Language of document : ECLI:EU:T:2017:471

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

6 juillet 2017 (*)

  « Aides d’État – Aides mises à exécution par la France en faveur de la SNCM – Aides à la restructuration et mesures prises dans le cadre d’un plan de privatisation – Critère de l’investisseur privé en économie de marché – Décision déclarant les aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur – Réouverture de la procédure formelle d’examen – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑74/14,

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues, D. Colas, Mmes E. Belliard et J. Bousin, puis par M. Colas, Mmes Belliard et Bousin, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 7066 final de la Commission, du 20 novembre 2013, concernant les aides d’état SA.16237 (C 58/2002) (ex N 118/2002) mises à exécution par la France en faveur de la SNCM,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. M. van der Woude (rapporteur), président, I. Ulloa Rubio et Mme A. Marcoulli, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er décembre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), bénéficiaire de l’aide en litige, est une compagnie maritime qui assure des liaisons régulières vers la Corse (France) au départ de la France continentale (Marseille et Nice) et vers l’Afrique du Nord (Algérie et Tunisie) au départ de la France, ainsi que des liaisons vers la Sardaigne (Italie).

2        Par lettre du 18 février 2002, la République française a notifié à la Commission des Communautés européennes un projet d’aide à la restructuration en faveur de la SNCM d’un montant de 76 millions d’euros (ci-après le « plan de restructuration de 2002 »).

3        Par sa décision 2004/166/CE, du 9 juillet 2003, concernant l’aide à la restructuration que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la SNCM [notifiée sous le numéro C(2003) 2153)] (JO 2004, L 61, p. 13, ci-après la « décision de 2003 »), la Commission a approuvé sous conditions deux tranches d’aides à la restructuration versées à la SNCM pour un montant total de 76 millions d’euros, l’une d’un montant de 66 millions d’euros payable immédiatement et l’autre d’un montant maximal de 10 millions d’euros dépendant du résultat net des cessions portant notamment sur les navires de la SNCM.

4        Au moment de la notification du plan de restructuration de 2002, la SNCM était détenue à 20 % par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et à 80 % par la Compagnie générale maritime et financière (CGMF), détenues par la République française à 100 %.

5        Corsica Ferries, un concurrent de la SNCM, a introduit un recours en annulation de la décision de 2003 devant le Tribunal le 13 octobre 2003 (affaire T‑349/03).

6        Par arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission (T‑349/03, EU:T:2005:221), le Tribunal a annulé la décision de 2003 en raison d’une appréciation erronée du caractère minimal de l’aide, due principalement à des erreurs de calcul dans le produit net des cessions, tout en rejetant l’ensemble des autres moyens tirés d’un défaut de motivation et d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2).

7        Dans un courrier du 7 avril 2006, les autorités françaises ont invité la Commission, notamment, à considérer que, en raison de sa nature de compensation de service public, une partie de l’aide relative au plan de restructuration de 2002, notamment le montant de 53,48 millions d’euros, ne devait pas être qualifiée de mesure prise dans le cadre d’un plan de restructuration, mais de mesure ne constituant pas une aide au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), ou de mesure autonome du plan de restructuration au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE.

8        Le 21 avril 2006, un projet de concentration, par lequel les entreprises Butler Capital Partners (BCP) et Veolia Transport ont pris le contrôle respectivement de 38 % et de 28 % du capital de la SNCM, tandis que la CGMF restait présente à hauteur de 25 % et que 9 % du capital restaient réservés aux salariés (ci-après le « plan de privatisation de 2006 »), a été notifié à la Commission au titre de l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2001, L 24, p. 1). La Commission a autorisé l’opération de concentration le 29 mai 2006 sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

9        Le 13 septembre 2006, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant les nouvelles mesures mises en œuvre en faveur de la SNCM dans le cadre du plan de privatisation de 2006 tout en intégrant le plan de restructuration notifié en 2002 (JO 2006, C 303, p. 53, ci-après la « décision d’ouverture de 2006 »).

