Language of document : ECLI:EU:T:2019:301

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 mai 2019 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Notation – Rapport d’évaluation de carrière – Exercice d’évaluation 2014 – Procédure précontentieuse – Recevabilité – Droit d’être entendu – Principe de la présomption d’innocence – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑571/16,

PT, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me E. Nordh, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. G. Nuvoli, E. Raimond, T. Gilliams et Mme G. Faedo, puis par Mme Faedo et M. M. Loizou, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Johansson, B. Wägenbaur, avocats, et M. J. Currall, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la BEI portant établissement définitif du rapport de notation du requérant pour l’exercice 2014, du rapport d’évaluation du requérant pour l’exercice 2014, des décisions de la BEI, pour 2015, de ne pas le promouvoir, de ne pas lui octroyer de prime individuelle et d’augmenter son traitement de 1,20 % et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 1er mars 2011, le requérant, PT, est entré au service de la Banque européenne d’investissement (BEI). Il a été affecté à la direction des affaires juridiques de la BEI et classé dans la fonction E.

2        À compter du 7 mai 2012, le requérant a été détaché au mécanisme européen de stabilité (MES). Il a été mis fin à ce détachement à compter du 28 février 2013.

3        Du 1er mars 2013 au 30 avril 2014, le requérant a été détaché auprès de la direction générale de la gestion des risques de la BEI (ci-après la « DG RM »), en qualité de conseiller juridique dans le domaine des produits financiers dérivés. À compter du 1er mai 2014, le requérant a, avec son accord, été affecté à l’unité « Produits dérivés/Valorisation » (ci-après l’« unité DER/VAL ») de la division « Produits dérivés » (ci-après la « division RM/FRD ») de la direction « Risques financiers » de la DG RM.

4        Le 26 septembre 2014, le requérant a exprimé ses préoccupations au sujet de risques de « [non-]conformité » à la suite de soupçons de manquements aux meilleures pratiques dans le cadre d’un projet de marché géré par la direction des finances de la BEI (ci-après la « DG FI »).

5        Le 1er octobre 2014, le requérant s’est adressé au directeur général de la DG FI au sujet de ses préoccupations concernant le projet de marché visé au point 4 ci-dessus.

6        Le 2 octobre 2014, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM a demandé au requérant de respecter sa décision de faire valider, par ses supérieurs et en particulier son supérieur direct, le chef de l’unité DER/VAL, tout courriel qu’il aurait l’intention d’envoyer en dehors de son unité.

7        Le 3 octobre 2014, à la demande du directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM, s’est tenue une réunion informelle avec le requérant, destinée à clarifier la situation.

8        Le 7 octobre 2014, dans le cadre du projet de marché géré par le requérant, celui-ci a demandé l’avis de la direction de la conformité de la BEI (ci-après la « DG OCCO ») sur l’offre de la société X d’assurer à Dublin (Irlande) une formation spécialement organisée pour certains collaborateurs de la division « Back office trésorerie » de la DG FI. Ces collaborateurs étaient membres du comité de pilotage du projet en question.

9        Le 10 octobre 2014, la DG OCCO a fait savoir qu’elle était d’avis qu’il convenait de décliner l’offre de la société X.

10      Le 13 octobre 2014, le requérant a adressé à deux employés de la société X un courriel indiquant que la formation envisagée s’était heurtée à un obstacle avec la DG OCCO.

11      Le même jour, le requérant aurait, lors d’une réunion, proféré des menaces de violence physique à l’encontre d’un collègue d’un autre service de la BEI. Le requérant conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI.

12      Le 13 novembre 2014, en vue de la préparation d’un rapport final sur le projet de marché dont il était chargé, le requérant a demandé à avoir accès à des rapports portant sur des projets de marché similaires, dont celui concernant un marché avec la société Y (ci-après le « projet de marché Y »).

13      Le même jour, lors d’un entretien avec le chef de la division RM/FRD, le requérant a exprimé son désir d’être promu à la fonction D. À la suite de cet entretien, le requérant a envoyé au chef de cette division un SMS libellé comme suit :

« Si vous m’aidez dans ma promotion, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider dans la vôtre. Quand je me fixe un but, on ne peut pas m’arrêter, l’esprit kamikaze. »

14      Le 15 novembre 2014, le requérant a adressé un courriel au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM, en indiquant vouloir être promu à la fonction D, en annonçant vouloir évoquer le sujet avec le directeur général de la DG RM et en demandant à pouvoir en discuter avec le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM.

15      Le 17 novembre 2014, le requérant aurait déclaré, en présence du chef de la division RM/FRD et du chef de l’unité DER/VAL de cette division, qu’il était prêt à dénoncer d’éventuelles irrégularités dans le projet de marché Y à un hebdomadaire allemand. Le requérant conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI.

16      Le 20 novembre 2014, le requérant a eu un entretien avec ses supérieurs, à savoir le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et le chef de la division RM/FRD, pour examiner les possibilités de son avancement dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2014. Au cours de cet entretien, la discussion a également porté sur les documents relatifs au projet de marché Y.

17      Par courriel du même jour, le requérant a fait part au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM de son « intense désir d’être promu » lors de l’exercice d’évaluation 2014 et lui a indiqué être « prêt à [consacrer] toute [s]on attention et [s]on énergie à faire [ce qu’il faudrait] pour atteindre cet objectif par tout moyen nécessaire ».

18      Par courriel du 22 novembre 2014, adressé au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM, le requérant a fait part de son étonnement quant au fait que, lors de l’entretien du 20 novembre 2014 (voir point 16 ci-dessus), qui concernait son évaluation, la discussion ait également porté sur le projet de marché Y.

19      Le 24 novembre 2014, le requérant a envoyé au chef de la division RM/FRD un courriel dans lequel il a fait état de son besoin d’être promu.

20      Le même jour, le requérant a adressé un autre courriel, intitulé « Promotion », au chef de la division RM/FRD. Dans ce courriel, le requérant exposait son analyse de la jurisprudence en matière de promotion.

21      Les 21 et 25 novembre 2014, le requérant a adressé à un agent de la division « Coordination » de la DG RM des courriels faisant état de son intention de rédiger une note demandant sa promotion.

22      Par courriel du 9 décembre 2014, le chef de l’unité DER/VAL de la division RM/FRD a informé le requérant que ses objectifs pour 2014 étaient toujours en passe d’être atteints et que son évaluation ne comporterait aucun élément imprévu.

23      Le 18 décembre 2014, le requérant a sollicité l’avis de la DG OCCO sur une possible irrégularité dans la passation du marché Y.

24      Le 19 décembre 2014, le requérant a été convoqué par le chef de la division RM/FRD et par le chef de l’unité DER/VAL de cette division pour son entretien annuel d’évaluation portant sur l’exercice 2014.

25      Par courriel du 20 décembre 2014, le requérant a indiqué au chef de la division RM/FRD et au chef de l’unité DER/VAL de cette division qu’il était très satisfait de l’issue de l’entretien annuel d’évaluation de la veille (voir point 24 ci-dessus) et espérait que ce dernier ouvrirait la voie à sa promotion.

26      Le 15 janvier 2015, le requérant a adressé au chef de la division RM/FRD et, en copie, au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et au chef de l’unité DER/VAL de cette division un courriel relatif à sa promotion. Dans ce courriel, le requérant soulignait, notamment, les avantages globaux qu’une telle promotion comporterait par rapport aux coûts qu’elle engendrerait pour la BEI.

27      Le 31 janvier 2015, le requérant a adressé au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM une note formelle intitulée « Demande de promotion ».

28      Le 4 février 2015, le requérant a adressé au chef de la division RM/FRD un courriel dans lequel il a souligné avoir bon espoir que sa demande de promotion soit accueillie, mais a précisé ne pas vouloir laisser le moindre doute quant à ce qui arriverait si tel n’était pas le cas, aux témoins qui seraient appelés et aux preuves qui seraient utilisées.

29      Le 18 février 2015, le requérant aurait envoyé des messages à la DG FI alors que le chef de la division RM/FRD lui aurait donné l’instruction de s’en abstenir. Le requérant conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI.

30      Le 24 février 2015, le requérant a été convoqué pour le 2 mars 2015 à un entretien d’évaluation avec le directeur général de la DG RM, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et le chef de la division RM/FRD.

31      Le 25 février 2015, le requérant, qui conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI, se serait adressé au chef de la division RM/FRD dans les termes suivants :

« Il me reste encore beaucoup de temps à travailler dans cette Banque et à vivre à Luxembourg. Si vous vous mettez en travers de mon chemin, vous le regretterez, ainsi que la deuxième génération, et je vous anéantirai. Vous avez choisi le mauvais gars avec qui chercher la bagarre. »

32      Le 27 février 2015, le requérant, qui conteste la véracité de ce fait invoqué par la BEI, serait entré dans le bureau du chef de la division RM/FRD et se serait adressé à lui en ces termes :

« Vous avez pris la mauvaise décision. On se verra à la Cour et [le directeur de la direction “Risques financiers” de la DG RM] sera envoyé en préretraite vu qu’il sera appelé comme témoin. »

33      Le 2 mars 2015, au cours de l’entretien auquel le requérant avait été convoqué le 24 février précédent (voir point 30 ci-dessus), le chef de la division RM/FRD lui a reproché d’avoir commis des fautes professionnelles graves.

34      Le 3 mars 2015, le requérant a été convoqué pour s’entretenir, le même jour, de la « situation dans son unité » avec le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et un juriste chargé des questions du personnel. Au cours de cet entretien, le requérant s’est vu remettre une liste que sa hiérarchie avait communiquée au service du personnel. Cette liste comportait huit « déclarations et situations » que ladite hiérarchie considérait intimidantes et menaçantes :

–        un SMS du 13 novembre 2014 par lequel le requérant indiquait au chef de la division RM/FRD qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour l’aider dans sa promotion s’il l’aidait dans la sienne (voir point 13 ci-dessus),

–        une déclaration par laquelle le requérant aurait, le 17 novembre 2014, menacé de révéler des irrégularités relatives au projet de marché Y à un hebdomadaire allemand s’il n’était pas promu (voir point 15 ci-dessus),

–        un courriel du 24 novembre 2014 adressé au chef de la division RM/FRD dans lequel le requérant faisait état de son besoin d’être promu (voir point 19 ci-dessus),

–        un courriel du 15 janvier 2015 dans lequel le requérant expliquait au chef de la division RM/FRD les avantages globaux que sa promotion comporterait par rapport aux coûts qu’elle engendrerait pour la BEI (voir point 26 ci-dessus),

–        un courriel du 4 février 2015 dans lequel le requérant a, notamment, indiqué au chef de la division RM/FRD qu’il voulait qu’il n’y ait aucun doute quant à ce qui arriverait s’il n’était pas promu (voir point 28 ci-dessus),

–        le refus allégué du requérant de se conformer, le 18 février 2015, aux instructions du chef de la division RM/FRD de ne pas envoyer de messages à la DG FI (voir point 29 ci-dessus),

–        la déclaration par laquelle, le 25 février 2015, le requérant aurait, notamment, menacé le chef de la division RM/FRD de l’anéantir s’il se mettait en travers de son chemin (voir point 30 ci-dessus),

–        la déclaration par laquelle, le 27 février 2015, le requérant aurait, notamment, indiqué au chef de la division RM/FRD qu’il avait pris la mauvaise décision et qu’ils se verraient « à la Cour » (voir point 32 ci-dessus).

35      Le 4 mars 2015, la BEI a communiqué le projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015 au requérant, qui a présenté des observations à cet égard le 10 mars 2015.

36      Le 5 mars 2015, le requérant a été convoqué pour s’entretenir, le lendemain, avec le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs, un juriste chargé des questions du personnel, le directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM et le chef de la division RM/FRD de la liste de « déclarations et [de] situations » visée au point 34 ci-dessus et assurer le suivi de la réunion du 3 mars 2015. Initialement reporté à la semaine suivante, cet entretien n’a pas eu lieu.

37      Le 6 mars 2015, l’Inspection générale de la BEI a ouvert une enquête sur les accusations que le chef de la division RM/FRD avait portées contre le requérant.

38      Le 26 mars 2015, le chef de la division RM/FRD a communiqué au requérant la version finale de son rapport d’évaluation pour l’exercice 2014 (ci-après le « rapport d’évaluation 2014 »). Le rapport d’évaluation 2014 indique que le requérant a accompli un « travail satisfaisant » lors de la période concernée, mais lui attribue, en raison de ses « problèmes de comportement graves » qui ont été traités de « manière continue » par le service du personnel, la note C, laquelle correspond à une performance généralement satisfaisante sauf dans un petit nombre de domaines. Les déficiences du requérant en matière de comportement sont décrites dans trois des cinq rubriques du rapport d’évaluation 2014, à savoir les rubriques intitulées « Compétences », « Responsabilités » et « Synthèse générale ».

39      Dans la rubrique intitulée « Compétences », il est indiqué ce qui suit :

« Concernant le comportement [du requérant], il y a eu plusieurs difficultés sérieuses. En matière de compétences de communication et de travail d’équipe, [le requérant] a été menaçant et intimidant dans sa correspondance avec sa hiérarchie et avec des collègues de la BEI dans d’autres directions. Ceci est un comportement totalement inacceptable pour les agents de la [BEI] et pour [le requérant]. »

40      Dans la rubrique intitulée « Responsabilités », il est notamment fait référence aux « sérieuses déficiences » qui influent sur le « style de communication » du requérant avec des « parties internes et externes ».

