Language of document : ECLI:EU:T:2020:120

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 mars 2020 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Rapport d’audit des ressources humaines de l’EACEA – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit »

Dans l’affaire T‑646/18,

Laurence Bonnafous, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes A. Blot et S. Rodrigues, avocats

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2018) 6753 final de la Commission, du 9 octobre 2018, refusant de faire droit à la demande d’accès au rapport final d’audit de 2018 des ressources humaines de l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), en date du 21 janvier 2018, présentée par la requérante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Laurence Bonnafous, était agent contractuel de l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA).

2        Le 30 juillet 2018, la requérante a adressé un courriel au service d’audit interne de la Commission européenne, afin de solliciter, en application du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès au document identifié par ledit service en tant que « Final audit report – IAS Audit on HR Management in the Education, Audiovisual and Cultural Executive Agency [Ares(2018) 361356] » (Rapport d’audit final – Audit du service d’audit interne de la Commission sur le management des ressources humaines de l’EACEA, ci-après le « document demandé »).

3        Par lettre du 9 août 2018, le service d’audit interne de la Commission a refusé à la requérante l’accès au document demandé. Ce refus était fondé, en substance, sur l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 qui dispose qu’une institution de l’Union peut refuser de donner accès à un document si la divulgation de ce dernier est susceptible de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie ladite divulgation. En effet, il a considéré que la divulgation, à ce stade, du document demandé porterait atteinte à la protection des objectifs poursuivis par les activités d’inspection, d’enquête et d’audit auxquelles ce document était consacré, dans la mesure où elle entraverait la mise en œuvre effective des recommandations qu’il contenait et où les mesures de suivi s’y afférant n’étaient pas entièrement terminées.

4        Par lettre du 29 août 2018, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès au document demandé.

5        Par courriel du 19 septembre 2018, la Commission a informé la requérante que le délai initial prévu pour répondre à la demande confirmative d’accès qu’elle avait présentée devrait être prolongé de 15 jours ouvrables et qu’il convenait donc de fixer un nouveau délai à cet égard, lequel expirerait le 10 octobre 2018.

6        Le 9 octobre 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 6753 final (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a rejeté la demande confirmative d’accès au document de la requérante. Elle a considéré, en substance, d’une part, que l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, interprétée à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), s’opposait à la divulgation prématurée d’un rapport d’audit qui risquerait de compromettre la sérénité et l’indépendance de l’audit et, d’autre part, qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait que cette exception ne soit pas appliquée.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 octobre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

8        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé la jonction de l’affaire T‑614/17, Bonnafous/EACEA, à la présente affaire. Le 5 décembre 2018, la Commission s’est opposée à la jonction des deux affaires.

9        Le 21 décembre 2018, la requérante a déposé une nouvelle offre de preuve au greffe du Tribunal.

10      Par décision du 7 janvier 2019, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire à l’affaire T‑614/17.

11      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 31 janvier 2019.

12      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 7 mars 2019.

13      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 17 avril 2019.

14      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, la juge rapporteure a été affectée à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

15      En l’absence de demande d’audience de plaidoiries par les parties dans le délai prescrit, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé de statuer sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui du recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation conjointe de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du règlement no 1049/2001. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la Charte. Enfin, le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

19      Le Tribunal estime opportun d’aborder le recours par l’examen du deuxième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la Charte

20      La requérante soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée. En particulier, elle fait valoir que l’identification des risques est énoncée au conditionnel et sans aucune référence aux raisons spécifiques qui permettraient de les définir, voire même de les esquisser. Elle déplore ainsi que cette motivation abstraite s’appuie sur des considérations très vagues. En outre, elle soutient qu’il existe des contradictions entre la motivation de ladite décision et le contenu du courrier du 19 septembre 2018 qui lui a été adressé par le secrétaire général de la Commission aux fins de justifier le report de la réponse donnée à la demande confirmative qu’elle avait présentée. Selon elle, ledit retard y était en effet expliqué par la nécessité de regrouper tous les éléments nécessaires pour répondre à la demande d’accès au document qu’elle avait soumise. Or, aucune trace desdits éléments ne figurerait dans cette décision. Au stade de la réplique, et toujours dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait également valoir que, en tout état de cause, la Commission a failli à son devoir d’assistance et d’information du public découlant de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001.

