Language of document : ECLI:EU:T:2011:290

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 juin 2011(*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑234/06 DEP,

Giampietro Torresan, demeurant à Rothenburg (Suisse), représenté par Me G. Recher, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Bullock et O. Montalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Klosterbrauerei Weissenohe GmbH & Co. KG, établie à Weissenohe (Allemagne), représentée par Mes A. Masetti Zannini de Concina, M. Bucarelli et R. Cartella, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens introduite par Klosterbrauerei Weissenohe GmbH & Co., à la suite de l’arrêt du Tribunal du 19 novembre 2009, Torresan/OHMI – Klosterbrauerei Weissenohe (CANNABIS) (T‑234/06, Rec. p. II‑4185).

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi (président), N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2006, le requérant, M. Giampietro Torresan, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 29 juin 2006 (affaire R 517/2005‑2), relative à une procédure de nullité entre Klosterbrauerei Weissenohe GmbH & Co. KG et le requérant.

2        L’intervenante, Klosterbrauerei Weissenohe GmbH & Co. KG, est intervenue dans le litige au soutien des conclusions de l’OHMI. Elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours et de condamner le requérant aux dépens.

3        Par arrêt du 19 novembre 2009, Torresan/OHMI –Klosterbrauerei Weissenohe (CANNABIS), (T‑234/06, Rec. p. II‑4185), le Tribunal a rejeté le recours et condamné le requérant aux dépens, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Par télécopie datée du 8 juin 2010, l’intervenante a demandé au requérant de lui régler le montant de ses dépens, qu’elle a évalués à 15 000 euros. Par télécopie du 22 juin 2010, l’intervenante a introduit une nouvelle demande de règlement des dépens, estimés cette fois à 16 179,64 euros.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011, l’intervenante a formé, au titre de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer le montant des dépens récupérables, dont le remboursement incombe au requérant, à 21 512,99 euros. Elle précisait que cette somme correspondait aux honoraires d’avocats spécialisés, comprenant les honoraires d’un avocat allemand ainsi que les frais de constitution en justice des trois avocats italiens, et aux frais de procédure.

6        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2011, le requérant a présenté ses observations sur cette demande. Il a conclu au rejet de la demande introduite par l’intervenante et à la fixation des dépens récupérables à un montant n’excédant pas la somme de 3 500 euros.

 En droit

7        Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [ordonnances du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et du 25 octobre 2010, Bastos Viegas/OHMI – Fabre Médicament (OPDREX), T‑33/08 DEP, non publiée au Recueil, point 7].

8        Selon une jurisprudence constante, le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [ordonnances du Tribunal du 19 mars 2009, House of Donuts/OHMI – Panrico (House of donuts), T‑333/04 et T‑334/04 DEP, non publiée au Recueil, point 8, et OPDREX, précitée, point 8].

9        Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (ordonnances Airtours/Commission, point 18, et OPDREX, point 9, précitées).

10      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

11      En premier lieu, le Tribunal relève, tout d’abord, que l’affaire au principal ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité particulière. En effet, cette affaire concernait une procédure d’annulation dont le motif principal invoqué était une prétendue violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [devenus article 52, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], et qui relevait donc du contentieux habituel du droit des marques. Comme il résulte d’une lecture de l’arrêt, ladite affaire ne concernait ni une question de droit nouvelle, ni une question de fait complexe et ne saurait, donc, être considérée comme particulièrement difficile. De même, il y a lieu de considérer que l’affaire ne revêtait pas d’importance particulière au regard du droit communautaire des marques dans la mesure où l’arrêt Torresan/OHMI – Klosterbrauerei Weissenohe (CANNABIS), précité, s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle bien établie.

12      En deuxième lieu, le Tribunal constate que, si l’affaire en cause présentait, certes, un intérêt économique pour l’intervenante, en l’absence totale d’éléments concrets apportés par cette dernière, cet intérêt économique ne saurait être considéré comme étant inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute demande en annulation formée à l’encontre d’une marque communautaire.

13      En troisième lieu, en ce qui concerne la charge de travail que la procédure a pu engendrer pour le conseil de l’intervenante, il convient de rappeler que la possibilité pour le juge communautaire d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (ordonnance OPDREX, précitée, point 13).

14      En l’espèce, l’intervenante a produit, en annexe à sa demande de taxation des dépens, trois factures sur lesquelles figurent les frais et les honoraires relatifs à la procédure au principal, concernant, d’une part, la participation d’un conseil allemand en matière de marques et de brevets et, d’autre part, les honoraires des avocats italiens, ainsi que des frais de courrier, de traduction ainsi que de logement et de transport des avocats assistant à l’audience.

