Language of document : ECLI:EU:T:2013:647

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’EEE, à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume‑Uni – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Imputabilité du comportement infractionnel – Présomption d’innocence – Amendes – Article 23 du règlement (CE) no 1/2003 – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Circonstances atténuantes – Infraction commise par négligence – Infraction autorisée ou encouragée par les autorités publiques »

Dans l’affaire T‑399/09,

Holding Slovenske elektrarne d.o.o. (HSE), établie à Ljubljana (Slovénie), représentée par Me F. Urlesberger, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Bourke et N. von Lingen, puis par MM. von Lingen et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier), en ce qu’elle vise la requérante, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par ladite décision,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par sa décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (ci‑après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que les principaux fournisseurs de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, du 7 avril 2004 au 16 janvier 2007, à une infraction unique et continue. Celle‑ci se traduisait par un partage de marchés, une fixation de quotas, une répartition des clients, une fixation des prix et un échange d’informations commerciales sensibles concernant les prix, les clients et les volumes de vente dans l’EEE, à l’exception de l’Espagne, de l’Irlande, du Portugal et du Royaume‑Uni.

2        La procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3 , ci‑après la « communication sur la clémence de 2002»), déposée le 20 novembre 2006 par Akzo Nobel NV.

3        Par la décision attaquée [article 1er, sous g)], la Commission a constaté que la requérante, Holding Slovenske elektrarne d.o.o. (HSE), avait participé à l’infraction du 7 avril 2004 au 20 décembre 2006. En particulier, il ressort du considérant 263 de la décision attaquée que la Commission a considéré que, durant une période qui inclut la période susmentionnée, des employés de TDR-Metalurgija d.d. (ci‑après « TDR ») avaient été impliqués dans les accords ou pratiques concertées de l’entente litigieuse. Pour les motifs exposés au considérant 264 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante avait exercé une influence déterminante sur le comportement de TDR, au moins au cours de la période allant du 7 avril 2004 au 20 décembre 2006, et que, par conséquent, pendant cette même période, ces deux sociétés faisaient partie de la même unité économique, si bien que la requérante pouvait être tenue pour responsable de l’infraction aux règles de la concurrence dans laquelle était impliquée TDR.

4        Par l’article 2, sous i), de la décision attaquée, la Commission a infligé à la requérante une amende de 9,1 millions d’euros pour l’infraction mentionnée ci‑dessus.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

6        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la même chambre.

7        Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 10 juillet 2013.

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, pour autant qu’il la concerne, l’article 1er, sous g), ainsi que l’article 2, sous i), de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée par l’article 2, sous i), de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, premièrement, du fait que le comportement infractionnel de TDR lui a été imputé à tort, deuxièmement, de la violation de la présomption d’innocence, troisièmement, de l’inclusion erronée d’un montant correspondant à un « facteur de dissuasion » dans le montant global de l’amende qui lui a été infligée et, quatrièmement, de l’omission de la Commission de tenir compte de circonstances atténuantes à son égard.

 Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée à la requérante du comportement infractionnel de TDR

 Rappel de la jurisprudence relative à l’imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale

11      Selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 34, et la jurisprudence citée).

12      La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

13      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, point 36, et la jurisprudence citée). Toutefois, ainsi que l’a également précisé la Cour, l’infraction au droit de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 57).

14      S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une personne juridique qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut néanmoins être sanctionnée, il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

15      En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 81 CE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

16      La Cour a également précisé, à cet égard, que, dans le cas particulier où une société mère détenait 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère pouvait exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existait une présomption réfragable (ci-après la « présomption capitalistique ») selon laquelle ladite société mère exerçait effectivement une telle influence. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, points 39 et 40, et la jurisprudence citée ; voir également arrêts de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 97, et du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, non encore publié au Recueil, point 46).

 Décision attaquée

17      Les considérants 264 à 268 de la décision attaquée relèvent ce qui suit, au sujet de l’imputation à la requérante du comportement infractionnel de TDR :

« (264) [HSE] a exercé une influence déterminante sur le comportement de TDR, au moins au cours de la période allant du 7 avril 2004 au 20 décembre 2006 […], et ces sociétés constituaient donc une seule et même entreprise, comme le démontrent les liens structurels et organisationnels suivants :

–        [D]ans ses rapports annuels, HSE cite TDR comme l’une des entreprises formant le groupe HSE […]

–        HSE se décrit également elle-même comme un seul et même groupe : ‘Dans la structure du chiffre d’affaires, l’énergie électrique représente 93 % du chiffre d’affaires net et les autres produits et services représentent 7 % du chiffre d’affaires net du groupe HSE. Les autres activités incluent, pour leur majeure partie, la production de carbure de calcium, de silicone ferreux et d’alliages complexes.’[…]

–        Le chiffre d’affaires de TDR était en outre inclus dans les comptes consolidés de HSE […], ce qui démontre que les recettes générées par la filiale ont contribué aux données sur les performances économiques de la société mère.

–        TDR faisait partie de la division multi-services de HSE […]

–        [A]vant la vente de TDR, le conseil de surveillance de HSE avait donné son approbation pour cette vente […]

–        [L]e conseil de surveillance de TDR était principalement composé de représentants de HSE. Deux des trois membres du conseil de surveillance de TDR (dont son président) étaient des représentants de HSE […] Le troisième membre était désigné par le ‘comité d’entreprise’ de TDR. Le représentant de HSE qui a occupé le poste de président du conseil de surveillance de TDR a écrit en 2004 dans un article publié sur le site Internet de HSE : ‘En tant que président du conseil de surveillance de la société TDR […], qui fait partie du groupe HSE, je suis content de notre collaboration avec la direction de la société TDR […] Je pense que la communication entre nous est bonne et que le conseil de surveillance possède toutes les informations pertinentes pour accomplir sa mission avec qualité’ […]

–        [P]ar ailleurs, HSE a reçu des rapports périodiques de TDR. Ces rapports expliquaient la situation de TDR sur le marché, décrivaient les variations passées et futures des prix des matières premières et commentaient l’impact de ces facteurs sur la production, les ventes et les activités en général de TDR. En outre, TDR a fourni à HSE des rapports concernant ses ventes (effectives et prévues) par produit. Pour le carbure de calcium, TDR donnait également des explications sur les volumes livrés à d’autres fournisseurs, les principaux clients et l’effet des variations de prix (escomptées) sur le marché […]

–        [D]e surcroît, les documents obtenus lors des inspections chez TDR prouvent que des rapports encore plus détaillés circulaient entre TDR et sa société mère HSE. Différents rapports ont été découverts, rédigés à l’attention de la direction et du conseil de surveillance de HSE, expliquant la situation sur le marché du carbure de calcium et les problèmes rencontrés par TDR […] Ces rapports décrivent également les concurrents de TDR sur le marché.

–        TDR a également confirmé que HSE avait exercé une influence dans la désignation de son personnel de direction et qu’elle avait bénéficié de tarifs réduits pour l’électricité au cours de la période durant laquelle elle était sous le contrôle de HSE […]

(265) Ces liens structurels et de personnel prouvent qu’il existait une organisation unitaire et que HSE, qui détenait 74,44 % des parts du capital de TDR jusqu’au 20 décembre 2006, a effectivement exercé un contrôle déterminant sur le comportement commercial de TDR. Les éléments mentionnés au considérant (264) entrent dans le cadre du comportement commercial normal d’un investisseur de cette taille. Par conséquent, il y a lieu de considérer que TDR et HSE ont formé une seule et même entreprise entre le 7 avril 2004 et le 20 décembre 2006. La Commission a donc décidé d’adresser la présente décision à TDR […] et à [HSE].

(266) Dans sa réponse à la communication des griefs […], HSE affirme qu’elle n’était pas informée des activités d’entente illégales, ou n’aurait pas pu l’être. La réponse de la Commission à cet argument est donnée au considérant (224).

(267) Par ailleurs, HSE prétend qu’elle ne formait pas une entité économique unique avec TDR, en invoquant plusieurs motifs : l’inclusion de TDR dans le rapport annuel relève d’obligations légales ; les ventes de TDR ont seulement joué un rôle économique mineur dans le chiffre d’affaires global du groupe ; la société mère n’a jamais tiré profit de la filiale sur le plan économique ; l’approbation préalable de la société mère pour la vente de la filiale fait partie des pratiques de direction habituelles pour une société détenant 74,44 % du capital d’une filiale ; il est normal d’avoir deux membres sur trois dans le conseil de surveillance de la filiale au regard de l’importance des parts de la société mère ; recevoir des rapports périodiques sur la situation de la filiale sur le marché fait partie de la pratique habituelle ; la société mère contrôlait la filiale uniquement dans le but de s’assurer du caractère irréprochable et du succès de la direction de la filiale ; il est enfin normal pour un investisseur de la taille de HSE d’exiger des résultats positifs et de contrôler les performances et les efforts au travail afin de réduire les pertes au minimum.

(268) La quasi-totalité de ces éléments conforte le point de vue de la Commission et aucun d’entre eux ne montre que HSE n’exerçait pas d’influence déterminante. Même s’il était vrai que les ventes de TDR ont joué un rôle secondaire dans le chiffre d’affaires, cela ne prouve absolument pas en soi que HSE a permis à TDR de jouir d’une complète autonomie dans la détermination de son comportement sur le marché […] Les indicateurs, pris dans leur ensemble, révèlent un contrôle permanent et intensif par HSE de la position économique de TDR sur le marché, comme le reconnaît effectivement HSE dans sa réponse à la communication des griefs. Ainsi, dans le sens de la jurisprudence […], la Commission maintient que HSE n’a pas apporté de preuves réfutant le fait qu’elle a effectivement exercé une influence déterminante sur TDR. Par conséquent, HSE peut être tenue pour responsable du comportement illégal de TDR et la décision est également adressée à HSE. »

 Analyse du moyen

–       Remarques introductives

18      Par son premier moyen, la requérante tend à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle elle constituait avec sa filiale TDR une seule unité économique et pouvait être tenue pour responsable de l’infraction aux règles de la concurrence commise par cette dernière.

19      Par un premier grief, elle reproche à la Commission une erreur de droit en ce qu’elle lui a appliqué la présomption capitalistique, alors qu’elle détenait 74,44 %, et non 100 %, du capital de sa filiale impliquée dans l’infraction. Ensuite, la requérante développe une série d’arguments qui, pour l’essentiel, reprennent et amplifient ceux avancés dans sa réponse à la communication des griefs et qui sont résumés au considérant 267 de la décision attaquée, afin de remettre en cause la conclusion selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur sa filiale.

20      Il convient d’examiner, d’abord, le grief tiré de la prétendue application injustifiée de la présomption capitalistique.

