Language of document : ECLI:EU:T:2020:104

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 mars 2020 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Dépens récupérables »

Dans l’affaire T‑121/14 DEP,

PT Pelita Agung Agrindustri, établie à Medan (Indonésie), représentée par Mes F. Graafsma et J. Cornelis, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique),

et par

Commission européenne,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du 15 septembre 2016, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil (T‑121/14, non publié, EU:T:2016:500),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2014, la requérante, PT Pelita Agung Agrindustri, a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 du Conseil du 19 novembre 2013 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L. 315, p. 2 ci-après l’« acte attaqué »), dans la mesure où il lui infligeait un droit antidumping.

2        Par ordonnances du président de la neuvième chambre du Tribunal du 17 juillet 2014 et du 22 septembre 2014, la Commission européenne et  European Biodiesel Board (EBB) ont été admises à intervenir au litige au soutien du Conseil de l’Union européenne.

3        Par arrêt du 15 septembre 2016, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil, (T‑121/14, non publié, EU:T:2016:500), le Tribunal a annulé l’acte attaqué dans la mesure où il concernait la requérante. Il a condamné le Conseil à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

4        Par un pourvoi introduit le 24 novembre 2016, le Conseil a, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 15 septembre 2016, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil, (T‑121/14, non publié, EU:T:2016:500). Par lettre du 22 janvier 2018, le Conseil a informé la Cour, conformément à l’article 148 du règlement de procédure de la Cour, qu’il se désistait de son pourvoi.

5        Par ordonnance du 16 février 2018, Conseil/PT Pelita Agung Agrindustri (C‑604/16 P, non publiée, EU:C:2018:154), le président de la Cour a radié l’affaire C‑604/16 P du registre de la Cour et a condamné le Conseil aux dépens exposés par la requérante.

6        Par courriel du 17 mai 2018, la requérante a invité le Conseil à rembourser la somme totale de 130 840,30 euros au titre de la procédure devant le Tribunal et de la procédure devant la Cour.

7        Par lettre du 25 juillet 2018, le Conseil a exprimé son désaccord sur le montant des dépens réclamés par la requérante et a proposé de rembourser un total de 25 324,74 euros au titre des deux procédures, incluant notamment 110 heures de travail à un tarif horaire de 225 euros. La requérante a refusé cette offre par lettre du 11 septembre 2018 et a réclamé le montant initial.

8        Par lettre du 10 janvier 2019, le Conseil a  réitéré son désaccord sur la demande de la requérante et a proposé de rembourser le montant total de 32 824,74 euros au titre des deux procédures.

9        Aucun accord n’étant intervenu entre la requérante et le Conseil sur le montant des dépens récupérables, la requérante a introduit, par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 février 2019 et en application de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer les dépens récupérables, dont le remboursement incombe au Conseil, à un montant de 136 337,30 euros au titre des deux procédures.

10      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 3 mai 2019, le Conseil a invité le Tribunal à déclarer la demande de taxation des dépens irrecevable en ce qu’elle concerne les dépens afférents à la procédure de pourvoi devant la Cour, à rejeter la demande de la requérante et à fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure devant le Tribunal à 26 874,77 euros.  

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

 Sur les dépens exposés aux fins de la procédure devant la Cour

12      S’agissant des dépens exposés par la requérante lors de la procédure devant la Cour, il convient de relever que, en application des articles 137 du règlement de procédure de la Cour et 133 du règlement de procédure du Tribunal, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

13      Par ordonnance du 16 février 2018, Conseil/PT Pelita Agung Agrindustri (C‑604/16 P, non publiée, EU:C:2018:154), le président de la Cour a radié l’affaire C‑604/16 P du registre de la Cour, en raison du désistement du Conseil. La Cour a également condamné le Conseil aux dépens exposés par la requérante.

14      Conformément à l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, la demande de taxation des dépens relative à la procédure devant la Cour relève de la compétence de cette dernière et non de celle du Tribunal [voir ordonnance du 29 juin 2015, Reber/OHMI – Klusmeier (Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM), T‑530/10 DEP, non publiée, EU:T:2015:482, point 10 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, par ordonnance du 15 octobre 2019, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil (C‑604/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:886), la Cour a fixé le montant total des dépens que le Conseil devait rembourser à la requérante au titre de l’affaire C‑604/16 P, à 14 000 euros.

