Language of document : ECLI:EU:T:2020:438

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

23 septembre 2020 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 – Recours en annulation – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Formes substantielles – Authentification de la décision – Obligation de motivation – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »

Dans l’affaire T‑420/17,

Portigon AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Bliesener, V. Jungkind et F. Geber, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. P. Messina et J. Kerlin, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, S. Schelo et T. Klupsch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė et M. K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du CRU dans sa session exécutive du 11 avril 2017 sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05), en ce qu’elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva, MM. R. Barents, J. Passer (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 30 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique (MRU), érigé par le règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1). L’instauration du MRU a pour but de renforcer l’intégration du cadre de résolution dans les États membres de la zone euro et les États membres qui ne font pas partie de la zone euro et qui choisissent de participer au mécanisme de surveillance unique (MSU) (ci-après les « États membres participants »).

2        Plus spécifiquement, cette affaire concerne le Fonds de résolution unique (FRU) instauré par l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 806/2014. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante, en exécution de l’article 67, paragraphe 4, du même règlement. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, point 13, dudit règlement, la notion d’établissement vise un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement couverte par la surveillance sur base consolidée conformément à l’article 2, sous c), du même règlement. Les contributions sont transférées au niveau de l’Union européenne conformément à l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé à Bruxelles (Belgique) le 21 mai 2014.

3        L’article 70 du règlement no 806/2014, intitulé « Contributions ex ante », dispose :

« 1. La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2. Chaque année, le CRU, après consultation de la BCE ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

Chaque année, le calcul de la contribution de chaque établissement s’appuie sur :

a)      une contribution forfaitaire, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participants ; et

b)      une contribution en fonction du profil de risque, fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.

Le rapport entre la contribution forfaitaire et la contribution en fonction du profil de risque est défini avec le souci d’une répartition équilibrée des contributions entre les différents types de banques.

En tout état de cause, le cumul des contributions de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, calculées en vertu des points a) et b), ne dépasse pas annuellement 12,5 % du niveau cible.

[...]

6. Les actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59/UE, s’appliquent.

7. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, adopte, dans le cadre des actes délégués visés au paragraphe 6, des actes d’exécution pour définir les conditions de la mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3, notamment en ce qui concerne :

a)      l’application de la méthode de calcul des contributions individuelles ;

b)      les modalités pratiques de l’attribution aux établissements des facteurs de risque prévus dans les actes délégués. »

4        Le règlement no 806/2014 a été complété, en ce qui concerne lesdites contributions ex ante, par le règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au FRU (JO 2015, L 15, p. 1).

5        Par ailleurs, le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81 procèdent par renvoi à certaines dispositions contenues dans deux autres actes :

–        d’une part, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) ;

–        d’autre part, le règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59 en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

6        Le Conseil de résolution unique (CRU) a été institué en tant qu’agence de l’Union (article 42 du règlement no 806/2014). Il comporte notamment une session plénière et une session exécutive (article 43, paragraphe 5, du règlement no 806/2014). Le CRU en session exécutive prend toutes les décisions pour mettre en œuvre le règlement no 806/2014, sauf disposition contraire dudit règlement [article 54, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014].

 Antécédents du litige

7        La requérante, Portigon AG, anciennement WestLB AG, est un établissement de crédit établi en Allemagne.

8        En 2009, il a été institué, au sein de l’autorité de résolution allemande, la Bundesanstalt für Finanzmarktstabilisierung (Office fédéral de stabilisation des marchés financiers, Allemagne, ci-après la « FMSA »), l’Erste Abwicklungsanstalt (première structure de défaisance, ci-après l’ « EAA »), un établissement de droit public organiquement et économiquement autonome, à capacité juridique restreinte.

9        Le 20 décembre 2011, la Commission européenne a adopté la décision 2013/245/UE relative à l’aide d’État C 40/2009 et C 43/2008 en faveur de la restructuration de la WestLB AG (JO 2013, L 148, p. 1).

10      Dans le cadre de cette restructuration, une partie des secteurs d’activités et portefeuilles de la requérante (ci-après le « portefeuille de l’EAA ») ont été transférés à l’EAA. Une partie du portefeuille de l’EAA a fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA par voie de scission. Le reste du portefeuille de l’EAA, comprenant un portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré, n’a pas fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA, mais uniquement d’un transfert économique (transfert synthétique). À cet égard, des conventions de sous-participation en liquide, de garantie ou de prise en charge des risques ont été conclues avec l’EAA.

 Déclaration de la requérante aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2017

11      Le 25 janvier 2017, par le biais de l’application ExtraNet de la Deutsche Bundesbank (banque centrale d’Allemagne), la requérante a transmis à la FMSA sa déclaration aux fins du calcul de la contribution ex ante pour 2017. Comme pour l’exercice 2016 (arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, points 13 à 17), cette déclaration était fondée sur la position juridique de la requérante.

12      Le même jour, la requérante a soumis un autre formulaire de déclaration en version papier, dont le contenu correspondait, de l’avis de la requérante, à la position juridique de la FMSA.

13      Par courriel du 13 février 2017, la FMSA a informé la requérante que le règlement délégué 2015/63 faisait obstacle à l’introduction parallèle de données électroniques et de données divergentes sur format papier et a invité la requérante à soumettre une seule déclaration au plus tard le 17 février 2017.

14      Dans sa lettre de réponse du 17 février 2017, adressée à la FMSA, la requérante s’est référée aux contentieux administratifs et judiciaires qu’elle avait engagés en ce qui concerne les contributions ex ante pour 2015 et pour 2016. La requérante a indiqué qu’elle considérait comme inapproprié, dans l’attente du prononcé d’une décision définitive sur ces litiges, que la FMSA l’incite à présenter une déclaration qui ne correspondait pas à sa position juridique.

