Language of document : ECLI:EU:T:2019:681

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 septembre 2019 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une mobylette – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motif de nullité – Caractère individuel – Impression globale différente – Utilisateur averti – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Interprétation conforme de l’article 6 du règlement no 6/2002 – Absence d’usage d’une marque nationale tridimensionnelle antérieure non enregistrée dans le dessin ou modèle enregistré – Article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 – Absence d’utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre dans le dessin ou modèle enregistré – Article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑219/18,

Piaggio & C. SpA, établie à Pontedera (Italie), représentée par Mes F. Jacobacci, B. La Tella et B. Lucchetti, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. L. Rampini et J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, établie à Taizhou (Chine), représentée par Mes M. Spolidoro, M. Gurrado, S. Verea et M. Balestriero, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 19 janvier 2018 (affaire R 1496/2015-3), relative à une procédure de nullité entre Piaggio & C. et Zhejiang Zhongneng Industry Group,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Hendrix, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 9 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 9 juillet 2018,

à la suite de l’audience du 27 février 2019,

vu l’ordonnance du 30 avril 2019 portant réouverture de la phase orale de la procédure,

vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal les 16 et 17 mai 2019,

vu la décision du 20 mai 2019 de clôture de la phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 novembre 2010, l’intervenante, Zhejiang Zhongneng Industry Group Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit dans les six vues ci-après :

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3        Conformément aux articles 41 à 43 du règlement no 6/2002, l’intervenante a invoqué, dans sa demande d’enregistrement, un droit de priorité pour le dessin ou modèle contesté, fondé sur une demande d’enregistrement antérieure du même dessin ou modèle, déposée auprès de l’autorité chinoise compétente le 13 juillet 2010.

4        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relèvent de la classe 12-11 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Cyclomoteurs ; motocycles ».

5        La demande de dessin ou modèle a été publiée au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 2010/265, du 23 novembre 2010. Le dessin ou modèle a été enregistré sous le numéro 1783655-0002, avec pour date d’enregistrement le 19 novembre 2010 et priorité au 13 juillet 2010.

6        Le 6 novembre 2014, la requérante, Piaggio & C. SpA, a introduit auprès de l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, au titre de l’article 52 du règlement no 6/2002, pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

7        Les motifs invoqués au soutien de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), e) et f), du règlement no 6/2002.

8        En premier lieu, en ce qui concerne le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, la requérante a fait valoir, dans sa demande en nullité, que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel, aux termes des articles 5 et 6 de ce règlement. À l’appui de ses déclarations, la requérante a choisi le dessin ou modèle antérieur commercialisé sous la dénomination Vespa LX (ci-après le « dessin ou modèle antérieur »), dont elle démontrait la divulgation par le biais des images apparues dans les revues spécialisées Motociclismo de mai 2005, In sella d’avril 2005 et City-X de juin 2009. Ces images et les indications qui les accompagnaient sont reproduites ci-après :

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9        Selon la requérante, le dessin ou modèle contesté était substantiellement identique au dessin ou modèle antérieur et produisait la même impression globale que ce dernier, ce qui permettait d’en exclure la nouveauté et le caractère individuel, aux termes des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002.

10      En deuxième lieu, en ce qui concerne le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, la requérante a fait valoir que la forme de scooter à laquelle le dessin ou modèle antérieur était destiné à être incorporé était également protégée, par la loi italienne, en tant que « marque de fait » tridimensionnelle non enregistrée, utilisée en Italie depuis l’année 2005 (ci-après la « marque antérieure »). Selon la requérante, cette marque a acquis par l’usage un fort caractère distinctif, dans la mesure où les caractéristiques distinctives de la forme tridimensionnelle de scooter qu’elle protège sont restées substantiellement inchangées depuis la création et la première commercialisation du scooter Vespa par la requérante, qui remontent aux années 1945-1946. Selon la requérante, les caractéristiques distinctives en question sont les suivantes :

–        la forme en X entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, illustrée ci-après :

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–        la forme en Ω inversé entre le dessous de la selle et le tablier, illustrée ci-après :

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–        la forme en flèche du tablier, illustrée ci-après :

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11      La requérante a soutenu avoir fourni la preuve de l’usage notoire de la marque antérieure et du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent créé par le dessin ou modèle contesté avec la marque antérieure.

12      En troisième lieu, en ce qui concerne le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, la requérante a fait valoir que le dessin ou modèle antérieur était protégé par les droits d’auteur italien et français. Selon la requérante, le dessin ou modèle antérieur, en tant qu’œuvre de l’esprit, a été indûment utilisé dans le dessin ou modèle contesté.

13      Par décision du 23 juin 2015, la division d’annulation a reconnu que le dessin ou modèle contesté était nouveau au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 5 de ce règlement. En se fondant sur le dessin ou modèle antérieur, elle a toutefois accueilli la demande de nullité du dessin ou modèle contesté, au motif que celui-ci était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 du même règlement. Dans la mesure où elle a conclu que le dessin ou modèle contesté était nul en raison du non-respect de cette condition requise par le règlement no 6/2002 aux fins de sa protection, la division d’annulation a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres causes de nullité invoquées par la requérante, à savoir celles visées à l’article 25, paragraphe 1, sous e) et f), dudit règlement.