10      Par sa décision 2009/611/CE, du 8 juillet 2008, concernant les mesures C 58/02 (ex NN 118/02) que la France a mises à exécution en faveur de la SNCM (JO 2009, L 225, p. 180, ci-après la « décision de 2008 »), la Commission a estimé que les mesures du plan de restructuration de 2002 constituaient des aides d’État illégales au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE mais étaient compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 86, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et que les mesures du plan de privatisation de 2006 ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

11      La décision de 2008 avait pour objet les mesures suivantes :

–        dans le cadre du plan de restructuration de 2002 : l’apport en capital de la CGMF à la SNCM pour un montant de 76 millions d’euros, dont 53,48 millions d’euros au titre des obligations de service public et le solde au titre des aides à la restructuration ;

–        dans le cadre du plan de privatisation de 2006 :

–        le prix de vente négatif de la SNCM par la CGMF pour un montant de 158 millions d’euros ;

–        l’apport de la CGMF pour un montant de 8,75 millions d’euros ;

–        l’avance en compte courant par la CGMF pour un montant de 38,5 millions d’euros en faveur des personnels licenciés de la SNCM en cas de nouveau plan social.

12      Le 10 novembre 2008, BCP a cédé sa participation à Veolia Transport, devenue Veolia Transdev, pour un montant de 73 millions d’euros environ. Ainsi, depuis cette date, la SNCM est détenue à 66 % par la société Veolia Transdev, à 25 % par la CGMF et à 9 % par les salariés de la SNCM.

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2008, Corsica Ferries a demandé au Tribunal d’annuler la décision de 2008 (affaire T-565/08). Elle a soulevé, en substance, six moyens à l’appui de son recours.

14      Le premier moyen était tiré d’une interprétation prétendument trop extensive de l’article 287 CE, qui se serait traduite par un défaut de motivation de la décision de 2008 ainsi que par une atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif. Les deuxième à sixième moyens étaient tirés d’une violation des articles 86 à 88 CE et des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices »). Ces moyens concernaient successivement l’apport en capital d’un montant de 53,48 millions d’euros au titre de la compensation de service public (deuxième moyen), la cession de la SNCM à un prix négatif de 158 millions d’euros (troisième moyen), l’apport en capital de la CGMF d’un montant de 8,75 millions d’euros (quatrième moyen), les mesures d’aide à la personne à hauteur de 38,5 millions d’euros (cinquième moyen) et le solde d’un montant de 22,52 millions d’euros notifié au titre des aides à la restructuration (sixième moyen).

15      Par son arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), le Tribunal a accueilli les troisième à sixième moyens invoqués par Corsica Ferries au soutien de son recours en annulation et a annulé partiellement la décision de 2008. Le Tribunal a notamment considéré que la Commission avait commis une erreur de droit et des erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concernait son analyse des mesures relatives au plan de privatisation de 2006. En outre, s’agissant de l’aide à la restructuration notifiée en 2002, le Tribunal a jugé, d’une part, que cette aide, d’un montant de 53,4 millions d’euros, devait être considérée comme un apport au titre de la compensation des obligations de service public de la SNCM pour la période entre 1991 et 2001 et, d’autre part, que l’analyse de la compatibilité du solde de l’aide à la restructuration, d’un montant de 15,81 millions d’euros, devait être revue, puisqu’elle était fondée sur une prémisse erronée selon laquelle les mesures relatives au plan de privatisation de 2006 n’étaient pas des aides.

16      Par leurs pourvois respectifs, introduits le 22 novembre 2012, la SNCM et la République française ont demandé l’annulation de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

17      Par courriers du 6 décembre 2012, du 5 février et du 19 juin 2013, la République française et la SNCM ont fait part à la Commission de leur souhait de la voir rouvrir la procédure formelle d’examen des mesures relatives au plan de privatisation de 2006 afin de permettre aux tiers intéressés de faire valoir leurs observations.

18      Par courriers du 15 janvier, du 13 février et du 10 juillet 2013, la Commission a informé la République française et la SNCM de son refus de rouvrir la procédure formelle d’examen. Elle les a également informées qu’elles pouvaient lui faire parvenir leurs observations.