15      Par lettre du 17 février 2017, la requérante a adressé au CRU une copie de la lettre mentionnée au point 14 ci-dessus.

 Décision attaquée et avis de perception relatif à cette décision

16      Par décision du 11 avril 2017 sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au FRU (SRB/ES/SRF/2017/05 ; ci-après la « décision attaquée »), le CRU dans sa session exécutive a décidé, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, sous b), et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, du montant de la contribution ex ante de chaque établissement, dont la requérante, pour l’année 2017.

17      Par avis de perception du 21 avril 2017, reçu le 2 mai 2017, la FMSA a informé la requérante que le CRU avait fixé sa contribution ex ante pour 2017 au FRU et lui a indiqué le montant à payer au profit du Restrukturierungsfonds (fonds de restructuration, Allemagne) (ci-après l’« avis de perception »). La FMSA a joint deux documents à l’avis de perception, à savoir une version allemande du texte de la décision attaquée, sans l’annexe que ce texte mentionne, et un document intitulé « Détails du calcul (ajusté au risque) : Contributions ex ante au [FRU] pour 2017 » (ci-après le « document intitulé “Détails du calcul” »).

18      Le 22 juin 2017, à la suite de ses demandes d’accès aux documents des 26 mai et 12 juin 2017, la requérante a reçu du CRU une copie de la décision attaquée, un extrait de l’annexe de cette décision, une copie du document intitulé « Détails du calcul » ainsi qu’un document contenant certaines données relatives au calcul de sa contribution (ci-après le « quatrième document produit par le CRU le 22 juin 2017 »).

19      Par courriel du 21 juin 2017, le CRU a refusé à la requérante l’accès aux échanges intervenus entre lui et la FMSA au sujet des bases de calcul de la contribution à prélever auprès d’elle.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2017, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du CRU.

22      Par décision du 14 novembre 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne composition) a fait droit à la demande d’intervention de la Commission.

23      Sur proposition de la huitième chambre du Tribunal (ancienne composition), ce dernier a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure du Tribunal, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

24      Par mesure d’organisation de la procédure, adoptée le 12 décembre 2018 au titre de l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité le CRU à produire, premièrement, la copie intégrale de l’original de la décision attaquée, en ce compris son annexe, deuxièmement, l’ensemble des décisions intermédiaires prises par lui et qui sont à la base du calcul de la contribution ex ante pour 2017 et, troisièmement, la correspondance échangée entre lui et la FMSA portant sur la discussion entre cette dernière et la requérante relative à la déclaration de celle-ci aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2017. Le Tribunal a également invité le CRU à décrire la procédure d’adoption de la décision attaquée, en fournissant les pièces justificatives.

25      En outre, le Tribunal a posé une question aux parties relative à la délégation conférée à la Commission à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

26      Par actes du 16 janvier 2019, la requérante et la Commission ont répondu à la question visée au point 25 ci-dessus.

27      Par acte du 30 janvier 2019, le CRU a répondu à la mesure d’organisation de la procédure du 12 décembre 2018. S’agissant de la demande de production de documents (voir point 24 ci-dessus), il a indiqué, en substance, ne pas pouvoir produire les documents et les pièces justificatives demandés, pour des raisons de confidentialité. Pour ce motif, il a demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’instruction.

28      Par ordonnance du 18 mars 2019, le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, de produire, en versions non confidentielle et confidentielle, les copies intégrales de l’original de la décision attaquée, en ce compris son annexe, de l’ensemble des décisions intermédiaires prises par lui et qui sont à la base du calcul de la contribution ex ante pour 2017, de la correspondance échangée entre lui et la FMSA portant sur la discussion entre cette dernière et la requérante relative à la déclaration de celle-ci aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour 2017 ainsi que de l’ensemble des pièces justificatives relatives à la procédure d’adoption de la décision attaquée.

29      Le 4 avril 2019, la requérante a soulevé des moyens nouveaux.

30      Par acte du 18 avril 2019, le CRU a répondu à l’ordonnance du 18 mars 2019. S’agissant de la décision attaquée, le CRU a expliqué que l’annexe de celle-ci avait été adoptée sous format XLSX. Cependant, le document produit devant le Tribunal était sous format PDF. S’agissant des décisions intermédiaires, le CRU a produit des décisions relatives au calcul des contributions ex ante pour 2016, des projets de décisions et des notes de synthèse (cover notes).

31      Par lettres des 27 et 28 mai 2019, la Commission et le CRU ont déposé leurs observations quant aux moyens nouveaux soulevés par la requérante.

32      En vue de permettre au CRU de compléter la réponse visée au point 30 ci-dessus, le Tribunal a adopté, le 9 septembre 2019, une seconde ordonnance portant des mesures d’instruction.

33      Par acte du 26 septembre 2019, le CRU a répondu à l’ordonnance du 9 septembre 2019 et a produit, d’une part, une copie, au format PDF, du texte de la décision attaquée et, s’agissant de l’annexe de celle-ci, une clé USB comportant, en versions non confidentielle et confidentielle, un fichier au format XLSX. D’autre part, le CRU a produit, en versions non confidentielle et confidentielle, onze documents décrivant la procédure d’approbation par sa session exécutive des projets de décisions contenus dans les notes de synthèse visées au point 30 ci-dessus ou annexés à celles-ci.

34      Par ordonnance du 10 octobre 2019, à la suite de l’examen prévu à l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a retiré du dossier l’ensemble des documents produits par le CRU en version confidentielle en réponse aux ordonnances portant des mesures d’instruction des 18 mars et 9 septembre 2019 et a considéré que les versions non confidentielles des notes de synthèse visées au point 30 ci-dessus comportaient des passages occultés qui étaient à la fois pertinents pour le litige et non confidentiels. Par conséquent, il a ordonné au CRU de produire de nouvelles versions non confidentielles desdites notes.

