Language of document : ECLI:EU:T:2014:936

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

4 novembre 2014 (*)

« Demande d’intervention – Intérêt à la solution du litige – Actionnaire du bénéficiaire d’une aide d’État »

Dans l’affaire T‑167/13,

Comune di Milano (Italie), représentée par Mes S. Grassani et A. Franchi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2012) 9448 final de la Commission, du 19 décembre 2012, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA S.p.A. en faveur de SEA Handling S.p.A. – aide d’État SA.21420 [(C 14/2010) (ex NN 25/2010) (ex CP 175/2006)],

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2013, la Comune di Milano a introduit un recours visant à l’annulation de la décision C(2012) 9448 final de la Commission, du 19 décembre 2012, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA S.p.A. en faveur de SEA Handling S.p.A. – aide d’État SA.21420 [(C 14/2010) (ex NN 25/2010) (ex CP 175/2006)] (ci-après la « décision attaquée »).

2        Dans la décision attaquée, la Commission a jugé que les augmentations de capital effectuées par SEA SpA (ci-après « SEA ») en faveur de sa filiale SEA Handling SpA (ci-après « SEA Handling »), pour chacun des exercices de la période 2002‑2010, constituaient des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE. La Commission a considéré que ces augmentations de capital étaient imputables aux autorités italiennes et, plus précisément, à la Comune di Milano (municipalité de Milan) du fait que cette dernière a exercé son contrôle sur SEA à cet égard. Estimant que ces aides, octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, étaient incompatibles avec le marché intérieur, la Commission en a ordonné la récupération.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2013, F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA (ci-après « F2i ») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

4        Cette demande a été signifiée à la requérante et à la Commission, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure à l’encontre de la demande d’annulation.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2013, la requérante n’a soulevé aucune objection à l’encontre de l’intervention par F2i.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2013, la Commission a conclu au rejet de l’intervention par F2i et demandé que F2i soit condamnée aux dépens.

8        Par ordonnance du 9 septembre 2014, le Tribunal a joint l’exception d’irrecevabilité au fond, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure.

 En droit

9        F2i prétend avoir un intérêt certain, direct et actuel à la solution du présent litige, dès lors qu’elle détient, au nom et pour le compte des fonds gérés par elle, 44,31 % du capital de SEA qui, à son tour, possède la totalité du capital de SEA Handling. F2i considère que si le Tribunal confirmait la décision attaquée, les activités commerciales de SEA Handling d’assistance aux escales dans les aéroports de Milan Malpensa et Linate ainsi que, plus globalement, sa stabilité financière seraient définitivement compromises. SEA Handling ne serait pas en mesure de rembourser l’intégralité de l’aide et tomberait dès lors en faillite en cas de confirmation de la décision attaquée par le Tribunal. Les conséquences du maintien de la décision attaquée « toucheraient directement SEA » en ce que, premièrement, la faillite de SEA Handling provoquerait l’interruption de ses services d’assistance en escale qui sont essentiels pour les compagnies aériennes utilisant les aéroports de Milan Malpensa et Linate, et, deuxièmement, la valeur des actions de SEA dans SEA Handling (qui représentent 100 % du capital de cette dernière) serait réduite à zéro. Ces circonstances se répercuteraient de manière immédiate et directe sur les actionnaires de SEA, dont F2i détient 44,31 % des actions, en termes de réduction de valeur de l’investissement et de perte de flux de dividendes.

10      La Commission conteste que F2i justifie d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle fait falloir que F2i en tant qu’actionnaire indirect du bénéficiaire de l’aide en question, à savoir SEA Handling, n’a, en l’espèce, qu’un intérêt indirect et potentiel à la solution du litige. Les intérêts de F2i seraient les mêmes que ceux de SEA et SEA Handling, et se trouveraient déjà représentés devant le Tribunal.

11      Selon l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’applique à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce même statut, le droit d’intervenir dans un litige soumis au Tribunal appartient à toute personne justifiant d’un intérêt à la solution du litige.

12      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’intérêt à la solution d’un litige doit se définir au regard de l’objet même du litige et comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes que la partie intervenante entend soutenir, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt mettant fin à l’instance. Ainsi, dans le cadre d’un recours en annulation, il convient notamment de vérifier si la partie intervenante est touchée directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain [voir, en ce sens, ordonnances du 6 mars 2003, Ramondín et Ramondín Cápsulas/Commission, C‑186/02 P, Rec, EU:C:2003:141, point 7 ; du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post et Commission, C‑130/06 P (I), EU:C:2006:248, point 5 ; et du 28 novembre 2005, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2005:427, point 44].