14      Le 27 juillet 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

15      Par décision du 19 janvier 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours de l’intervenante, a annulé la décision de la division d’annulation et a rejeté la demande en nullité. En substance, tout d’abord, elle a estimé que les différences entre les dessins ou modèles en cause suffisaient à exclure qu’il fût considéré que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté eu égard au dessin ou modèle antérieur, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 5 de ce règlement. Ensuite, contrairement à la division d’annulation, elle a conclu que le dessin ou modèle contesté n’était pas dépourvu de caractère individuel aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 de ce règlement. À cet égard, la chambre de recours a indiqué, d’une part, que les différences entre les dessins ou modèles en cause étaient nombreuses et suffisamment caractérisées et, d’autre part, que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti de celui-ci une impression globale différente de celle générée par l’observation du dessin ou modèle antérieur. Enfin, en exerçant les compétences de la division d’annulation aux termes de l’article 60 du règlement no 6/2002, la chambre de recours a statué sur les deux autres causes de nullité invoquées par la requérante devant la division d’annulation, à savoir celles visées à l’article 25, paragraphe 1, sous e) et f), dudit règlement. Ainsi, d’une part, elle a conclu que la marque antérieure n’était pas utilisée dans le dessin ou modèle contesté, en raison, notamment, des différences évidentes de style entre ceux-ci et du niveau d’attention élevé du public pertinent de la marque antérieure, et que, par conséquent, le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 n’avait pas vocation à s’appliquer. D’autre part, en ce qui concerne le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, la chambre de recours a estimé que la nullité du dessin ou modèle contesté pour violation des droits d’auteur italien et français n’était pas justifiée, dans la mesure où le dessin ou modèle antérieur, en tant qu’œuvre de l’esprit, n’était pas utilisé dans le dessin ou modèle contesté, leur esthétique et les impressions qu’ils dégageaient étant différentes.

 Procédure et conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, par conséquent, déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, conformément à l’article 190 du règlement de procédure du Tribunal ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante à l’intégralité des dépens relatifs à la présente procédure.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la validité du dessin ou modèle contesté ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      À titre liminaire, étant donné que « confirmer la validité du dessin ou modèle contesté » équivaut à rejeter le recours, il y a lieu de regarder le deuxième chef de conclusions de l’intervenante comme tendant, en substance, au rejet du recours [voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 15].

20      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 dudit règlement, le deuxième, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), de ce règlement et, le troisième, d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 du même règlement

21      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que, aux points 24 à 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a erronément considéré qu’elle avait reconnu l’absence d’identité complète entre les dessins ou modèles en cause et que les différences entre ceux-ci ne pouvaient pas être qualifiées de « détails insignifiants ».

22      La requérante fait également valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’interprétation et l’application des principes visés à l’article 6 du règlement no 6/2002, alors que, compte tenu du dessin ou modèle antérieur, le dessin ou modèle contesté serait dépourvu de caractère individuel aux termes de cette disposition.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments de la requérante.

24      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que s’il ne remplit pas les conditions visées aux articles 4 à 9 du même règlement.

25      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

26      Aux termes de l’article 5 du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

27      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les constatations contenues aux points 24 à 26 de la décision attaquée ont été formulées par la chambre de recours dans le cadre de son examen de la prétendue absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 5 dudit règlement. Ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, la requérante n’invoque, à l’appui de son recours, ni la violation de ces dispositions ni une erreur que la chambre de recours aurait commise dans son appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté et reconnaît l’absence d’identité entre les dessins ou modèles en cause. Par suite, la requérante ne saurait utilement contester, dans le cadre du présent moyen, tiré notamment d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6 dudit règlement, les appréciations de la chambre de recours contenues aux points 24 à 26 de la décision attaquée, consacrés à la prétendue absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 5 du même règlement.

28      En ce qui concerne l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

29      La version en italien de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ajoute que l’impression globale qu’un dessin ou modèle doit produire pour que celui-ci soit considéré comme présentant un caractère individuel doit différer « de manière significative » de celle que produit sur un utilisateur averti tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public.

30      Il convient de relever qu’il est de jurisprudence constante que la nécessité d’une interprétation uniforme d’une disposition du droit de l’Union européenne exige, en cas de divergence entre les différentes versions linguistiques de celle-ci, que la disposition en cause soit interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément. L’interprétation d’une disposition du droit de l’Union implique, en outre, une comparaison de ses versions linguistiques (voir arrêt du 23 décembre 2015, Firma Theodor Pfister, C‑58/15, non publié, EU:C:2015:849, point 25 et jurisprudence citée).

31      Or, parmi les actes établis dans le cadre du processus qui a amené à l’adoption du règlement no 6/2002, la première proposition, présentée par la Commission européenne, de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (JO 1994, C 29, p. 20) comportait, dans toutes ses versions linguistiques, la précision « de manière significative » dans son article 6, paragraphe 1. À la suite de l’avis du Comité économique et social sur la « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires » (JO 1994, C 388, p. 9), qui indiquait que l’expression « de manière significative » aurait eu pour effet d’exclure de la protection envisagée de nombreux dessins et modèles, spécialement de dessins textiles, et qui suggérait, par conséquent, de l’omettre, cette précision a été retirée de l’article 6, paragraphe 1, de la proposition modifiée de règlement (CE) du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2000, C 248 E, p. 3), présentée par la Commission, dans toutes ses versions linguistiques, sauf dans sa version italienne. Cette divergence dans le libellé de cette disposition persistait, dans sa version italienne, dans la proposition modifiée de règlement du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2001, C 62 E, p. 173), telle qu’enfin présentée par la Commission.