35      Par acte du 18 octobre 2019, le CRU a déféré à cette ordonnance.

36      Par lettres des 6 et 14 novembre 2019, la Commission et la requérante ont déposé leurs observations à l’égard des réponses du CRU aux questions 1.a) et 1.b) de la mesure d’organisation de la procédure du 12 décembre 2018 (voir point 24 ci-dessus), aux ordonnances portant des mesures d’instruction des 18 mars et 9 septembre 2019 et à l’ordonnance du 10 octobre 2019.

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

38      Le CRU, soutenu par la Commission, conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou comme non fondé ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal déciderait d’annuler la décision attaquée, différer les effets de l’annulation de six mois après que l’arrêt est devenu définitif ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

39      Dans ses mémoires, le CRU a, en substance, contesté la qualité de la requérante pour agir en annulation de la décision attaquée, en faisant valoir qu’elle n’était pas directement et individuellement concernée par celle-ci et que seul l’avis de perception pouvait avoir un effet sur sa situation.

40      Force est de constater que, dans son arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 65), la Cour a jugé, en substance, que, bien que les destinataires des décisions du CRU sur le calcul des contributions ex ante au FRU soient, conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, les autorités de résolution nationales (ci-après les « ARN »), les établissements débiteurs de ces contributions sont, sans aucun doute, directement et individuellement concernés par ces décisions.

41      Il s’ensuit que la requérante a qualité pour agir en annulation de la décision attaquée, ce que le CRU a reconnu lors de l’audience et dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 Sur le fond

42      Dans sa requête, la requérante a soulevé sept moyens à l’appui de son recours.

43      À titre principal, elle soutient, en substance, que le CRU aurait dû l’exclure de l’obligation d’acquitter une contribution ex ante (premier et deuxième moyens).

44      À titre subsidiaire, la requérante prétend que, en tout état de cause, le CRU aurait dû, premièrement, exclure des passifs retenus pour la perception de la contribution le portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré de l’EAA (troisième moyen), deuxièmement, prendre en considération une valeur nette et non une valeur brute des contrats sur instruments dérivés de la requérante (quatrième moyen) et, troisièmement, considérer que la requérante n’est pas un établissement en restructuration (cinquième moyen).

45      En outre, la requérante fait valoir une violation, par le CRU, de son droit d’être entendue (sixième moyen) et de l’obligation de motivation (septième moyen).

46      De surcroît, au vu de la réponse du CRU à la mesure d’organisation de la procédure du 12 décembre 2018, la requérante a soulevé, en substance, quatre moyens nouveaux, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de clarifier les faits de l’affaire, le deuxième, d’une violation des règles de procédure du CRU dans sa session exécutive, le troisième, d’une violation du principe de sécurité juridique du fait de l’organisation de la procédure décisionnelle et, le quatrième, d’une invalidité partielle du règlement délégué 2015/63.

47      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord la question de l’authentification de la décision attaquée, qui a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par l’auteur de l’acte et constitue une forme substantielle dont la violation constitue un moyen d’ordre public, qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 75 et 76, et du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, points 40 et 41 ; voir, également, arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 85 et jurisprudence citée).

 Sur l’authentification de la décision attaquée

48      Il convient de rappeler que, l’élément intellectuel et l’élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l’acte est l’expression nécessaire de la volonté de l’autorité qui l’adopte (arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 70 ; du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 38, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 86).

49      Il a également déjà été jugé que la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque (arrêts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 42, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 87).

50      Le contrôle du respect de la formalité de l’authentification et, ainsi, du caractère certain de l’acte est un préalable à tout autre contrôle tel que celui de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect du principe de la collégialité ou encore celui du respect de l’obligation de motiver les actes (arrêts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 46, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 88).

51      Si le juge de l’Union constate, à l’examen de l’acte produit devant lui, que ce dernier n’a pas été régulièrement authentifié, il lui appartient de soulever d’office le moyen tiré de la violation d’une forme substantielle consistant en un défaut d’authentification régulière et d’annuler, en conséquence, l’acte entaché d’un tel vice (arrêts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 51, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 89).

52      Il importe peu, à cet égard, que l’absence d’authentification n’ait causé aucun préjudice à l’une des parties au litige. En effet, l’authentification des actes est une forme substantielle au sens de l’article 263 TFUE, essentielle à la sécurité juridique, dont la violation entraîne l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un tel préjudice (arrêts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, point 52, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 90 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 47).

53      En l’espèce, la requérante a exprimé des doutes quant à l’authentification de la décision attaquée dans le cadre du troisième moyen nouveau. Elle a réitéré ces doutes lors de l’audience.

54      Dans la mesure où le CRU excipe de l’irrecevabilité dudit moyen nouveau, il suffit de rappeler que, en tout état de cause, une violation d’une forme substantielle constitue un moyen d’ordre public (voir point 51 ci-dessus).

55      En l’espèce, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure adoptée le 12 décembre 2018, le CRU indique que la décision attaquée a été adoptée par procédure écrite, conformément à l’article 7, paragraphe 5, et à l’article 9 des règles de procédure du CRU en session exécutive, telles qu’adoptées par la décision du CRU en session plénière du 29 avril 2015 (SRB/PS/2015/8), lancée par l’envoi aux membres de la session exécutive du CRU, par courrier électronique, de documents comportant, notamment, un document au format DOC correspondant au projet de texte de la décision attaquée et un document au format XLSX correspondant au projet de l’annexe à laquelle se réfère le texte de la décision attaquée.

56      À cet égard, il découle de la réponse du CRU à l’ordonnance du 18 mars 2019 que, le 11 avril 2017, à la suite de l’approbation, également par voie de courriers électroniques, des deux documents mentionnés au point 55 ci-dessus, tels que modifiés au cours de la procédure, par tous les membres de la session exécutive, le secrétariat du CRU a imprimé le document au format DOC (texte de la décision attaquée, sans son annexe), et la présidente du CRU a signé ce document ainsi que la fiche d’acheminement relative au dossier. La version signée dudit document serait conservée dans les locaux du CRU.