19      Par courriers du 16 mai et du 27 août 2013, la République française et la SNCM ont transmis leurs observations à la Commission à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

20      Le 20 novembre 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 7066 final, concernant les aides d’État SA.16237 (C 58/2002) (ex N 118/2002) mises à exécution par la France en faveur de la SNCM (ci-après la « décision attaquée »). Elle a considéré que l’apport en capital de 15,81 millions d’euros prévu en 2002 et les trois nouvelles mesures mises en œuvre par les autorités françaises en 2006 constituaient des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

21      Aux considérants 211 à 214 de la décision attaquée, la Commission a estimé, sur la base de l’arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission (T‑301/01, EU:T:2008:262), qu’elle devait fonder son analyse uniquement sur les informations dont elle disposait au moment de l’adoption de la décision de 2008, c’est-à-dire le 8 juillet 2008, à l’exclusion de tout élément postérieur. Elle a également considéré qu’elle n’avait pas l’obligation de reprendre l’instruction de l’affaire et qu’elle pouvait se fonder sur les actes d’instruction déjà réalisés. Dans ces conditions, la Commission a estimé ne pas avoir à consulter de nouveau la République française, la SNCM et les tiers intéressés.

22      Aux considérants 216 à 308 de la décision attaquée, la Commission a étudié la question de savoir si la cession de la SNCM à un prix négatif de 158 millions d’euros était conforme au test de l’investisseur privé en économie de marché, en comparant ce prix de cession avec le coût potentiel de liquidation.

23      Aux considérants 225 à 239 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le coût de liquidation de la SNCM ne pouvait inclure le coût des indemnités complémentaires de licenciement. Premièrement, la Commission a considéré que, en l’espèce, la protection de l’image de marque de l’État en tant qu’investisseur global ou celle de la CGMF en tant qu’investisseur dans le secteur des transports ne pouvait justifier la prise en compte d’indemnités complémentaires de licenciement. En particulier, la République française n’aurait pas démontré l’existence d’un risque élevé de conflits sociaux au sein des entreprises publiques non seulement à proximité géographique des activités de la SNCM, mais également quel que soit le secteur et en particulier dans le secteur des transports. Deuxièmement, elle a estimé que la République française était restée en défaut de définir ses activités économiques, au niveau géographique et sectoriel, par rapport auxquelles il convenait d’apprécier la rationalité économique à long terme des mesures en cause. Troisièmement, la Commission a considéré que la République française n’avait pas avancé suffisamment d’éléments objectifs et vérifiables à même de démontrer que le versement d’indemnités complémentaires de licenciement serait une pratique suffisamment usuelle, dans des circonstances similaires, parmi les entrepreneurs privés du même secteur. Les listes de plans sociaux fournies par la République française et la SNCM dans leurs observations du 16 mai et du 27 août 2013 n’auraient pas été concluantes à cet égard. Quatrièmement, la Commission a considéré que la République française n’avait ni quantifié ni suffisamment étayé le bénéfice tiré du versement des indemnités complémentaires de licenciement en termes d’apaisement du climat social au sein de la SNCM ou des autres entreprises publiques. À cet égard, la Commission a souligné que l’octroi d’indemnités complémentaires de licenciement très élevées aux salariés d’une entreprise était susceptible de compliquer l’éventuelle restructuration d’autres entreprises appartenant au même investisseur. Cinquièmement, la Commission a estimé que la République française n’avait pas justifié en quoi une procédure de liquidation aurait été potentiellement plus longue et plus risquée qu’une cession à prix négatif ou pourquoi la durée de la procédure de liquidation aurait été prise en compte par un actionnaire privé.

24      Aux considérants 260 à 264 de la décision attaquée, la Commission a évalué la valeur de liquidation de la SNCM. Elle a conclu que, à la date du 30 septembre 2005, l’insuffisance d’actif s’élevait à environ 123,5 millions d’euros.

25      Aux considérants 264 à 307 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’existence d’une probabilité élevée que la République française soit appelée, en tant qu’actionnaire majoritaire, en comblement de passif en cas de liquidation de l’entreprise. En particulier, elle a remis en cause l’existence d’un lien de causalité entre de prétendues fautes de gestion et l’insuffisance d’actifs constatée.

26      Dans ces conditions, la Commission a conclu, au considérant 308 de la décision attaquée, qu’un investisseur privé aurait privilégié la liquidation de la SNCM. En conséquence, le prix négatif de 158 millions d’euros constituait une aide d’État.

