Language of document : ECLI:EU:T:2009:487

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 décembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale SUPERSKIN – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑486/08,

Liz Earle Beauty Co. Ltd, établie à Ryde, île de Wight (Royaume‑Uni), représentée par MM. Cover, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 septembre 2008 (affaire R 1656/2007-4), concernant l’enregistrement du signe verbal SUPERSKIN comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mai 2007, la requérante, Liz Earle Beauty Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SUPERSKIN.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques ; produits d’hygiène non médicinaux ; lotions, crèmes, gels et préparations pour la peau ; lotions, crèmes et préparations pour la protection de la peau ; crèmes, huiles, lotions et préparations nettoyantes et hydratantes ; crèmes, huiles, lotions et produits de bronzage, protection solaire et soin solaire ; crèmes et préparations après-solaires ; préparations pour le bronzage et la coloration de la peau ; préparations contre les brûlures du soleil ; onguents contre les brûlures du soleil ; savons ; gel pour le bain ; huiles essentielles ; lotions, crèmes et préparations pour le soin du visage, du corps, du cuir chevelu, des ongles et des cheveux ; produits pour le bain ; articles de toilette ; produits de rasage ; produits nettoyants, tonifiants ; parfums ; produits contre la transpiration, déodorants ; dentifrice ; talcs ; fards ; correcteurs pour masquer les rougeurs et les défauts, cosmétiques ; après-shampooing ; shampooing ; teintures pour cheveux ; laques pour les cheveux ; préparations pour le soin des yeux ; produits dépilatoires et exfoliants ; vernis à ongles ; dissolvant pour vernis à ongles ; ongles postiches ; ouate à usage cosmétique » ;

–        classe 5 : « Nutriceutiques et aliments diététiques ; aliments pour bébés » ;

–        classe 44 : « Soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains ; traitements cosmétiques pour le corps, le visage et les cheveux ; conseils en matière de beauté ; consultations en matière de cosmétiques ; consultations en matière de beauté ; thérapies dans le domaine de la beauté ; consultations en nutrition et diététique ; services d’information, de conseil et de consultation relatifs aux services précités ».

4        Par décision du 31 août 2007, la demande d’enregistrement a été rejetée par l’examinateur au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009].

5        Le 22 octobre 2007, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 [devenu articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009].

6        Par décision du 15 septembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré que la marque demandée était descriptive des caractéristiques des produits et des services concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, et, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que la demande d’enregistrement de marque communautaire doit être publiée et que la marque demandée doit être enregistrée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

9        Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’ordonner la publication de la demande d’enregistrement de marque communautaire et l’enregistrement de la marque demandée. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009), l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction. Il incombe à celui-ci de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12]. Le deuxième chef de conclusions de la requérante est donc irrecevable.

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

10      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, qui aurait également pour conséquence la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Arguments des parties

11      La requérante fait valoir que, en considérant que la marque demandée était descriptive des produits et des services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

12      En premier lieu, la requérante fait valoir que la marque demandée est un mot inventé. Bien que le mot « skin » (peau) puisse avoir la signification que lui a attribuée la chambre de recours, il pourrait désigner également beaucoup d’autres choses, y compris le revêtement d’un avion. Il serait donc préférable de le définir comme désignant une surface externe, en principe de fine épaisseur.

13      En deuxième lieu, la requérante avance que la chambre de recours n’a étayé par aucune preuve sa conclusion selon laquelle le public pertinent peut percevoir le mot « superskin » comme descriptif de la destination des produits et des services en cause. Celle-ci aurait simplement constaté que, en réunissant le terme élogieux « super » au nom « skin » au sein d’un même signe, la marque demandée informerait les consommateurs que les produits et les services concernés aident à donner une « apparence fantastique » à la peau.

14      En troisième lieu, la requérante conteste qu’il soit habituel, dans la langue anglaise parlée, de combiner les termes « super » et « skin » dans cet ordre au sein d’une même phrase. Il serait plus naturel de combiner ces termes dans un ordre différent et, par exemple, en utilisant la formule « your skin is super » (votre peau est super).

15      En quatrième lieu, la requérante estime que les combinaisons du terme « super » avec un substantif citées par la chambre de recours sont des exemples datant de plus de quinze ans et que le mot « super », lui-même, est quelque peu « démodé » dans la langue anglaise.

