Language of document : ECLI:EU:T:2007:217

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

11 juillet 2007(*)

« Directive 91/414/CEE – Produits phytopharmaceutiques – Substance active paraquat – Autorisation de mise sur le marché – Procédure d’autorisation – Protection de la santé humaine et animale »

Dans l’affaire T‑229/04,

Royaume de Suède, représenté par M. A. Kruse, en qualité d’agent,

partie requérante,

soutenu par

Royaume de Danemark, représenté par MM. J. Molde, A. Jacobsen et J. Bering Liisberg, en qualité d’agents,

par

République d’Autriche, représentée par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

et par

République de Finlande, représentée par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Ström van Lier et M. B. Doherty, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la directive 2003/112/CE de la Commission, du 1er décembre 2003, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire la substance active paraquat (JO L 321, p. 32),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij, N. J. Forwood, Mme I. Pelikánová et M. S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

I –  Dispositions du traité

1        L’article 6 CE énonce que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’article 3 CE, en particulier afin de promouvoir le développement durable.

2        L’article 152, paragraphe 1, CE dispose qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté.

3        L’article 174, paragraphe 2, CE énonce que la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Cette disposition prévoit également que la politique environnementale de la Communauté est fondée sur le principe de précaution.

4        Selon l’article 174, paragraphe 3, CE, la Communauté tient compte des données scientifiques et techniques disponibles dans l’élaboration de sa politique environnementale.

II –  Directive 91/414/CEE

5        Le neuvième considérant de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), énonce que les dispositions régissant l’autorisation des produits phytopharmaceutiques doivent assurer un niveau élevé de protection, qui doit notamment éviter l’autorisation de produits phytopharmaceutiques dont les risques pour la santé, les eaux souterraines et l’environnement n’ont pas fait l’objet de recherches appropriées. Ce considérant indique également que l’objectif d’améliorer la production végétale ne doit pas porter préjudice à la protection de la santé humaine et de l’environnement.

6        L’article 2 de la directive 91/414 définit les produits phytopharmaceutiques comme étant, notamment, les substances actives et les préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur et qui sont destinées à détruire les végétaux indésirables. Cet article définit les substances actives comme étant des substances ou micro-organismes exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux.

7        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/414 énonce :

« Les États membres veillent à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement :

a)      si les substances actives sont énumérées à l’annexe I et si les conditions fixées à ladite annexe sont remplies, et, en ce qui concerne les points b), c), d) et e), en application des principes uniformes énoncés à l’annexe VI ;

b)      s’il est établi, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques, et s’il apparaît lors de l’examen du dossier prévu à l’annexe III, que lors d’un usage conforme aux dispositions de l’article 3 paragraphe 3 et eu égard à toutes les conditions normales dans lesquelles il peut être utilisé et aux conséquences de son utilisation :

[…]

iii)      il ne provoque pas des souffrances et des douleurs inacceptables chez les vertébrés à combattre ;

iv)      il n’a pas d’effet nocif direct ou indirect sur la santé humaine ou animale (par exemple par l’intermédiaire de l’eau potable ou des aliments destinés à la consommation humaine ou animale) ou sur les eaux souterraines ;

v)      il n’a pas d’influence inacceptable sur l’environnement, compte tenu particulièrement des effets suivants :

–        […]

–        son effet sur les espèces qui ne sont pas visées ;

[…] »

8        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 :

« 1.      Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, une substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans, s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront les conditions suivantes :

a)      leurs résidus consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant ;

b)      leur utilisation consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement, conformément à l’article 4, paragraphe 1, [sous] b), iv) et v). »

9        L’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 prévoit que « [l]’inscription d’une substance active à l’annexe I peut être subordonnée à des exigences telles que [notamment …] des restrictions résultant de l’évaluation des informations visées à l’article 6, compte tenu des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques, considérées, [… et] le mode d’utilisation ».