–       Sur la prétendue application injustifiée de la présomption capitalistique

21      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit, en ce qu’elle lui a appliqué la présomption capitalistique sur la base d’une participation, dans le capital de TDR, de seulement 74,44 %, alors que l’application de cette présomption nécessite la détention, par la société mère, de la totalité (100 %) du capital de sa filiale.

22      Ce grief est fondé sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, elle n’a nullement invoqué, dans la décision attaquée, la présomption capitalistique, mais elle a énuméré, au considérant 264 de la décision attaquée, une série d’indices démontrant, selon elle, l’exercice d’une influence déterminante, au sens de la jurisprudence citée au point 14 ci‑dessus, par la requérante sur sa filiale TDR.

23      La requérante se fonde sur l’affirmation, figurant au considérant 268 de la décision attaquée, selon laquelle elle « n’a pas produit de preuves réfutant le fait qu’elle a effectivement exercé une influence déterminante sur TDR ». Lors de l’audience elle a ajouté, à cet égard, que la version slovène de la décision attaquée, qui lui a été communiquée, utilisait le terme « domneva » qui signifierait « présomption ».

24      Toutefois, replacée dans son contexte, l’affirmation en question telle qu’elle figure dans la décision attaquée ne peut qu’être comprise en ce sens que les éléments invoqués par la requérante, résumés au considérant 267 de la décision attaquée, ne remettent pas en cause la conclusion de la Commission, fondée sur les indices énumérés au considérant 264 et énoncée au considérant 265 de la décision attaquée, selon laquelle HSE exerçait une influence déterminante sur sa filiale et constituait, avec elle, une unité économique au sens de la jurisprudence. Tel est également le cas, quand bien même le terme « domneva », utilisé dans la version slovène du considérant 268 de la décision attaquée, pourrait signifier, pris dans l’abstrait, « présomption ». En effet, compte tenu du contexte entourant l’affirmation utilisant ce terme, il devrait être clair pour la requérante, même dans une telle hypothèse, que la Commission ne s’est pas fondée sur la présomption capitalistique, mais voulait seulement exprimer sa conviction selon laquelle les éléments invoqués par la requérante ne remettaient pas en cause les indices, énumérés au considérant 264 de la décision attaquée, démontrant son influence déterminante sur sa filiale TDR.

25      L’affirmation en question, au considérant 268 de la décision attaquée, ne démontre dès lors pas l’application erronée d’une présomption par la Commission, mais constitue la conclusion que cette dernière a tirée de l’examen des éléments invoqués par la requérante afin de contester les indices mentionnés au considérant 264 de la décision attaquée qui, comme le rappelle la Commission, étaient également mentionnés dans la communication des griefs adressée à la requérante.

26      Confrontée aux explications de la Commission résumées au point 22 ci‑dessus, la requérante a fait valoir que la thèse de la Commission équivalait à une extension du champ d’application de la présomption capitalistique dans tous les cas où une société détenait une participation majoritaire dans une autre société, dès lors que la Commission présupposait implicitement la réunion des conditions d’application de la présomption capitalistique et concluait que la requérante n’était pas parvenue à prouver le contraire.

27      Cet argument ne saurait non plus prospérer. Il ressort clairement de la lecture des considérants 264 et 265 de la décision attaquée que la Commission ne s’est pas fondée sur une quelconque présomption, explicite ou implicite, mais qu’elle a clairement énuméré les éléments démontrant, selon elle, l’exercice d’une influence déterminante par la requérante sur sa filiale. Elle était également tenue d’analyser les arguments et éléments en sens contraire avancés par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, ce qu’elle a fait aux considérants 266 et suivants de la décision attaquée. La phrase du considérant 268 invoquée par la requérante (voir point 23 ci-dessus) énonce simplement le résultat de cette analyse, à savoir que la Commission a considéré que ces arguments et éléments ne remettaient pas en cause la conclusion relative à l’exercice d’une influence déterminante. Le caractère justifié de cette conclusion est contesté par la requérante par le reste de son argumentation avancée dans le cadre du présent moyen, lequel sera examiné ci‑après. Toutefois, il ne saurait être admis que la Commission a commis une erreur de droit en ce qu’elle a appliqué, à tort, la présomption capitalistique, s’agissant de la situation de la requérante et de sa filiale TDR.

28      Eu égard à cette conclusion et tenant compte du fait que, dès lors que la présomption capitalistique ne trouvait pas à s’appliquer, il incombait à la Commission de fournir la preuve de l’exercice d’une influence déterminante par la requérante sur sa filiale TDR, il convient d’examiner, ensuite, si les différents éléments invoqués au considérant 264 de la décision attaquée sont aptes, par eux-mêmes, à fournir une telle preuve. Si tel s’avère être le cas, il conviendra, dans une ultime étape, d’examiner si ces éléments et la conclusion d’une influence déterminante de la requérante sur sa filiale peuvent être remis en cause par les différents arguments avancés par la requérante.

–       Rappel de la jurisprudence

29      Aux fins de cette analyse, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence mentionnée au point 14 ci‑dessus, afin d’imputer à la société mère le comportement anticoncurrentiel d’une filiale, la Commission ne saurait se contenter de constater que ladite société « pouvait » exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette influence a effectivement été exercée. Au contraire, il lui incombe en principe de démontrer une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 136, et la jurisprudence citée).

30      Ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, point 100), afin d’apprécier si une société détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre celle-ci et la société du même groupe qui a été considérée comme responsable pour les agissements dudit groupe, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive. L’existence d’une unité économique peut être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité (arrêt Knauf Gips/Commission, précité, point 65).

31      Ce n’est qu’à titre indicatif qu’il peut être mentionné que, dans la jurisprudence, l’analyse de l’existence d’une entité économique unique entre plusieurs sociétés faisant partie d’un groupe a impliqué l’examen de la question de savoir si la société mère avait influencé la politique des prix de sa filiale, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash‑flow », les stocks et le marketing (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, point 64, et la jurisprudence citée).

32      Enfin, il résulte également de la jurisprudence mentionnée au point 14 ci‑dessus que le comportement de la filiale sur le marché ne saurait constituer le seul élément permettant d’engager la responsabilité de la société mère, mais qu’il est seulement l’un des signes de l’existence d’une unité économique (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 13 supra, point 73).

–       Analyse des indices d’une influence déterminante mentionnés dans la décision attaquée

33      En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte de la lecture du considérant 264, premier à quatrième tiret, de la décision attaquée, le premier élément sur lequel la Commission s’est fondée pour conclure que la requérante et TDR faisaient partie de la même unité économique est le fait, déduit des différents indices mentionnés auxdits tirets, que la requérante présentait elle-même TDR comme faisant partie du groupe d’entreprises formant le groupe HSE et, en particulier, de sa division « multiservices ».

34      À cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission (T‑66/99, Rec. p. II‑5515, points 137 et 138), le Tribunal a pris en considération le fait qu’une société avait répondu à une demande de renseignements de la Commission en utilisant le papier à lettres d’une autre société du même groupe, pour appuyer la conclusion selon laquelle l’une des deux sociétés concernées exerçait une influence déterminante sur l’autre et qu’elles faisaient toutes les deux partie de la même entité économique.

35      De même, dans son arrêt Knauf Gips/Commission, point 30 supra, (point 104), la Cour a pris en considération, afin de parvenir à la conclusion que la société requérante dans cette affaire s’était à juste titre vu imputer la responsabilité pour l’infraction commise par le personnel d’autres entités, le fait que la plupart des documents saisis par la Commission pendant les vérifications avaient été rédigés sur le papier à en-tête de cette société.

36      Il peut être déduit de cette jurisprudence que, plus généralement, le fait que deux sociétés se présentent vers l’extérieur comme faisant partie du même groupe constitue un élément pertinent qui, sans nécessairement être à lui seul suffisant, peut être pris en considération parmi d’autres pour justifier la conclusion selon laquelle elles font partie de la même unité économique, si bien que la responsabilité pour l’infraction aux règles de la concurrence commise par l’une d’elles peut être imputée à l’autre. C’est donc à juste titre que la Commission a pris en compte les indications figurant aux quatre premiers tirets du considérant 264 de la décision attaquée, afin d’imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction commise par TDR.

37      En second lieu, afin de constater l’exercice par la requérante d’une influence déterminante sur TDR et, par conséquent, l’existence d’une unité économique entre elles, la Commission s’est fondée sur les différents indices des liens personnels et organisationnels entre ces deux sociétés, tels qu’énumérés au considérant 264, cinquième à neuvième tiret, de la décision attaquée. Il ressort en substance de ces éléments que le conseil de surveillance de TDR était, depuis l’acquisition de 74,44 % de son capital par la requérante, contrôlé par des représentants de cette dernière, que TDR faisait régulièrement rapport à la requérante au sujet de ses activités commerciales et que celle-ci exerçait une influence dans la désignation du personnel de direction de sa filiale.

38      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence mentionnée au point 30 ci‑dessus, les liens organisationnels figurent au nombre des éléments à même de prouver l’existence d’une unité économique entre la société mère et sa filiale. De plus, il convient de rappeler que le juge de l’Union considère que la représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue un élément de preuve pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif sur la politique commerciale de celle-ci (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Total/Commission, T‑344/06, non publié au Recueil, point 73 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 137, et du 16 juin 2011, FMC/Commission, T‑197/06, Rec. p. II‑3179, point 150).

39      Par conséquent, il convient de conclure que les indices mentionnés au considérant 264 de la décision attaquée constituent des éléments de preuve pertinents et concordants, démontrant l’exercice d’une influence déterminante, de la requérante sur sa filiale TDR, de sorte qu’elles ont constitué, lors de la période infractionnelle, une unité économique, ce qui justifie l’imputation à la requérante de la responsabilité pour l’infraction commise par sa filiale.

40      Il convient, par la suite, d’examiner si cette conclusion peut être remise en cause par les différents arguments avancés par la requérante. Seront examinés, à cet égard, tout d’abord, les arguments de la requérante, relatifs à l’historique et aux circonstances de l’acquisition de sa participation à TDR.

–       Sur les circonstances de l’acquisition, par la requérante, d’une participation au capital de TDR

41      La requérante fait valoir qu’elle n’est pas devenue actionnaire de TDR de son propre gré, mais a acquis sa participation à la suite d’une décision de la République de Slovénie, détentrice à 100 % de son capital, de lui transférer la participation jusqu’alors détenue par Elektro Slovenija d.o.o. (ci‑après « Eles »). Du fait d’une modification de la législation slovène applicable, les activités d’Eles, société également détenue à 100 % par la République de Slovénie, auraient été limitées à la gestion du réseau électrique et de la distribution d’électricité et seraient, dès lors, incompatibles avec la détention du capital de TDR. La République de Slovénie aurait acquis, en 2002, la participation d’Eles au capital de TDR et elle l’aurait transférée à HSE peu après, à titre d’apport en nature dans le capital de cette dernière. Il se serait agi d’une solution temporaire, ce dont le conseil d’administration de HSE aurait été informé à l’époque. La République de Slovénie s’efforçait de trouver un investisseur stratégique pour acquérir la participation dans TDR. Cet objectif figurerait dans des dispositions adoptées par le Parlement slovène dès 2003 et aurait finalement été réalisé en décembre 2006.

