ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
9 juin 1998 (1)
«Fonctionnaires Pension Coefficient correcteur Changement de capitale
Rétroactivité Règlement (CECA, CE, Euratom) n° 3161/94 Recours en
annulation Recevabilité Acte faisant grief»
Dans l'affaire T-173/95,
Erich Biedermann, Walter Hedderich et Alfred Wienrich, anciens fonctionnaires
de la Cour des comptes, demeurant respectivement à Holzkirchen, à Dreieich et
à Karlsruhe (Allemagne), représentés par Mes Georges Vandersanden et Laure
Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de
la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. Jean-Marie Stenier, Jan Inghelram et Paolo Giusta, membres du service juridique, en
qualité d'agents, ayant élu domicile au siège de la Cour des comptes, 12, rue Alcide
de Gasperi, Kirchberg,
soutenue par
Conseil de l'Union européenne, représenté initialement par MM. Yves Cretien,
conseiller juridique, Antonio Lucidi et Diego Canga Fano, membres du service
juridique, puis uniquement par MM. Lucidi et Canga Fano, en qualité d'agents,
ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur
général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne
d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,
République fédérale d'Allemagne, représentée par Mme Sabine Maass et MM. Ernst
Röder et Bernd Kloke, en qualité d'agents, ministère fédéral de l'Économie, Bonn
(Allemagne),
et
Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. Marc Fierstra et Johannes van den
Oosterkamp, conseillers juridiques, en qualité d'agents, ayant élu domicile à
Luxembourg auprès de l'ambassade des Pays-Bas, 5, rue C.-M. Spoo,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des bulletins de pension
des requérants du mois de décembre 1994, dans la mesure où ces bulletins
consacrent l'application du règlement (CECA, CE, Euratom) n° 3161/94 du Conseil,
du 19 décembre 1994, adaptant, à partir du 1er juillet 1994, les rémunérations et les
pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi
que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions
(JO L 335, p. 1), ainsi que, d'autre part, une demande de rétablissement des
requérants dans l'intégralité de leurs droits à pension, affectés, à compter du 3
octobre 1990 pour les requérants Hedderich et Wienrich, et du 1er janvier 1991
pour le requérant Biedermann, d'un coefficient correcteur fixé par référence au
coût de la vie à Berlin, outre une demande de paiement d'intérêts de retard au
taux de 10 % l'an,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët et A. Potocki, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 septembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Les requérants sont des fonctionnaires à la retraite de la Cour des comptes,
demeurant en Allemagne.
- 2.
- En application de l'article 82, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut des
fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), les pensions
d'ancienneté sont affectées d'un coefficient correcteur fixé pour le pays où le
titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.
- 3.
- En vertu de l'annexe XI du statut, les coefficients correcteurs nationaux sont établis
sur la base du coût de la vie dans la capitale de chaque État membre.
- 4.
- Par ailleurs, l'article 3, paragraphe 1, de cette annexe XI du statut dispose:
«Avec effet au 1er juillet et conformément à l'article 65, paragraphe 3, du statut,
le Conseil décide avant la fin de chaque année de l'adaptation des rémunérations
proposée par la Commission [...]»
- 5.
- A la suite de la réunification de l'Allemagne, Berlin est devenue, en octobre 1990,
la capitale de cet État membre.
- 6.
- Dans ses arrêts du 27 octobre 1994, Benzler/Commission (T-536/93, RecFP
p. II-777, ci-après «arrêt Benzler»), et Chavane de Dalmassy e.a./Commission (T-64/92, RecFP p. II-723, ci-après «arrêt Chavane»), le Tribunal a déclaré illégaux,
pour autant qu'ils fixaient un coefficient correcteur provisoire pour l'Allemagne sur
la base du coût de la vie à Bonn, d'une part, l'article 6, paragraphe 2, du règlement
(CEE, Euratom, CECA) n° 3761/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, adaptant,
à compter du 1er juillet 1992, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires
et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients
correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 383, p. 1), et,
d'autre part, l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CECA, CEE, Euratom)
n° 3834/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, adaptant à compter du 1er juillet
1991 les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des
Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées
ces rémunérations et pensions (JO L 361, p. 13, rectificatif publié au JO 1992, L 10,
p. 56). Il a estimé que ces articles violaient le principe résultant de l'annexe XI du
statut, selon lequel le coefficient correcteur d'un État membre doit être fixé par
référence au coût de la vie dans la capitale, dès lors que Berlin était devenue la
capitale de l'Allemagne depuis le 3 octobre 1990. Il a en conséquence annulé un
bulletin de pension et des bulletins de rémunération établis sur la base de ces
règlements.
