Language of document : ECLI:EU:T:2005:219

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

15 juin 2005 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides à la restructuration de petites entreprises agricoles – Aides affectant les échanges entre États membres et faussant ou menaçant de fausser la concurrence – Lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté – Décision conditionnelle – Délais applicables à la procédure de contrôle des aides d’État – Protection de la confiance légitime – Motivation – Intervention – Conclusions, moyens et arguments de l’intervenant »

Dans l’affaire T-171/02,

Regione autonoma della Sardegna, représentée par MM. G. Aiello et G. Albenzio, avvocati dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

Confederazione italiana agricoltori della Sardegna,

Federazione regionale coltivatori diretti della Sardegna,

Federazione regionale degli agricoltori della Sardegna,

établies à Cagliari (Italie), représentées par Mes F. Ciulli et G. Dore, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2002/229/CE de la Commission, du 13 novembre 2001, concernant le régime d’aides que la Région Sardaigne (Italie) envisage de mettre à exécution pour la restructuration d’exploitations en difficulté dans le secteur des cultures protégées (JO 2002, L 77, p. 29),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili, MM. A. W. H. Meij, M. Vilaras et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2004,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Par lettre du 12 janvier 1998, les autorités italiennes ont notifié à la Commission le projet de régime d’aides prévu par la décision nº48/7 de la Giunta regionale della Sardegna (gouvernement régional de Sardaigne), du 2 décembre 1997, portant approbation d’un « plan régional de restructuration des entreprises du secteur des cultures protégées » (ci-après le « projet »). La Commission a reçu cette notification le 15 janvier suivant.

2       Ce projet prévoyait, en premier lieu, un régime d’aides à la restructuration.

3       Étaient éligibles à celui-ci les petites entreprises agricoles (PEA) sardes en difficulté. Les critères permettant de caractériser une difficulté au sens du projet tenaient à l’existence, pour la PEA concernée, d’une « perte moyenne d’exercice d’au moins 25 % du bénéfice sur le capital net au cours des trois dernières campagnes », d’une part, et d’un « endettement, du [fait] des créances échues au 31 décembre 1996, supérieur à 30 % du capital de l’exploitation », d’autre part. Selon les autorités italiennes, environ 500 PEA sardes remplissaient ces critères.

4       Pour être admises au bénéfice du régime d’aides, les entreprises éligibles devaient respecter un ensemble de conditions, parmi lesquelles figuraient la « présentation d’un plan de restructuration indiquant les possibilités de rémunération de tous les facteurs de production dans des conditions opérationnelles normales ainsi que l’obtention d’un bénéfice d’exercice » et la « liquidation d’une partie des activités, des structures et des biens de l’exploitation, si cela [était] nécessaire à l’obtention de l’équilibre économique et financier de celle-ci ».

5       Le secteur en cause était celui des cultures agricoles protégées. Les produits concernés consistaient en diverses espèces de légumes, de fruits, de champignons, de plantes et de fleurs cultivées sous serre.

6       Les aides projetées étaient, premièrement, des mesures de restructuration de la dette des entreprises éligibles. Ces mesures devaient être adoptées soit par les établissements bancaires créanciers de l’entreprise intéressée (renonciation aux intérêts et aux intérêts moratoires attachés aux créances échues au 31 décembre 1996 ; renonciation aux intérêts moratoires attachés aux créances à échoir entre le 1er janvier 1997 et la conclusion d’un contrat de rééchelonnement), soit par les autorités régionales (prise en charge partielle du montant en principal de la dette constituée par les créances échues au 31 décembre 1996 ; bonification des intérêts attachés aux créances à échoir ou à naître postérieurement au 31 décembre 1996). La part du coût de ces mesures mise à la charge des autorités régionales s’élevait à 75 % du total de la dette constituée par les créances échues au 31 décembre 1996, nette des intérêts moratoires dus aux établissements bancaires créanciers. Leur durée maximale était fixée à quinze ans.

7       Était envisagée, deuxièmement, une contribution à fonds perdus à diverses mesures d’investissement visant l’outil de production (installation de dispositifs de protection, d’aération, de climatisation, d’isolation, de drainage et d’irrigation, et mise aux normes ou remplacement des équipements vétustes). Ces mesures d’investissement étaient décrites comme « indispensables » à la restructuration. La part du coût de ces mesures mise à la charge des autorités régionales s’élevait à 75 % du total des dépenses éligibles. Leur durée était décrite comme étant celle « nécessaire à leur réalisation ».

8       Étaient prévues, troisièmement, des mesures d’assistance technique, de formation professionnelle et de conseil assurées par l’Ente regionale di sviluppo e assistenza tecnica in agricoltura (office régional de développement et d’assistance technique dans le domaine agricole). Ces mesures étaient présentées comme constituant un « service usuel » dont l’accomplissement « n’entraîn[ait] pas de coûts supplémentaires ». Leur durée était qualifiée d’« illimitée ».

9       Le montant total des ressources publiques affectées au financement de du régime d’aides à la restructuration se chiffrait à 60 milliards de lires italiennes (ITL), soit environ 30 millions d’euros. Le montant maximal de l’aide pouvant être dispensée à chaque entreprise admise à en bénéficier se limitait pour sa part à 600 millions de ITL, soit environ 300 000 euros.

10     En second lieu, le projet faisait état de l’intention affichée par la République italienne de prévoir, à l’intention des PEA en difficulté financière temporaire et grave, des aides au sauvetage « pou[vant] être attribuée[s] sous forme de garantie ou sous forme d’octroi de prêts à taux ordinaire d’un montant minimal ou, en tout cas, calculée[s] en fonction du maintien en activité de l’exploitation jusqu’à la phase de la restructuration ».

11     Par lettre du 1er février 1999, la Commission a notifié sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à la République italienne. Les autorités italiennes ont reçu ce courrier le 4 février suivant.

12     Par lettre du 14 septembre 2001, les autorités italiennes ont demandé à la Commission d’adopter une décision dans un délai de deux mois en vertu de l’article 7, paragraphe 7, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1). La Commission a reçu ce courrier le 17 septembre suivant.

13     Le 13 novembre 2001, la Commission a adopté la décision 2002/229/CE concernant le régime d’aides que la Région Sardaigne (Italie) envisage de mettre à exécution pour la restructuration d’exploitations en difficulté dans le secteur des cultures protégées (JO L 77, p. 29, ci-après la « Décision »), qui a été publiée le 20 mars 2002.

14     En son article 1er, la Décision déclare que le projet est incompatible avec le marché commun et ne peut être mis à exécution.

 Procédure et conclusions des parties

15     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2002, la Regione autonoma della Sardegna a introduit le présent recours.

16     L’affaire a été attribuée initialement à la première chambre élargie puis, le juge rapporteur ayant été affecté à la quatrième chambre en raison de la modification de la composition des chambres du Tribunal à compter du 1er octobre 2003, à la quatrième chambre élargie.

17     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2002, la Confederazione italiana agricoltori della Sardegna, la Federazione regionale coltivatori diretti della Sardegna et la Federazione regionale degli agricoltori della Sardegna ont demandé à être admises à intervenir au litige au soutien des conclusions de la requérante. Cette demande d’intervention a été signifiée aux parties. Celles-ci n’ont pas présenté d’observations dans le délai imparti à cet effet.

18     Par ordonnance du 9 décembre 2002, le président de la première chambre élargie du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention. Les intervenantes ont déposé un mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 5 février 2003.

19     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 1er juillet 2004. La Commission a renoncé à cette occasion à son chef de conclusions visant au rejet du recours comme irrecevable pour tardiveté. Il en a été pris acte dans le procès-verbal.

20     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la Décision ;

–       condamner la Commission aux dépens.

21     Les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       à titre principal, annuler la Décision ;

–       à titre subsidiaire, annuler la Décision « en ce qu’elle ne prévoit pas que les aides sont légales à concurrence d’un montant de 100 000 euros par entreprise » ;

–       condamner la Commission aux dépens.

22     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner, d’une part, la requérante aux dépens et, d’autre part, les intervenantes à supporter leurs propres dépens et les dépens de la Commission afférents à leur intervention.

 En droit

A –  Sur les conclusions visant à l’annulation totale de la Décision

23     À l’appui de ses conclusions visant à l’annulation totale de la Décision, la requérante, soutenue par les intervenantes, invoque en substance huit moyens pris respectivement :

–       de la violation du point 4.1, premier alinéa, de la communication 97/C 283/02 de la Commission, du 19 septembre 1997, portant lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 283, p. 2, ci-après les « lignes directrices ») ;

–       de la violation de l’article 88 CE ;

–       de la durée excessive de la procédure administrative ;

–       de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ;

–       de la violation de l’article 253 CE ;

–       d’un manque de diligence ;

–       de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices ;

–       de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 659/1999.

24     En outre, les intervenantes demandent au Tribunal d’« écart[er] s’il échet, à titre accessoire, l’application des dispositions illégales au sens de l’article 241 CE », et invoquent en substance quatre autres moyens pris respectivement :

–       de la violation du droit d’être entendu ;

–       de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ;

–       de la violation de l’article 158 CE et de la déclaration nº 30 relative aux régions insulaires, annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam ;

–       de la violation de la directive 72/159/CEE du Conseil, du 17 avril 1972, concernant la modernisation des exploitations agricoles (JO L 96, p. 1), et de la directive 75/268/CEE du Conseil, du 28 avril 1975, sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées (JO L 128, p. 1).

25     Il convient d’examiner successivement ces deux ensembles de moyens.

1.     Sur les moyens communs à la requérante et aux intervenantes

a)     Sur le moyen pris de la violation du point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices


 Arguments des parties

26     Selon la requérante, soutenue par les intervenantes, la Commission n’a pas respecté le délai habituel de deux mois qu’elle s’est imposé au point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices, pour mener à bien la procédure de contrôle des projets de régimes d’aides à la restructuration de petites et moyennes entreprises (PME).

27     La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

28     Le point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices indique notamment que la Commission « autorisera » les projets de régimes d’aides au sauvetage ou à la restructuration de PME ou de PEA et « le fera dans un délai habituel de deux mois à compter de la réception d’informations complètes, sauf si le régime d’aide considéré peut bénéficier de la procédure d’autorisation accélérée, auquel cas la Commission dispose de vingt jours ouvrables ».