16      En cinquième lieu, la requérante fait observer que, contrairement à d’autres termes qui étaient déjà utilisés dans divers secteurs de manière descriptive et qui, pour cette raison, devaient être maintenus disponibles pour être librement utilisés par des concurrents, le signe en cause ne jouit d’une notoriété que dans le contexte de la marque demandée.

17      En sixième lieu, la requérante fait observer qu’elle ne fabrique pas de peau artificielle ou autre. Dès lors, la marque demandée ne pourrait pas être déclarée directement descriptive des produits et des services concernés. En particulier, il serait impossible de considérer la marque demandée comme étant descriptive dans le contexte d’aliments diététiques, de parfums, de préparations pour le soin des ongles et des cheveux, de déodorants, de dentifrice, de teintures pour les cheveux, de laques pour les cheveux, de préparations pour les soins des yeux, de vernis à ongles et de dissolvant pour vernis à ongles, d’ongles postiches, d’ouate à usage cosmétique, de nutriceutiques, d’aliments pour bébés, de soins d’hygiène, de traitements cosmétiques pour les cheveux et de consultations en nutrition et en diététique. Le Tribunal devrait donc, tout au moins, annuler la décision attaquée en ce qui concerne ces produits et ces services.

18      En septième lieu, selon la requérante, la marque demandée est suggestive et « non arbitraire ». Il ne s’agirait pas d’un mot qui se trouve dans les dictionnaires. La marque demandée serait « subtile » et « non évidente » de sorte qu’elle requiert de l’imagination, de la réflexion ou de l’intuition pour deviner la nature des produits ou des services concernés. La marque demandée serait également « éloignée », sur le plan conceptuel, des produits et des services concernés.

19      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante. Il fait valoir, en substance, que la marque demandée est descriptive des caractéristiques essentielles de tous les produits et services concernés au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Ces produits et services concerneraient tous d’une manière ou d’une autre la peau humaine.

 Appréciation du Tribunal

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit et de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

21      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 s’oppose à ce que les signes ou les indications qu’il vise soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que les indications ou les signes descriptifs des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous [arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31 ; arrêt du Tribunal du 21 janvier 2009, giropay/OHMI (GIROPAY), T‑399/06, non publié au Recueil, point 22 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 25].

22      De même, des signes ou des indications visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne, de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du Tribunal du 21 janvier 2009, Hansgrohe/OHMI (AIRSHOWER), T‑307/07, non publié au Recueil, point 22].

23      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente, avec les produits ou les services en cause, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et de services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 25, et du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), T‑67/07, non publié au Recueil, point 24].

24      Toutefois, pour qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot résultant d’une combinaison d’éléments soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit être constaté pour le néologisme ou le mot lui-même (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 96, et Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 37 ; arrêt AIRSHOWER, point 22 supra, point 35).

25      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot composé d’éléments, dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments (voir, par analogie, arrêts Koninklijke KPN Nederland, point 24 supra, point 100, et Campina Melkunie, point 24 supra, point 41 ; arrêt PAPERLAB, point 23 supra, point 27). À cet égard, l’analyse du terme en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente (voir arrêt GIROPAY, point 21 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

26      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public ciblé [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2008, Adobe/OHMI (FLEX), T‑158/06, non publié au Recueil, point 40, et AIRSHOWER, point 22 supra, point 23].

27      En l’espèce, la marque demandée étant composée de termes anglais qui sont d’utilisation courante, le public pertinent, par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus, est constitué, ainsi que l’a, à juste titre, indiqué la chambre de recours aux points 11 et 13 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, du consommateur moyen anglophone qui a connaissance des caractéristiques des produits et des services concernés.

28      Il y a donc lieu d’examiner si, conformément à la jurisprudence citée aux points 23 à 26 ci-dessus, il existe, du point de vue du public pertinent ainsi défini, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause et les produits et les services concernés.

29      S’agissant des éléments composant la marque demandée, il est constant que le signe en cause est composé des termes « super » et « skin ».

30      En ce qui concerne le terme « skin » du signe en cause, la chambre de recours a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, que ce terme se réfère notamment à la peau, à savoir la couche de tissu extérieure du corps humain.