57      Dans sa réponse à l’ordonnance du 18 mars 2019, le CRU a produit une copie de cette version signée du texte de la décision attaquée ainsi qu’une copie de ladite fiche d’acheminement.

58      Force est toutefois de constater que le CRU n’a apporté aucune preuve de l’authentification de l’annexe de la décision attaquée, laquelle annexe est un document électronique au format XLSX qui comporte les montants des contributions ex ante et constitue donc un élément essentiel de cette décision.

59      En effet, le CRU n’a produit aucune version de l’annexe de la décision attaquée comportant une signature électronique, alors même que ladite annexe n’est nullement liée de manière indissociable au texte de la décision attaquée.

60      S’agissant de la fiche d’acheminement évoquée au point 56 ci-dessus, dont la mention « Attachment (s) : 2 » [Pièce(s) jointe(s) : 2] devrait en théorie signifier que, lors de sa signature manuscrite par la présidente du CRU, cette fiche était accompagnée de deux pièces jointes, à savoir du texte de la décision attaquée et d’une version imprimée de l’annexe, force est de constater que, en réalité, elle n’établit pas la présence de deux pièces jointes, qu’elle n’identifie, au demeurant, même pas.

61      Le CRU a d’ailleurs admis en substance, lors de l’audience, ne pas avoir imprimé l’annexe, qui, comme déjà indiqué, est un document au format XLSX, à savoir un document électronique. Dès lors, sa signature ne pouvait être qu’électronique et ce document ne pouvait donc pas être joint physiquement à une fiche d’acheminement établie sous forme papier.

62      Or, le CRU ne mentionne de signature qu’en ce qui concerne le texte de la décision attaquée. Le CRU n’établit pas la signature électronique de cette annexe par la présidente du CRU.

63      Quant à l’argument avancé par le CRU, lors de l’audience, selon lequel l’annexe aurait été disponible dans un système documentaire dénommé ARES (Advanced Records System) au moment de la signature de la fiche d’acheminement, force est de constater qu’il est nouveau et, à ce titre irrecevable, ainsi que, en tout état de cause, non étayé.

64      À cet égard, il convient d’observer que la fiche d’acheminement ne comporte aucun élément prouvant cette allégation et encore moins d’élément permettant d’établir un lien indissociable entre ladite fiche, signée à la main par la présidente du CRU, et un document prétendument présent dans ARES, qui correspondrait à l’annexe de la décision attaquée, telle que produite devant le Tribunal.

65      En définitive, la signature manuscrite d’une fiche d’acheminement mentionnant deux pièces jointes sans les identifier, ni leur être ensuite liée de manière indissociable, et ce alors même qu’il n’y avait en réalité qu’une pièce jointe à cette fiche, ne saurait emporter authentification d’un autre document – l’annexe sous format XLSX – prétendument présent dans ARES.

66      Il résulte des considérations qui précèdent que l’exigence d’authentification de la décision attaquée n’est pas satisfaite.

67      Le Tribunal estime opportun, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de se prononcer également sur le septième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

68      À titre liminaire, la requérante fait valoir que le CRU était tenu de motiver la décision attaquée également à son égard, étant donné qu’elle est directement et individuellement concernée par cette décision.

69      Selon elle, la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée.

70      Selon elle, si la décision attaquée consacre de vastes développements à la méthode de calcul des contributions, ceux-ci restent toutefois génériques et ne se rapportent pas à son cas. De plus, il résulterait uniquement des documents fournis à la requérante que, dans ses calculs, le CRU n’a pas utilisé les données que la requérante avait communiquées par voie électronique à la FMSA. La décision attaquée ne contiendrait aucune explication sur les questions qui seraient déterminantes pour l’obligation de contribution de la requérante, à savoir pourquoi elle devrait être par principe tenue pour redevable, pourquoi le CRU n’a pas établi la contribution de la requérante sur le fondement de sa déclaration électronique et pourquoi il a calculé la contribution en se basant sur la déclaration en format papier.

71      Le CRU ne pourrait se référer simplement aux bases légales de la décision attaquée. Lorsque, comme en l’espèce, plusieurs interprétations d’une disposition seraient concevables, l’auteur de l’acte faisant grief devrait expliquer les motifs pour lesquels il retient une interprétation défavorable. En outre, les exigences de motivation seraient d’autant plus rigoureuses que le contexte juridique de la décision serait inconnu et que la mesure arrêtée serait contestée entre les parties intéressées.

72      De plus, la décision attaquée ne comporterait pas toutes les données dont la FMSA avait besoin pour motiver à suffisance de droit son avis de perception. La décision attaquée (ainsi que, par conséquent, l’avis de perception) ne contiendrait pas de données ventilées, mais seulement des informations générales sur les modalités suivies par le CRU pour assigner les différents établissements aux différents « bins » (étape 2 de l’annexe I du règlement délégué 2015/63). Les établissements et les juridictions devraient toutefois disposer de données ventilées pour pouvoir vérifier si le CRU a convenablement appliqué les prescriptions du droit de l’Union régissant l’établissement des « bins » et l’assignation à ceux-ci.

73      Selon la requérante, cette violation de l’obligation de motivation, forme substantielle d’un acte au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, entraîne l’annulation de la décision attaquée.

74      Le CRU, soutenu par la Commission, conteste ces arguments.

75      Dans ses mémoires, il fait valoir que la décision attaquée ne concerne pas directement la requérante et ne doit donc pas être motivée à son égard.

76      En tout état de cause, les exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE seraient remplies même en ce qui concerne la requérante.