42      Dès lors qu’elle aurait été informée dès le départ du fait que sa participation dans TDR serait de courte durée, la requérante ne se serait efforcée ni d’intégrer cette société dans son groupe, ni de réaliser des effets de synergie. Elle se serait abstenue d’exercer une influence déterminante sur celle-ci et aurait joué le rôle d’un investisseur financier, dont l’objectif était de gérer sa participation de manière à en maintenir la valeur. En tout cas, l’exercice d’une telle influence n’aurait guère été possible, dès lors que les deux sociétés exerçaient des activités commerciales totalement différentes et que la requérante n’aurait eu ni les connaissances nécessaires pour diriger les activités de TDR ni même un intérêt à le faire. Ainsi, TDR aurait été intégrée dans la division « services multiples » du groupe de la requérante. Cette division regrouperait les filiales dont les activités s’écarteraient des activités principales de HSE et de ses filiales actives dans le domaine de la production d’énergie. Cette division aurait été considérée comme une sorte de « voie de garage », réservée aux filiales ne pouvant et ne devant pas être intégrées dans la stratégie de développement commercial de HSE. La division « services multiples » n’aurait jamais constitué une unité organisationnelle partageant une direction ou des ressources communes.

43      La requérante rappelle que le considérant 22 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), énonce que « [d]ans le régime à instaurer pour un contrôle des concentrations […] il convient de respecter le principe de non-discrimination entre secteurs public et privé [et i]l en résulte, dans le secteur public, que, en vue du calcul du chiffre d’affaires d’une entreprise concernée par une concentration, il faut tenir compte des entreprises qui constituent un ensemble économique doté d’un pouvoir de décision autonome, indépendamment du mode de détention de leur capital ou des règles de tutelle administrative qui leur sont applicables ». Au regard de ce considérant, la requérante fait valoir que, dans la pratique décisionnelle de la Commission, les sociétés du secteur public qui sont seulement liées en raison de la détention de leur capital par la même société holding de privatisation ne sont généralement pas considérées comme constituant un ensemble économique, en raison de l’absence d’exercice effectif d’une influence déterminante par cette société holding. Il serait difficile de comprendre comment la Commission a pu parvenir à une conclusion contraire dans le présent cas et qu’elle a pu considérer, sans invoquer la moindre preuve concluante, que la requérante avait exercé une influence déterminante sur sa filiale TDR.

44      Une telle conclusion serait d’autant moins justifiée que la requérante et sa filiale TDR n’auraient jamais partagé le moindre but économique unique. Or, dans son arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission (T‑11/89, Rec. p. II‑757), le Tribunal aurait exigé cet élément pour constater l’existence d’une entreprise économique unique. Selon la requérante, un tel but économique est normalement défini par la société mère et la filiale doit le poursuivre. Or, en l’espèce, le seul but économique unique partagé par la requérante et sa filiale était l’objectif politique de la République de Slovénie de privatiser TDR le plus rapidement possible. Cette dernière aurait, entre-temps, été seulement « parquée » chez la requérante, jusqu’à ce que survienne l’occasion de le faire. En dehors de cet objectif, les deux sociétés auraient très peu de choses en commun. La requérante serait une société holding détenue à 100 % par l’État slovène, qui regrouperait des sociétés du secteur de l’énergie, principalement des centrales électriques, alors que TDR serait une société de production pure, qui se concentrerait sur la production de carbure de calcium et d’autres substances. La requérante exercerait ses activités dans le secteur strictement réglementé de l’énergie, alors que TDR exercerait ses propres activités dans le secteur de la production métallurgique, qui aurait été en déclin et n’aurait que très peu de points communs avec le secteur de l’énergie. Il s’ensuit, selon la requérante, que les deux sociétés n’ont pas partagé et ne pouvaient pas partager un but économique unique ou une stratégie commerciale commune.

45      La requérante invoque, comme preuve de l’absence de toute influence déterminante de sa part sur TDR, le modèle de préparation des plans d’activité des sociétés du groupe HSE pour 2006. Ce modèle serait uniquement adapté à la vente d’électricité et non à la vente de produits, tels que le carbure de calcium, commercialisés par TDR. Il indiquerait, en outre, que TDR était tenue de préparer elle-même son propre plan d’activité.

46      Ces arguments de la requérante ne suffisent pas pour démontrer que la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une unité économique entre elle et TDR est erronée.

47      Comme le fait valoir à juste titre la Commission, la question de savoir comment et pourquoi la requérante a acquis sa participation dans le capital de TDR est, à cet égard, dépourvue de pertinence. Est également dépourvue de pertinence l’argumentation de la requérante, résumée au point 43 ci‑dessus, relative à la pratique décisionnelle de la Commission dans les cas de concentrations impliquant les sociétés du secteur public.

48      En effet, ni l’historique de l’acquisition par la requérante de sa participation dans le capital de TDR, ni même les critères utilisés par la Commission dans sa pratique décisionnelle pour déterminer si deux sociétés du secteur public font partie de la même unité économique n’importent en l’espèce. Il en va d’autant plus ainsi que rien dans l’argumentation de la requérante ne démontre que la notion d’unité économique, telle que définie dans la jurisprudence citée aux points 11 à 15 ci‑dessus, ne s’appliquerait pas aux sociétés commerciales dont le capital est détenu, directement ou indirectement, par l’État.

49      Ce qui importe en revanche est la question de savoir si, à la suite de l’acquisition d’une participation majoritaire dans le capital de TDR, la requérante a, lors de la période infractionnelle, exercé sur sa filiale une influence déterminante, de sorte qu’elles aient pu être considérées comme ayant, pendant cette période, constitué une unité économique.

50      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ni sa prétendue intention de vendre sa participation dans TDR à un autre investisseur, ni le fait que cette dernière était active dans un secteur commercial entièrement différent du sien n’excluent l’exercice d’une telle influence déterminante.

51      Tout d’abord, l’exercice d’une influence déterminante par une société mère sur sa filiale n’est pas incompatible avec une décision de la première de se séparer, à un stade ultérieur, de sa participation au capital de la seconde. À l’évidence, une fois cette participation cédée, l’influence déterminante de l’ancienne société mère sur l’ex-filiale cessera. Cependant, aussi longtemps que la cession n’a pas encore eu lieu, rien n’empêche la société mère d’exercer une influence déterminante sur sa filiale.

52      Il convient également de relever à cet égard qu’il ressort du considérant 264, cinquième tiret, de la décision attaquée, ce qui est d’ailleurs confirmé par la requérante, que le conseil de surveillance de la requérante a donné son autorisation préalable à la vente de TDR. Cette circonstance démontre, comme le fait valoir en substance la Commission dans ses écrits, que la décision de vendre la participation de la requérante au capital de TDR n’a pas exclusivement été le résultat d’une décision politique du gouvernement slovène, sans possibilité pour la requérante d’exercer d’influence à cet égard. Le fait que, en donnant son autorisation pour la vente de sa participation au capital de TDR, le conseil de surveillance de la requérante visait à s’assurer que cette transaction était conforme aux intérêts de cette dernière, ne remet en rien en cause ces considérations.

53      Ensuite, s’agissant de l’argument tiré de la divergence des secteurs d’activité respectifs de la requérante et de sa filiale, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 31 supra (points 63 et 64), qui a été confirmé sur pourvoi par arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 13 supra, le Tribunal a expressément rejeté la thèse selon laquelle l’influence déterminante susceptible de justifier l’imputation à la société mère de la responsabilité au titre de l’infraction commise par sa filiale ne saurait concerner que la politique commerciale stricto sensu de cette filiale, à savoir, par exemple, la stratégie de distribution et de prix. Le Tribunal a au contraire souligné qu’il incombait à la société mère de soumettre à son appréciation tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même et qu’elle considérait de nature à démontrer qu’elles ne constituaient pas une entité économique unique. Il a, d’ailleurs, relevé que, lors de son appréciation, il devait tenir compte de l’ensemble des éléments qui lui étaient soumis par les parties, dont le caractère et l’importance pouvaient varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce (arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 31 supra, point 65).

54      Il peut être déduit de ces considérations que le seul fait que la société mère et sa filiale sont actives dans des secteurs économiques distincts, voire que le personnel de la société mère ne dispose d’aucune expertise dans le secteur commercial spécifique dans lequel la filiale exerce ses activités, n’exclut pas l’exercice d’une influence déterminante par la société mère sur la filiale, quand bien même cette dernière disposerait d’une certaine autonomie dans sa gestion commerciale (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, points 104 et 109, et arrêt de la Cour du 8 mai 2013, ENI/Commission, C‑508/11 P, non encore publié au Recueil, point 64).

55      L’argument que la requérante s’efforce de tirer de l’arrêt Shell/Commission, point 44 supra, ne saurait non plus prospérer. À cet égard, il convient d’observer, d’emblée, que, en réponse à une question à l’audience, la requérante n’a pas pu préciser le point dudit arrêt auquel elle se référait. Il résulte toutefois de la lecture de l’arrêt en question qu’une expression semblable à l’expression « but économique unique », évoquée par la requérante, est utilisée au point 311. Le Tribunal y a relevé que l’article 81 CE « s’adress[ait] à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d’une infraction visée par cette disposition ». Il s’agit d’une jurisprudence constante rappelée à maintes reprises par le Tribunal, notamment dans son arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 31 supra (point 57).

56      Or, il ressort des considérations de ce dernier arrêt, rappelées au point 53 ci‑dessus, que, contrairement à ce que semble considérer la requérante, l’expression en question ne saurait être comprise en ce sens qu’il doit exister une affinité entre les secteurs commerciaux d’activités des différentes personnes juridiques composant une unité économique, ni même que l’existence d’un but économique unique est incompatible avec l’exercice d’une activité dans plusieurs secteurs distincts, sans aucun lien entre eux. Partant, cet argument doit être rejeté.

57      Il convient également de rappeler, dans ce contexte, que la requérante a elle-même fait valoir, dans sa réponse à la communication des griefs, que le prix de l’électricité présentait une importance particulière pour la production des produits proposés par TDR et que, par conséquent, des entreprises actives dans ce secteur de production étaient particulièrement dépendantes de l’évolution dudit prix. En effet, au considérant 264, neuvième tiret, de la décision attaquée, la Commission a relevé que, au cours de la période durant laquelle elle était sous le contrôle de HSE, TDR avait bénéficié de tarifs réduits de l’électricité. La requérante a précisé, à cet égard, qu’il s’agissait du même tarif que celui proposé à tous ses gros clients et que TDR avait continué à en bénéficier même après sa vente à un investisseur privé.