27      S’agissant de l’apport en capital de la CGMF pour un montant de 8,75 millions d’euros, la Commission a considéré, aux considérants 309 à 322 de la décision attaquée, que cet apport avait été réalisé dans des conditions non comparables, au sens de la jurisprudence, à celui de l’apport concomitant des repreneurs privés de 26,25 millions d’euros. Premièrement, la Commission a souligné que l’apport des actionnaires privés ne représentait que 10,6 % de l’apport de l’ensemble des parties au protocole global de vente, ce qui, selon elle, ne pouvait être considéré comme significatif. Deuxièmement, elle a estimé que l’existence de la clause résolutoire de cession, qui permettait aux investisseurs privés de se retirer en cas de décision négative de la Commission ou des juridictions de l’Union européenne, ou en cas de non-renouvellement de la délégation de service public, impliquait que les conditions d’investissement entre investisseurs n’étaient pas comparables. Par ailleurs, la promesse d’achat par les investisseurs privés, qui ne pouvait être actionnée en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de la SNCM, ne saurait être analysée comme la contrepartie de la clause résolutoire de cession. Troisièmement, la Commission a estimé que les obligations imposées aux repreneurs ne constituaient pas des risques ou des contraintes supplémentaires qui les placeraient dans une situation comparable à celle de la CGMF. Quatrièmement, la Commission a considéré que la République française n’avait pas démontré que le taux de rémunération fixe de 10 % prévu pour l’apport de la CGMF aurait été acceptable pour un investisseur privé. Dans ces conditions, la mesure en cause constituait une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

28      S’agissant des mesures d’aides à la personne, d’un montant de 38,5 millions d’euros, la Commission a considéré, aux considérants 323 à 328 de la décision attaquée, qu’elles constituaient également une mesure d’aide, dans la mesure où elles permettaient à la SNCM de ne pas supporter l’intégralité du coût du départ éventuel et futur de certains salariés.

29      Aux considérants 331 à 366 de la décision attaquée, la Commission a examiné conjointement la compatibilité, d’une part, de l’aide accordée dans le cadre du plan de restructuration de 2002, à savoir 15,81 millions d’euros, et, d’autre part, de l’ensemble des mesures relatives au plan de privatisation de 2006, à la lumière des lignes directrices.

30      Au considérant 344 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la SNCM pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices. Aux considérants 345 à 366 de la décision attaquée, la Commission a considéré, premièrement, que la contribution financière propre de la SNCM à l’effort de restructuration demeurait insuffisante au regard des dispositions des lignes directrices, deuxièmement, que la condition de retour à la viabilité à long terme n’était pas remplie et, troisièmement, que les mesures compensatoires proposées demeuraient largement insuffisantes. En outre, la Commission a estimé que la République française n’avait pas suffisamment démontré le risque de monopole en faveur de Corsica Ferries.

31      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

L’apport de capital de 15,81 millions d’EUR et les trois nouvelles mesures mises en œuvre par les autorités françaises en 2006, à savoir la cession de 75 % de la SNCM au prix négatif de 158 millions d’EUR, l’augmentation de capital de 8,75 millions d’EUR souscrite par la CGMF et l’avance en compte courant de 38,5 millions d’EUR en faveur des salariés de la SNCM, mises en œuvre par la France, en violation de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, en faveur de la SNCM constituent des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

Article 2

1. La France est tenue de se faire rembourser par le bénéficiaire les aides visées à l’article 1er […] »

32      Par son arrêt du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France (C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C2014:2142), la Cour a rejeté dans leur intégralité les pourvois contre l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

 Procédure et conclusion des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2014, la République française a introduit le présent recours.

34      Par requête déposée le 2 janvier 2015, la SNCM a introduit un recours contre la décision attaquée, enregistré sous le numéro T‑1/15.

35      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 26 février 2015, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la fin de la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑1/15. La reprise de la procédure a été décidée le 2 mars 2016.