10      L’article 6 de la directive 91/414 dispose notamment que l’inscription d’une substance active à l’annexe I de ladite directive est décidée selon la procédure prévue à l’article 19 de la même directive. L’article 19 de la directive 91/414, tel que modifié par le règlement (CE) nº 806/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (majorité qualifiée) (JO L 122, p. 1), prévoit que la Commission est assistée par un comité de réglementation, le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (ci-après le « comité permanent »).

11      L’article 8 de la directive 91/414 précise que certaines substances actives font l’objet d’un examen graduel dans le cadre d’un programme de travail de la Commission.

12      L’annexe II de la directive 91/414 expose les conditions à remplir pour introduire le dossier relatif à l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414. Dans l’introduction de cette annexe II, il est indiqué que l’information à fournir doit notamment comprendre un dossier technique contenant, d’une part, les informations nécessaires pour évaluer les risques prévisibles, immédiats ou à plus long terme que la substance peut comporter pour l’homme, les animaux et l’environnement et, d’autre part, les résultats des études dont certaines sont visées ci-après et un rapport complet et impartial des études menées ainsi que leur description complète ou une justification acceptable pour l’autorité compétente lorsque certaines données ou informations particulières ne semblent pas nécessaires ou ne peuvent être fournies.

13      Il découle du point 5.7 de la partie A de l’annexe II de la directive 91/414 que des études de neurotoxicité retardée dont le but est de fournir des données suffisantes pour examiner si la substance active pourrait provoquer une neurotoxicité différée après exposition aiguë doivent être effectuées pour les substances de structure analogue ou apparentée à la structure de celles susceptibles d’induire une neurotoxicité retardée comme les organophosphates.

14      L’annexe VI de la directive 91/414 (ci-après l’« annexe VI ») contient des principes uniformes pour assurer que les États membres appliquent les exigences énoncées à l’article 4, paragraphe 1, sous b) à e), de ladite directive d’une manière uniforme et avec la rigueur voulue par cette même directive en matière de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. En vertu de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 91/414, les principes uniformes ont été initialement arrêtés par la directive 94/43/CE du Conseil, du 27 juillet 1994, établissant l’annexe VI (JO L 227, p. 31). Cette directive a été annulée par l’arrêt de la Cour du 18 juin 1996, Parlement/Conseil (C‑303/94, Rec. p. I‑2943). Le Conseil a, ensuite, adopté la directive 97/57/CE, du 22 septembre 1997, établissant l’annexe VI (JO L 265, p. 87).

15      Le point A 2, sous c), de l’annexe VI énonce :

« Lors de l’évaluation des demandes et l’octroi des autorisations, les États membres […] prennent en considération les autres éléments d’information d’ordre technique ou scientifique dont ils peuvent raisonnablement disposer et qui sont relatifs au rendement du produit phytopharmaceutique ou aux effets nuisibles potentiels du produit phytopharmaceutique, de ses composantes ou de ses résidus. »

16      Aux termes du point C 2.4.1.1 de l’annexe VI, «[i]l n’est pas accordé d’autorisation si le niveau d’exposition de l’opérateur pendant la manipulation et l’application du produit phytopharmaceutique dans les conditions d’utilisation proposées (et notamment le dosage et le mode d’application) dépasse le [niveau acceptable d’exposition de l’opérateur] ».

17      Le point C 2.5.2.1 de l’annexe VI prévoit, notamment, qu’il n’est pas accordé d’autorisation en cas d’exposition potentielle d’oiseaux et d’autres vertébrés terrestres non visés si le ratio toxicité à long terme/exposition est inférieur à 5, à moins qu’une évaluation appropriée du risque n’établisse concrètement l’absence d’impact inacceptable après utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées.

III –  Règlement (CEE) nº 3600/92

18      L’article 4 du règlement (CEE) n° 3600/92 de la Commission, du 11 décembre 1992, établissant les modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 366, p. 10), prévoit, notamment, que tout producteur désireux d’obtenir l’inscription d’une substance active existante à l’annexe I de la directive 91/414 notifie ce souhait à la Commission.

19      Selon l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 3600/92, la Commission établit la liste des substances actives notifiées à examiner et désigne un État membre rapporteur pour l’évaluation de chaque substance active.

