Language of document : ECLI:EU:T:2008:394

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 septembre 2008 (*)

« Recours en annulation – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission pour la Pologne pour la période allant de 2008 à 2012 – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections moyennant certaines conditions – Compétence des États membres dans la répartition individuelle des quotas d’émission – Absence d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑203/07,

Cemex Polska sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes  F. Puel et M. Szpunar, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. U. Wölker et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 1295 final de la Commission, du 26 mars 2007, concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République de Pologne pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Cemex Polska sp. z o.o., est une société de droit polonais disposant, sur le territoire polonais, de deux installations de production de ciment (Cementownia « Chełm » et Cementownia « Rudniki ») soumises au système communautaire d’échange de quotas d’émission de dioxyde de carbone (CO2).

2        Le 30 juin 2006, la République de Pologne a notifié à la Commission, conformément aux dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32, ci-après la « directive »), son plan national d’allocation pour la période allant de 2008 à 2012 (ci-après le « PNA »). Selon le PNA, la République de Pologne avait l’intention d’allouer, pour la période considérée, la moyenne totale annuelle de 284,648332 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (ci-après « MteqCO2 »).

3        Par lettre du 30 août 2006, la Commission a demandé à la République de Pologne de répondre, dans un délai de dix jours ouvrables, à des questions complémentaires quant au contenu du PNA, ce qu’elle a fait par lettre du 29 décembre 2006.

4        Le 26 mars 2007, la Commission a, en vertu des dispositions de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, adopté la décision C (2007) 1295 final concernant le PNA (ci-après la « décision attaquée »). Au terme de cette décision, la Commission conclut, en substance, à la violation de certains des critères énumérés à l’annexe III de la directive et à la réduction de la quantité totale annuelle de quotas d’émission prévue par le PNA.

5        Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Les aspects suivants du [PNA] de la [République de] Pologne pour la première période de cinq ans visée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive sont incompatibles, respectivement, avec :

1.      les critères 1, 2 et 3 de l’annexe III de la directive […]

2.      le critère 5 de l’annexe III de la directive […]

3.      le critère 6 de l’annexe III de la directive […]

4.      le critère 10 de l’annexe III de la directive […]

5.      le critère 12 de l’annexe III de la directive […]

Article 2

Il ne sera pas soulevé d’objections à l’égard du [PNA] sous réserve que les modifications ci-après y soient apportées de manière non discriminatoire et soient notifiées à la Commission le plus rapidement possible, compte tenu des délais nécessaires à l’exécution des procédures nationales sans retard indu :

1.      la quantité totale de quotas à allouer dans le cadre du système communautaire sera diminuée à hauteur de la somme du volume annuel d’émissions de 76,132937 [MteqCO2], du niveau d’ajustement consécutif à toute réduction du nombre d’installations et de un cinquième de la quantité totale de quotas allouée par la [République de] Pologne en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive ; les quotas alloués aux installations de combustion supplémentaires sont déterminés conformément à la méthodologie générale indiquée dans le [PNA], sur la base des données d’émissions justifiées et vérifiées, qui ne concernent que leurs activités nouvelles, alors que la quantité totale est réduite à hauteur de toute différence entre les quotas alloués aux installations précitées et les 6,2884 millions de tonnes, correspondant à la réserve annuelle pour ces installations ; la quantité totale est majorée des quotas alloués en raison des projets portant sur les installations couvertes par la directive, en cours de réalisation en 2005, et ayant permis au cours de cette même année de réduire ou de limiter leurs émissions, dans la mesure où ces réductions ou limitations s’appuient sur des données justifiées et vérifiées ;

2.      les quotas alloués aux installations ne sont pas supérieurs aux besoins estimés, en raison de la reconnaissance des mesures prises à un stade précoce, de l’utilisation de la biomasse ou de la cogénération ;

3.      des informations sont fournies sur la manière dont les nouveaux entrants pourront commencer à participer au système communautaire, d’une façon conforme aux critères de l’annexe III de la directive […] et aux dispositions de l’article 10 de cette dernière ;

4.      la quantité de quotas allouée à l’une des installations mentionnées dans le [PNA] et ayant une activité sur le territoire national n’est pas ajustée en raison de la fermeture d’autres installations présentes sur ce territoire ;

5.      le plafond maximal de REC et d’URE que les exploitants peuvent utiliser dans le système communautaire, sous forme de pourcentage de quotas alloués à chaque installation, est réduit de manière à ne pas dépasser le seuil de 10 %.

