Language of document : ECLI:EU:T:2008:443

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 octobre 2008 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale PORT LOUIS – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Désignation de la provenance géographique des produits revendiqués – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑230/06,

Rewe-Zentral AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes M. Kinkeldey et A. Bognár, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 21 juin 2006 (affaire R 25/2006‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal PORT LOUIS comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 août 2006,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 novembre 2006,

à la suite de l’audience du 7 mai 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 février 2004, la société Base-Wear Fashion a déposé, en vertu du règlement (CEE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2        Le signe dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PORT LOUIS. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir et produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols, cannes de marche, harnais et fouets ; couvertures de chevaux » ;

–        classe 24 : « Articles textiles de maison ; couvertures de lit et de table ; literie (linge) ; linge de bain (à l’exception de l’habillement) ; linge de maison ; rideaux de douche en matières textiles ; rideaux en matières textiles ou en matières plastiques ; stores en matières textiles ; couvre-lits ; nappes cirées » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

3        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires du 27 décembre 2004.

4        Par lettre du 11 mars 2005, des tiers au sens de l’article 41 du règlement nº 40/94 ont fait observer à l’OHMI que l’enregistrement du signe PORT LOUIS aurait pour effet d’interdire aux concurrents de la société Base-Wear Fashion l’utilisation d’une indication de provenance géographique.

5        Après avoir reçu de l’OHMI notification de ces observations et des doutes de l’examinateur quant à la possibilité d’enregistrer le signe en cause, la requérante, Rewe-Zentral AG, ayant droit de la société Base-Wear Fashion, a, par mémoire du 29 septembre 2005, présenté ses observations en réponse et a déclaré maintenir la demande d’enregistrement.

6        Cette demande a été rejetée par décision du 28 octobre 2005, au terme d’un nouvel examen des motifs absolus de refus d’enregistrement que les observations des tiers ont amené l’examinateur à effectuer postérieurement à la publication de la demande de marque.

7        Le recours formé par la requérante contre cette décision a été rejeté par décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 21 juin 2006 (ci-après la « décision attaquée »).

8        Celle-ci a considéré que le signe litigieux était composé exclusivement d’indications de la provenance géographique des produits désignés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94, et que, par voie de conséquence, il était dépourvu du caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, point b), de ce règlement.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir méconnu son droit d’être entendue et appliqué de manière erronée, d’une part, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

12      Il convient d’examiner d’abord les moyens pris de l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

 Sur l’application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

13      La requérante soutient que le signe PORT LOUIS n’est pas composé exclusivement d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits en cause.

14      La chambre de recours n’aurait pas établi la nécessité d’assurer, pour ces produits, la disponibilité, actuelle ou future, d’une indication de provenance géographique, selon les conditions posées par la jurisprudence [arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779 ; arrêts du Tribunal du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, Rec. p. II‑4365, et du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, Rec. p. II‑4633].

15      En premier lieu, la notoriété de l’île Maurice auprès des consommateurs français et anglais, retenus comme public pertinent par la chambre de recours, ne s’étendrait pas nécessairement à sa capitale Port Louis, d’autant que celle-ci, contrairement à Chiemsee, Cloppenburg et Oldenburg, noms de lieu en cause dans les trois affaires précitées, est située en dehors de la Communauté.

16      Si l’engouement pour l’île Maurice d’un grand nombre de touristes européens leur a permis de découvrir cette île, il n’en résulterait pas que la ville de Port Louis soit connue d’eux ni qu’elle soit au centre de leurs aspirations de vacances ou qu’elle constitue le principal pôle d’attraction de l’île.

17      L’OHMI soutient qu’il suffit, pour refuser d’enregistrer le signe déposé, que la ville de Port Louis ne soit connue du public pertinent que dans une partie de la Communauté. Eu égard au passé colonial que l’île Maurice a partagé avec la France et le Royaume-Uni, au grand nombre de touristes français fréquentant l’île et à ses liens économiques étroits avec le Royaume-Uni, la chambre de recours aurait conclu à bon droit, exerçant son pouvoir de libre appréciation des preuves, que le public pertinent français et du Royaume-Uni était susceptible d’associer le nom de Port Louis à la capitale de l’île et que Port Louis était connu, à tout le moins, de ce public.