36      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

38      À l’appui de son recours, la République française avance quatre moyens. Par son premier moyen, avancé à titre principal, la République française considère que la Commission a violé ses droits de la défense en refusant de rouvrir la procédure formelle d’examen à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415). Par son deuxième moyen, avancé à titre subsidiaire, la République française fait valoir que la Commission aurait violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant les mesures relatives au plan de privatisation de 2006 d’aides d’État. Par son troisième moyen, avancé également à titre subsidiaire, la République française soutient que la Commission aurait violé l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et les lignes directrices en déclarant l’aide à la restructuration de 2002 incompatible avec le marché intérieur. Par son quatrième moyen, la République française considère que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation concernant l’analyse par la Commission de son image de marque en tant qu’investisseur global dans l’économie de marché.

39      Lors de l’audience, la République française a renoncé à son deuxième moyen et à son troisième moyen.

40      La Commission estime que l’ensemble des arguments de la République française doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense de la République française

41      La République française considère que la Commission a violé ses droits de la défense en refusant de rouvrir la procédure formelle d’examen à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), dans la mesure où, notamment :

–        un État membre ne peut faire connaître utilement son point de vue sur les éléments sur lesquels la Commission a fondé une nouvelle décision à la suite d’un arrêt d’annulation que s’il a participé à la procédure formelle d’examen ; en l’espèce, la Commission ne lui aurait pas donné l’opportunité de fournir l’ensemble des éléments nécessaires ;

–        la Commission ne disposait pas des informations nécessaires pour procéder à la nouvelle analyse requise par le Tribunal dans l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), ce qui serait démontré par le fait qu’elle a recueilli ses observations et que lesdites observations ont été utilisées, à titre subsidiaire, dans la décision attaquée ;

–        il découle des motifs de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), que la Commission devait nécessairement intégrer des informations supplémentaires par rapport à celles examinées dans la décision de 2008, en particulier en ce qui concernait le prix de cession négatif de 158 millions d’euros, la clause résolutoire de cession et le taux de rendement fixe de 10 %.

42      La République française fait également valoir que, si la Commission avait rouvert la procédure formelle d’examen, elle aurait pu lui fournir certains documents utiles, tels qu’une note du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 juillet 2013 permettant d’évaluer les conséquences économiques et sociales d’une liquidation de la SNCM sur la base des coûts observés lors des conflits sociaux de 2004-2005. La République française souligne que ladite note ne se fonde pas sur des informations postérieures à la décision de 2008. En effet, dans cette note, les conséquences économiques et sociales d’une liquidation de la SNCM seraient évaluées sur la base des coûts observés lors des conflits sociaux de 2004-2005. La République française souligne que, en l’espèce, la Commission était dans l’obligation de prendre en compte des informations relatives à des faits antérieurs à l’adoption de la décision de 2008, quand bien même ces informations lui auraient été communiquées après l’adoption de cette dernière. En outre, dans la mesure où la Commission s’est fondée sur les éléments transmis par la République française dans ses observations sans avoir préalablement exposé ses doutes, elle aurait violé, notamment, le principe du contradictoire.

43      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la République française.

44      À titre préliminaire, il convient de rappeler que, en application de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation.

45      Afin de se conformer à un arrêt d’annulation et de lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262, point 98 et jurisprudence citée).

46      La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262, point 99 et jurisprudence citée).

47      Selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte communautaire n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires. L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262, point 100 et jurisprudence citée).

48      Aux considérants 211 à 214 de la décision attaquée, la Commission a considéré, d’abord, que, en vertu de l’arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission (T‑301/01, EU:T:2008:262), elle ne devait fonder sa nouvelle analyse que sur les seules informations dont elle disposait lors de l’adoption de la décision de 2008, à savoir le 8 juillet 2008. Ensuite, elle a souligné que, sur le fondement de la même jurisprudence, elle n’avait l’obligation ni de reprendre l’instruction de l’affaire, ni même de la compléter par de nouvelles mesures d’instructions. Par ailleurs, elle a considéré qu’il n’y avait pas lieu de consulter de nouveau les autorités françaises et la SNCM, dans la mesure où elle devait fonder son analyse sur les éléments à sa disposition le 8 juillet 2008, éléments sur lesquels les autorités françaises et la SNCM avaient déjà pris position lors de la procédure formelle d’examen. Enfin, elle a souligné que les droits des tiers intéressés de faire valoir leurs observations avaient été respectés.