21      La Commission conteste cette argumentation.

22      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE ainsi que par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147 et jurisprudence citée).

23      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte de celui-ci ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150 et jurisprudence citée). S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents dont l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement no 1049/2001 (arrêts du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, EU:T:2008:325, point 95, et du 7 juillet 2011, Valero Jordana/Commission, T‑161/04, non publié, EU:T:2011:337, point 49).

24      Il appartient donc, selon la jurisprudence, à l’institution ayant refusé l’accès à un document de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel (voir arrêt du 4 mai 2012, In ‘t Veld/Conseil, T‑529/09, EU:T:2012:215, point 118 et jurisprudence citée).

25      Par ailleurs, si la Commission est tenue d’exposer les motifs qui justifient l’application à l’espèce d’une des exceptions au droit d’accès prévues par le règlement no 1049/2001, elle n’est pas dans l’obligation de fournir des renseignements allant au-delà de ce qui est nécessaire à la compréhension, par le demandeur d’accès, des raisons à l’origine de sa décision et au contrôle, par le Tribunal, de la légalité de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2008, Terezakis/Commission, T‑380/04, non publié, EU:T:2008:19, point 119).

26      C’est au regard de ces éléments qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, la Commission a satisfait aux exigences découlant de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la Charte.

27      En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, les risques auxquels se réfère la Commission pour justifier son refus de divulguer le document demandé sont énoncés d’une manière purement hypothétique, sans aucune référence aux raisons spécifiques qui permettraient de les définir.

28      À cet égard, il convient de relever que les motifs qui sous-tendent la décision attaquée y sont clairement exposés.

29      En effet, dans la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance et au regard d’une présomption générale de confidentialité, que l’éventuelle divulgation du document demandé était susceptible de porter atteinte aux objectifs de l’audit en cause. Elle a ainsi estimé qu’une telle divulgation risquait de compromettre la sérénité et l’indépendance de cet audit, notamment en ce qui concernait les suites à y donner ainsi que leur validation par son service d’audit interne. Elle a donc estimé qu’il existait un risque prévisible que le climat de confiance mutuelle entre l’EACEA et ledit service soit mis à mal par la communication du document demandé, ce qui aurait pu avoir une incidence négative sur la mise en œuvre des recommandations pertinentes.

30      Au regard des éléments qui précèdent, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a clairement exposé les risques au regard desquels elle a estimé que les objectifs de l’audit en cause étaient susceptibles d’être menacés par la divulgation du document demandé.

31      À cet égard, il convient de préciser qu’il n’y a pas lieu de se prononcer, à ce stade, quant au bien-fondé des motifs qui figurent dans la décision attaquée. En effet, l’examen de l’existence et de l’étendue de la motivation d’une décision de la Commission relève du contrôle des formes substantielles et, donc, de la légalité formelle de cette décision. Il doit être distingué de l’examen du bien-fondé des motifs de cette décision, qui relève pour sa part du contrôle de sa légalité au fond (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 et jurisprudence citée), et qui sera, en l’espèce, développé dans le cadre de l’analyse du premier moyen soulevé par la requérante.

32      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la motivation de la décision attaquée est trop abstraite, en ce que celle-ci s’appuie sur des considérations très vagues.

33      À cet égard et ainsi que cela ressort du résumé qui figure au point 29 ci-dessus, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a notamment considéré que, outre les risques auxquels seraient exposés les objectifs de l’audit en cause si le document demandé était divulgué, une telle divulgation était également empêchée par le fait qu’il convenait d’interpréter l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier. De plus, la Commission a rappelé la nécessité de distinguer entre les activités administratives et les procédures législatives, l’exigence de transparence s’avérant davantage prononcée pour ces dernières, ce que la requérante ne conteste pas.