Article 3

1.      La quantité totale annuelle moyenne de quotas devant être allouée par la [République de] Pologne en application de son [PNA] aux installations mentionnées dans ce plan et aux nouveaux entrants – diminuée, d’une part, à hauteur de la somme, du niveau d’ajustement consécutif à toute réduction du nombre d’installations et de un cinquième de la quantité totale de quotas allouée par la [République de] Pologne en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive et, d’autre part, à hauteur de la différence entre les quotas alloués aux installations de combustion supplémentaires et les 6,2884 millions de tonnes correspondant à la réserve annuelle pour ces installations, puis majorée des quotas alloués en raison des projets portant sur les installations couvertes par la directive, en cours de réalisation en 2005, et ayant permis au cours de cette même année de réduire ou de limiter leurs émissions, dans la mesure où ces réductions ou limitations proviennent exclusivement de l’élargissement de la gamme de leurs activités et s’appuient sur des données justifiées et vérifiées – est égale à 208,515395 millions de tonnes et n’est pas dépassée.

2.      Le [PNA] peut être modifié sans accord préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués à certaines installations, dans les limites de la quantité totale de quotas à allouer aux installations mentionnées dans le plan, à la suite d’améliorations de la qualité des données, ou si elle consiste à réduire le pourcentage des quotas à allouer gratuitement, d’une manière non discriminatoire, dans les limites définies à l’article 10 de la directive.

3.      Toute modification du [PNA] effectuée afin de corriger les incompatibilités indiquées à l’article 1[er] de cette décision, mais s’écartant de celles mentionnées à l’article 2, doit être notifiée le plus rapidement possible, compte tenu des délais nécessaires à l’exécution des procédures nationales sans retard indu, et requiert l’accord préalable de la Commission conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Toute autre modification du [PNA], à l’exception de celles requises à l’article 2 de la présente décision, est irrecevable.

Article 4

La République de Pologne est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2007, la requérante a introduit le présent recours.

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2007, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 20 novembre 2007.

8        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l’espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

12      La Commission excipe de l’irrecevabilité du présent recours au motif que la décision attaquée, adressée à la République de Pologne, ne concerne pas la requérante directement et individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

13      Elle fait en particulier valoir, en renvoyant notamment à l’ordonnance du Tribunal du 25 juin 2007, Drax Power e.a./Commission (T‑130/06, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance Drax Power »), que la requérante ne peut être directement concernée par la décision attaquée.

14      La requérante fait valoir que, outre le caractère obligatoire et définitif de la décision attaquée et son intérêt à agir en l’espèce, cette décision la concerne directement et individuellement, de sorte que son recours est recevable.

15      En ce qui concerne la question de savoir si la décision attaquée l’affecte directement, la requérante considère que la République de Pologne, en qualité de destinataire de la décision attaquée, ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant aux modifications à apporter au PNA, au stade de sa mise en œuvre. En effet, elle serait tenue d’appliquer, de manière automatique et proportionnelle, les modifications imposées par la Commission dans la décision attaquée. Par conséquent, le PNA constituerait un document « transparent », situé entre la décision attaquée et la requérante, et la décision attaquée exercerait une influence directe sur la situation juridique de la requérante.

16      À ce sujet, premièrement, la requérante soutient que, à la suite de la décision attaquée, la République de Pologne ne pouvait ni augmenter les quotas alloués, et ce tant au niveau national qu’au niveau des secteurs et des installations spécifiques dans le cadre d’un secteur donné, ni même maintenir lesdites quantités au même niveau que celui qu’elle avait indiqué dans le PNA. En effet, outre le fait que la décision attaquée interdirait toute augmentation de la quantité totale de quotas, la République de Pologne ne pourrait, sans risquer de porter atteinte au principe de non-discrimination et donc aux règles du traité CE relatives aux aides d’État, décider d’allouer une quantité de quotas d’émission supérieure ou égale à celle déclarée nécessaire dans le PNA, pour assurer le fonctionnement tant de secteurs industriels que des installations individuelles elles-mêmes.