49      Dans ces conditions, au considérant 215 de la décision attaquée, la Commission a décidé de fonder la décision attaquée, à titre principal, uniquement sur les éléments disponibles à la date du 8 juillet 2008. Toutefois, à titre subsidiaire, elle a décidé d’introduire dans son analyse les observations déposées par la République française et la SNCM à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

50      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever qu’il ne ressort aucunement de la jurisprudence qu’une annulation en raison d’erreurs de droit ou d’erreurs manifestes d’appréciation, et non d’un défaut de motivation, implique nécessairement la réouverture de la procédure formelle d’examen. En effet, la jurisprudence ne subordonne pas la possibilité de ne pas reprendre toute la procédure précédant l’adoption d’un acte pris en remplacement d’un autre à la condition que ce dernier ait été annulé pour vices de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, EU:T:1998:242, point 91 et jurisprudence citée). Par ailleurs, aucune disposition du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), ne spécifie les cas dans lesquels la Commission est dans l’obligation de rouvrir la procédure formelle d’examen.

51      En deuxième lieu, il y a lieu, certes, d’une part, de se replacer au moment où l’illégalité a pris place, c’est-à-dire au moment de l’adoption de la première décision (voir arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262, point 99 et jurisprudence citée) et, d’autre part, de ne prendre en compte aucun élément postérieur à l'époque au cours de laquelle les mesures de soutien financier ont été prises en vue d’apprécier la rationalité du comportement de l’État. Pour autant, pour respecter ses obligations tirées de l’article 266 TFUE et mener la nouvelle analyse requise par le Tribunal dans un arrêt d’annulation, la Commission peut, en fonction des circonstances de l’espèce, être contrainte de rouvrir la procédure formelle d’examen, d’une part, en vue de recueillir les éléments nécessaires à la nouvelle analyse et, d’autre part, pour donner la possibilité aux tiers intéressés de faire valoir leurs arguments sur les nouvelles analyses menées par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 83). Il appartient alors à la Commission, dans ces cas de figure, d’analyser tout élément nouveau pertinent et contemporain des mesures en cause, apporté par l’État membre concerné ou les tiers intéressés.

52      Dans ces conditions, en l’espèce, la Commission ne pouvait considérer d’emblée, aux considérants 211 et 214 de la décision attaquée, sur la seule base d’une référence sommaire à la jurisprudence Alitalia (arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262), qu’elle devait exclusivement fonder sa nouvelle analyse sur les informations dont elle disposait au moment de l’adoption de la décision de 2008. En effet, l’appréciation de la nécessité de rouvrir la procédure formelle d’examen ne pouvait reposer que sur une appréciation conjointe des motifs de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), et des circonstances de l’espèce.

53      Toutefois, cette erreur de la Commission est sans effet sur la décision attaquée, dans la mesure où, en tout état de cause, il n’y avait pas lieu, pour mener l’analyse requise par le Tribunal dans l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), de reprendre l’instruction de l’affaire et donc de rouvrir la procédure formelle d’examen.

54      En effet, en premier lieu, le Tribunal, dans l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), a clairement identifié les erreurs d’analyse de la Commission et les nouvelles analyses à produire au regard, en particulier, du test de l’investisseur privé. En effet, il ressort dudit arrêt, s’agissant de l’apport en capital par la CGMF pour un montant de 8,75 millions d’euros, que la Commission avait omis de prendre en compte certains éléments du dossier, notamment le rendement fixe attaché à l’apport en capital de la CGMF et l’incidence de la clause résolutoire de cession, dans l’appréciation du test de l’investisseur privé. S’agissant de l’approbation des mesures d’aides à la personne pour un montant de 38,5 millions d’euros, le Tribunal a considéré, en particulier, que la Commission n’avait pas correctement apprécié le fait que cette avance en compte courant était susceptible de créer un avantage économique indirect pour la SNCM. La Commission devait ainsi ajouter dans son analyse des éléments dont elle disposait déjà ou intégrer dans son analyse des appréciations portées par le Tribunal lui-même dans l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