32      Il ressort par ailleurs d’un examen comparatif des différentes versions linguistiques existantes du règlement no 6/2002, et notamment de son article 6, paragraphe 1, que, à l’exception de la version italienne, toutes les versions linguistiques dudit article prévoient qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public.

33      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la précision « de manière significative » contenue dans l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 dans une seule des versions linguistiques de ce dernier est, à l’évidence, un reliquat malencontreux issu du processus législatif préalable à l’adoption dudit règlement.

34      L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit dès lors être lu et appliqué conformément, d’une part, à son libellé, tel que rappelé au point 32 ci-dessus, résultant des différentes versions linguistiques actuellement existantes du règlement no 6/2002, à l’exception de la version italienne, et, d’autre part, à l’interprétation uniforme et indépendante de la version linguistique prise en considération que la jurisprudence a donnée à ladite disposition.

35      À cette fin, il y a lieu de rappeler que la condition posée par l’article 6 du règlement no 6/2002 va au-delà de celle posée par l’article 5 du même règlement, en ce qu’une impression globale différente sur l’utilisateur averti au sens dudit article 6 ne peut être fondée que sur l’existence de différences objectives entre les dessins ou modèles en conflit [arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 39]. Ainsi, il convient d’avoir égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 4 juillet 2017, Murphy/EUIPO – Nike Innovate (Bracelet de montre électronique), T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 43 et jurisprudence citée].

36      En deuxième lieu, il convient de relever que le considérant 14 du règlement no 6/2002 indique, notamment, que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles.

37      À cet égard, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), précise que, lorsque le motif de nullité se fonde sur le fait que le dessin ou modèle communautaire enregistré ne remplit pas les conditions énoncées, notamment, à l’article 6 du règlement no 6/2002, la demande en nullité doit contenir l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré ainsi que les documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs.

38      Or, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, à l’appui du présent moyen, la requérante a choisi, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles auquel le considérant 14 du règlement no 6/2002 se réfère, le dessin ou modèle antérieur, dans la mesure où il reprend les caractéristiques illustrées au point 10 ci-dessus, dont elle a fourni des reproductions prouvant son existence et sa divulgation.

39      En troisième lieu, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise que, pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de celui-ci.

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si le dessin ou modèle contesté est dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002 au regard du dessin ou modèle antérieur.

 Sur l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté et le degré de liberté du créateur

41      En l’espèce, tout d’abord, la chambre de recours a indiqué, aux points 30 à 32 de la décision attaquée, que le secteur pertinent relativement auquel il convenait d’identifier l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était celui des « scooters », en tant que sous-catégorie de la catégorie « Cyclomoteurs ; motocycles ».

42      Contrairement à ce que prétend l’intervenante, selon laquelle le secteur pertinent serait celui de la sous-catégorie des « scooters classiques », il convient de confirmer que le secteur pertinent est celui, retenu par la chambre de recours et non contesté par la requérante, des « scooters ». En effet, celui-ci tient compte de l’indication, telle que contenue dans la demande d’enregistrement, des produits « Cyclomoteurs ; motocycles », auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé, mais également du dessin ou modèle contesté lui-même, dans la mesure où il permet d’identifier les « scooters » au sein de la catégorie de produits plus large indiquée lors de l’enregistrement et, par conséquent, de déterminer effectivement l’utilisateur averti et le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 56].

43      Ensuite, la chambre de recours a indiqué, aux point 33 à 35 de la décision attaquée, que l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était la personne qui utilisait un scooter pour ses propres déplacements, qui connaissait les différents dessins ou modèles de scooters existant dans le commerce et qui possédait un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces produits comportaient normalement. Elle a ajouté que, compte tenu de son intérêt pour les véhicules en question, cette personne pouvait s’entendre comme désignant un utilisateur à la fois doté d’une vigilance particulière et particulièrement attentif et sensible au design et à l’esthétique des produits concernés.

44      En ce qui concerne le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a indiqué, aux points 36 à 41 de la décision attaquée, que les facteurs qui conditionnaient, dans une certaine mesure, la liberté de conception en matière de scooters n’étaient pas les tendances en matière de design, ni l’éventuelle saturation du secteur, mais étaient principalement liés au type et à la fonction du véhicule, en ce que le scooter devait permettre au conducteur de conserver le buste droit, les jambes pliées à 90° et les pieds commodément appuyés sur un repose-pieds central. Le scooter devait, en outre, posséder des roues au diamètre limité, un tablier de protection et un carénage qui couvrait le moteur. Par conséquent, la liberté de création pouvait se manifester dans le dessin du tablier, du repose-pieds, du carénage, des garde-boue, de la selle, des roues et dans le dessin et le positionnement des phares antérieurs et postérieurs. La chambre de recours en a conclu que le degré de liberté du créateur pouvait être défini comme étant, au moins, moyen.

45      Il y a lieu d’effectuer la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause sur la base de ces constatations de la chambre de recours, au demeurant non contestées par les parties.

 Sur la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause sur l’utilisateur averti

46      Conformément à la jurisprudence, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement. Dès lors, pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle doit produire sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur non par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35).