31      Dans la mesure où la requérante fait valoir que ce terme peut également désigner beaucoup d’autres choses, y compris le revêtement d’un avion, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le fait qu’un mot puisse avoir plusieurs significations différentes est sans pertinence dans ce contexte. Ainsi, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il suffit qu’un mot, dans au moins l’une de ses significations potentielles, désigne, du point de vue du public pertinent, une caractéristique des produits ou des services concernés (voir arrêts OHMI/Wrigley, point 21 supra, point 32, et FLEX, point 26 supra, point 49, et la jurisprudence citée).

32      Il y a donc lieu de constater que le terme « skin » désigne la peau en tant que destination des produits et des services concernés.

33      En ce qui concerne le terme « super », la chambre de recours a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, qu’il renvoie à l’idée d’un niveau élevé ou d’une qualité élevée. Force est donc de constater que ce terme élogieux revêt un caractère descriptif par rapport aux produits et aux services concernés. En effet, issu du latin, mais également d’utilisation courante dans la plupart des langues de l’Union, il possède des connotations descriptives pour les produits et les services concernés manifestes pour le consommateur moyen [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 janvier 2009, Pioneer Hi-Bred International/OHMI (OPTIMUM), T‑424/07, non publié au Recueil, point 24].

34      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le terme « super » est quelque peu « démodé », à supposer même qu’il soit avéré, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 13 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante sur ce point, qu’il n’en reste pas moins que ce mot est encore utilisé et qu’il est compris par tout consommateur anglophone moyen. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque demandée visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique le texte même de cette disposition, que ces signes et ces indications puissent être utilisés à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, point 21 supra, point 32).

35      Force est également de constater que la combinaison des mots « super » et « skin » dans le signe en cause ne sera pas perçue comme inhabituelle par le public pertinent, contrairement à ce que prétend la requérante. En effet, la requérante n’a pas contesté l’affirmation de la chambre de recours, au point 12 de la décision attaquée, selon laquelle il existe des exemples de création de ce type d’expression, notamment « super cautious » (superprécautionneux), « super civilized » (supercultivé) ou « super sensitive » (supersensitif) dans un dictionnaire anglais. La chambre de recours a également fait référence aux termes anglais « superpower » (superpuissance) ou « superstar », dans lesquels le préfixe « super » est suivi d’un nom (voir point 13 de la décision attaquée).

36      L’argument de la requérante selon lequel il serait plus naturel de combiner ces termes dans un ordre différent et, par exemple, en utilisant la formule « your skin is super », doit être rejeté à cet égard. En effet, cette affirmation qui n’est aucunement corroborée par des éléments de preuve, ne saurait remettre en cause les motifs invoqués dans la décision attaquée par la chambre de recours, qui a fait référence à un dictionnaire anglais. Le fait que ce dictionnaire date de 1993 ne modifie pas cette appréciation, étant donné qu’une partie substantielle du public pertinent est suffisamment âgée pour considérer cette combinaison comme étant relativement courante. En outre, il convient de rappeler que l’existence ou non d’autres signes ou indications plus usuels que ceux composant la marque demandée pour désigner les mêmes caractéristiques des produits et des services concernés est sans importance. L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 n’exige pas que les signes ou les indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou des services concernés soient le mode exclusif de désignation desdites caractéristiques (voir, par analogie, arrêts Koninklijke KPN Nederland, point 24 supra, point 57, et Campina Melkunie, point 24 supra, point 42).

37      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le simple fait d’avoir réuni les termes anglais « super » et « skin » au sein du signe en cause ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments. En effet, le signe en cause sera immédiatement, et sans autre réflexion, perçu par le public pertinent comme désignant des produits et des services qui ont pour destination une peau de qualité élevée, à savoir belle et/ou saine.