41      Dans la rubrique intitulée « Synthèse générale », il est notamment relevé que le « comportement inacceptable » du requérant a eu des répercussions négatives sur ses relations avec sa hiérarchie et sur l’atmosphère de travail au sein de son secteur. Il ressort aussi de cette rubrique que, parmi les « différentes déficiences sérieuses des compétences comportementales [du requérant] en matière de communication et de travail d’équipe », quatre « incidents […] se distinguent particulièrement » :

–        la divulgation, le 13 octobre 2014, d’informations confidentielles à la société X (voir point 10 ci-dessus) (premier incident),

–        les menaces de violence physique proférées le même jour à l’encontre d’un autre membre du personnel de la BEI (voir point 11 ci-dessus) (deuxième incident),

–        les pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu et que quatre de ses déclarations ou communications viennent illustrer, à savoir, premièrement, la déclaration par laquelle il a, lors d’une réunion du 13 novembre 2014, fait part au chef de la division RM/FRD de son désir d’être promu (voir point 13 ci-dessus), deuxièmement, le courriel du 20 novembre 2014 par lequel il a fait part au directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM de son « intense désir d’être promu » lors de l’exercice d’évaluation 2014 et de sa volonté de « [consacrer] toute [s]on attention et [s]on énergie à faire [ce qu’il faudrait] pour atteindre cet objectif par tout moyen nécessaire » (voir point 17 ci-dessus), troisièmement, le courriel du 24 novembre 2014 par lequel il a fait part au chef de la division RM/FRD de son besoin d’être promu (voir point 19 ci-dessus) et, quatrièmement, le courriel du 24 novembre 2014 adressé au chef de la division RM/FRD dans lequel il a exposé son analyse de la jurisprudence en matière de promotion (voir point 20 ci-dessus) (troisième incident),

–        les enquêtes privées que le requérant aurait menées à compter du 17 novembre 2014 au sujet du projet de marché Y et, à ce titre, la menace qu’il aurait proférée le même jour de révéler à un hebdomadaire allemand des irrégularités relatives à ce projet s’il n’était pas promu (voir point 15 ci-dessus) (quatrième incident).

42      Le 13 avril 2015, la BEI a notifié au requérant sa décision de le dispenser de service pour une durée initiale d’un mois, dans l’intérêt du service, de la hiérarchie du requérant, du requérant lui-même et du bon déroulement de l’enquête menée par l’Inspection générale.

43      Le 15 avril 2015, le requérant a reçu son bulletin de rémunération pour le mois d’avril 2015. Ce bulletin faisait état, notamment, de l’augmentation de traitement au mérite de 1,20 % qui lui avait été accordée. Il ressort aussi dudit bulletin que la prime individuelle ne lui avait pas été octroyée à la suite de l’établissement du rapport d’évaluation 2014.

44      Le 16 avril 2015, le requérant a rencontré un représentant du personnel, qui lui aurait fait part des commentaires négatifs que l’enquêteur interne de l’Inspection générale chargé de l’affaire aurait exprimés à son égard. Par courriel du 18 avril 2015, le requérant a informé le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs et le chef de la division des relations avec les employés qu’il ressortait de ces commentaires que, premièrement, il était considéré comme étant « dangereux », deuxièmement, il valait mieux qu’il soit licencié, troisièmement, le fait que lui, qui était diplômé de l’université Harvard et qui avait travaillé comme avocat dans un cabinet d’avocats à New York (États-Unis), fasse le choix de venir travailler pour la BEI était suspect et pouvait traduire une volonté d’échapper à la justice ou un fort mécontentement de ses anciens employeurs et, quatrièmement, l’Inspection générale n’enquêtait pas sur ses plaintes quant aux représailles qu’il aurait subies en tant que lanceur d’alerte, mais « montait un dossier » contre lui pour étayer les accusations de fautes professionnelles en cherchant à convaincre l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) de se charger de l’enquête.

45      De cette rencontre, il serait également ressorti que le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI aurait déclaré au représentant du personnel que, premièrement, les accusations portées par le chef de la division RM/FRD contre le requérant étaient prouvées et avérées, deuxièmement, le requérant était une personne dangereuse, manipulatrice et dérangée mentalement et, troisièmement, les représentants du personnel devaient se garder de soutenir le requérant.

46      Par note du 23 avril 2015, l’OLAF a informé le secrétaire général de la BEI de l’ouverture d’une enquête concernant le requérant. Dans cette note, l’affaire était décrite comme portant sur des « allégations de faute grave d’un agent de la B[EI] ». Selon ladite note, « [l]a personne concernée a[vait] demandé une promotion à sa hiérarchie, en même temps qu’[elle] essayait de la forcer par le chantage à la promouvoir en menaçant d’exposer certains éléments à la presse et de signaler une affaire de fraude qu’[elle] prétend[ait] avoir découverte dans un appel d’offres de la [BEI] ».

47      Le 28 avril 2015, en réponse à son courriel du 18 avril 2015, le président de la BEI a indiqué au requérant que sa situation serait traitée avec le plus grand sérieux, en lui rappelant notamment la procédure administrative de recours pour contester son évaluation.

48      Le 12 mai 2015, la BEI a prolongé d’un mois la dispense de service du requérant.

49      Le 15 mai 2015, le requérant a demandé à sa hiérarchie la révision du rapport d’évaluation 2014.

50      Le 11 juin 2015, l’OLAF a informé la BEI que le cas du requérant « ne rempli[ssai]t pas les conditions des dispositions en matière de dénonciation applicables en vertu du statut […] en raison du fait que cette dénonciation pourrait être entachée d’irrégularités graves et marquée par un manque de bonne foi et un intérêt personnel dans le résultat ».

51      Le 16 juin 2015, la dispense de service du requérant a été prolongée jusqu’à la fin de l’« enquête formelle » de l’OLAF en vue de protéger l’intérêt du service, celui de la hiérarchie du requérant ainsi que l’intérêt du requérant lui-même.

52      Le 1er juillet 2015, le requérant a saisi le comité de recours d’un recours tendant, notamment, à l’annulation des appréciations négatives figurant dans le rapport d’évaluation 2014.

53      Par courrier du 13 juillet 2015, le requérant a demandé la saisine de la commission de conciliation de la BEI, en vertu de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, approuvé le 20 avril 1960, puis modifié à diverses reprises (ci-après le « règlement du personnel »). La demande du requérant visait la décision portant dispense de service du 13 avril 2015 et les décisions de prorogation de cette dispense des 12 mai et 16 juin 2015 ainsi que certaines mesures administratives d’accompagnement.

54      Par courrier du 20 juillet 2015, le président de la BEI a confirmé l’ouverture de la procédure de conciliation visée au point précédent.

55      Le 7 août 2015, la DG RM a déposé ses observations sur le recours introduit par le requérant devant le comité de recours (voir point 52 ci-dessus), lesquelles ont été notifiées au requérant le 10 août 2015.

56      Le 17 août 2015, le requérant a demandé l’ouverture d’une seconde procédure de conciliation, visant le rapport d’évaluation 2014 et sa promotion à la fonction D-1, a désigné M. V. en tant que membre de la commission de conciliation et a recommandé que M. B. soit désigné en tant que président de cette commission. Le requérant a aussi demandé que les deux procédures de conciliation soient jointes et qu’il soit accordé une priorité à la procédure de conciliation par rapport à la procédure engagée devant le comité de recours.

57      Par courrier du 26 août 2015, d’une part, le président de la BEI a rejeté la demande du requérant de joindre les deux procédures de conciliation ainsi que sa demande de traiter en priorité la seconde procédure de conciliation par rapport à la procédure engagée devant le comité de recours. À ce sujet, le président de la BEI a, notamment, indiqué que la seconde procédure de conciliation serait entamée dans le cas où la procédure devant le comité de recours n’aboutirait pas à un résultat satisfaisant aux yeux du requérant. D’autre part, le président a informé le requérant qu’il désignait M. M. en tant que membre de la commission de conciliation.

58      Par courrier du 2 septembre 2015, le requérant a réitéré ses arguments sur la priorité qu’il convenait d’accorder à la seconde procédure de conciliation par rapport à la procédure engagée devant le comité de recours.

59      Par courriel du 10 septembre 2015, le requérant a développé ses arguments sur la priorité qu’il convenait d’accorder à la seconde procédure de conciliation et a indiqué que le membre de la commission de conciliation désigné par le président de la BEI avait contacté le membre de la commission de conciliation désigné par ses soins aux fins de désigner le président de cette commission.

60      Par courriel du même jour, le comité de recours a informé le requérant qu’il avait décidé de tenir une audition le 29 octobre 2015.

61      Par lettre du 14 septembre 2015, adressée au comité de recours, le requérant a modifié le contenu de son recours initial et a demandé audit comité de suspendre la procédure devant lui jusqu’à la conclusion de la seconde procédure de conciliation.

62      Par courrier du 22 septembre 2015, le requérant a exposé les motifs pour lesquels la seconde procédure de conciliation devrait, selon lui, bientôt être considérée comme ayant échoué du fait de l’absence de désignation, par les deux premiers membres de la commission de conciliation, d’un président de cette commission dans les délais impartis et de l’omission du président de la BEI de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne afin qu’il désigne le président de ladite commission. Le requérant a « pour la dernière fois » rappelé au président de la BEI de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne. Le requérant a ajouté que, à défaut d’une telle saisine d’ici le 30 septembre 2015, il devrait être conclu que la seconde procédure de conciliation avait échoué.

63      Par courriel du 21 octobre 2015, le requérant a demandé au comité de recours de reporter l’audition prévue au 29 octobre suivant (voir point 60 ci-dessus).

64      Le 17 février 2016, le requérant s’est informé auprès du président de la BEI de l’état de la procédure en cours devant le comité de recours et a demandé l’ouverture d’une nouvelle procédure de conciliation au motif que la durée de la procédure devant ce comité était excessive.

65      Le 9 mars 2016, le requérant a retiré le recours qu’il avait introduit devant le comité de recours.

66      Le 18 mars 2016, l’OLAF a communiqué à la BEI son rapport final d’enquête et a recommandé l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.

II.    Procédure et conclusions des parties

67      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 26 novembre 2015, le requérant a introduit le présent recours, lequel a été enregistré sous le numéro F‑145/15.

68      Le 14 mars 2016, la BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique. Dans ce mémoire, la BEI soutenait, notamment, que le recours était inopérant.

69      Le 23 juin 2016, le requérant a déposé la réplique au greffe du Tribunal de la fonction publique.

70      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑571/16 et attribuée à la deuxième chambre du Tribunal.

71      Le 14 septembre 2016, la BEI a déposé la duplique au greffe du Tribunal. Le même jour, le Tribunal a clôturé la phase écrite de la procédure.

72      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2016, le requérant a introduit une demande visant à obtenir l’anonymat.

73      Le 17 novembre 2016, en application de l’article 27, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a, pour des raisons de connexité, réattribué l’affaire à un autre juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.

74      Par décision du 29 novembre 2016, le président de la quatrième chambre a fait droit à la demande d’anonymat introduite par le requérant.

75      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2016, le requérant a déposé, d’une part, une demande au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure aux fins d’être entendu dans le cadre d’une audience de plaidoiries et, d’autre part, de nouvelles preuves. Le requérant a également indiqué qu’il souhaitait être entendu personnellement lors de l’audience, au titre de l’article 110, paragraphe 4, du règlement de procédure.

76      Par lettre déposé au greffe du Tribunal le 7 mars 2017, la BEI a pris position, d’une part, sur la tenue d’une audience et, d’autre part, sur les nouvelles preuves produites par le requérant dans la lettre citée au point précédent.

77      Le 9 novembre 2017, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’adresser aux parties des questions pour réponse écrite, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti, en produisant des pièces justificatives.

78      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 janvier 2018.

79      Lors de l’audience, la BEI a renoncé à contester le caractère opérant du recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

80      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler « la décision de la [BEI] concernant [s]a notation […] pour l’exercice 2014, en ce compris la décision relative à l’augmentation du traitement, au versement d’une prime et à la promotion dans le cadre de cette notation, ainsi que le rapport d’évaluation pour l’exercice 2014 qui s’en est suivi, comprenant tant la partie relative [à ses] prestations […] en 2014 que celle relative aux objectifs […] fixés pour l’année 2015 » ;

–        condamner la BEI à lui verser la somme de 150 000 euros, majorée des intérêts, à titre de réparation du préjudice moral ;

–        condamner la BEI aux dépens.

81      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant à supporter l’ensemble des dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

82      Sans formellement soulever d’exception d’irrecevabilité, la BEI invoque deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du non-achèvement des procédures administratives de conciliation et de recours et, la seconde, du caractère inintelligible du présent recours juridictionnel.

1.      Sur la première fin de non-recevoir, tirée du non-achèvement des procédures administratives de conciliation et de recours

83      La BEI conteste la recevabilité du recours au motif qu’il serait prématuré. Il aurait en effet été introduit avant l’achèvement des procédures administratives de recours et de conciliation initiées par le requérant.