20      L’article 6 du règlement n° 3600/92 prévoit, en substance, que les auteurs de la notification prévue à l’article 4 du même règlement doivent transmettre à l’autorité désignée de l’État membre rapporteur pour une substance active déterminée un dossier sommaire et un dossier complet.

21      Il résulte de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 3600/92 que le dossier sommaire comprend notamment une copie de la notification, les conditions d’utilisation recommandées dans le cadre de l’inscription de la substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 et les résumés et résultats d’essais disponibles ainsi que le nom de la personne ou de l’institut qui a effectué ces essais, d’une part, pour chaque point de l’annexe II de la directive 91/414 et, d’autre part, pour chaque point de l’annexe III de cette même directive présentant un intérêt pour l’évaluation des critères visés à l’article 5 de ladite directive, et ce pour une ou plusieurs préparations représentatives des conditions d’utilisation recommandées.

22      L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3600/92 précise encore que lorsque les résumés ou les résultats d’essais ne sont pas disponibles, le dossier comprend soit les éléments scientifiques ou techniques prouvant que ces informations ne sont pas nécessaires pour l’évaluation de la substance active selon les critères visés à l’article 5 de la directive 91/414, conformément aux dispositions introductives des annexes II et III de cette directive, soit un engagement par le ou les producteurs soumettant le dossier, de transmettre ultérieurement les informations manquantes suivant un calendrier détaillé.

23      L’article 6, paragraphe 3, du règlement nº 3600/92 indique que le dossier complet contient les protocoles et les rapports d’études complets relatifs à toutes les informations figurant à l’article 6, paragraphe 2, sous c), du règlement nº 3600/92.

24      L’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3600/92 énonce sous a) que, pour chaque substance active pour laquelle un État membre a été désigné comme État membre rapporteur, ce dernier doit notamment examiner les dossiers visés à l’article 6, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 3600/92. En vertu du point b) de ce même paragraphe, l’État membre rapporteur, immédiatement après l’examen d’un dossier, veille à ce que ses auteurs soumettent un dossier sommaire à jour aux autres États membres et à la Commission.

25      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 3600/92 impose à l’État membre rapporteur de faire parvenir à la Commission un rapport d’évaluation des dossiers visés à l’article 6, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 3600/92, qui recommande soit d’inscrire la substance active à l’annexe I de la directive, en indiquant les conditions de cette inscription, soit de retirer la substance active du marché, soit de retirer provisoirement la substance active du marché, avec la possibilité de réexaminer l’inscription de ladite substance à l’annexe I après communication des résultats d’essais supplémentaires ou d’informations supplémentaires précisés dans le rapport, soit encore de remettre toute décision concernant une inscription éventuelle en attendant la communication des résultats des essais supplémentaires ou des informations précisés dans le rapport.

26      Selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 3600/92, dès le début de son examen, l’État membre rapporteur peut inviter les auteurs de la notification à apporter des améliorations ou des compléments à leurs dossiers. En outre, dès le début de cet examen, l’État membre rapporteur peut consulter des experts d’autres États membres ou demander des informations scientifiques ou techniques supplémentaires à ces derniers, pour faciliter l’évaluation.

27      L’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 3600/92 énonce que, après avoir reçu notamment le rapport de l’État membre rapporteur, la Commission confie au comité permanent la mission d’examiner le dossier et le rapport de l’État membre rapporteur. Cette disposition indique également que, avant de transmettre le dossier et le rapport au comité permanent, la Commission distribue le rapport de l’État membre rapporteur aux autres États membres, pour information.

28      L’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 3600/92 prévoit, en substance, que, après avoir reçu les résultats des essais supplémentaires ou les informations supplémentaires, l’État membre rapporteur doit examiner ces données, veiller à ce que le résumé des essais supplémentaires et les résultats de ces essais ou les informations supplémentaires soient transmis par l’auteur de la notification aux autres États membres ainsi qu’à la Commission et transmettre à la Commission son évaluation de ces informations sous forme d’addendum au rapport d’évaluation. Ce rapport est également soumis au comité permanent.