77      En effet, premièrement, la décision attaquée se référerait au règlement no 806/2014 comme constituant sa base légale. Or, ce règlement, le règlement délégué 2015/63, le règlement d’exécution 2015/81 ainsi que la directive 2014/59 exposeraient en détail la méthode à appliquer pour le calcul du montant des contributions ex ante. La décision contestée aurait dès lors été adoptée « dans un contexte bien connu » de la requérante. Si le cadre juridique seul ne permettrait pas de calculer un montant en détail, il fournirait des indications claires quant aux critères pertinents relatifs au calcul.

78      Par ailleurs, ce cadre juridique ainsi que la position juridique du CRU à l’égard de la requérante auraient déjà été connus de cette dernière, étant donné que des procédures de collecte des contributions avaient été effectuées en 2015 et en 2016, et qu’une correspondance a été entretenue avec la FMSA au cours de l’année 2017.

79      Deuxièmement, tant la FMSA que la requérante auraient été, avec des fonctions différentes, étroitement associées à la procédure. D’une part, la procédure de calcul serait fondée sur une étroite coopération entre le CRU et les ARN (article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014) et ces dernières agiraient comme point de contact principal pour les établissements situés sur leur territoire lorsque ceux-ci ont des questions opérationnelles et procédurales en ce qui concerne le calcul et, si nécessaire, communiqueraient avec le CRU pour répondre à ces questions. D’autre part, la requérante aurait connaissance du raisonnement principal ainsi que des positions juridiques du CRU et de la FMSA. Le calcul se baserait sur la méthode expliquée dans les différents actes mentionnés au point 77 ci-dessus et utiliserait les données détaillées fournies par la requérante elle-même ainsi que les données fournies par les autres établissements en vue d’atteindre le niveau cible pour 2017.

80      Troisièmement, la requérante aurait reçu des explications extrêmement détaillées sur le calcul et le raisonnement suivi dans l’avis de perception. En se basant sur les informations qui lui étaient accessibles de par son étroite implication dans la procédure, la FMSA aurait précisé les informations fournies par la requérante sur lesquelles le calcul du montant des contributions ex ante pour 2017 a été fondé, la base légale de sa décision, et aurait fourni dans les annexes 1 et 2 de l’avis de perception un calcul très précis détaillant les étapes suivies en application des dispositions pertinentes.

81      S’agissant des éléments évoqués au point 70 ci-dessus, le CRU soutient que la requérante était au courant de toutes ces circonstances. Au regard des contributions ex ante pour 2015 et pour 2016, des litiges qui y sont afférents et de la correspondance entretenue avec la FMSA en 2017, il serait clair que la requérante connaissait l’approche juridique légale du CRU et de la FMSA, les raisons sous-tendant cette approche et les paramètres applicables à la méthode de calcul, et qu’elle était consciente de son obligation de verser une contribution ex ante.

82      Le CRU ajoute que le cadre juridique applicable met en place une procédure de calcul des contributions ex ante annuelles qui rend la contribution de chaque établissement (évaluée en fonction du risque) dépendante des contributions de tous les autres établissements (évaluées en fonction du risque). Ainsi, les données pertinentes pour le calcul des contributions ex ante de la requérante contiendraient des informations détaillées et confidentielles de plus de 3 500 autres établissements. Ces informations spécifiques aux établissements seraient toutefois très sensibles et seraient soumises à des obligations de confidentialité. L’obligation du CRU de protéger ces informations confidentielles (article 339 TFUE, article 88 du règlement no 806/2014, article 84 de la directive 2014/59 et article 14, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63) limiterait donc l’obligation du CRU d’exposer les motifs de ses décisions aux destinataires et il ne serait pas approprié d’obliger le CRU à habiliter une entité, qui n’est pas le destinataire d’une décision, à recalculer entièrement ce qui est, au final, considéré comme étant le montant de sa contribution ex ante.

83      En effet, il ressortirait de la jurisprudence, d’une part, que le droit de recevoir une motivation et le droit d’accès aux informations utilisées par un organe décisionnel doivent être mis en balance avec le droit d’autres opérateurs économiques à la protection de leurs informations confidentielles et de leurs secrets d’affaires et, d’autre part, que, lorsqu’une décision occulte un grand nombre de données économiques et que l’absence d’accès à ces données ne permet pas de vérifier l’exactitude des calculs, cette absence ne permet pas de conclure à un défaut de motivation. Il suffirait qu’une décision explique clairement la méthodologie suivie par l’organe décisionnel.

84      À cela s’ajouterait encore qu’une obligation de mentionner et d’expliquer toutes les informations concernant le profil de risque individuel de milliers d’autres établissements irait au-delà des possibilités techniques et pratiques en termes de délais applicables à l’adoption de la décision.

85      En tout état de cause, la requérante n’aurait aucun intérêt légitime à l’annulation de la décision attaquée. L’allégation de l’existence d’une d’erreur dans le calcul du montant de la contribution ex ante de la requérante n’étant pas étayée, ce calcul resterait en principe valide et le CRU pourrait immédiatement l’approuver dans une nouvelle décision même si la partie requérante venait à prospérer dans le présent moyen.

–       Appréciation du Tribunal

86      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 59 et jurisprudence citée).

87      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués ainsi que de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 124 et jurisprudence citée).

88      Par ailleurs, la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir arrêt du 15 juillet 2015, Pilkington Group/Commission, T‑462/12, EU:T:2015:508, point 21 et jurisprudence citée).

89      En outre, il existe un rapport étroit entre l’obligation de motivation et le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Housieaux, C‑186/04, EU:C:2005:70, point 32).

90      En effet, selon une jurisprudence constante, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels la décision contestée est fondée, tant pour lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de ladite décision qui lui incombe en vertu du traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 40 et jurisprudence citée, et du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 54 et jurisprudence citée).

91      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si, dans le système instauré par le règlement no 806/2014 et le règlement d’exécution 2015/81, les décisions fixant les contributions ex ante sont notifiées aux ARN, les établissements débiteurs de ces contributions, dont la requérante, sont individuellement et directement concernés par lesdites décisions (voir point 40 ci-dessus).