84      À l’appui de son argumentation, la BEI invoque l’arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69). Il ressortirait de cet arrêt que l’institution des procédures précontentieuses facultatives de recours et de conciliation conduit nécessairement à la conclusion que, si un employé demande l’ouverture d’une de ces procédures, ou des deux, le délai pour l’introduction d’un recours devant le Tribunal ne commence à courir qu’à partir du moment où ces procédures ont pris fin. Toute autre interprétation conduirait à une situation dans laquelle l’employé de la BEI serait obligé d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne à un moment où il rechercherait encore activement un règlement à l’amiable de l’affaire, ce qui priverait les procédures administratives facultatives de leur effet utile.

85      Au stade de la duplique, la BEI ajoute, en substance, que l’arrêt du 21 mars 2013, Taghani/Commission (F‑93/11, EU:F:2013:40), ne modifie pas cette conclusion. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal de la fonction publique aurait, certes, jugé que l’agent qui avait introduit une réclamation était en droit de saisir directement le juge sans attendre que l’autorité investie du pouvoir de nomination statue sur celle-ci. Toutefois, selon la BEI, le déclenchement d’une procédure administrative précontentieuse était dépourvu de sens dans cette affaire, puisque l’autorité investie du pouvoir de nomination ne pouvait réformer l’acte attaqué. Or, dans une telle situation, la procédure administrative préalable n’aurait pas pu aboutir à un règlement amiable du différend. Rien n’aurait donc justifié d’imposer à l’intéressé d’attendre la conclusion de la procédure précontentieuse avant d’introduire un recours contentieux. Tel ne serait pas le cas des procédures administratives de conciliation et de recours.

86      La circonstance que le requérant ait retiré son recours devant le comité de recours le 9 mars 2016 ne serait d’ailleurs pas pertinente à cet égard. En effet, les conditions de recevabilité d’un recours s’apprécieraient au moment de son introduction. Or, le présent recours aurait été introduit le 26 novembre 2015, soit préalablement au retrait du recours devant le comité de recours. Selon la BEI, il s’ensuit que la procédure déclenchée devant ce comité était toujours en cours au moment auquel la recevabilité du présent recours juridictionnel devrait être appréciée.

87      Le requérant soutient que le recours est recevable. Au soutien de son argumentation, il invoque dans l’annexe C.16 de la réplique une lettre qu’il a envoyée au comité de recours de la BEI le 9 mars 2016 et dont il ressortirait qu’il a retiré son recours devant le comité de recours en temps utile.

88      À cet égard, s’agissant de la procédure devant le comité de recours, le point 7.1 des lignes directrices de la procédure d’évaluation des performances du personnel pour 2014 (ci-après les « lignes directrices de 2014 ») dispose :

« Si un membre du personnel est en désaccord avec son évaluation annuelle, il peut demander la révision de son évaluation à son supérieur et, en cas de désaccord persistant, auprès au directeur général de sa direction. En cas de désaccord persistant, certains éléments de l’évaluation peuvent faire l’objet d’un recours devant le comité de recours. »

89      Les lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours prévoient les modalités de saisine du comité de recours. Le point 4 de ces lignes directrices énonce, notamment, ce qui suit :

« Les membres du personnel qui ne sont pas satisfaits de l’issue de la révision personnel-supérieur hiérarchique ou qui ont demandé à en être dispensés peuvent introduire un recours devant le [c]omité [de recours] dans un délai d’un mois [à compter] de la notification de la décision explicite ou de la date à laquelle un courriel sollicitant une dispense de la révision personnel-supérieur hiérarchique a été envoyé, ou, en l’absence de toute décision du [directeur général], de la date à laquelle la révision personnel-supérieur hiérarchique a implicitement été jugée comme ayant échoué […] »

90      Ainsi qu’il ressort de l’utilisation du verbe « pouvoir » au point 7.1 des lignes directrices de 2014 et au point 4 des lignes directrices relatives à la procédure devant le comité de recours, la procédure administrative de recours est purement facultative (voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 2015, De Nicola/BEI, F‑128/11, EU:F:2015:168, point 87).

91      S’agissant de la seconde procédure de conciliation, il convient d’observer que les parties au litige fondent toutes deux leur argumentation sur le règlement du personnel dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2009 (ci-après le « règlement du personnel 2009 »). Il est vrai que le règlement du personnel et, notamment, son article 41 ont entretemps fait l’objet d’une réforme, entrée en vigueur le 1er juillet 2013 (ci-après le « règlement du personnel 2013 »), soit avant l’introduction du présent recours. Toutefois, le règlement du personnel 2013 comporte des dispositions transitoires. Aux termes de ces dispositions, le règlement du personnel 2013 ne trouve à s’appliquer qu’aux membres du personnel de la BEI qui ont conclu leur contrat de travail le 1er juillet 2013 ou à une date ultérieure ou aux membres du personnel de la BEI qui ont conclu leur contrat de travail à une date antérieure au 1er juillet 2013 et en ont fait la demande. Or, le requérant est entré au service de la BEI le 1er mars 2011 et les parties n’ont à aucun moment soutenu qu’il avait demandé à se voir appliquer le règlement du personnel 2013.

92      Il s’ensuit que, comme en conviennent les parties, c’est l’article 41 du règlement du personnel 2009 qui s’applique au présent litige. Cette disposition est libellée comme suit :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Les différends, autres que ceux [relatifs à des sanctions disciplinaires], font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la [BEI,] et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

La commission de conciliation se compose de trois membres. Lorsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la [BEI], le deuxième par l’intéressé – ces deux désignations ayant lieu dans le délai d’une semaine à partir de la demande d’une des parties à l’autre ; le troisième membre, qui préside la commission, est désigné par les deux premiers dans un délai d’une semaine après la désignation des deux premiers membres ; il peut être choisi en dehors de la [BEI]. Si les deux premiers membres ne peuvent, dans la semaine suivant leur désignation, se mettre d’accord sur la désignation du président, il y est procédé par le président de la Cour de justice [de l’Union européenne].

La procédure de conciliation est considérée, selon le cas, comme ayant échoué :

–        si, dans un délai de quatre semaines à dater de la requête qui lui est adressée par le président de la [BEI], le président de la Cour de justice [de l’Union européenne] n’a pas procédé à la désignation du président [de la commission de conciliation] ;

–        si, dans les deux semaines de sa constitution, la commission de conciliation n’aboutit pas à un règlement accepté par les deux parties. »

93      Il ressort de cette disposition que tout différend entre la BEI et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union et qu’un tel recours peut être précédé d’une procédure amiable devant la commission de conciliation, indépendamment de l’action introduite devant ledit juge (arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 30). À l’instar de la procédure de recours prévue au point 7.1 des lignes directrices de 2014, cette procédure est purement facultative (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, point 96).

94      La recevabilité d’un recours devant le juge de l’Union n’est donc pas subordonnée à l’épuisement des procédures administratives de conciliation ou de recours. L’article 41 du règlement du personnel 2009, le point 7.1 des lignes directrices de 2014 et les procédures facultatives de conciliation et de recours qui y sont prévues présentent ainsi un caractère particulier qui les différencie de la procédure précontentieuse obligatoire prévue par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. En effet, à la différence de ces dispositions du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, ni le règlement du personnel 2009 ni les lignes directrices de 2014 ne prévoient de procédure précontentieuse obligatoire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 31 et jurisprudence citée).

95      Contrairement aux arguments de la BEI, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI (T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69), que, malgré le caractère facultatif des procédures de conciliation et de recours, l’engagement de celles-ci contraint le requérant à les mener à leur terme avant d’introduire un recours devant le juge de l’Union. En effet, si, comme le souligne la BEI, il ressort de cet arrêt que le délai pour l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union ne commence à courir qu’à partir du moment où les procédures administratives de conciliation amiable et de recours ont pris fin, il en résulte uniquement que, dès lors qu’un employé de la BEI a choisi de mener à son terme ces procédures, il ne peut se voir opposer la forclusion de son action s’il décide de saisir le juge de l’Union à l’issue desdites procédures (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 32).

96      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la BEI, un agent de la BEI qui, tel le requérant, a engagé une procédure de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel 2009 ou une procédure de recours au titre du point 7.1 des lignes directrices n’est pas tenu d’en attendre l’issue pour être recevable à introduire un recours devant le Tribunal. En juger autrement reviendrait, au demeurant, à subordonner le droit fondamental du requérant à un recours effectif et à accéder à un tribunal indépendant à une condition qui ne ressort pas des textes applicables ni d’une jurisprudence prévisible et accessible, en violation de l’article 47 et de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

97      Il importe d’ajouter, à titre surabondant, que la BEI ne saurait soutenir que la seconde procédure de conciliation était toujours en cours à la date d’introduction du présent recours. L’article 41, troisième alinéa, du règlement du personnel 2009 prévoit que la commission de conciliation est composée de trois membres (voir point 91 ci-dessus). Lorsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la BEI et un autre par le membre du personnel concerné, ces deux désignations ayant lieu dans le délai d’une semaine à partir de la demande d’une des parties à l’autre. Le troisième membre, qui préside la commission, est désigné par les deux premiers dans un délai d’une semaine après la désignation des deux premiers membres ou, à défaut, par le président de la Cour de justice de l’Union européenne, qui est saisi à cet effet par le président de la BEI.

98      Le règlement du personnel 2009 ne prévoit pas de délai dans lequel le président de la BEI doit saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de désigner le président de la commission de conciliation lorsque les deux premiers membres de cette commission ne le désignent pas dans le délai d’une semaine qui leur est imparti. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le silence des textes, l’exigence de sécurité juridique requiert que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 95 et 96 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu de considérer que, lorsque les deux premiers membres de la commission de conciliation ne désignent pas le président de cette commission dans le délai d’une semaine qui leur est imparti, le président de la BEI doit, conformément au principe de sécurité juridique, saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne dans un délai raisonnable, qui court à compter de l’expiration du délai d’une semaine imparti aux deux premiers membres de la commission de conciliation.

99      Conformément à la jurisprudence, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 28 à 30 et jurisprudence citée).

100    En l’espèce, il y a lieu de constater que, le requérant et le président de la BEI ayant chacun désigné un membre de la commission de conciliation, à savoir M. V. et M. M., conformément à l’article 41, troisième alinéa, du règlement du personnel 2009, il appartenait à ces derniers de désigner, d’un commun accord, le président de la commission de conciliation dans un délai d’une semaine à compter de la désignation de M. M. Cette dernière désignation ayant été effectuée le 26 août 2015, le délai dans lequel MM. V. et M. auraient dû désigner le président de la commission de conciliation expirait le 2 septembre 2015. Or, MM. V. et M. ne se sont pas accordés sur la désignation du président de la commission de conciliation dans ce délai. Dans ces conditions, il appartenait au président de la BEI de saisir, dans un délai raisonnable à compter de l’expiration dudit délai, le président de la Cour de justice de l’Union européenne afin que celui-ci désigne le président de la commission de conciliation.

101    Au jour du dépôt de la requête, soit plus de douze semaines après l’expiration du délai d’une semaine imparti à MM. V. et M., le président de la BEI n’avait toujours pas saisi le président de la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de la désignation du président de la commission de conciliation.

102    Or, il convient de constater que la saisine qu’il incombait au président de la BEI d’effectuer ne présente pas de difficulté particulière, que la présente affaire ne revêt qu’une complexité juridique limitée, que l’enjeu du litige n’est pas négligeable pour le requérant, au vu notamment des conséquences qu’il pouvait emporter sur sa rémunération et sa carrière, et que le président de la BEI a omis de répondre aux relances du requérant. Dans ces conditions, malgré la complexité factuelle du litige et les difficultés tenant à l’articulation entre la seconde procédure de conciliation et la procédure devant le comité de recours, il y a lieu de considérer qu’un délai de douze semaines est déraisonnable pour saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne.

103    Dès lors, l’inertie du président de la BEI faisant obstacle à toute constitution régulière de la commission de conciliation lorsque les deux premiers membres de la commission de conciliation ne désignent pas le président de cette commission dans le délai d’une semaine qui leur est imparti, il y a lieu de considérer que la seconde procédure de conciliation avait pris fin avant le dépôt de la requête.

104    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la BEI n’est pas fondée à soutenir que le présent recours est prématuré au motif que la procédure de conciliation était en cours au moment de son introduction.

105    La première fin de non-recevoir de la BEI ne peut donc qu’être écartée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe C.16, laquelle concerne le retrait du recours du requérant devant le comité de recours et a été présentée pour la première fois au stade de la réplique (voir point 87 ci-dessus).

2.      Sur la seconde fin de non-recevoir, tirée du caractère inintelligible du recours

106    Dans la requête, le requérant soulevait trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation du rapport d’évaluation 2014, tirés, le premier, d’irrégularités de procédure, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le troisième, d’un détournement de pouvoir. Au stade de la réplique, le requérant a indiqué renoncer aux deuxième et troisième moyens du recours pour des raisons d’économie de la procédure. Le requérant a néanmoins demandé au Tribunal de considérer les erreurs manifestes d’appréciation et le détournement de pouvoir décrits dans le cadre de ces moyens comme étant des conséquences directes des irrégularités de procédure invoquées dans le cadre du premier moyen.

107    La BEI soutient que le recours est devenu inintelligible après que le requérant a renoncé aux deuxième et troisième moyens, tout en considérant que ces moyens faisaient partie du premier moyen tiré d’irrégularités de procédure. Il y aurait donc lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable.