58      Or, indépendamment de la question de savoir si TDR bénéficiait, ou non, de tarifs d’électricité aussi favorables que ceux proposés à d’autres gros clients de la requérante, l’importance particulière que présentait pour l’activité commerciale de TDR le prix de l’électricité constitue une explication, au moins partielle, pour l’acquisition d’une participation majoritaire dans son capital par la requérante. En d’autres termes, cet élément constitue un lien entre les secteurs d’activité respectifs de TDR et de la requérante. Il convient de rappeler à cet égard que, selon les propres affirmations de la requérante, le détenteur précédent de la participation au capital de TDR qui a, ensuite, été transférée à la requérante, à savoir Eles, était également une entreprise active dans le secteur de la production et de la distribution de’électricité.

59      Doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel, en substance, elle jouerait à l’égard de TDR le rôle d’une société holding de privatisation, auprès de laquelle TDR aurait seulement été « parquée », en attendant sa privatisation. Il suffit de relever à cet égard que, selon la jurisprudence, le seul fait qu’une personne juridique constitue une société holding gérant les sociétés qu’elle détient ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit tenue pour responsable de l’infraction aux règles de la concurrence commises par une de ses sociétés, s’il existe des éléments permettant de conclure que la société holding et la société en question font partie de la même unité économique (arrêt General Química e.a./Commission, point 11 supra, point 86).

60      Ne saurait davantage prospérer l’argument de la requérante selon lequel le modèle de plan d’activité qu’elle avait préparé pour les sociétés de son groupe n’était pas approprié pour TDR, de sorte qu’elle aurait laissé à cette dernière le soin de préparer son propre plan d’activité. En effet, la circonstance que la requérante a précisé que, de même que les autres sociétés de son groupe, TDR devait préparer un plan d’activité, quoique selon un modèle qu’elle devait concevoir elle-même, constitue plutôt une indice de l’exercice d’une influence sur cette dernière. Il s’agit d’une instruction claire adressée par la requérante à TDR, laquelle est en contradiction avec la thèse d’une autonomie totale de celle-ci dans la gestion de ses affaires.

61      Les arguments tirés des circonstances de l’acquisition par la requérante d’une participation au capital de TDR s’étant avérés insuffisants pour remettre en cause le constat de son influence déterminante sur cette dernière, il convient de poursuivre l’examen du présent moyen par l’analyse des arguments de la requérante relatifs à l’inclusion du chiffre d’affaires de TDR dans ses propres comptes consolidés.

–       Sur l’inclusion du chiffre d’affaires de TDR dans les comptes consolidés de la requérante

62      La requérante fait valoir que l’inclusion du chiffre d’affaires de TDR dans ses propres comptes consolidés, évoquée par la Commission au considérant 264, troisième tiret, de la décision attaquée, résultait non pas de sa propre décision, mais d’une obligation découlant de la législation slovène pertinente. Cette consolidation, dans la mesure minimale requise pour respecter les dispositions légales applicables, ne saurait constituer un élément de preuve de l’exercice d’une influence déterminante sur TDR.

63      Il suffit de rappeler, à cet égard, que la consolidation du chiffre d’affaires de TDR dans les comptes du groupe de la requérante est mentionnée par la Commission parmi d’autres éléments tendant à démontrer que la requérante considérait elle‑même TDR comme faisant partie de son groupe d’entreprises. Or, il a déjà été relevé au point 36 ci-dessus que le fait qu’une société mère présente vers l’extérieur ses filiales comme constituant, avec elle-même, un seul groupe d’entreprises constitue un indice pertinent de l’existence d’une unité économique entre elles, indice que la Commission a, à juste titre, invoqué dans la décision attaquée.

64      L’argument de la requérante selon lequel il est courant, dans la pratique commerciale des entreprises, de faire référence à leurs filiales comme appartenant à leur groupe, qu’il convient d’analyser dans le même contexte, ne saurait conduire à une conclusion différente. Certes, comme le fait valoir la requérante, seule l’utilisation du terme « groupe » n’implique pas nécessairement l’existence d’une unité économique, au sens de la jurisprudence relative à l’imputation à la société mère du comportement infractionnel d’une filiale. Toutefois, il est pour le moins douteux qu’une société choisisse de s’identifier avec une filiale sur laquelle elle n’exerce aucun contrôle. En tout cas, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas exclusivement fondée sur le fait que la requérante présentait publiquement TDR comme faisant partie de son groupe d’entreprises, y compris par la consolidation du chiffre d’affaires de TDR dans les comptes du groupe. La Commission a également invoqué, à cet égard, d’autres indices, résultant des liens personnels et organisationnels entre la requérante et TDR.

65      Ne saurait davantage conduire à une conclusion différente le seul fait que la consolidation du chiffre d’affaires de TDR dans les comptes du groupe de la requérante résultait d’une obligation légale. En effet, il apparaît que la requérante ne s’est pas limitée à se conformer à cette obligation légale, mais qu’elle a présenté cette dernière société, publiquement et vers l’extérieur, comme faisant partie de son groupe de sociétés.

66      Dans ces conditions, il convient d’analyser les arguments de la requérante tirés de ses droits en tant qu’actionnaire de TDR et des compétences des différents organes de cette dernière société.

–       Sur les droits de la requérante en tant qu’actionnaire de TDR et sur les compétences des différents organes de cette dernière société

67      La requérante fait une présentation détaillée de la législation slovène applicable aux sociétés commerciales du type de TDR. Selon la requérante, il s’agit d’une société commerciale avec un système de direction à deux niveaux, dans lequel les compétences de gestion et de contrôle sont réparties entre deux organes distincts.

68      L’organe le plus important d’une telle société serait le conseil d’administration, qui est chargé de sa gestion. Il aurait le pouvoir de prendre toutes les décisions concernant la société, à l’exception de celles réservées au conseil de surveillance ou à l’assemblée générale des actionnaires. Les personnes chargées de la gestion de la société auraient l’obligation de diriger celle-ci avec diligence et conformément à son intérêt. Elles ne pourraient être forcées par les actionnaires à réaliser des opérations qui ne seraient pas dans l’intérêt de la société. Ainsi, le directeur général d’une société du type de TDR ne pourrait être révoqué que pour un motif légitime. Cette règle aurait comme objectif d’assurer l’indépendance du directeur général par rapport aux actionnaires de la société. Celui-ci agirait sous sa propre responsabilité et dans l’intérêt de la société.

69      S’agissant du conseil de surveillance, la requérante fait valoir qu’il lui appartient de surveiller la conduite et les activités de la société. Il serait également habilité à examiner et à vérifier les livres et documents de la société, sa trésorerie, les titres conservés et les stocks de marchandises ou d’autres biens. En outre, les statuts de TDR prévoiraient que son conseil de surveillance nomme et révoque le directeur général, convoque l’assemblée des actionnaires, examine et contrôle les documents de TDR, donne son accord au directeur général pour entreprendre certaines activités, décide des prêts accordés au directeur général et aux dirigeants de la société, demande des rapports relatifs aux résultats d’exploitation de la société et les examine, contrôle le contenu du rapport annuel et la proposition d’affectation du bénéfice distribuable et approuve le rapport annuel, avec la possibilité de soumettre des commentaires sur celui-ci. La « collaboration » à laquelle le président du conseil de surveillance de TDR a fait référence dans sa déclaration évoquée au considérant 264, sixième tiret, de la décision attaquée concernerait l’exercice de ces droits du conseil de surveillance. La législation slovène applicable interdirait expressément que la gestion d’une société du type de TDR soit transférée au conseil de surveillance et, par conséquent, ce dernier n’aurait pas le pouvoir de gérer les activités commerciales quotidiennes de la société.

70      La requérante poursuit en relevant qu’elle était l’actionnaire majoritaire de TDR et avait, dès lors, le droit de nommer deux membres du conseil de surveillance, ce qu’elle a fait. En revanche, elle n’aurait pas le droit de nommer directement le conseil d’administration de TDR, qui serait seul responsable du comportement commercial de cette société. Ce pouvoir appartiendrait au conseil de surveillance. Or, pour ce faire, ce dernier devrait d’abord révoquer, pour un motif légitime, le directeur général en fonction. La requérante fait valoir que, si elle avait eu l’intention d’influencer de manière déterminante les activités de TDR, elle aurait procédé à la nomination d’un directeur général qui lui aurait été lié. Cela n’aurait pas été fait et le directeur général en fonction au moment de l’acquisition, par la requérante, d’une participation majoritaire au capital de TDR aurait continué d’exercer ses fonctions jusqu’à sa démission, de son propre gré, le 17 novembre 2004. Après cette démission, le conseil de surveillance aurait nommé un directeur général intérimaire et aurait lancé un appel à candidatures pour choisir le nouveau directeur général. Celui-ci aurait été choisi parmi les candidats ayant manifesté leur intérêt et il n’aurait eu aucun lien antérieur avec HSE. Il aurait, d’ailleurs, continué à exercer ses fonctions même après la vente, à un investisseur privé, de la participation de HSE au capital de TDR.

71      La requérante fait dès lors valoir que son influence sur TDR se limitait à l’exercice de ses droits de vote à l’assemblée générale ainsi qu’à son droit de surveiller les activités de cette dernière par le biais du conseil de surveillance. Toutefois, bien qu’elle ait exercé une influence sur l’élection de deux des trois membres de cet organe, ces deux membres ne sauraient être considérés comme ses représentants purs et simples, dès lors que, après leur élection, ils auraient essentiellement été obligés de protéger les intérêts de TDR. La Commission n’aurait pas fourni la moindre preuve qu’ils auraient tenté d’aligner les activités de TDR sur la politique commerciale ou les objectifs de la requérante et cette dernière ne leur aurait jamais donné les moindres instructions sur la manière dont ils devaient exercer leurs fonctions en tant que membres du conseil de surveillance de TDR.

72      La requérante ajoute que, en sa qualité d’actionnaire majoritaire de TDR, elle ne pouvait exercer qu’une influence limitée sur les activités de cette dernière, dans la mesure où certaines des décisions les plus importantes ne pouvaient être adoptées qu’à la majorité des trois quarts de l’ensemble des actions. Elle n’aurait, en outre, jamais tenté de modifier les statuts de TDR pour limiter les pouvoirs du directeur général et acquérir un contrôle indirect sur cette société. Elle considère, dès lors, que l’ensemble de ces éléments démontre qu’elle ne constituait pas une unité économique avec TDR, pas plus qu’elle ne se considérait comme faisant partie d’une telle unité.

73      Ces arguments de la requérante ne sauraient non plus remettre en cause la conclusion de la décision attaquée selon laquelle la requérante et TDR constituaient une unité économique lors de la période infractionnelle.