17      Deuxièmement, par voie de conséquence, la requérante fait valoir que la République de Pologne pouvait uniquement réduire la quantité de quotas alloués par secteurs et installations, et ce proportionnellement à la réduction de la quantité totale de quotas imposée par la Commission dans la décision attaquée. Tout autre niveau de réduction serait discriminatoire et porterait atteinte aux dispositions du traité CE relatives aux aides d’État. Du reste, il ressortirait de l’article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée que toute modification du PNA s’écartant de celles visées à l’article 2 de ladite décision, en ce que, par exemple, elle serait discriminatoire, devrait être notifiée à la Commission qui pourrait, à ce titre, soulever des objections.

18      Troisièmement, la requérante ajoute que, à supposer que la République de Pologne ait eu l’intention de modifier le PNA en s’écartant des modifications visées à l’article 2 de la décision attaquée, cela aurait été impossible en l’espèce, eu égard aux délais prévus par la directive. En effet, la requérante indique que, en vertu des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, le PNA devait être élaboré avant le 31 décembre 2006. Toutefois, alors que la République de Pologne avait notifié le PNA à la Commission le 30 juin 2006, et nonobstant le délai de trois mois imparti à la Commission pour se prononcer à cet égard, elle aurait, sans aucune justification, reporté sa décision au 26 mars 2007. Or, la requérante estime que, à cette date, c’est-à-dire à quelques mois seulement du début de la nouvelle période de cinq ans allant de 2008 à 2012, la République de Pologne n’avait plus d’autre choix que d’appliquer une réduction des quotas alloués, par secteurs et installations, proportionnelle à celle imposée par la Commission. C’est du reste ce que les autorités polonaises auraient effectivement fait, comme l’attesterait la publication, sur leur site Internet, de la nouvelle méthode de calcul des quotas à allouer.

19      Il résulterait de l’ensemble des développements qui précèdent que, en l’absence de toute marge d’appréciation de la République de Pologne pour mettre en œuvre le PNA, dans le respect des recommandations figurant dans la décision attaquée, le PNA constituerait un document complètement « transparent » par rapport à cette décision qui, par conséquent, affecterait directement la requérante.

 Appréciation du Tribunal

20      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « [t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours [...] contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence [...] d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

21      La décision attaquée étant adressée à la République de Pologne, il y a lieu d’examiner si la requérante est directement concernée par cette décision. Il convient à cet égard de rappeler, tout d’abord, les deux critères cumulatifs de l’affectation directe au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, dégagés par une jurisprudence constante.

22      Premièrement, l’acte en cause doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier. Deuxièmement, ledit acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission, T‑69/99, Rec. p. II‑4039, point 24). La condition exigée par le second critère est également remplie lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte en cause est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10).

23      Il convient de rappeler, à ce stade, les rôles et les pouvoirs respectifs de la Commission et des États membres dans le cadre du régime établi par la directive et, en particulier, par ses articles 9 à 11. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de la jurisprudence relative à la directive et à ce titre, en particulier, de l’ordonnance Drax Power, point 13 supra. Certes, le cadre factuel qui sous-tend cette affaire diffère de celui du cas d’espèce. En effet, la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Drax Power, point 13 supra, concernait une proposition de modification d’un PNA initialement notifié par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et déjà accepté moyennant certaines conditions par la Commission. Toutefois, il convient de constater que les dispositions de la directive, visées dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Drax Power, point 13 supra, étaient identiques à celles applicables en l’espèce, de sorte que l’on ne saurait écarter l’interprétation de ces dispositions retenue par le Tribunal dans l’ordonnance Drax Power, point 13 supra, au stade de l’examen de la recevabilité du présent recours.