- 7.
- Après le prononcé de ces arrêts, la Commission a introduit deux propositions de
règlement auprès du Conseil, au cours du mois de décembre 1994. La première
proposition portait sur l'adaptation annuelle des rémunérations prévue à l'annexe
XI du statut [SEC(94) 2024 final], la seconde [SEC(94) 2085 final] portait
modification d'une proposition du 10 septembre 1991 [SEC(91) 1612 final] visant
à remplacer rétroactivement les coefficients correcteurs provisoires pour
l'Allemagne en vigueur depuis 1990 (ci-après «seconde proposition modifiée»).
- 8.
- Le Conseil n'a pas, à ce jour, adopté de règlement modifiant, avec effet rétroactif
au mois d'octobre 1990, le coefficient correcteur pour l'Allemagne sur la base de
la seconde proposition modifiée.
- 9.
- Le 19 décembre 1994, le Conseil a adopté le règlement (CECA, CE, Euratom)
n° 3161/94, adaptant, à partir du 1er juillet 1994, les rémunérations et les pensions
des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les
coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions
(JO L 335, p. 1, ci-après «règlement n° 3161/94»). L'article 6, paragraphe 1, de ce
règlement prévoit, avec effet au 1er juillet 1994, un coefficient correcteur pour
l'Allemagne fondé sur le coût de la vie à Berlin, ainsi que la création de coefficients
correcteurs spécifiques pour Bonn, Karlsruhe et Munich.
- 10.
- Lors de l'établissement des bulletins de pension récapitulatifs des requérants de
décembre 1994, relatifs à la période du 1er juillet 1994 au 31 décembre 1994, la
Cour des comptes a appliqué le règlement n° 3161/94.
- 11.
- Ces bulletins ont été notifiés aux requérants entre le 30 décembre 1994 et le 1er
février 1995.
- 12.
- Les requérants, estimant que la défenderesse aurait dû appliquer à ces bulletins le
coefficient correcteur pour Berlin avec effet rétroactif au 3 octobre 1990, au lieu
du 1er juillet 1994, ont introduit des réclamations contre lesdits bulletins entre le 26
mars 1995 et le 5 avril 1995. Ces réclamations ont fait l'objet de décisions explicites
de rejet le 18 juillet 1995.
Procédure
- 13.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 1995, les requérants
ont introduit le présent recours.
- 14.
- La République fédérale d'Allemagne, le royaume des Pays-Bas et le Conseil ont
demandé à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse. Ces
demandes ont été admises par ordonnances du président de la troisième chambre
du Tribunal du 21 novembre 1995 et du 16 avril 1996.
- 15.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre
des mesures d'organisation de la procédure, prévues à l'article 64 du règlement de
procédure, les parties ont été invitées à répondre à certaines questions et à
produire certains documents avant l'audience.
- 16.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions orales du Tribunal lors de l'audience publique du 18 septembre 1997.
Conclusions des parties
- 17.
- Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler les bulletins de pension du mois de décembre 1994, dans lesquels
il est fait application du règlement n° 3161/94, dans la mesure où ce
règlement ne fixe un coefficient correcteur pour l'Allemagne sur la base du
coût de la vie dans sa capitale Berlin qu'à partir du 1er juillet 1994 et non
du 3 octobre 1990, pour les requérants Hedderich et Wienrich, ou du 1er
janvier 1991, pour le requérant Biedermann;
rétablir les requérants dans l'intégralité de leurs droits à pension, affectés,
à compter du 3 octobre 1990 pour les requérants Hedderich et Wienrich,
et du 1er janvier 1991 pour le requérant Biedermann, d'un coefficient
correcteur fixé sur la base du coût de la vie à Berlin;
condamner la défenderesse au paiement d'intérêts de retard sur les arriérés
de pension relatifs aux périodes concernées, calculés au taux de 10 % l'an;
condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.