34      Or, force est d’observer que les motifs exposés au point 33 ci-dessus constituaient une indication suffisante donnée à la requérante afin qu’elle puisse savoir si la décision attaquée était bien fondée ou si elle était entachée d’un vice permettant d’en contester la validité. En effet, sur la base de ces motifs, la requérante était à même de comprendre les raisons spécifiques pour lesquelles la Commission avait considéré, en l’espèce, que le document demandé était couvert par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Il convient d’ailleurs de constater à ce sujet que l’impossibilité, alléguée par la requérante, de considérer qu’il convenait de procéder à une telle interprétation de ladite exception est au cœur de l’argumentation développée par elle dans le cadre du premier moyen qu’elle soulève. En outre, il convient également de constater que lesdits motifs sont suffisants pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel sur la légalité de la décision attaquée.

35      Dès lors, il ne saurait être contesté que la décision attaquée remplit les conditions énoncées par la jurisprudence, telles que rappelées aux points 22 à 25 ci-dessus. Partant, l’argument de la requérante selon lequel la motivation de la décision attaquée est trop abstraite doit lui-aussi être rejeté.

36      En troisième lieu, la requérante fait valoir que les motifs de la décision attaquée ne correspondent pas à ceux exposés dans un courriel qui lui avait été transmis le 19 septembre 2018.

37      Toutefois, il y a lieu d’observer que le courriel en cause avait seulement pour objet d’indiquer à la requérante que la Commission n’était pas en mesure de répondre à sa demande confirmative d’accès au document demandé dans le délai initialement imparti. Ainsi, ce courriel ne visait en rien à exposer les motifs pour lesquels il y aurait, le cas échéant, lieu de rejeter ladite demande.

38      Il en ressort que cet argument de la requérante n’est pas de nature à remettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée et il convient donc de l’écarter pour ce motif.

39      En quatrième lieu, la requérante fait valoir au stade de la réplique que la Commission a failli à son devoir d’assistance et d’information du public découlant de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001.

40      Il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 dispose que « [l]es institutions assistent et informent les citoyens quant aux modalités de dépôt des demandes d’accès aux documents ».

41      À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun élément susceptible d’établir que la Commission a, en l’espèce, manqué aux obligations prévues par l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, ni, d’ailleurs, que le prétendu défaut de motivation de la décision attaquée qu’elle allègue est constitutif d’un tel manquement au devoir d’assistance et d’information prévu par cette disposition.

42      À ce sujet, ainsi que cela a déjà été rappelé aux points 2 à 6 ci-dessus, il y a lieu de relever que la requérante a d’abord sollicité l’accès au document demandé en adressant un courriel au service d’audit interne de la Commission le 30 juillet 2018. Ce dernier a dûment répondu à ce courriel par lettre du 9 août 2018. La requérante a ensuite contesté l’appréciation communiquée par ledit service en présentant une demande confirmative d’accès le 29 août 2018. La Commission a dûment répondu à cette demande confirmative d’accès par l’adoption de la décision attaquée le 9 octobre 2018, après avoir pris soin d’informer la requérante, le 19 septembre 2018, que le délai pour répondre à ladite demande devait être prolongé de quinze jours.

43      Il y a également lieu de préciser que la requérante ne conteste pas la régularité de la procédure au terme de laquelle la décision attaquée a été adoptée. Il ressort d’ailleurs des considérations qui précèdent que cette dernière était suffisamment au fait des modalités de dépôt des demandes d’accès aux documents pour pouvoir présenter la demande d’accès litigieuse. Il est par ailleurs constant que la Commission y a répondu avec diligence.

44      Dans ce contexte, force est de constater l’absence de tout élément dans l’argumentation de la requérante susceptible d’établir que la Commission a manqué à son devoir d’assistance tel que prévu par l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 ou qu’un tel manquement est susceptible d’entacher la légalité de la décision attaquée. En outre, la requérante n’avance aucun élément susceptible d’expliquer le lien qu’elle établit entre ce prétendu manquement et la motivation de cette décision, laquelle fait pourtant l’objet du présent moyen.

45      Dès lors, l’argument de la requérante tendant à faire valoir un manquement de la Commission au devoir d’assistance et d’information du public découlant de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 n’est pas fondé. Il doit donc être écarté.

46      Partant, il convient d’écarter le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, de l’article 42 de la Charte, et du règlement no 1049/2001

47      La requérante fait valoir, en substance, que c’est à tort que, dans la décision attaquée, la Commission a refusé la divulgation du document demandé en invoquant l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Ledit moyen peut être subdivisé en quatre branches.