55      S’agissant du prix de vente négatif de 158 millions d’euros, la Commission devait déterminer si l’octroi d’indemnités complémentaires de licenciement était une pratique suffisamment établie parmi des investisseurs privés similaires ou si le comportement de la République française avait été motivé par une probabilité raisonnable d’en tirer un profit matériel indirect. Dans ce contexte, il appartenait notamment à la Commission de se prononcer sur les activités économiques de l’État membre concerné, notamment au niveau géographique et sectoriel, par rapport auxquelles la rationalité économique à long terme du comportement de cet État, en particulier le besoin de protection de son image de marque, devait être appréciée. Or, cette question a fait l’objet d’échanges entre la République française et la Commission pendant plus de cinq ans avant l’adoption de la décision de 2008.

56      En outre, il est constant que le Tribunal, dans l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), n’a remis en cause ni les actes d’instructions effectués par la Commission lors de la procédure formelle d’examen, ni d’ailleurs la décision d’ouverture de 2006 elle-même, les illégalités constatées dans ledit arrêt ne remontant pas à l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

57      À cet égard, il y a également lieu de souligner que la Commission a utilisé une approche cohérente, à chaque phase de la procédure, en appréciant chaque mesure du plan de privatisation de 2006. La République française ne saurait donc faire valoir de manière convaincante que la Commission a violé le principe du contradictoire, dans la mesure où cette dernière n’aurait pas préalablement exposé ses propres doutes. En effet, le cadre du litige ainsi que les doutes de la Commission ont été suffisamment exposés dans la décision d’ouverture de 2006, dont la légalité n’a pas été remise en cause par l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415).

58      Les motifs de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), n’imposaient donc pas, dans les circonstances de l’espèce, de rouvrir la procédure formelle d’examen.

59      En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que les autorités françaises et la SNCM, ainsi, d’ailleurs, que les autres tiers intéressés, ont pu communiquer leurs observations à la Commission, s’agissant des mesures en cause, à de nombreuses reprises sur une période de plus de cinq ans. En effet, il ressort notamment des considérants 1 à 33 de la décision d’ouverture de 2006 que les autorités françaises ont pu présenter des éléments d’analyse à la Commission, à de nombreuses reprises, s’agissant des mesures en cause entre 2002 et 2006. Lors de la procédure formelle d’examen, en tant que tiers intéressés, Corsica Ferries, STIM d’Orbigny (Groupe Stef-TFE) et la SNCM ont pu soumettre leurs observations (considérants 142 à 176 de la décision de 2008). Les autorités françaises ont également pu faire parvenir leurs observations sur la décision d’ouverture de 2006 (considérant 22 de la décision de 2008), ainsi que leurs observations, à plusieurs reprises, sur les commentaires des tiers intéressés (considérants 25 et 28 de la décision de 2008).

60      Le droit de la République française et des tiers intéressés d’être entendus et associés à la procédure ayant été respecté lors de l’adoption de la décision de 2008, il n’y avait pas lieu de les consulter de nouveau en l’espèce.

61      En troisième lieu, d’une part, il convient également de constater que, à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), une réunion avait eu lieu le 13 novembre 2012 en présence de la Commission, des autorités françaises et des représentants de la SNCM. Ainsi, la Commission a donné la possibilité à la République française et à la SNCM de déposer leurs observations à la suite de cet arrêt, ce qu’elles ont fait par leurs courriers du 16 mai et du 27 août 2013. Or, le fait de leur avoir permis de déposer des observations à la suite dudit arrêt, loin de constituer une violation des droits procéduraux, ainsi qu’il est soutenu, contribue au contraire à en assurer le respect. En outre, compte tenu des circonstances de l’espèce, il était légitime pour la Commission, au regard du principe de bonne administration, de demander à la République française et à la SNCM de déposer leurs observations quant à l’exécution dudit arrêt.

62      Dans leurs courriers respectifs, ni les autorités françaises ni la SNCM n’ont remis en cause le cadre d’analyse de la Commission. La Commission a ensuite analysé, dans la décision attaquée, si les informations fournies à la suite de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), étaient de nature à modifier les conclusions tirées des informations qu’elle avait à disposition en juillet 2008. À cet égard, ni la République française ni la SNCM n’avancent aucun élément susceptible d’expliquer en quoi l’analyse par la Commission des observations du 16 mai et du 27 août 2013, dans la décision attaquée, serait constitutive d’une violation de leurs droits procéduraux.