 Antécédents du litige

I –  Procédure ayant conduit à l’adoption de la directive 2003/112/CE

29      Le paraquat est une substance active. Il entre dans la composition de l’un des trois désherbants les plus utilisés au monde. Il agit comme herbicide non sélectif à large spectre particulièrement actif contre les mauvaises herbes. Il détruit les parties vertes de la plante en desséchant le feuillage. Il n’attaque pas le système radiculaire. L’action abortive et destructrice est localisée à l’endroit de l’application du produit. Il est utilisé sur plus de 50 variétés de cultures dans plus de 120 pays et est commercialisé sous la forme d’herbicide depuis une soixantaine d’années.

30      Cette substance active a fait l’objet d’une interdiction dans treize pays dont la Suède, le Danemark, l’Autriche et la Finlande.

31      Au mois de juillet 1993, plusieurs producteurs de paraquat, parmi lesquels l’entreprise Zeneca aux droits de laquelle est ultérieurement venue l’entreprise Syngenta (ci-après l’« auteur de la notification ») ont, en vertu de l’article 4 du règlement nº 3600/92, notifié à la Commission leur souhait de voir inscrire cette substance active à l’annexe I de la directive 91/414.

32      En vertu du règlement (CE) nº 933/94 de la Commission, du 27 avril 1994, établissant la liste de substances actives des produits phytopharmaceutiques et désignant les États membres rapporteurs pour l’application du règlement nº 3600/92 (JO L 107, p. 8), le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été désigné comme État membre rapporteur pour la substance active paraquat (ci-après l’« EMR »).

33      L’auteur de la notification a transmis à l’EMR un dossier relatif à l’inscription du paraquat et, le 31 octobre 1996, l’EMR a communiqué un rapport d’examen préliminaire à la Commission (ci-après le « rapport préliminaire »). Dans ce rapport préliminaire, l’EMR proposait que la décision sur l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414 soit suspendue jusqu’à la communication d’informations supplémentaires relatives, notamment, aux effets de la substance active sur la reproduction des oiseaux et à la toxicité de la substance active pour les lièvres. Par ailleurs, l’EMR proposait certaines conditions relatives à l’inscription éventuelle du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

34      La Commission a communiqué le rapport préliminaire aux États membres et à l’auteur de la notification afin qu’ils présentent leurs observations.

35      Le rapport préliminaire et le dossier ont également été soumis à l’examen d’un groupe d’experts, l’European Commission Co-ordination (ECCO), créé par la Commission en 1996. Cet examen s’est déroulé sous forme de consultations d’experts techniques de certains États membres, organisées par la Commission entre avril et juillet 1997. L’avis de ces experts a été sollicité sur divers aspects du paraquat. Les points de vue examinés et le résultat des réunions de ce groupe d’experts ont été consignés dans un rapport (ci-après le « rapport d’examen de l’ECCO »). Ce rapport a été communiqué aux États membres et à l’auteur de la notification pour des commentaires et des éclaircissements éventuels.

36      En mai 2000, l’EMR a établi un addendum au rapport préliminaire contenant notamment ses observations concernant l’exposition des utilisateurs, des lièvres et des oiseaux au paraquat.

37      Le dossier, le rapport préliminaire assorti de son addendum, le rapport d’examen de l’ECCO ainsi que les commentaires et éclaircissements reçus ont été transmis au comité permanent pour appréciation. L’examen du comité permanent s’est déroulé de juin 2000 à juillet 2003.

38      La Commission a également choisi de transmettre les documents mentionnés au point précédent au comité scientifique des plantes créé par sa décision 97/579/CE, du 23 juillet 1997, instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire (JO L 237, p. 18, ci-après le « comité scientifique »), en vue, notamment, de recueillir son avis sur les risques pour les opérateurs en prenant particulièrement en compte les expositions sous forme d’inhalation et de contact avec la peau ainsi que sur les risques des utilisations envisagées pour la reproduction des oiseaux et pour les lièvres. Le 20 décembre 2001, le comité scientifique a émis son avis. À la suite de cet avis, l’auteur de la notification a transmis des données complémentaires.

