Language of document : ECLI:EU:C:2017:272

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 5 avril 2017(1)

Affaire C616/15

Commission européenne

contre

République fédérale d’Allemagne

« Manquement d’État – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE – Exonération de la TVA des prestations de services fournies à leurs membres par des groupements autonomes de personnes – Limitation aux groupements autonomes dont les membres exercent un nombre limité de professions »






1.        Par le présent recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en limitant à des groupements dont les membres exercent un nombre restreint de professions l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la République fédérale d’Allemagne a violé ses obligations au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE (2). L’interprétation de cette dernière disposition est également soulevée dans les affaires Commission/Luxembourg (C‑274/15), DNB Banka (C‑326/15) et Aviva (C‑605/15), actuellement pendantes devant la Cour.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La sixième directive 77/388/CEE

2.        L’article 13, A, de la sixième directive 77/388/CEE (3) disposait :

« 1.      Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels :

[...]

b)      l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus ;

c)      les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ;

[...]

f)      les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

[...] »

3.        L’article 28, paragraphes 3 et 4, de cette directive énonçait :

« 3.      Au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4, les États membres peuvent :

a)      continuer à appliquer la taxe aux opérations qui en sont exonérées en vertu des articles 13 ou 15 et dont la liste est reprise à l’annexe E ;

[...]

4.      La période transitoire est initialement fixée à une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1978. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, et ultérieurement en tant que de besoin, le Conseil, sur la base d’un rapport de la Commission, réexaminera la situation en ce qui concerne les dérogations énumérées au paragraphe 3 et statuera à l’unanimité, sur proposition de la Commission, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces dérogations. »

4.        L’annexe E de cette directive, intitulée « Liste des opérations visées à l’article 28 paragraphe 3 sous a) », prévoyait :

« [...]

3.      opérations visées à l’article 13 sous A) paragraphe 1 sous f) autres que celles des groupements à caractère médical ou paramédical ;

[...] »

2.      La dix-huitième directive 89/465/CEE

5.        Aux termes du préambule de la dix-huitième directive 89/465/CEE (4) :

« considérant que l’article 28 paragraphe 3 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de [TVA] : assiette uniforme, modifiée en dernier lieu par l’acte d’adhésion de l’Espagne et du Portugal, permet aux États membres d’appliquer certaines dérogations au régime normal du système commun de la [TVA] pendant une période transitoire ; que ladite période transitoire était initialement fixée à une durée de cinq ans ; que le Conseil s’est engagé à statuer, sur proposition de la Commission, avant l’expiration de ladite période, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces dérogations ;

considérant qu’un grand nombre de ces dérogations donnent lieu, dans le cadre du système des ressources propres des Communautés, à des difficultés pour le calcul des compensations prévues par le règlement (CEE, Euratom) n° 1553/89 du Conseil, du 29 mai 1989, concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la [TVA] ; qu’en vue d’assurer un meilleur fonctionnement de ce système, il convient de supprimer ces dérogations ;

considérant que la suppression de ces dérogations contribuera également à assurer une plus grande neutralité du système de [TVA] à l’échelle communautaire ;

considérant qu’il convient de supprimer certaines de ces dérogations respectivement à partir du 1er janvier 1990, du 1er janvier 1991, du 1er janvier 1992 et du 1er janvier 1993 ;

[...] »

6.        L’article 1er de cette directive énonce :

« La directive 77/388/CEE est modifiée comme suit :

1)      à l’annexe E, les opérations visées aux points 1, 3 à 6, 8, 9, 10, 12, 13 et 14 sont supprimées à compter du 1er janvier 1990.

[...] »

3.      La directive TVA 

7.        Les considérants 1 et 3 de la directive TVA énoncent :

« (1)      La directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de [TVA] : assiette uniforme a été modifiée de façon substantielle à plusieurs reprises. A l’occasion de nouvelles modifications de ladite directive, il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la refonte de ladite directive.

[...]

(3)      Pour assurer que les dispositions sont présentées d’une façon claire et rationnelle, compatible avec le principe de mieux légiférer, il est opportun de procéder à la refonte de la structure et du libellé de la directive bien que cela ne doive, en principe, pas provoquer des changements de fond dans la législation existante. Un petit nombre d’amendements substantiels est néanmoins inhérent à l’exercice de refonte et devrait, en tout état de cause, être apporté. Les cas où ces amendements sont effectués sont repris de manière exhaustive dans les dispositions sur la transposition et l’entrée en vigueur de la directive. »

8.        L’article 13, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de la directive TVA dispose :

« Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance. »

9.        L’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, figurant au chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », du titre IX de celle-ci, prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

a)      les prestations de services et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l’exception des transports de personnes et des télécommunications, effectuées par les services publics postaux ;

b)      l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus ;

c)      les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ;

d)      les livraisons d’organes, de sang et de lait humains ;

e)      les prestations de services effectuées dans le cadre de leur profession par les mécaniciens-dentistes, ainsi que les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes ;

f)      les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

[...] »

B.      Le droit allemand

10.      Le deuxième chapitre, intitulé « Exonération et remboursement de la taxe », de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci-après l’« UStG ») comporte, à son article 4, une liste des prestations de services exonérées de la TVA. En vertu de l’article 4, point 14, de l’UStG, dans la version applicable aux faits au principal, sont exonérées :

« a)      les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales, médecin, dentiste, guérisseur, physiothérapeute, sage-femme [...] ;

b)      l’hospitalisation et les soins médicaux, y compris diagnostic, examens médicaux, prévention, revalidation, aide à l’accouchement et prestations d’hospice ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public [...] ;

[...]

d)      autres prestations de services que des groupements dont les membres exercent les professions visées à la lettre a) ou font partie des établissements visés à la lettre b), fournissent à leurs membres, lorsque ces prestations sont directement nécessaires à l’exercice des activités visées à la lettre a) ou à la lettre b), et que les groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun ;

[...] »

II.    La procédure précontentieuse

11.      Par lettre de mise en demeure du 23 novembre 2009, la Commission a fait part à la République fédérale d’Allemagne de doutes sur la compatibilité avec la directive TVA des dispositions allemandes relatives à l’exonération de la TVA de prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes (ci-après les « GAP ») exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité.

12.      La Commission a indiqué dans cette lettre que le droit allemand [en l’occurrence, l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG] limitait l’exonération précitée aux prestations de services de GAP dont les membres exerçaient des activités ou des professions dans le domaine de la santé [à savoir celles visées sous a) et b) de l’article 4, point 14, de l’UStG] alors que la directive TVA ne limitait pas l’exonération en cause à des groupements de catégories professionnelles déterminées mais la prévoyait pour tous les GAP lorsque ces personnes étaient exonérées de la TVA ou n’avaient pas la qualité d’assujetti pour l’activité qu’elles exerçaient. Partant, la Commission a estimé que le droit allemand relatif à la taxe sur le chiffre d’affaires n’était pas conforme aux objectifs de la directive TVA.

13.      La République fédérale d’Allemagne a répondu à la lettre de mise en demeure par une communication du 22 mars 2010. Dans cette dernière, elle a confirmé que la réglementation allemande n’exonérait effectivement les prestations de services de GAP que dans la mesure où il s’agissait de groupements de médecins ou de personnes exerçant des professions paramédicales ainsi que de groupements d’hôpitaux ou d’établissements de même nature. Elle a fait valoir que cette limitation était justifiée par le fait qu’il revenait au législateur national d’examiner quelles catégories professionnelles pouvaient bénéficier de l’exonération en cause sans provoquer une distorsion de concurrence. Ainsi, selon elle, le législateur allemand avait considéré, après examen, que l’exonération en cause ne se justifiait que pour le secteur de la santé.

14.      Le 7 avril 2011, la Commission a adressé un avis motivé au gouvernement allemand. Dans ce dernier, la Commission a exprimé des doutes sur la thèse de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle, pour éviter des distorsions de concurrence, les activités et professions de santé étaient les seules à pouvoir bénéficier de l’exonération en cause. Selon la Commission, la procédure législative de l’Union montrait que la directive TVA visait précisément à étendre l’exonération à des groupements comprenant d’autres catégories de personnes. La Commission a en outre fait valoir que des juridictions allemandes avaient dû, à plusieurs reprises, élargir le champ d’application de l’exonération en cause à des catégories professionnelles autres que celles énumérées dans le droit allemand de la taxe sur le chiffre d’affaires.

15.      La Commission a également indiqué qu’elle ne comprenait pas en fonction de quels éléments le législateur allemand voyait des distorsions de concurrence persistantes si, au-delà des professions de santé déjà exonérées, il devait octroyer l’exonération en cause à tous les secteurs économiques allemands. Elle a considéré que le législateur allemand ne devait pas apprécier les distorsions de concurrence en se fondant sur une réflexion d’ordre général, mais qu’il convenait au contraire de ne refuser l’exonération en cause qu’en cas de danger réel que cette dernière, prise en tant que telle, puisse immédiatement et à l’avenir provoquer des distorsions de concurrence.