92      Dès lors, l’intérêt que peuvent avoir ces établissements à recevoir des explications doit également être pris en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver les décisions en cause (arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 164).

93      Par ailleurs, c’est le CRU qui calcule et fixe les contributions ex ante. Ses décisions sur le calcul desdites contributions ne sont adressées qu’aux ARN (article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81) et il incombe aux ARN de les communiquer aux établissements (article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81) et de percevoir les contributions auprès des établissements sur la base desdites décisions (article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014) (arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 179).

94      Ainsi, quand le CRU agit en vertu de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, il adopte des décisions revêtues d’un caractère définitif et qui concernent, individuellement et directement, les établissements (arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 180).

95      Par conséquent, il incombe au CRU, auteur de ces décisions, de les motiver. Cette obligation ne saurait être déléguée aux ARN, ni sa violation palliée par celles-ci, sauf à méconnaître la qualité du CRU d’auteur desdites décisions et sa responsabilité à ce titre, et à susciter, compte tenu de la diversité des ARN, un risque d’inégalité de traitement des établissements en ce qui concerne la motivation des décisions du CRU (arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 181).

96      En l’espèce, s’agissant du texte de la décision attaquée, les visas citent le règlement no 806/2014, la directive 2014/59, le règlement d’exécution 2015/81, le règlement délégué 2015/63 et l’accord intergouvernemental mentionné au point 2 ci-dessus comme bases juridiques et comportent plusieurs indications relatives à la prise en compte des contributions ex ante perçues au titre des années 2015 et 2016. Suivent le dispositif principal de la décision attaquée (« [Le CRU dans sa session exécutive] approuve les montants des contributions ex ante au [FRU] pour 2017 tels qu’ils figurent en annexe ») et onze points qui exposent, en termes généraux, la procédure du calcul des contributions ex ante. Enfin, le point 12 précise que « [la décision attaquée] entre en vigueur le jour de son adoption ».

97      Quant à l’annexe de la décision attaquée, telle que produite par le CRU dans sa réponse à l’ordonnance du 9 septembre 2019, elle comporte un tableau qui indique, pour chaque établissement concerné, l’État membre participant où il est agréé, le type de méthode utilisée pour calculer la part « européenne » de la contribution ex ante pour 2017, le montant de cette contribution et, dans la colonne intitulée « Facteur d’ajustement au risque (EA) », le montant du multiplicateur « européen » d’ajustement en fonction du profil de risque [voir article 9 du règlement délégué 2015/63 et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2015/81], appliqué dans son cas.

98      Il est constant que la décision attaquée ne contient, au-delà des explications générales figurant dans son texte, quasi aucun élément du calcul de la contribution de la requérante. En effet, cette décision ne fournit que le type de méthode et le montant du multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque appliqués à la requérante pour calculer la part « européenne » de sa contribution.

99      Il convient d’ajouter qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2015/81 que la part du calcul de la contribution opérée par le CRU en référence au contexte européen entre, en 2017, pour 60 % seulement dans le calcul de cette contribution, tandis que la part nationale y entre pour 40 %.

100    Quant au document intitulé « Détails du calcul » (voir point 17 ci-dessus) – à supposer que celui-ci émane effectivement du CRU, comme ce dernier l’a affirmé lors de l’audience – et au quatrième document produit par le CRU le 22 juin 2017 (voir point 18 ci-dessus) dont le contenu correspond essentiellement à celui du document intitulé « Détails du calcul », force est de constater que, même si ces documents indiquent, outre les éléments mentionnés au point 97 ci-dessus, le type de méthode pour calculer la part « nationale » de la contribution et le montant du multiplicateur « national » d’ajustement en fonction du profil de risque ainsi que d’autres éléments de calcul, toutefois, ils ne comportent aucun élément suffisant pour vérifier l’exactitude de la contribution.

101    En particulier, ces documents ne comportent aucun élément de calcul propre aux (environ) 3 500 autres établissements, alors même que, en application notamment des articles 4 à 7 et 9 du règlement délégué 2015/63, le calcul de la contribution de la requérante implique, d’une part, une mise en proportion du montant de son passif (hors fonds propres et dépôts couverts) avec le total du passif (hors fonds propres et dépôts couverts) de l’ensemble des autres établissements et, d’autre part, une évaluation de son profil de risque en rapport avec les profils de risque de ces autres établissements selon les indicateurs prévus.

102    Pour justifier l’absence de ces éléments, le CRU fait valoir, en substance, que les éléments relatifs aux autres établissements sont confidentiels.

103    Le Tribunal ne conteste pas la nature confidentielle des données des (environ) 3 500 autres établissements, mais relève que, dans la mesure où il repose de manière interdépendante sur ces données, le calcul de la contribution de la requérante s’avère intrinsèquement opaque.

104    La requérante peut certes examiner la méthode de calcul de la contribution ex ante telle que définie dans la réglementation et exposée dans le texte de la décision attaquée. Elle peut, comme elle le fait, notamment, dans le cadre des troisième à cinquième moyens du présent recours, contester certains aspects de la méthode et leur mise en œuvre à son égard, à savoir, par exemple, l’appréciation, par le CRU, de ses données au titre de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 (voir point 44 ci-dessus).

105    Cela étant, au-delà de telles contestations ciblées, la contribution de la requérante étant calculée de manière interdépendante et sur des bases non communicables, la méthode de calcul porte atteinte à sa possibilité de contester utilement la décision attaquée.

106    À cet égard, c’est à juste titre que la requérante observe que l’absence des données ventilées ne lui permet pas de vérifier si le CRU a appliqué convenablement les prescriptions du droit de l’Union en ce qui concerne la seconde partie du calcul de sa contribution (évaluation de son profil de risque).