108    Le requérant conteste l’argumentation de la BEI.

109    Il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, ainsi que de l’article 76 du règlement de procédure que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige, les conclusions ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels sont fondés un recours et les moyens invoqués à son appui doivent ressortir à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, point 149).

110    Lors de l’audience, le requérant a confirmé qu’il renonçait aux deuxième et troisième moyens du recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. En réponse à une question orale du Tribunal, le requérant a précisé que ces deux moyens ne présentaient plus de « pertinence juridique » et ne demeuraient utiles qu’« en tant que lecture de fond ».

111    Au vu des clarifications exposées au point précédent, il y a lieu de considérer que la renonciation du requérant aux deuxième et troisième moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation du rapport d’évaluation 2014 est claire et inconditionnelle. Le Tribunal est donc appelé à se prononcer sur le seul premier moyen soulevé à l’appui de ces conclusions. Or, comme il ressort des écritures de la BEI et des appréciations du Tribunal exposées ci-après, l’exposé de ce premier moyen dans la requête et les développements dont il a fait l’objet dans la réplique ont été suffisamment cohérents et compréhensibles pour permettre à la BEI de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur ce moyen.

112    Il s’ensuit que la seconde fin de non-recevoir doit être écartée pour autant qu’elle concerne le premier moyen.

113    En revanche, les allégations du requérant quant à l’utilité des deuxième et troisième moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation du rapport d’évaluation 2014 « en tant que lecture de fond » n’ont fait l’objet d’aucun développement circonstancié lors de l’audience. En effet, le requérant n’a pas exposé les motifs de cette prétendue utilité ni identifié les éléments de fait ou de droit invoqués à l’appui de ces deuxième et troisième moyens qui pourraient s’avérer pertinents dans le cadre de l’examen du premier moyen. Ces éléments ne ressortent pas non plus du seul texte de la requête. En effet, les griefs et arguments présentés au soutien des deuxième et troisième moyens diffèrent sensiblement de ceux que le requérant a avancés à l’appui du premier moyen. Ainsi, dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, le requérant contestait la matérialité ou l’appréciation de certains éléments retenus dans le rapport d’évaluation 2014. Dans le cadre du troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, le requérant soutenait, en substance, que l’évaluateur avait, dans le rapport d’évaluation 2014, utilisé ses pouvoirs pour constater la véracité d’accusations de fautes professionnelles, avec des effets assimilables à ceux d’une sanction disciplinaire. À l’inverse, dans le cadre du premier moyen tel que modifié dans la réplique, le requérant invoque, d’une part, la méconnaissance de ses droits de la défense et, d’autre part, la violation du principe de la présomption d’innocence en ce que la BEI aurait fondé sa décision d’évaluation sur des accusations portées contre lui sans attendre les résultats de l’enquête de l’OLAF portant précisément sur ces accusations.

114    Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les allégations du requérant quant à l’utilité des deuxième et troisième moyens du recours « en tant que lecture de fond ».

115    La BEI ayant, comme il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, renoncé à contester le caractère opérant du recours, il y a lieu d’en examiner le bien-fondé.

B.      Sur le fond

1.      Sur les conclusions en annulation

a)      Sur la portée des conclusions en annulation

116    À titre liminaire, il convient d’examiner la portée des conclusions en annulation du requérant. Le requérant sollicite l’annulation de « la décision de la [BEI] concernant [s]a notation […] pour l’exercice 2014, en ce compris la décision relative à l’augmentation du traitement, au versement d’une prime et à la promotion dans le cadre de cette notation, ainsi que le rapport d’évaluation […] 2014 qui s’en est suivi, comprenant tant la partie relative [à ses] prestations […] en 2014 que celle relative aux objectifs […] fixés pour l’année 2015 ».

117    Dans ses écritures, le requérant est néanmoins resté en défaut d’identifier une décision « concernant [s]a notation […] pour l’exercice 2014 » distincte du rapport d’évaluation 2014. Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le requérant a, en substance, confirmé que cette prétendue décision se confondait avec le rapport d’évaluation 2014 lui-même.

118    Par conséquent, il y a lieu de considérer que le requérant formule deux chefs de conclusions en annulation visant, le premier, le rapport d’évaluation 2014 et, le second, les décisions consécutives à celui-ci et portant sur sa promotion, l’augmentation de son traitement au mérite et l’octroi d’une prime.

b)      Sur la demande d’annulation du rapport d’évaluation 2014

119    Dans la requête, le requérant invoque trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation du rapport d’évaluation 2014, tirés, le premier, d’irrégularités de procédure, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le troisième, d’un détournement de pouvoir. Dans la réplique, le requérant a, « pour des raisons d’économie de la procédure », renoncé à ses deuxième et troisième moyens (voir points 106 à 111 ci-dessus).

120    Dans ces conditions, il n’y a lieu d’examiner que le premier moyen d’annulation du rapport d’évaluation 2014. Tel qu’il était présenté dans la requête, ce moyen s’articulait en quatre branches, prises, la première, de la méconnaissance des droits de la défense du requérant, la deuxième, du défaut d’impartialité et de sollicitude de la BEI, la troisième, de la violation du principe de la présomption d’innocence et, la quatrième, d’un défaut de motivation. Dans la réplique, le requérant a, là encore « pour des raisons d’économie de la procédure », renoncé aux deuxième et quatrième branches de ce moyen.

121    Le Tribunal n’examinera donc que le premier moyen, tiré d’irrégularités de procédure et qui s’articule en deux branches, tirées, l’une, de la méconnaissance des droits de la défense du requérant (première branche) et, l’autre, de la violation du principe de la présomption d’innocence (troisième branche).

1)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance des droits de la défense du requérant

122    Dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant reproche à la BEI d’avoir violé ses droits de la défense en ne le mettant pas en mesure de faire utilement connaître son point de vue sur l’ensemble des faits fondant le rapport d’évaluation 2014. Pour le requérant, il ne fait guère de doute que, en l’absence de cette illégalité, la procédure ayant conduit à l’adoption du rapport d’évaluation 2014 aurait pu aboutir à un résultat différent. En effet, le rapport d’évaluation 2014 serait fondé sur des jugements de valeur subjectifs et donc, par nature, susceptibles d’être modifiés.

123    Au soutien de son argumentation, le requérant invoque, en substance, deux griefs. En premier lieu, le requérant soutient qu’il n’a été informé que de deux des quatre « griefs » sur lesquels se fonde le rapport d’évaluation 2014 avant l’établissement de celui-ci. Il s’agit des « griefs » relatifs aux pressions déraisonnables qu’il aurait exercées dans le but d’obtenir une promotion (troisième incident) et aux enquêtes privées qu’il aurait menées (quatrième incident). Le requérant n’aurait, en revanche, jamais eu la possibilité de faire connaître son point de vue sur les deux autres « griefs » retenus dans le rapport d’évaluation 2014, à savoir ceux relatifs à l’infraction aux règles de confidentialité (premier incident) et à la menace de violence physique (deuxième incident).

124    Or, il serait évident que le contenu du rapport d’évaluation aurait été différent si le requérant avait pu se défendre et faire connaître son point de vue au sujet des « griefs » relatifs à l’infraction aux règles de confidentialité (premier incident) et à la menace de violence physique (deuxième incident).

125    En second lieu, le requérant fait valoir qu’il ne lui a pas été permis de se prononcer utilement sur les deux « griefs » dont il a été informé préalablement à l’établissement du rapport d’évaluation 2014, à savoir ceux relatifs aux pressions déraisonnables qu’il aurait exercées dans le but d’obtenir une promotion (troisième incident) et aux enquêtes privées qu’il aurait menées (quatrième incident). Lors de l’entretien du 2 mars 2015, seules des « bribes » de certains « griefs » lui auraient été communiquées oralement et il n’aurait pu en obtenir de communication écrite. Il aurait seulement compris qu’il lui était reproché d’avoir menacé de révéler des dysfonctionnements à un hebdomadaire allemand s’il n’était pas promu, ce qu’il aurait contesté.

126    L’allégation de la BEI selon laquelle le requérant aurait, lors de la réunion du 3 mars 2015, pu faire connaître son point de vue ne démontrerait pas qu’il a eu la possibilité de s’exprimer sur l’ensemble des faits invoqués dans le rapport d’évaluation 2014, ni qu’il a été informé en temps utile, de manière efficace et individuellement, de tous les motifs de l’acte juridique dont l’adoption était envisagée, ni de toutes les informations figurant au dossier qui auraient pu être utilisables pour sa défense.

127    À ce sujet, premièrement, le requérant conteste, en substance, que le projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015, qui n’a jamais été finalisé, traduise fidèlement les propos tenus lors de cette réunion.

128    Deuxièmement, le requérant n’aurait pas été mis en mesure de faire connaître son point de vue sur la pertinence des faits avancés lors de la réunion du 3 mars 2015. D’une part, il n’aurait eu aucune possibilité concrète de comprendre que les éléments factuels dont il lui était demandé de commenter la véracité étaient destinés à être invoqués dans ce rapport. En effet, cette réunion aurait eu pour seul but de « garantir un environnement de travail sûr » et le requérant pensait avoir déjà fait connaître son point de vue sur tous les éléments susceptibles de faire l’objet dudit rapport dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014. D’autre part, la seule « accusation » avancée lors de la réunion du 3 mars 2015 que le requérant aurait comprise se serait rapportée au caractère prétendument menaçant de certains de ses courriels.

129    Or, le requérant estime que, s’il avait été informé que les circonstances sur lesquelles il lui a été demandé de prendre position lors de la réunion du 3 mars 2015 seraient invoquées dans le rapport d’évaluation 2014, il aurait peut-être pu en influencer le contenu.

130    Troisièmement, le requérant aurait été convoqué à la réunion du 3 mars 2015 sans précision quant à l’objet de celle-ci et avec un préavis très court. Or, pour pouvoir se prononcer utilement au sujet des « accusations » proférées à son égard lors de cette réunion et, notamment, sur la véracité des extraits de courriels invoqués à leur appui, le requérant aurait eu besoin de plus de temps. La BEI ne lui aurait cependant pas permis de s’expliquer ultérieurement, que ce soit dans le cadre d’un entretien en présence du chef de la division RM/FRD ou des observations écrites dont la BEI savait qu’il était en train de les rédiger au moment de l’établissement du rapport d’évaluation 2014.

131    La BEI conteste l’argumentation du requérant. En premier lieu, la BEI fait valoir qu’elle manque en fait. Le requérant aurait pu s’exprimer au sujet des « griefs » retenus dans le rapport d’évaluation 2014 à plusieurs reprises et à loisir. La finalisation de ce rapport aurait en effet été précédée de deux réunions qui se seraient tenues en présence du requérant les 2 et 3 mars 2015. Or, d’une part, lors de la réunion du 2 mars 2015, le chef de la division RM/FRD aurait explicitement reproché au requérant des fautes professionnelles graves, afin qu’il puisse se prononcer à cet égard en temps utile avant l’établissement du rapport d’évaluation 2014.

132    D’autre part, il ressortirait du compte rendu de la réunion du 3 mars 2015 que les « griefs » retenus dans le rapport d’évaluation 2014 ont été portés à la connaissance du requérant lors de cette réunion afin qu’il puisse les commenter. Selon la BEI, le requérant ne pouvait pas ignorer que le comportement sur lequel il était invité à s’exprimer allait figurer dans le rapport d’évaluation 2014, celui-ci comportant un volet relatif à sa conduite dans le service. Or, le requérant aurait admis le bien-fondé de six des huit « griefs » portés à sa connaissance dans ce cadre et ne se serait pas expliqué de manière convaincante sur les deux autres. Le requérant n’aurait pas du tout apporté de réponse au « grief » tenant aux enquêtes privées qu’il aurait menées.

133    En deuxième lieu, la BEI soutient que l’argumentation du requérant manque en droit. À cet égard, premièrement, elle indique qu’elle a donné au requérant la possibilité concrète de comprendre que les éléments factuels ayant fait l’objet d’une discussion lors de la réunion du 3 mars 2015 seraient de nature à justifier l’appréciation retenue dans le rapport d’évaluation 2014.

134    Deuxièmement, la BEI avance que, à la différence de la procédure disciplinaire, la procédure d’évaluation n’impose pas la communication formelle des griefs. Il suffirait que les critiques que l’évaluateur pense éventuellement retenir dans le rapport d’évaluation soient signalées au cours de la procédure précédant l’adoption dudit rapport. Or, tel aurait été le cas en l’espèce. Au stade de la duplique, la BEI ajoute que le requérant ne cite aucune jurisprudence à l’appui de son argument selon lequel il aurait dû être entendu sur tous les faits et circonstances qui sont invoqués dans le rapport d’évaluation 2014. S’appuyant sur une jurisprudence qu’elle qualifie d’« abondante », la BEI soutient que l’intéressé ne doit être entendu que dans ses arguments essentiels et que l’administration n’est tenue de répondre qu’aux arguments essentiels de ce dernier. Or, le contenu du rapport d’évaluation 2014 correspondrait exactement aux remarques faites lors de la réunion du 3 mars 2015 et au sujet desquelles il aurait pu s’exprimer tant par oral lors de cette réunion que par écrit dans les jours suivants, notamment dans le cadre de ses commentaires du 10 mars 2015 sur le projet de compte rendu de ladite réunion.

135    Troisièmement, la BEI soutient que l’argumentation du requérant est vague et générale. Il ne préciserait pas quels « griefs » ne lui ont pas été présentés au cours de la procédure d’évaluation.

