payés par le producteur correspondent aux prix des marchés non réglementés.

80      Toutefois, le fait d’invoquer la version d’une disposition sous forme de projet ne suffit pas à démontrer que l’intention des rédacteurs de ladite disposition est restée inchangée, surtout s’il apparaît que le libellé de la disposition, dans sa version finale, se révèle différent de celui de la disposition correspondante, dans sa version au stade de projet, ainsi que le souligne à juste titre, en substance, le Conseil.

81      En second lieu, il apparaît que le libellé de la disposition de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 ne présente pas de différences significatives avec le texte de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base, visant à ce que les registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et qu’ils tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit concerné.

82      Toutefois, comme l’a souligné à juste titre le Conseil à l’audience, les dispositions visées à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base ne sont pas indiquées dans l’accord antidumping de 1994. Le recours à une interprétation à la lumière de l’accord antidumping de 1994 ne paraît donc pas pouvoir s’exercer pleinement en ce qui concerne ces dispositions visant la situation où les frais du produit concerné ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres.

83      Il importe d’ajouter que les règles de l’OMC ne définissent pas l’expression « une situation particulière du marché », telle que définie à l’article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de base et qui peut servir de base aux institutions pour évaluer si les registres tiennent compte raisonnablement des frais, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base, ainsi qu’il a été constaté aux points 51 à 60 ci-dessus.

84      Le second grief n’est donc pas fondé.

85      Il ressort de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen

86      La requérante invoque une violation de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base, une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’un défaut de motivation, en ce que, par le règlement attaqué, le Conseil aurait retenu l’ajustement du prix du gaz payé sur la base du prix à Waidhaus et n’aurait pas déduit du montant de l’ajustement le droit à l’exportation de 30 % applicable au gaz russe. La requérante conteste, à cet égard, les dernières phrases du considérant 58 du règlement attaqué.

87      Celles-ci sont rédigées de la sorte :

« [L]es coûts du gaz supportés par les producteurs russes ont été ajustés sur la base des informations provenant d’autres marchés représentatifs. Le prix ajusté était basé sur le prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque (‘Waidhaus’), net des coûts de transport. Waidhaus étant le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russes à l’UE, qui est à la fois le plus grand marché du gaz russe et à des prix qui reflètent raisonnablement les coûts, il peut être considéré comme un marché représentatif au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. »

88      La requérante considère, d’une part, que, si les institutions avaient choisi une base différente, telle que le prix à l’exportation du gaz russe vers les États baltes ou tout marché représentatif connaissant les niveaux de prix du gaz les plus proches des niveaux de prix du gaz qui sont les siens, la marge de dumping aurait été négative ou différente. Les institutions auraient dû choisir une « base raisonnable » au sens de l’article 2, paragraphe 5, deuxième phrase, du règlement de base, plutôt que le prix à Waidhaus.

89      L’erreur manifeste d’appréciation résulterait de ce que, tout d’abord, les marchés représentatifs mentionnés par la Commission comme bases possibles de l’ajustement (à savoir l’Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada ou le Japon) connaîtraient les prix du gaz les plus élevés du monde et ne seraient pas proches des niveaux de prix du gaz de la requérante.

90      Ensuite, l’ajustement relatif au prix du gaz aurait été pratiqué sur la base d’un prix intracommunautaire, à savoir la frontière germano-tchèque, reflétant non seulement les coûts de production et de vente du gaz, mais aussi la marge bénéficiaire intracommunautaire de la plate-forme Waidhaus. La base d’ajustement retenue reviendrait à considérer que, pour la plus grande partie de ses coûts totaux de production, la requérante serait basée à la frontière germano-tchèque et achèterait le gaz directement sur le marché de Waidhaus. Or, le fait de placer la requérante dans une position où elle produirait le produit concerné en Russie, tout en payant les droits à l’exportation et les marges intracommunautaires, ne constituerait pas une « base raisonnable » au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

91      Enfin, le marché de Waidhaus serait uniquement le reflet de la situation géographique de Waidhaus, à savoir être sur la voie des principaux gazoducs russes entre la Russie et l’Union européenne, et du nombre de contrats de livraison de gaz ainsi que du volume de gaz négocié. Ces facteurs ne seraient pas pertinents pour qualifier le prix du gaz à Waidhaus de « base raisonnable ».