39      En septembre 2002, l’EMR a présenté un rapport contenant ses commentaires sur l’avis du comité scientifique et sur les données complémentaires transmises par l’auteur de la notification (ci-après le « second rapport de l’EMR »).

40      Pendant le processus d’évaluation du paraquat, certains commentaires et conclusions reçus de différents intervenants ont été synthétisés et intégrés dans une table d’évaluation.

41      La procédure d’évaluation du paraquat en vue de son inscription à l’annexe I de la directive a été close lors de la réunion du comité permanent du 3 octobre 2003. Les conclusions de cette réunion figurent dans le rapport d’examen de la Commission.

II –  Directive 2003/112/CE

42      Le 1er décembre 2003, la Commission a adopté la directive 2003/112/CE, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire la substance active paraquat (JO L 321, p. 32, ci-après la « directive attaquée »). Le considérant 4 de la directive attaquée est libellé comme suit :

« Le rapport concernant le paraquat et des informations complémentaires ont […] été soumis au comité scientifique [...] [Ce] comité a été invité à formuler un avis sur […] le risque pour les opérateurs, en considérant en particulier l’exposition potentielle par la peau et par inhalation, […] et sur les risques que les utilisations envisagées pourraient présenter pour la reproduction des oiseaux et les lièvres […] Sur la base des études relatives à l’exposition sur le terrain, corroborées par des informations provenant de la surveillance médicale des opérateurs, le comité a considéré que lorsque le paraquat est utilisé comme produit phytopharmaceutique conformément aux recommandations dans le cadre des bonnes pratiques prescrites, son utilisation ne présente aucun danger important pour la santé des opérateurs […] En outre, le comité scientifique a estimé que les études disponibles indiquent un danger pour les oiseaux nichant au sol, mais que des informations complémentaires correspondant à des expositions réalistes étaient nécessaires pour procéder à une évaluation définitive du risque. Cette information a ensuite été communiquée, et l’évaluation réalisée au sein du comité permanent […] a conclu que dans plusieurs situations l’exposition pour les oiseaux nichant au sol était négligeable. Cependant, il y a également des scénarios dans lesquels il peut y avoir une exposition. L’évaluation effectuée au sein du comité permanent […] a conclu que le risque serait acceptable, à condition que des mesures appropriées visant à atténuer les risques soient appliquées. Finalement, le comité scientifique a considéré que le paraquat pouvait provoquer des effets létaux et sublétaux pour les lièvres, mais que les données disponibles étaient inappropriées pour estimer la proportion de lièvres concernés. Les observations du comité scientifique ont été prises en considération pour la rédaction de la présente directive et du rapport d’examen. L’évaluation effectuée au sein du comité permanent […] a conclu que le risque serait acceptable, à condition que des mesures appropriées visant à atténuer les risques soient appliquées. »

43      Le considérant 5 de la directive attaquée est rédigé en ces termes :

« Les différents examens effectués ont montré que certaines utilisations des produits phytopharmaceutiques contenant du paraquat pouvaient satisfaire, en règle générale, aux exigences énoncées à l’article 5, paragraphe 1, [sous] a) et b), de la directive 91/414, à condition que des mesures appropriées visant à atténuer les risques et des restrictions soient appliquées. Il convient donc d’inscrire le paraquat à l’annexe I, afin de garantir que dans tous les États membres les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active pourront être accordées conformément aux dispositions de la directive. Toutefois, certaines utilisations de produits phytopharmaceutiques contenant du paraquat peuvent présenter un risque inacceptable et ne peuvent donc pas être autorisées. En outre, il est jugé approprié de veiller à ce que les États membres imposent, à l’auteur de la notification et à tout autre détenteur d’une autorisation pour le paraquat, l’établissement d’un programme de gestion, en particulier pour la sécurité des opérateurs, et la communication chaque année à la Commission des incidences sur la santé des opérateurs ainsi que les effets éventuels pour les lièvres. Ceci devra permettre de vérifier si les mesures visant à atténuer les risques imposées par les États membres limitent véritablement les risques possibles pour les opérateurs et les lièvres à un niveau acceptable et, le cas échéant, de procéder à une réévaluation, en conformité avec les progrès scientifiques, des propriétés et des risques connexes potentiels pour l’homme et pour l’environnement. »

44      Aux termes de l’article 1er de la directive attaquée, « [l]’annexe I de la directive 91/414 est modifiée conformément à l’annexe de la présente directive ». Outre l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414, l’annexe de la directive attaquée énonce, sous le libellé « Dispositions spécifiques » :

« Seules les utilisations comme herbicide peuvent être autorisées.