15      Il ressort des factures présentées par l’intervenante devant le Tribunal que les honoraires des avocats et du conseil s’élèvent à 18 211,77 euros, tandis que le reste de frais s’élève à 3 301,22 euros, portant le montant total des factures à 21 512,99 euros.

16      À cet égard, il y a lieu d’observer que si les factures comportent une indication des actes rédigés, sans être une indication précise, et des démarches accomplies par le conseil de l’intervenante dans le cadre de l’arrêt Torresan / OHMI – Klosterbrauerei Weissenohe (CANNABIS), précité, l’évaluation forfaitaire des honoraires, sans préciser le temps de travail pour chaque poste visé ou le taux horaire appliqué, ne permet pas d’apprécier utilement l’ampleur du travail effectivement réalisé. En effet, l’absence d’informations plus précises concernant les taux horaires et le temps passé pour chaque poste rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et de ceux qui sont indispensables à ces fins et place le Tribunal dans une situation d’appréciation nécessairement stricte des honoraires récupérables en l’espèce [voir ordonnances du Tribunal House of donuts, précitée, point 20, et du 25 janvier 2007, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Polo/Lauren (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB), T‑214/04 DEP, non publiée au Recueil, point 18].

17      De même, il importe d’indiquer que la participation effective de l’intervenante à la procédure devant le Tribunal s’est traduite par la production d’un mémoire de quatorze pages, accompagnés d’environ 75 pages d’annexes, par l’échange de correspondances avec le Tribunal et par sa participation à l’audience dans l’affaire au principal.

18      À l’égard de ces considérations, et en l’absence d’indications précises relatives au temps de travail employé par les avocats italiens et le conseil allemand ou au taux horaire appliqué, il y a lieu de considérer comme excessifs, au regard des dispositions du règlement de procédure relatives aux dépens récupérables, les montants d’honoraires demandés au titre de la procédure au principal.

19      S’agissant de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des honoraires du conseil allemand en matière de marques et de brevets, le Tribunal relève que, l’intervenante étant assujettie à la TVA, elle a le droit de récupérer auprès des autorités fiscales la TVA payée sur les biens et les services qu’elle achète. La TVA ne représente donc pas pour elle une dépense et, partant, elle ne peut pas demander le remboursement de la TVA payée sur les dépens récupérables auprès du requérant en application de l’article 91, point b), du règlement de procédure. En effet, la TVA acquittée sur les honoraires et les frais d’avocat ne saurait faire l’objet d’un remboursement, dès lors qu’il n’est pas contesté que l’intervenante a pu déduire les montants payés à ce titre et n’a donc pas eu à en supporter la charge (ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 79).

20      En ce qui concerne les frais exposés aux fins de la procédure au principal, comprenant des frais d’envoi de documents (136,46 euros) et des frais de déplacement (641,43 euros), ils résultent de la liquidation des frais faite par le conseiller allemand et le Tribunal les estime comme étant raisonnables, malgré le fait qu’ils ne sont pas justifiés par les copies des factures correspondantes. En revanche, les frais de traduction (2 523,33 euros) ne sont pas remboursables. En effet, il ressort de la lecture combinée des dispositions de l’article 136, paragraphe 2, et de l’article 131, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de procédure que seuls peuvent être remboursés les frais exposés afin de produire la traduction dans la langue de procédure des mémoires ou des écrits autres que la requête lorsqu’il y a eu un changement de la langue de procédure, suite à un accord entre les parties en ce sens, ou à une opposition à ce que la langue dans laquelle est rédigée la requête devienne la langue de procédure. En l’espèce, force est de constater que l’italien, langue de la requête, était la langue de procédure des affaires au principal. Aucun changement de langue susceptible de justifier une traduction des mémoires n’est donc intervenu (ordonnance House of donuts, précitée, point 23). Dès lors, les frais de traduction ne sont pas remboursables dans le cas d’espèce.

21      Enfin, en ce qui concerne les frais bancaires, qui se présentent confondus avec les honoraires des avocats italiens dans les factures nº 290/2007 et n° 1558/2009, le Tribunal estime que ces frais ne peuvent faire l’objet d’un remboursement, dans la mesure où l’intervenante n’a pas été en mesure d’indiquer en quoi ces frais devraient être considérés comme indispensables aux fins de la procédure devant le juge communautaire (ordonnance du Tribunal du 13 janvier 2006, IPK-München/Commission, T‑331/94 DEP, Rec. p. II‑51, point 77).

22      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal en fixant leur montant à 6 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par M. Giampietro Torresan à Klosterbrauerei Weissenohe GmbH & Co. KG est fixé à 6 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 17 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       E. Moavero Milanesi


* Langue de procédure : l’italien.