- 18.
- La Cour des comptes, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable ou, subsidiairement, comme non
fondé;
statuer sur les dépens comme de droit.
- 19.
- Le Conseil, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable ou, subsidiairement, comme non
fondé;
condamner les requérants aux dépens de l'instance.
- 20.
- Les gouvernements néerlandais et allemand, parties intervenantes, appuient les
conclusions de la Cour des comptes.
En droit
- 21.
- Au soutien de leur recours, les requérants soulèvent deux moyens au fond. Le
premier, qui se subdivise en trois branches, s'appuie sur une exception d'illégalité
du règlement n° 3161/94 sur lequel les bulletins attaqués sont fondés. Le second est
tiré d'une violation du devoir de sollicitude et d'assistance.
- 22.
- La Cour des comptes invoque d'abord l'irrecevabilité du recours.
Sur la recevabilité
Moyens et arguments des parties
- 23.
- La défenderesse, soutenue par les parties intervenantes, estime que le recours est
irrecevable.
- 24.
- Les requérants contesteraient en réalité la liquidation de leurs droits relatifs à la
période allant du 3 octobre 1990 au 30 juin 1994, alors que les bulletins de pension
relatifs à ces droits seraient devenus définitifs, les délais de recours ayant expiré.
- 25.
- Les bulletins de pension de décembre 1994 ne pourraient constituer les premiers
bulletins à fixer, de manière définitive, les pensions entre le 3 octobre 1990 et le
1er juillet 1994, dans la mesure où ils ne contiennent aucune décision concernant
les droits relatifs à cette période. La défenderesse estime que, dans l'hypothèse où
les bulletins contiendraient une décision les affectant, ils devraient être considérés
comme des actes confirmatifs ne contenant aucun élément nouveau par rapport aux
bulletins précédents (arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission,
23/80, Rec. p. 3709, point 18). Les requérants attaqueraient donc des actes ne leur
faisant pas grief.
- 26.
- Les demandes de paiement d'intérêts de retard devraient également être rejetées
en raison du lien étroit existant entre elles et les recours en annulation des bulletins
de pension du mois de décembre 1994 (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991,
Marcato/Commission, T-5/90, Rec. p. II-731, point 49).
- 27.
- Les requérants soutiennent que leur recours a été introduit dans les délais prévus
par les articles 90 et 91 du statut et que les bulletins attaqués, relatifs à la période
du 1er juillet 1994 au 31 décembre 1994, sont des actes faisant grief, puisqu'ils
portent première application du règlement n° 3161/94, lequel ne rétroagit qu'au 1er
juillet 1994 et prive ainsi les requérants des arriérés relatifs à la période allant du
3 octobre 1990 au 30 juin 1994.
- 28.
- Leur recours serait à juste titre dirigé contre les bulletins relatifs au mois de
décembre 1994, les bulletins fondés sur les règlements antérieurs étant des actes
provisoires qui ne pouvaient donner lieu à une procédure contentieuse. Le
caractère provisoire des coefficients correcteurs fixés dans ces règlements aurait été
souligné dans les réponses du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal
dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Chavane et Benzler.
- 29.
- Le règlement n° 3161/94, premier règlement à fixer de façon définitive un
coefficient correcteur général pour l'Allemagne, par référence au coût de la vie à
Berlin, aurait transformé la situation jusque-là provisoire en une situation
définitive. Ce n'est qu'au moment de l'adoption de ce règlement que les requérants
auraient pu réaliser qu'une fixation rétroactive, au mois d'octobre 1990, du
coefficient correcteur n'aurait plus lieu.
- 30.