24      Partant, tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 1er de la directive que celle-ci a pour objet essentiel d’établir un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce système est fondé sur des PNA élaborés par les États membres en application de critères prévus par la directive. Ainsi, chaque État membre était appelé à élaborer un PNA pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2008. En application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive, le PNA devait être publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins 18 mois avant cette date. Le PNA devait indiquer la quantité totale de quotas que l’État membre avait « l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propos[ait] de les attribuer ».

25      Ensuite, il ressort de l’article 9, paragraphe 3, de la directive que la Commission peut, dans les trois mois qui suivent la notification d’un PNA, rejeter ce PNA ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité du PNA avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec l’article 10 de la directive. La directive ne prévoit pas d’autre motif de rejet d’un PNA. Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 55 de l’arrêt du 23 novembre 2005, Royaume-Uni/Commission (T‑178/05, Rec. p. II‑4807), l’article 9, paragraphe 3, de la directive n’exige pas l’adoption par la Commission d’une décision d’approbation d’un PNA notifié, de sorte que, si elle ne se prononce pas sur le PNA dans le délai prévu par cette disposition, ce dernier doit être considéré comme ayant été approuvé par elle et ne peut être modifié sans son approbation préalable en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

26      Enfin, la décision définitive concernant la quantité totale de quotas à allouer et l’allocation de ces quotas aux installations en cause doit être prise par chaque État membre en application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive et sur la base des PNA établis en application de l’article 9 de la directive.

27      En d’autres termes, c’est l’État membre concerné qui est responsable de l’exécution du PNA ainsi que de l’allocation des quotas spécifiques aux installations individuelles. Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive, l’allocation d’un quota pour une installation individuelle dépend de la décision de l’autorité nationale, même si celle-ci doit agir dans le respect du PNA tel qu’approuvé par la Commission (ordonnance du Tribunal du 6 novembre 2007, Cemex UK Cement/Commission, T‑13/07, non publiée au Recueil, point 47).

28      Il y a donc lieu de considérer qu’il résulte du libellé de la directive, ainsi que des objectifs du système qu’elle établit, que c’est la décision des autorités nationales, prise conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive, qui affecte la situation juridique des opérateurs en leur attribuant des quotas (voir, par analogie, ordonnance Drax Power, point 13 supra, point 53).

29      Aucun des arguments présentés par la requérante n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.

30      À titre liminaire, il convient de constater que, en substance, la requérante soutient que le second critère énoncé par la jurisprudence, tel que rappelé au point 22 ci-dessus, est rempli. En effet, la requérante fait valoir que la République de Pologne ne disposait d’aucune marge d’appréciation au stade de la mise en œuvre du PNA, de sorte que, ce dernier constituant un document transparent, la décision attaquée l’affecte directement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

31      En premier lieu, s’agissant de la prétendue absence de pouvoir de la République de Pologne pour modifier les quantités totales de quotas à allouer, il convient de rappeler ce qui suit.

32      Premièrement, il a déjà été jugé que l’adoption par l’État membre de sa décision définitive concernant la quantité totale de quotas à allouer et l’allocation de ces quotas aux installations en cause, en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive, est assujettie à la condition, prévue à l’article 9, paragraphe 3, de la directive, que toute modification du PNA proposée soit acceptée par la Commission (arrêt Royaume-Uni/Commission, point 25 supra, point 56). Or, l’article 9, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive n’impose aucune limite quant aux modifications possibles et, dès lors, toute modification, qu’elle soit proposée par l’État membre en cause de sa propre initiative ou qu’elle soit nécessaire pour corriger les incompatibilités du PNA mises en évidence par la Commission, doit être notifiée à la Commission et approuvée par celle-ci avant que le PNA, tel que modifié, ne puisse servir de fondement à une décision définitive prise par ledit État membre en application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive (voir, par analogie, arrêt Royaume-Uni/Commission, point 25 supra, point 56).