16      Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur les sommes demandées relatives à la procédure de pourvoi devant la Cour.

 Sur les dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal

17      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

18      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 13 et jurisprudence citée).

19      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur le montant des honoraires d’avocats récupérables

20      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 17 et jurisprudence citée).

21      En outre, à défaut de dispositions du droit de l’Union européenne de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 18 et jurisprudence citée).

22      La requérante fait valoir que son recours concernait un problème important pour l’Union européenne, à savoir les exportations de biodiesel par l’Indonésie à destination du marché de l’Union européenne. En outre, le litige aurait soulevé un certain nombre de questions de droit de l’Union et aurait donné lieu à un arrêt de principe en ce qu’il interprète l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »). La requérante ajoute, en substance, que l’affaire a suscité un certain nombre de questions complexes sur les plans factuel et économique.

23      Le Conseil conteste cette argumentation et souligne, notamment, que le Tribunal n’a pas examiné tous les moyens mais uniquement celui relatif à la question de savoir s’il était permis aux institutions, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, de remplacer par d’autres données celles relatives aux coûts figurant dans les registres comptables des sociétés, et qu’il aurait simplement confirmé la jurisprudence existante. Il conteste également, en substance, la complexité factuelle des questions économiques en jeu.

24      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, le Tribunal constate que, sur le fond, l’affaire au principal concernait une demande en annulation en matière d’antidumping s’articulant autour de sept moyens. Le premier était tiré, en substance, d’une violation de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’agissant de l’ajustement du coût de production de l’huile de palme brute, le deuxième, d’une violation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation dans la conclusion selon laquelle il existe une distorsion des prix d’achat de la requérante, le quatrième, de l’illégalité de la détermination de la marge bénéficiaire raisonnable, le cinquième, en substance, de l’illégalité du calcul de la marge de préjudice du fait de ne pas avoir procédé à un ajustement en raison de la certification de conformité à la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), le sixième, en substance, d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la conclusion selon laquelle le système de double comptabilisation de biodiesel produit à partir d’huiles usagées existant dans certains États membres n’a pas contribué au préjudice et, le septième, d’un défaut de motivation et d’une violation de l’obligation de diligence et de bonne administration.  

25      Il y a lieu d’observer que le deuxième moyen du recours soulevait une question importante sous l’angle du droit de l’Union, présentant une certaine complexité factuelle et juridique et nécessitant une analyse approfondie. En effet, ce moyen portait sur l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, qui prévoit, en substance, les différentes possibilités sur le fondement desquelles les institutions peuvent prendre en compte les frais relatifs, en particulier, à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête, aux fins du calcul de la valeur normale du produit similaire, au sens de ce règlement. En l’espèce, la requérante faisait valoir que le Conseil avait, en substance, violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base en écartant, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, les prix de l’huile de palme figurant dans les registres comptables de la requérante. Elle reprochait au Conseil, en particulier, une application erronée de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65). Il s’ensuit que ce moyen du recours nécessitait une analyse approfondie dans la mesure où la question qu’il soulevait a conduit le Tribunal à statuer, en particulier, sur la charge de la preuve et la marge d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 15 octobre 2019, PT Pelita Agung Agrindustri/Conseil, C‑604/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:886, points 39 à 41).  

26      S’agissant des autres moyens, il convient d’observer qu’ils ne présentaient pas de complexité particulière.

27      En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques représentés par le litige pour les parties, il y a lieu de rappeler que l’acte attaqué instituait des droits antidumping définitifs s’élevant à 145,14 euros par tonne nette en ce qui concernait la requérante. Par conséquent, si l’affaire présentait un intérêt économique pour la requérante, cet intérêt ne saurait être considéré comme étant inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute procédure d’enquête instituant des droits antidumping.