136    En troisième lieu, la BEI souligne que, dans la mesure où le requérant n’a rien avancé de décisif dans le cadre de ses commentaires du 10 mars 2015, il n’est pas possible de comprendre quel argument important il aurait soulevé s’il avait eu une occasion supplémentaire de s’exprimer, laquelle ne serait au demeurant imposée par aucun texte ni principe général.

i)      Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la réplique, de la prise de position du requérant sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal

137    Dans le cadre de la réplique, de sa prise de position sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, le requérant produit plusieurs preuves au soutien de la première branche du premier moyen, prise d’une violation des droits de la défense. Avant d’examiner le bien-fondé de cette branche, il convient donc de se prononcer sur la recevabilité de ces preuves.

–       Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la réplique

138    Parmi les 24 documents que le requérant produit en annexe à la réplique, seuls huit sont invoqués au soutien de la première branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense (annexes C.8, C.9, C.18 à C.22 et C.24). Les seize autres documents produits en annexe à la réplique soit reproduisent des règles de droit et ne sont donc pas des preuves proprement dites (annexes C.7, C.11, C.13, C.15 et C.17), soit ne sont pas pertinents aux fins de l’examen de cette branche, en ce qu’ils portent sur le parcours professionnel du requérant (annexes C.1 à C.6), les rapports de signalement qu’il a effectués (annexes C.10, C.12 et C.14), la procédure devant le comité de recours (annexe C.16) (voir points 87 et 105 ci-dessus) ou ne sont invoqués qu’à titre d’« élément de contexte » (annexe C.23). Dans le cadre de l’examen de la présente branche, le Tribunal appréciera donc la recevabilité des seules preuves figurant aux annexes C.8, C.9, C.18 à C.22 et C.24.

139    Au point 2 de la duplique, la BEI avance que les annexes C.18 et C.19 auraient dû être jointes à la requête et que le requérant ne justifie pas leur production tardive comme le requiert l’article 85 du règlement de procédure, mais indique qu’elle ne demande pas que ces pièces soient écartées des débats, préférant s’en remettre à la sagesse du Tribunal. Toutefois, au point 40 du même mémoire, la BEI invoque l’irrecevabilité de l’annexe C.18 au motif que cette pièce existait au moment de l’introduction de la requête et qu’elle aurait donc dû, en vertu de l’article 85 du règlement de procédure, être produite avec elle. Interrogée à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la BEI a conclu à l’irrecevabilité, pour un motif identique, de l’ensemble des preuves visées au point 138 ci-dessus.

140    Le requérant conteste l’argumentation de la BEI. Selon lui, les annexes C.18 à C.22 et C.24 sont recevables en tant que preuves contraires. En effet, les preuves figurant aux annexes C.18 et C.19 viseraient à réfuter, d’une part, les allégations soulevées dans le mémoire en défense selon lesquelles le requérant aurait reconnu le bien-fondé des « accusations » et, d’autre part, l’authenticité de certaines déclarations ou communications qui lui ont été présentées lors de la réunion du 3 mars 2015, tandis que les preuves figurant aux annexes C.20 à C.22 et C.24 auraient pour objet d’infirmer les allégations présentées dans le mémoire en défense selon lesquelles cette réunion lui aurait permis d’exercer son droit d’être entendu.

141    En revanche, le requérant indique qu’il aurait pu présenter les preuves figurant aux annexes C.8 et C.9 dans le cadre de la requête, mais qu’il a omis de le faire. Il estime, néanmoins, que cette omission ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient déclarées recevables, la BEI ayant eu l’occasion de s’exprimer à leur sujet. La BEI se serait d’ailleurs effectivement exprimée à leur sujet dans le cadre de la duplique.

142    Aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. L’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure précise que les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

143    Cependant, selon la jurisprudence, la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les offres de preuve nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées (voir, en ce sens, ordonnance du 26 avril 2016, EGBA et RGA/Commission, T‑238/14, non publiée, EU:T:2016:259, points 53 et 54).

144    En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que les preuves figurant aux annexes C.8 et C.9 sont antérieures au dépôt de la requête. Le requérant reconnaît d’ailleurs lui-même qu’il aurait pu produire ces preuves en annexe à la requête. Le requérant ne justifie pas la production tardive de ces preuves ni ne soutient qu’il s’agit de preuves contraires ou de preuves tendant à l’ampliation d’offres de preuve. Il se contente d’observer que la BEI a pu s’exprimer au sujet desdites preuves. Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme étant irrecevables les annexes C.8 et C.9.

145    En deuxième lieu, il convient de relever que l’annexe C.18 renferme un courriel du 10 mars 2015, auquel sont joints les commentaires du requérant au sujet du projet de procès-verbal de la réunion du 3 mars 2015, lui-même annexé au mémoire en défense de la BEI. L’annexe C.19 renferme un courriel dans lequel le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs prend position au sujet de ces commentaires. Dans la réplique, le requérant invoque ces annexes au soutien de son argumentation visant à réfuter l’allégation présentée dans le mémoire en défense selon laquelle il aurait été entendu lors de cette réunion et aurait, à cette occasion, reconnu le bien-fondé des reproches qui lui étaient adressés ainsi que l’authenticité ou la véracité des déclarations et communications portées à sa connaissance. Il y a donc lieu de déclarer recevables lesdites annexes en tant que preuves contraires.

146    En troisième lieu, il importe de constater que les annexes C.20 à C.22 et C.24 renferment des échanges de courriels entre le requérant et la BEI. Dans la réplique, le requérant invoque ces courriels aux fins de réfuter l’argument figurant dans le mémoire en défense selon lequel l’entretien du 3 mars 2015 lui aurait permis d’exercer son droit d’être entendu et de prouver qu’il a été privé de la possibilité de s’exprimer de manière utile à un stade ultérieur. Ainsi, le requérant produit, dans l’annexe C.20 de la réplique, un courriel dans lequel il fait suite à son entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014. Il s’appuie sur ce courriel pour démontrer qu’il ne pouvait pas comprendre que les faits portés à sa connaissance lors de la réunion du 3 mars 2015 auraient pu être retenus dans le rapport d’évaluation 2014, puisqu’il pensait que tous les éléments susceptibles de faire partie de ce rapport avaient été abordés lors de l’entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014.

147    L’annexe C.21 comporte le courriel par lequel le requérant a été convoqué à la réunion du 3 mars 2015. Ce courriel est invoqué pour démontrer que le requérant n’a pas pu faire valoir utilement son point de vue sur la véracité des faits portés à sa connaissance lors de cette réunion, au motif qu’il a été convoqué à celle-ci sans précision quant à son objet et avec un préavis très court.

148    Le courriel figurant à l’annexe C.22 est invoqué aux fins de démontrer que la BEI avait accepté le principe d’un entretien dans lequel le requérant pourrait développer son point de vue quant aux faits portés à sa connaissance lors de l’entretien du 3 mars 2015, mais que cet entretien a été ajourné à une date ultérieure.

149    L’annexe C.24 renferme un courriel du 22 mars 2015 dans lequel le requérant indique à l’administration qu’il prépare un mémorandum relatif, notamment, aux « allégations contestées », à son évaluation et à sa promotion. Ce courriel est produit aux fins d’établir que, le 26 mars 2015, la BEI avait connaissance de l’intention du requérant de lui faire parvenir ce mémorandum et a, néanmoins, établi le rapport d’évaluation 2014 sans l’attendre.

150    Il y a donc lieu de déclarer recevables les annexes C.20 à C.22 et C.24 en tant que preuves contraires.

–       Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la prise de position du requérant sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal

151    Le 22 décembre 2016, le requérant a demandé la tenue d’une audience et a joint à cette demande cinq preuves nouvelles. Parmi ces preuves, seules quatre sont invoquées au soutien de la première branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense (annexes AA.1 à AA.4). La cinquième n’est invoquée qu’à l’appui de la troisième branche du premier moyen, prise d’une violation du principe de la présomption d’innocence (annexe AA.5) et n’est donc pas pertinente aux fins de l’examen de la présente branche.

152    Le 24 novembre 2017, le requérant a déposé au greffe du Tribunal sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal. Il a joint à cette réponse quatre preuves nouvelles. Parmi ces quatre preuves, trois sont invoquées au soutien de la première branche du premier moyen (annexes XX.1 à XX.3). La quatrième concerne le parcours professionnel du requérant (annexe XX.4) et n’est donc pas pertinente aux fins de l’examen de cette branche.

153    Dans le cadre de l’examen de la présente branche, le Tribunal examinera donc la recevabilité des seules preuves figurant aux annexes AA.1 à AA.4 et XX.1 à XX.3.

154    La BEI soulève l’irrecevabilité des preuves produites en annexe à la demande de tenue d’une audience du requérant, au motif que, en application de l’article 85 du règlement de procédure, elles auraient dû être produites dans le cadre du premier échange de mémoires et qu’aucun motif sérieux ne justifie un retard dans leur présentation. En revanche, lors de l’audience, la BEI a indiqué qu’elle ne contestait pas la recevabilité des preuves annexées à la réponse du requérant aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal.

155    Le requérant justifie la production, au stade de sa prise de position sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, des preuves visées aux points 151 et 152 ci-dessus par le fait qu’il n’aurait eu accès à celles-ci qu’après le dépôt de la réplique. Le requérant soutient également que ces preuves sont recevables en tant que preuves contraires.

156    À cet égard, l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

157    En l’espèce, il y a lieu de constater que les annexes AA.2, AA.3 et XX.1 portent une date postérieure au dépôt de la réplique. Le requérant ne pouvait donc joindre ces preuves ni à la réplique ni, à plus forte raison, à la requête et il convient, en conséquence, de les déclarer recevables.

158    En revanche, les preuves figurant aux annexes AA.1, AA.4, XX.2 et XX.3 portent une date antérieure au dépôt de la requête et, à plus forte raison, au dépôt de la réplique. Il convient donc de vérifier si, comme le soutient le requérant, il n’a eu connaissance de ces preuves que postérieurement au dépôt de la requête ou de la réplique.

159    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que, comme le souligne le requérant, ce n’est qu’à partir du 5 septembre 2016, soit après la date de dépôt de la réplique, qu’il a eu accès aux preuves figurant aux annexes AA.1, AA.4, XX.2 et XX.3. En effet, ces preuves comptent parmi les annexes du rapport de l’OLAF du 18 mars 2016, auxquelles le requérant n’a eu accès qu’à compter du 5 septembre 2016, lorsque le président de la BEI a fait droit à sa demande du 22 avril 2016 d’accéder à son dossier personnel. Or, la réplique a été déposée le 23 juin 2016.

160    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que les preuves figurant aux annexes AA.1, AA.4, XX.2 et XX.3 auraient pu être produites dans le cadre de la requête ou de la réplique. Le dossier personnel du requérant étant, selon ses propres dires que la BEI n’a pas contestés, volumineux et ayant, dès lors, exigé un examen chronophage, il ne saurait pas non plus lui être reproché de ne pas avoir présenté ces preuves avant la clôture de la phase écrite de la procédure, le 14 septembre 2016. Il y a donc lieu de les déclarer recevables, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument du requérant selon lequel elles constituent des preuves contraires.

ii)    Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

161    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, si le requérant se plaint d’une violation de ses droits de la défense, il se contente, en réalité, d’invoquer une violation de son droit d’être entendu.

162    À cet égard, il convient de rappeler que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 32 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 53).

163    Le droit d’être entendu est protégé non seulement par les articles 47 et 48 de la Charte, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration. Le paragraphe 2 de l’article 41 de la Charte prévoit ainsi que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 54 et jurisprudence citée).

164    Selon la jurisprudence, le droit d’être entendu s’applique à toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, quand bien même la réglementation applicable ne le prévoirait pas (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Parlement/Reynolds, C‑111/02 P, EU:C:2004:265, point 31 et jurisprudence citée).

165    Le principe du respect du droit d’être entendu exige que l’intéressé soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir. Dans le domaine de l’évaluation du personnel de l’Union, ce principe doit permettre à l’intéressé, au cours de la procédure d’évaluation, de se défendre face à l’allégation de faits susceptibles d’être retenus à sa charge dans le rapport d’évaluation.

166    Certes, ce principe ne saurait être interprété comme imposant à l’administration une obligation d’avertissement préalable antérieurement à la procédure aboutissant à une telle évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, points 38, 39 et 43). Il implique, néanmoins, que l’administration, lors de la procédure d’évaluation, ne retienne pas contre l’intéressé des pièces qui ne figurent pas dans le dossier individuel de celui-ci ou qui ne lui ont pas été communiquées au préalable (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho/Commission et Commission/de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, EU:T:2009:382, point 93 et jurisprudence citée) et, plus généralement, porte à sa connaissance l’ensemble des éléments susceptibles d’être retenus à sa charge avant que le rapport d’évaluation ne soit définitivement établi (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2007, Sundholm/Commission, F‑30/05, EU:F:2007:31, point 72 et jurisprudence citée). Il s’agit, notamment, de permettre à l’administration de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents et à l’intéressé de corriger une erreur ou de faire valoir tel ou tel élément relatif à sa situation personnelle qui milite pour que l’acte soit pris, ne soit pas pris ou ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 74).