16.      La République fédérale d’Allemagne a répondu à l’avis motivé par communication du 6 juin 2011. Dans cette dernière, elle a mis l’accent, premièrement, sur la place occupée par la disposition relative à l’exonération en cause dans l’économie de la directive TVA, à savoir au chapitre consacré aux exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général. Elle en a déduit que cette exonération ne pouvait être étendue à toutes les activités de la vie économique.

17.      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne a indiqué que la transposition dans son droit interne tenait précisément compte de l’interdiction de distorsions de concurrence [prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA] en limitant la disposition sur l’exonération à certaines catégories professionnelles du secteur de la santé et qu’on pouvait craindre en principe une distorsion de concurrence pour d’autres secteurs.

18.      Troisièmement, elle a relevé qu’elle ne voyait pas quelle catégorie professionnelle serait à tort exclue de l’exonération en cause par le droit allemand.

19.      La République fédérale d’Allemagne a donc rejeté la demande que lui avait adressée la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé.

20.      La réglementation allemande relative à la taxe sur le chiffre d’affaires continuant à limiter l’exonération de TVA aux GAP exerçant une activité dans le domaine de la santé, la Commission a annoncé sa décision de saisir la Cour, ce qu’elle a fait le 20 novembre 2015.

III. La procédure devant la Cour

21.      La Commission et la République fédérale d’Allemagne ont été entendues à l’audience du 15 février 2017.

IV.    Appréciation

A.      Argumentation des parties

1.      La Commission

22.      Selon la Commission, la République fédérale d’Allemagne limite à certains groupes professionnels bien définis l’exonération de la TVA prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA en faveur des « prestations de services effectuées par des [GAP] exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité ». L’exonération au sens de la législation allemande en matière de TVA ne porte que sur les groupements dont les membres soit sont médecins, soit exercent des professions paramédicales, soit encore exercent des activités dans le secteur de l’hospitalisation et des soins médicaux.

23.      La Commission soutient que cela est incompatible avec l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Ni le libellé, ni l’objectif, ni l’historique de cet article ne justifient une telle limitation de l’exonération de la TVA à certains groupes professionnels. Il conviendrait au contraire d’octroyer l’exonération aux GAP de toute catégorie professionnelle, pour autant que leurs membres exercent des activités exonérées.

24.      La limitation prévue par la législation allemande en matière de TVA ne serait pas non plus justifiée par l’éventualité d’une distorsion générale de concurrence. En effet, l’existence éventuelle d’une distorsion de concurrence lors de l’application de l’exonération ne saurait et ne devrait être appréciée qu’au regard des circonstances du cas d’espèce. Il serait impossible de constater de manière générale l’existence de distorsions de concurrence pour des prestations de services fournies par des catégories professionnelles déterminées.

25.      D’ailleurs, le fait que l’exonération visée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA nécessite un examen des circonstances factuelles et individuelles découlerait aussi du point 77 de la lettre du Bundesministerium der Finanzen (5) rédigée à l’occasion d’une modification de l’article 4 de l’UStG en 2009 qui est à l’origine de la version en cause de cette disposition.

2.      La République fédérale d’Allemagne

a)      Sur l’exonération elle-même et sa limitation aux activités d’intérêt général

26.      La République fédérale d’Allemagne fait, tout d’abord, remarquer que les exonérations prévues par la directive TVA sont rassemblées à son titre IX, intitulé « Exonérations », et que ce titre est, pour sa part, subdivisé en 10 chapitres. En outre, elle observe que l’exonération en cause fait partie des cas d’exonérations énumérés à l’article 132 de la directive TVA et que cette disposition, dont le libellé serait resté quasiment identique depuis l’entrée en vigueur de la sixième directive, est située dans le chapitre 2 de la directive, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général ». Il découlerait ainsi de l’emplacement de l’exonération en cause dans l’économie générale de la directive TVA que celle-ci ne saurait porter que sur des prestations de services effectuées par des GAP dont les activités sont au service de l’intérêt général.

27.      La République fédérale d’Allemagne considère que, en revanche, l’exonération en cause ne s’applique pas aux GAP exerçant des activités exonérées qui ne relèvent pas du chapitre 2 et qui ne sont pas au service de l’intérêt général. Si le législateur de l’Union avait souhaité que cette exonération soit applicable à l’ensemble des catégories professionnelles et des activités exonérées, il aurait prévu cette disposition à un autre endroit, comme, par exemple, au chapitre 1, du titre IX relatif aux exonérations, intitulé « Dispositions générales ».

28.      Les groupements de banques et d’assurances, exonérés de la TVA en application de l’article 135 de la directive TVA, ne sauraient ainsi être inclus dans le champ d’application de l’exonération visée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

29.      Les propositions législatives et les communications émises précédemment par la Commission en vue d’obtenir une modification de la directive TVA confirmeraient également que l’exonération en cause ne concerne que des GAP qui exercent des activités au service de l’intérêt général. La Commission aurait ainsi présenté le 28 novembre 2007 une proposition de directive concernant « [l’]introduction du concept de “groupement de partage des coûts” » dans le domaine des assurances et de la finance (6). Si l’exonération en cause était déjà applicable aux prestations de services dans ce domaine, la Commission n’aurait pas été obligée de proposer d’inclure ces prestations dans le champ d’application de l’exonération.

30.      Dans le document portant la référence MEMO/07/519 (7) accompagnant ladite proposition de directive, la Commission aurait même concédé, en outre, que « [l]es dispositions d’exonération existantes relatives au partage des coûts manquent de clarté et ne sont pas mises en œuvre de manière uniforme. Pour y remédier, la proposition contient une exonération de la TVA concernant à titre spécifique le secteur de l’industrie et applicable aux mécanismes de partage des coûts, y compris aux mécanismes transfrontaliers. Cette modification permettra aux entreprises d’effectuer leurs opérations en commun dans le cadre d’un groupement et de répartir les coûts entre les membres de ce groupement sans créer de nouvelle charge de TVA non récupérable. »

31.      La République fédérale d’Allemagne mentionne également la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la possibilité de créer un groupement TVA prévue à l’article 11 de la directive [TVA] [COM(2009) 325 final]. La Commission confirmerait dans cette communication qu’« il y a lieu de rappeler que la présente communication ne concerne pas le concept de “mécanismes de partage des coûts”, qui, en vertu de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive [TVA], constitue actuellement une exonération obligatoire applicable à certaines activités d’intérêt public et dont une nouvelle forme a été introduite dans les récentes propositions de la Commission relatives au traitement TVA des services d’assurance et des services financiers. »

32.      La République fédérale d’Allemagne en déduit que, selon la Commission, l’exonération en cause ne s’applique qu’à des activités d’intérêt public. Elle estime en outre qu’il s’agit notamment des activités mentionnées à l’article 132, paragraphe 1, sous b) à e), de la directive TVA, qui précèdent l’exonération prévue sous f) et qui concernent le secteur de la santé. Dans ce contexte, elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les exonérations figurant à l’article 132 de la directive TVA visent à exonérer les seules activités d’intérêt général qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée (arrêt du 10 juin 2010, Future Health Technologies, C‑86/09, EU:C:2010:334, point 29 et jurisprudence citée) et que les termes employés pour désigner lesdites exonérations sont d’interprétation stricte (arrêt du 22 octobre 2015, Hedqvist, C‑264/14, EU:C:2015:718, point 34).

33.      La République fédérale d’Allemagne ajoute que sa thèse selon laquelle l’exonération en cause concerne les activités mentionnées sous b) à e) de l’article 132 de la directive TVA est étayée par la formulation précise choisie par la Cour pour expliquer la finalité de cette exonération, à savoir d’« éviter que la personne qui offre certains services soit soumise au paiement de ladite taxe alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services » (arrêt du 11 décembre 2008, Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, C‑407/07, EU:C:2008:713, point 37).

34.      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne fait remarquer que la Cour mentionne de manière explicite « des professionnels » et que la directive TVA n’emploie le terme « profession » que dans un nombre limité d’occurrences qui, dans la grande majorité des cas, présentent un lien avec des professions médicales au service de l’intérêt général. Cela impliquerait que, lorsque la Cour a décrit la finalité de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, elle ne visait rien d’autre qu’un groupement de « professionnels » exerçant des professions médicales au service de l’intérêt général.

35.      Selon la République fédérale d’Allemagne, son point de vue est soutenu par l’historique de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. À cet égard, elle remarque que, dans une proposition de la Commission concernant la sixième directive (8), l’exonération en faveur des GAP faisait déjà partie des « exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général » et s’appliquait aux « services rendus à leurs membres par les groupements autonomes professionnels à caractère médical ou paramédical, pour les besoins de leurs activités exonérées ».

36.      Revenant à la première version de la sixième directive, la République fédérale d’Allemagne relève que les dispositions combinées de l’article 28, paragraphe 3, sous a), et du point 3 de l’annexe E visaient ensuite à garantir que l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), en faveur des prestations fournies par des GAP à caractère médical ou paramédical soit immédiatement applicable, tandis que les États membres pouvaient continuer à taxer jusqu’au 31 décembre 1989 les prestations analogues fournies par les autres GAP.