29     Ces termes sont à interpréter dans le contexte des dispositions procédurales prévues par le traité en matière de contrôle des aides d’État. Les règles indicatives dont la Commission peut se doter afin de préciser la pratique qu’elle entend suivre en ce domaine ne sauraient en effet s’écarter des dispositions du traité (arrêts de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 22, et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec. p. I‑5163, point 24).

30     Aux fins du contrôle des aides nouvelles que les États membres projettent d’instituer, l’article 88 CE distingue une phase d’examen préliminaire et une procédure formelle d’examen.

31     La phase d’examen préliminaire, prévue par l’article 88, paragraphe 3, CE, a seulement pour objet de ménager à la Commission un délai de réflexion et d’investigation suffisant pour lui permettre de se forger une première opinion sur les projets qui lui ont été notifiés afin de conclure soit qu’ils ne constituent pas des aides, soit qu’ils sont compatibles avec le marché commun, soit encore que les doutes existant à ce sujet imposent de procéder à un examen approfondi (arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 3, et du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 34). Eu égard à l’intérêt de l’État membre concerné à être fixé rapidement, elle revêt en principe un caractère d’urgence et est, à ce titre, enfermée dans un délai impératif de deux mois courant à compter de la réception d’une notification complète par la Commission (arrêts de la Cour Lorenz, précité, point 4, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑334/99, Rec. p. I‑1139, points 49 et 50).

32     Quant à la procédure formelle d’examen, prévue par l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE, elle revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission n’est pas en mesure d’acquérir la conviction, au terme de la phase d’examen préliminaire, qu’un projet ne constitue pas une aide ou que, bien que constituant une aide, il est compatible avec le marché commun. Elle vise alors, d’une part, à permettre à la Commission d’être complètement éclairée sur l’ensemble des données de l’affaire en s’entourant, comme elle en a le devoir, de tous les avis nécessaires avant d’arrêter sa décision finale et, d’autre part, à protéger les droits des tiers potentiellement intéressés en les mettant en mesure de se faire entendre (arrêts de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451 point 13 ; du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 17, et Portugal/Commission, point 31 supra, point 33).

33     Il en résulte qu’un projet de régime d’aides à la restructuration de PME ne peut être autorisé par la Commission dans le délai mentionné par le point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices que si, à l’issue de ce délai « habituel de deux mois », c’est-à-dire du délai qui lui est imparti pour son examen préliminaire, la Commission estime soit que les mesures qu’il prévoit ne constituent pas des aides, soit qu’elles constituent des aides dont la compatibilité avec le marché commun ne suscite aucun doute. Si, en revanche, la Commission n’est pas en mesure de parvenir à une telle conclusion, il lui incombe d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

34     Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par les termes dans lesquels est décrit le délai de 20 jours ouvrables prévu par la communication 92/C 213/03 de la Commission, du 2 juillet 1992, relative à la procédure d’autorisation accélérée pour les régimes d’aides aux [PME] et pour les modifications de régimes existants (JO C 213, p. 10), à laquelle les lignes directrices renvoient. Le libellé des deuxième et dernier alinéas de cette communication fait en effet apparaître que, même dans le cas où un projet de régime d’aides respecte toutes les conditions auxquelles est assujetti le bénéfice du délai de 20 jours ouvrables, c’est uniquement « en principe » que la Commission s’engage à ne pas soulever d’objections passé ce délai, préservant ainsi la plénitude de son pouvoir de se « prononcer », c’est-à-dire, le cas échéant, d’adopter une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen et, au terme de cette procédure, une décision finale positive, conditionnelle ou négative.

35     Le point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices se bornant ainsi à renvoyer au délai applicable à la phase d’examen préliminaire prévue par l’article 88 CE, tel qu’interprété par la Cour, il y a lieu de rejeter le présent moyen envisagé comme moyen autonome et d’examiner le moyen pris de la violation de cette disposition.

b)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 88 CE


 Arguments des parties

36     Selon la requérante, la Commission a échelonné ses demandes d’informations additionnelles au lieu de les regrouper et a, pour cette raison, méconnu l’objet de la phase d’examen préliminaire prévue par l’article 88, paragraphe 3, CE, qui revêt un caractère d’urgence, en particulier lorsqu’un projet concerne, comme en l’espèce, des entreprises en difficulté.

37     Selon les intervenantes, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE après l’expiration du délai de deux mois qui lui est imparti à cette fin et, partant, à l’encontre d’un régime d’aides devenu, de ce fait, existant.

38     La Commission réfute ces arguments.

 Appréciation du Tribunal

39     Les arguments de la requérante, qui portent sur le déroulement de la phase d’examen préliminaire, et ceux des intervenantes, qui concernent les conditions d’intervention de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, doivent être appréciés au regard des principes dégagés antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement nº 659/1999. En effet, celle-ci a eu lieu le 16 avril 1999, alors que la procédure formelle d’examen était déjà pendante.

40     En premier lieu, et ainsi que cela a été rappelé lors de l’examen du moyen précédent, la phase d’examen préliminaire est enfermée dans un délai impératif de deux mois courant à compter de la réception d’une notification complète par la Commission. Pour que la notification soit complète, il suffit qu’elle contienne, dans sa forme initiale ou à la suite des réponses données par l’État membre concerné aux demandes de la Commission, les informations nécessaires pour permettre à celle-ci de se forger une première opinion sur la compatibilité du projet qui lui a été notifié (arrêt de la Cour du 15 février 2001, Autriche/Commission, C‑99/98, Rec. p. I‑1101, point 56).

41     Il s’ensuit que, si la Commission ne saurait empêcher le délai de deux mois de prendre son cours en réclamant des informations qui ne sont pas nécessaires à la formation d’une première opinion (arrêt Autriche/Commission, point 40 supra, points 61 à 65), elle est en revanche en droit, conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE, d’engager avec l’État membre concerné un dialogue visant à lui permettre de compléter sa notification lorsque les informations nécessaires n’y figurent pas (arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen, 91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, points 17 et 18 ; du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec. p. I‑307, points 27 et 28, et du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, point 44 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 99).

42     En l’espèce, après avoir reçu la notification initiale des autorités italiennes le 15 janvier 1998, la Commission a considéré qu’elle ne disposait pas de tous les éléments nécessaires à la formation d’une première opinion. Par télécopie du 9 mars 1998, elle a demandé à la République italienne de lui communiquer une première série d’informations additionnelles, dans un délai de quatre semaines. Ses services ont également rencontré des représentants de la requérante le 4 juin 1998. Par télécopie du 19 juin 1998, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui confirmer par écrit les renseignements fournis à l’occasion de cette réunion et de lui communiquer les informations demandées le 9 mars 1998, dans un délai de quatre semaines. La requérante a répondu à ces demandes par lettre du 27 août 1998, transmise par les autorités italiennes à la Commission le 10 septembre suivant et reçue par celle-ci le 15 du même mois. La Commission a considéré qu’elle ne disposait toujours pas de tous les éléments nécessaires. Par télécopie du 19 octobre 1998, elle a demandé à la République italienne de lui communiquer une seconde série d’informations additionnelles, dans un délai de quatre semaines. La requérante a répondu à cette demande par lettre du 12 novembre 1998, transmise par les autorités italiennes à la Commission le 16 novembre 1998 et reçue par celle-ci le 19 du même mois.

43     Un délai de plus de dix mois s’est ainsi écoulé entre la date à laquelle la Commission a reçu la notification initiale et celle à laquelle cette dernière est devenue complète.

44     Cependant, l’examen de la correspondance échangée à cette occasion conduit à relever, tout d’abord, que la notification initiale, qui comporte cinq pages, ne contenait qu’une description lacunaire et imprécise du projet de régime d’aides à la restructuration envisagé par la République italienne et, notamment, des critères d’éligibilité à celui-ci, des mesures devant figurer dans le plan de restructuration à présenter par chaque entreprise admise à en bénéficier et des aides individuelles pouvant leur être accordées. Par ailleurs, elle prévoyait, en termes généraux, l’octroi d’aides au sauvetage. Les autorités italiennes ont ultérieurement renoncé à cet octroi, mais ce n’est que par lettre envoyée le 10 septembre 1998 qu’elles en ont informé la Commission.

45     Ensuite, par ses courriers des 19 juin et 19 octobre 1998, la Commission a certes posé certaines questions nouvelles ou complémentaires, mais a également réitéré des questions posées dès le 9 mars 1998, auxquelles il n’a été répondu que par lettre envoyée le 10 septembre 1998. Elle a, notamment, renouvelé à cette occasion sa demande tendant à ce que lui soit fournie la documentation économique qui faisait défaut dans la notification et dont elle avait signalé la nécessité lors de la réunion du 4 juin 1998. La requérante elle-même reconnaît que c’est dans le but de « clarifier la portée et les effets » du projet que « la Commission et les autorités italiennes ont procédé à un échange nourri de correspondance » pendant la phase d’examen préliminaire.

46     Enfin, le projet était d’une importance certaine, puisqu’il ambitionnait de résoudre les difficultés de 500 entreprises environ, soit environ le quart des PEA opérant dans le secteur des cultures sous serre en Sardaigne, et d’une certaine complexité, puisqu’il envisageait de mettre en place un régime d’aides comprenant diverses mesures financières devant être prises en charge, selon le cas, par les autorités régionales ou par les institutions bancaires créancières des entreprises en question, ainsi que diverses mesures d’investissement en faveur de ces dernières.

47     Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a cherché, par ses demandes successives, à obtenir des autorités italiennes les informations nécessaires à la formation d’une première opinion. Lorsqu’un État membre a présenté une notification lacunaire et imprécise et qu’il a ensuite tardé à apporter les compléments et clarifications demandés à juste titre par la Commission, il ne saurait être admis que les collectivités territoriales de cet État membre puissent tirer argument du délai qui en est résulté.

48     En second lieu, la transformation d’une aide nouvelle en aide existante est subordonnée à deux conditions nécessaires et suffisantes, la première étant que la Commission omette d’ouvrir la procédure formelle d’examen dans un délai de deux mois courant à compter de la réception d’une notification complète et la seconde étant que l’État membre concerné notifie au préalable la mise à exécution de son projet à la Commission (arrêts Lorenz, point 31 supra, points 4 et 6, et Autriche/Commission, point 40 supra, point 84).