18      La localisation de Port Louis en dehors de la Communauté serait indifférente et aucun principe empirique ne permettrait de considérer que le public pertinent connaît mieux les lieux situés sur le territoire de la Communauté que ceux localisés à l’extérieur de celle-ci.

19      En second lieu, la requérante estime que la perception dans le signe déposé, par le public pertinent, de la désignation d’un site industriel textile important est encore plus improbable que sa connaissance de l’existence de la ville de Port Louis.

20      Les produits en cause étant des biens de consommation courante distribués dans des points de vente au détail, la requérante estime très improbable que le public pertinent soit suffisamment familiarisé avec l’industrie textile de l’île pour savoir qu’elle n’est pas implantée sur l’ensemble de son territoire, mais spécifiquement dans sa capitale.

21      L’OHMI n’aurait pas démontré que Port Louis est un lieu de production des biens concernés, ni que le public pertinent connaît cette ville en tant que lieu de production d’importance « suprarégionale » ou qu’il l’associe à la catégorie de produits concernée.

22      De surcroît, la notoriété dont l’île Maurice jouit auprès du public pertinent comme destination touristique ou, éventuellement, en raison de son histoire, n’impliquerait pas nécessairement que ce public soit au fait du contexte économique du pays.

23      L’OHMI n’aurait donc pas suffisamment démontré que le public en cause puisse d’emblée établir l’existence d’un rapport pertinent entre l’industrie textile de l’île Maurice et Port Louis, à supposer qu’un tel rapport existe. Port Louis ne pourrait donc pas être considéré comme étant déjà connu pour les produits en cause.

24      Même en cas d’essor du tourisme et de l’industrie textile, les documents utilisés par l’OHMI ne permettraient pas d’affirmer que le public pertinent connaîtra à l’avenir Port Louis en tant que siège d’un site industriel textile important.

25      À la supposer avérée, la connaissance de Port Louis n’impliquerait donc pas nécessairement, dans l’esprit du public pertinent, un lien avec l’industrie textile, ni la capacité actuelle ou future du signe litigieux à désigner, dans le commerce, la provenance géographique des produits concernés.

26      Selon l’OHMI, pour vérifier si la notoriété de Port Louis existe à l’égard des produits en cause, il convient de prendre en considération tant la notoriété actuelle de ce lieu que son potentiel de développement. L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 impliquerait que soient pris en considération non seulement la perception actuelle du consommateur, mais aussi, eu égard à un éventuel impératif de disponibilité, l’évolution économique future de la ville.

27      La chambre de recours aurait donc analysé à juste titre la situation économique actuelle et défini, sur la base d’estimations, les tendances futures de l’industrie textile. L’importance de cette activité dans l’économie de l’île, les efforts d’implantation d’entreprises et le dynamisme de la région permettraient de conclure que Port Louis est, à tout le moins à l’avenir, susceptible de servir d’indication de l’origine de produits textiles.

 Appréciation du Tribunal

28      Selon l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits visés par la demande de marque.

29      Cette disposition vise, dans un but d’intérêt général, à maintenir la disponibilité des indications ou des signes descriptifs de caractéristiques des catégories de produits en cause. Elle empêche, dès lors, de réserver ces signes ou ces indications à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir, par analogie, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 25 ; arrêts OLDENBURGER, précité, point 29, et Cloppenburg, précité, point 32].

30      S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories de produits ou de services concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits ou les services à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (arrêts OLDENBURGER, précité, point 30, et Cloppenburg, précité, point 33 ; voir également, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 26).