47      Le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].

48      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (voir considérant 14 du règlement no 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (voir article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002), d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, qui, si elle ne saurait être considérée comme limitant la liberté du créateur, peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).

49      Dans la mesure où la requérante a choisi, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, le dessin ou modèle antérieur, il convient d’opérer une comparaison entre, d’une part, l’impression globale produite par celui-ci et, d’autre part, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 23 et 24].

50      En premier lieu, force est de constater que la requérante n’est pas fondée à soutenir que le fait que les dessins ou modèles en cause présentent plusieurs éléments communs et ont une forme générale très semblable permettrait d’établir que le dessin ou modèle contesté engendre une impression globale de « déjà vu » par rapport au dessin ou modèle antérieur.

51      En effet, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, alors que le dessin ou modèle contesté est dominé par des lignes substantiellement anguleuses, le dessin ou modèle antérieur privilégie des lignes arrondies. Les dessins ou modèles en cause véhiculent, par conséquent, auprès de l’utilisateur averti, auquel doivent être attribuées une vigilance et une sensibilité particulières, notamment en ce qui concerne le design et l’esthétique des produits concernés, des impressions contraires.

52      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il n’est pas exclu que, lors de la comparaison des dessins ou modèles, l’impression produite par chacun de ceux-ci puisse être dominée par certaines caractéristiques des produits ou des parties des produits concernés. Cependant, pour déterminer si une caractéristique donnée domine un produit, ou une partie de celui-ci, il est nécessaire d’évaluer l’influence plus ou moins marquée que les différentes caractéristiques du produit ou de la partie en cause exercent sur l’apparence de ce produit ou de cette partie [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Merlin e.a./OHMI – Dusyma (Jeux), T‑231/10, non publié, EU:T:2013:560, point 36].

53      La requérante invoque certaines caractéristiques de forme en tant que caractéristiques distinctives du dessin ou modèle antérieur sur lesquelles les similitudes entre les dessins ou modèles en cause reposeraient. Il s’agit de la forme en X entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, de la forme en Ω inversé entre le dessous de la selle et le tablier et de la forme en flèche du tablier, auxquelles le Tribunale di Torino (tribunal de Turin, Italie), à l’occasion d’un litige entre l’intervenante et la requérante, aurait ajouté la forme en goutte de la coque, par jugement du 6 avril 2017, no 1900/2017 (ci-après le « jugement du tribunal de Turin »), confirmé par la Corte d’appello di Torino (cour d’appel de Turin, Italie) par jugement du 12 décembre 2018, no 677/2019 (ci-après le « jugement de la cour d’appel de Turin »). Il y a lieu de relever, toutefois, que la requérante n’a démontré ni que l’utilisateur averti reconnaîtrait effectivement que ces caractéristiques dominaient l’apparence du dessin ou modèle antérieur, ni que de telles caractéristiques se retrouvaient également dans le dessin ou modèle contesté, exerçant une influence sur l’apparence de celui-ci comparable à celle qu’elles exerceraient sur le dessin ou modèle antérieur.

54      Enfin, il y a lieu de relever que les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, les éléments communs aux dessins ou modèles en cause se retrouvent également dans les autres versions du scooter Vespa depuis sa création et sa première commercialisation par la requérante, qui remontent aux années 1945-1946, et, d’autre part, le modèle de scooter Vespa S incorporerait, notamment, un phare carré et des éléments rectilignes, sont inopérants. En effet, pour les raisons exposées aux points 38 et 49 ci-dessus, ces arguments n’ont aucune incidence aux fins de l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, qui doit être apprécié uniquement au regard du dessin ou modèle antérieur, choisi par la requérante, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, à l’appui de la demande en nullité.

55      En deuxième lieu, quant à l’argument de la requérante tiré du fait que les différences mises en évidence par la chambre de recours portent essentiellement sur des détails d’importance mineure, il y a lieu de relever que des différences sont insignifiantes dans l’impression d’ensemble produite par les dessins ou modèles en conflit lorsqu’elles ne sont pas suffisamment marquées pour distinguer les produits en cause dans la perception de l’utilisateur averti ou contrebalancer les similitudes constatées entre ces dessins ou modèles [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, points 49 à 54].

56      Or, la requérante ne saurait utilement se prévaloir du fait que les différences relevées par la chambre de recours soient peu pertinentes dans le cadre d’un examen théorique et encore moins décisives lors d’un « examen dans la vie réelle » des dessins ou modèles en cause au motif que, lorsqu’il l’utilisait, l’utilisateur averti visualiserait le scooter selon un angle compris entre 45° et 60°.

57      En effet, premièrement, contrairement à ce que la requérante prétend, il n’y a pas lieu d’accorder à la perspective prise lors de l’usage des produits auxquels les dessins ou modèles en cause sont destinés à être incorporés une importance prépondérante pour l’évaluation de la perception de l’apparence, par l’utilisateur averti, des dessins ou modèles en cause, dans la mesure où celui-ci fonde son choix d’acheter et sa décision d’utiliser les produits concernés également sur leur design [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 97 (non publié)].

58      Deuxièmement, après une comparaison détaillée des vues de face, de côté et arrière des dessins ou modèles en cause, la chambre de recours a correctement relevé que les différences qui les séparaient étaient nombreuses et significatives et n’échapperaient pas à l’attention d’un utilisateur averti, qui, ainsi que cela a été constaté au point 43 ci-dessus, connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, peut s’entendre comme désignant un utilisateur à la fois doté d’une vigilance particulière et particulièrement attentif et sensible au design et à l’esthétique des produits concernés.