48      Dans la première branche, la requérante soutient que l’audit dans le cadre duquel le document demandé a été rédigé était terminé lorsque qu’elle a demandé à y avoir accès. À cet égard, l’intitulé même de ce document, à savoir « Final audit report – IAS Audit on HR Management in the Education, Audiovisual and Cultural Executive Agency (Ares(2018)361356) », ainsi que les considérations exposées dans la décision attaquée selon lesquelles, « [s]ur la base du rapport d’audit final, [l’EACEA] a accepté de mettre en œuvre les recommandations proposées » démontreraient l’état d’achèvement de l’audit en cause. Par ailleurs, le document intitulé « HR Annual Plan » (Plan annuel des ressources humaines), élaboré par l’EACEA elle-même, corroborerait ces allégations en ce qu’il prévoirait des actions correctives qui démontreraient que la phase terminale de l’exercice d’audit aurait été atteinte. En outre, il ressortirait de ce dernier document que sept des actions proposées dans le document demandé ont été pleinement réalisées, tandis qu’il serait raisonnable de supposer que les deux dernières actions proposées dans le document demandé auraient été pleinement réalisées, puisqu’elles étaient déjà réalisées respectivement à 70 % et à 80 % lors de l’élaboration du document intitulé « HR Annual Plan ». La requérante avance, au stade de la réplique, que dix actions majeures ont alors été complètement mises en œuvre sur la base des recommandations du rapport d’audit. Au soutien de cette argumentation, elle a établi une note récapitulative portant analyse des taux de réalisation des mesures de mise en œuvre par l’EACEA. Elle soutient toutefois à cet égard que, dès lors que l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne peut être invoquée pour refuser l’accès à un document que dans le cas où sa divulgation est susceptible de compromettre les objectifs poursuivis par une activité d’audit, elle est inapplicable en l’espèce du fait de l’état d’achèvement de l’audit en cause.  Il serait en tout état de cause inacceptable de faire dépendre d’un événement aléatoire, futur et lointain l’accès au document demandé.

49      Dans la deuxième branche, la requérante soutient que l’argument de la Commission selon lequel il convient d’attendre que les recommandations formulées dans le document demandé soient classées par elle, après avoir été mises en œuvre par l’EACEA, avant d’en autoriser la communication au public est contraire aussi bien à l’objectif poursuivi par le règlement no 1049/2001 qu’au droit à la transparence reconnu par l’article 15 TFUE et l’article 42 de la Charte. Cela aurait d’ailleurs déjà été constaté par le Tribunal dans son arrêt du 9 juin 2010, Éditions Jacob/Commission (T‑237/05, EU:T:2010:224). En tout état de cause, la requérante fait valoir que la portée générale donnée à la notion d’objectifs des activités d’enquête par la Commission résulte d’une interprétation neutralisante du droit à la transparence par cette dernière qui ne peut être acceptée. En outre, l’invocabilité de certaines présomptions générales ne saurait, selon la requérante, être déduite de manière systématique pour toute procédure d’enquête ou d’audit, car les exceptions au principe de transparence doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive et circonscrite à la spécificité de la procédure en cause comme le démontre le point 123 de l’arrêt  du 9 juin 2010, Éditions Jacob/Commission (T‑237/05, EU:T:2010:224).

50      Dans la troisième branche, la requérante fait valoir qu’une disposition issue du droit dérivé ne saurait restreindre, sans justification, un droit fondamental dont la valeur juridique est équivalente à celle du droit primaire. Dès lors, il conviendrait d’écarter l’argument de la Commission selon lequel l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 doit être interprétée à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier qui dispose que « les rapports et les conclusions de l’auditeur interne […] ne sont accessibles au public que lorsque l’auditeur interne a validé les mesures prises en vue de leur mise en œuvre ». Au stade de la réplique, la requérante affirme prendre note que ladite exception doit pouvoir être interprétée de façon cohérente avec l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier. Elle considère cependant que l’invocabilité d’une telle obligation de confidentialité ne pouvait, en l’espèce, dispenser la Commission d’opérer un examen concret et individuel du document demandé, dans la mesure où, ledit document étant achevé, la Commission n’était pas fondée à appliquer l’exception tirée de cette dernière disposition, ni une présomption générale de protection des activités d’audit.