63      D’autre part, il y a lieu de souligner que la République française est restée en défaut de définir les nouveaux éléments de preuve qu’elle aurait pu apporter en cas de réouverture de la procédure formelle d’examen. À cet égard, elle se contente de mentionner une note du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 juillet 2013 permettant, selon elle, d’évaluer les conséquences économiques et sociales d’une liquidation de la SNCM sur la base des coûts observés lors des conflits sociaux de 2004-2005. Or, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la République française n’a avancé aucun élément à même d’expliquer pourquoi ladite note n’avait pas pu être communiquée à la Commission, en temps utile, comme avaient été transmises les observations du 16 mai 2013.

64      Dans ces conditions, la Commission n’a pas violé les droits de la défense de la République française.

65      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, concernant un défaut de motivation

66      La République française soutient que la Commission a violé son obligation de motivation en omettant, au considérant 230 de la décision attaquée, d’expliquer pourquoi la protection de son image de marque de en tant qu’investisseur global dans l’économie de marché ne pouvait justifier l’octroi d’indemnités complémentaires de licenciement.

67      La Commission conteste les arguments de la République française.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 278 et 279 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, il ressort effectivement du considérant 230 de la décision attaquée que la Commission a estimé qu’il n’existait pas de circonstances particulières à même de justifier l’octroi d’indemnités complémentaires de licenciement en vue de protéger l’image de marque de la République française en tant qu’investisseur global dans l’économie de marché.

70      Or, cette conclusion a été étayée, en particulier, aux considérants 231 à 233 de la décision attaquée.

71      En effet, il ressort du considérant 231 de la décision attaquée que la Commission a constaté que, à la suite de la décision d’ouverture de 2006, les autorités françaises étaient restées en défaut de définir les activités économiques par rapport auxquelles il convenait d’apprécier la rationalité économique des mesures en cause. Elle a également souligné que, dans leur courrier du 16 mai 2013, les autorités françaises avaient fait valoir que le comportement de la République française devait être comparé à celui d’un holding diversifié cherchant à maximiser ses profits et à protéger son image de marque en tant qu’industriel global, notamment sur le plan de la gestion de son personnel. La Commission n’a pas remis en cause cet argument.

72      Au considérant 232 de la décision attaquée, la Commission a souligné, s’agissant de la CGMF, que, cette dernière n’ayant aucun autre actif dans le secteur maritime, l’argument tiré du besoin de protection de l’image de marque ne pouvait la concerner. Au considérant 233 de la décision attaquée, s’agissant du besoin de protection de l’image de marque de la République française, elle a considéré que le risque de contagion des conflits sociaux à toutes les entreprises publiques, à proximité géographique des activités de la SNCM, mais aussi quel que soit le secteur, et en particulier dans le secteur des transports, n’avait pas été démontré par les autorités françaises. Elle a également souligné qu’il n’avait pas été démontré que le versement des indemnités complémentaires de licenciement aurait permis d’empêcher l’apparition de nouvelles grèves et que la justification exclusivement sociale de la prise en charge par l’État de ces indemnités complémentaires était insuffisante pour écarter la présence d’une aide d’État. L’argumentation de la Commission à cet égard a également été approfondie au considérant 236 de la décision attaquée.

73      En outre, ainsi que la Commission le soutient à juste titre, ces motifs doivent être lus à la lumière des motifs de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415), sur lesquels la Commission s’est légitimement appuyée. En effet, les appréciations portées par le Tribunal sur la première analyse de la Commission, dans la décision de 2008, des éléments de preuves apportés par les autorités françaises et les tiers intéressés lors de la procédure formelle d’examen s’imposaient à cette dernière.

74      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas violé son obligation de motivation lors de son analyse du besoin de protection de l’image de marque de la République française.

75      Le quatrième moyen de la République française doit dès lors être rejeté comme étant non fondé.

76      Dans ces conditions, le recours de la République française doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Ulloa Rubio

Marcoulli





Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.