74      Tout d’abord, malgré les affirmations détaillées de la requérante au sujet des pouvoirs respectifs de la direction et du conseil de surveillance de TDR, il demeure que, immédiatement après l’acquisition d’une participation majoritaire au capital de cette dernière société, la requérante a, de son propre aveu, usé de ses pouvoirs en tant qu’actionnaire majoritaire pour nommer la majorité, en l’occurrence deux sur trois, des membres du conseil de surveillance, ce qui lui a assuré le contrôle effectif des décisions de cet organe. Il est difficilement envisageable que la requérante ait procédé à cette nomination si, comme elle le fait valoir, elle n’avait pas l’intention d’exercer une influence déterminante sur le comportement de TDR.

75      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les membres du conseil de surveillance de TDR seraient obligés de protéger les intérêts de cette société. L’intégration de TDR dans une unité économique constituée avec la requérante ne saurait nécessairement, à défaut d’arguments et d’éléments de preuve contraires, être considérée comme étant contraire aux intérêts de TDR. Partant, rien ne permet de conclure que, en assurant la liaison entre TDR et la requérante, les personnes nommées par cette dernière au conseil de surveillance de la première agissaient contre les intérêts de celle-ci et violaient ainsi leurs obligations découlant de la législation slovène applicable.

76      En outre, il convient de relever que, si l’argument en question doit être compris en ce sens que les membres du conseil de surveillance de TDR devaient agir de manière totalement indépendante de la requérante, il est en contradiction avec le comportement que cette dernière a adopté et il ne saurait, par conséquent, prospérer. Comme il a déjà été relevé, dès l’acquisition d’une participation majoritaire au capital de TDR, la requérante a fait le nécessaire pour s’assurer que le conseil de surveillance de cette société serait majoritairement composé de personnes de son choix. Cette manière de procéder n’aurait pas eu de sens, si l’intention de la requérante avait été que le conseil de surveillance ait été composé de personnes entièrement indépendantes à son égard.

77      De plus, il échet de remarquer que la requérante affirme que les membres qu’elle a nommés au conseil de surveillance de TDR ne pouvaient pas être considérés « uniquement comme [ses] représentants », de sorte qu’elle admet implicitement qu’ils remplissaient également cette dernière fonction.

78      S’agissant de la question des pouvoirs du conseil de surveillance, il y a lieu de relever qu’il ressort des explications que la requérante fournit elle-même que, bien que la gestion quotidienne d’une société du type de TDR appartienne, en premier lieu, à son directeur général et aux autres membres de sa direction, les pouvoirs dont dispose le conseil de surveillance sont suffisants pour lui permettre d’exercer une influence déterminante sur le comportement de cette société.

79      À cet égard, la requérante admet que les statuts de TDR, dans leur version de 2001, stipulaient que le directeur général devait obtenir l’accord préalable du conseil de surveillance pour toute une série d’actes, tels que la conclusion d’un crédit à court terme portant sur une somme supérieure à l’équivalent d’environ 50 000 euros, l’octroi de crédits à long terme, l’octroi et l’acquisition de garanties ou de sûretés supérieures au même montant, ainsi que les opérations commerciales portant sur des biens immobiliers ou sur les parts dans d’autres sociétés. Il ressort également des explications de la requérante que, lors de la modification desdits statuts en 2005, les restrictions imposées au directeur général ont été quelque peu assouplies, sans toutefois être complètement éliminées. Concrètement, d’après les affirmations de la requérante, les statuts de TDR, dans leur version modifiée de 2005, prévoyaient que le directeur général devait obtenir l’accord préalable du conseil de surveillance pour la conclusion de prêts à court terme portant sur des sommes supérieures à l’équivalent d’environ 334 000 euros, de prêts à long terme ou de prêts garantis par une hypothèque ainsi que pour la vente de biens immobiliers de TDR. Quand bien même les restrictions ainsi imposées au directeur général de TDR seraient, comme le fait valoir la requérante, moins importantes que celles applicables dans le cas d’autres sociétés du groupe de la requérante, elles démontrent que le directeur de TDR ne disposait aucunement d’une autonomie totale dans la gestion de cette société et que les fonctions du conseil de surveillance ne se limitaient pas à de simples vérifications.

80      Par ailleurs, comme il a été relevé au point 54 ci-dessus, une certaine autonomie de la filiale, notamment dans la gestion de sa politique commerciale stricto sensu, n’est pas incompatible avec l’appartenance de cette filiale à la même unité économique que sa société mère. De plus, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 53 ci‑dessus, il n’est nullement nécessaire, pour conclure à l’existence d’une unité économique entre la société mère et sa filiale, que la première intervienne de manière déterminante dans la gestion quotidienne et dans la politique commerciale stricto sensu de la seconde. Partant, quand bien même les dispositions slovènes pertinentes ne permettraient pas au conseil de surveillance de TDR d’exercer une influence directe sur les questions relatives à ces domaines, lesquelles relèveraient de la compétence exclusive de la direction de cette société, ce fait ne suffit pas pour exclure l’exercice d’une influence déterminante, au sens de la jurisprudence, par la requérante sur sa filiale. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission (point 31 supra, point 83), l’influence de la société mère sur la stratégie de la filiale peut être suffisante pour permettre de conclure qu’elles constituent une seule entité économique (voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié au Recueil, point 102).

81      S’agissant de l’argument selon lequel le conseil de surveillance de TDR ne pouvait pas, conformément à la législation slovène applicable, adresser des instructions contraignantes à la direction de cette société, il convient de relever que, si le pouvoir d’adresser de telles instructions à la direction d’une société commerciale peut, certes, constituer un élément plaidant en faveur de l’existence d’une influence déterminante sur le comportement de cette société, il ne s’ensuit pas, inversement, que l’absence d’un tel pouvoir exclut l’exercice d’une telle influence.

82      Cela est d’autant plus le cas que, en l’espèce, il revenait au conseil de surveillance de TDR, constitué majoritairement de personnes nommées par la requérante, de choisir le directeur général de cette société et, le cas échéant, de le remplacer. À cet égard, il échet de remarquer que la révocation d’un membre de la direction d’une société du type de TDR n’est pas aussi difficile que la requérante semble vouloir le prétendre. Comme le fait remarquer à juste titre la Commission, il ressort de la législation slovène, en l’occurrence de l’article 268, paragraphe 2, quatrième tiret, de la zakon o gospodarskih družbah (loi sur les sociétés), que les membres de la direction d’une telle société peuvent être relevés de leurs fonctions, notamment pour « d’autres motifs économiques et commerciaux (modifications importantes dans la structure de l’actionnariat, réorganisation [, etc.]) ». Par ailleurs, la requérante admet elle-même que c’est le conseil de surveillance de TDR qui, après la démission du directeur général de celle-ci, a choisi son successeur, ayant recours, à cet égard, à une procédure publique d’appel à candidatures.

83      Ni le fait que le directeur général en exercice de TDR a été maintenu dans ses fonctions après l’acquisition, par la requérante, d’une participation majoritaire au capital de cette société, ni le fait que, lorsque ce directeur a démissionné, il a été remplacé par une personne n’ayant pas de liens antérieurs avec la requérante n’excluent davantage l’exercice d’une influence déterminante par cette dernière sur sa filiale. En effet, il ne doit pas être considéré que l’exercice, par la société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale implique nécessairement la nomination, aux organes de la filiale, de personnes liées à la société mère et ne faisant qu’exécuter les instructions que cette dernière leur adresse.

84      L’existence d’une unité économique composée de la société mère et de sa filiale n’est pas non plus incompatible avec une situation où c’est la direction de la filiale qui soumet à la société mère ou à ses représentants des propositions, que ceux-ci se limitent à approuver. Dans une telle hypothèse, le fait que la société mère ou ses représentants doivent approuver ces propositions et ont, donc, le droit de ne pas le faire et de s’en écarter témoigne, précisément, d’une influence déterminante.

85      Compte tenu également de ces considérations, il convient de relever que le fait que la société mère maintienne dans leurs fonctions les personnes qui dirigeaient la filiale antérieurement à son acquisition et, le cas échéant, les remplace par des personnes nouvellement recrutées ne fournit pas non plus la preuve de l’absence d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de cette filiale sur le marché.

86      En effet, le remplacement des anciens dirigeants de la filiale n’est nécessaire que lorsque ceux-ci ne sont pas disposés à suivre la politique commerciale préconisée par la société mère. Or, il ne saurait être présumé que tel sera toujours le cas. Il est tout à fait concevable que les dirigeants d’une société soient prêts à coopérer avec le nouveau propriétaire de celle-ci et que ce dernier souhaite les maintenir dans leurs fonctions, afin d’éviter toute perturbation dans l’activité commerciale normale de la société qu’il vient d’acquérir. Quant au fait que les éventuels nouveaux directeurs de la filiale sont recrutés par une procédure d’appel à candidatures, il ne constitue pas non plus la preuve de l’absence d’une influence déterminante de la société mère, dans la mesure où c’est précisément cette dernière ou ses représentants qui choisissent les personnes à recruter parmi les candidats ayant manifesté leur intérêt.

87      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’argumentation de la requérante relative à ses droits en tant qu’actionnaire de TDR et aux compétences des différents organes de cette société ne suffit pas non plus pour remettre en cause la conclusion selon laquelle la requérante et sa filiale constituaient, lors de la période infractionnelle, une même unité économique. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission ne s’est pas fondée, pour parvenir à cette conclusion, sur la seule composition du conseil de surveillance de TDR, mais, comme il ressort du considérant 264, septième et huitième tirets, de la décision attaquée, qu’elle a également pris en considération le fait que ledit conseil et la requérante elle-même recevaient des rapports périodiques détaillés sur les activités de TDR. Il convient, par conséquent, d’examiner les arguments avancés par la requérante pour contester cette dernière constatation.

–       Sur les rapports et informations communiqués au conseil de surveillance de TDR et à la requérante

88      La requérante souligne que, en soumettant des rapports au conseil de surveillance, la direction de TDR n’a fait que se conformer à ses obligations découlant de la législation slovène applicable et que les rapports ainsi soumis auraient simplement été conformes à ce qui était prévu par cette législation, sans aller au-delà de ce qu’elle exigeait.

89      S’agissant des « rapports plus détaillés » mentionnés au considérant 264, huitième tiret, de la décision attaquée, la requérante précise qu’ils consistaient en une « analyse unique du marché et des concurrents de TDR datant de 2003 et révisée en 2005 ». Cette analyse présenterait une vue d’ensemble des concurrentes de TDR, fondée principalement sur les communications échangées entre cette dernière et ses partenaires commerciaux, fournisseurs et clients, ainsi que sur des données statistiques et des données publiquement disponibles. Son objectif serait de présenter la situation de l’industrie du carbure de calcium, des alliages ferreux et des alliages complexes, à l’époque de sa rédaction et de sa révision.