49     En l’espèce, il suffit de constater qu’aucun préavis de mise à exécution n’a été notifié à la Commission par la République italienne, de sorte que l’une des deux conditions nécessaires à la transformation du projet en régime d’aides existant faisait défaut, que celui-ci demeurait donc une aide nouvelle et que, par suite, la Commission pouvait à bon droit décider d’ouvrir la procédure formelle d’examen à son sujet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, Agrana Zucker und Stärke/Commission, T‑187/99, Rec. p. II‑1587, point 39).

50     Le moyen doit, dès lors, être rejeté en son intégralité.

c)     Sur le moyen pris de la durée excessive de la procédure administrative


 Arguments des parties

51     En estimant que la procédure administrative a eu une durée excessive, la requérante, soutenue par les intervenantes, se prévaut de l’inobservation d’un délai raisonnable et de la méconnaissance de l’exigence fondamentale de sécurité juridique.

52     La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

53     L’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit communautaire (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, non encore publié au Recueil, point 136). En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive dans le chef de cette institution (arrêt de la Cour du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, points 140 et 141, et arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, non encore publié au Recueil, points 145 à 147).

54     En l’espèce, le déroulement de la phase d’examen préliminaire, décrit au point 42 ci-dessus, fait apparaître qu’un délai de plus de douze mois s’est écoulé entre la réception de la notification initiale par la Commission, le 15 janvier 1998, et la réception de la lettre notifiant la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen par la République italienne, le 4 février 1999.

55     Toutefois, ce délai tient, pour plus de huit mois, au temps écoulé entre l’envoi à la République italienne d’une première demande d’informations additionnelles, le 9 mars 1998, et la réception par la Commission des dernières informations réclamées, le 19 novembre 1998. La requérante a reconnu dans ses mémoires que la correspondance échangée dans l’intervalle avait permis de clarifier la teneur et la portée du projet. Elle a également admis à l’audience que la prolongation de cet échange dans le temps s’expliquait pour une part importante par le caractère tardif et lacunaire de ses réponses aux questions posées par la Commission. Au vu de ces éléments et des circonstances décrites aux points 44 à 46 ci-dessus, il ne peut pas être retenu que la phase d’examen préliminaire a duré un temps déraisonnable, non plus que la Commission a agi de manière excessivement tardive.

56     Quant à la procédure formelle d’examen, elle est régie, depuis l’entrée en vigueur du règlement nº 659/1999, le 16 avril 1999, par le délai indicatif de 18 mois, prorogeable du commun accord de la Commission et de l’État membre concerné, prévu par l’article 7, paragraphe 6, de ce règlement. Ce règlement s’applique à toute procédure administrative pendante devant la Commission lors de son entrée en vigueur, réserve faite de celles de ses dispositions pour lesquelles sont prévues des règles d’entrée en vigueur particulières (arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T‑369/00, Rec. p. II‑1789, points 50 et 51). Cette disposition est donc applicable en l’espèce.

57     Le délai de 18 mois prévu par l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999 n’étant qu’indicatif, il convient d’examiner si le déroulement de la procédure formelle d’examen fait apparaître que la Commission n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive. Celle-ci s’est déroulée selon la chronologie suivante :

–       4 février 1999 : réception, par la République italienne, de la lettre de la Commission du 1er février 1999, l’informant de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen et l’invitant à présenter des observations dans un délai d’un mois ;

–       15 juin 1999 : réception, par la Commission, des observations de la République italienne ;

–       3 juillet 1999 : publication de la communication 1999/C 187/02 de la Commission, portant invitation à présenter des observations (JO C 187, p. 2) ;

–       7 décembre 1999 : envoi, par la Commission, et réception, par la République italienne, d’une demande de renseignements complémentaires, à communiquer dans un délai de quatre semaines ;

–       4 juillet 2000 : réception, par la Commission, d’une demande de « prorogation du délai de clôture de la procédure » envoyée par la République italienne à la demande de la requérante ;

–       11 juillet 2000 : octroi, par la Commission, d’une prorogation de deux mois aux fins de communiquer les renseignements demandés le 7 décembre 1999 ;

–       9 février 2001 : réception, par la Commission, des renseignements demandés le 7 décembre 1999 ;

–       17 septembre 2001 : réception, par la Commission, d’une demande d’adoption d’une décision finale dans un délai de deux mois, au titre de l’article 7, paragraphe 7, du règlement nº 659/1999, envoyée par la République italienne à la demande de la requérante ;

–       15 novembre 2001 : notification de la Décision à la République italienne.

58     Cette chronologie fait apparaître qu’un délai de 17 mois, inférieur au délai indicatif de 18 mois prévu par l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999, s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure formelle d’examen et la demande de prorogation dudit délai, et qu’un délai total de 33 mois et demi s’est écoulé jusqu’à sa clôture.

59     Ce dernier s’explique principalement par le non-respect du délai d’un mois imparti à la République italienne pour présenter ses observations (délai dépassé de trois mois et demi), du délai de quatre semaines imparti pour communiquer les renseignements complémentaires demandés par la Commission (délai dépassé de six mois et demi jusqu’à la demande de prorogation) et de la prorogation de deux mois accordée pour réunir et communiquer lesdits renseignements (délai dépassé de presque cinq mois). S’il est vrai que la République italienne avait intérêt à respecter ces délais, mais n’y était pas tenue, le temps écoulé du fait de son comportement ne lui en reste pas moins imputable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, Rec. p. I‑1603, point 30, et arrêt Regione Siciliana/Commission, point 53 supra, point 138).

60     En outre, si le délai de six mois écoulé entre la réception des observations présentées par la République italienne (le 15 juin 1999) et l’envoi d’une demande de renseignements complémentaires par la Commission (le 7 décembre 1999) et le délai de neuf mois écoulé entre la réception de ces renseignements (le 9 février 2001) et l’adoption de la Décision (le 13 novembre 2001) paraissent importants, il ne sont pourtant pas excessifs compte tenu, notamment, des circonstances décrites aux points 46 et 59 ci-dessus et des nombreux doutes exprimés par la Commission dans sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen quant à la compatibilité du projet avec le marché commun. La Commission ne peut donc se voir reprocher d’avoir fait excessivement durer la procédure.

61     Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

d)     Sur le moyen pris de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime


 Arguments des parties

62     La requérante soutient qu’elle a conçu une confiance légitime dans la compatibilité du projet avec le marché commun du fait, d’une part, de l’importante correspondance entretenue par la République italienne et la Commission pendant la procédure administrative et, d’autre part, de la durée exceptionnellement longue de cette dernière. Les intervenantes estiment, quant à elles, qu’une telle confiance légitime a été engendrée par le silence observé par la Commission pendant sept mois à compter de la réception des derniers renseignements demandés à la République italienne pendant la procédure formelle d’examen.

63     La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

64     Une confiance légitime en la régularité d’une aide ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE (arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, Rec. p. I‑3437, points 14 et 16).

65     Pour qu’une aide ait été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE, il faut que cette procédure, qui revêt un caractère suspensif, ait été menée à son terme. Cela a pour conséquence que, lorsque la procédure formelle d’examen a été ouverte conformément à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE, il faut qu’elle ait ensuite été clôturée par voie de décision positive conformément à l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement nº 659/1999. Ce n’est donc qu’une fois une telle décision adoptée par la Commission et le délai de recours à l’encontre de cette décision écoulé que peut en principe être invoquée une confiance légitime en la régularité de l’aide concernée (arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 42).

66     En l’espèce, à supposer que la requérante, qui n’est pas un opérateur économique, mais la collectivité territoriale auteur du projet de régime d’aides, soit en droit d’invoquer une confiance légitime, force est de constater que le projet n’a jamais fait l’objet d’une décision positive et qu’aucun des arguments factuels invoqués par les parties ne constitue une circonstance exceptionnelle susceptible d’avoir permis à la requérante d’escompter, avant même l’adoption de la Décision, que la Commission considérait ou considérerait ce projet comme étant compatible avec le marché commun.

67     Premièrement, la correspondance échangée pendant la procédure administrative est demeurée dans les limites du dialogue permettant à la Commission d’obtenir de la part de la République italienne les informations nécessaires à la formation d’une première opinion (voir points 41 à 47 et 55 ci-dessus), puis les renseignements complémentaires demandés au sujet des effets du projet sur le marché (voir point 59 ci-dessus). En outre, la lecture de cette correspondance conduit à constater que, dans ses courriers, d’ailleurs transmis par la République italienne à la requérante, la Commission a toujours pris le soin d’exprimer des doutes sérieux au sujet de certains aspects du projet et de réserver son appréciation définitive, comme elle l’a du reste rappelé à l’audience sans être contestée.

68     Deuxièmement, la procédure administrative ne s’est pas prolongée déraisonnablement, ainsi que l’a fait apparaître l’examen du moyen précédent. Sa durée n’est donc, à plus forte raison, pas exceptionnelle.

69     Troisièmement, s’il est vrai que, après avoir reçu les derniers renseignements demandés, la Commission est demeurée silencieuse pendant sept mois, jusqu’à ce que la République italienne lui demande de se prononcer dans les deux mois, en vertu de l’article 7, paragraphe 7, du règlement nº 659/1999, ce silence ne pouvait pas être interprété comme valant approbation implicite de la part de cette institution du fait de l’obligation incombant toujours à celle-ci de clôturer la procédure formelle d’examen par voie de décision finale, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du même règlement.

70     Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

e)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 253 CE


 Arguments des parties

71     La requérante et les intervenantes soutiennent que la Décision est entachée d’une violation de l’article 253 CE en ce qu’elle contient une motivation insuffisante en ce qui concerne la description du secteur économique en cause et l’examen des effets du projet sur les échanges entre États membres et sur la concurrence.

72     La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

73     La motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de celui-ci et doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés d’en comprendre le fondement et au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 253 CE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel (arrêts de la Cour du 20 mars 1957, Geitling/Haute Autorité, 2/56, Rec. p. 9, 37, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, non encore publié au Recueil, point 66).