92      La requérante considère, d’autre part, que le Conseil aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation et entaché le règlement attaqué d’un défaut de motivation en ce qu’il aurait refusé de déduire les droits de 30 % à l’exportation du gaz russe, tout en déduisant les frais de transport, ainsi qu’il résulte des termes du considérant 58 du règlement attaqué.

93      Le raisonnement suivi serait incohérent et contradictoire, car, selon la requérante, de la même manière que les consommateurs russes n’ont pas à payer le transport du gaz de Russie à Waidhaus, ce qui a conduit à déduire les frais de transport et de distribution du gaz, aurait dû être aussi déduit le droit de 30 % prélevé à l’exportation du gaz de Russie, droit qu’elle ne supporte jamais pour la production du produit concerné en Russie.

94      La requérante ajoute que, même si les institutions entendaient sanctionner le régime de doubles prix appliqué par les autorités russes dans le secteur du gaz, cela ne devait pas dispenser lesdites institutions de leur obligation de fonder l’ajustement relatif au prix du gaz sur une base raisonnable au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

95      À cet égard, s’agissant, en premier lieu, du choix du prix de Waidhaus comme prix de référence, il importe de relever que les institutions ne sont pas tenues de prendre en considération tous les prix de référence possibles dans le cadre d’une procédure antidumping, mais doivent être amenées à examiner de façon approfondie les éventuelles propositions formulées par les parties, en cas de doute sur le choix du prix de référence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 32).

96      En l’espèce, il n’apparaît pas que, dans le règlement attaqué, le Conseil ait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le choix du prix à Waidhaus, qui apparaît raisonnable à plusieurs titres.

97      Comme il est relevé au considérant 58 du règlement attaqué, Waidhaus est le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russe dans l’Union. Il ressort du dossier que Waidhaus est une ville allemande située sur la voie des principaux gazoducs russes entre la Russie et l’Union et se trouve être, en termes de nombre de contrats négociés d’approvisionnement en gaz ainsi que de volume de gaz concerné, le premier point d’arrivée du gaz exporté par les producteurs russes dans l’Union.

98      Le prix du gaz négocié en ce lieu est donc celui facturé par les vendeurs russes à leurs clients européens et non un prix intracommunautaire, contrairement à ce que tente de soutenir la requérante dans la requête.

99      Ensuite, compte tenu du volume de gaz concerné et du nombre de contrats négociés, rien n’indique que le prix du gaz russe à Waidhaus ne soit pas le résultat de forces du marché exemptes de distorsions.

100    À l’audience, la requérante a communiqué la décision de la Commission du 8 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire COMP/39.401 – E.ON/GDF) (résumé au JO C 248, p. 5), pour soutenir que l’entente sanctionnée par une telle décision avait eu des effets sur les données utilisées par la Commission pour calculer l’ajustement dans la présente affaire. Selon elle, il résulte de ladite décision que le prix du gaz russe à Waidhaus ne serait pas le résultat des forces du marché.

101    À l’audience également, la Commission a émis des doutes sur la recevabilité d’une pièce versée à ce stade de la procédure, cependant que le Conseil n’a contesté que la pertinence d’une telle pièce.

102    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ladite pièce, la décision E.ON/GDF (voir point 100 ci-dessus) ayant été rendue par la Commission après l’adoption du règlement attaqué, il suffit de constater que, si elle porte bien sur des ventes de gaz en provenance de Russie, elle concerne seulement l’examen d’un accord de répartition des marchés en Allemagne et en France entre E.ON et GDF pour les ventes de gaz à leurs clients. Elle ne vise pas l’examen du marché d’exportation du gaz russe en gros à destination de l’ensemble de l’Union, ni l’examen des relations de E.ON et GDF avec leur fournisseur de gaz russe.