28      En troisième lieu, s’agissant de l’ampleur de la charge de travail nécessitée par le litige, la requérante souligne que ce dernier a occupé trois avocats, dont un associé, pendant plus de quatre ans. Elle demande de fixer le montant des dépens récupérables au titre des deux procédures, celle devant le Tribunal et celle devant la Cour, à un montant de 127 500 euros au titre des honoraires d’avocats, correspondant à 472,3 heures de travail facturées à des tarifs horaires allant de 190 euros pour un stagiaire à 480 euros pour un associé. La requérante fait valoir que l’un des avocats a travaillé 106,3 heures en effectuant, non seulement du travail de rédaction des documents soumis devant le Tribunal, mais aussi des recherches relatives au préjudice et au lien de causalité. Un autre avocat aurait travaillé 192,6 heures, notamment sur d’autres recherches, avec un déplacement aller-retour à Genève (Suisse) afin de rencontrer la délégation du gouvernement indonésien.

29      Le Conseil conteste le nombre d’avocats, le nombre d’heures et le tarif horaire appliqué.  Il affirme que le travail d’une durée maximale de 105 heures d’un seul avocat à un tarif horaire de 250 euros était suffisant au titre de la procédure au principal devant le Tribunal. Il ressort de sa lettre du 10 janvier 2019 qu’il attribue 75 heures de travail à la préparation du recours en annulation, quinze heures à celle de la réplique, et quinze heures à l’ensemble du travail nécessaire à la suite de la réception de la duplique du Conseil.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il appartient à la requérante de produire des justificatifs de nature à établir la réalité des frais dont elle demande le remboursement (voir, en ce sens, ordonnance du 8 juillet 2004, De Nicola/BEI, T‑7/98 DEP, T‑208/98 DEP et T‑109/99 DEP, EU:T:2004:217, point 42).

31      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante fournit des informations limitées à l’appui de sa demande de remboursement des honoraires d’avocats exposés dans le cadre de la procédure au principal devant le Tribunal, constituées des factures d’honoraires suivantes :

–        facture du 9 janvier 2014 d’un montant de 5 000 euros intitulée « Procédure [Tribunal] UE : acompte » ;

–        facture du 30 janvier 2014 d’un montant de 40 000 euros, couvrant la période du 16 décembre 2013 au 22 janvier 2014, relative à la soumission du recours en annulation ;

–        facture du 22 juillet 2014 d’un montant de 10 000 euros, relative à la lecture d’une demande d’intervention et à la préparation d’une version non confidentielle du recours en annulation et du mémoire en défense ;

–        facture du 28 août 2014 d’un montant de 25 000 euros, relative à la soumission de la réplique au mémoire en défense ;

–        facture du 26 novembre 2014 d’un montant de 5 000 euros, couvrant la période du 4 juillet 2014 au 29 juillet 2014 et intitulée « revue de la réponse de “UE” » ;

–        facture du 25 février 2015 d’un montant de 10 000 euros, relative, vraisemblablement, à la rédaction des observations de la requérante sur les mémoires en intervention ;

–        facture du 12 mai 2016 d’un montant de 10 000 euros, relative à la préparation et à l’audience devant le Tribunal.

32      S’il est possible de déduire, au vu de ces factures, la nature de la plupart des prestations effectuées, laquelle est brièvement décrite, il n’est cependant pas possible de connaître le temps de travail consacré à chacune de ces prestations ou le tarif horaire y correspondant. Certes, la requérante a également fourni en annexes séparées, le détail de l’ensemble des heures travaillées et des tarifs horaires correspondants, mais ceux-ci ne sont pas classés de manière à retrouver et à identifier les heures et les montants correspondant aux factures ci-dessus.

33      Selon la jurisprudence, l’absence d’informations précises rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure dans l’affaire au principal, ainsi que leur caractère indispensable à ces fins. Dans ces conditions, une appréciation stricte des honoraires récupérables s’impose nécessairement [voir ordonnance du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI – Conceria Toska (TOSKA), T‑263/03 DEP, non publiée, EU:T:2009:118, point 18 et jurisprudence citée].