51      Dans la quatrième branche, la requérante soutient que la décision attaquée ne satisfait pas au test du risque raisonnablement prévisible. En effet, le risque d’atteinte à la sérénité et à l’indépendance de l’enquête concernée n’y serait formulé que de manière purement hypothétique. En revanche, ni la nécessité de faire application de l’exception concernée, ni celle d’appliquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 à l’intégralité du document demandé n’y seraient démontrées. Dès lors, une présomption générale de non-divulgation ne saurait être invoquée pour justifier ladite décision. Au regard de ces considérations, la requérante considère que, en l’espèce, il n’y avait pas lieu de faire valoir l’existence d’un intérêt public supérieur pour justifier la divulgation dudit document. Cependant, elle relève, en tout état de cause et à titre subsidiaire, une erreur manifeste d’appréciation qui entacherait cette décision. Elle estime en effet qu’il y est considéré à tort que ses arguments aux fins d’obtenir l’accès à ce document sont « plutôt de nature privée ». Or, la Commission aurait dû identifier quelles étaient ces considérations privées et examiner si le fait d’invoquer des principes généraux de transparence était suffisant pour écarter le besoin de protection de ce document.

52      La Commission conteste cette argumentation.

53      Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord conjointement les première à troisième branches, puis la quatrième.

 Sur les première à troisième branches

54      À titre liminaire, en ce qui concerne le droit d’accès du public aux documents des institutions de l’Union, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 42 de la Charte, « [t]out citoyen ou toute citoyenne de l’Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support ». Il ressort également de l’article 15, paragraphe 3, première phrase, TFUE que « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support ».

55      Parallèlement, le règlement no 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 255, paragraphe 2, CE, vise, ainsi qu’il ressort de son article 1er, lu à la lumière du considérant 4, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 40).

56      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, dans des circonstances particulières, des limites peuvent être apportées à ce droit d’accès. Ainsi, il est notamment prévu par l’article 15, paragraphe 3, TFUE que « [l]es principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice [du] droit d’accès aux documents sont fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire ». Il ressort donc clairement de son libellé que lesdites limites peuvent être fixées par voie de règlements.

57      Le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (voir arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 59 et jurisprudence citée).

58      À cet égard, la jurisprudence a d’ailleurs rappelé que le droit d’accès aux documents était soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, tout en précisant que, dès lors qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, de telles exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 62 et 63).

59      Parmi les exceptions au droit d’accès aux documents figure celle énoncée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, en vertu duquel les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

60      Le régime d’exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001, et notamment au paragraphe 2 dudit article, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42).

61      Par ailleurs, lorsque la divulgation d’un document est demandée à une institution, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 35).

62      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient de se prononcer, en l’espèce, sur la question de savoir s’il était justifié, comme le soutient la Commission, de refuser à la requérante l’accès au document demandé, sur la base de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 interprété à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier, essentiellement au motif qu’il aurait existé un risque prévisible que sa divulgation porte atteinte à l’objectif de l’audit en cause en nuisant à la mise en œuvre, par l’EACEA, des recommandations qui y figurent.

63      Il ressort, en substance, de l’argumentation de la requérante que cette dernière conteste l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 ainsi que son interprétation à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier, au document demandé, au motif que l’audit dans le cadre duquel s’inscrivait la rédaction de ce document avait été achevé lorsqu’elle a présenté sa demande d’accès audit document. Selon la requérante, il serait en effet contraire à l’objectif poursuivi par le règlement no 1049/2001, ainsi qu’au principe de transparence, d’attendre que les recommandations formulées dans un rapport final d’audit soient mises en œuvre avant que les documents qui y sont afférents ne puissent être divulgués sans crainte de nuire aux objectifs poursuivis par cet audit.

64      Premièrement, en ce qui concerne le stade auquel se trouvait l’audit en cause lorsque la décision attaquée a été adoptée, il convient de rappeler que le document demandé est un rapport final du service d’audit interne de la Commission qui fait partie du dossier administratif relatif à un audit de la gestion des ressources humaines au sein de l’EACEA.