59      Troisièmement, conformément à la jurisprudence, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti [voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Chanel/EUIPO – Jing Zhou et Golden Rose 999 (Ornement), T‑57/16, EU:T:2017:517, point 30]. En l’espèce, toutefois, les différences existant entre les dessins ou modèles en cause, telles que relevées par la chambre de recours aux points 44 à 47 de la décision attaquée et qui concernent également les éléments pour lesquels la liberté du créateur peut se manifester, sont nombreuses et significatives, de sorte que le degré de liberté du créateur, qui a été défini comme étant, au moins, moyen, ne saurait conditionner la conclusion quant à l’impression globale produite par chacun de ces dessins ou modèles.

60      En effet, les différences concernant le phare, le tablier, l’élément central visible sur le tablier, l’ouverture d’entrée de l’air ou la grille de protection du klaxon, les clignotants et le profil de la partie inférieure du garde-boue renforcent l’aspect angulaire du dessin ou modèle contesté par rapport au dessin ou modèle antérieur, caractérisé par une apparence plus sinueuse. De même, la forme du carénage postérieur – un demi-cercle nettement fuselé dans le dessin ou modèle antérieur et rigoureusement géométrique dans le dessin ou modèle contesté – confirme une telle perception. Par ailleurs, le carénage, qui laisse la roue totalement découverte dans le dessin ou modèle contesté, ce qui n’est pas le cas dans le dessin ou modèle antérieur, le dessin et la position des phares, qui sont globalement de la même taille, forment un tout et sont positionnés sur le bord inférieur de la coque dans le dessin ou modèle contesté, alors qu’ils ont des tailles nettement différentes, sont séparés et placés dans des positions différentes dans le dessin ou modèle antérieur, le dessin de la poignée du passager, vertical dans le dessin ou modèle contesté et essentiellement horizontal dans le dessin ou modèle antérieur, sont également des différences significatives qui influencent l’impression d’ensemble produite par chacun des dessins ou modèles en cause.

61      Il en résulte que les différences que la chambre de recours a correctement relevées entre les dessins ou modèles en cause, qui portent également sur les éléments que la requérante invoque comme étant les caractéristiques distinctives du dessin ou modèle antérieur, sont perceptibles par l’utilisateur averti et influencent l’impression globale que les dessins ou modèles en cause suscitent sur ce dernier, et ce indépendamment de la perspective sous laquelle l’utilisateur averti observera lesdits dessins ou modèles.

62      En troisième lieu, sans soulever un moyen autonome tiré d’un prétendu vice de motivation de la décision attaquée, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas motivé de manière appropriée les raisons pour lesquelles elle se serait éloignée des appréciations de fait déjà effectuées par la division d’annulation. Cet argument ne saurait prospérer. En effet, la chambre de recours, qui n’est pas liée par les appréciations de fait opérées par la division d’annulation, a expliqué à suffisance de droit les raisons, exposées aux points 58 à 61 ci-dessus, pour lesquelles elle était parvenue, à la suite de l’examen au fond du recours et à l’issue d’une appréciation technique objective des différences existant entre les dessins ou modèles en cause, à des conclusions divergentes de celles de la division d’annulation.

63      Il ressort de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, aux points 49 et 51 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti et en concluant que le dessin ou modèle contesté n’était pas dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002 au regard du dessin ou modèle antérieur.

64      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002

65      À l’appui de son deuxième moyen, la requérante invoque la nullité du dessin ou modèle contesté, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, en ce que celui-ci ferait usage d’un signe distinctif antérieur dont elle serait titulaire.

66      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle peut être déclaré nul s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit de l’Union ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation.

67      En vertu de la jurisprudence, une demande de nullité d’un dessin ou modèle communautaire, fondée sur le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, ne saurait prospérer que s’il est conclu que le public pertinent considérera que, dans le dessin ou modèle communautaire faisant l’objet de cette demande, il est fait usage du signe distinctif invoqué à l’appui de la demande en nullité [arrêt du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, EU:T:2010:190, point 105]. L’examen de ce motif de nullité doit être fondé sur la perception par le public pertinent du signe distinctif invoqué à l’appui de ce motif ainsi que sur l’impression d’ensemble que ledit signe produit sur ce public (arrêt du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 120).

68      Ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, le signe invoqué par la requérante à l’appui du présent moyen est la marque antérieure, constituée par la forme tridimensionnelle de scooter protégée également par le dessin ou modèle antérieur, qui serait reconnue et utilisée depuis l’année 2005 en Italie, sans pour autant être, à la date de la décision attaquée, enregistrée.

69      En vertu de l’article 2 du Codice della proprietà industriale (code de la propriété industrielle italien), les droits de propriété industrielle s’acquièrent selon les modalités prévues par la loi et les signes distinctifs, autres que la marque enregistrée, sont protégés lorsque les conditions légales prévues à cette fin sont satisfaites. Selon le droit et la jurisprudence pertinents italiens, une marque nationale antérieure non enregistrée est protégée lorsqu’elle possède les mêmes caractéristiques de nouveauté et d’originalité propres à une marque enregistrée. Si elle a fait l’objet d’un usage antérieur notoire, qu’il convient d’entendre comme connaissance effective de la part du public pertinent, la marque antérieure en question empêche l’enregistrement d’un signe ultérieur qui lui est identique ou similaire ou, le cas échéant, entraîne la nullité de l’enregistrement de ce dernier.