103    Enfin, si la requérante conteste que le prix de Waidhaus soit bien plus élevé que celui du gaz vendu sur le marché intérieur russe, elle reconnaît elle-même, dans la réplique, qu’il peut être inférieur au prix du gaz négocié au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada. Les institutions n’ont donc pas choisi le prix de référence le plus élevé du marché. Il n’est, en outre, pas certain que le prix du gaz à l’exportation vers les États baltes ne soit pas comparable à celui du gaz qui transite par Waidhaus.

104    S’agissant, en second lieu, de la décision de ne pas déduire les taxes à l’exportation prélevées en Russie, seuls les frais de transport faisant l’objet d’une déduction, la requérante invoque trois affaires ayant donné lieu à des règlements du Conseil qui témoigneraient d’une pratique décisionnelle incohérente et erronée de la part de ce dernier.

105    Le Conseil répond que, dans les trois affaires citées par la requérante, la Commission et lui n’ont procédé qu’à une déduction des droits d’accises dus pour les ventes intérieures de gaz, mais à aucune déduction des taxes à l’exportation. À cet égard, il précise que c’est par erreur qu’il est indiqué, au considérant 31 du règlement (CE) no 1891/2005 du Conseil, du 14 novembre 2005, modifiant le règlement (CEE) no 3068/92 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de chlorure de potassium originaires du Belarus, de Russie et d’Ukraine (JO L 302, p. 14), que les taxes douanières à l’exportation sont déduites du prix du gaz exporté. Le Conseil indique avoir été informé par la Commission que, dans les faits, aucun ajustement de ce type n’a été effectué.

106    À cet égard, mis à part le règlement no 1891/2005, qui fait état, à son considérant 31, d’une déduction des taxes douanières à l’exportation, qui n’aurait, en pratique, pas été opérée, il apparaît que ces taxes n’ont pas été déduites dans les autres règlements sur lesquels se fonde la requérante.

107    Il ressort en effet du considérant 97 du règlement (CE) no 954/2006 du Conseil, du 27 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) no 2320/97 et (CE) no 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (JO L 175, p. 4), invoqué par la requérante, que l’ajustement des coûts du gaz qui a été opéré reposait sur le prix du gaz exporté vers les pays d’Europe occidentale, hors frais de transport et droits d’accises.

108    De même, aux termes du considérant 54 du règlement (CE) no 1050/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de chlorure de potassium originaire du Belarus et de Russie (JO L 191, p. 1), un ajustement du prix du gaz a été opéré sur la base d’informations concernant le prix du gaz exporté hors frais de transport, TVA et accises.

109    En tout état de cause, le Conseil justifie l’absence de déduction des taxes à l’exportation par le fait que la tarification opérée par Gazprom n’est pas influencée par le montant des taxes à l’exportation. À l’appui de cette affirmation, le Conseil a communiqué, en annexe B.2 au mémoire en défense, des données relatives à l’évolution des prix du gaz russe qui témoignent du fait que ce prix apparaît, dans une large mesure, ne pas dépendre du montant des taxes à l’exportation. Le Conseil a ajouté, notamment, que Gazprom essayait toujours d’augmenter autant qu’il était possible le prix du gaz qu’il vendait et que la tarification de ce prix n’était pas influencée par le montant des taxes à l’exportation, mais seulement par le prix que les clients de Gazprom étaient disposés à payer. À l’audience, le Conseil a réitéré son analyse selon laquelle c’est le prix payé à Waidhaus qui importe, sans qu’il soit pertinent de savoir ce que ce prix comprend.

110    Or, il apparaît que la requérante n’a pas été en mesure d’expliquer ni de démontrer en quoi la tarification opérée par Gazprom à Waidhaus aurait pu être influencée par le montant des taxes à l’exportation. Il convient donc de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas lesdites taxes du prix payé à Waidhaus.