- Les arrêts Chavane et Benzler n'auraient pas de répercussions sur la recevabilité
du présent recours, puisque rien n'aurait permis aux requérants, avant le prononcé
de ces arrêts, de douter du caractère provisoire de leurs bulletins de pension. Toute
interprétation différente de ces arrêts serait contraire au principe de sécurité
juridique énoncé dans l'arrêt de la Cour du 15 décembre 1982, Roumengous
Carpentier/Commission (158/79, Rec. p. 4379, points 13 et 14).
- 31.
- Le fait que la Commission a introduit auprès du Conseil deux propositions fixant
un coefficient correcteur pour l'Allemagne par référence au coût de la vie à Berlin,
l'une portant sur la période allant du 1er octobre 1990 au 30 juin 1994, l'autre sur
la période ayant pour point de départ le 1er juillet 1994, serait sans conséquence sur
l'appréciation de la recevabilité du présent recours, dès lors que le règlement
n° 3161/94 constituerait le seul règlement pouvant être mis en cause par eux.
- 32.
- Déclarer le recours irrecevable aurait pour conséquence que les requérants ne
pourraient jamais contester devant le juge communautaire l'absence de rétroactivité
plus étendue des coefficients correcteurs, dès lors qu'ils ne seraient pas recevables
à introduire un recours en carence en cas d'inaction législative du Conseil.
- 33.
- Puisque la seconde proposition modifiée de la Commission avait comme base
juridique les articles 64 et 82 du statut et que le règlement n° 3161/94 a été fondé
également sur ces articles, le législateur communautaire aurait dû prendre en
considération cette seconde proposition lors de l'adoption dudit règlement.
- 34.
- Enfin, la recevabilité du recours en annulation emporterait la recevabilité de la
demande de paiement d'intérêts de retard, puisque ces recours seraient étroitement
liés.
- 35.
- Le Conseil affirme, quant à lui, que les requérants attaquent des actes ne leur
faisant pas grief pour pouvoir mettre en cause des actes qui pourraient leur avoir
fait grief dans le passé, mais pour lesquels les délais de recours ont expiré, ce qui
constituerait un détournement de procédure (conclusions de l'avocat général M.
Fennelly sous l'arrêt de la Cour du 7 mars 1996, Commission/France, C-334/94,
Rec. p. I-1307, I-1310, point 12).
Appréciation du Tribunal
Sur les chefs de conclusions visant au rétablissement des requérants dans
l'intégralité de leurs droits à pension et au paiement d'intérêts de retard
- 36.
- Dans le cadre d'un recours introduit au titre de l'article 91 du statut, il n'incombe
pas au Tribunal de faire des déclarations de principe ou d'adresser des injonctions
aux institutions communautaires. D'une part, le juge communautaire est
manifestement incompétent pour adresser des injonctions aux institutions
communautaires. D'autre part, en cas d'annulation d'un acte, l'institution concernée
est tenue, en vertu de l'article 176 du traité CE, de prendre les mesures que
comporte l'exécution de l'arrêt (voir arrêts du Tribunal du 9 juin 1994,
X/Commission, T-94/92, RecFP p. II-481, point 33, et du 8 juin 1995,
P/Commission, T-583/93, RecFP p. II-433, point 17).
- 37.
- Par conséquent, doit être déclaré irrecevable le chef de conclusions tendant à ce
que le Tribunal rétablisse les requérants dans l'intégralité de leurs droits à pension,
affectés, à compter du 3 octobre 1990 pour les requérants Hedderich et Wienrich,
et du 1er janvier 1991 pour le requérant Biedermann, d'un coefficient correcteur
fixé par référence au coût de la vie à Berlin.
- 38.
- Dans la mesure où le chef de conclusions relatif au paiement d'intérêts de retard
est étroitement lié au précédent chef de conclusions, il doit, comme celui-ci, être
déclaré irrecevable.
Sur le chef de conclusions visant à l'annulation des bulletins de pension du mois
de décembre 1994
- 39.