70      En ce qui concerne le grief de la requérante tiré du fait que la chambre de recours a fondé sa décision sur une interprétation personnelle des dispositions applicables et sur une appréciation subjective des preuves qu’elle avait fournies, il y a lieu de relever que cet argument ne saurait prospérer. En effet, la chambre de recours a examiné si, à la date du dépôt du dessin ou modèle contesté, la marque antérieure était utilisée de manière à acquérir une notoriété auprès du public italien pertinent pour être valablement revendiquée, au regard du droit et de la jurisprudence italiens, aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

71      Dans le cadre de son examen, la chambre de recours a pris en considération les preuves produites par la requérante. Elle a, d’une part, correctement exclu la pertinence, premièrement, des données relatives aux ventes et aux parts de marché ainsi que des informations concernant l’activité publicitaire de la requérante, dans la mesure où elles ne concernaient pas exclusivement la marque antérieure, et, deuxièmement, des certificats de ventes, qui ne déterminaient pas, de manière suffisamment précise, si ces dernières concernaient seulement ou exclusivement l’Italie, qui était le territoire sur lequel la marque antérieure était censée être protégée.

72      La chambre de recours a, d’autre part, examiné le sondage d’opinion produit par la requérante en tant que preuve de la circonstance que la marque antérieure jouissait d’une connaissance effective par le public italien pertinent et que, en particulier, la forme tridimensionnelle de scooter qu’elle protégeait était attribuée à la requérante et avait acquis un caractère distinctif par son usage.

73      En ce qui concerne le grief de l’intervenante tiré du fait que la marque antérieure ne pourrait pas être valablement revendiquée par la requérante aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, il y a lieu de relever que le jugement du tribunal de Turin, confirmé par le jugement de la cour d’appel de Turin, a reconnu l’existence et la validité de la marque antérieure. Toutefois, un tel constat n’est pas encore définitif, ainsi que l’intervenante l’indique dans ses réponses du 16 mai 2019 à la question du Tribunal.

74      Dès lors, indépendamment de la question de savoir si la marque antérieure peut être valablement revendiquée, au regard du droit italien, aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, il convient d’examiner si la chambre de recours a, à bon droit, rejeté la demande de nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de cette disposition, après avoir estimé qu’il n’était pas fait usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté et qu’il n’existait pas de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, de la marque antérieure avec le dessin ou modèle contesté.

 Sur le public pertinent

75      Dans le cadre de l’analyse du conflit entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure, il y a lieu de prendre en considération le consommateur moyen, qui est le consommateur censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, relevant du public pertinent intéressé par les produits concernés par la marque antérieure, à savoir les « scooters » en tant que sous-catégorie de la catégorie « Cyclomoteurs ; motocycles », ainsi qu’il ressort de la décision attaquée et des confirmations obtenues des parties lors de l’audience.

76      Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits en cause (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26).

77      En l’espèce, dans la mesure où les scooters sont des biens durables relativement coûteux, le consommateur moyen fera preuve d’un niveau d’attention élevé, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 75 de la décision attaquée.

78      Il s’ensuit que c’est eu égard au consommateur moyen tel que défini aux points 75 et 77 ci-dessus, qui effectuera son choix d’achat également sur la base de considérations esthétiques, qu’il convient d’examiner s’il est fait usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté et s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Sur l’usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent

79      En premier lieu, dans la mesure où, ainsi que cela a été rappelé au point 68 ci-dessus, la requérante a limité le droit sur le fondement duquel elle a demandé la nullité du dessin ou modèle contesté, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, à la marque antérieure, l’éventuelle présence, dans les scooters Vespa antérieurs à l’année 2005, d’éléments communs à la marque antérieure n’est pas pertinente aux fins de l’appréciation de l’usage de celle-ci dans le dessin ou modèle contesté, aux termes de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, ainsi que la chambre de recours l’a correctement indiqué.

80      En deuxième lieu, en ce qui concerne les éléments que la requérante invoque comme étant les caractéristiques distinctives de la forme tridimensionnelle de scooter protégée par la marque antérieure qui auraient été indûment reproduits dans le dessin ou modèle contesté, à savoir la forme en X entre le carénage postérieur et le dessous de la selle, la forme en Ω inversé entre le dessous de la selle et le tablier et la forme en flèche du tablier, auxquelles le jugement du tribunal de Turin a ajouté la forme en goutte de la coque, il convient de relever que l’appréciation de l’éventuel usage de ces caractéristiques dans le dessin ou modèle contesté suppose une comparaison entre la forme protégée par ce dernier et celle de la marque antérieure.

81      Or, ainsi que la chambre de recours l’a relevé aux point 84 à 86 de la décision attaquée, en observant la forme tridimensionnelle de scooter protégée par la marque antérieure et celle du dessin ou modèle contesté, le consommateur moyen, qui n’est pas un expert doté de compétences techniques approfondies, ne parviendra pas à identifier spontanément la forme en X entre le carénage postérieur et le dessous de la selle ou la forme en Ω inversé entre le dessous de la selle et le tablier, ni ne s’apercevra automatiquement de la forme en flèche du tablier, même en faisant preuve d’un niveau d’attention élevé. Quant à la coque, il remarquera plutôt la différence entre la forme effilée de la coque de la marque antérieure, là où celle du dessin ou modèle contesté s’apparente plus à un demi-cercle.