74     Dans le cas d’une décision adoptée par la Commission au titre du contrôle des aides d’État, cela a notamment pour conséquence que, s’il peut ressortir des circonstances dans lesquelles une aide est octroyée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de ladite décision (arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 24, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, non encore publié au Recueil, point 71).

75     En l’espèce, la Décision expose, en son considérant 41, que les aides prévues favorisent la production de fruits, de légumes et de plantes. Lues à la lumière du considérant 8, qui énumère différentes espèces de fruits, de légumes, de plantes et de fleurs cultivées sous serre par les PEA sardes auxquelles le projet était destiné, ces indications décrivent à suffisance le secteur économique en cause.

76     Ensuite, la Décision expose en son considérant 41, données chiffrées à l’appui, que l’Italie est le principal producteur de légumes de l’Union européenne et que la Sardaigne constitue en son sein une importante zone de production. Elle évoque ainsi les circonstances pour lesquelles le projet est de nature à affecter les échanges entre États membres.

77     De même, la Décision indique en son considérant 43 que les aides à la restructuration d’entreprises en difficulté déplacent les charges liées à l’adaptation structurelle de ces entreprises sur des entreprises plus performantes et qu’elles encouragent une course aux subventions. Elle fait également référence au point 1.1 et au point 2.3 des lignes directrices, qui traitent eux aussi de cette question. Elle évoque ainsi les circonstances pour lesquelles le projet est de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence.

78     Enfin, les considérants 51 et 54 de la Décision, consacrés à l’appréciation de la compatibilité du projet au regard de la condition, prévue par le point 3.2.2, sous ii), des lignes directrices, de prévention des distorsions de concurrence indues, complètent cette motivation en faisant plus particulièrement état du risque que le projet ait pour effet d’augmenter sensiblement la production et d’affecter les prix dans le secteur en cause.

79     Il n’apparaît donc pas que la motivation de la Décision n’ait pas permis de comprendre quel était le secteur en cause et quels étaient ou pouvaient être les effets du projet sur les échanges entre États membres et sur la concurrence.

80     Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

f)     Sur le moyen pris du manque de diligence de la Commission


 Arguments des parties

81     La requérante, soutenue par les intervenantes, reproche à la Commission de s’être bornée à examiner, de manière abstraite, les effets éventuels du projet. Une analyse concrète l’aurait conduite à conclure que, compte tenu de l’importance économique limitée du secteur des cultures sous serre en Sardaigne, de la taille modeste des entreprises éligibles et du faible montant des aides prévues, ledit projet n’affectait pas les échanges et ne faussait ni ne menaçait de fausser la concurrence.

82     La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

83     Bien que le moyen soit formellement tiré d’un manque de diligence, l’examen de sa substance fait apparaître qu’il a trait au fond de la Décision et non aux conditions dans lesquelles celle-ci a été adoptée. La requérante a d’ailleurs confirmé à l’audience qu’elle contestait la « carence de diligence et de bien-fondé pour ce qui est de l’appréciation de la compatibilité du projet », constitutive d’un « vice de fond » en ce que, si la Commission avait « pris en compte la situation réelle », « elle aurait vu qu’il [était] impossible, en tout état de cause, que [l]e [projet] fauss[ât] la libre concurrence ».

84     Dans la mesure où la requérante met explicitement en cause les considérants 41 et 43 de la Décision, consacrés à la qualification du projet, le moyen s’analyse comme étant tiré soit d’une erreur de droit en ce que l’article 87, paragraphe 1, CE imposait à la Commission de déterminer les effets réels du projet sur les échanges entre États membres et sur la concurrence, soit d’une erreur d’appréciation en ce que les conditions d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE relatives aux échanges entre États membres et à la concurrence faisaient défaut en l’espèce.

85     Cependant, la Commission n’est pas tenue de déterminer l’incidence réelle et effective d’un projet d’aide ou de régime d’aides, mais doit seulement examiner si ce projet est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-298/00 P, non encore publié au Recueil, point 49, et Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 44). En l’espèce, elle n’a donc pas commis d’erreur de droit en examinant les effets du projet sur les échanges entre États membres et sur la concurrence de la manière évoquée dans le cadre du moyen précédent.

86     Ensuite, ni le montant relativement faible des aides envisagées ni la taille modeste des entreprises éligibles n’excluent en soi qu’un projet de régime d’aides soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, points 11 et 12 ; du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 43, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 53). Il en va de même de l’importance limitée du secteur économique en cause (arrêts de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 82, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 60).

87     En effet, d’autres éléments, tels que le degré particulier d’exposition à la concurrence du secteur économique dans lequel opèrent les entreprises éligibles, peuvent également entrer en ligne de compte (arrêts de la Cour du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 24, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 54). Or, le secteur de l’agriculture, et notamment des fruits et légumes, est exposé à une concurrence intense. En particulier, sa structure, caractérisée par la présence d’un nombre élevé d’opérateurs de taille modeste, est telle que la mise en place d’un régime d’aides ouvert à une large partie d’entre eux, comme en l’espèce, peut avoir des répercussions sur la concurrence alors même que les aides individuelles attribuées au titre de ce régime sont de faible montant (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 57). Les arguments invoqués par la requérante et par les intervenantes ne permettent donc pas, en eux-mêmes, de caractériser l’existence d’une erreur d’appréciation à ce sujet.

88     Pris sous cet angle, le moyen doit, dès lors, être rejeté.

89     Dans la mesure où la requérante indique qu’elle conteste l’appréciation portée sur la compatibilité du projet au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, le moyen s’interprète comme étant tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que le projet n’altérait pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. L’application de cette disposition suppose en effet également la prise en considération de l’incidence d’une mesure étatique sur les échanges entre États membres et sur la concurrence (arrêt de la Cour du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, Rec. p. I‑135, point 20), ainsi que les lignes directrices le rappellent d’ailleurs en leur point 2.4, second alinéa, et en leur point 3.2.2, sous ii).

90     Pris sous cet angle, le moyen se confond avec le moyen suivant, avec lequel il sera examiné.

g)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices


 Arguments des parties

91     Selon la requérante, soutenue par les intervenantes, l’examen de la compatibilité du projet avec le marché commun, effectué au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, relatif aux aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, et des lignes directrices, est entaché d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

92     Les intervenantes font valoir, en outre, que la Commission a violé les points 3.2.3, 3.2.4 et 3.2.5 des lignes directrices.

93     La Commission estime que l’ensemble de ces arguments doit être rejeté.

 Appréciation du Tribunal

94     La Commission jouit, au titre de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation (arrêts Philip Morris/Commission, point 86 supra, point 17, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 83).

95     Pour autant, elle peut se doter, aux fins d’exercer celui-ci, de règles indicatives au moyen d’actes tels que les lignes directrices applicables en l’espèce, dans la mesure où ces règles ne s’écartent pas des dispositions du traité. Lorsque la Commission a adopté un tel acte, celui-ci s’impose à elle (arrêt Deufil/Commission, point 29 supra, point 22 ; arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 36, et arrêt Pays-Bas/Commission, point 29 supra, point 24).

96     Il revient donc au juge de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission, T‑35/99, Rec. p. II‑261, point 77).

97     Toutefois, dès lors que le large pouvoir d’appréciation conféré à la Commission, explicité le cas échéant par les règles indicatives adoptées par elle, implique des évaluations complexes d’ordre économique et social devant être effectuées dans un contexte communautaire, le juge exerce sur celles-ci un contrôle restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt Philip Morris/Commission, point 86 supra, point 24 ; arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 11 ; arrêt du Tribunal du 6 octobre 1999, Kneissl Dachstein/Commission, T‑110/97, Rec. p. II‑2881, point 46).

98     Dans ce cadre, la requérante et les intervenantes critiquent, premièrement, l’appréciation globale du projet (considérant 45 de la Décision), deuxièmement, l’appréciation de la définition de l’entreprise en difficulté retenue par le projet au regard du point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices (considérant 46 de la Décision), troisièmement, l’absence d’appréciation de la compatibilité du projet au regard des règles spéciales fixées par les points 3.2.3, 3.2.4 et 3.2.5 des lignes directrices et, quatrièmement, son appréciation au regard des règles générales fixées par le point 3.2.2 des lignes directrices (considérants 48 à 58 de la Décision).

–       Sur l’appréciation globale du projet

99     Selon la requérante, la Commission ne pouvait pas fonder la Décision sur le fait que la mise en oeuvre du régime d’aides à la restructuration notifié par la République italienne risquait, en raison de l’automaticité des mesures prévues par le projet, de donner lieu à l’octroi d’aides individuelles à des PEA ne se trouvant pas en difficulté et n’y étant, dès lors, pas éligibles.

100   Cet argument conduit, premièrement, à examiner si la Commission peut retenir un tel motif au soutien d’une décision déclarant l’incompatibilité avec le marché commun d’un projet de régime d’aides à la restructuration d’entreprises en difficulté et, deuxièmement, à apprécier si la Commission a pu, en l’espèce, retenir un tel motif au soutien de la Décision.

101   La Commission peut, au titre de l’article 87, paragraphe 3, CE et à l’issue de la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE, déclarer, par voie de décision positive ou conditionnelle, qu’un projet de régime d’aides est compatible avec le marché commun. L’État membre concerné est alors dispensé de lui notifier les aides individuelles accordées au titre de ce régime, sous réserve, le cas échéant, des conditions et obligations imposées sur ce point par la Commission. Cette dernière dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation (arrêts de la Cour du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4635, point 21, et du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission, C‑321/99 P, Rec. p. I‑4287, point 72).

102   Lorsqu’elle apprécie la qualification et la compatibilité avec le marché commun d’un tel projet, la Commission est en droit de limiter son examen aux caractéristiques générales de celui-ci, telles qu’elles ressortent de la notification complète, sans être tenue d’en examiner chaque cas d’application particulier (arrêts de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 18 ; du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec. p. I‑3671, point 48 ; Italie et Sardegna Lines/Commission, point 41 supra, point 51 ; du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec. p. I‑8031, point 67, et du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, non encore publié au Recueil, point 24).