31      Sont à ce titre exclus, d’une part, l’enregistrement comme marque communautaire de noms désignant des lieux géographiques déterminés d’ores et déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits concernée et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés, dans l’avenir, par les entreprises et qui doivent également rester disponibles pour celles-ci à titre d’indications de provenance géographique de la catégorie de produits concernée (arrêts Windsurfing Chiemsee, précité, points 29 et 30 ; OLDENBURGER, point 31, et Cloppenburg, précité, point 34).

32      En revanche, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 ne s’oppose pas, en principe, à l’enregistrement comme marque communautaire de noms géographiques inconnus des milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits concernée provienne de ce lieu ou qu’elle y soit conçue (arrêts Windsurfing Chiemsee, précité, point 33 ; OLDENBURGER, précité, point 33, et Cloppenburg, précité, point 36).

33      Il en résulte que l’appréciation du caractère descriptif de la provenance géographique des produits en cause revêtu par un signe déposé ne peut être opérée que par rapport aux produits concernés et à la compréhension qu’en a le public pertinent (arrêts OLDENBURGER, précité, point 34, et Cloppenburg, précité, point 37).

34      Dans cette appréciation, l’OHMI est tenu d’établir, d’une part, que le nom géographique est connu de ce public en tant que désignation d’un lieu et, d’autre part, que ce nom présente actuellement, aux yeux de ce public, un lien avec la catégorie de produits revendiquée, ou qu’il soit raisonnable d’envisager qu’il puisse, dans l’esprit de ce public, désigner la provenance géographique de cette catégorie de produits (arrêt Cloppenburg, précité, point 38).

35      Lors de cet examen, il convient plus particulièrement de prendre en compte la connaissance plus ou moins grande qu’ont les milieux intéressés du nom géographique en cause, ainsi que les caractéristiques du lieu désigné par celui-ci et de la catégorie de produits concernée (arrêt Cloppenburg, précité, point 38).

36      Dès lors que les parties ont circonscrit aux seuls produits textiles leur argumentation relative au lien à établir, dans l’esprit du public pertinent, entre Port Louis et les produits en cause, il n’y a lieu d’examiner la légalité de la décision attaquée qu’au regard des textiles domestiques relevant des classes 24 et 25, visés par la demande de marque.

–       Sur le public pertinent

37      Les textiles domestiques étant des articles de la vie quotidienne et de consommation courante, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 34).

38      La requérante n’a pas contesté l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs moyens français et du Royaume-Uni peuvent être qualifiés de public pertinent en leur qualité de ressortissants de deux anciennes métropoles coloniales de l’île Maurice ou des deux États membres de l’Union européenne constituant aujourd’hui les principaux marchés d’exportation de l’île.

39      Par conséquent, il y a lieu de considérer que le public pertinent est composé des consommateurs moyens français et du Royaume-Uni normalement informés et raisonnablement attentifs [arrêt du Tribunal du 8 septembre 2005, CeWe Color/OHMI (DigiFilm et DigiFilmMaker), T‑178/03 et T‑179/03, Rec. p. II‑3105, point 28].

–       Sur le degré de connaissance de Port Louis par le public pertinent

40      La ville de Port Louis ne peut être considérée comme suffisamment connue du public pertinent en tant que lieu géographique déterminé, en l’absence, dans la décision attaquée, d’éléments précis de nature à établir une telle connaissance.

41      Ni l’importance actuelle des relations économiques qu’entretient l’île Maurice avec le Royaume-Uni et la France ni l’histoire commune à l’île et à ces deux États membres ne sont, à elles seules, de nature à établir l’existence d’une connaissance suffisante de Port Louis par le public pertinent.

42      La seule constatation par la chambre de recours de la part prépondérante prise par le Royaume-Uni et par la France dans les exportations de l’île Maurice ne suffit pas à caractériser une telle connaissance ni, par voie de conséquence, la notoriété de l’île pour le public pertinent.

43      On ne peut non plus déduire du passé colonial de l’île Maurice une quelconque notoriété de sa capitale parmi les consommateurs moyens français et du Royaume-Uni, lesquels ne sont pas nécessairement au fait de l’histoire et de la géographie des possessions d’outre-mer de leur pays.