65      À cet égard, il y a lieu de constater d’emblée que le présent cas d’espèce se distingue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 mai 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission (T‑480/11, EU:T:2015:272), notamment invoqué par la Commission dans la décision attaquée à titre d’exemple. En effet, le Tribunal avait considéré, au point 66 de cet arrêt, que, « à la date de l’adoption de la décision [en cause], le rapport final mettant fin à la procédure d’audit n’avait pas encore été adopté et que des activités supplémentaires d’investigation en rapport avec cet audit demeuraient possibles et envisageables ». Or, il est constant que, en l’espèce, le rapport final avait été adopté lorsque la décision attaquée a été adoptée.

66      Toutefois, ainsi que cela ressort des éléments versés au dossier, notamment de la note récapitulative établie par les propres soins de la requérante, seules certaines recommandations formulées dans le document demandé avaient été appliquées à la date du 24 octobre 2018, ce qui implique que toutes les recommandations formulées dans ce document n’avaient pas encore été appliquées lorsque la décision attaquée a été adoptée.

67      Il ressort, dès lors, des considérations qui précèdent que, si le rapport final mettant fin à la procédure d’audit a bien été adopté lors du dépôt de la demande d’accès aux documents litigieuse, des mesures de mise en œuvre se rapportant à ladite procédure d’audit étaient toutefois en cours lorsque la décision attaquée a été adoptée.

68      Deuxièmement, en ce que la requérante fait valoir qu’attendre que les recommandations formulées dans le document demandé soient classées par la Commission avant d’en autoriser la communication au public est contraire aussi bien à l’objectif poursuivi par le règlement no 1049/2001 qu’au droit à la transparence reconnu par l’article 15 TFUE et par l’article 42 de la Charte, il convient de constater ce qui suit.

69      Dans la décision attaquée, la Commission a notamment considéré qu’il convenait d’interpréter l’exception au droit d’accès aux documents tirée de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier. En tout état de cause, il y a lieu de relever que le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), qui a, selon son article 281, paragraphe 1, abrogé le règlement financier avec effet au 2 août 2018, contient, en son article 118, paragraphe 9, une disposition qui reprend en substance l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier.

70      À cet égard, il convient de préciser que l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier prévoit que « [les] rapports et les conclusions de l’auditeur interne ainsi que le rapport de l’institution ne sont accessibles au public que lorsque l’auditeur interne a validé les mesures prises en vue de leur mise en œuvre ».

71      Il y a également lieu de constater que le règlement no 1049/2001 et le règlement financier ont des objectifs différents. Le règlement no 1049/2001 vise à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administratives (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 109). Le règlement financier vise pour sa part à définir les règles financières applicables au budget général de l’Union. Plus précisément, son chapitre 9 définit les missions et les modalités concrètes de fonctionnement applicables à l’auditeur interne dont chaque institution de l’Union est tenue de se doter.

72      Parallèlement, il convient d’observer que le règlement no 1049/2001 et le règlement financier ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre. Or, il découle d’une jurisprudence constante qu’il ne saurait être exclu, par principe, d’interpréter les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 à la lumière de certaines réglementations spécifiques du droit de l’Union. Ainsi, dans un tel cas de figure, il convient d’assurer une application de chacun de ces règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette une application cohérente (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 123 ; du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 85, et du 21 septembre 2016, Secolux/Commission, T‑363/14, EU:T:2016:521, point 43).

73      Or, l’objet même de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier est de restreindre l’accès aux rapports et aux conclusions de l’auditeur interne, en préservant lesdits documents d’une divulgation au public jusqu’à la validation de leurs mesures de mise en œuvre par ce dernier. Dans ces conditions, permettre un accès généralisé, sur la base du règlement no 1049/2001, aux rapports de l’auditeur interne dont les mesures de mise en œuvre n’ont pas encore fait l’objet d’une validation par ce dernier serait de nature à mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union a voulu assurer dans le règlement financier entre le droit du public d’accéder aux documents des institutions le plus largement possible et la faculté, pour l’auditeur interne, de mener à bien les audits qu’il conduit.