103   La faculté offerte à l’État membre concerné de notifier un projet de régime d’aides et, lorsque la Commission l’a approuvé après en avoir examiné les caractéristiques générales, de se dispenser de notifier les aides individuelles accordées au titre de celui-ci, sous réserve, le cas échéant, des conditions et obligations imposées sur ce point, ne saurait permettre, comme le soutient à juste titre la Commission, l’octroi d’aides individuelles qui auraient été déclarées incompatibles si elles avaient fait l’objet d’une notification individuelle, sauf à priver de portée le principe d’incompatibilité des aides énoncé par l’article 87 CE. En particulier, elle ne saurait déboucher sur l’octroi d’aides individuelles qui, tout en étant conformes à l’un des objectifs prévus par l’article 87, paragraphe 3, sous a) à d), CE, ne seraient pas pour autant nécessaires pour atteindre cet objectif (arrêts Philip Morris/Commission, point 86 supra, point 17 ; Agrana Zucker und Stärke/Commission, point 49 supra, point 74, et Graphischer Maschinenbau/Commission, point 65 supra, point 34).

104   La Commission doit donc vérifier que les projets de régimes d’aides soumis à son examen sont conçus de manière à garantir que les aides individuelles devant être accordées en vertu de leurs dispositions seront réservées aux entreprises qui y sont effectivement éligibles.

105   Lorsqu’il s’avère que cela n’est pas le cas, il revient à la Commission, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, d’en tenir compte et d’évaluer, dans la mesure où les informations en sa possession le lui permettent, s’il est approprié d’adopter une décision conditionnelle ou une décision négative (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 102 supra, point 87, et arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T‑9/98, Rec. p. II‑3367, point 116).

106   En l’espèce, la question de savoir si la Commission a pu considérer que cela n’était pas le cas est liée à celle du caractère approprié de la définition de l’entreprise en difficulté retenue par le projet, ainsi que le fait apparaître le considérant 46 de la Décision. Il convient donc de les examiner conjointement.

–       Sur l’appréciation de la définition de l’entreprise en difficulté retenue par le projet au regard du point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices

107   La requérante et les intervenantes font valoir que le considérant 46 de la Décision, consacré à l’appréciation de la définition de l’entreprise en difficulté retenue par le projet, est entaché d’une erreur de droit ou, à tout le moins, d’une erreur manifeste d’appréciation. La Commission aurait commis une erreur de droit en s’écartant des lignes directrices, dont le point 2.1, premier alinéa, n’exigerait pas que cette définition soit fondée sur des critères permettant de constater la régularité de l’aggravation de la situation des entreprises demandant à être admises au bénéfice d’une aide à la restructuration. À tout le moins, elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne concluant pas que les critères retenus par le projet suffisaient à établir que les entreprises intéressées se trouvaient dans une situation économique justifiant l’octroi d’une aide à la restructuration, nonobstant l’amélioration éventuelle de cette situation en fin de période de référence.

108   Le point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices précise que la Commission entend considérer comme étant en difficulté l’entreprise qui est incapable d’assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l’emprunt. Il présente divers indicateurs de tendance permettant de mesurer l’aggravation de la situation de cette entreprise, auxquels s’ajoutent divers indicateurs ponctuels permettant de mesurer la gravité particulière que cette situation peut revêtir dans certains cas.

109   Les termes dans lesquels ce point est libellé font apparaître clairement que la Commission ne s’est pas écartée des lignes directrices en rappelant, préalablement à l’appréciation de la définition retenue en l’espèce, l’importance habituellement accordée par elle aux indicateurs témoignant de l’aggravation progressive des difficultés subies par les entreprises destinées à bénéficier d’un régime d’aides à la restructuration. L’argument tiré d’une erreur de droit sur ce point doit, dès lors, être rejeté.

110   Ensuite, il ressort de la lecture du considérant 46 de la Décision que, à l’appui de son appréciation selon laquelle la définition de l’entreprise en difficulté retenue en l’espèce par les autorités italiennes la conduisait à douter de la compatibilité du projet avec le marché commun, la Commission a relevé, en substance, que les critères utilisés manquaient de pertinence et de fiabilité en raison du fait qu’ils étaient fondés sur une moyenne.

111   Les termes du point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices permettent de considérer que l’importance accordée par la Commission aux indicateurs de tendance ne prive pas nécessairement de pertinence d’autres types d’indicateurs, tels que des indicateurs fondés sur une moyenne du type de ceux figurant dans le projet. Toutefois, de tels indicateurs ne peuvent en tout état de cause apparaître pertinents que s’ils permettent de constater l’existence de difficultés véritables et démontrées rencontrées par les entreprises éligibles. À défaut, les aides ne pourraient en effet pas être tenues pour nécessaires à ces entreprises et à la réalisation de l’objectif poursuivi par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

112   En l’espèce, il ne peut être tenu pour manifestement erroné d’avoir considéré que les critères retenus ne permettaient pas de garantir que l’accès au régime d’aides serait réservé à des entreprises en difficulté au sens du point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices. Les allégations de la requérante et des intervenantes à cet égard ne reposent, en effet, sur aucun élément permettant de conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation sur ce point.

–       Sur le défaut d’application des règles figurant aux points 3.2.3, 3.2.4 et 3.2.5 des lignes directrices

113   Les règles figurant aux points 3.2.3, 3.2.4 et 3.2.5 des lignes directrices, que les intervenantes reprochent à la Commission de ne pas avoir appliqué, constituent des « dispositions spéciales » sous réserve desquelles s’appliquent les « conditions générales » énumérées au point 3.2.2 desdites lignes directrices, ainsi que ce dernier l’indique en son premier alinéa.

114   Premièrement, les intervenantes estiment que, dans la mesure où la Commission a pris acte de l’absence de surcapacité dans le secteur et renoncé à exiger une réduction de capacité (considérant 53 de la Décision), elle aurait dû conclure que le projet était conforme au point 3.2.3 des lignes directrices et, par suite, compatible avec le marché commun.

115   Le point 2.4, second alinéa, des lignes directrices indique notamment que, lorsque les entreprises concernées par un projet d’aide à la restructuration sont situées dans une région assistée, la Commission tiendra compte des considérations d’ordre régional mentionnées par l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE de la manière indiquée au point 3.2.3 des mêmes lignes directrices. Ce dernier, intitulé « Conditions particulières applicables aux aides à la restructuration dans les régions assistées », indique notamment que, lorsqu’un projet de régime d’aides à la restructuration d’entreprises en difficulté concerne une région assistée ou défavorisée, la Commission s’oblige à en tenir compte et, à cette fin, s’autorise, nonobstant l’existence d’une situation de surcapacité structurelle dans le secteur en cause, à appliquer souplement la règle de réduction de capacité fixée par les lignes directrices si les besoins du développement régional le justifient.

116   En revanche, il n’en ressort nullement que, lorsque le secteur concerné par un projet d’aide nouvelle paraît exempt de surcapacité et que la Commission renonce en conséquence à imposer une réduction de capacité aux entreprises éligibles, ce projet devrait, de ce seul fait, être tenu pour compatible avec le marché commun.

117   Tout au contraire, il demeure nécessaire que ce projet réponde au principe posé par le point 3.2.1 des lignes directrices, selon lequel un projet d’aide nouvelle à la restructuration ne peut être accordé que dans les cas où l’on peut démontrer qu’il est dans l’intérêt de la Communauté qu’il le soit et, donc, qu’il remplit les conditions de retour à la viabilité, de prévention des distorsions de concurrence indues et de proportionnalité énumérées par le point 3.2.2 des lignes directrices. Quoique la Commission puisse être « moins stricte » à ce sujet, elle ne saurait se montrer « tout à fait permissive », selon les termes du point 3.2.3 des lignes directrices (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 114).

118   En l’espèce, la constatation selon laquelle il n’apparaissait pas que le secteur sarde des cultures sous serre souffre de surcapacité n’imposait donc pas à la Commission de conclure à la compatibilité du projet. L’argument tiré d’une erreur de droit sur ce point est, dès lors, mal fondé.

119   Deuxièmement, les intervenantes considèrent que, dans la mesure où l’ensemble des entreprises éligibles au projet était des PEA, la Commission aurait dû faire application du point 3.2.4 des lignes directrices.

120   Le point 1.2 des lignes directrices indique que les aides à la restructuration peuvent se justifier dans certaines circonstances, notamment « parce qu’il y a lieu de prendre en considération le rôle bénéfique que joue le secteur des [PME] d’un point de vue économique plus général ainsi que les besoins particuliers de ces entreprises et ceux des [PEA] ». Le point 3.2.4 des mêmes lignes directrices, intitulé « Aides à la restructuration des [PME] », indique notamment que, « en présence de [PME], la Commission n’exigera pas que l’aide à la restructuration réponde aux conditions aussi strictes que celles appliquées pour les grandes entreprises, en particulier en ce qui concerne les réductions de capacité et les obligations en matière de rapports ».

121   Ces points conduisent à relever que la Commission s’est obligée à appliquer souplement les règles fixées par le point 3.2.2 des lignes directrices lorsqu’elle examine la compatibilité avec le marché commun d’un projet d’aide à la restructuration de PME ou de PEA en difficulté, tel que le projet en cause en l’espèce. Les règles en question, quoique assouplies, demeurent donc applicables.

122   C’est, dès lors, dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé des considérations ayant amené la Commission à conclure que le projet ne respectait pas ces règles qu’il sera déterminé s’il en a été fait une application souple tenant compte du rôle économique bénéfique des PEA et de leurs besoins particuliers (voir point 141 ci‑après).

123   Troisièmement, les intervenantes soutiennent que la Commission ne pouvait refuser d’apprécier la compatibilité du projet au regard du point 3.2.5 des lignes directrices au motif, selon elles inopérant, que les autorités italiennes n’avaient pas demandé qu’il en soit fait application.