33      Deuxièmement, l’article 9, paragraphe 1, première phrase, de la directive prévoit que, « [p]our chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer ». Il découle donc de cet article qu’un PNA précise les quotas totaux que l’État membre a l’« intention » d’allouer pour la période considérée et la manière dont « il se propose » de les attribuer. Il résulte de cette formulation qu’un État membre n’est pas strictement lié par le PNA qu’il a notifié à la Commission et conserve une marge d’appréciation dans la mise en œuvre du PNA notifié, notamment dans la répartition des quotas individuels d’émission. Ainsi, l’exécution finale du PNA dépend toujours de l’adoption d’une décision par les autorités nationales (ordonnance Cemex UK Cement/Commission, point 27 supra, point 53).

34      À cet égard, l’article 176 CE prévoit que des mesures arrêtées en vertu de l’article 175 CE, comme c’est le cas en l’espèce pour la directive, ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées à condition que celles-ci soient compatibles avec le traité CE et qu’elles soient notifiées à la Commission. En l’occurrence, le principal objectif du régime établi par la directive étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre (voir article 1er et considérants 1 à 5 de la directive), l’État membre peut toujours décider de se contenter d’une allocation inférieure de quotas, à condition qu’une telle allocation respecte les conditions imposées par la directive (ordonnance Drax Power, point 13 supra, points 62 et 63).

35      Il y a donc lieu de considérer qu’il résulte du libellé de la directive, ainsi que de l’économie générale et des objectifs du système qu’elle établit, que, contrairement à ce que soutient la requérante, d’une part, un État membre est toujours en droit de proposer des modifications de son PNA après la notification de celui-ci à la Commission, et ce jusqu’à l’adoption de sa décision en application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Royaume-Uni/Commission, point 25 supra, points 61 et 63) et, d’autre part, que rien ne s’oppose à ce que, dans certaines circonstances, de telles modifications visent non seulement à augmenter ou à maintenir la quantité totale de quotas à allouer telle qu’inscrite dans le PNA initialement notifié, mais aussi à en diminuer le montant.

36      En deuxième lieu, concernant l’argument soulevé par la requérante selon lequel, en substance, la République de Pologne était tenue d’appliquer, au stade de l’allocation individuelle, de manière uniforme, une réduction automatique et proportionnelle, il convient de constater que ni la directive ni la décision attaquée ne conduisent à opérer une répartition automatique de la quantité totale de quotas entre les installations individuelles, en ce sens que la réduction de 76,132937 MteqCO2 de la quantité totale annuelle de quotas d’émission prévue par le PNA se serait traduite par des pourcentages ou des quantités déterminés de quotas alloués aux différentes installations individuelles polonaises (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 1er octobre 2007, US Steel Košice/Commission, T‑489/04, non publiée au Recueil, point 62).

37      Il y a lieu de souligner à cet égard que, dans le système prévu par la directive, dans lequel il incombe aux États membres de répartir les quotas entre les installations en cause (voir point 24 ci-dessus), la détermination définitive et directe des droits et des obligations des exploitants de ces installations ne saurait résulter que de la décision de l’État membre adoptée en application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive. En effet, seule une décision de l’autorité compétente en Pologne pourrait modifier l’allocation individuelle de dioxyde de carbone initialement envisagée par cet État membre en faveur de la requérante. Par voie de conséquence, la décision attaquée n’a nullement eu pour effet de modifier des droits existants ou la situation juridique de la requérante (voir, en ce sens, ordonnance Cemex UK Cement/Commission, point 27 supra, point 51).

38      De même, il convient de relever qu’il ressort expressément de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée que les autorités polonaises étaient en droit de modifier le PNA, à condition que les limites de la quantité totale de quotas à allouer aux installations individuelles soient respectées et que, en ce qui concerne certaines modifications, celles-ci soient notifiées, pour accord préalable, à la Commission. Rien n’aurait donc juridiquement empêché les autorités polonaises, dans certaines circonstances, de faire droit à une demande de la requérante visant à lui allouer la même quantité de quotas individuels que celle qu’elle s’était vu attribuer sur la base du PNA initial (voir, en ce sens, ordonnance US Steel Košice/Commission, point 36 supra, point 63).