111    Par ailleurs, il convient d’ajouter que la circonstance que, dans deux des affaires citées par la requérante, les droits d’accises aient été déduits et que, dans la présente affaire, les frais de transport aient été également déduits n’a pas d’effet sur la question de savoir si une erreur manifeste d’appréciation a pu être commise en l’espèce en ce qui concerne le refus de déduire les taxes d’exportation.

112    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée d’un défaut de motivation concernant le refus de déduire le droit de 30 % à l’exportation du gaz russe, tout en déduisant les frais de transport. En effet, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et des observations qu’elle a soumises durant la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06, Rec. p. II‑879, point 127).

113    En l’occurrence, en page 5 du courrier de la Commission du 12 décembre 2006 adressé à la requérante pendant la procédure administrative et communiqué en annexe A12 à la requête, il avait été indiqué à la requérante les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu de déduire le droit de 30 % à l’exportation du gaz russe, ce qui dispensait le Conseil de réitérer ces explications dans le corps du règlement attaqué, pour s’en tenir aux motifs de fait et de droit constituant le fondement dudit règlement.

114    La seconde branche du premier moyen n’est donc pas fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen

115    La requérante invoque une violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et une erreur manifeste d’appréciation, en ce que, dans le règlement attaqué, le Conseil a déduit de son prix à l’exportation au premier client indépendant les commissions des sociétés affiliées qui font partie de l’entité économique unique qu’elle constitue. La requérante conteste, à cet égard, le considérant 62 du règlement attaqué en ce qu’il a repris les conclusions de la Commission du 28 septembre 2006, à savoir déduire du prix à l’exportation les commissions de ses filiales sociétés de négoce, Eurochem Moscou et Eurochem Trading GmbH.

116    Selon la requérante, les ajustements énumérés à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base ne sont ni obligatoires ni automatiques et la partie qui demande l’ajustement supporte la charge de la preuve.

117    À titre liminaire, il importe de rappeler le contexte factuel pertinent dans lequel les institutions ont appliqué, en l’espèce, l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, qui prévoit que la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences affectant la comparabilité des prix.

118    Pour l’application de ladite disposition, le Conseil a exposé que la requérante et ses sociétés de production ne vendaient pas directement le produit concerné aux clients aux États-Unis. Il a expliqué la manière dont la vente s’effectuait en ces termes. Les sociétés de production, filiales de la requérante, concluaient un contrat d’agence avec celle-ci, qui recevait une commission sur les ventes du produit, en application dudit contrat. La requérante, en qualité de commissionnaire, faisait en sorte que le produit soit vendu par ses sociétés de production à deux sociétés de négoce, également ses filiales, l’une située dans les Îles vierges britanniques, mais dont l’activité a cessé en 2005, et l’autre située en Suisse. Ces sociétés de négoce vendaient le produit concerné au premier client indépendant moyennant une marge.

119    Si la requérante a indiqué avoir contesté ces conclusions au cours de la procédure administrative, il apparaît que c’est uniquement pour faire valoir que toutes les sociétés qui lui étaient affiliées, y compris ses sociétés de production et ses deux sociétés de négoce, étaient détenues, contrôlées et gérées par le même actionnaire, elle-même. Selon elle, Eurochem Moscou et Eurochem Trading exerçaient des fonctions identiques à celles d’un service chargé des ventes à l’exportation pleinement intégré.

120    Il ressort des considérants 59 à 62 du règlement attaqué que la valeur normale et le prix à l’exportation ont été déterminés au niveau « distributeur ».

121    À cet égard, s’agissant de la valeur normale, le considérant 59 du règlement attaqué énonce, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, que celle-ci a été construite sur la base du coût de production du type de produit exporté, après ajustement pour le prix du gaz mentionné au considérant 58 du même règlement, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi que les bénéfices. Le considérant 61 du règlement attaqué précise que les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été déterminés sur la base des montants moyens pondérés de trois producteurs nord-américains et que le montant pour le bénéfice ainsi établi n’excédait pas le bénéfice réalisé par les producteurs russes sur les ventes de produits de la même catégorie générale sur leur marché intérieur.