82      Plus globalement, indépendamment de la question de savoir si le public pertinent distinguera les éléments invoqués par la requérante, tels que mentionnés au point 81 ci-dessus, comme étant les caractéristiques distinctives de la marque antérieure, le consommateur moyen, qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé, percevra le style, les lignes et l’aspect qui caractérisent la forme tridimensionnelle de scooter protégée par la marque antérieure comme différents, sur le plan visuel, de ceux du dessin ou modèle contesté.

83      Dès lors, il convient d’entériner la constatation de la chambre de recours que des différences existent entre l’apparence des formes de la marque antérieure et de celles du dessin ou modèle contesté. Ces différences portent également sur les éléments que la requérante invoque comme étant les caractéristiques distinctives de la marque antérieure.

84      Pour compenser de telles différences visuelles, la requérante ne saurait utilement se prévaloir ni de l’identité des produits concernés par la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté, ni de l’usage notoire sur le marché italien de la forme tridimensionnelle de scooter protégée par la marque antérieure pour lesdits produits, tel qu’attesté par le sondage d’opinion qu’elle a produit.

85      En effet, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 87 de la décision attaquée, contrairement à ce que la requérante affirme, les informations contenues dans ledit sondage d’opinion ne permettent pas de savoir si le public pertinent associe concrètement la forme tridimensionnelle de scooter protégée par la marque antérieure au dessin ou modèle contesté et, ainsi, d’établir l’usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté.

86      En troisième lieu, il convient de relever que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 trouve à s’appliquer lorsqu’il est fait usage non seulement d’un signe identique à celui invoqué à l’appui de la demande en nullité, mais également d’un signe similaire [arrêts du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 52, et du 9 septembre 2015, Dairek Attoumi/OHMI – Diesel (DIESEL), T‑278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 85], si un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent peut être établi entre lesdits signes (arrêt du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 54).

87      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 25 avril 2013, Chen/OHMI – AM Denmark (Dispositif de nettoyage), T‑55/12, non publié, EU:T:2013:219, point 44 et jurisprudence citée].

88      Toutefois, dans l’hypothèse où il serait conclu que le public pertinent ne percevra pas que, dans le dessin ou modèle communautaire visé par la demande en nullité, il est fait usage du signe distinctif invoqué à l’appui de cette demande, tout risque de confusion peut, à l’évidence, être exclu (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 106).

89      Dans le jugement du tribunal de Turin, le juge national a conclu que le dessin ou modèle contesté présentait des différences esthétiques significatives par rapport à la marque antérieure qui portaient également sur les caractéristiques distinctives de cette dernière et qui étaient aptes à exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, de sorte que l’allégation de contrefaçon de la marque antérieure par le dessin ou modèle contesté devait être écartée. Ces conclusions contenues dans le jugement du tribunal de Turin n’ont pas été contestées par la requérante et l’intervenante et ont partant acquis force de chose jugée, ainsi que le jugement de la cour d’appel de Turin l’a relevé et que les parties l’ont confirmé dans leurs réponses du 16 et 17 mai 2019 à la question du Tribunal.

90      Il ressort de tout ce qui précède que, en raison, d’une part, de l’impression visuelle d’ensemble produite par la marque antérieure, qui est différente de celle dégagée par le dessin ou modèle contesté, et, d’autre part, de l’importance que l’esthétique revêt dans le choix qu’il effectue, le consommateur moyen, qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé, exclura que, dans le dessin ou modèle contesté, il soit fait usage de la marque antérieure, malgré l’identité des produits concernés.

91      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, aux points 73 et 88 de la décision attaquée, qu’il n’existait aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, lequel comprenait le risque d’association, aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

92      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002

93      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la nullité du dessin ou modèle contesté devrait être prononcée également sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, en application de la législation et des principes des droits d’auteur italien et français.

94      En ce qui concerne la prétendue utilisation d’une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur italien, à savoir la legge n. 633 – Protezione del diritto d’autore e di altri diritti connessi al suo esercizio (loi no 633 sur la protection du droit d’auteur et d’autres droits connexes à son exercice), du 22 avril 1941 (GURI no 166, du 16 juillet 1941), tel que modifiée, la requérante a fait référence, dans la requête, à « la forme de Vespa » ou à « la Vespa ». La requérante soutient que le noyau artistique et créatif de « la Vespa », constitué par les caractéristiques de forme rappelées aux points 10 et 53 ci-dessus, remonte aux années 1945 et 1946 et que ce cœur créatif est protégé par le droit d’auteur italien, sans que des distinctions puissent être opérées entre les différents modèles de mobylettes Vespa, ainsi que le jugement du tribunal de Turin l’aurait reconnu. En effet, grâce à ces caractéristiques, restées substantiellement inchangées depuis la création et la première commercialisation par la requérante du premier modèle, la Vespa serait devenue une icône, symbole des habitudes et du design artistique italien. Lors de l’audience, la requérante a précisé que le dessin ou modèle antérieur englobe le noyau artistique et créatif de la Vespa originelle, à savoir les caractéristiques de forme susmentionnées.