38      Il convient donc d’examiner si tous les produits et services concernés ont pour destination une peau de qualité élevée pour établir un rapport suffisamment direct et concret, au sens de la jurisprudence (voir point 23 ci-dessus), entre le signe en cause et ceux-ci. Au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que les produits relevant de la classe 3 sont tous utilisés dans le domaine des cosmétiques et des articles de toilette et que ceux relevant de la classe 5 sont utilisés dans le domaine de l’alimentation spéciale. Quant aux services relevant de la classe 44, selon la chambre de recours, ils ont un lien avec les soins d’hygiène et de beauté ou les soins de santé pour les êtres humains. Elle ajoute que, dans un tel contexte, la marque demandée ne peut être raisonnablement comprise que comme suggérant que ces produits et ces services sont destinés à donner une apparence belle ou propre, voire un état sain, à la peau d’une personne. Selon la chambre de recours, un tel effet peut être obtenu en appliquant directement les produits sur la peau ou d’autres parties extérieures du corps humain ou en ingérant des aliments et des éléments nutritionnels contenant des ingrédients qui ont des effets bénéfiques sur la peau.

39      La requérante conteste l’existence d’un tel rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause et les produits et les services concernés, en particulier dans le contexte d’aliments diététiques, de parfums, de préparations pour le soin des ongles et des cheveux, de déodorants, de dentifrice, de teintures pour les cheveux, de laques pour les cheveux, de préparations pour les soins des yeux, de vernis à ongles et de dissolvant pour vernis à ongles, d’ongles postiches, d’ouate à usage cosmétique, de nutriceutiques, d’aliments pour bébés, de soins d’hygiène, de traitements cosmétiques pour les cheveux et de consultations en nutrition et en diététique.

40      Pour ce qui est des produits relevant de la classe 3 (voir point 3 ci-dessus), il y a lieu de considérer que, du point de vue du public pertinent, il existe un rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause, d’une part, et tous les produits destinés à améliorer ou à préserver l’apparence ou la santé de la peau, d’autre part. Cette considération vaut, notamment, pour l’ouate à usage cosmétique, qui peut être utilisée pour le soin de la peau.

41      Toutefois, le Tribunal considère que la chambre de recours n’a pas démontré, par ses explications, que le signe en cause présente un tel rapport suffisamment direct et concret avec les parfums, les préparations pour le soin des ongles et des cheveux, les produits contre la transpiration, les déodorants, le dentifrice, les teintures pour cheveux, les laques pour les cheveux, les préparations pour les soins des yeux, les vernis à ongles et dissolvant pour vernis à ongles et les ongles postiches. En effet, il convient de relever que, du point de vue du public pertinent, ces cosmétiques et ces articles de toilette ne sont pas destinés à améliorer ou à préserver l’apparence ou la santé de la peau. Le fait qu’ils puissent être, à la suite d’une application normale, inoffensifs pour la peau, ne suffit pas en l’espèce à démontrer que le signe en cause présente un rapport suffisamment direct et concret avec ceux-ci. Il s’agit là d’un effet secondaire qui peut être inhérent à toutes les substances entrant en contact avec la peau.

42      Pour ce qui est des produits relevant de la classe 5 (voir point 3 ci-dessus), et en particulier de ceux utilisés dans le domaine de l’alimentation spéciale, ceux-ci peuvent être destinés à produire un effet, de par leurs ingrédients, sur l’apparence de la peau. Il s’ensuit que le signe en cause présente un rapport suffisamment direct et concret avec ceux-ci. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est indifférent que les caractéristiques des produits et des services qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires (arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 24 supra, point 102).

43      Pour ce qui est des services relevant de la classe 44 (voir point 3 ci-dessus), il convient de faire la même distinction que celle faite pour les produits relevant de la classe 3. En effet, les développements relatifs au fait que ces produits ne sont pas destinés à améliorer ou à préserver l’apparence ou la santé de la peau valent également pour certains services concernés, à savoir ceux relatifs aux soins d’hygiène et aux traitements cosmétiques pour les cheveux, ces services ne pouvant avoir pour destination une peau de qualité élevée. Toutefois, il peut raisonnablement être considéré que, du point de vue du public pertinent, il existe un rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause et les autres services concernés.

44      Par conséquent, en ce qui concerne les parfums, les préparations pour le soin des ongles et des cheveux, les déodorants, le dentifrice, les teintures pour les cheveux, les laques pour les cheveux, les préparations pour les soins des yeux, le vernis à ongles et le dissolvant pour vernis à ongles, les ongles postiches, les soins d’hygiène et les traitements cosmétiques pour les cheveux, le caractère descriptif de la marque demandée n’est pas suffisamment prononcé pour que le public pertinent perçoive immédiatement, et sans autre réflexion, une description de la catégorie de produits et de services concernés ou d’une de leurs caractéristiques. Toutefois, quant aux autres produits et services concernés, le Tribunal considère que la marque demandée est descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

45      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments invoqués par la requérante.