167    C’est pourquoi, la seule connaissance avérée, par l’intéressé, des éléments factuels qui sont à la base du rapport d’évaluation ne saurait suffire à établir qu’il a eu la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption de ce rapport. Encore faut-il que l’administration mette l’intéressé en mesure de comprendre que ces éléments factuels sont de nature à justifier ledit rapport (arrêt du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, EU:T:2009:382, point 94).

168    Dans ses écritures, le requérant ne se plaint pas tant de n’avoir pas pu s’exprimer, de manière générale, au sujet de son comportement ou de ses compétences comportementales que de n’avoir, d’une part, pas du tout été entendu au sujet des incidents relatifs à la divulgation d’informations confidentielles à la société X (premier incident) et à des menaces de violence physique (deuxième incident) et, d’autre part, pas pu s’exprimer utilement sur les incidents relatifs aux pressions déraisonnables qu’il aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident) et aux enquêtes privées qu’il aurait menées concernant le projet de marché Y (quatrième incident). Conformément à la jurisprudence citée aux points 161 à 167 ci-dessus, il convient donc de vérifier si, avant l’établissement du rapport d’évaluation 2014, la BEI a mis le requérant en mesure de se prononcer utilement sur ces quatre incidents et sur les communications et déclarations citées à leur appui.

169    Dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2014, le respect du droit des membres du personnel de la BEI d’être entendus était assuré, au premier chef, au moyen de deux mécanismes formels dont les modalités sont décrites dans les lignes directrices de 2014. Ainsi, d’une part, le point 3.3 des lignes directrices de 2014 prévoit la tenue d’un bilan de mi-parcours, qui a pour objet de permettre aux membres du personnel de la BEI et à leur hiérarchie de formaliser un retour d’information constructif en milieu d’année. D’autre part, le point 5.1 desdites lignes directrices dispose que tout membre du personnel de la BEI a droit à un entretien annuel d’évaluation avec son supérieur hiérarchique direct.

170    Or, en l’espèce, comme le souligne à juste titre le requérant, aucun des quatre incidents retenus dans le rapport d’évaluation 2014 ne figure dans le bilan de milieu d’année du requérant, ni n’a fait l’objet de la moindre discussion lors de l’entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014. Au contraire, le bilan de mi-parcours, dont la BEI reconnaît elle-même le caractère « plutôt positif », indique que le requérant est en passe d’atteindre tous les objectifs qui lui ont été assignés. Quant à l’entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014, il n’a, selon les dires du requérant que la BEI n’a pas contestés, comporté « [a]ucune appréciation négative ». Cette conclusion est corroborée par un courriel du 20 décembre 2014, par lequel le requérant a indiqué au chef de la division RM/FRD et au chef de l’unité DER/VAL qu’il était très satisfait de l’issue de l’entretien de la veille et espérait que ce dernier ouvrirait la voie à sa promotion.

171    Il importe, cependant, de souligner que le respect du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure d’évaluation des membres du personnel de la BEI ne s’épuise pas dans l’élaboration d’un bilan de mi-parcours ou dans la tenue d’un entretien annuel d’évaluation. Au contraire, les lignes directrices de 2014 placent la procédure d’évaluation toute entière sous le sceau du dialogue entre les membres du personnel de la BEI et leur hiérarchie. Ainsi, d’une part, le point 1.2 des lignes directrices de 2014 indique que les membres du personnel de la BEI sont encouragés à prendre une part active dans la procédure d’évaluation, en proposant leurs critères de performance, en discutant ouvertement d’obstacles à la performance et ou de progrès, en opérant une autoévaluation ainsi qu’en sollicitant et en donnant des retours d’information. D’autre part, le point 3 des lignes directrices de 2014 énonce que, tout au long de l’année, les progrès et les performances doivent faire l’objet d’une évaluation continue et que la gestion de la performance est une activité continue de la hiérarchie. Le point 3.1, intitulé « Retour d’information continu », détaille les modalités d’un « échange continu » dont l’objet est de permettre à l’intéressé et à sa hiérarchie de parvenir à une vision commune et juste de la performance de ce dernier avant l’évaluation. Quant au point 3.2 des lignes directrices de 2014, il précise que les préoccupations liées à la performance d’un membre du personnel de la BEI devraient être portées à la connaissance de celui-ci promptement.

172    Or, comme le relève, en substance, la BEI, le bilan de mi-parcours et l’entretien annuel d’évaluation du 19 décembre 2014 ont été suivis de deux réunions portant, en tout ou en partie, sur la performance du requérant lors de l’exercice d’évaluation 2014. Ces réunions se sont tenues les 2 et 3 mars 2015.

173    La réunion du 2 mars 2015 s’est tenue en présence du directeur général de la DG RM, du directeur de la direction « Risques financiers » de la DG RM, du chef de la division RM/FRD et du requérant. Elle avait pour objet la demande de promotion du requérant. Or, il ressort des écritures du requérant que, lors de la réunion du 2 mars 2015, le chef de la division RM/FRD lui a reproché d’avoir commis des « fautes professionnelles graves ». En particulier, le requérant reconnaît lui-même que, lors de cette réunion, il lui a été fait grief d’avoir menacé de révéler à un hebdomadaire allemand des irrégularités relatives au projet de marché Y s’il n’était pas promu (quatrième incident). Le requérant admet également avoir, lors de ladite réunion, été « confronté à des allégations d’intimidation dans le processus d’évaluation » (troisième incident). Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la discussion ait également porté sur les déclarations et communications invoquées dans le rapport d’évaluation 2014 à l’appui de l’incident relatif aux pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident) ou encore sur les incidents relatifs à une prétendue infraction aux règles de confidentialité (premier incident) et à des menaces alléguées de violence physique (deuxième incident).

174    La réunion du 3 mars 2015 s’est tenue en présence du directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs, d’un juriste chargé des questions du personnel et du requérant. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette réunion n’avait pas pour seul but de « garantir un environnement de travail sûr ». Il ressort en effet de la convocation du requérant à ladite réunion que cette dernière faisait suite à la réunion du 2 mars 2015, laquelle portait expressément sur la demande de promotion du requérant, et qu’elle avait pour objet la situation au sein de l’unité du requérant. Lors de la réunion du 3 mars 2015, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a ajouté que parmi les raisons justifiant la convocation d’une nouvelle réunion figurait la volonté de permettre au requérant de commenter plusieurs déclarations prétendument « intimidantes et menaçantes » dont il serait l’auteur et dont sa hiérarchie avait communiqué la teneur au service du personnel à la suite de la réunion du 2 mars 2015. Le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs a, certes, également indiqué qu’il était « de l’obligation du [service du] personnel de réagir à ces prétendues déclarations en vue de garantir un environnement de travail sûr ». Il n’a, toutefois, à aucun moment laissé entendre que tel était l’objet exclusif de la réunion du 3 mars 2015. Il y a donc lieu de considérer que le requérant ne pouvait ignorer que les sujets abordés et les faits discutés lors de cette réunion pourraient être repris dans le rapport d’évaluation 2014.

175    Il convient, cependant, de constater que la BEI n’est pas fondée à soutenir que les éléments portés à la connaissance du requérant lors de la réunion du 3 mars 2015 correspondent « parfaitement » aux éléments retenus dans le rapport d’évaluation 2014. En effet, parmi les sujets abordés lors de la réunion du 3 mars 2015 ne figurent ni l’incident relatif à une prétendue infraction aux règles de confidentialité (premier incident), ni celui relatif à des menaces alléguées de violence physique (deuxième incident). La discussion a, certes, porté sur les deux autres incidents retenus dans le rapport d’évaluation 2014. S’agissant des enquêtes privées du requérant (quatrième incident), il lui a été indiqué qu’il ne lui appartenait pas d’assurer le suivi de ces alertes ou de « coordonner les actions ou prochaines étapes avec [la direction des affaires juridiques de la BEI], [la DG] FI, [la DG] OCCO ou d’autres acteurs » et que son rôle avait pris fin avec la transmission des faits pertinents aux autorités compétentes. Il lui a également été demandé de s’exprimer au sujet de la déclaration par laquelle il aurait, le 17 novembre 2014, menacé de révéler à un hebdomadaire allemand des irrégularités relatives au projet de marché Y s’il n’était pas promu (quatrième incident).

176    Toutefois, s’agissant de l’incident relatif aux pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident), la discussion n’a pas porté sur l’ensemble des déclarations ou communications invoquées à l’appui de cet incident dans le rapport d’évaluation 2014. En effet, lors de la réunion du 3 mars 2015, le requérant s’est vu remettre une liste de huit « déclarations et situations » dont sa hiérarchie considérait qu’elles étaient intimidantes et menaçantes. Sept de ces « déclarations et situations » ont trait à l’incident relatif aux pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident). Or, comme il ressort du tableau ci-après, seule une de ces sept « déclarations et situations » figure dans le rapport d’évaluation 2014. Il s’agit d’un courriel adressé au chef de la division RM/FRD dans lequel le requérant fait état de son besoin de promotion. En revanche, les trois autres déclarations et communications retenues dans le rapport d’évaluation 2014 au soutien de l’incident relatif aux pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu sont absentes de la liste des huit « déclarations et situations » remise au requérant lors de la réunion du 3 mars 2015 et il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elles auraient été portées à sa connaissance oralement lors de cette réunion.


Réunion du 3 mars 2015

Rapport d’évaluation 2014

SMS du 13 novembre 2014 (voir point 13 ci-dessus)

non

oui

Courriel du 20 novembre 2014 (voir point 17 ci-dessus)

non

oui

Premier courriel du 24 novembre 2014 (voir point 19 ci-dessus)

oui

oui

Second courriel du 24 novembre 2014 (voir point 20 ci-dessus)

non

oui


177    La BEI n’a pas non plus établi ni même d’ailleurs allégué que les pièces afférentes aux trois déclarations et communications retenues à l’appui de l’incident relatif aux pressions déraisonnables que le requérant aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident) qui n’ont pas été évoquées lors de la réunion du 3 mars 2015 figuraient dans le dossier individuel du requérant. À plus forte raison, la BEI n’a pas établi que de tels documents avaient été communiqués au requérant avant leur hypothétique classement dans ce dossier. Il en va de même du courriel du 13 octobre 2014 (voir point 10 ci-dessus), qui est cité dans le rapport d’évaluation 2014 à l’appui de l’incident relatif à la divulgation d’informations confidentielles à la société X (premier incident). N’ayant pas été informé de l’ensemble de ces éléments, le requérant ne pouvait pas savoir que la BEI envisageait de les retenir dans le rapport d’évaluation 2014 et n’avait donc aucune raison de s’exprimer à leur sujet. Dans ces conditions, la BEI ne saurait soutenir que le requérant a eu l’occasion de s’exprimer au sujet de l’ensemble des éléments retenus dans le rapport d’évaluation 2014 tant au cours de la réunion du 3 mars 2015 que par écrit à la suite de cette réunion. En particulier, il ne saurait être considéré que les commentaires qu’il a fait parvenir à la BEI le 10 mars 2015 au sujet du projet de compte rendu de la réunion du 3 mars 2015 ont permis au requérant d’exercer son droit d’être entendu à cet égard.

178    Au regard des considérations exposées aux points 172 à 177 ci-dessus, il y a lieu de constater que le requérant n’a pu se prononcer utilement qu’au sujet d’un des quatre incidents retenus dans le rapport d’évaluation 2014, à savoir celui relatif aux enquêtes privées qu’il aurait menées concernant le projet de marché Y (quatrième incident). En revanche, le requérant n’a pas été entendu au sujet des incidents relatifs à une prétendue infraction aux règles de confidentialité (premier incident) et à des menaces alléguées de violence physique (deuxième incident). Il n’a pas non plus pu se prononcer utilement sur l’incident relatif aux pressions déraisonnables qu’il aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident), la BEI ne l’ayant mis en mesure de se prononcer que sur une des quatre déclarations ou communications retenues à l’appui de cet incident dans le rapport d’évaluation 2014.

179    Par conséquent, la BEI n’a pas, au cours de la procédure d’évaluation, permis au requérant de se défendre face à l’allégation de faits susceptibles d’être retenus à sa charge dans le rapport d’évaluation 2014. Conformément à la jurisprudence citée au point 167 ci-dessus, la seule connaissance de ces faits par le requérant, à la supposer avérée, n’était pas suffisante pour assurer le respect de son droit d’être entendu. Il s’ensuit que la BEI a méconnu le droit d’être entendu du requérant.

180    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la BEI selon lequel il ressort d’une jurisprudence « abondante » que l’intéressé ne doit être entendu que dans ses arguments essentiels et que l’administration n’est tenue de répondre qu’aux arguments essentiels de ce dernier. En effet, la jurisprudence à laquelle se réfère la BEI a trait à l’obligation de motivation de l’administration et non au droit d’être entendu. Elle est donc dépourvue de pertinence aux fins de déterminer si la BEI a méconnu le droit du requérant d’être entendu.

181    Il y a cependant lieu de rappeler que, pour qu’une irrégularité procédurale telle qu’une violation du droit d’être entendu puisse aboutir à l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 149 et jurisprudence citée). Pour établir que tel est le cas, la partie requérante doit expliquer quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait fait valoir si ses droits de la défense avaient été respectés et démontrer, le cas échéant, que ces arguments et éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 107).