107    En effet, il est évident que, sans les données relatives aux autres établissements, la requérante ne dispose d’aucun moyen de vérifier son classement pour chaque indicateur de risque (étape 2 de l’annexe I du règlement délégué 2015/63), tel qu’il est indiqué dans les documents en cause. Pourtant, à travers les étapes 3 à 6 de l’annexe I du règlement délégué, ledit classement est déterminant pour le calcul du multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque (voir article 9 du règlement délégué 2015/63).

108    Il convient d’ajouter que, pour la même raison, la requérante n’est pas en mesure de vérifier la première partie du calcul, qui consiste en substance à calculer une contribution annuelle de base (voir considérant 5 du règlement délégué 2015/63) qui, comme il a déjà été relevé au point 101 ci-dessus, dépend aussi des données des autres établissements.

109    Il n’est d’ailleurs pas contesté par le CRU qu’un établissement comme la requérante ne peut pas savoir exactement pourquoi sa contribution augmente, baisse ou stagne d’une année sur l’autre, puisque ces variations ou cette stagnation résultent d’une position relative dont il ignore par définition les termes. Un établissement pourra ainsi voir sa contribution augmenter alors que son profil de risque propre a baissé, et vice versa, sans disposer des éléments justificatifs, s’agissant d’éléments confidentiels.

110    Or, il résulte de l’article 296 TFUE que les actes juridiques doivent être motivés, et la jurisprudence rappelle que l’obligation de motivation s’applique à tout acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 42).

111    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’un défaut de motivation ne saurait être justifié par l’obligation de respecter le secret professionnel. L’obligation de respecter les secrets d’affaires ne saurait être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’exigence de motivation de son contenu essentiel (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 48 et jurisprudence citée).

112    En l’espèce, la motivation fournie à la requérante ne lui permet pas de vérifier le montant de sa contribution, lequel constitue pourtant l’élément essentiel de la décision attaquée en ce qu’elle la concerne. Elle place la requérante dans une position où elle n’est pas en mesure de savoir si ce montant a été calculé correctement ou si elle doit le contester devant le Tribunal, sans toutefois pouvoir, comme il lui incombe pourtant dans un recours juridictionnel, identifier, s’agissant dudit montant, les éléments contestés de la décision attaquée, formuler des griefs à cet égard et apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 132).

113    Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante mentionnés au point 70 ci-dessus, il y a lieu de conclure que le CRU a violé l’obligation de motivation.

114    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par le CRU.

115    S’agissant de la référence à l’implication de la requérante dans le processus décisionnel, il convient de relever que cette implication se limite à la fourniture d’informations par l’établissement au CRU, conformément à l’article 14 du règlement délégué 2015/63 et selon les formats et schémas définis par le CRU en application de l’article 6 du règlement d’exécution 2015/81. Elle ne donne à l’établissement aucun moyen de vérifier l’exactitude de sa contribution.

116    Il en est de même, pour les raisons indiquées aux points 104 et 105 ci-dessus, de la référence par le CRU au fait que la méthode de calcul est exposée dans la réglementation applicable.

117    S’agissant de l’invocation par le CRU d’une jurisprudence selon laquelle, d’une part, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (arrêt du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑168/98, EU:C:2000:598, point 62) et, d’autre part, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 192), il convient de relever ce qui suit.

118    D’une part, le CRU ne saurait invoquer l’arrêt du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil (C‑168/98, EU:C:2000:598). En effet, à la différence du cas d’espèce, cet arrêt concernait une demande d’annulation d’une directive par un État membre ayant participé à la procédure législative ayant abouti à l’adoption de cette directive, dont il était destinataire au même titre que les autres États membres représentés au Conseil, et qui ne pouvait donc utilement se prévaloir de ce que le Parlement et le Conseil, auteurs de la directive, ne l’aient pas mis en mesure de connaître les justifications des choix de mesures auxquels ils avaient entendu procéder (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 62).

119    D’autre part, en ce qui concerne l’arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission (T‑151/05, EU:T:2009:144), il s’agissait, dans cette affaire, pour le Tribunal d’écarter l’obligation de la Commission, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, d’inclure dans sa décision une motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 192 et jurisprudence citée). En l’espèce, les éléments qui font défaut ne sont pas secondaires, mais sont, au contraire, essentiels dans l’économie de la décision attaquée (voir points 106 à 108 ci-dessus).

120    Au demeurant, dans la mesure où il ressort du dossier que le CRU utilise les technologies de l’information (fichiers XLSX, courriers électroniques) aux fins du calcul des contributions ex ante et de l’adoption des décisions sur ces contributions, ce qui permet une mise en forme et une diffusion aisées et rapides d’un grand nombre d’informations, il ne saurait être allégué que des considérations matérielles, techniques ou de délai pourraient s’appliquer en l’espèce.

121    S’agissant des références opérées par le CRU à des affaires concernant la passation de marchés publics et les aides d’État, le Tribunal a constaté, dans les affaires en cause, que l’occultation des données économiques dans la version non confidentielle de la décision litigieuse n’avait pas empêché les requérants de comprendre le raisonnement suivi par la Commission, ni entravé leur possibilité de contester cette décision devant le Tribunal, ni empêché celui-ci d’exercer son contrôle judiciaire dans le cadre du recours en cause (arrêt du 8 janvier 2015, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, T‑58/13, non publié, EU:T:2015:1, points 73 à 77), et que les requérants avaient une connaissance suffisante des avantages relatifs des offres des autres soumissionnaires retenus (arrêt du 8 juillet 2015, European Dynamics Luxembourg e.a./Commission, T‑536/11, EU:T:2015:476, point 47 et point 50 in fine).