74      Dès lors, aux fins d’interpréter l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, il convient d’appliquer une présomption générale selon laquelle la divulgation des conclusions et des rapports de l’auditeur interne préalablement à la validation, par ce dernier, des mesures de mise en œuvre qu’ils comprennent, est susceptible de nuire aux objectifs des audits qu’il conduit (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 123 ; du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 85, et du 21 septembre 2016, Secolux/Commission, T‑363/14, EU:T:2016:521, point 43), étant entendu que cette présomption de nocivité n’exclut nullement, pour les intéressés, la possibilité de démontrer, notamment, qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par ladite présomption (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 100 et jurisprudence citée).

75      En tout état de cause, il y a lieu de préciser que le fait que les documents afférents à un audit interne soient couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, pour autant que les mesures de mise en œuvre de l’audit en cause n’aient pas été validées par l’auditeur interne, ne conduit à restreindre le droit fondamental du public à l’accès aux documents que de manière doublement limitée.

76      En effet, d’une part, cette interprétation ne concerne, parmi les activités d’inspection, d’enquête et d’audit, que la catégorie spécifique des audits conduits par l’auditeur interne. D’autre part, elle est limitée dans le temps, puisqu’elle ne permet aux institutions de l’Union de refuser l’accès aux rapports et conclusions relatifs à de tels audits internes que jusqu’à ce que l’auditeur interne ait validé les mesures prises en vue de leur mise en œuvre. En d’autres termes, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 telle qu’interprétée à la lumière de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier est limitée à la durée de la procédure au terme de laquelle l’auditeur interne valide les mesures de suivi de tels rapports.

77      Eu égard à tout ce qui précède, et compte tenu de la nécessité d’assurer une application cohérente du règlement no 1049/2001 et du règlement financier, c’est donc à tort que la requérante soutient que la Commission a procédé à une interprétation neutralisante du droit à la transparence en lui refusant l’accès au document demandé au motif que les suites à donner à l’audit en cause n’avaient pas encore été validées par l’auditeur interne.

78      Troisièmement, en ce que la requérante fait valoir que l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 était inapplicable en l’espèce, dans la mesure où la divulgation du document demandé ne pouvait pas compromettre les objectifs de l’audit en cause du fait de l’état d’achèvement de ce dernier, il convient de rappeler que, comme cela a été constaté au point 66 ci-dessus, toutes les recommandations formulées dans ce document n’avaient pas encore été appliquées lorsque la décision attaquée a été adoptée.

79      À cet égard, il y a lieu de préciser que, lors du prononcé de l’arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190), invoqué par la requérante dans ses écritures, les dispositions pertinentes du règlement financier en matière d’accès aux documents lors d’une procédure d’audit interne n’étaient pas encore entrées en vigueur à l’époque des faits dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, et que le règlement financier dans sa version alors applicable ne prévoyait pas de règles restreignant l’accès du public aux rapports d’audit. Or, depuis l’entrée en vigueur de l’article 99, paragraphe 6, du règlement financier dans sa version de 2012, ses dispositions doivent nécessairement être prises en compte aux fins d’apprécier la légalité de la décision attaquée pour les raisons qui figurent aux points 68 à 77. Dès lors, les mesures de mise en œuvre en cause en l’espèce ne sauraient être considérées comme un événement aléatoire, futur et lointain, auquel serait conditionné l’accès au document demandé au sens de la jurisprudence citée par la requérante.

80      Eu égard à ce qui précède, il convient donc d’écarter les première à troisième branches du premier moyen.

  Sur la quatrième branche

81       La requérante fait valoir, premièrement, qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a procédé à un examen concret du document demandé avant de conclure à sa « confidentialité ». Deuxièmement, elle fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que son intérêt à obtenir la divulgation du document demandé était plutôt de nature privée.

82      À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, qu’une institution, lorsqu’elle reçoit une demande fondée sur le règlement no 1049/2001, est tenue, en principe, de procéder à une appréciation concrète et individuelle du contenu des documents visés dans la demande (arrêt du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 74).