34      Il convient d’observer qu’il ressort des factures mentionnées au point 31 ci-dessus que c’est un montant total d’honoraires de 105 000 euros et non de 127 500 euros qui a été facturé à la requérante au titre de la procédure devant le Tribunal, qui est la seule procédure à prendre en compte aux fins de la présente taxation des dépens, ainsi qu’il ressort des points 12 à 16 ci-dessus. Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus qu’il convient d’exclure la facture du 9 janvier 2014 d’un montant de 5 000 euros relative à un acompte pour la procédure devant le Tribunal, dans la mesure où elle ne fournit aucune information quant au type de travail et au nombre d’heures concernées.

35      À titre principal, il ressort de la jurisprudence, premièrement, que, même si un travail juridique substantiel est généralement accompli avant la phase juridictionnelle, par « procédure », l’article 140, sous b), du règlement de procédure ne vise que la procédure devant le Tribunal, à l’exclusion de la phase précédant celle-ci. Cela résulte notamment de l’article 139 du même règlement, qui évoque la « procédure devant le Tribunal » (ordonnance du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, EU:T:2002:13, point 29). Doit également être écartée la récupération des dépens se rapportant aux périodes pendant lesquelles aucun acte de procédure n’a été adopté par le Tribunal, de tels dépens ne pouvant apparaître directement liés aux interventions de l’avocat devant le Tribunal (ordonnance du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, points 33 et 34). Doit de même être refusée la récupération des dépens se rapportant à la période postérieure à la procédure orale lorsqu’aucun acte de procédure n’a été adopté après l’audience (ordonnance du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, EU:T:2002:13, point 31).

36      Au vu de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, c’est à tort que la requérante fait valoir une durée de plus de quatre ans de la procédure. Il y a lieu de relever que le recours en annulation ayant été soumis le 18 février 2014 et l’arrêt ayant été rendu le 15 septembre 2016, la durée de la procédure a été d’un peu plus de deux ans et demi environ. En outre, il n’y a pas lieu de prendre en considération le temps consacré à la rédaction d’un mémoire à l’attention du client sur les conséquences à tirer de l’arrêt du Tribunal [voir, en ce sens, ordonnance du 10 avril 2019, Giant (China)/EBMA, C‑61/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:298, point 33].

37      Deuxièmement, le Conseil fait valoir que les avocats de la requérante avaient déjà participé à la procédure administrative, et avaient, de ce fait, une connaissance approfondie du dossier au moment de l’introduction du recours. En effet, selon la jurisprudence, lorsque les avocats d’une partie ont déjà assisté celle-ci au cours de procédures ou de démarches qui ont précédé le litige s’y rapportant, il convient de tenir compte du fait que ces avocats disposent d’une connaissance d’éléments pertinents pour le litige qui est de nature à avoir facilité leur travail et réduit le temps de préparation nécessaire pour la procédure contentieuse (ordonnance du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, point 43).

38      Troisièmement, la requérante fait valoir des tâches qui ne sauraient rentrer dans la catégorie des dépens récupérables, car elles n’apparaissent pas indispensables à la procédure devant le Tribunal. C’est notamment le cas des heures correspondant au temps de déplacement aller-retour à Genève (Suisse) d’un avocat expérimenté afin de rencontrer la délégation du gouvernement indonésien, ainsi que des heures de réunion avec ladite délégation.

39      Quatrièmement, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 30).

40      En l’espèce, la préparation et la rédaction d’un recours en annulation de 47 pages, dans une affaire en matière d’antidumping soulevant un moyen comportant une question juridique et factuelle complexe et inédite et six autres moyens moins complexes, ne saurait justifier plus de 95 heures de travail. Pour une réplique de 25 pages, 40 heures apparaissent objectivement indispensables.

41      Deux courtes demandes de traitement confidentiel de sept et deux pages et demie et la préparation des versions non-confidentielles de la requête, de la défense et de la réplique, ainsi que de leurs annexes, ne sauraient justifier, en l’espèce, plus de dix heures d’un avocat peu expérimenté, au vu de la faible complexité de ce travail.