37.      Selon la République fédérale d’Allemagne, la disposition transitoire prévue à l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive n’était pas destinée à restreindre ou à élargir le champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive. La suppression, à compter du 1er janvier 1990, du droit de taxer les autres GAP ne signifierait donc pas un changement de paradigme en matière de taxation sur le chiffre d’affaires. Cette suppression viserait plutôt, ainsi que cela ressortirait des considérants de la dix-huitième directive 89/465, à supprimer certaines difficultés d’ordre purement pratique en dehors du système même de la TVA, notamment en ce qui concerne le calcul des ressources propres provenant de la TVA.

38.      La République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’il n’est pas non plus possible de déduire du passage de la sixième directive à la directive TVA des indices permettant de soutenir la thèse défendue par la Commission selon laquelle l’autorisation de limiter l’exonération en cause à des GAP à caractère médical ou paramédical aurait été supprimée. Le changement de directive n’aurait entraîné, à ce titre, aucune modification de fond, ainsi que cela résulterait du considérant 3 de la directive TVA.

39.      Enfin, la République fédérale d’Allemagne rappelle que l’interprétation des termes utilisés pour définir les exonérations prévues par la directive TVA doit être conforme aux objectifs poursuivis par l’exonération et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (arrêt du 22 octobre 2015, Hedqvist, C‑264/14, EU:C:2015:718, point 35).

40.      Or, selon la jurisprudence de la Cour, l’objectif de l’exonération en cause serait d’éviter que la personne qui offre certains services soit soumise au paiement de la TVA alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services (arrêt du 11 décembre 2008, Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, C‑407/07, EU:C:2008:713, point 37).

41.      Toutefois, contrairement à ce qu’affirme la Commission, dans l’hypothèse où l’exonération ne serait pas applicable, ce serait toutefois le GAP lui-même qui serait tenu d’acquitter la TVA et non ses membres. Le GAP devrait majorer le prix de ses prestations du montant de la TVA et ainsi la facturer à ses membres. Le facteur de coût ne serait donc pas la prestation fournie par le groupement, mais laTVAincluse dans le prix.

42.      Selon la République fédérale d’Allemagne, l’argument de la Commission tiré de la neutralité de la TVA est inopérant. Elle rappelle que, conformément au principe de la neutralité fiscale (arrêt du 15 novembre 2012, Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, points 46 et 47), la TVA ne doit pas peser sur l’entrepreneur, pour autant que les opérations en amont, pour lesquelles il a acquitté la TVA, sont utilisées pour les besoins de ses propres opérations taxées. Le problème de la non-déductibilité de la taxe payée en amont ne serait que déplacé au stade antérieur en cas d’application de l’exonération aux prestations de services fournies par le groupement en faveur de ses membres, dans la mesure où, par la suite, le GAP ne bénéficierait pas du droit à déduction de la taxe payée en amont. Le facteur de coût présent dans la chaîne serait donc maintenu.

43.      Selon la République fédérale d’Allemagne, le réel avantage de l’exonération en cause réside dans la possibilité de soustraire à la taxation une véritable création de valeur réalisée par le GAP en faveur de ses membres, au stade de la fourniture de la prestation ou d’obtenir, en tant que « groupement d’achat » formé par ses membres, des rabais et des avantages au niveau des prix. Pour des raisons d’ordre politique, ce serait précisément en faveur des personnes qui exercent des activités d’intérêt général que de tels avantages devraient pouvoir être admis. Au regard de cet objectif, les groupements de banques et d’assurances nesauraient relever du champ d’application de l’exonération en cause, étant donné qu’ils n’exercent pas d’activités d’intérêt général.

44.      Il conviendrait également de tenir compte du fait que l’exonération concernant les services financiers a été conçue comme une exonération purement technique, sans justification tenant à la politique fiscale et qu’elle a été mise en place au regard notamment des difficultés liées à la détermination de la base d’imposition ainsi que du montant de la TVA déductible (arrêt du 22 octobre 2015, Hedqvist, C‑264/14, EU:C:2015:718, point 36). Or, il n’existerait aucune difficulté à déterminer la base d’imposition des prestations fournies par un groupement de banques et d’assurances en faveur de ses membres.

b)      Sur la possibilité que l’exonération provoque des distorsions de concurrence

45.      En second lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, en Allemagne, le législateur allemand a procédé à bon droit à l’appréciation de la condition selon laquelle l’exonération en cause ne peut être susceptible de provoquer des distorsions de concurrence. Elle conteste les arguments de la Commission selon lesquels il ne serait pas concevable de constater de manière générale l’existence de distorsions de concurrence pour les prestations de services fournies par des catégories professionnelles déterminées.

46.      Tout d’abord, étant donné qu’une directive n’est obligatoire que quant au résultat à atteindre, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le législateur allemand était autorisé, pour atteindre l’objectif fixé par l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, à choisir cette forme de réglementation et à procéder également lui-même, aux fins de la transposition, à l’appréciation du risque de distorsions de concurrence.

47.      Conformément à la jurisprudence de la Cour, la transposition effectuée par la voie législative serait même celle qui prend le mieux en compte le principe même de la création du droit et constituerait, en règle générale une forme appropriée de transposition. En revanche, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du TFUE (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Belgique, C‑203/98, EU:C:1999:380, point 14).

48.      La République fédérale d’Allemagne considère que la Commission demande en définitive la mise en place d’une législation qui laisse quasiment aux autorités fiscales compétentes une marge d’appréciation semblable à celle dont elles disposeraient si, en l’absence de base légale, on leur laissait le soin de transposer la directive TVA par une pratique administrative. Toutefois, la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence ne serait ni suffisamment précise ni inconditionnelle du point de vue de son contenu, mais devrait être précisée au niveau national afin de permettre de déterminer si, dans un cas particulier, l’exonération s’applique (arrêt du 26 juin 2003, Commission/France, C‑233/00, EU:C:2003:371, point 76).

49.      La seule circonstance que le législateur allemand ne reprenne pas de façon littérale l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne serait par ailleurs pas contraire à la jurisprudence de la Cour. Une reprise textuelle des dispositions de la directive ne serait, en principe, pas indispensable, dès lors que la pleine application de la directive est effectivement assurée d’une façon suffisamment claire et précise (arrêts du 7 janvier 2004, Commission/Espagne, C‑58/02, EU:C:2004:9, point 26, du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C‑6/04, EU:C:2005:626, point 21, et du 6 avril 2006, Commission/Autriche, C‑428/04, EU:C:2006:238, point 99).

50.      Ensuite, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, le législateur national peut recourir à une appréciation par catégorie du risque de distorsions de concurrence existant au sein de certaines catégories professionnelles et que cette appréciation est également licite lorsque le législateur procède à l’exclusion par avance de certaines catégories professionnelles.

51.      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne rappelle que la Cour a conclu que les États membres n’ont pas l’obligation de transposer littéralement dans leur droit national la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence figurant à l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive – disposition qui a depuis été remplacée par l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive TVA – ni de préciser des limites quantitatives de non-assujettissement (arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., 231/87 et 129/88, EU:C:1989:381, point 23). Il serait même licite que ce soit le ministre des finances qui soit chargé par une loi nationale de procéder à la détermination concrète des activités entraînant des distorsions de concurrence (arrêt du 14 décembre 2000, Fazenda Pública, C‑446/98, EU:C:2000:691, points 32 à 35).

52.      En revanche, la reprise textuelle de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence dans la loi nationale ainsi que l’appréciation des distorsions de concurrence au vu des circonstances de chaque cas particulier entraîneraient une atteinte inacceptable à la clarté et à la sécurité juridiques.

53.      Il en irait notamment ainsi au regard du fait que, selon la jurisprudence de la Cour, l’exonération doit être refusée dès lors qu’« il existe un risque réel que l’exonération puisse à elle seule, dans l’immédiat ou dans le futur, provoquer des distorsions de concurrence » (arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen, C‑8/01, EU:C:2003:621, point 64). L’examen de cette condition supposerait donc une appréciation tant de la situation concurrentielle actuelle que de celle susceptible d’exister à l’avenir, appréciation qui ne saurait être effectuée que sur la base d’analyses économiques complexes concernant chaque domaine d’activité. Pour les autorités fiscales compétentes au niveau local, un tel examen des circonstances économiques complexes prévalant dans chaque cas particulier serait tout simplement impossible à réaliser. En outre, il ne serait pas acceptable que le GAP et ses membres ne puissent prévoir avec la certitude nécessaire si les prestations de services en question seront ou non exonérées de la TVA lors de chaque opération à venir.