13      En l’espèce, il est, certes, constant que, au moment de l’introduction par la requérante de la requête introductive d’instance, F2i et la requérante possédaient respectivement 44,31 % et 54,81 % des actions de SEA qui, à son tour, détenait l’intégralité du capital de SEA Handling, la société ayant été qualifiée bénéficiaire d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur dans la décision attaquée.

14      Cependant, il convient de relever que le fait de détenir une participation, même significative, dans le capital d’une entreprise qui a été considérée comme bénéficiaire d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur dans l’acte attaqué et qui est donc touchée directement par cet acte ne permet pas, en soi, de caractériser l’existence d’un intérêt à la solution de ce litige (voir, en ce sens, ordonnances du 29 octobre 2004, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, EU:T:2004:322, point 71, et du 2 mars 2011, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09 R, EU:T:2011:63, point 15).

15      Il convient, en effet, de distinguer les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée de ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (voir ordonnance An Post/Deutsche Post et Commission, point 12 supra, EU:C:2006:248, point 9 et jurisprudence citée).

16      Partant, une demande d’intervention présentée par un actionnaire d’une entreprise qui a été considérée comme étant bénéficiaire d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur dans l’acte attaqué ne peut être accueillie que dans la mesure où les intérêts à la solution du litige invoqués par cet actionnaire se distinguent de ceux de cette entreprise. En effet, le déroulement d’une procédure ayant pour objet une requête en annulation contre une décision imposant une charge financière à une telle entreprise risquerait de se voir alourdi et étendu de manière considérable si tous les actionnaires d’une telle entreprise détenaient un droit autonome d’intervention sans avoir établi un intérêt spécifique au regard de l’objet du litige de nature à justifier leur propre intervention (voir, en ce sens, ordonnance 1. garantovaná/Commission, point 14 supra, EU:T:2011:63, points 17 et 18 et jurisprudence citée).

17      En outre, il serait contraire aux exigences d’économie de la procédure de permettre aux actionnaires d’une telle entreprise d’intervenir sans faire valoir un intérêt particulier à la solution du litige (voir, en ce sens, ordonnances du 19 novembre 2008, UPC France/Commission, T‑367/05, EU:T:2008:509, point 15 ; 1. garantovaná/Commission, point 14 supra, EU:T:2011:63, point 18 ; et du 27 mars 2012, Ellinikos Chrysos/Commission, T‑262/11, EU:T:2012:160, point 14).

18      En l’espèce, force est de constater que les intérêts invoqués par F2i en tant qu’actionnaire indirect de SEA Handling concernent la stabilité financière de cette dernière. F2i considère que, dans l’éventualité où le Tribunal serait amené à confirmer, à l’issue du présent litige, la validité de la décision attaquée et ainsi la validité de l’obligation de récupération qui y est établie, SEA Handling tomberait en faillite et il pourrait s’avérer nécessaire de la liquider. Ainsi, la valeur des actions de SEA Handling que F2i possède au travers de sa participation dans SEA serait réduite à zéro.

19      Or, ce risque pour la stabilité financière de SEA Handling ne constitue pas, par rapport aux intérêts propres de SEA Handling de sauvegarder sa stabilité financière, un intérêt spécifique propre à F2i. Ses intérêts en tant qu’actionnaire indirect de SEA Handling qui ont trait à la stabilité financière de cette dernière sont largement identiques à ceux de SEA Handling elle-même. Dans de telles circonstances, son admission en tant qu’actionnaire indirect de SEA Handling à intervenir dans le présent litige alourdirait et étendrait de manière considérable le déroulement de la procédure.

20      Il s’ensuit que, pour autant que F2i invoque un intérêt à la solution du litige en tant qu’actionnaire de SEA Handling, sa demande d’intervention au soutien des conclusions de SEA Handling doit être rejetée.

 Sur les dépens

21      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de F2i, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande d’intervention.

22      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. F2i ayant succombé en sa demande, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission afférents à sa demande, conformément aux conclusions de la Commission. À défaut de conclusions de la requérante sur les dépens, il y a lieu d’ordonner qu’elle supporte ses propres dépens occasionnés par la demande d’intervention de F2i.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention de F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA est rejetée.

2)      F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne afférents à sa demande d’intervention.

3)      Comune di Milano supportera ses propres dépens afférents à la demande d’intervention de F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA.

Fait à Luxembourg, le 4 novembre 2014.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Prek


* Langue de procédure : l’italien.