124   L’alinéa introductif du point 3.2.5 des lignes directrices, intitulé « Dispositions applicables uniquement aux aides à la restructuration dans le secteur agricole », expose :

« En ce qui concerne les opérateurs du secteur agricole, la Commission appliquera, à la demande de l’État membre concerné et en remplacement des dispositions générales prévues par [les lignes directrices] en matière de réduction de la capacité, les dispositions suivantes […] »

125   En l’espèce, la Décision, dont l’exactitude en fait n’est pas contestée sur ce point, relève en ses considérants 33 et 52 que les autorités italiennes n’ont à aucun moment demandé que la Commission, qui avait attiré leur attention sur cette possibilité, fasse application des règles fixées par le point 3.2.5 des lignes directrices. La Commission a donc non seulement pu, mais également dû, se borner à appliquer les règles figurant au point 3.2.2 des lignes directrices. L’argument tiré d’une erreur de droit sur ce point est, dès lors, mal fondé.

–       Sur l’appréciation du projet au regard des règles figurant au point 3.2.2 des lignes directrices

126   Pour pouvoir être déclaré compatible avec le marché commun en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, un projet d’aide à la restructuration d’une entreprise en difficulté doit être lié à un plan de restructuration visant à en réduire ou à en réorienter les activités (arrêts de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92, C‑279/92 et C‑280/92, Rec. p. I-4103, point 67 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 45, et arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 41 supra, point 70).

127   Le point 3.2.2 des lignes directrices, qui met en œuvre cette exigence, impose notamment que le plan de restructuration respecte trois conditions matérielles. Il est impératif, premièrement, qu’il permette le retour de l’entreprise bénéficiaire à la viabilité dans un délai raisonnable et sur la base d’hypothèses réalistes [point 3.2.2, sous i)], deuxièmement, qu’il prévienne les distorsions de concurrence indues [point 3.2.2, sous ii)] et, troisièmement, qu’il soit proportionné aux coûts et avantages de la restructuration [point 3.2.2, sous iii)].

128   Ces conditions étant cumulatives, il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour qu’un projet d’aide à la restructuration doive être déclaré incompatible par la Commission (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, point 126 supra, points 49 et 50 ; Grèce/Commission, point 102 supra, points 100 et 101, et HAMSA/Commission, point 117 supra, point 79).

129   En outre, il incombe à l’État membre concerné, pour s’acquitter de son devoir de coopération envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation dont il demande à bénéficier sont réunies (arrêts de la Cour du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec. p. I‑2097, point 20, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 81 à 85).

130   Enfin, la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge en fonction des éléments dont cette institution disposait ou pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, et du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C-277/00, non encore publié au Recueil, point 39).

131   En l’espèce, les autorités italiennes ont notifié un projet de régime d’aides destiné à permettre la restructuration d’environ 500 PEA. Ce projet devait garantir que les plans individuels de restructuration présentés par les PEA demandant à être admises à en bénéficier respecteraient les conditions fixées par le point 3.2.2 des lignes directrices. La Commission a estimé, aux considérants 48 à 58 de la Décision, que tel n’était pas le cas.

132   La requérante et les intervenantes soutiennent, d’abord, que l’appréciation du projet au regard du point 3.2.2, sous i), des lignes directrices est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

133   Le libellé du point 3.2.2, sous i), des lignes directrices, intitulé « Retour à la viabilité », fait apparaître que la condition qu’il prévoit réunit deux exigences. D’une part, le retour à la viabilité doit être fondé principalement sur des facteurs internes et, donc, ne peut être qu’accessoirement fondé sur des facteurs externes, et à la condition que ces derniers paraissent réalistes. D’autre part, il doit apparaître réalisable dans un délai raisonnable et doit apparaître durable.

134   Quant à la première de ces exigences, la Commission a relevé, aux considérants 49 et 50 de la Décision, que le retour à la viabilité était fondé notamment sur deux facteurs externes tenant, l’un, à l’hypothèse selon laquelle les revenus devaient s’accroître du fait de campagnes de promotion supposées créer de nouveaux débouchés et, l’autre, à l’hypothèse selon laquelle les revenus devaient ne pas décroître du fait de l’absence d’incidence de l’augmentation de la production sur les prix. Elle a considéré que la première de ces hypothèses apparaissait non prouvée et que la seconde était invérifiable et, de surcroît, irréaliste.

135   Selon les déclarations des autorités italiennes et de la requérante, le projet se fondait « essentiellement sur des mesures internes » devant se traduire par une augmentation de la production des entreprises bénéficiaires de près de 40 % en volume et par une augmentation de leurs revenus de plus de 50 %, et « notablement » sur un facteur externe tenant à la « demande croissante de produits du terroir ».

136   La Décision, dont les considérants 49 et 50 portent sur ce facteur externe, pourrait à première vue donner l’impression que la Commission a omis d’examiner les facteurs internes. Il ressort toutefois d’une lecture plus attentive que la Commission a, implicitement mais nécessairement, reconnu l’importance et la pertinence de ces facteurs. Ce n’est en effet que parce qu’elle avait admis la possibilité qu’ils permettent une augmentation de l’offre de l’ordre de 40 % que la Commission s’est interrogée sur le fait de savoir si cette augmentation ne pourrait pas, faute d’une demande suffisante, entraîner une chute des prix et faire obstacle au retour à la viabilité qu’elle était supposée assurer. C’est pour ce motif que la Commission a demandé à obtenir des informations économiques relatives à l’existence de débouchés et à l’incidence de l’augmentation de la production sur les prix, ainsi d’ailleurs qu’elle l’a confirmé à l’audience sans être contestée.

137   Cependant, les autorités italiennes n’ont à aucun moment fourni d’informations précises au sujet des débouchés et, en particulier, des campagnes de promotion qu’elles envisageaient d’organiser, ainsi qu’elles l’avaient indiqué à la Commission pendant la procédure administrative. Or, la Commission ne pouvait, de toute évidence, fonder son appréciation sur une simple allégation (voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, point 74 supra, point 84).

138   Interrogée sur ce point à l’audience, la requérante a d’ailleurs admis que ces campagnes de promotion ne constituaient qu’une « hypothèse ».

139   De même, les autorités italiennes n’ont jamais fourni d’informations concluantes au sujet des effets sur les prix de l’augmentation de la production qu’elles avaient décrits à la Commission. Pour l’essentiel, elles ont en effet fourni, dans un courrier daté du 26 janvier 2001, l’étude de marché demandée par la Commission les 19 juin 1998, 19 octobre 1998 et 7 décembre 1999. Cette étude, qui fait notamment état d’une hausse tendancielle et relative du prix de vente de la tomate dite « de table » et de celui du poivron rouge dans la province de Cagliari entre 1995 et 1997, permet d’envisager quelle pourrait être l’évolution ultérieure du prix de ces deux produits, dans cette province, toutes choses égales par ailleurs. En revanche, il pouvait, sans erreur manifeste, être retenu qu’elle ne fournit pas d’indications probantes sur ce que serait l’évolution du prix de ces produits et des autres produits concernés, dans la province de Cagliari et dans le reste de la Sardaigne, en tenant compte de l’augmentation de plus de 40 % de la production attendue, dans cette région, de la mise en œuvre du projet.

140   Interrogée sur ce point à l’audience, la requérante n’a d’ailleurs pas contesté le caractère insatisfaisant de cette étude et s’est bornée à expliquer que d’autres éléments devaient être pris en compte, tels que l’objectif d’encouragement, de rationalisation et de spécialisation des PEA poursuivi par le projet.

141   Cet argument ne saurait toutefois être retenu. Ce n’est, en effet, qu’en présence de données précises et concluantes que la Commission peut s’acquitter de l’obligation qui lui incombe, en vertu du point 3.2.4 des lignes directrices, de faire preuve de souplesse lorsqu’elle détermine si un projet concernant des PME ou des PEA respecte la condition du retour à la viabilité fixée par le point 3.2.2, sous i), des mêmes lignes directrices.

142   Il apparaît donc, premièrement, que la République italienne est restée en défaut de communiquer les informations qui auraient permis à la Commission de s’assurer que le projet était apte à rétablir la viabilité des PEA éligibles sur la base d’hypothèses réalistes, en dépit des demandes réitérées de cette institution, et, deuxièmement, que cette dernière a dû, de ce fait, se résoudre à conclure, sans commettre sur ce point d’erreur manifeste d’appréciation, que les informations à sa disposition ne permettaient pas de lever les doutes qu’elle entretenait à ce sujet.

143   Dès lors qu’il ne peut être retenu que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les éléments à sa disposition ne lui permettaient pas de conclure que le projet respectait cette condition de retour à la viabilité, et que les conditions fixées par le point 3.2.2 des lignes directrices sont cumulatives (voir points 127 et 128 ci-dessus), le moyen doit être rejeté sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments relatifs à l’appréciation du projet au regard des autres conditions énumérées par ledit point (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, point 126 supra, point 50 ; Grèce/Commission, point 102 supra, point 101, et HAMSA/Commission, point 117 supra, point 108).

h)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 659/1999


 Arguments des parties

144   Selon la requérante, soutenue par les intervenantes, la Commission a erronément arrêté une décision négative en vertu de l’article 7, paragraphe 5, du règlement nº 659/1999 au lieu d’arrêter une décision conditionnelle en vertu de l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement.

145   La Commission réfute ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

146   L’article 7 du règlement nº 659/1999, intitulé « Décisions de la Commission de clore la procédure formelle d’examen », dispose notamment :

« 1. Sans préjudice [du retrait de la notification par l’État membre concerné], la procédure formelle d’examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article.

[…]

4. La Commission peut assortir sa décision positive de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché commun et d’obligations lui permettant de contrôler le respect de sa décision (ci-après dénommée ‘décision conditionnelle’).

5. Lorsque la Commission constate que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution (ci-après dénommée ‘décision négative’).

6. Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l’être dès que les doutes visés à l’article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné.

7. À l’issue du délai visé au paragraphe 6, et si l’État membre concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose. Le cas échéant, elle prend une décision négative, lorsque les informations fournies ne permettent pas d’établir la compatibilité. »

147   L’application de ces dispositions au cas d’espèce conduit à rappeler que, le 14 septembre 2001, la République italienne a demandé à la Commission d’adopter une décision au titre de l’article 7, paragraphe 7, du règlement nº 659/1999 et que, le 13 novembre 2001, la Commission a adopté la Décision, dans laquelle elle a estimé, en substance, que les informations fournies par la République italienne ne lui permettaient pas d’écarter tous les doutes qu’elle nourrissait au sujet de la compatibilité du projet avec le marché commun.