90      Selon la requérante, cette analyse a fait l’objet d’un examen par le conseil de surveillance de TDR, qui a décidé que la direction de cette dernière société devait continuer à chercher sur les marchés des niches convenant à son potentiel. La requérante considère que cette conclusion, telle qu’elle figure dans le procès-verbal de la réunion pertinente du conseil de surveillance, démontre clairement que ce dernier considérait que la responsabilité pour la détermination des marchés sur lesquels TDR devait intervenir incombait à la direction de cette société. À l’exception de cette analyse, les informations communiquées au conseil de surveillance et à la requérante elle‑même figuraient dans des rapports périodiques « très limités et conformes à la loi ».

91      Ces arguments n’emportent pas la conviction.

92      Il convient de constater à cet égard que, dans leurs écrits, les parties divergent sur le point de savoir si les rapports communiqués par la direction de TDR au conseil de surveillance répondaient simplement à l’obligation découlant de la législation slovène pertinente, comme l’affirme la requérante, ou s’ils allaient au-delà de cette obligation, comme le fait valoir la Commission. Cependant, il n’est pas nécessaire de prendre position sur cette question, qui est dépourvue de pertinence pour la solution du litige.

93      En effet, ce qui importe est le fait que, par ces rapports, le conseil de surveillance de TDR, majoritairement composé de représentants de la requérante, se tenait régulièrement informé de l’évolution de l’activité commerciale de cette société. Il recevait, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, des informations détaillées sur l’évolution des prix des matières premières, sur les modifications prévues par produit ainsi que sur les volumes livrés à d’autres fournisseurs. Compte tenu également des pouvoirs dont disposait le conseil de surveillance de TDR et des considérations exposées aux points 78 à 86 ci‑dessus, cet élément constitue un indice supplémentaire de l’existence d’une unité économique composée de la requérante et de sa filiale. En effet, dès lors que la requérante avait une parfaite connaissance des activités commerciales de TDR et que le conseil de surveillance de cette société et, indirectement, la requérante, qui avait nommé la majorité des membres de celui-ci, pouvaient à tout moment intervenir et imposer sa conception de la politique commerciale à suivre, au besoin par le remplacement des membres de la direction de TDR ou par l’évocation de cette possibilité, il doit être conclu que le comportement de TDR était influencé de manière déterminante par la requérante.

94      Ces considérations sont étayées par la lecture de la réponse de la requérante à la communication des griefs. La requérante y a relevé que les « membres du conseil de surveillance suivaient de près les opérations de la société par le biais de rapports réguliers y afférents, le directeur général de la société fournissant des clarifications spécifiques sur divers sujets », et que « à plusieurs occasions, ils ont soulevé des carences dans les rapports et demandé des précisions spécifiques ». Bien que le même document distingue ce « suivi de près » (monitoring) d’une « interférence des membres du conseil de surveillance dans la conduite des affaires de la société », dont il affirme qu’elle ne s’est jamais produite, il résulte clairement de ces affirmations que les membres de la direction de TDR étaient conscients d’avoir été soumis au contrôle permanent du conseil de surveillance, composé majoritairement de représentants de la requérante et, en ce sens, au contrôle de cette dernière. Cela correspond à la définition même d’une influence déterminante de la société mère sur sa filiale, témoignant de ce que les deux constituent une unité économique.

95      Comme le fait remarquer la Commission, la requérante a également affirmé, dans le même document ce qui suit :

« Il convient également de noter que TDR a opéré à perte pendant la plus grande partie de la période au cours de laquelle [HSE] a investi des capitaux dans cette société. Les demandes de clarification faites par les membres du conseil de surveillance à propos des opérations de TDE concernaient par conséquent essentiellement la position de TDR sur les marchés des différents produits et, avant tout, le rapport entre les prix et les coûts ainsi que des questions similaires, le tout dans le but de garantir le succès des activités commerciales de TDR ou de garantir que les pertes soient maintenues à un niveau aussi faible que possible. »

96      Cette affirmation confirme également les considérations exposées au point 94 ci‑dessus. Le fait, invoqué par la requérante, que TDR était, à l’époque, une société en difficulté financière et que, par leurs interventions, les membres du conseil de surveillance et la requérante visaient à s’assurer de sa survie économique est sans pertinence. Quels qu’aient été les motifs ou objectifs des interventions des membres du conseil de surveillance, il n’en demeure pas moins que celles-ci constituent une indication de l’exercice d’une influence déterminante.

97      Par ailleurs, le fait que la requérante a elle-même reçu des rapports détaillés en provenance de TDR, tel que cela est mentionné au considérant 264, huitième tiret, de la décision attaquée, constitue un élément supplémentaire plaidant en faveur de l’existence d’une unité économique composée de la requérante et de sa filiale. À cet égard, il convient de relever que deux des documents évoqués dans la note en bas de page n° 578 de la décision attaquée pour étayer cette affirmation ont été versés au dossier par la Commission. Il s’agit, d’une part, du document portant la référence 205/65-94, mentionné dans la note en bas de page n° 578 et qui, selon la requérante, est identique au document portant la référence 203/50-79, mentionné dans la même note, et, d’autre part, du document portant la référence 205/97-108.

98      Ces documents sont ceux concernés par les explications de la requérante résumées au point 89 ci‑dessus. Or, celles-ci ne remettent en cause ni la constatation figurant au considérant 264, huitième tiret, de la décision attaquée, ni les considérations figurant aux points 93 à 97 ci‑dessus. Ces dernières ne sont pas davantage remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel les prétendues instructions du conseil de surveillance à la direction de TDR étaient « de nature générale, neutres d’un point de vue stratégique ».

99      En effet, ce qui importe n’est pas le contenu des éventuelles instructions que le conseil de surveillance de TDR, majoritairement contrôlé par des représentants de la requérante, adressait à la direction de TDR, mais le fait que le conseil de surveillance et la requérante avaient une connaissance détaillée des opérations commerciales de TDR et formulaient, après discussion, des commentaires à cet égard, indépendamment de la question de savoir si ces derniers doivent, ou non, être qualifiés d’instructions. Une telle situation témoigne suffisamment (voir également point 93 ci‑dessus) de l’exercice d’un contrôle et, par conséquent, d’une influence déterminante de la requérante, à travers le conseil de surveillance de TDR, sur le comportement de cette dernière sur le marché.

100    Il doit également être précisé, compte tenu également des éléments de réponse, directs ou indirects, de la requérante à cette question, que le fait de savoir si le conseil de surveillance de TDR, voire la requérante elle‑même, avait connaissance du comportement infractionnel de TDR est dépourvu de pertinence. Comme l’a fait remarquer la Commission au considérant 266 de la décision attaquée, qui comporte un renvoi au considérant 224 de la même décision, la requérante n’a pas été tenue pour responsable de l’infraction litigieuse au motif qu’elle y avait participé par l’intermédiaire des membres de sa direction ou de son personnel, mais au motif qu’elle faisait partie de la même unité économique que TDR, dont la direction et le personnel avait participé à l’infraction. L’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influence la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction. En revanche, les liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre la société mère et sa filiale peuvent établir l’existence d’une influence de la première sur la stratégie de la seconde et, dès lors, justifier de les concevoir comme une seule entité économique (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 31 supra, points 58 et 83).

101    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter également l’argumentation de la requérante relative aux rapports et informations qui lui ont été communiqués par TDR ainsi qu’au conseil de surveillance de cette dernière.

–       Conclusion sur le premier moyen

102    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a présenté dans la décision attaquée un ensemble d’éléments factuels, étayés par des preuves pertinentes, tendant à démontrer que, lors de la période infractionnelle, la requérante exerçait une influence déterminante sur sa filiale TDR et faisait partie, avec celle-ci, de la même unité économique. Pour les motifs exposés en détail ci‑dessus, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause cette conclusion par les arguments et éléments qu’elle a avancés devant le Tribunal. Par conséquent, il convient de conclure que c’est à juste titre que la Commission lui a imputé la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale TDR et de rejeter, ainsi, le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence

103    La requérante rappelle le principe de présomption d’innocence, consacré à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et qui découle également de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), selon lequel la Commission peut imposer des amendes aux entreprises ayant enfreint les règles de concurrence issues du droit de l’Union, si elles ont agi de propos délibéré ou par négligence. Selon la requérante, il résulte des arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 142), et du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission (T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 236), que l’auteur d’une infraction agit de manière négligente lorsqu’il ne pouvait pas ignorer que son comportement devait entraîner une restriction de la concurrence.

104    Or, la requérante considère que, en l’espèce, la Commission n’a démontré à son égard aucune des deux formes de culpabilité définies au point 103 ci-dessus. Elle souligne qu’elle n’était pas informée de l’infraction commise par TDR et ne pouvait pas la prévoir. La Commission ne lui aurait d’ailleurs pas reproché une violation délibérée de l’article 81 CE.

105    La requérante fait également valoir qu’elle n’a pas ignoré par négligence l’implication de TDR dans un comportement anticoncurrentiel et rappelle brièvement, dans ce contexte, son argumentation avancée dans le cadre du premier moyen, selon laquelle elle serait involontairement devenue actionnaire de TDR. N’ayant pas auparavant exercé une activité sur les marchés concernés par l’infraction, il lui aurait été pratiquement impossible de s’impliquer dans les activités opérationnelles de sa filiale et de détecter les éventuelles fautes professionnelles de celle-ci. Il s’ensuit, selon elle, que, compte tenu de l’absence d’éléments démontrant sa culpabilité, la Commission n’était pas en droit de lui infliger une amende en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

106    Cette argumentation procède d’une compréhension erronée de la décision attaquée et doit être rejetée.

107    Selon une jurisprudence constante, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à l’imposition d’amendes ou d’astreintes. Ainsi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).

108    En particulier, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et qu’il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises soulevant un moyen de défense contre une constatation d’infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve. Cependant, même si la charge de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure qu’il a été satisfait aux règles en matière de charge de la preuve (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 78 et 79, et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 29).

109    Cela ayant été rappelé, il convient également de relever que l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 107 supra, point 60, et du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 69).

110    En l’espèce, tant dans la communication des griefs qu’elle a envoyée à la requérante que dans la décision attaquée (considérants 43 à 135), la Commission a exposé, de manière détaillée, le comportement infractionnel dont s’étaient, selon elle, rendus coupables, parmi d’autres, certains membres du personnel ou de la direction de TDR et, en ce sens, cette dernière société elle-même. Elle a également mentionné, dans ces deux documents, les différents éléments de preuve sur lesquels se fondaient ses constatations. Par ailleurs, il ressort du considérant 51 de la décision attaquée que tous les destinataires de la décision attaquée, dont la requérante, ont eu accès au dossier de la procédure devant la Commission, lequel comportait les éléments de preuve de l’infraction invoqués par cette dernière à l’appui de ses affirmations. La requérante n’a ni contesté, devant le Tribunal, les constatations susvisées figurant au considérant 51, ni formulé un quelconque grief à cet égard.