95      En ce qui concerne la prétendue utilisation d’une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur français, la requérante fait référence au jugement du 7 février 2013 du tribunal de grande instance de Paris (France), qui aurait également reconnu que « la Vespa », et notamment celle correspondant au dessin ou modèle antérieur, remplissait les conditions pour être protégée par le droit d’auteur français, en application de l’article L 111‑1 du code de la propriété intellectuelle français, en raison de son aspect global spécifique et de sa forme particulière, dotée d’un « caractère arrondi, féminin et “vintage” », qui portaient l’empreinte des choix esthétiques et de la personnalité de son auteur.

96      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments de la requérante.

97      Tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire peut être déclaré nul s’il constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre. Ainsi, cette protection peut être invoquée par le titulaire du droit d’auteur quand, conformément au droit de l’État membre qui lui confère la protection, il peut interdire ladite utilisation du dessin ou modèle en question (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Cadrans de montre, T‑68/11, EU:T:2013:298, point 79).

98      Ensuite, selon la jurisprudence, le requérant qui invoque le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002 doit fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur de l’État membre concerné (ordonnance du 17 juillet 2014, Kastenholz/OHMI, C‑435/13 P, non publiée, EU:C:2014:2124, point 55).

99      Enfin, il ressort de la combinaison des dispositions de l’article 25, paragraphe 1, sous f), et paragraphe 3, du règlement no 6/2002 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002, premièrement, qu’un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul s’il constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre, deuxièmement, que cette nullité ne peut être demandée que par le titulaire du droit d’auteur et, troisièmement, que cette demande doit comporter la représentation et des précisions sur l’œuvre protégée sur laquelle elle est fondée ainsi que des éléments démontrant que le demandeur en nullité est titulaire du droit d’auteur [arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI –Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries), T-566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 47].

100    En premier lieu, il convient d’identifier l’œuvre que la requérante invoque aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, laquelle, bien que protégée par les droits d’auteur italien et français, serait indûment utilisée dans le dessin ou modèle contesté.

101    À cet égard, d’une part, la chambre de recours a constaté, au point 99 de la décision attaquée, que la seule œuvre identifiée par la requérante avec la précision nécessaire aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002 était celle correspondant au dessin ou modèle antérieur, dans la mesure où l’œuvre pour laquelle il était possible d’invoquer le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002 ne pouvait pas être une accumulation de versions stylisées d’un produit sur de nombreuses décennies. D’autre part, la chambre de recours a attribué une créativité et une valeur artistique à l’œuvre, correspondant au dessin ou modèle antérieur, en s’appuyant sur les conclusions du jugement du tribunal de Turin, lequel renvoyait au jugement du 7 février 2013 du tribunal de grande instance de Paris. Ces jugements auraient reconnu le caractère d’œuvre protégée, au titre des droits d’auteur italien et français, du modèle de scooter correspondant au dessin ou modèle antérieur.

102    Ces constatations doivent être validées, en ce qu’elles reprennent le principe selon lequel le droit d’auteur protège l’expression des idées et non les idées elles-mêmes. En effet, le dessin ou modèle antérieur englobe le noyau de « la Vespa » originelle, à savoir les caractéristiques de forme rappelées aux points 10 et 53 ci-dessus, et c’est en tant qu’expression concrète de ce noyau artistique et créatif qu’il est susceptible d’être protégé au titre du droit d’auteur italien. De même, le dessin ou modèle antérieur a un aspect global spécifique et une forme particulière, dotée d’un « caractère arrondi, féminin et “vintage” », qui sont susceptibles d’être protégés au titre du droit d’auteur français.

103    En second lieu, il convient de vérifier s’il existe une « utilisation non autorisée » du dessin ou modèle antérieur, en tant qu’œuvre protégée par les droits d’auteur italien et français, dans le dessin ou modèle contesté, au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002.

104    Or, au titre du droit d’auteur italien, l’utilisation du noyau artistique et créatif constitué par les caractéristiques de forme rappelées aux points 10 et 53 ci-dessus ne peut pas être relevée dans le dessin ou modèle contesté. En effet, entre le carénage postérieur et le dessous de la selle ainsi qu’entre le dessous de la selle et le tablier, le dessin ou modèle contesté présente plutôt des lignes à l’aspect angulaire. Son tablier pointu représente une « cravate » jusqu’au garde-boue plutôt qu’une flèche. Quant à la coque, la forme de celle du dessin ou modèle contesté n’est pas effilée, contrairement à la forme de goutte de la coque du dessin ou modèle antérieur.

105    L’aspect global spécifique et la forme particulière, dotée d’un « caractère arrondi, féminin et “vintage” », du dessin ou modèle antérieur ne peuvent pas non plus se retrouver dans le dessin ou modèle contesté, caractérisé par des lignes droites et des angles, de sorte que les impressions qui se dégagent de l’œuvre, correspondant au dessin ou modèle antérieur, et du dessin ou modèle contesté sont différentes, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 114 de la décision attaquée.

106    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, au point 115 de la décision attaquée, sur la base des éléments dont elle disposait, que le modèle de scooter correspondant au dessin ou modèle antérieur, protégé par les droits d’auteur italien et français, ne faisait pas l’objet d’une utilisation non autorisée dans le dessin ou modèle contesté.

107    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

108    La requérante ayant succombé en tous ses moyens, il convient de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

109    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

110    La requérante ayant succombé en l’espèce, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Piaggio & C. SpA est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.