148   L’examen du moyen pris de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices a conduit à retenir que l’appréciation ayant amené la Commission à la conclusion que le projet ne répondait pas à la condition de retour à la viabilité prescrite par le point 3.2.2, sous i), des lignes directrices (considérants 49 et 50 de la Décision) ne pouvait pas être tenue pour manifestement erronée (voir points 132 à 142 ci-dessus).

149   Les conditions énoncées par le point 3.2.2 des lignes directrices étant cumulatives (voir points 127, 128 et 143 ci-dessus) et les informations fournies par la République italienne ne permettant donc pas d’établir la compatibilité du projet avec le marché commun, la Commission était en droit d’adopter une décision négative, conformément à l’article 7, paragraphe 7, du règlement n° 659/1999.

150   Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

2.     Sur les autres moyens des intervenantes

151   L’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour dispose que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. L’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que le mémoire en intervention contient, notamment, les conclusions de l’intervenant tendant au soutien ou au rejet, total ou partiel, des conclusions d’une des parties, ainsi que les moyens et arguments invoqués par l’intervenant.

152   Ces dispositions confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (voir arrêts de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 3, 37 ; du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C‑155/91, Rec. p. I‑939, point 24, et du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, non encore publié au Recueil, points 131 à 157 ; arrêt du Tribunal du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T‑125/96 et T‑152/96, Rec. p. II‑3427, point 183).

153   Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens invoqués par un intervenant, de vérifier qu’ils se rattachent à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales.

154   S’agissant d’un litige introduit par une collectivité territoriale et portant sur la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides à la restructuration d’un secteur économique projeté par cette collectivité, il ne saurait être contesté que les entreprises susceptibles de bénéficier de ce régime et leurs représentants se trouvent naturellement placés dans une situation propre à leur permettre de compléter utilement l’argumentation de la collectivité requérante, notamment sur les difficultés que les aides sont destinées à résoudre et sur les effets que celles-ci peuvent avoir. Le rattachement de leurs moyens à l’objet du litige ne doit donc pas faire l’objet d’une appréciation restrictive.

155   Pour autant, lorsqu’il apparaît qu’un recours dont la recevabilité fait débat doit en tout état de cause être rejeté au fond, il est loisible au juge, dans un souci d’économie de procédure, de se prononcer d’emblée sur sa substance (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, non encore publié au Recueil, point 26). De même, lorsqu’il apparaît qu’un moyen dont le rattachement à l’objet du litige est discutable doit en tout état de cause être rejeté comme irrecevable pour un autre motif ou comme dépourvu de fondement, il est loisible au juge de rejeter ce moyen sans statuer sur le point de savoir si l’intervenant est sorti de son rôle de soutien des conclusions d’une des parties principales (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec. p. I‑747, points 64 et 65).

156   C’est au regard de ces principes que doivent être examinés les moyens invoqués en l’espèce par les intervenantes.

a)     Sur le moyen pris de la violation du droit d’être entendu

 Arguments des parties

157   En substance, il se pourrait, selon les intervenantes, que la Commission ait violé le droit d’être entendu, qui constitue une des garanties procédurales prévues par l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, la Décision ne permet pas de déterminer si d’autres États membres ont présenté, en tant que parties intéressées, des observations au sujet de la compatibilité du projet avec le marché commun. Or, si cela s’avérait être le cas, il conviendrait de relever que la République italienne n’a pas été mise en mesure d’y répondre.

158   La Commission, qui n’a pas répondu à ce moyen dans ses écritures, a fait valoir à l’audience, de manière globale, que les moyens invoqués par les intervenantes étaient en grande partie irrecevables au motif qu’ils ne correspondaient pas à ceux de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

159   La lecture de la Décision, dont l’exactitude sur ce point n’est pas contestée par les intervenantes, conduit à constater que le moyen, qui se présente au demeurant sous un jour spéculatif, manque en fait. En effet, celle-ci énonce en son considérant 4 que la Commission n’a pas, au cours de la procédure formelle d’examen, reçu d’observations de la part des parties intéressées.

160   Or, la notion de parties intéressées, selon la définition qu’en donne l’article premier, sous h), du règlement n° 659/1999, comprend notamment tout État membre, exception faite de celui qui projette de dispenser ou qui a dispensé une aide nouvelle et est, à ce titre, qualifié d’État membre concerné.

161   Il se déduit donc de la Décision qu’aucun État membre, agissant en qualité de partie intéressée, n’a présenté d’observations relatives à la compatibilité du projet avec le marché commun, que la Commission aurait pu communiquer à la République italienne.

162   Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur sa recevabilité, en ce qui concerne tant son rattachement à l’objet du litige que la possibilité qu’auraient les bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides de se prévaloir d’une violation du droit d’être entendu conféré à l’État membre concerné dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE.

b)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

 Arguments des parties

163   Les intervenantes font valoir que la Commission a violé, par refus d’application, l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, relatif aux aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires.

164   La Commission n’a pas répondu à ce moyen dans ses écritures mais a fait valoir à l’audience, de manière globale, que les moyens invoqués par les intervenantes étaient en grande partie irrecevables au motif qu’ils ne correspondaient pas à ceux de la requérante. Pour sa part, la requérante a estimé que ces moyens n’altéraient en rien l’objet du litige.

 Appréciation du Tribunal

165   Le moyen est manifestement mal fondé. En effet, l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE déroge au principe général d’incompatibilité des aides avec le marché commun et doit, comme tel, faire l’objet d’une interprétation stricte, au terme de laquelle seuls des dommages directement causés par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires peuvent fonder l’application de cette disposition (arrêt Grèce/Commission, point 102 supra, point 81). En outre, ainsi qu’il a été relevé précédemment, la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge en fonction des éléments dont cette institution disposait ou pouvait disposer au moment où elle a arrêté celle-ci.

166   Or, en l’espèce, l’examen de la correspondance échangée pendant la procédure administrative révèle que les autorités italiennes n’ont jamais indiqué, ni à plus forte raison démontré, à la Commission que le projet mettait en place des aides destinées à remédier aux dommages visés par l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Au contraire, elles l’ont toujours présenté comme visant à mettre en place un régime d’aides à la restructuration d’entreprises en difficulté. Comme tel, celui-ci devait être analysé au regard des lignes directrices, qui excluent expressément, en leur point 2.4, premier alinéa, les aides visées par l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE de leur champ d’application.

167   D’ailleurs, la requérante a confirmé lors de l’audience que, bien que des événements qualifiés par elle de calamiteux aient été, entre autres facteurs, tels que le caractère insulaire de la Sardaigne, à l’origine des difficultés des PEA sardes, le projet entendait bien « aller au-delà d’une simple compensation » de ces seuls événements.

168   Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir estimé, au considérant 44 de la Décision, que le projet ne se proposait pas d’octroyer des aides au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et, partant, d’avoir écarté l’application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1993, Italie/Commission, point 129 supra, point 20 ; arrêts de la Cour du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, points 68 et 69, et du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, point 130 supra, point 40).

169   Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté sans qu’il soit besoin de se prononcer sur son rattachement à l’objet du litige.

c)     Sur le moyen pris de la violation de l’article 158 CE et de la déclaration nº 30, relative aux régions insulaires, annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam

 Arguments des parties

170   Les intervenantes font grief à la Commission d’avoir méconnu l’article 158 CE et la déclaration nº 30 en ne prenant pas en considération, dans la Décision, le fait que le projet visait à répondre aux objectifs de ces textes. Elles font mention, notamment, de décisions dans lesquelles la Commission aurait tenu compte du retard de développement économique et social lié à l’insularité.

171   La Commission estime que ce moyen doit être rejeté comme irrecevable au motif qu’il n’a pas été soulevé par la requérante et, en tout état de cause, comme mal fondé. Pour sa part, la requérante a fait valoir à l’audience que ce moyen n’altérait en rien l’objet du litige.

 Appréciation du Tribunal

172   Le moyen, quoique distinct de ceux soulevés par la requérante, est recevable. En effet, la requérante a soulevé un moyen pris de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices. Or, lorsqu’elle apprécie un projet d’aide nouvelle à la restructuration d’entreprises en difficulté concernant une région assistée ou défavorisée, la Commission tient compte de l’article 158 CE de la manière décrite au point 1.3, deuxième alinéa, et au point 3.2.3 des lignes directrices. Dès lors, si la Commission n’a, comme le soutiennent les intervenantes, tenu aucun compte du fait que le projet visait à répondre aux objectifs de l’article 158 CE, elle a nécessairement violé l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et les lignes directrices.

173   Quant au fond, il convient de relever que l’article 158 CE prévoit, en son premier alinéa, que, afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique et sociale et, en son second alinéa, que, en particulier, la Communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales.

174   Lorsque la Commission examine si un projet de régime d’aides à la restructuration d’entreprises en difficulté peut être déclaré compatible avec le marché commun en application de la dérogation prévue par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, elle s’est, ainsi que cela a été relevé précédemment, obligée, au point 3.2.3 des lignes directrices, à tenir compte des objectifs de l’article 158 CE et des effets régionaux d’un projet d’aide nouvelle à visée sectorielle.

175   Toutefois, le simple fait qu’un projet d’aide nouvelle vise à répondre aux objectifs d’une disposition du traité autre que la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, CE invoquée par l’État membre concerné n’implique pas, en soi, que ce projet réponde aux conditions d’application de cette dérogation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 juin 1970, France/Commission, 47/69, Rec. p. 487, point 13, et du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, Rec. p. I-12249, point 47).

176   Au contraire, en l’espèce, les conditions fixées par le point 3.2.2 des lignes directrices demeuraient applicables, quoique de manière souple, et l’examen des moyens qui précèdent a fait apparaître que la Commission, obligée de se prononcer dans un délai de deux mois au vu des informations en sa possession, a pu estimer que la République italienne n’avait pas fourni d’éléments concluants permettant de vérifier que le projet respectait ces conditions et, eu égard aux doutes existant à cet égard, clôturer son examen par voie de décision finale négative.