182    Le rapport d’évaluation 2014 retient que le requérant a accompli un « travail satisfaisant » lors de la période concernée, mais lui attribue la note C en raison de ses « problèmes de comportement graves ». En particulier, le rapport fait état des difficultés ou déficiences sérieuses du requérant en matière de communication et de travail d’équipe ainsi que des répercussions négatives que son « comportement inacceptable » aurait eu sur ses relations avec sa hiérarchie et sur l’atmosphère de travail au sein de son secteur. Ces appréciations s’appuient sur quatre « incidents », dont trois au sujet desquels le requérant n’a pas pu utilement s’exprimer. Ainsi qu’il ressort du point 178 ci-dessus, le seul de ces incidents au sujet desquels le requérant a pu se prononcer utilement est celui qui porte sur les enquêtes privées qu’il aurait menées concernant le projet de marché Y (quatrième incident).

183    Or, si le requérant avait été utilement entendu, il aurait pu, comme il l’a fait dans le cadre tant de la procédure devant le comité de recours que de la présente procédure, contester la véracité de l’incident relatif aux menaces alléguées de violence physique (deuxième incident). Le requérant aurait également pu, comme il l’a fait valoir dans la réplique, invoquer des faits tendant à démontrer que les déclarations et communications au sujet desquelles il n’a pas pu s’exprimer utilement (voir point 176 ci-dessus) n’avaient pas été perçues comme étant menaçantes et ne pouvaient étayer l’incident relatif aux pressions déraisonnables qu’il aurait exercées en vue d’être promu (troisième incident) et, plus généralement, contester la pertinence des trois incidents au sujet desquels il n’a pas été utilement entendu (premier, deuxième et troisième incidents) au regard des appréciations négatives figurant dans le rapport d’évaluation 2014 et des critères visés dans les lignes directrices de 2014.

184    Il ne saurait, certes, être exclu que la liste de quatre incidents recensés dans le rapport d’évaluation 2014 n’ait pas eu vocation à l’exhaustivité et que les appréciations négatives des compétences comportementales du requérant se soient également fondées sur d’autres éléments. En effet, selon la jurisprudence, le large pouvoir d’appréciation dont bénéficient les évaluateurs présuppose qu’ils n’aient pas l’obligation de faire figurer dans les rapports d’évaluation qu’ils rédigent tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation (arrêt du 10 septembre 2009, van Arum/Parlement, F‑139/07, EU:F:2009:105, point 88).

185    Il ressort, cependant, expressément du rapport d’évaluation 2014 que les quatre incidents en cause « se distingu[ai]ent particulièrement ». En tant que tels, lesdits incidents ont pu avoir une influence déterminante sur les appréciations négatives des compétences comportementales qui figurent dans le rapport d’évaluation 2014. Or, compte tenu également du caractère subjectif et donc, par nature, susceptible d’être modifié des jugements de valeur auxquels s’apparentent de telles appréciations (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 28), il est possible que, si le requérant avait été entendu sur les trois de ces incidents au sujet desquels il n’a pas pu utilement s’exprimer, les évaluateurs auraient, nonobstant l’incident relatif aux enquêtes privées qu’il aurait menées concernant le projet de marché Y (quatrième incident), porté sur ses compétences comportementales une appréciation sensiblement moins négative.

186    Il s’ensuit que, en l’absence de l’illégalité constatée au point 179 ci-dessus, le rapport d’évaluation 2014 aurait pu avoir un contenu différent.

187    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen et, partant, d’annuler le rapport d’évaluation 2014.

188    Ce n’est donc qu’à titre surabondant que le Tribunal examine la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence.

2)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence

i)      Sur la recevabilité de l’annexe AA.5

189    Ainsi qu’il ressort du point 151 ci-dessus, le requérant présente en annexe à sa prise de position sur la tenue d’une audience et au soutien de la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence, une preuve référencée AA.5.

190    La BEI soutient, en substance, que l’annexe AA.5 est irrecevable pour cause de tardiveté pour les motifs indiqués au point 154 ci-dessus.

191    Le requérant rétorque que l’annexe AA.5 est recevable pour les motifs repris au point 155 ci-dessus.

192    Comme il ressort du point 156 ci-dessus, l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

193    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’annexe AA.5 renferme un échange de correspondance entre plusieurs agents de la BEI, dont le requérant ne faisait pas partie, et porte une date antérieure au dépôt de la réplique. Il convient donc de vérifier si, comme le soutient le requérant, il n’a eu connaissance de cet échange que postérieurement au dépôt de la réplique.

194    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que, comme le souligne le requérant, ce n’est qu’à partir du 5 septembre 2016, soit après la date de dépôt de la réplique, qu’il a eu accès à l’échange de correspondance figurant à l’annexe AA.5. En effet, cet échange compte parmi les annexes du rapport de l’OLAF du 18 mars 2016, auxquelles le requérant n’a eu accès qu’à compter du 5 septembre 2016, lorsque le président de la BEI a fait droit à sa demande du 22 avril 2016 d’accéder à son dossier personnel. Or, la réplique a été déposée le 23 juin 2016.

195    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la preuve figurant à l’annexe AA.5 aurait pu être produite dans le cadre de la réplique. Pour des motifs analogues à ceux retenus au point 160 ci-dessus, il ne saurait pas non plus lui être reproché de ne pas avoir présenté l’annexe AA.5 avant la clôture de la phase écrite de la procédure, le 14 septembre 2016. Il y a donc lieu de la déclarer recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument du requérant selon lequel elle constitue une preuve contraire.

ii)    Sur le bien-fondé de la troisième branche du premier moyen

196    Le requérant reproche, en substance, à la BEI d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence en fondant le rapport d’évaluation 2014 sur des accusations portées contre lui sans attendre les résultats de l’enquête de l’OLAF.

197    La BEI aurait même pris position sur la véracité et la pertinence de ces accusations avant de saisir l’Inspection générale et l’OLAF. Selon le requérant, le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs de la BEI aurait communiqué les accusations portées contre le requérant à l’Inspection générale, laquelle les aurait à son tour communiquées à l’OLAF. En particulier, le 11 mars 2015, l’Inspection générale aurait envoyé à l’OLAF un courriel dans lequel le requérant serait clairement désigné comme étant coupable de chantage et de tentative de chantage. Or, la véracité de cette conclusion ne serait pas établie et le requérant n’aurait pas été entendu à son sujet. Le service du personnel ayant lui-même fait appel à l’Inspection générale alors même qu’il était chargé de diriger la procédure d’évaluation, il était impossible pour la BEI d’ignorer, dans le cadre de la rédaction du rapport d’évaluation 2014, qu’une enquête avait au préalable été ouverte par l’Inspection générale, puis confiée à l’OLAF. À l’appui de son argumentation, le requérant invoque l’arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a. (T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 63), dont il ressortirait que cette circonstance constitue une illégalité de nature à justifier l’annulation du rapport d’évaluation 2014.

198    Le requérant ajoute que le contenu du rapport d’évaluation 2014 aurait pu être différent si la BEI s’était conformée au principe de la présomption d’innocence et si le directeur de la direction des relations sociales et des services administratifs avait surveillé la procédure d’évaluation de manière à empêcher le chef de la division RM/FRD d’invoquer les accusations qui faisaient l’objet d’une enquête interne. Le requérant aurait, notamment, pu souligner que les accusations faisant l’objet de l’enquête ne devaient pas être invoquées en tant que faits établis dans le rapport d’évaluation 2014.

199    La BEI conteste l’argumentation du requérant.

200    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 121). Selon ces dispositions, le respect de la présomption d’innocence exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

201    En l’espèce, il convient de déterminer si la BEI a pu, sans préjuger de la culpabilité ou de la responsabilité du requérant, faire référence dans le rapport d’évaluation 2014 aux quatre incidents décrits au point 41 ci-dessus, alors que ceux-ci auraient par ailleurs fait l’objet d’une enquête interne pendante de l’OLAF.

202    À ce sujet, il convient de relever que, conformément à l’article 2 de la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999, instituant l’OLAF (JO 1999, L 136, p. 20), l’OLAF est chargé, notamment, d’effectuer des enquêtes administratives internes en vue de rechercher les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et des agents de l’Union susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales. En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), le rapport par lequel s’achève une enquête interne est accompagné des recommandations du directeur général de l’OLAF sur les suites qu’il convient ou non de donner à ladite enquête. Ces recommandations indiquent, le cas échéant, les mesures disciplinaires, administratives, financières ou judiciaires que doivent prendre les institutions, les organes ou les organismes ainsi que les autorités compétentes des États membres concernés et précisent en particulier le montant estimé des recouvrements et la qualification juridique préliminaire des faits constatés. Aux termes de l’article 11, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, l’institution, l’organe ou l’organisme concerné donne aux enquêtes internes les suites, notamment disciplinaires et judiciaires, que leurs résultats appellent. Selon l’article 11, paragraphe 5, du même règlement, l’OLAF informe les autorités judiciaires de l’État membre concerné lorsque le rapport établi à la suite d’une enquête interne révèle l’existence de faits susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.

203    À l’inverse, la procédure d’évaluation ne saurait aboutir à des suites pénales ou encore disciplinaires, ni à ce que l’intéressé se voie infliger une quelconque sanction. Cette procédure ne vise pas à rechercher la culpabilité ou la responsabilité pénale ou disciplinaire de l’intéressé et n’implique pas d’accusations de cette nature.

204    Au contraire, la procédure d’évaluation aboutit à l’établissement d’un rapport d’évaluation. Comme il ressort du point 5 des lignes directrices de 2014, un rapport d’évaluation est un document interne qui a pour objet d’évaluer, de documenter et de reconnaître formellement la performance de l’intéressé. En tant que tel, un rapport d’évaluation n’est pas purement descriptif des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une évaluation des qualités relationnelles dont l’intéressé a fait preuve dans l’exercice de son activité professionnelle (arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 44). Ainsi, en vertu du point 2 des lignes directrices de 2014, un tel rapport évalue la performance de l’intéressé sur le fondement des trois critères, à savoir les responsabilités, les objectifs et les compétences.

205    Le point 2.3 des lignes directrices de 2014 précise que les compétences peuvent être de nature technique ou comportementale. Selon ce même point, les compétences de nature comportementale qui s’appliquent à l’ensemble des employés de la BEI sont au nombre de quatre. Il s’agit de l’engagement, du travail en équipe et de la communication, de la fiabilité et de l’intégrité. Ces compétences peuvent faire l’objet d’une appréciation négative dans un rapport d’évaluation en raison, notamment, des perturbations que l’intéressé cause dans son service. Pour étayer une telle appréciation, les évaluateurs peuvent, dans le rapport d’évaluation, faire référence à des incidents concrets. Ce faisant, au vu de l’objet du rapport d’évaluation rappelé au point 204 ci-dessus, les évaluateurs ne préjugent pas, en principe, de la qualification pénale ou disciplinaire de ces incidents et encore moins de la responsabilité pénale ou disciplinaire de l’intéressé.

206    Or, dans le rapport d’évaluation 2014, la BEI s’est contentée d’évaluer la performance du requérant sur le fondement des trois critères exposés au point 204 ci-dessus. La BEI a ainsi attribué au requérant la note C après avoir observé qu’il avait atteint les objectifs qui lui avaient été assignés et que sa performance était satisfaisante, mais que son comportement avait soulevé plusieurs difficultés sérieuses du fait de ses déficiences en matière de communication et de travail d’équipe. Pour étayer ces conclusions, la BEI a cité les quatre « incidents » décrits au point 41 ci-dessus, sans toutefois leur attribuer de qualification pénale ou disciplinaire. Tout au plus la BEI a-t-elle considéré que le comportement du requérant était « inacceptable » ou menaçant et intimidant.

207    La BEI a, certes, aussi estimé que l’un de ces incidents, à savoir celui relatif aux enquêtes privées que le requérant aurait menées concernant le projet de marché Y (quatrième incident), enfreignait le code de conduite du personnel de la BEI. Toutefois, une infraction à ce code de conduite n’étant pas nécessairement passible de sanction ni n’étant nécessairement susceptible de qualification ou de suites disciplinaires ou pénales, la BEI ne s’est pas, ce faisant, prononcée sur la culpabilité ou la responsabilité pénale ou disciplinaire du requérant.

208    Compte tenu de ce qui précède et, notamment, de la différence de finalité entre la procédure d’évaluation et la procédure d’enquête interne de l’OLAF, il y a lieu de conclure que la BEI a pu, sans violer le principe de la présomption d’innocence, faire référence dans le rapport d’évaluation 2014 aux quatre incidents décrits au point 41 ci-dessus, alors que ceux-ci auraient par ailleurs fait l’objet d’une enquête interne pendante de l’OLAF.

209    Aucun des arguments du requérant n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

210    En premier lieu, il convient de relever que le point 63 de l’arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a. (T‑261/09 P, EU:T:2010:215), n’est d’aucun secours pour le requérant. En effet, ce point porte non sur le principe de la présomption d’innocence, mais sur le caractère d’acte faisant grief d’une décision de transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales au titre de l’article 10, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF (JO 1999, L 136, p. 1).

