Language of document : ECLI:EU:T:2014:257

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 mai 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative BIG PAD – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑567/13,

Sharp KK, établie à Osaka (Japon), représentée par Mes G. Macias Bonilla, G. Marín Raigal, P. López Ronda et E. Armero, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. Ó. Mondéjar Ortuño, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 5 août 2013 (affaire R 2131/2012-2), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif BIG PAD comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2014,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 16 mai 2012, la requérante, Sharp KK, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :


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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tableaux blancs intégrés ; tableaux blancs interactifs ; tableaux blancs intégrés à panneau tactile ; tableaux blancs interactifs à panneau tactile ; écrans à affichage à cristaux liquides ; écrans à affichage à cristaux liquides avec pavé tactile ; écrans à affichage à cristaux liquides pour système de vidéoconférence ».

4        Par décision du 18 septembre 2012, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de la marque BIG PAD pour tous les produits en cause, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, au motif qu’elle était descriptive et qu’elle était dépourvue de caractère distinctif.

5        Le 16 novembre 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 5 août 2013, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a conclu que la marque demandée BIG PAD était descriptive des produits en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, et elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le motif de refus fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la deuxième chambre de l’OHMI du 5 août 2013 ;

–        déclarer que la marque demandée n’est pas descriptive et possède un degré suffisant de caractère distinctif pour les produits en cause relevant de la classe 9 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

10      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

11      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante, par son deuxième chef de conclusions, vise à obtenir du Tribunal un jugement déclaratoire. Or, il résulte de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci [voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2010, Actega Terra/OHMI (TERRAEFFEKT matt & gloss), T‑118/08, non publié au Recueil, point 10, et la jurisprudence citée], de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs ou déclaratoires.

12      Par conséquent, le deuxième chef de conclusions de la requérante doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

14      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Elle soutient que le signe BIG PAD n’est pas descriptif, mais doit être considéré comme étant seulement suggestif par rapport aux produits en cause, évoquant quelque chose de grande taille. La marque demandée n’indiquerait pas immédiatement au consommateur les produits qu’elle désigne et ne transmettrait aucune information à leur sujet.

15      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

16      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39, et arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, Radio Regenbogen Hörfunk in Baden/OHMI (RadioCom), T‑254/06, non publié au Recueil, point 28].

17      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services concernés un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et de services concernés ou d’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 25, et RadioCom, point 16 supra, point 29].

18      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la perception d’un public ciblé, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 38, et RadioCom, point 16 supra, point 33].

19      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les produits en cause étaient des produits de grande consommation et des produits spécialisés, destinés au consommateur moyen ou à un public professionnel. Elle a correctement indiqué que, le signe BIG PAD étant composé de mots anglais, le public pertinent était le public anglophone. Ces constats ne sont pas contestés par la requérante.

20      La chambre de recours a relevé que l’expression « big pad » était composée de la juxtaposition du mot « big » signifiant « grand par la taille ou par la quantité » et du mot « pad » signifiant « ordinateur tablette de type iPad ». Elle a estimé que, considérée globalement, l’expression « big pad » signifiait, dans le domaine visé par la marque demandée, « de grands tableaux ou de grands écrans à affichage à cristaux liquides sous la forme de pavés/tablettes tactiles et/ou d’ordinateurs tablettes ».

21      Il y a lieu de constater, d’une part, que la requérante ne conteste pas cette signification de l’expression « big pad » et, d’autre part, que les produits en cause sont des tableaux blancs et des écrans à affichage à cristaux liquides qui sont interactifs ou disposent de panneau ou de pavé tactiles. Le signe BIG PAD faisant clairement référence à des tableaux ou à des écrans tactiles ou à affichage à cristaux liquides de grande taille, il correspond à une description des produits en cause ou de leurs caractéristiques techniques.

22      Dès lors, l’affirmation de la requérante selon laquelle la marque demandée est seulement suggestive par rapport aux produits en cause et évoque seulement quelque chose de grande taille est manifestement non fondée.

23      Il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’expression « big pad » informait immédiatement les consommateurs que les produits en cause fonctionnaient comme des tablettes ou des ordinateurs tablettes qui ont une grande taille et qu’elle contenait, dès lors, des informations directes et évidentes sur le type ou sur l’une des fonctions ou des caractéristiques techniques des produits en cause.

24      Partant, c’est à bon droit que chambre de recours a conclu que la marque demandée était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

25      La requérante ne soulève aucun argument susceptible de remettre en cause cette conclusion.

26      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’expression « big pad » n’est pas utilisée dans le langage courant pour désigner les produits en cause ou leurs caractéristiques essentielles, il suffit de relever que, selon la jurisprudence, pour un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et ces indications puissent être utilisés à de telles fins (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32 ; arrêts PAPERLAB, point 17 supra, point 34, et RadioCom, point 16 supra, point 32).

27      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée n’est pas uniquement une association de mots courants, mais comprend une représentation figurative particulière, il suffit de relever que la marque demandée est composée simplement des mots « big » et « pad », écrits en caractères gras et en lettres majuscules, dans une police de caractères courante et sans qu’aucun autre élément graphique ou élément figuratif ne soit ajouté. Ainsi, le fait que la marque demandée est une marque figurative est sans influence sur le constat que le signe BIG PAD est descriptif des produits en cause.

28      Troisièmement, la requérante invoque des décisions antérieures de l’OHMI ayant accepté l’enregistrement de marques semblables à la marque demandée, contenant le mot « pad ». Elle fait valoir que l’OHMI ne semble pas appliquer la même pratique ni les mêmes critères pour apprécier les différentes demandes d’enregistrement.

29      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours [voir arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et arrêt du Tribunal du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié au Recueil, point 37, et la jurisprudence citée].

30      Certes, la Cour a jugé que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, point 74).

31      Toutefois, elle a ajouté que, cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 30 supra, points 75 à 77).

32      En l’espèce, la demande de marque communautaire présentée par la requérante se heurtait à l’un des motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Dans la mesure où il a été considéré que la chambre de recours avait conclu à bon droit que l’enregistrement du signe BIG PAD en tant que marque pour les produits en cause était incompatible avec le règlement n° 207/2009, la requérante ne pouvait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’OHMI.

33      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’existence de décisions nationales d’enregistrement de la marque BIG PAD dans des États tiers, notamment des États anglophones, il convient de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée en vertu de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe en cause trouve son origine [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47].

34      Cinquièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 54, et la jurisprudence citée). Partant, il n’y a pas lieu d’examiner, dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée dispose d’un degré minimal de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

35      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

36      La chambre de recours n’ayant pas examiné si la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le second moyen, tiré de la violation de cette disposition, est manifestement non fondé.

37      Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sharp KK est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : l’anglais.