- Il ressort de la jurisprudence qu'une réclamation administrative et le recours
judiciaire qui en découle doivent tous deux être dirigés contre un «acte faisant
grief» au requérant au sens des articles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du
statut, l'acte faisant grief étant celui qui affecte directement et immédiatement la
situation juridique de l'intéressé (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour
des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6, et ordonnance du Tribunal du 7 juin
1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 35).
- 40.
- En l'espèce, les requérants soutiennent que leurs bulletins de pension du mois de
décembre 1994, relatifs à la période du 1er juillet 1994 au 31 décembre 1994,
constituent des actes faisant grief, dans la mesure où ils portent première
application du règlement n° 3161/94, lequel, ne rétroagissant qu'au 1er juillet 1994,
les priverait ainsi des arriérés relatifs à la période allant du 3 octobre 1990 au 30
juin 1994.
- 41.
- Cependant, il doit être constaté que les bulletins attaqués ne contiennent aucune
décision, même implicite, concernant les droits à pension relatifs à cette période.
En effet, le règlement n° 3161/94, sur lequel ces bulletins sont fondés, a été adopté
sur la base de la seule proposition de règlement de la Commission relative à la
période postérieure au 30 juin 1994. Il n'incorpore nullement la seconde
proposition modifiée de la Commission, quelle qu'ait été la date précise à laquelle
le Conseil a été saisi de cette dernière proposition. D'ailleurs, il ressort d'une lettre
du secrétaire général du Conseil du 25 janvier 1995, relative, notamment, à la
seconde proposition modifiée, que la question de la rétroactivité du coefficient
correcteur fixé par référence au coût de la vie à Berlin pour la période allant de
1990 à 1994 était toujours en cours de discussion au sein des instances du Conseil
après l'adoption du règlement n° 3161/94.
- 42.
- Il convient d'ajouter que les requérants n'ont pas avancé le moindre élément
démontrant que le Conseil avait l'obligation de prendre position dans le cadre
même du règlement n° 3161/94 sur l'application, à la période allant du mois
d'octobre 1990 au 30 juin 1994, d'un coefficient correcteur fondé sur le coût de la
vie à Berlin. En particulier, la seule circonstance que la seconde proposition
modifiée de la Commission était fondée, tout comme le règlement n° 3161/94, sur
les articles 64 et 82 du statut, n'emportait pas une telle obligation à la charge du
Conseil. Dès lors, le règlement n° 3161/94 ne peut être considéré comme contenant
une prise de position consistant en un rejet implicite de la seconde proposition
modifiée de la Commission. En effet, à la date d'adoption de ce règlement, rien
n'empêchait le Conseil d'adopter ultérieurement le règlement souhaité par les
requérants.
- 43.
- Dans ces conditions l'argumentation de ceux-ci relative au caractère provisoire des
règlements antérieurs au règlement n° 3161/94 et, en conséquence, des bulletins de
pension fondés sur ceux-ci est inopérante.
- 44.
- Enfin, il y a lieu de rejeter également l'argument des requérants relatif à une
impossibilité d'introduire un recours en carence en cas d'inaction législative du
Conseil. En effet, il ne saurait être substitué à un éventuel recours en carence un
recours en annulation dirigé contre un acte effectivement adopté, dès lors que ce
dernier ne devait pas obligatoirement disposer sur la question litigieuse.
- 45.
- Il s'ensuit que les requérants ont attaqué des bulletins de pension qui ne leur font
pas grief, lesdits bulletins n'emportant pas prise de position sur la question de
l'application rétroactive, à compter du mois d'octobre 1990, du coefficient
correcteur fixé par référence au coût de la vie à Berlin.
- 46.
- Par suite, les conclusions en annulation doivent être déclarées irrecevables.
- 47.
- Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que le recours doit être
intégralement rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
- 48.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon
l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs
agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En
l'espèce, les parties requérantes et défenderesse supporteront donc chacune leurs
propres dépens.
- 49.
- Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil,
la République fédérale d'Allemagne et le royaume des Pays-Bas, parties
intervenantes, supporteront leurs dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
B. Vesterdorf