211    Il est cependant vrai que, en examinant le caractère d’acte faisant grief d’une telle décision, le Tribunal a abordé une question relative à la légalité de la prise en compte de certaines informations afférentes à une enquête de l’OLAF dans le cadre de l’évaluation d’une fonctionnaire. Toutefois, cette question est fondamentalement différente de celle qui se pose en l’espèce. En effet, dans l’arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a. (T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 63), le Tribunal a considéré qu’une éventuelle prise en compte, lors de l’évaluation, du fait que certaines informations avaient été transmises aux autorités nationales constituerait une illégalité de nature à justifier l’annulation du rapport d’évolution de carrière. À l’inverse, dans la présente affaire, il n’est question que de la prise en compte, dans le rapport d’évaluation 2014, d’allégations qui faisaient par ailleurs l’objet d’une enquête interne de l’OLAF. Le rapport d’évaluation 2014 ne fait pas référence à une éventuelle transmission d’informations relatives à l’enquête de l’OLAF et ne mentionne même pas cette dernière.

212    En second lieu, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du courriel du 11 mars 2015 adressé à l’OLAF, dans lequel l’Inspection générale l’aurait clairement désigné comme coupable de chantage et de tentative de chantage. En effet, ce courriel s’inscrit dans le cadre de la saisine de l’OLAF. Or, comme il a été jugé aux points 202 à 208 ci-dessus, il s’agit là d’une procédure qui est distincte de la procédure d’évaluation et dont l’objet est différent de celui de la procédure d’évaluation.

213    Il y a donc lieu de conclure que le requérant est resté en défaut d’établir une violation du principe de la présomption d’innocence.

214    La troisième branche du premier moyen doit donc être rejetée.

c)      Sur la demande d’annulation des décisions consécutives au rapport d’évaluation 2014

215    Dans la requête, le requérant sollicite l’annulation des décisions consécutives au rapport d’évaluation 2014 et portant sur sa non-promotion, l’augmentation au mérite de son traitement de 1,20 % et l’octroi d’une prime. En réponse à une question orale posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant a indiqué que ces décisions ressortaient de son bulletin de rémunération pour le mois d’avril 2015.

216    À cet égard, il importe de souligner que, conformément à la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus, tout chef de conclusions doit être assorti de moyens et d’arguments permettant tant à la partie défenderesse qu’au juge de l’Union d’en apprécier le bien-fondé (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Roca Sanitario/Commission, T‑408/10, EU:T:2013:440, point 194).

217    Or, le requérant ne soulève aucun moyen ou argument autonome au soutien de son chef de conclusions tendant à l’annulation des décisions visées au point 215 ci-dessus. Il soutient, certes, que l’annulation du rapport d’évaluation 2014 devrait, par voie de conséquence, entraîner l’annulation de ces décisions, mais n’expose aucunement les motifs pour lesquels tel serait le cas. Interrogé à ce sujet lors de l’audience, le requérant s’est contenté d’indiquer, sans autre précision aucune ni référence aux règles de droit pertinentes, que lesdites décisions étaient fondées sur le rapport d’évaluation 2014 et étaient directement influencées par celui-ci.

218    Dans ces conditions, le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier le bien-fondé du chef de conclusions tendant à l’annulation des décisions visées au point 215 ci-dessus. Dès lors et sans préjudice des mesures que la BEI pourrait être tenue de prendre, au titre de l’article 266 TFUE, en conséquence de l’annulation du rapport d’évaluation 2014, il y a lieu de rejeter ce chef de conclusions comme étant irrecevable.

2.      Sur les conclusions en indemnité

219    Le requérant conclut à la condamnation de la BEI à réparer le préjudice moral qu’il aurait subi en conséquence de l’illégalité des décisions attaquées. Le requérant estime que ce préjudice ne saurait être réparé de manière adéquate et suffisante par la simple annulation des décisions attaquées. Le requérant évalue ledit préjudice à 150 000 euros.

220    En premier lieu, le requérant avance que la BEI ne peut nier les sentiments d’injustice et les tourments qu’il éprouve du fait qu’il a dû mener une procédure précontentieuse puis entamer une procédure contentieuse afin de voir ses droits reconnus. Ce préjudice pourrait être déduit du seul fait que la BEI a commis une illégalité.

221    En deuxième lieu, le requérant dit se trouver dans un état grave d’incertitude et d’inquiétude du fait de la nature des illégalités commises, à savoir la violation par la BEI des droits fondamentaux qu’il tire de l’article 41, paragraphes 2 et 3, et de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, ainsi que des circonstances dans lesquelles elles auraient été commises.

222    En troisième lieu, les « graves accusations » portées à l’encontre du requérant dans le rapport d’évaluation et au cours de la procédure d’évaluation auraient porté atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime personnelle et à sa renommée, annihilant ainsi toute possibilité pour lui de poursuivre une carrière au sein de la BEI.

223    La BEI rétorque que le requérant établit un lien étroit entre la demande indemnitaire et la demande en annulation du rapport d’évaluation 2014. Or, ce rapport d’évaluation n’étant entaché d’aucune illégalité, le rejet des conclusions en annulation devrait emporter celui des conclusions indemnitaires.

224    En tout état de cause, la BEI conteste le préjudice du requérant. Selon la BEI, l’attribution d’une note C au requérant et le refus de lui accorder une promotion ne sauraient être considérés comme portant atteinte à son honneur. Au demeurant, aucun sentiment « d’injustice et de frustration » ne pourrait résulter de l’introduction d’une procédure administrative puis d’une procédure contentieuse, puisque, d’une part, les deux procédures auraient été menées en parallèle et, d’autre part, la possibilité d’un double degré de recours ne saurait être considérée comme injuste.

225    Il y a lieu de rappeler que l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces conditions devant être cumulativement remplies, il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour que soit rejeté un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

226    Selon une jurisprudence constante applicable mutatis mutandis aux litiges entre la BEI et les membres de son personnel, le contentieux entre l’Union et ses agents, quel que soit le régime d’emploi appliqué à ces derniers, obéit à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. En effet, à la différence de tout autre particulier agissant au titre de ces dernières dispositions, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution ou à l’agence dont il dépend par une relation juridique d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations réciproques spécifiques, qui est reflété par le devoir de sollicitude de l’institution à l’égard de l’intéressé. Cet équilibre est essentiellement destiné à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs agents aux fins de garantir aux citoyens le bon accomplissement des missions d’intérêt général dévolues aux institutions. Il s’ensuit que, lorsque l’Union agit en tant qu’employeur, elle est soumise à une responsabilité accrue, qui se manifeste par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur (arrêts du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, EU:T:2010:531, point 46, et du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 103) et non uniquement, comme cela est le cas pour les recours introduits au titre de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour les seules violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

227    Dans le cadre de l’examen des conclusions en annulation, le Tribunal a constaté que, en adoptant le rapport d’évaluation 2014, la BEI avait méconnu le droit du requérant d’être entendu. La première condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, tenant à l’illégalité de l’acte en cause, est donc satisfaite en l’espèce.

228    Dans ces conditions, il convient d’examiner si le requérant est fondé à soutenir que la violation du droit d’être entendu dont le rapport d’évaluation 2014 est entaché lui a causé un préjudice moral. En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 220 à 222 ci-dessus, le requérant avance avoir subi un préjudice de trois ordres.

229    En premier lieu, il importe de souligner que le sentiment d’injustice et les tourments prétendument occasionnés par le fait que le requérant a dû mener une procédure précontentieuse puis contentieuse ne sauraient justifier l’octroi d’une indemnité. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère moral du dommage prétendument subi n’est pas susceptible de renverser la charge de la preuve quant à l’existence et à l’étendue du dommage qui incombe à la partie requérante. En effet, la responsabilité de l’Union n’est engagée que si la partie requérante est parvenue à démontrer la réalité de son préjudice (arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement, T‑457/13 P, EU:T:2015:240, point 49). Or, en l’espèce, le requérant n’apporte aucun élément de preuve tendant à établir la réalité du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait qu’il a dû mener une procédure précontentieuse puis contentieuse pour voir ses droits reconnus.

230    En deuxième lieu, il convient d’observer que le requérant est resté en défaut d’étayer ses allégations selon lesquelles il s’est trouvé dans un état grave d’incertitude et d’inquiétude du fait de la nature des illégalités dont le rapport d’évaluation 2014 serait entaché et des circonstances dans lesquelles elles auraient été commises.

231    En troisième lieu, le requérant se prévaut d’un préjudice tenant à une atteinte à son honneur, à sa dignité, à son estime personnelle et à sa renommée. À cet égard, il convient d’emblée de constater que le requérant n’établit ni même n’allègue que le rapport d’évaluation 2014 a fait l’objet d’une quelconque publicité ou que des personnes autres que celles qui sont appelées à en avoir connaissance du fait de leurs fonctions ont pu prendre connaissance de sa teneur. Le requérant n’est donc pas fondé à invoquer une atteinte à sa renommée. Cela étant précisé, il convient d’observer que le rapport d’évaluation 2014 comporte plusieurs appréciations explicitement négatives de son comportement. En effet, comme il ressort des points 38 à 41 ci-dessus, ce rapport fait, notamment, état des difficultés ou déficiences sérieuses du requérant en matière de communication et de travail d’équipe ainsi que des répercussions négatives que son « comportement inacceptable » aurait eu sur ses relations avec sa hiérarchie et sur l’atmosphère de travail au sein de son secteur. Ces appréciations s’appuient largement sur des allégations au sujet desquelles le requérant n’a pas pu utilement s’exprimer, dont celles relatives à la divulgation d’informations confidentielles à la société X et à des menaces de violence physique. Lesdites appréciations s’appuient également sur les allégations de pressions déraisonnables du requérant, au soutien desquelles la BEI cite plusieurs communications ou déclarations menaçantes ou intimidantes du requérant au sujet desquelles celui-ci n’a pas été entendu. À l’instar des appréciations qu’elles accompagnent, ces allégations tendent à remettre en cause l’intégrité et le professionnalisme du requérant et peuvent, en tant que telles, être perçues comme étant, à tout le moins, blessantes. Or, comme il a été jugé aux points 182 à 186 ci-dessus, lesdites appréciations et allégations auraient pu ne pas figurer dans le rapport d’évaluation 2014 si le requérant avait été utilement entendu.

232    Il s’ensuit que le requérant a établi avoir subi un préjudice moral en raison de l’atteinte à l’honneur, à la dignité et à l’estime personnelle qu’il a subie du fait de l’illégalité dont le rapport d’évaluation 2014 est entaché.

233    Il convient, cependant, de rappeler que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel ne saurait, toutefois, être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant cette annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette dernière (arrêts du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 64, et du 14 septembre 2017, Bodson e.a./BEI, T‑504/16 et T‑505/16, EU:T:2017:603, point 77). Il peut notamment en être ainsi lorsque l’acte entaché d’illégalité comporte une appréciation explicitement négative des capacités ou du comportement de l’intéressé susceptible de le blesser (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 et 28, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, points 205 et 206).

234    Or, comme il ressort du point 231 ci-dessus, le rapport d’évaluation 2014 comporte des appréciations du comportement du requérant qui sont explicitement négatives et susceptibles de le blesser. Il s’ensuit que la seule annulation du rapport d’évaluation 2014 ne saurait constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral résultant de la violation du droit d’être entendu dont ce rapport est entaché.

235    Par conséquent, le requérant est fondé à demander l’indemnisation du préjudice moral tenant à une atteinte à son honneur, à sa dignité et à son estime personnelle. Évaluant ce préjudice ex æquo et bono, le Tribunal estime que, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant de condamner la BEI au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 2 000 euros.

236    Dans ces conditions, il convient de statuer sur la demande du requérant tendant à ce que l’indemnisation obtenue soit, le cas échéant, augmentée d’intérêts. Le Tribunal estime qu’il convient de faire droit à cette demande et d’augmenter les montants octroyés d’intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points. En l’absence d’indication de la date à partir de laquelle ces intérêts devraient courir, il convient de retenir à cet égard la date du prononcé du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 67 et jurisprudence citée).

IV.    Sur les dépens

237    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

238    La BEI a succombé pour l’essentiel de ses conclusions et le requérant a conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Dès lors, il y a lieu de condamner la BEI aux dépens, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande du requérant tendant, en substance, à ce que le Tribunal constate qu’il n’était pas justifié que la BEI fasse appel à des avocats externes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rapport d’évaluation de PT pour l’exercice d’évaluation 2014 est annulé.

2)      La Banque européenne d’investissement (BEI) est condamnée à verser à PT, au titre du préjudice moral subi, un montant de 2 000 euros augmenté d’intérêts moratoires, à compter de la date du prononcé du présent arrêt, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.






4)      La BEI est condamnée aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

1. Sur la première fin de non-recevoir, tirée du non-achèvement des procédures administratives de conciliation et de recours

2. Sur la seconde fin de non-recevoir, tirée du caractère inintelligible du recours

B. Sur le fond

1. Sur les conclusions en annulation

a) Sur la portée des conclusions en annulation

b) Sur la demande d’annulation du rapport d’évaluation 2014

1) Sur la première branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance des droits de la défense du requérant

i) Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la réplique, de la prise de position du requérant sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal

– Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la réplique

– Sur la recevabilité des preuves produites au soutien de la première branche du premier moyen dans le cadre de la prise de position du requérant sur la tenue d’une audience et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal

ii) Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

2) Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de la présomption d’innocence

i) Sur la recevabilité de l’annexe AA.5

ii) Sur le bien-fondé de la troisième branche du premier moyen

c) Sur la demande d’annulation des décisions consécutives au rapport d’évaluation 2014

2. Sur les conclusions en indemnité

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le suédois.