122    S’agissant du prix à l’exportation, le considérant 62 du règlement attaqué énonce que le prix à l’exportation a été établi sur la base des prix à l’exportation réellement payés ou à payer au premier client indépendant aux États-Unis, principal marché d’exportation de la requérante.

123    L’article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit que des ajustements sont possibles.

124    Toutefois, selon la jurisprudence, il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité (arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 94). En d’autres termes, la raison d’être d’un ajustement est de rétablir la symétrie entre valeur normale et prix à l’exportation.

125    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base prévoit qu’un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. La seconde phrase de ladite disposition précise que le terme « commissions » couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

126    Cette seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base résulte de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1972/2002. Aux termes du considérant 6 de ce dernier règlement, la raison d’être de l’introduction de la phrase en question était de spécifier, conformément à la pratique constante des institutions, que ces ajustements devaient aussi être opérés si les parties n’entretenaient pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parvenaient au même résultat économique en agissant en tant que vendeur et acheteur.

127    Partant, l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet d’opérer un ajustement non seulement au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s’ils remplissent des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions (arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 281).

128    En l’espèce, il convient donc d’examiner les rôles respectifs assurés par la requérante, ses sociétés de production et ses sociétés de négoce.

129    Il n’a pas été contesté par la requérante que des commissions ont été payées, conformément au contrat d’agence portant sur les ventes à l’exportation. Le Conseil a souligné que ce contrat était un contrat d’agence à part entière, qui prévoyait même une clause compromissoire.

130    La requérante soutient que les institutions n’ont pas démontré l’incidence de telles commissions sur la comparabilité entre le prix à l’exportation et la valeur normale.

131    Or, il apparaît que le Conseil a indiqué que les commissions versées représentaient une compensation pour des tâches réalisées dans le cadre de fonctions qui étaient assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et que le paiement de celles-ci ne constituait pas une simple redistribution interne des bénéfices n’ayant pas d’incidence sur la comparabilité des prix.

132    Il n’a pas été contesté que le produit concerné était revendu par la société de négoce, qui fixait un prix comprenant une marge, jouant ainsi le rôle de négociant. Il convient d’ajouter que la requérante n’a pas contesté son propre rôle ni les rôles respectifs de ses sociétés de production et de négoce, tels que rappelés au point 118 ci-dessus, sauf pour soutenir qu’elle et ses sociétés constituaient une entité économique unique.

133    Elle a, en outre, renvoyé à un document d’information de la Commission qui mentionnait que toutes les ventes à l’exportation de la requérante étaient réalisées directement par l’intermédiaire de sociétés liées. Toutefois, une telle mention ne saurait être suffisante pour contester utilement les relations entre les sociétés en question telles qu’établies par le Conseil.

134    Il n’apparaît donc pas qu’une violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et une erreur manifeste d’appréciation quant à l’application de cette disposition aient été commises en l’espèce.

135    La troisième branche du premier moyen n’est donc pas fondée.

136    Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être considéré comme non fondé et doit, en conséquence, être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphes 1 et 3, du règlement de base

137    Par son second moyen, la requérante invoque la violation de l’article 11, paragraphes 1 et 3, du règlement de base.

138    Elle précise, en ce qui concerne la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, que les institutions auraient dû initier, conduire et finaliser un réexamen intermédiaire en lien avec le réexamen des mesures parvenant à expiration. La requérante aurait fourni des éléments de preuve suffisants lorsqu’elle a introduit sa demande de réexamen intermédiaire le 1er août 2005 et, en tout état de cause, lorsqu’elle a communiqué à la Commission des éléments de réponse les 9 septembre et 27 octobre 2005 pour le calcul de la marge de dumping.