42      Les réponses aux mémoires en intervention de la Commission et de l’EBB font respectivement onze et dix pages. Il y a lieu de considérer que 17 heures de travail étaient objectivement indispensables à cet égard.

43      La réponse de 21 pages aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal peut avoir objectivement nécessité, en l’espèce, 25 heures de travail.

44      Les nécessaires contacts avec le client au sujet de la préparation des diverses écritures devant le Tribunal peuvent avoir objectivement nécessité, en l’espèce, cinq heures.

45      S’agissant des tarifs horaires, mis à part l’intervention très ponctuelle d’un stagiaire, deux avocats travaillaient à un tarif horaire compris entre 220 et 260 euros pour le moins expérimenté, et entre 330 et 385 euros pour le plus expérimenté. Le tarif horaire moyen des services fournis par l’associé était de 480 euros.  Par conséquent, le tarif horaire moyen s’élevait à, environ, 360 euros.

46      À cet égard, les avocats qui se prévalent d’une qualification et d’une expérience élevées en matière de droit antidumping et dont les prestations sont facturées à des tarifs horaires supérieurs à 300 euros sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées, y compris celles qui présentent une certaine complexité, avec efficacité et célérité [voir, en ce sens, ordonnance du 10 avril 2019, Giant (China)/EBMA, C‑61/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:298, point 31 et la jurisprudence citée].

47      Selon la requérante, l’associé en charge du dossier aurait eu besoin de 57,85 heures pour préparer l’audience. S’agissant d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide au vu de la jurisprudence au point 46 ci-dessus, il y a lieu de ne retenir que quinze heures comme objectivement indispensables aux fins de préparer cette audience et d’y représenter la requérante.

48      Cinquièmement, ainsi que le fait observer le Conseil, les avocats de la requérante représentaient également une autre requérante dans l’affaire connexe ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2016, PT Ciliandra Perkasa/Conseil (T‑120/14, EU:T:2016:501), ce qui, du fait des similitudes en droit et en fait entre les deux affaires, était de nature à engendrer pour eux des économies de travail.

49      En effet, cinq des sept moyens soulevés dans la requête au principal sont, en substance, quasi identiques aux moyens soulevés dans la requête ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2016, PT Ciliandra Perkasa/Conseil (T‑120/14, EU:T:2016:501). Il convient d’observer, à cet égard, que l’ensemble des écritures soumises par PT Pelita Agung Agrindustri dans l’affaire T‑121/14 et par PT Ciliandra Perkasa dans l’affaire T‑120/14 s’avèrent extrêmement similaires s’agissant desdits moyens. Notamment, les questions relatives à l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, étaient soulevées dans les mêmes termes, de sorte que le Tribunal a pu y répondre par des motifs quasi identiques. De telles similitudes entre les affaires et la connexité de celles-ci ont nécessairement eu pour conséquence une économie d’échelle [voir, en ce sens, ordonnances du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI – Conceria Toska (TOSKA), T‑263/03 DEP, non publiée, EU:T:2009:118, et Mülhens/OHMI, T‑28/04 DEP, non publiée, EU:T:2009:119, point 17 et ordonnance du 12 mai 2016, Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil, T‑150/09 DEP, non publiée, EU:T:2016:317, point 28]. Une telle économie d’échelle concerne également la préparation des audiences, qui ont eu lieu le même jour dans les affaires T‑120/14 et T‑121/14.

50      Au vu des considérations qui précèdent, et en particulier des économies d’échelle décrites au point précédent, qu’il convient de prendre en compte, le Tribunal fixe en l’espèce le total du temps de travail des avocats de la requérante objectivement indispensable aux fins de la représentation de celle-ci durant la phase juridictionnelle, à 165 heures.

51      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables par la requérante en fixant leur montant à 59 400 euros.

 Sur les débours récupérables

52      En l’espèce, il ressort des factures décrites au point 31 ci-dessus que, s’agissant uniquement de la procédure devant le Tribunal, qui est la seule pour laquelle des débours peuvent être réclamés, un montant total de 2 250 euros a été facturé à la requérante au titre des frais administratifs.