54.      L’article 13, paragraphe 1, de la directive TVA montrerait également que les domaines d’activité pertinents en matière de concurrence peuvent être déterminés par le législateur. Le législateur de l’Union aurait établi, à l’annexe I de cette directive, une liste d’activités pour lesquelles il est possible, en principe, de présumer l’existence de distorsions de concurrence. S’agissant de cet article 13, paragraphe 1, de la directive TVA, la Cour aurait jugé qu’il peut, en outre, exister au niveau national d’autres activités qui ne sont pas mentionnées dans l’annexe I et dont la liste peut varier d’un État membre à l’autre ou d’un secteur économique à l’autre (arrêt du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a., C‑288/07, EU:C:2008:505, points 35 et 36). Cette jurisprudence montrerait clairement que l’appréciation des distorsions de concurrence peut être effectuée au niveau législatif. Selon la République fédérale d’Allemagne, cela doit valoir, à plus forte raison, pour la législationnationalequi énumère certains domaines d’activité dans lesquels l’existence de distorsions de concurrence sur le marché national n’est pas à craindre.

55.      La République fédérale d’Allemagne ajoute que la condition selon laquelle l’exonération en cause ne doit pas être susceptible de provoquer des distorsions de concurrence a pour objectif de limiter son champ d’application. Elle viserait donc à restaurer la règle générale de l’assujettissement de toute activité de nature économique et ne saurait, par conséquent, recevoir une interprétation étroite (arrêt du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a., C‑288/07, EU:C:2008:505, points 72 et 73).

56.      Enfin, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que la Commission n’a pas démontré qu’une exonération des prestations de services fournies par des GAP en faveur de leurs membres n’entraînerait pas de distorsions de concurrence dans d’autres domaines que celui des professions de santé visées par l’UStG.

57.      Or, il incomberait à la Commission, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 258 TFUE, d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque (arrêt du 6 avril 2006, Commission/Autriche, C‑428/04, EU:C:2006:238, point 98 et jurisprudence citée). La Commission n’aurait pas produit de preuves ou d’indices en ce sens qu’une législation applicable par catégorie serait inappropriéepour transposer la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence figurant à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

58.      La République fédérale d’Allemagne considère que, pour établir qu’une telle méthode de transposition est inappropriée, la Commission aurait dû démontrer sur la base de faits concrets que seule une reprise textuelle de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence dans la législation, avec délégation totale de la décision aux autorités fiscales compétentes, constituerait une transposition licite de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Or, la Commission n’aurait pas fourni une telle preuve de nature générale.

59.      Premièrement, contrairement à ce que prétend la Commission, il ne résulterait pas du point 77 de la lettre du ministère fédéral des Finances (voir point 25 des présentes conclusions) que la République fédérale d’Allemagne, elle-même, mette en doute le caractère adéquat de la méthode de transposition qu’elle a choisie.

60.      Le fait de ne pas mentionner d’autres branches professionnelles dans l’UStG signifierait que, concernant ces autres branches, il existerait, dans tous les cas, un risque de distorsions de concurrence. Le fait de mentionner le secteur de la santé ne signifierait pas que, dans ce secteur, aucune distorsion de concurrence n’est jamais susceptible de se produire. Le point 77 de ladite lettre préciserait plutôt, à titre d’exemple, les types concrets de prestations fournies par les cabinets médicaux qu’il convient d’exonérer de la TVA, dans la mesure où ces prestations rendent les services directement nécessaires à l’exercice des activités visées à l’article 4, point 14, sous a) ou b), de l’UStG. Il s’agirait, ainsi que cela ressortirait du point 72 de cette lettre, de la mise à disposition d’installations médicales, d’appareils et d’équipements, ainsi que d’analyses de laboratoire, de radiographies et d’autres prestations techniques dans le domaine médical.

61.      En revanche, si le groupement prenait en charge en faveur de ses membres notamment la comptabilité, le conseil juridique ou l’activité d’une caisse médicale de compensation, il s’agirait alors, selon le point 73 de la lettre, de prestations qui ne se rapportent qu’indirectement à la fourniture de prestations médicales exonérées et qui, par conséquent, ne seraient pas exonérées de la TVA. Au point 77 de cette lettre, il serait précisé que ces prestations sont, en outre, en concurrence avec d’autres entreprises, de sorte que l’on pourrait également craindre des distorsions de concurrence qu’il conviendrait d’exclure, conformément à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

62.      La lettre du ministère fédéral des Finances ne donnerait donc que des indications aux fins d’une application conforme à la directive TVA de l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG dans chaque cas particulier concernant les activités des GAP mentionnées à l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG. Le cercle des bénéficiaires ne serait cependant, de ce fait, en aucun cas élargi ou réduit, ni l’approche législative remise en question en tant que telle.

63.      Deuxièmement, les décisions des juridictions nationales citées par la Commission au point 29 de la requête ne permettraient pas non plus de conclure que la méthode de transposition choisie par le législateur allemand ne serait pas appropriée pour transposer l’exonération en cause. À cet égard, la République fédérale d’Allemagne fait observer que les juridictions allemandes auraient pu ou auraient même déjà dû déférer des questions préjudicielles analogues à celles dans la présente affaire à la Cour, mais qu’elles ne l’ont pas fait. Sans une décision explicite de la Cour, il ne serait pas possible de déduire du simple fait qu’une juridiction nationale n’ait pas déféré de question préjudicielle à la Cour que cette juridiction a correctement interprété la disposition du droit de l’Union.

64.      Troisièmement, l’avis du Bundesrat (Conseil fédéral, Allemagne) concernant l’Entwurf eines Gesetzes zur Fortentwicklung der Finanzmarktstabilisierung (projet de loi visant à développer la stabilisation des marchés financiers) auquel fait référence la Commission ne fournirait aucune preuve susceptible d’établir que la méthode de transposition choisie concernant l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG n’est pas suffisamment appropriée. En outre, cette proposition aurait été rejetée par les autres organes législatifs. La République fédérale d’Allemagne soutient dès lors que cette proposition qui n’est jamais devenue loi ne peut pas être produite en tant que preuve susceptible d’établir que, dans le secteur des banques et des assurances, en tout cas, aucune distorsion de concurrence n’est à craindre.

65.      La Commission, en faisant référence au point 77 de la lettre du ministère fédéral des Finances (voir point 25 des présentes conclusions), ne tiendrait pas compte du fait que la limitation de l’exonération, prévue par l’UStG à certaines catégories professionnelles du secteur de la santé ne signifie pas que, selon le législateur allemand, les distorsions de concurrence sont exclues pour toutes les activités relevant de ce secteur. Cette lettre soulignerait ainsi qu’il convient de procéder à un examen approfondi de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence au vu des activités concrètement exercées par les GAP bénéficiant d’un régime de faveur en vertu de l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG et elle contiendrait des précisions à ce sujet. Selon la République fédérale d’Allemagne, il n’est pas possible d’en déduire a contrario que les autorités fiscales nationales peuvent procéder à un examen au cas par cas de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA pour l’ensemble des secteurs économiques et qu’un tel examen s’impose sur le plan juridique.

66.      En outre, la Commission n’aurait pas produit d’indices suffisants indiquant que l’examen auquel a procédé le législateur allemand concernant la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence est, s’agissant des catégories professionnelles visées à l’article 4, point 14, sous d), de l’UStG, inexact.

67.      Quant aux décisions des juridictions allemandes auxquelles la Commission fait référence, la République fédérale d’Allemagne constate que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) n’a pas statué de manière définitive sur une application directe de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA et ne s’est pas non plus prononcé sur la question des distorsions de concurrence concernant les litiges dont il était saisi. Les arrêts du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) ne permettraient donc pas de conclure que, en cas d’extension de l’exonération en cause à d’autres secteurs professionnels, il n’existerait aucun risque de distorsions de concurrence.

B.      Analyse

68.      Je précise tout d’abord que le recours de la Commission n’est dirigé que contre la limitation, par la République fédérale d’Allemagne, de l’exonération de la TVA prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. En effet, selon la disposition allemande de transposition figurant à l’article 4 de l’UStG, l’exonération n’est octroyée qu’aux groupements dont les membres soit sont médecins, soit exercent des professions paramédicales, soit exercent des activités dans le secteur de l’hospitalisation et des soins médicaux.

69.      Il convient d’analyser les deux catégories d’arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne pour rejeter la thèse de la Commission : à savoir, premièrement, celle concernant le champ d’application personnel de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA et, deuxièmement, celle concernant la condition prévue à cet article relative à l’absence de distorsions de concurrence.

1.      Première catégorie d’arguments de la République fédérale d’Allemagne : le champ d’application personnel de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA 

70.      La position de principe de la Commission est que la législation allemande en cause n’est pas conforme à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, dans la mesure où le champ d’application personnel de cette disposition n’est pas limité à certaines catégories professionnelles déterminées et que cette disposition s’applique donc également à d’autres secteurs que celui de la santé, sans limitation aux activités d’intérêt général, et donc notamment au secteur des banques et des assurances. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que, même si ladite disposition ne couvrait que les GAP exerçant des activités d’intérêt général, son champ d’application personnel ne serait toujours pas limité aux GAP dont les membres exercent des professions dans le secteur de la santé. La République fédérale d’Allemagne conteste tant l’interprétation large que l’interprétation plus restreinte du champ d’application personnel de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA soutenue par la Commission.