39      Tel est le cas, en ce qui concerne les quotas à allouer individuellement à chaque installation, si, avant l’adoption d’une décision définitive sur le fondement de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, la consultation du public, telle que visée au même article, permet d’obtenir des informations nouvelles concernant une installation et que, de ce fait, au regard desdites informations, la quantité de quotas individuels à allouer à cette installation doit être maintenue ou même modifiée dans des proportions différentes, voire dans un sens différent, de la modification entérinée par la décision attaquée quant à la quantité totale de quotas à allouer (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Royaume-Uni/Commission, point 25 supra, point 58). Au demeurant, il ne saurait être exclu, contrairement à ce que soutient la requérante en se fondant sur le principe de non-discrimination, que, dans des circonstances similaires, un État membre puisse décider d’appliquer la réduction des quotas à allouer à l’ensemble des installations des secteurs d’activité concernés par le PNA, à l’exception des installations de l’un d’entre eux. Enfin, il convient de rappeler que cette consultation serait rendue sans objet, et les observations du public seraient purement théoriques, si les modifications du PNA pouvant être proposées après une décision de la Commission prise en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive étaient limitées à celles envisagées par la Commission (voir, par analogie, arrêt Royaume-Uni/Commission, point 25 supra, point 57).

40      Il s’ensuit que, à la date de l’introduction du présent recours, la crainte exprimée par la requérante, selon laquelle l’écart entre la quantité totale de quotas approuvée dans la décision attaquée et la somme des quotas individuels prévus dans le PNA initial entraînera nécessairement une baisse du nombre de ses quotas individuels, vise un événement purement hypothétique (voir, en ce sens, ordonnance US Steel Košice/Commission, point 36 supra, point 63).

41      À titre surabondant, à supposer même que, ainsi que le soutient la requérante, les autorités polonaises lui aient effectivement alloué une quantité de quotas individuels inférieure à celle prévue dans le PNA initial, cela ne découlerait toutefois pas directement de la décision attaquée, mais de l’exercice par le gouvernement polonais de son pouvoir discrétionnaire en la matière, lequel n’était pas tenu de réduire, et ce encore moins dans le cadre d’une proportion entérinée dans la décision attaquée, le nombre de quotas individuels alloués à la requérante (voir, en ce sens, ordonnance US Steel Košice/Commission, point 36 supra, point 64).

42      En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de ce que l’absence de marge d’appréciation de la République de Pologne résulte du fait que la Commission a, sans aucune justification, reporté au 26 mars 2007 l’adoption de sa décision sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, alors que le délai imparti était de trois mois à compter de la notification du PNA.

43      En effet, sans qu’il y ait lieu, au stade de l’examen de la recevabilité du présent recours, de se prononcer sur le bien-fondé du report de la décision de la Commission, il convient tout d’abord de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, rien n’interdisait à la République de Pologne de proposer des modifications de son PNA après la notification de celui-ci à la Commission, et ce à tout le moins jusqu’à la date limite du 31 décembre 2006 fixée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive pour décider de la quantité totale de quotas à allouer et lancer le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Ensuite, au-delà de cette date, le lancement dudit processus comportant, en application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive, la prise en compte des observations formulées par le public, la République de Pologne conservait, en tout état de cause, une marge d’appréciation quant au montant de quotas à allouer individuellement aux installations concernées. Ainsi que cela est rappelé au point 39 ci-dessus, cette consultation serait rendue sans objet, et les observations du public seraient purement théoriques, si les modifications du PNA pouvant être proposées après une décision de la Commission prise en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive étaient limitées à celles envisagées par la Commission.

44      Il résulte des développements qui précèdent que l’argument de la requérante tiré de ce que la République de Pologne ne disposait d’aucune marge d’appréciation doit être rejeté. Partant, le second critère cumulatif de l’affectation directe au sens de l’article 230 CE, tel que rappelé au point 22 ci-dessus, n’étant pas satisfait, c’est à tort que la requérante soutient que le PNA doit être considéré comme un document « transparent », de sorte que la décision attaquée l’affecterait directement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

45      Par voie de conséquence, le recours doit être rejeté, dans son ensemble, comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres motifs d’irrecevabilité exposés par la Commission.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Cemex Polska sp. z o.o. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 23 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová


* Langue de procédure : le polonais.