122    En l’espèce, en revanche, et ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 96 à 109 et 112 ci-dessus, la motivation fournie à la requérante, même en tenant compte du document intitulé « Détails du calcul » et du quatrième document produit par le CRU le 22 juin 2017 (voir points 17 et 18 ci-dessus), ne lui permet pas de vérifier si le montant de sa contribution est conforme à la réglementation applicable et, donc, de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent et en quels termes.

123    S’agissant de l’invocation par le CRU et par la Commission, lors de l’audience, de la jurisprudence relative aux procédures de concours prévues par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, selon laquelle la communication des notes obtenues, par l’intéressé, aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury de concours, ce qui serait pertinent notamment à l’égard de la procédure du « binning » mise en œuvre par le CRU dans le cadre de l’étape 2 de l’annexe I du règlement délégué 2015/63 (voir points 72, 106 et 107 ci-dessus), elle doit être rejetée.

124    En effet, il ressort de cette même jurisprudence qu’elle est dictée par des considérations qui ne sont pas transposables au cas d’espèce, à savoir, d’une part, le respect du secret qui entoure les travaux d’un jury de concours, qui a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers et, d’autre part, le large pouvoir d’appréciation dont dispose un jury de concours pour évaluer les résultats des épreuves d’un concours. C’est au vu de ces considérations qu’il a été jugé que le jury ne saurait être tenu de divulguer des attitudes prises par les membres individuels des jurys ainsi que tout élément ayant trait à des appréciations à caractère personnel ou comparatif concernant les candidats ou, en motivant l’échec d’un candidat à une épreuve, de préciser les réponses des candidats qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes (arrêt du 11 décembre 2012, Mata Blanco/Commission, F‑65/10, EU:F:2012:178, points 106 et 109).

125    En outre, il convient de souligner que la contribution ex ante à verser par un établissement est calculée sur la base des données reçues des autres établissements alors que, dans un concours, même si le classement respectif des candidats est logiquement fondé sur les résultats des autres candidats, leurs notes individuelles sont établies en fonction de leurs performances individuelles et ne sont pas calculées sur la base des notes des autres candidats.

126    Par ailleurs, et contrairement à ce qu’a avancé la Commission lors de l’audience, force est de constater que la possibilité, pour le Tribunal, de demander au CRU de produire des informations aux fins de l’examen de la légalité de la décision attaquée ne peut pas modifier, en l’espèce, le constat d’une violation de l’obligation de motivation.

127    En effet, la décision attaquée devait être suffisamment motivée à la date de son adoption et, en tout état de cause, avant l’introduction du recours en annulation. Le défaut de motivation ne saurait être pallié après l’introduction du recours devant le Tribunal, notamment à la suite de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction prises par ce dernier.

128    En outre, dans la mesure où le CRU soutient, en substance, que c’est la réglementation qui lui impose de procéder comme il l’a fait, une telle argumentation ne saurait prospérer.

129    En effet, dès lors que l’exigence d’une motivation suffisamment précise des actes, consacrée par l’article 296 TFUE, constitue l’un des principes fondamentaux du droit de l’Union, dont il appartient au juge d’assurer le respect, au besoin en soulevant d’office un moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation, le défaut ou l’insuffisance de motivation relevant de la violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE (voir arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, point 99 et jurisprudence citée), et que, en violation de cette obligation, la requérante ne dispose pas des éléments suffisants pour vérifier l’exactitude de sa contribution, le CRU ne saurait pallier une telle violation par l’invocation d’une réglementation de droit dérivé.

130    Enfin, en ce qui concerne l’argumentation du CRU mentionnée au point 85 ci-dessus, il convient de la rejeter. Force est de constater que, en l’espèce, il n’est pas possible d’exclure que l’annulation de la décision attaquée donne lieu à l’adoption d’une décision différente. En effet, en l’absence de toutes les données relatives aux autres établissements en dépit de l’interdépendance de la contribution de la requérante avec la contribution de chacun des autres établissements, ni la requérante ni le Tribunal ne sont en mesure de vérifier, en l’espèce, si l’annulation de la décision attaquée donnerait nécessairement lieu à l’adoption d’une nouvelle décision identique quant au fond (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 192).

131    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure, après avoir accueilli le moyen tiré de la violation de l’exigence d’authentification, que la décision attaquée doit également être annulée sur le fondement de la violation de l’obligation de motivation, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par la requérante.

 Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

132    Le CRU conclut, en substance, que, si le Tribunal annulait la décision attaquée, il conviendrait de différer les effets de l’annulation de six mois après que l’arrêt est devenu définitif.

133    La requérante ne s’est pas exprimée sur ce point.

134    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle, lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient, le juge de l’Union bénéficie, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, d’un pouvoir d’appréciation pour indiquer, dans chaque cas particulier, ceux des effets de l’acte concerné qui doivent être considérés comme définitifs (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 121).

135    Conformément à cette jurisprudence, la Cour a fait usage de la possibilité de limiter les effets dans le temps de la constatation de l’invalidité d’une réglementation de l’Union lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans les affaires concernées empêchaient de remettre en cause la perception ou le paiement de sommes d’argent effectués sur le fondement de cette réglementation pour la période antérieure à la date de l’arrêt (arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 122).

136    En l’espèce, le CRU n’a pas démontré en quoi, à la suite du présent arrêt, le remboursement des sommes perçues de la requérante au titre de contribution ex ante pour 2017 mettrait en péril des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans la présente affaire. En effet, le simple fait qu’un remboursement dans l’attente de l’adoption d’une nouvelle décision soit inapproprié ne constitue pas un motif s’apparentant à des considérations impérieuses de sécurité juridique (arrêt du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU, T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823, point 222).

137    En conséquence, il n’y a pas lieu de limiter les effets du présent arrêt dans le temps.

 Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

139    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision du Conseil de résolution unique (CRU) dans sa session exécutive du 11 avril 2017 sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05) est annulée en ce qu’elle concerne Portigon AG.

2)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Portigon.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Passer

 

      De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.