71.      Dans son mémoire en défense, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’il découle du libellé et de l’emplacement de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, ainsi que de son historique et de ses objectifs, que le champ d’application personnel de l’exonération en cause est limité à des GAP actifs dans le secteur de la santé ou à tout le moins exerçant certaines activités d’intérêt général (en excluant par exemple les banques et les assurances).

a)      Analyse systémique

72.      Il me paraît opportun de revenir ici sur la notion même de « groupement » utilisée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

73.      Elle vise les groupements de moyens de fait, un groupement n’ayant pas nécessairement la personnalité morale et pouvant résulter d’un simple accord contractuel.

74.      Cette technique doit d’ailleurs être mise en parallèle avec l’article 11 de la directive TVA qui permet aux États membres de considérer comme un seul assujetti « les personnes établies sur le territoire d’un État membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier et économique et de l’organisation » (9).

75.      Cette technique des groupements TVA n’a pas été mise en œuvre par tous les États et notamment par la République française mais bien par la République fédérale d’Allemagne (10) où les groupements TVA sont largement utilisés, ce qui réduit les effets de la législation contestée par la Commission.

76.      En France (11), la non-utilisation de la possibilité ouverte par l’article 11 a été expliquée par le fait que le recours aux groupements de moyens de fait permettait d’atteindre le même résultat que le recours aux groupements TVA, à savoir la non-imposition à la TVA des opérations réalisées entre les membres du groupement avec l’avantage que le périmètre du groupement de moyens de fait pouvait être plus large que celui du groupement TVA. L’effet des deux techniques est toutefois le même puisque, au sein d’un groupement TVA, les opérations internes n’existent pas et ne sont donc pas soumises à la TVA et qu’il en est de même au sein d’un groupement de moyens de fait. En effet, « [a]lthough the solutions offered by the cost sharing association [under Article 132(1)(f) of the VAT Directive] and VAT grouping [under its Article 11] are different, their results are effectively the same » [même si les solutions, proposées par un groupement de moyens de fait (selon l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA) et par un groupement de TVA (selon son article 11), sont différentes, les résultats sont, en réalité, identiques] (12).

77.      Par ailleurs et vice versa, au Royaume-Uni, la non-transposition de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA a été expliquée par le fait que les mêmes objectifs pouvaient être atteints par les groupements TVA (même si ledit article a néanmoins été jugé directement applicable par un tribunal au Royaume-Uni (13)).

78.      Comme un groupement TVA, le groupement au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA est donc transparent du point de vue de la TVA. Il n’intervient ni comme acheteur, ni comme vendeur, ni comme commissionnaire et il n’agit donc pas comme assujetti en tant que tel vis-à-vis de ses membres dans les services qu’il leur rend.

79.      En réalité, la directive n’aurait pas dû parler d’exonération des prestations de services effectuées par des GAP mais aurait dû mettre ces opérations hors champ de la TVA.

80.      En effet, l’engagement de dépenses par le groupement et la répercussion à l’identique sur ses membres des coûts supportés sont en quelque sorte des dépenses internes au groupement. Il n’y a pas de prix. Il n’y a donc pas de prestations à titre onéreux, de prise de risques au travers d’un prix, mais tout simplement une mise à disposition de moyens avec répartition des frais entre les membres en fonction de l’utilisation que chacun en fait. Il s’agit en quelque sorte d’opérations d’un bureau commun qui agit comme un organisme interne d’exécution au service d’un groupement, du rouage d’une entreprise, d’un organe d’exécution mais non d’une entreprise en tant que telle, en tout cas pour ces opérations d’utilisation de moyens communs qui sont internes au groupement.

81.      Cette caractérisation renvoie au point 88 de l’arrêt du 29 avril 2004, EDM (C-77/01, EU:C:2004:243) (14), ainsi qu’à un considérant d’un arrêt du Conseil d’État français dans l’affaire Société d’analyses financière et économique du 6 février 1984 (15) qui indiquait que, « en vertu de la doctrine administrative, lorsque plusieurs entreprises confient à l’une d’entre elles l’exécution de tâches communes ou lorsque la réalisation de ces tâches est poursuivie par une société distincte spécialement créée à cet effet, les sommes encaissées par cette dernière société dès lors qu’elle[s] constitue[nt] le remboursement exact de fournitures ou de prestations servies aux autres entreprises, ne constituent pas des affaires imposables à la TVA ».

82.      Je pense en outre qu’il est indifférent que le GAP ait ou non la qualité d’assujetti. L’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA n’exige rien des GAP en termes d’assujettissement. Il n’exige qu’une seule chose, à savoir que les membres du groupement exercent une activité exonérée ou une activité pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujettis (16).

83.      Cette analyse systémique m’amène à conclure que, même s’il eut été plus correct de parler de mise hors champ de la TVA, l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne peut être limitée aux opérations des GAP actifs dans des domaines d’intérêt général (ce qui exclurait le secteur des banques et des assurances) ou a fortiori au seul secteur de la santé.

b)      Approche téléologique

84.      L’objectif de l’exonération en cause est d’exonérer les prestations de services rendus à des personnes elles-mêmes non-assujetties ou exonérées. La finalité de cette exonération est ainsi « d’éviter que la personne qui offre certains services soit soumise au paiement [de la TVA] alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services » (17).

85.      L’exonération en cause vise donc essentiellement à éviter que les personnes regroupées dans un GAP doivent payer la TVA sur les services prestés par ce GAP, montant qu’ils ne pourraient pas déduire (18).

86.      Cet objectif justifie que l’exonération en cause soit appliquée à tous les GAP dont les membres exercent une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti, y compris les GAP dans le domaine des banques et des assurances (auquel s’applique l’exonération prévue à l’article 135 de la directive TVA) et bien évidemment les GAP exerçant des activités d’intérêt général autres que dans le secteur de la santé.

87.      Je relève que cette exonération est soumise à des conditions très strictes, à savoir que les services en cause soient rendus par un GAP à ses membres, que ces derniers exercent une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti, que ces services soient directement nécessaires à l’exercice de leur activité, que les groupements ne réclament à leurs membres que le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, le tout à la condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence.

88.      Quant aux arguments de la République fédérale d’Allemagne tirés de la neutralité de la TVA, même s’ils étaient corrects, ils seraient inopérants. En effet, s’il est exact que l’exonération en cause ne saurait garantir la neutralité fiscale, puisque le « problème » de la non-déductibilité de la TVA n’est que « déplacé » (19), ce constat serait, à l’évidence, applicable tant aux GAP actifs dans le secteur de la santé qu’à tout autre GAP.

89.      Quoi qu’il en soit, la République fédérale d’Allemagne concède que, eu égard à l’objectif de l’exonération en cause, celle-ci couvre les GAP qui exercent des activités d’intérêt général (20) au-delà du secteur de la santé. Par conséquent, les arguments qu’elle avance en se référant à l’objectif de cette exonération ne sauraient manifestement justifier de l’interpréter comme étant limitée aux GAP du secteur de la santé.

c)      Approche textuelle

1)      L’historique de la disposition en cause

90.      Tout d’abord, l’historique même de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA s’oppose à une limitation de l’exonération aux seuls GAP de la santé, telle que la pratique la République fédérale d’Allemagne.

91.      La proposition de la Commission de la sixième directive en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (21) prévoyait certes initialement, à son article 14, A, paragraphe 1, sous f), que seuls devaient être exonérés « les services rendus à leurs membres par les groupements autonomes professionnels à caractère médical ou paramédical, pour les besoins de leurs activités exonérées ». Cette proposition a finalement débouché sur la sixième directive qui s’en est cependant écartée puisque, par son article 13, A, sous f), et son article 28, paragraphe 3, sous a), ainsi que son annexe E, elle a prévu une exonération générale en faveur des GAP, indépendante du secteur dans lequel ils étaient actifs, en autorisant cependant les États membres à limiter, lors de la transposition en droit national, cette exonération sans pouvoir en exclure les professions médicales et paramédicales.

92.      Cette possibilité a été supprimée par le législateur à compter du 1er janvier 1990 (22), ce qui signifie que, depuis cette date, les États membres ne sont plus autorisés à limiter l’exonération de la TVA en faveur des GAP aux seules professions de santé (23).

93.      L’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA a repris le libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive. Cela a aussi conduit à l’exonération des groupes concernant toutes les catégories professionnelles exonérées. L’autorisation supprimée dès l’année 1990 de limiter cette exonération aux professions de santé n’a pas été réintroduite dans la directive TVA adoptée en 2006. Cette analyse va aussi clairement à l’encontre de la thèse de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle elle est autorisée à limiter l’exonération aux professions de santé.

2)      Le libellé de la disposition en cause

94.      La République fédérale d’Allemagne soutient toutefois que la limitation de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA à des activités d’intérêt général ressort d’emblée du libellé de l’article 132 et de sa position dans l’économie de la directive (24).