111    De plus, il ressort de la lecture de la réponse de la requérante à la communication des griefs, dont une copie a été versée au dossier de l’affaire par la Commission, que la requérante n’a aucunement contesté lors de la procédure administrative la réalité du comportement infractionnel reproché à TDR. Elle s’est limitée à faire valoir qu’elle ne formait pas, lors de la période infractionnelle, une unité économique avec cette dernière. La requérante n’a pas non plus contesté, devant le Tribunal, la réalité du comportement infractionnel de TDR tel qu’il a été constaté dans la décision attaquée.

112    Il s’ensuit que, s’agissant de la constatation du comportement infractionnel mentionné dans la décision attaquée à l’égard de TDR, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir respecté la présomption ou les exigences découlant de la jurisprudence mentionnée aux points 103 et 105 ci‑dessus.

113    Quant à l’imputation de la responsabilité dudit comportement infractionnel à la requérante, il doit être rappelé que, comme il a déjà été relevé (voir point 100 ci-dessus), elle ne tient pas à une implication des propres membres du personnel ou de la direction de la requérante elle-même dans l’infraction, mais au fait qu’elle constituait, lors de la période infractionnelle, une unité économique avec TDR. Pour ce motif, les arguments de la requérante, résumés aux points 104 et 105 ci‑dessus, doivent être écartés comme étant dépourvus de pertinence.

114    En effet, à l’égard de la requérante, la question n’était pas celle de savoir si elle avait agi de propos délibéré ou par négligence, dès lors que, ni dans la communication des griefs, ni dans la décision attaquée, il ne lui était reproché d’avoir elle-même, c’est-à-dire par ses propres membres du personnel ou de direction, fait quoi que ce soit. Ce qui est constaté à son égard dans la décision attaquée consiste à avoir fait partie, lors de la période infractionnelle, de la même unité économique que TDR. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 12 à 15 ci‑dessus, cette constatation est suffisante pour justifier que la requérante se voie imputer la responsabilité du comportement infractionnel de sa filiale.

115    Par ailleurs, s’agissant de la constatation selon laquelle la requérante et sa filiale TDR formaient une unité économique, la Commission ne s’est pas fondée sur une quelconque présomption, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir points 21 à 28 ci-dessus), mais elle a invoqué, dans la décision attaquée, les éléments de fait et de preuve qui étayaient cette conclusion. Cette dernière a d’ailleurs été contestée par la requérante dans le cadre du premier moyen, qui, toutefois, pour les motifs indiqués ci‑dessus, doit être rejeté comme non fondé. C’est donc à juste titre et sans violer le principe de présomption d’innocence que la Commission a imputé à la requérante la responsabilité du comportement infractionnel de TDR.

116    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’inclusion erronée d’un « facteur de dissuasion » dans le montant de l’amende infligée à la requérante

117    La requérante fait valoir dans la requête que la Commission a augmenté le montant de base de l’amende qu’elle lui a infligée de 17 % « à des fins de dissuasion ». Elle considère que cette majoration n’était pas justifiée dans la mesure où elle n’était pas elle-même directement impliquée dans l’infraction litigieuse et où la Commission a décidé de ne pas infliger d’amende à l’auteur direct de cette infraction, à savoir TDR.

118    Ce moyen est exposé de manière très succincte dans la requête, la Commission ayant émis des doutes quant à sa conformité aux exigences découlant de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Cette disposition prévoit que la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé, quoique sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Le principe de sécurité juridique et celui de bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 36, et du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, Rec. p. II‑5089, points 71 et 72).

119    Il convient de constater que, tel qu’il est présenté dans la requête, le troisième moyen, quoique succinct, est suffisamment développé pour être jugé conforme aux exigences de la jurisprudence mentionnée au point 118 ci-dessus.

120    Il doit être relevé, à cet égard, que la Commission a déterminé le montant de l’amende infligée à la requérante et aux autres destinataires de la décision attaquée en suivant la méthodologie décrite dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci‑après les « lignes directrices »). Cette méthodologie comporte deux étapes. En premier lieu, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises, sur la base de la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise concernée, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné. Le montant de base est lié à une proportion en l’occurrence fixée, au considérant 301 de la décision attaquée, à 17 % de la valeur des ventes déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction. Toutefois, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme, dite « droit d’entrée », comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. En l’occurrence, le droit d’entrée a également été fixé au considérant 306 de la décision attaquée à 17 % de la valeur des ventes. En second lieu, la Commission peut ajuster le montant de base de l’amende, fixé lors de la première étape, à la hausse ou à la baisse, pour tenir compte de circonstances aggravantes ou atténuantes. En l’occurrence, aucune augmentation ou diminution de cette nature n’a été appliquée à l’égard de la requérante, si bien que le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 2, sous i), de la décision attaquée correspond au montant de base, tel qu’il figure au considérant 308 de la décision attaquée.

121    Il est clair que l’argumentation de la requérante, telle que résumée au point 117 ci‑dessus et replacée dans le contexte de la présente affaire, vise l’inclusion du droit d’entrée dans le montant de l’amende qui lui a été infligée, ce qu’elle a d’ailleurs confirmé lors de l’audience. En substance, la requérante fait valoir que, dès lors qu’elle ne s’était pas personnellement impliquée dans une infraction, il n’était pas nécessaire de poursuivre à son égard un objectif de dissuasion et d’inclure, à ces fins, le droit d’entrée dans le montant de l’amende qui lui a été infligée.

122    Cette argumentation procède de la même erreur que le deuxième moyen et doit, pour ce motif, être rejetée.

123    Il convient de faire remarquer, à titre liminaire, que, si l’argumentation avancée par la requérante à l’appui de son troisième moyen était fondée, ce serait l’ensemble du montant de l’amende infligée à celle-ci qui serait mis en cause, et non seulement l’inclusion, dans ce montant, du droit d’entrée.

124    En effet, comme la requérante le rappelle elle-même, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le pouvoir d’infliger des amendes conféré à la Commission par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 vise à lui permettre d’accomplir la mission de surveillance qui lui est assignée par le droit de l’Union. Cette mission comprend notamment les tâches de réprimer des comportements illicites aussi bien que d’en prévenir le renouvellement (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 22, et la jurisprudence citée).

125    S’agissant plus particulièrement du droit d’entrée, son inclusion dans le montant de l’amende vise, aux termes du paragraphe 25 des lignes directrices, à « dissuader les entreprises de même participer à des accords » tels que ceux en cause en l’espèce. Il est évident que, dès lors que le montant de base de l’amende est calculé en fonction de la durée de la participation à l’infraction, dans le cas d’infractions de courte durée, le montant de base pourrait s’avérer insuffisant et c’est ce risque que l’inclusion du droit d’entrée dans ce montant vise à prévenir.

126    Or, s’il devait être conclu que la requérante n’a pas participé à l’infraction litigieuse et que, par conséquent, aucun objectif de dissuasion ne devait être poursuivi à son égard, il n’existerait aucune justification pour l’imposition d’une amende à celle-ci, et pas seulement pour l’inclusion du droit d’entrée dans le montant de l’amende.

127    Quoi qu’il en soit, il ressort des considérations exposées dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen que la requérante doit être considérée comme ayant participé à l’infraction. Ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, TDR faisait partie, à l’époque de l’infraction litigieuse, de la même unité économique que la requérante. Par conséquent, le comportement infractionnel de la première peut être imputé à la seconde, de sorte qu’elle est censée avoir commis elle-même cette infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 34, et arrêts du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 74, et du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 146). C’est donc à juste titre et conformément à la jurisprudence citée au point 124 ci-dessus que la Commission a infligé à la requérante une amende dont le montant comprend le droit d’entrée.

128    S’agissant de l’argument de la requérante, tiré du fait qu’aucune amende n’a été infligée à TDR, il convient également de le rejeter. Il ressort du considérant 286 de la décision attaquée, et de la note en bas de page n° 597 auquel celui-ci renvoie, que l’imposition d’une amende à TDR n’aurait eu aucun sens. Celle-ci avait été déclarée en faillite antérieurement à l’adoption de la décision attaquée et il aurait été impossible pour la Commission de recouvrer le montant d’une éventuelle amende qui lui aurait été infligée, dès lors que le délai pour la déclaration des créances dans la procédure de faillite avait expiré environ un an avant l’adoption de la décision attaquée. En d’autres termes, la Commission n’a pas renoncé à infliger une amende à TDR au motif que cela n’était pas nécessaire à des fins de dissuasion, mais au motif que, en tout état de cause, elle n’aurait pas été en mesure de recouvrer le montant de cette amende. Il ne ressort aucunement de cela que ces circonstances s’appliquent dans le cas de la requérante.

129    Dans sa réplique, la requérante a fait valoir que la Commission avait appliqué le même pourcentage, à savoir 17 %, pour le calcul du droit d’entrée à tous les destinataires de la décision attaquée et a ainsi violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. La requérante a soutenu, à cet égard, que la Commission n’avait pas pris en considération la participation directe ou, le cas échéant, indirecte à l’infraction de chacune des entités juridiques concernées et, par conséquent, avait méconnu « le degré individuel de culpabilité et le besoin individuel de dissuasion » applicables à chaque destinataire de la décision attaquée.

130    Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur le point de savoir si, au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, cette argumentation ne constitue qu’une ampliation de celle avancée dans la requête, ou si elle soulève un moyen nouveau, irrecevable car non fondé sur des éléments de fait ou de droit révélés pendant la procédure, elle doit, en tout état de cause, être rejetée.

131    Il ressort des considérations qui précèdent (voir point 127 ci‑dessus) que la distinction, préconisée par la requérante, entre entités ayant participé directement ou indirectement à l’infraction ne trouve aucun fondement dans la jurisprudence. Tous les destinataires de la décision attaquée sont, ainsi qu’il a déjà été souligné, censés avoir participé directement à l’infraction, indépendamment du point de savoir si les personnes physiques impliquées dans l’infraction étaient des membres de leur propre personnel ou de leur direction ou relevaient d’une de leurs filiales, avec laquelle elles formaient une unité économique. Il s’ensuit que ni les principes d’égalité de traitement ou de proportionnalité ni une autre règle ou un autre principe du droit de l’Union n’imposaient une différenciation du droit d’entrée, selon le caractère prétendument « direct » ou « indirect » de la participation de chaque destinataire de la décision attaquée à l’infraction.

132    De plus, ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, non encore publié au Recueil, point 58), il est loisible à la Commission de fixer le pourcentage de la valeur des ventes visé au paragraphe 25 des lignes directrices et pris en compte aux fins du calcul du droit d’entrée, comme d’ailleurs celui visé au paragraphe 21 desdites lignes, au même niveau pour tous les participants à l’entente. La fixation d’un même pourcentage pour tous les participants à l’entente n’implique pas la fixation d’un même droit d’entrée pour tous les participants à l’entente. Dès lors que ce droit consiste en un pourcentage de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction par chaque participant à l’entente, il sera différent pour chacun d’entre eux, en fonction des différences dans la valeur des ventes qu’ils ont réalisées.