53      Le Conseil rétorque que, contrairement à ce que prétend la requérante, les frais administratifs ne sont pas des calculs détaillés et n’ont pas été dûment justifiés. Il propose à cet égard un forfait de 80 euros.

54      Il convient de noter que ces frais correspondent, sur chaque facture, à l’intitulé générique suivant « frais d’administration générale : copies, classeurs, CD-Roms, etc.@ 3 % ». Il ressort de l’examen des factures que trois pour cent des honoraires d’avocats facturés ont été systématiquement facturés au titre de frais administratifs généraux. Dès lors qu’un tel taux n’est pas déraisonnable (voir, en ce sens, ordonnance du 22 mars 2012, Brune/Commission, F‑5/08 DEP, EU:F:2012:42, point 38 et jurisprudence citée ; ordonnance du 2 juillet 2013, Martinez Erades/SEAE, F‑64/12 DEP, EU:F:2013:111, point 30), il convient en l’espèce, eu égard au montant de 59 400 euros retenu au titre des honoraires récupérables, de fixer le montant des frais généraux récupérables à 1 782 euros.

55      S’agissant des frais de voyage à Genève (Suisse) de l’un des avocats pour rencontrer la délégation du gouvernement indonésien, s’élevant à 361,52 euros (facture du 9 janvier 2014), il ressort du point 38 ci-dessus qu’il ne s’agit pas de dépens récupérables, et qu’ils doivent donc être rejetés.

56      S’agissant des frais de déplacement et de séjour relatifs à l’audience, il ressort de la facture du 12 mai 2016 adressée à la requérante que 728,78 euros lui ont été facturés au titre des frais de transport de trois personnes entre Bruxelles (Belgique) et Luxembourg (Luxembourg), du coût de trois chambres d’hôtels, d’une place de parking et d’un déjeuner.

57      À cet égard, le Conseil souligne que seuls les frais de déplacement et de séjour correspondant à un seul avocat étaient objectivement indispensables.

58      Le Tribunal estime que la présente affaire ne comportait pas de circonstances spécifiques justifiant que les frais encourus pour trois conseils, aux fins de leur participation à l’audience, soient considérés comme indispensables au sens de l’article 140, sous b) du règlement de procédure. Le fait que la requérante ait jugé opportun de répartir les travaux nécessaires à sa représentation entre trois conseils juridiques ne saurait donc être financièrement imputé à la partie adverse (ordonnance du 13 juin 2007, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01 DEP, EU:T:2007:175, point 48).

59      Il s’ensuit que, il sera fait une juste appréciation des dépens afférents au déplacement et au séjour de deux avocats pour assister la requérante lors de l’audience dans la présente affaire en fixant leur montant à 486 euros.

60      Il ressort de ce qui précède que le Tribunal fixe le montant total des débours récupérables au titre de la procédure au principal à 2 268 euros.

 Sur les frais de la présente procédure

61      Le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P‑DEP, non publiée, EU:T:2012:147, point 15).

62      Quant à la somme de 5 497 euros réclamée pour la conduite de la présente procédure de taxation des dépens, il y a lieu de relever que, outre le fait qu’aucune facture justificative n’est fournie, une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé. En l’espèce, il y a lieu d’observer qu’une partie substantielle de la demande de taxation des dépens, qui comporte dix-huit pages, se borne à reprendre, en substance, le contenu de la lettre de la requérante au Conseil en date du 11 septembre 2018 relative aux dépens récupérables. En outre, la présente demande de taxation des dépens est quasiment identique à celle introduite dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑120/14 DEP. Il y a donc lieu de prendre en compte les économies d’échelles existantes, pour les avocats, entre ces deux procédures.  

63      Dans ces conditions, il y a lieu de taxer les dépens de la requérante afférents à la présente procédure à 2 700 euros.

64      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la requérante en fixant leur montant à 64 368 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par le Conseil de l’Union européenne à PT Pelita Agung Agrindustri est fixé à la somme de 64 368 euros.

Fait à Luxembourg, le 10 mars 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A M. Collins


*      Langue de procédure : l’anglais.