95.      Je note tout d’abord que le libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne contient aucune limitation à un secteur professionnel déterminé ou déterminable (25), a fortiori aux seules activités mentionnées dans les points précédents de cette disposition qui concernent notamment la santé (26), la seule limitation étant que seuls sont exonérés les services rendus par un GAP à ses membres.

96.      Ces membres doivent être en outre des personnes qui exercent une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti. Je pense (comme la Commission) que, tandis que la directive TVA désigne ainsi qui bénéficiera de l’exonération, elle ne fait qu’indiquer, pour ce qui est de la branche d’activités professionnelles de ses membres, qu’il doit s’agir d’activités exonérées ou pour lesquelles les membres n’ont pas la qualité d’assujetti. Sous cette réserve, cette disposition de la directive TVA vise ainsi tous les secteurs économiques.

97.      Rien dans la jurisprudence de la Cour ne permet de trouver une autre limite à l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

98.      À propos de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive dont le libellé était quasi identique et qui occupait le même emplacement dans l’économie de la directive que l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA qui l’a depuis remplacé (27), la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties (348/87, EU:C:1989:246, point 14) que « [l]’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive ne vise expressément que les [GAP] rendant des services à leurs membres. Tel n’est pas le cas d’une fondation qui rend des services exclusivement à une autre fondation, sans qu’une de ces fondations soit membre de l’autre. Compte tenu du libellé précis des conditions d’exonération, toute interprétation qui élargirait la portée du texte de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive serait incompatible avec la finalité de cette disposition ».

99.      De plus, dans l’arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C‑8/01, EU:C:2003:621), la Cour a reconnu que les transactions d’assurances qui étaient exonérées en vertu de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, tombaient sous le coup de l’exonération sur le partage des coûts. La Cour a donc déjà étendu l’exonération à des activités qui ne sont pas à objectif médical ou social.

100. Ensuite, il est intéressant de relever que, lors de l’audience du 30 juin 2016 dans l’affaire DNB Banka (C‑326/15), toutes les parties (sauf la République fédérale d’Allemagne) à savoir DNB Banka AS, les gouvernements luxembourgeois, polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont défendu la thèse que, en substance, contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA était bel et bien applicable aux services financiers et d’assurance.

101. Une clarification s’impose cependant puisque si, selon le gouvernement polonais, dans cette affaire DNB Banka (C‑326/15), « il est difficile de donner raison à la République fédérale d’Allemagne, lorsqu’elle dit que l’exonération serait exclue pour le secteur financier. La Pologne ne voit aucun fondement juridique dans la directive, pour y prétendre. L’article 132 [de la directive TVA] dit qu’il doit s’agir d’une activité exonérée. Il n’y a aucune limitation sectorielle. La Pologne n’a jamais appliqué de telles limitations sectorielles dans sa pratique fiscale », lors de l’audience dans l’autre affaire connexe Aviva (C‑605/15) du 7 décembre 2016, le gouvernement polonais a soutenu que « la question qui porte sur l’applicabilité de l’article 132 aux opérateurs d’assurance[,] [appelait] une réponse négative. L’exonération en question n’est pas du tout applicable à des [GAP] qui opèrent dans le domaine des assurances. L’exonération dont on discute aujourd’hui procède de l’article 132 de la directive qui se réfère intégralement à des activités d’intérêt général. L’activité d’assurance est certes exonérée de TVA mais n’est pas considérée par la directive comme activité d’intérêt général et n’a pas été exonérée eu égard à cet aspect d’intérêt général » (28).

102. Dans l’arrêt du 5 octobre 2016, TMD (C‑412/15, EU:C:2016:738), à propos de l’article 132, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, la Cour a jugé que la livraison du sang humain ne pouvait bénéficier de l’exonération prévue dans ce texte que si elle contribuait directement à des activités d’intérêt général (point 33) en excluant sur cette base le plasma dit « industriel » en tant qu’il était destiné à être intégré dans une production industrielle, notamment en vue de la fabrication de médicaments. Cet arrêt ne modifie pas mon raisonnement dans la présente affaire dans la mesure où il n’est pas contesté que la livraison de sang humain a été placée dans l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA précisément en raison de son caractère d’activité d’intérêt général et que cette exonération devait donc être limitée à des activités qui ont cette qualité. La question posée dans la présente affaire est tout aussi précisément de savoir si l’exonération prévue sous f) est ou non soumise à la même condition (d’être limitée à des activités d’intérêt général) et je propose d’y apporter une réponse négative.

3)      L’intitulé du chapitre 2 de la directive TVA et la disposition en cause

103. Reste que l’exonération en cause est placée dans le chapitre 2 de la directive TVA, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », et que tous les autres alinéas du paragraphe 1 de l’article 132 concernent des activités d’intérêt général (29).

104. Je suis d’avis que la simple circonstance que le chapitre auquel appartient l’article 132 de la directive TVA soit intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général » ne permet pas de priver son libellé de son univocité (30) et que le titre d’un chapitre n’a qu’une valeur indicative pour l’interprétation des dispositions qu’il contient (31).

105. L’emplacement de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA dans le chapitre intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général » ne permet donc aucunement, à lui seul, d’établir que le législateur avait l’intention de limiter l’étendue de l’application de l’exonération en cause.

106. Par ailleurs, l’emplacement de ladite exonération au sein de la directive TVA s’explique par des raisons historiques, la Commission ayant admis (32) que l’intitulé de l’article 132 de la directive TVA était le résultat d’une négligence rédactionnelle.

107. Je rappelle que la proposition initiale de la Commission relative à la sixième directive (33) prévoyait effectivement de limiter l’exonération aux activités d’intérêt général. Dans cette proposition, l’exonération était donc – correctement du point de vue systématique – entièrement contenue sous cet intitulé, qui a été maintenu. Cependant, lorsque le champ d’application de l’exonération a été modifié au cours du processus législatif, le législateur de l’Union a négligé de modifier l’emplacement dans la directive du point f du paragraphe 1 de l’article 132 de la directive TVA.

108. La Commission a tenté d’y remédier notamment par sa proposition de directive du 28 novembre 2007 (34) relative aux entreprises de services d’assurance et de services financiers sans que, selon la Commission, on puisse en déduire que la Commission estimait que l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA n’était pas applicable aux entreprises de services d’assurance et de services financiers exonérées en vertu de son article 135. Pour la Commission en effet, cette proposition de directive visait à clarifier de manière générale les règles régissant l’exonération de la TVA applicable aux services d’assurance et aux services financiers en ce compris le partage des coûts (point 1 de l’exposé des motifs) mais la République fédérale d’Allemagne souligne que, dans le point 3 de ce même exposé des motifs, il est indiqué que la proposition comporte « l’introduction du concept de “groupement de partage des coûts” », ce qui tendrait à démontrer que ce concept n’existait pas pour les secteurs en cause. Il est difficile de ne pas conclure que la négligence rédactionnelle a subsisté. En tout cas, la proposition a été retirée par la Commission (35) et, d’autre part, elle est postérieure à la directive TVA.

109. À cet égard, je relève qu’il y a eu également entre l’année 2007 et l’année 2013 d’autres travaux de réforme de la TVA dont il ressortirait que les États membres et la Commission partaient de l’idée que l’exonération des activités des GAP était applicable à la matière bancaire et financière et qu’il n’était pas envisagé de la retirer. C’est en tout cas ce qu’avait fait observer à l’audience dans l’affaire DNB Banka (C‑326/15) le Grand-Duché de Luxembourg. Interrogée à ce sujet à l’audience dans la présente affaire, la Commission a confirmé qu’il en était bien ainsi, à l’exception de la République fédérale d’Allemagne.

110. Au-delà du fait qu’un intitulé de chapitre ne peut avoir qu’une valeur indicative et ne peut évidemment prévaloir sur l’univocité du libellé même de la disposition, il n’apparaît pas clairement de ce qui précède que le législateur de l’Union ait voulu réserver l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA à des GAP exerçant des activités d’intérêt général. A fortiori, ces éléments ne peuvent remettre en cause les conclusions que me permettent de tirer les approches systémique et téléologique ainsi que l’analyse du libellé de la disposition en cause.

d)      Conclusion intermédiaire

111. Au vu de ce qui précède, j’estime que, nonobstant les imperfections du texte de la directive TVA, l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de cette directive ne peut être limitée aux activités d’intérêt général ni a fortiori au secteur de la santé.

2.      Deuxième catégorie d’arguments de la République fédérale d’Allemagne : celle concernant la condition prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA relative à l’absence de distorsions de concurrence

a)      Argumentation des parties

112. Selon la Commission, la limitation prévue par la législation allemande en matière de TVA n’est pas non plus justifiée par l’éventualité d’une distorsion générale de concurrence. En effet, l’existence éventuelle d’une distorsion de concurrence lors de l’application de l’exonération ne saurait être appréciée qu’au regard des circonstances de chaque cas d’espèce. Il serait impossible de constater de manière générale l’existence de distorsions de concurrence pour des prestations de services fournies par des catégories professionnelles déterminées, ainsi que pour les services, rendus par un groupement, qui leur sont directement liés, ce que conteste la République fédérale d’Allemagne.