133    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen n’est pas fondé non plus et doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’omission de la Commission de tenir compte de circonstances atténuantes, à l’égard de la requérante

134    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante fait valoir que, quand bien même la décision attaquée ne serait pas entachée d’illégalité en ce qu’elle lui a imputé l’infraction commise par TDR, elle serait entachée d’un vice portant sur le montant de l’amende, dès lors que la Commission n’a pas tenu compte de circonstances atténuantes à son égard. La requérante invoque, en tant que circonstances atténuantes qui auraient dû lui être reconnues, d’une part, le fait qu’elle aurait commis l’infraction par négligence et, d’autre part, le fait que le comportement anticoncurrentiel qui lui a été imputé aurait été encouragé par la République de Slovénie, qui lui aurait transféré sa participation dans le capital de TDR. Dans sa réplique, la requérante ajoute que l’omission de la Commission de tenir compte de circonstances atténuantes à son égard constitue une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

135    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il convient, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles, ce qui implique, en particulier, d’établir leurs rôles respectifs dans l’infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci. Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de concurrence du droit de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, points 277 et 278, et la jurisprudence citée).

136    Conformément à ces principes, les lignes directrices prévoient, au paragraphe 29, une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée. Ce paragraphe établit, en particulier, une liste non exhaustive des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte. En particulier, conformément au paragraphe 29, deuxième tiret, des lignes directrices, le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence. En outre, le même paragraphe des lignes directrices prévoit, au cinquième tiret, la possibilité de réduire le montant de base de l’amende lorsque le comportement anticoncurrentiel a été autorisé ou encouragé par les autorités publiques ou la réglementation, sans préjudice de toute action qui peut être engagée contre l’État membre concerné.

137    En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel une circonstance atténuante aurait dû être reconnue à la requérante du fait qu’elle aurait commis l’infraction litigieuse par négligence, celle-ci, plus particulièrement, fait valoir que, si la participation par simple négligence à un comportement infractionnelle peut constituer une circonstance atténuante pour une société qui a elle-même commis l’infraction, une négligence dans la détection du comportement infractionnel d’une filiale par sa société mère doit, à plus forte raison, être prise en considération au même titre. Ainsi, pour le cas où il serait considéré qu’elle faisait partie, avec TDR, d’une entreprise unique, la requérante fait valoir que son omission quant au fait de détecter le comportement infractionnel de sa filiale a résulté de sa négligence, ce qui serait, d’ailleurs, amplement démontré par les arguments et éléments de preuve invoqués dans sa réponse à la communication des griefs.

138    Cette argumentation procède de la même perception erronée du contenu de la décision attaquée que celle qui est à l’origine des deuxième et troisième moyens. Elle doit, dès lors, de même que ces deux moyens, être rejetée.

139    Il convient de rappeler, à cet égard, que, comme il a été déjà été relevé (voir point 110 ci‑dessus), la Commission a amplement exposé, dans la décision attaquée, les éléments de fait qu’elle avait retenus à l’encontre, notamment, de TDR et qui démontraient l’implication de cette dernière dans une infraction aux règles de la concurrence issues du droit de l’Union. Elle a également mentionné, dans la décision attaquée, les différents éléments de preuve sur lesquels elle s’était fondée à cet égard. Quant à la requérante, il doit également être rappelé qu’elle n’a contesté, ni dans sa réponse à la communication des griefs ni devant le Tribunal, l’implication de sa filiale dans l’infraction litigieuse et les faits retenus par la Commission à cet égard.

140    Il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour qu’une infraction aux règles de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré et non par négligence, il n’est pas nécessaire que l’entreprise concernée ait eu conscience d’enfreindre les règles de concurrence ; il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché commun (voir arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 205, et la jurisprudence citée).

141    Or, au regard des faits ayant constitué l’infraction litigieuse, tels qu’ils sont résumés au point 1 ci‑dessus, il est manifeste que les membres du personnel ou de la direction de TDR qui ont participé pour son compte aux différentes réunions organisées dans le cadre de l’entente et, par la suite, ont mis en œuvre les décisions prises lors de ces réunions ne pouvaient ignorer que leur comportement avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché commun. Telle est, en effet, la conséquence directe et immédiate d’un partage de marchés, d’une fixation de quotas, d’une répartition des clients et d’une fixation des prix entre plusieurs participants sur les mêmes marchés, ces comportements relevant tous de l’objet de l’infraction sanctionnée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Novácke chemické závody/Commission, point 132 supra, point 86). Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que TDR avait commis l’infraction par négligence et aucune erreur de droit ou de fait ne saurait lui être reprochée à cet égard.

142    Quant à la requérante, ainsi que cela a déjà été relevé, l’infraction ne lui a pas été imputée dans la décision attaquée au motif qu’elle aurait omis de détecter le comportement infractionnel de sa filiale ou, plus généralement, au motif qu’elle aurait omis d’empêcher cette dernière de commettre cette infraction. Il doit à nouveau être rappelé que la requérante s’est vu imputer l’infraction dès lors que la Commission a considéré, à juste titre, comme il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, qu’elle constituait une unité économique avec TDR. Ainsi que cela a été relevé, eu égard à cette conclusion, la requérante est censée avoir commis elle-même l’infraction et ne peut pas prétendre à la circonstance atténuante relative aux infractions commises par négligence, pas plus qu’elle ne peut le prétendre en ce qui concerne sa filiale TDR.

143    En second lieu, l’argument de la requérante selon lequel elle aurait dû se voir reconnaître une circonstance atténuante au motif que le comportement anticoncurrentiel litigieux aurait été autorisé ou encouragé par les autorités publiques slovènes ne saurait davantage prospérer.

144    La requérante fait valoir, à cet égard, que sa prise de participation dans TDR lui a été imposée par une décision du gouvernement slovène, qui détenait, à l’époque, aussi bien l’intégralité de son capital que celui de TDR. Cette dernière se serait retrouvée dans le portefeuille de participations de la requérante par une décision gouvernementale. La requérante considère que la circonstance atténuante prévue au paragraphe 29, cinquième tiret, des lignes directrices doit s’appliquer à plus forte raison dans le cas d’une société holding détenue à 100 % par l’État, à laquelle est « légué » un « colis piégé », c’est-à-dire qu’elle se voit imposer une prise de participation au capital d’une société impliquée dans une infraction aux règles de la concurrence.

145    Cet argument découle également de la même perception erronée de la décision attaquée que celle qui est à l’origine du premier argument, analysé aux points 137 à 142 ci‑dessus.

146    En effet, comme il a d’ailleurs été relevé dans le cadre de l’examen du premier moyen, il importe peu de savoir comment et pour quels motifs la requérante est devenue actionnaire majoritaire de TDR. Il est douteux que, dans le cas d’une société, comme en l’occurrence la requérante, il soit possible de parler d’une « volonté » différente et indépendante de celle de son unique actionnaire, en l’occurrence l’État slovène, mais, à supposer que la requérante se soit vu transférer, par l’État slovène, la participation au capital de TDR contre sa volonté, cette circonstance est dépourvue de pertinence. Quelles qu’aient été les raisons de la formation d’une unité économique entre la requérante et TDR, l’important, pour les besoins de la présente affaire, est que cette unité subsistait lors de la période litigieuse, ce qui permet de conclure que la requérante est elle-même censée avoir commis l’infraction, au même titre que sa filiale.

147    Par ailleurs, il y a lieu de relever que les circonstances alléguées par la requérante dans son argumentation résumée au point 144 ci‑dessus ne sont en rien comparables à celles envisagées au paragraphe 29, cinquième tiret, des lignes directrices. Le seul fait que les autorités publiques slovènes ont décidé de transférer à la requérante la participation majoritaire au capital de TDR jusqu’alors détenu par l’État slovène ne signifie ni qu’elles ont autorisé ni qu’elles ont encouragé le comportement infractionnel de cette dernière. Cela est d’autant plus le cas que cette transmission, comme la requérante le confirme elle-même, a été effectuée en octobre 2002, alors que le comportement infractionnel imputé à TDR et à la requérante dans la décision attaquée a débuté le 7 avril 2004, ainsi que cela résulte de l’article 1er, sous g), de la décision attaquée. Pour ce même motif, l’allégation de la requérante selon laquelle elle se serait vu léguer un « colis piégé » manque en fait.

148    Enfin, il convient d’observer que la requérante considère, également dans le cadre de l’analyse du second argument résumé au point 142 ci‑dessus, qu’elle a été tenue pour responsable de l’infraction litigieuse du fait qu’elle n’a pas détecté le comportement infractionnel de sa filiale. Elle soutient ainsi que, du fait qu’elle aurait hérité de l’État slovène d’un « colis piégé », elle devrait être excusée de ne pas avoir détecté le comportement anticoncurrentiel de sa filiale. Il suffit de relever que cette argumentation est fondée sur une prémisse erronée et doit être rejetée pour ce motif, la requérante ayant été tenue pour responsable de l’infraction du fait qu’elle est censée y avoir elle-même participé.

149    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen.

150    Tous les moyens avancés par la requérante devant être rejetés, il convient de rejeter les conclusions en annulation de la requête. Il en va de même de la demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée à la requérante. En effet, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction quant au montant de l’amende infligée à la requérante, le Tribunal considère, en tout état de cause, que ce montant est approprié eu égard aux circonstances de l’espèce tenant à la gravité et à la durée de l’infraction constatée par la Commission ainsi qu’aux ressources économiques de la requérante et que rien dans les moyens et arguments avancés par celle-ci ne saurait conduire à une conclusion différente. Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Holding Slovenske elektrarne d.o.o. (HSE) supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2013.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée à la requérante du comportement infractionnel de TDR

Rappel de la jurisprudence relative à l’imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale

Décision attaquée

Analyse du moyen

– Remarques introductives

– Sur la prétendue application injustifiée de la présomption capitalistique

– Rappel de la jurisprudence

– Analyse des indices d’une influence déterminante mentionnés dans la décision attaquée

– Sur les circonstances de l’acquisition, par la requérante, d’une participation au capital de TDR

– Sur l’inclusion du chiffre d’affaires de TDR dans les comptes consolidés de la requérante

– Sur les droits de la requérante en tant qu’actionnaire de TDR et sur les compétences des différents organes de cette dernière société

– Sur les rapports et informations communiqués au conseil de surveillance de TDR et à la requérante

– Conclusion sur le premier moyen

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence

Sur le troisième moyen, tiré de l’inclusion erronée d’un « facteur de dissuasion » dans le montant de l’amende infligée à la requérante

Sur le quatrième moyen, tiré de l’omission de la Commission de tenir compte de circonstances atténuantes, à l’égard de la requérante

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.