44      Dans ces conditions, la constatation de la chambre de recours selon laquelle Port Louis constitue le centre des activités économiques de l’île ne permet pas de conclure que le public pertinent connaît Port-Louis en tant que lieu géographique déterminé.

45      C’est donc à tort que la chambre de recours a retenu, au point 40 de la décision attaquée, que la ville de Port Louis était suffisamment connue des consommateurs moyens français et du Royaume-Uni en tant que lieu géographique déterminé.

46      Il convient ensuite d’examiner si, à supposer la ville de Port-Louis suffisamment connue du public pertinent en tant que lieu géographique déterminé, ce lieu peut être considéré comme réputé ou connu par ce public pour la catégorie de produits concernée ou s’il est vraisemblable que, dans l’avenir, les milieux intéressés puissent envisager que cette catégorie provienne de ce lieu.

–       Sur la connaissance par le public pertinent de Port Louis comme site de production textile

47      Il y a lieu de constater que la chambre de recours s’est bornée à décrire les conditions d’implantation du site de production de textiles domestiques à Port Louis, sans exposer de raisons propres à démontrer la connaissance par le public pertinent du lien existant entre la ville de Port Louis et les textiles domestiques.

48      D’une part, la concentration dans Port Louis des activités économiques de l’île Maurice n’implique pas nécessairement que la ville soit réputée ou connue du public pertinent pour la fabrication ou la conception des produits considérés.

49      D’autre part, l’importance des exportations de l’île à destination des marchés français et du Royaume-Uni ne permet pas davantage de démontrer que Port Louis est réputé ou connu du public pertinent pour les textiles domestiques, à défaut, notamment, de toute indication sur la part représentée par ces produits au sein de l’ensemble des échanges commerciaux des trois États considérés.

50      Il ressort au demeurant de la décision attaquée que la fabrication et l’exportation de ces produits ne constituent qu’une des sources de revenus de l’île, au même titre que, notamment, l’industrie sucrière, premier produit d’exportation, le tourisme et les services financiers cités par la chambre de recours.

51      De plus, l’établissement d’une zone franche à Port Louis, relevé par la décision attaquée, n’apparaît pas avoir favorisé davantage le développement de l’industrie textile que les autres branches d’activité.

52      Il apparaît au contraire à la lecture du point 38 de la décision attaquée que les entreprises textiles ne constituent qu’une partie des nombreuses sociétés établies à Port Louis depuis la création de la zone franche.

53      Enfin, il ne résulte pas du dossier que l’île occupe au sein des pays producteurs et exportateurs de textiles destinés au public pertinent une place spécifique lui permettant de s’imposer dans l’esprit de ce public en tant que siège d’une industrie de textiles domestiques.

54      Dans ces conditions, il n’est pas démontré que la ville de Port Louis constitue actuellement un lieu réputé ou connu pour les textiles domestiques dans l’esprit du public pertinent.

–       Sur l’éventualité d’une utilisation future de Port Louis par les entreprises en tant qu’indication de provenance géographique des textiles domestiques

55      Il convient de constater que la décision attaquée ne démontre pas qu’il serait raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, le public pertinent puisse établir un lien entre le lieu géographique désigné par le signe déposé et la catégorie de produits concernée (arrêt Windsurfing Chiemsee, précité, point 31).

56      La constatation par la chambre de recours d’une augmentation du tourisme sur l’île Maurice ne permet pas de conclure à une croissance de la production de textiles domestiques à Port Louis susceptible d’accroître la connaissance par le public pertinent de cette ville en tant que lieu de conception ou de production de textiles domestiques.

57      En particulier, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle 40 % des touristes européens recensés à l’île Maurice proviennent de France ne donne aucune information précise sur la fréquentation de sa capitale.

58      La circonstance, relevée par la chambre de recours, que Port Louis soit la seule ville significative d’une certaine taille sur tout le territoire de l’île ne saurait affecter cette conclusion, dès lors que sa croissance paraît résulter du développement de l’ensemble des industries situées dans la ville.