113. À la différence de la Commission, la République fédérale d’Allemagne estime toutefois qu’il n’y a pas lieu de vérifier dans chaque cas si le risque d’une distorsion de concurrence existe et que le législateur national peut se fonder sur des catégories types lors de la transposition. Elle considère que ce point de vue est étayé par le fait que le législateur national n’est pas tenu de transposer une directive littéralement et qu’un examen au cas par cas est tout simplement impossible à réaliser pour les autorités fiscales concernées (36).

b)      Appréciation

114.  Il est constant entre la République fédérale d’Allemagne et la Commission que l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA est soumise à une réserve. L’octroi de l’exonération peut en effet être refusé s’il existe un risque que l’exonération puisse à elle seule, dans l’immédiat ou dans le futur, provoquer des distorsions de concurrence.

115. S’agissant de la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence évoquée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, la jurisprudence de la Cour indique que les États membres n’ont pas l’obligation de transposer cette condition littéralement dans leur droit national (37). Ce point n’est, en réalité, pas non plus contesté par les parties (38).

116. Abordant de façon plus précise le débat qui oppose la République fédérale d’Allemagne et la Commission dans la présente affaire, l’arrêt du 19 décembre 2013, Bridport and West Dorset Golf Club (C‑495/12, EU:C:2013:861), a examiné la faculté donnée aux États membres par l’article 133, premier alinéa, sous d), de la directive TVA de subordonner, au cas par cas, l’octroi de certaines exonérations de TVA à la condition que ces exonérations ne soient pas susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la TVA.

117. Dans ledit arrêt, la Cour a jugé que cette « faculté accordée aux États membres, dont la portée doit être appréciée dans le contexte tel qu’il ressort des conditions visées à l’article 133, premier alinéa, sous a) à c), de la directive [TVA], ne permet pas de prendre des mesures générales telles que celle en cause au principal limitant le champ d’application de ces exonérations. En effet, selon la jurisprudence de la Cour relative aux dispositions correspondantes de la sixième directive, un État membre ne saurait, en subordonnant l’exonération visée à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de cette directive à une ou à plusieurs conditions prévues à l’article 133 de celle-ci, modifier le champ d’application de cette exonération » (39).

118. Sur cette base, je pense avec la Commission que l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA exige un examen au cas par cas de l’existence d’un risque de distorsions de concurrence. En effet, seul un tel examen au cas par cas permet de déterminer, en vue de refuser, l’exonération de la TVA « s’il existe un risque réel que l’exonération puisse à elle seule, dans l’immédiat ou dans le futur, provoquer des distorsions de concurrence » (c’est moi qui souligne), comme l’a jugé la Cour au sujet de l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive qui a précédé l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA dans son arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen, (C‑8/01, EU:C:2003:621, point 65). C’est donc un risque réel qu’il faut mesurer et il me paraît impossible d’apprécier l’existence de distorsions de concurrence de façon générale pour les services fournis par des professions déterminées et pour les services d’un GAP qui leur sont directement liés.

119. Selon la Commission, le fait que l’exonération visée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA nécessite un examen des circonstances factuelles et des opérations individuelles découle aussi du point 77 de la lettre du ministère fédéral des Finances (40) rédigée en 2009 à l’occasion d’une modification de l’article 4 de l’UStG qui est à l’origine de la version en cause de cette disposition. Aux points 71 à 78 de cette lettre, sous la référence « Taxe sur le chiffre d’affaires ; lettre d’introduction à l’article 4, point 14, de l’UStG, dans la version en vigueur à compter du 1er janvier 2009 », le ministère fédéral des Finances fait savoir que l’exonération n’est applicable que si les prestations de services effectuées par des GAP sont effectuées en faveur de membres faisant partie d’une des professions de santé énumérées audit article 4, point 14, de l’UStG et si elles servent directement aux opérations exonérées de ces membres. Le point 77 de cette lettre indique comme suit que l’exonération ne doit pas conduire à une distorsion de concurrence :

« Conformément à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, l’exonération ne doit pas provoquer de distorsions de concurrence. Aussi ne peut-elle porter que sur les autres prestations des groupements de cabinets et d’appareils médicaux, et non sur les cas où un groupement se charge pour ses membres, par exemple, de la comptabilité, du conseil juridique ou de l’activité d’organe de règlement médical ».

120. Ce texte postule en effet un examen au cas par cas. Pourquoi cet examen serait-il possible pour le secteur de la santé et impossible pour les autres, au point de présumer pour ces derniers l’existence d’une distorsion de concurrence ?

121. Si un État membre peut valablement préciser la condition relative à l’absence de distorsions de concurrence évoquée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, il doit éviter que ces précisions limitent ou élargissent le champ d’application de l’exonération énoncée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

122. De plus, il semblerait que le droit allemand de la taxe sur le chiffre d’affaires ait été source de problèmes pratiques pour les juridictions allemandes, au point que certaines décisions de ces juridictions ont déjà invité, contrairement au libellé de l’article 4 de l’UStG et sur la base de l’applicabilité directe du droit de l’Union, à étendre l’exonération en cause (41) à des GAP d’autres catégories professionnelles ne relevant pas de l’article 4 de l’UStG, considérant à cet égard que des groupements d’organismes sociaux, comme les centres de soins (42), ou des groupements d’assurance, comme les caisses maladie (43), devaient relever de l’exonération. Elles ont à chaque fois indiqué que l’octroi de l’exonération supposait que les autorités s’assurent, par un examen (il semblerait au cas par cas), de l’absence de distorsions de concurrence.

123. Ainsi que la Commission l’a ajouté, certains projets de loi présentés au parlement allemand montrent également que le législateur allemand ne relie pas le risque de distorsions de concurrence avec l’extension de l’exonération à des GAP dans le secteur des banques et des assurances (44).

124. Enfin, il n’apparaît pas que le législateur allemand ait fait une analyse approfondie d’un risque réel et général de distorsion de concurrence pour chaque secteur autre que celui de la santé (45), alors que la règle prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA est l’exonération et que, dès lors, le risque d’une distorsion de concurrence doit être prouvé.

125. À cet égard, même s’il n’est contesté par personne que, dans un recours en manquement, la charge de la preuve appartient à la Commission, la République fédérale d’Allemagne me paraît aller trop loin en soutenant à l’audience que ce serait à la Commission de prouver l’absence de risque de distorsions de concurrence pour les secteurs non couverts par l’exonération de la législation allemande. Cela ressemblerait à une probatio diabolica.

126. En conclusion, j’estime que la limitation prévue par la législation allemande ne peut se justifier par un risque réel et général de distorsion de concurrence pour tous les autres GAP que ceux actifs dans le secteur de la santé.

V.      Sur les dépens

127. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

VI.    Conclusion

128. Pour ces raisons, je propose à la Cour de statuer comme suit :

–        de constater que, en limitant l’exonération des prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à des groupements dont les membres exercent un nombre restreint de professions, la République fédérale d’Allemagne a violé ses obligations au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et

–        de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.


1      Langue originale : le français.


2 –      Directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).


3 –      Directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive ») a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive TVA.


4 –      Directive du Conseil du 18 juillet 1989 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Suppression de certaines dérogations prévues à l’article 28, paragraphe 3, de la sixième directive (JO 1989, L 226, p. 21).


5 –      Ministère fédéral des Finances, Allemagne. Lettre du 26 juin 2009 (IV B 9 – S 7170/08/10009).


6 –      Proposition de Directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des services d’assurance et des services financiers, COM(2007) 747 final, du 28 novembre 2007.


7 –      http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-07-519_en.htm?locale=en.


8 –      Proposition de la Commission concernant la sixième directive du Conseil en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, COM(73) 950 final, du 20 juin 1973 (Bulletin des Communautés européennes, supplément 11/73, p. 13).


9 –      À ce sujet, voir, notamment, Bouchard, J.-C., TVA et groupement de moyens de fait, Revue de droit fiscal, n° 7-8, 14 février 2013, pp. 150 et suiv., De Duve, B., Unité fiscale et association de frais : le régime de la TVA, Revue pratique des sociétés, 110e année (2011), 1er trimestre, pp. 5 à 26 ; Lhote, L. et Warscotte, Q., Carnet de route au cœur des fictions TVA : entre l’unité TVA et le GAP, dans « TVA, taxer, déduire, exonérer et punir », 2015, pp. 263 à 282 ; Swinkels, J., The Phenomenon of VAT Groups under EU Law and Their VAT-Saving Aspects, International VAT Monitor, janvier/février 2010, IBFD, pp. 36 à 42 ;Swinkels, J., The EU VAT Exemption for Cost-Sharing Associations, International VAT Monitor, janvier/février 2008, IBFD, pp. 13 à 21 ; Bernaerts, Y., Unité et groupement autonome de personnes – Des instruments performants et/ou controversés ?, Journal de droit fiscal, juillet-août 2007, pp. 193 à 240 ; Parolini, A., European VAT and Groups of Companies, dans « Maisto, G. (éd.), International and EC Tax Aspects of Groups of Companies, EC and International Tax Law Series », Vol. 4, IBFD, 2008, p. 120 : Amand, C., VAT on financial services : the unanswered questions, ERA Forum (2008) 9:357-376, p. 373 ; et Libert, F., Les associations de frais – Aspects TVA, R.G.F., 10 octobre 1997, pp. 304 et suiv.