139    La requérante ajoute, en ce qui concerne la violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base, que, à la lumière des mêmes éléments de preuve, les institutions auraient, à tort, adopté le règlement attaqué et prolongé les droits antidumping à leur niveau initial. Elle souligne, à cet égard, que les droits antidumping prolongés avaient été établis en application de méthodologies destinées à des pays dépourvus d’économie de marché et sur la base d’une industrie de l’Union nécessairement plus réduite, puisque l’Union n’était alors composée que de quinze États membres seulement.

140    Le Conseil conclut à l’irrecevabilité du second moyen au motif que, selon lui, la principale prétention de la requérante, dans le cadre de ce moyen, est que la Commission et lui se sont abstenus d’ouvrir en temps utile le réexamen intermédiaire des mesures initiales. Ce moyen ne viserait pas à étayer la demande de la requérante tendant à l’annulation du règlement attaqué.

141    À titre subsidiaire, le Conseil excipe d’un délai de forclusion. Il soutient que la requérante ne peut plus contester, à ce stade, l’abstention ou le refus d’ouvrir le réexamen intermédiaire, qui seraient devenus définitifs. Il se fonde sur les arrêts de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, Rec. p. I‑833), et du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, Rec. p. I‑1197).

142    La requérante conteste l’exception d’irrecevabilité au motif que son second moyen ne concerne pas seulement l’ouverture tardive d’un réexamen intermédiaire, mais aussi le maintien des mesures antidumping par le règlement attaqué. Elle indique que la Commission n’a jamais refusé d’engager le réexamen intermédiaire, puisqu’elle l’aurait même ouvert le 19 décembre 2006, ce qui démontrerait que la requérante n’avait la possibilité d’introduire ni de recours en carence contre la prétendue abstention d’ouvrir un tel réexamen ni de recours en annulation contre le tout aussi prétendu refus d’ouvrir ledit réexamen. Elle ajoute que les avis de la Commission annonçant l’ouverture d’enquêtes ne seraient pas des actes attaquables.

143    En toute hypothèse, la requérante n’aurait pas eu, à la date du dépôt de la requête, la possibilité d’introduire de recours en carence, puisque la Commission avait déjà agi. Elle n’aurait pas davantage eu la possibilité d’introduire de recours en annulation avant l’adoption du règlement attaqué.

144    À cet égard, il convient d’indiquer que, par son second moyen, la requérante ne conteste pas le refus de la Commission de procéder à un réexamen intermédiaire, ce dernier ayant été, au demeurant, engagé par l’avis d’ouverture publié le 19 décembre 2006. La requérante indique contester davantage le maintien du droit antidumping, dès lors qu’elle aurait apporté des preuves suffisantes dans le cadre de sa demande de réexamen intermédiaire.

145    Or, comme le Conseil le relève à juste titre, si le refus ou l’abstention de la Commission d’engager un réexamen intermédiaire en temps utile était illégal, cela ne signifierait pas que cette illégalité entache la légalité du règlement attaqué, seul acte dont il est demandé l’annulation dans la requête. Le règlement attaqué a mis fin à la procédure engagée à la suite d’une demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures en vigueur et n’est pas une réponse à la demande de réexamen intermédiaire initiée par la requérante, celle-ci ayant reçu une réponse par le règlement no 238/2008.

146    Le second moyen doit donc être déclaré irrecevable en ce qu’il vise les éventuelles illégalités relatives à la demande de réexamen intermédiaire introduite par la requérante.

147    Au surplus, il importe d’ajouter que, à supposer même que ledit moyen soit fondé sur la circonstance que les institutions auraient dû traiter ensemble la demande de réexamen prévue à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base et celle prévue au paragraphe 3 du même article, il n’est pas indiqué en quoi cette absence d’examen conjoint serait de nature à affecter la légalité du règlement attaqué. La requérante ne démontre pas, notamment, ce que cela aurait changé sur le fond du litige si les deux demandes avaient été jointes.

148    Il convient donc de rejeter le second moyen comme irrecevable.

149    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

150    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner, conformément aux conclusions du Conseil, à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.

151    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EuroChem Mineral and Chemical Company OAO (EuroChem MCC) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Truchot

Kanninen

Martins Ribeiro

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.