83      Cette solution de principe ne signifie cependant pas qu’un tel examen soit requis en toutes circonstances. En effet, dès lors que l’examen concret et individuel auquel l’institution doit en principe procéder en réponse à une demande d’accès formulée sur le fondement du règlement no 1049/2001 a pour objet de permettre à l’institution en cause, d’une part, d’apprécier dans quelle mesure une exception au droit d’accès est applicable et, d’autre part, d’apprécier la possibilité d’un accès partiel, ledit examen peut ne pas être nécessaire lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel pourrait être le cas, notamment, si certains documents soit, tout d’abord, étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès, soit, à l’inverse, étaient manifestement accessibles dans leur intégralité, soit, enfin, avaient déjà fait l’objet d’une appréciation concrète et individuelle par la Commission dans des circonstances similaires (arrêt du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 75).

84      Or, il est constant en l’espèce que, dans la décision attaquée et pour les raisons qui figurent au point 29 ci-dessus, la Commission a estimé que les objectifs de l’audit en cause seraient exposés à des menaces en cas de divulgation du document demandé. Ces considérations ont, par ailleurs, été clairement énoncées dans ladite décision.

85      Ainsi, il y a lieu de constater qu’il était bien manifeste, en l’espèce, qu’une appréciation concrète et individuelle du contenu du document visé dans la demande n’était pas nécessaire dès lors que celui-ci était couvert par une présomption générale selon laquelle la divulgation des conclusions et rapports rédigés par l’auditeur interne, préalablement à la validation de leurs mesures de mise en œuvre par ce dernier, est susceptible de nuire aux objectifs des audits auxquels ils se rapportent.

86      Dès lors, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a procédé à un examen concret du document demandé.

87      Deuxièmement, en ce que la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste en considérant que les intérêts qui sous-tendaient la demande d’accès au document demandé qu’elle avait déposée étaient plutôt de nature privée, il y a lieu de constater que c’est à raison que la Commission souligne que, lorsqu’elle a demandé la jonction de la présente affaire à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 6 juin 2019, Bonnafous/EACEA (T‑614/17, non publié, EU:T:2019:381), la requérante a expressément avancé de tels motifs d’ordre privé aux fins de justifier de son intérêt à obtenir l’accès au document demandé.

88      Ainsi, dans la demande de jonction en cause, la requérante a notamment fait valoir que « [l]a lecture [du document demandé] devrait alors [lui permettre] de corroborer et/ou de documenter plusieurs des griefs qu’elle a soulevés dans l’affaire T‑614/17 ».

89      Or, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte en tant qu’intérêt public supérieur au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Il s’ensuit que la défense de ses intérêts en vue de former un recours ne constitue pas un intérêt public supérieur au sens de la disposition susvisée (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, EU:T:2011:235, point 148).

90      Par ailleurs, il convient une nouvelle fois de rappeler que le refus de divulgation opposé à la requérante ainsi que la présomption générale selon laquelle la divulgation du document demandé serait susceptible de nuire aux objectifs de l’audit en cause qui fonde ce refus sont provisoires. En effet, il résulte de la nature même de ladite présomption que celle-ci n’est opposable que tant que le service d’audit interne de la Commission n’a pas validé les mesures de mise en œuvre du document demandé. Dès lors, la référence aux arrêts du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission (T‑123/99, EU:T:2000:230, point 50), et du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 112), qui figure dans la réplique au soutien de l’argument selon lequel la décision attaquée priverait les citoyens de la possibilité de contrôler la légalité de l’exercice du pouvoir public n’est pas pertinente en l’espèce.

91      Ainsi, au regard de ce qui précède, il convient de considérer que la requérante n’a avancé aucun argument susceptible d’établir qu’un intérêt public supérieur pouvait justifier la divulgation du document demandé en l’espèce.

92      Dès lors, la quatrième branche doit être écartée et, avec elle, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

93      La requérante fait valoir que la présomption générale de non-divulgation du document demandé sur laquelle repose la décision attaquée n’est pas justifiée. Elle considère que le refus de communication, même partiel, de ce document devrait être interprété comme un refus de l’examiner concrètement et individuellement, ce qui constituerait une violation manifeste du principe de proportionnalité.

94      La Commission conteste cette argumentation.

95      À cet égard, il suffit de constater que, pour les mêmes raisons que celles qui figurent aux points 82 à 85 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de procéder en l’espèce à l’examen concret et individuel du document demandé.

96      Dès lors, il convient d’écarter le troisième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Laurence Bonnafous est condamnée aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.