10 –      Le régime des groupements TVA a été mis en œuvre dans 16 États membres : la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, l’Espagne, Chypre, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Roumanie, la Slovaquie, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni. Voir van Norden, G.-J., State of Play in Respect of the Skandia America Corporation Case, EC Tax Review, 2016/4, p. 211. Bouchard, J.-C., op. cit., parle de 17 États membres qui auraient mis en œuvre ce régime.


11 –      En France, l’article 261 B du code général des impôts transpose le mécanisme d’exonération de TVA au sein d’un groupement. Voir la Revue de droit fiscal, numéro 45, 6 novembre 2014, LexisNexis, p. 28.


12 –      Traduit par mes soins. « Under the former, if B is a member of a cost sharing association and A is the umbrella organi[s]ation, the services rendered by A to B are exempt from VAT and, under the latter, if A and B are members of the same VAT group, the services rendered by A to B are ignored for VAT purposes. In both cases, B is enabled to avoid non-deductible input tax, which means that, in the end, C does not have to incorporate hidden VAT in the price charged to the final consumer. It is no coincidence that Art. 13(A)(1)(f) of the Sixth Directive [désormais l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA] is called a quasi-grouping arrangement ». Mais, en même temps, « [i]n the absence of VAT grouping rules, the exemption for cost sharing associations is the only way for taxable persons engaged in exempt activities or non-taxable persons to reduce the VAT cost on services under Belgian law. Although their effects are the same, VAT grouping and cost sharing associations have a different scope and different target groups. Cost sharing associations are only aimed at reducing the VAT costs of services rendered to their members. Those members have in common that, in view of their activities, they have no or a limited right to deduct input VAT. VAT grouping is aimed at eliminating the financing of VAT on intra-group transactions, including supplies of goods. The members of VAT groups may have a full, limited or no right to deduct input VAT. The exemption for cost sharing associations offers a (limited) alternative to VAT grouping in Belgium to certain groups of taxable and non-taxable persons. Despite its limitations and complexities, the exemption is frequently used in practice and it is particularly effective in neutralizing the VAT cost of centrally purchased services ». Voir Vyncke, K., Cost Sharing Associations as an Alternative to VAT Grouping in Belgium, International VAT Monitor, IBFD, 2006, pp. 340 et 346.


13 –      Voir le VAT and Duties Tribunal, London, dans Peterborough Diocesan Conference and Retreat House, décision 14081 du 15 et 16 février 1996.


14 –      « Dès lors, des travaux tels que ceux en cause dans l’affaire au principal, effectués par les membres d’un consortium conformément aux clauses d’un contrat de consortium et correspondant à la part assignée dans ce contrat à chacun d’eux, ne constituent pas une livraison de biens ou une prestation de services “effectuées à titre onéreux” au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive ni, par conséquent, une opération taxable en vertu de celle-ci. Le fait que ces travaux sont réalisés par le membre du consortium qui gère celui-ci est sans pertinence à cet égard ».


15 –      Conseil d’État, 7 / 9 SSR, du 6 février 1984, 37882, publié au recueil Lebon.


16 –      Ce point est contesté. Voir les conclusions de l’avocat général Kokott dans les affaires Commission/Luxembourg (C‑274/15, EU:C:2016:750), DNB Banka (C‑326/15) et Aviva (C‑605/15). En ce qui concerne la question de savoir si un groupement TVA, prévu à l’article 11 de la directive TVA, doit lui-même avoir la qualité d’assujetti ou si cela ne doit être le cas qu’au niveau de ses membres, voir Vyncke, K., VAT Grouping in the European Union : Purposes, Possibilities and Limitations, International VAT Monitor, juillet/août 2007, p. 255.


17 –      Arrêt du 11 décembre 2008, Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale ToetsingStichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, C‑407/07, EU:C:2008:713, point 37. Cet arrêt concernait l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la sixième directive, disposition qui a depuis été remplacée par l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Le libellé et l’emplacement dans l’économie des deux directives étaient identiques, sous réserve que le texte de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA parle de « personnes » et non de « professionnels ».


18 –      Ainsi que l’a expliqué l’avocat général Mischo, cette exonération vise à unifier les conditions de concurrence sur un marché où opèrent, à la fois, de grandes entreprises, pouvant offrir leurs prestations à partir de la seule mobilisation de leurs ressources internes, et d’autres plus petites, contraintes, pour offrir les mêmes prestations, de faire appel à des concours externes (voir ses conclusions dans l’affaire Taksatorringen, C‑8/01, EU:C:2002:562, point 120).


19 –      Mémoire en défense, points 53 et 54.


20 –      Mémoire en défense, points 55 et 56.


21 –      Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions. La proposition de la Commission se trouve sur son site Internet : https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/docs/body/COM(1973)950_fr.pdf.


22 –      Voir article 1er de la dix-huitième directive 89/465.


23 –      Contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, il n’est pas possible de déduire des considérants de la dix-huitième directive 89/465 que les dérogations applicables auparavant n’ont été supprimées que pour des raisons de simplification du calcul des ressources propres provenant de la TVA. Parmi les motifs ayant conduit à l’adoption de ladite directive figure le fait que la suppression des dérogations existantes contribuait aussi « à assurer une plus grande neutralité du système de [TVA] à l’échelle [de l’Union] » (voir le troisième considérant reproduit au point 5 des présentes conclusions).


24 –      Mémoire en défense, points 14 à 39.


25 –      Ce que la République fédérale d’Allemagne elle-même semble reconnaître (mémoire en défense, point 16).


26 –      Comment justifier alors l’exclusion des autres points de l’article 132 de la directive TVA ?


27 –      Je note que le texte de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA parle de « personnes » et non de « professionnels ».


28 –      Voir transcrit de cette audience, p. 15.


29 –      Je répète que, s’il devait même découler de l’emplacement de l’exonération en cause au sein de la directive TVA qu’elle ne couvre que des GAP exerçant des activités d’intérêt général (quod non), il ne s’ensuivrait aucunement que cette exonération serait limitée à des GAP dans le secteur de la santé, contrairement à ce que la République fédérale d’Allemagne fait valoir. Dans une telle hypothèse, il conviendrait, en tout état de cause, d’étendre aussi l’exonération aux GAP qui exercent d’autres activités professionnelles d’intérêt général exonérées, telles que les activités liées à l’aide et à la sécurité sociales, à l’éducation, au sport et à la culture. Je me réfère ici à l’article 132, paragraphe 1, sous g), i), m), n) et q), de la directive TVA.


30 –      Voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, point 25).


31 –      Voir, par analogie, concernant la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), arrêt du 12 juin 2014, Lukoyl Neftohim BurgasLukoyl Neftohim BurgasLukoyl Neftohim BurgasLukoyl Neftohim Burgas (C‑330/13, EU:C:2014:1757, point 33).


32 –      Voir réplique de la Commission, points 9 et 14.


33 –      Voir notes en bas de page 8 et 21 des présentes conclusions.


34 –      Voir note en bas de page 6 des présentes conclusions. Voir, à ce sujet, De Duve, B., op.cit., p. 8 et suiv.


35 –      JO 2016, C 155, p. 3.


36 –      Mémoire en défense, points 67 à 86.


37 –      Concernant le critère de « distorsions de concurrence d’une certaine importance » évoqué à l’article 4, paragraphe 5, 2ème alinéa, de la sixième directive, disposition qui a depuis été remplacée par l’article 13 de la directive TVA, voir, par analogie, arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a.Comune di Carpaneto Piacentino e.a. (231/87 et 129/88, EU:C:1989:381, point 23).


38 –      Voir, notamment, mémoire en défense, point 75, et réplique de la Commission, point 24.


39 –      Point 35 où la Cour se réfère à l’arrêt du 7 mai 1998, Commission/Espagne (C‑124/96, EU:C:1998:204, point 21).


40 –      Voir point 25 des présentes conclusions.


41 –      La République fédérale d’Allemagne préfère parler à l’audience d’une remise en cause de la limitation de l’exonération, telle que prévue par la législation allemande en cause.


42 –      Arrêt de la Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) du 30 avril 2009, n° V R 3/08.


43 –      Arrêt de la Bundesfinanzhof(Cour fédérale des finances) du 23 avril 2009, n° V R 5/07.


44 –      Voir observations du Bundesrat (Conseil fédéral) sur le projet de loi relatif à la poursuite de la stabilisation des marchés financiers, imprimé du Bundestag 16/13384, du 12 juin 2009, p. 5.


45 –      Le représentant du gouvernement allemand a indiqué à l’audience qu’il « imaginait » que le législateur allemand avait fait cette analyse.