46      En effet, en ce qui concerne, tout d’abord, l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours ne disposait d’aucune preuve à l’appui de sa conclusion selon laquelle la marque demandée est descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il suffit de constater que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation de l’Union pertinente telle qu’interprétée par le juge de l’Union. Dès lors, il suffit que la chambre de recours ait appliqué le critère du caractère descriptif, tel qu’interprété par la jurisprudence, pour prendre sa décision sans qu’elle ait à se justifier par la production d’éléments de preuve [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, Rec. p. II‑2851, point 54]. En outre, dans la mesure où la requérante conteste le caractère descriptif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur un raisonnement clair et convaincant, c’est à la requérante qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée n’est pas dotée d’un caractère descriptif, étant donné qu’elle est plus à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché (voir, par analogie, arrêt OPTIMUM, point 33 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

47      S’agissant, ensuite, de l’argument de la requérante selon lequel le signe en cause ne jouit d’une notoriété que dans le contexte de la marque demandée, outre le fait que cette affirmation n’a été étayée par aucun élément de preuve, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 poursuit un intérêt général qui exige que les indications ou les signes descriptifs des caractéristiques des produits ou des services concernés puissent être librement utilisés par tous (voir point 21 ci-dessus). Dès lors, cette disposition s’applique également s’il est raisonnable d’envisager que l’enregistrement demandé constitue, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits et des services concernés à l’avenir (voir, par analogie, arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 24 supra, point 56). Cet argument doit donc être rejeté.

48      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée est suggestive, « non arbitraire », « subtile » et « non évidente » et requiert de l’imagination, de la réflexion ou de l’intuition pour deviner la nature des produits ou des services concernés, il ne saurait être accueilli. En effet, il ressort de l’analyse effectuée que le signe en cause décrit de manière claire et univoque les caractéristiques des produits et des services concernés, à savoir que ceux-ci sont destinés à améliorer ou à préserver l’apparence ou la santé de la peau. Le fait que le terme « superskin » ne figure pas dans les dictionnaires de langue anglaise n’est pas pertinent à cet égard, étant donné qu’il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 soient effectivement utilisés au moment de la demande d’enregistrement à des fins descriptives des produits et des services concernés (voir, par analogie, arrêt OHMI/Wrigley, point 21 supra, point 32).

49      La chambre de recours a également fondé le refus d’enregistrement sur l’absence de caractère distinctif de la marque demandée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Étant donné que, pour fonder l’application de cette disposition, elle s’est appuyée exclusivement sur le caractère descriptif de la marque demandée (voir point 16 de la décision attaquée), elle a également appliqué l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 de manière erronée.

50      Partant, la chambre de recours a, à tort, conclu dans la décision attaquée, que l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 s’opposait à l’enregistrement de la marque demandée pour les parfums, les préparations pour le soin des ongles et des cheveux, les produits contre la transpiration, les déodorants, le dentifrice, les teintures pour cheveux, les laques pour les cheveux, les préparations pour les soins des yeux, le vernis à ongles et le dissolvant pour vernis à ongles, les ongles postiches, les soins d’hygiène et les traitements cosmétiques pour les cheveux.

51      Au vu de ce qui précède, il convient d’annuler partiellement la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la demande de la requérante n’étant accueillie que pour certains produits et services concernés, il y a lieu de décider que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de l’OHMI et que ce dernier supportera l’autre moitié de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 15 septembre 2008 (affaire R 1656/2007-4) est annulée, en ce qui concerne les parfums, les préparations pour le soin des ongles et des cheveux, les produits contre la transpiration, les déodorants, le dentifrice, les teintures pour cheveux, les laques pour les cheveux, les préparations pour les soins des yeux, le vernis à ongles et le dissolvant pour vernis à ongles et les ongles postiches, relevant de la classe 3, ainsi que les soins d’hygiène et les traitements cosmétiques pour les cheveux, relevant de la classe 44.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Liz Earle Beauty Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de l’OHMI. Ce dernier supportera l’autre moitié de ses dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.