59      En outre, la chambre de recours se borne à affirmer, au point 44 de la décision attaquée, « qu’il ne peut être exclu que l’industrie textile de l’île Maurice poursuivra sa croissance ».

60      Outre qu’il présente un caractère hypothétique, ce motif ne démontre pas en quoi l’actuelle croissance économique se poursuivra nécessairement et pourrait conduire à l’avenir le public pertinent à rattacher à Port Louis l’industrie des textiles domestiques.

61      En se bornant par ailleurs à relever, au point 43 de la décision attaquée, que « le public concerné sait que la plupart des textiles […] sont fabriqués en Afrique et en Asie et donc que la production est et peut devenir avantageuse à l’île Maurice », la chambre de recours fait reposer le pronostic qu’elle émet quant à l’évaluation favorable de la production textile de l’île Maurice sur la part prise par les continents africain et asiatique dans la production actuelle.

62      Or, une telle référence géographique, par sa généralité, n’est pas susceptible de caractériser l’existence d’un lien futur, dans l’esprit du public pertinent, entre Port Louis et les textiles domestiques. La connaissance par ce public de l’existence d’activités de production de textiles en Afrique et en Asie n’implique pas qu’il ait connaissance de leur localisation sur l’île Maurice ou dans un endroit spécifique de ce pays.

63      Au demeurant, la chambre de recours admet elle-même que l’essor de l’industrie textile de l’île est sujet aux aléas du commerce international, lorsqu’elle fait allusion, au point 44 de la décision attaquée, à la perte par l’île de quelques parts de marché au profit des pays asiatiques.

64      Enfin, la référence faite par la chambre de recours, sans aucune autre précision, à la production d’articles de design, notamment des marques Ralph Lauren, Pierre Cardin et Yves Saint Laurent, n’implique nullement que le public pertinent pourrait à l’avenir associer à Port Louis le siège d’une industrie textile.

65      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas démontré que le public pertinent pourrait à l’avenir envisager que des textiles domestiques proviennent de Port Louis ou qu’ils y soient conçus.

66      C’est donc à tort que, à supposer même que Port Louis soit suffisamment connu du public pertinent en tant que lieu géographique déterminé, la chambre de recours a estimé vraisemblable que ce public puisse être en mesure, actuellement ou à l’avenir, d’établir un tel lien entre Port Louis et la production de textiles domestiques.

67      Il convient donc d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

68      La requérante soutient que les critères d’appréciation du caractère distinctif exigé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 sont particulièrement souples en l’absence d’impératif de disponibilité actuel. La marque demandée, qui ne présente par ailleurs aucun lien de nature descriptive avec les produits revendiqués, présenterait donc un caractère distinctif au sens de cet article.

69      L’OHMI rappelle que le constat d’un caractère descriptif entraîne également un constat de défaut de caractère distinctif. Dans la mesure où la requérante ne présente aucune observation concernant l’article 7, paragraphe 1, point b), du règlement nº 40/94, un examen plus précis de cette disposition ne s’imposerait pas.

 Appréciation du Tribunal

70      Il convient de constater que la chambre de recours a déduit le défaut de caractère distinctif de PORT LOUIS, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, de son caractère descriptif de la provenance géographique des produits en cause.

71      Or, comme il vient d’être jugé, le caractère descriptif du signe déposé n’est pas établi, sa démonstration reposant sur une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94.

72      Il en résulte que le défaut de caractère distinctif ne peut être considéré comme caractérisé.

73      Il convient donc d’accueillir également le deuxième moyen.

74      Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner ni la légalité du refus d’enregistrement du signe demandé au regard des produits en cause qualifiés par la chambre de recours d’articles complémentaires des textiles domestiques ni le moyen tiré par la requérante de la violation de son droit d’être entendue.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 21 juin 2006 (affaire R 25/2006‑1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon                                                                N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’allemand.