177   Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que, dans certaines décisions antérieurement adoptées au titre du contrôle des aides d’État, la Commission a tenu compte de données liées à l’insularité, d’une manière qui n’est d’ailleurs pas précisée par les intervenantes. En effet, c’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53).

178   Quant à l’invocation de la déclaration n° 30, elle est dépourvue de pertinence. En effet, la Décision est un acte de portée individuelle dont l’adoption relève de la responsabilité incombant à la Commission d’assurer le respect de l’article 87 CE et la mise en œuvre de l’article 88 CE, et non de l’exercice du pouvoir législatif communautaire impliquant l’adoption de « mesures spécifiques », « lorsque cela se justifie, en faveur [des] régions [insulaires], afin de mieux les intégrer au marché intérieur dans des conditions équitables », visés par cette déclaration.

179   Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

d)     Sur le moyen pris de la violation des directives 72/159 et 75/268

 Arguments des parties

180   Les intervenantes reprochent à la Commission de ne pas avoir fait référence aux dispositions des directives 72/159 et 75/268 dans la Décision. Ces directives permettraient, la première, de déclarer compatibles avec le marché commun des aides financières et des aides à l’investissement telles qu’en l’espèce, et, la seconde, d’atteindre les objectifs de la politique agricole commune dans les zones agricoles les plus défavorisées. Le règlement (CEE) n° 797/85 du Conseil, du 12 mars 1985, concernant l’amélioration de l’efficacité des structures de l’agriculture (JO L 93, p. 1), qui les compléterait, attribuerait en outre, en son article 18, pleine compétence aux États membres pour adopter des mesures spécifiques régionales, dont pourraient relever les mesures prévues par le projet. L’ensemble de ces dispositions aurait permis à la Commission d’écarter l’application des lignes directrices et de ne pas s’opposer à la mise à exécution du projet.

181   La Commission répond que le moyen doit être rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, comme inopérant. Pour sa part, la requérante a fait valoir à l’audience que ce moyen n’altérait en rien l’objet du litige.

 Appréciation du Tribunal

182   La Décision a été adoptée le 13 novembre 2001 au terme d’une phase d’examen préliminaire déclenchée le 15 janvier 1998 et d’une procédure formelle d’examen ouverte par décision reçue par la République italienne le 4 février 1999.

183   La directive 75/268 a été abrogée par l’article 41, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 950/97 du Conseil, du 20 mai 1997, concernant l’amélioration de l’efficacité des structures de l’agriculture (JO L 142, p. 1), qui est entré en vigueur le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, le 2 juin 1997. De même, le règlement (CEE) n° 797/85 a été abrogé par l’article 40, paragraphe 1, du règlement n° 2328/91 du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant l’amélioration de l’efficacité des structures agricoles (JO L 218, p. 1), qui est entré en vigueur le troisième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, le 6 août 1991. Les intervenantes ne peuvent donc en tirer argument, étant relevé au surplus qu’elles ne se prévalent à aucun moment des actes qui les ont remplacés.

184   Quant à la directive 72/159, les intervenantes se bornent à exposer que ses articles 8 et 14 « ne s’opposent pas à la compatibilité [du projet] et permettent d’écarter l’application des lignes directrices », mais n’expliquent pas, ni à plus forte raison ne démontrent, en quoi la Commission aurait dû, ou à tout le moins pu, décider autrement qu’elle ne l’a fait. Du reste, les dispositions mentionnées ne visent pas les projets d’aides nouvelles à la restructuration d’entreprises en difficulté notifiés à la Commission aux fins d’un examen au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, tels que le projet faisant l’objet de la Décision. Au contraire, l’article 8 de la directive 72/159 concerne les « régime[s] sélectif[s] d’encouragement des exploitations agricoles en mesure de se développer que les États membres instituent » afin de « favoriser leurs activités et leur développement dans des conditions rationnelles », dans les conditions visées par les articles 1er à 10 de cette directive. Pour sa part, l’article 14 de cette directive concerne des « aides aux investissements » interdites ou, par exception, autorisées « sous réserve [d’être] octroyées en conformité avec les dispositions prévues […] aux articles [87 CE à 89 CE] ».

185   Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté sans qu’il soit besoin de se prononcer sur son rattachement à l’objet du litige.

e)     Sur la demande visant à ce que le Tribunal « écart[e] s’il échet, à titre accessoire, l’application des dispositions illégales au sens de l’article 241 CE »

186   Cette demande, qui s’analyse comme un moyen à l’appui des conclusions du recours (ordonnance de la Cour du 16 novembre 2000, Schiocchet/Commission, C‑289/99 P, Rec. p. I‑10279, point 25), doit, conformément à l’article 116, paragraphe 4, sous b), du règlement de procédure, être argumentée par son auteur. Une énonciation abstraite, non explicitée par des indications suffisamment claires et précises pour permettre aux parties d’y répondre et au Tribunal d’exercer son contrôle, ne respecte pas cette exigence (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 561, 588, et ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20).

187   Or, en l’espèce, les intervenantes n’excipent, même sommairement, de l’illégalité d’aucun acte communautaire. En particulier, bien qu’elles avancent qu’une partie des dispositions du règlement n° 659/1999 serait incompatible avec le principe de sécurité juridique, c’est sans préciser quelles sont les dispositions dont il s’agit et, en outre, sans en contester la légalité de manière expresse.

188   Dans ces conditions, le moyen ne répond pas aux exigences minimales de présentation prescrites par le règlement de procédure et doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur son rattachement à l’objet du litige.

189   Les moyens invoqués à l’appui des conclusions visant à l’annulation totale de la Décision ayant tous été rejetés, celles-ci doivent l’être également.

B –  Sur les conclusions visant à l’annulation partielle de la Décision, en ce qu’elle ne prévoit pas que les aides sont légales à concurrence d’un montant de 100 000 euros

1.     Arguments des parties

190   À l’appui de leurs conclusions en annulation partielle de la Décision, les intervenantes invoquent un moyen unique pris de la méconnaissance de la règle de minimis.

191   La Commission estime que ces conclusions ne soutiennent pas celles de la requérante dans la mesure où ces dernières visent à l’annulation totale et non partielle de la Décision, et doivent dès lors être rejetées comme irrecevables ; que le moyen qui les appuie ne se rattache pas à l’objet du litige dans la mesure où il est sans rapport avec les moyens qu’invoque la requérante, et doit dès lors lui-même être rejeté comme irrecevable ; que ce moyen est en tout état de cause inopérant dans la mesure où la règle de minimis était inapplicable en l’espèce.

192   Pour sa part, la requérante a fait valoir à l’audience que les conclusions subsidiaires des intervenantes étaient comprises dans ses propres conclusions et que le moyen invoqué à l’appui de ces conclusions subsidiaires n’altérait en rien l’objet du litige.

2.     Appréciation du Tribunal

193   Il résulte de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour et de l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure que, si un intervenant ne peut présenter de conclusions excédant celles au soutien desquelles il intervient (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2000, BP Chemicals/Commission, T‑184/97, Rec. p. II‑3145, point 39), il peut en revanche ne soutenir que partiellement ces conclusions.

194   En l’espèce, la requérante a conclu à l’annulation de la Décision en ce qu’elle déclare, en son article 1er, que le projet est incompatible avec le marché commun. En concluant à titre subsidiaire à l’annulation de la Décision en ce qu’elle ne circonscrit pas cette déclaration d’incompatibilité aux aides d’un montant égal ou supérieur à 100 000 euros, les intervenantes n’ajoutent pas de conclusions nouvelles à celles de la requérante. Leurs conclusions subsidiaires tendent en effet au soutien partiel de celles de la requérante, conformément à l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure, et sont donc recevables.

195   Ensuite, ainsi que cela a été relevé précédemment, l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour et l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet.

196   En l’espèce, la requérante a invoqué un moyen tiré, en substance, de ce que le projet prévoyait des aides de faible montant, qui n’affectaient pas les échanges entre États membres au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et n’altéraient pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE (voir points 81 à 90 ci-dessus). Les intervenantes invoquent quant à elles un moyen tiré de la violation de la règle de minimis.

197   Or, la règle de minimis appréhende la condition d’affectation des échanges entre États membres prévue par l’article 87, paragraphe 1, CE et précise la manière dont la Commission examine cette condition, en posant pour principe qu’une aide de faible montant n’a pas d’impact sensible sur les échanges entre États membres (arrêt Pays-Bas/Commission, point 29 supra, points 3 et 25).

198   Le moyen des intervenantes se rattache donc à l’objet du litige et est, dès lors, recevable.

199   Quant au fond, la règle de minimis ne s’applique pas aux aides octroyées à des entreprises actives dans le secteur de l’agriculture, ainsi d’ailleurs que les lignes directrices l’indiquent en leur point 2.3, deuxième alinéa, et en leur point 3.2.5, sous c), premier alinéa. Or, en l’espèce, il est constant que le projet prévoyait d’accorder des aides à de telles entreprises. Dès lors, il est inopérant d’invoquer la méconnaissance de cette règle (arrêts du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, point 168 supra, point 35, et Grèce/Commission, points 102 supra, point 74).

200   Le moyen doit donc être rejeté, ainsi que les conclusions visant à l’annulation partielle de la Décision.

201   En conséquence, le recours doit être rejeté en son entier.

 Sur les dépens

202   L’article 87 du règlement de procédure dispose, en son paragraphe 2, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose qu’il peut être ordonné qu’un intervenant autre qu’un État membre ou une institution supportera ses propres dépens.

203   En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu, conformément aux conclusions de la Commission en ce sens, de la condamner aux dépens, exception faite de ceux exposés par la Commission en raison de l’intervention. Il y a lieu également de décider que les intervenantes supporteront leurs propres dépens et, la Commission ayant conclu en ce sens, ceux exposés par elle en raison de leur intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Regione autonoma della Sardegna est condamnée aux dépens, exception faite de ceux visés au point 3 ci-après.

3)      La Confederazione italiana agricoltori della Sardegna, la Federazione regionale coltivatori diretti della Sardegna et la Federazione regionale degli agricoltori della Sardegna supporteront leurs propres dépens, ainsi que les dépens exposés par la Commission en raison de leur intervention.

Legal

Tiili

Meij

Vilaras

 

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2005.

Le greffier

 

        Le président

H. Jung

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’italien.