Les utilisations suivantes ne peuvent pas être autorisées :

–        applications avec des pulvérisateurs à dos et des appareils tenus à la main dans les jardins amateurs, réalisées par des amateurs ou des utilisateurs professionnels,

–        applications avec des pulvérisateurs pneumatiques, à jet porté et à jet projeté latéralement,

–        applications à volume ultrafaible.

Pour la mise en oeuvre des principes uniformes prévus à l’annexe VI, il sera tenu compte des conclusions du rapport d’examen [de la Commission] sur le paraquat et, notamment, de ses annexes I et II, telles que mises au point par le comité permanent […] le 3 octobre 2003. Dans le cadre de cette évaluation générale, les États membres doivent accorder une attention particulière à la protection :

–        des opérateurs, notamment pour les applications avec des pulvérisateurs à dos et des appareils tenus à la main,

–        des oiseaux nichant au sol[ ; l]orsque les scénarios d’utilisation indiquent un potentiel d’exposition pour les oeufs, une évaluation des risques doit être faite et, le cas échéant, des mesures visant à atténuer les risques doivent être mises en œuvre,

[...]

–        des lièvres[ ; l]orsque les scénarios d’utilisation indiquent une exposition potentielle des lièvres, une évaluation des risques doit être opérée et, le cas échéant, des mesures visant à atténuer les risques doivent être mises en œuvre.

Les États membres veilleront à ce que les détenteurs d’autorisations communiquent, au plus tard le 31 mars de chaque année jusqu’en 2008, quelles sont les incidences sur la santé des opérateurs et les effets éventuels pour les lièvres dans une ou plusieurs zones d’utilisation représentatives ; ces informations seront complétées par des données sur les ventes et une enquête sur les types d’utilisations, afin d’avoir une image réaliste de l’impact toxicologique et écologique du paraquat.

Les États membres doivent s’assurer que les concentrés techniques contiennent un émétique efficace. Les formulations liquides doivent contenir un émétique efficace, des colorants bleus/verts et des agents malodorants ou tout autre agent olfactif d’alerte. D’autres agents de sécurité comme des épaississants peuvent également être inclus.

Dans ce cadre, ils tiennent compte des spécifications de la FAO. »

 Procédure

45      Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 février 2004, le Royaume de Suède a introduit le présent recours. Ce recours a été enregistré au greffe de la Cour sous le numéro C‑102/04.

46      Par décision de la Cour du 8 juin 2004, l’affaire a été renvoyée devant le Tribunal en application de la décision 2004/407/CE, Euratom, du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5). L’affaire a alors été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro T‑229/04.

47      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 17 juin 2004, le Royaume de Danemark et la République de Finlande ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Royaume de Suède. La même demande a été formulée par la République d’Autriche, par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2004. Par ordonnance du 15 décembre 2004, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les parties intervenantes ont déposé leurs mémoires et les autres parties ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

48      En application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal et sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues, conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant la deuxième chambre élargie.

49      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

50      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal, à la suite d’une demande en ce sens du Royaume de Suède, a invité la Commission à produire un document que celle-ci a dénommé « étude française » et a également posé, par écrit, des questions aux parties, en les invitant à répondre à certaines de ces questions, par écrit, avant l’audience. La Commission a déféré à la demande de production de l’étude française. Les parties ont présenté leurs réponses écrites aux questions dans les délais impartis.

51      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 octobre 2006.

 Conclusions des parties

52      Le Royaume de Suède, soutenu par le Royaume de Danemark, la République d’Autriche et la République de Finlande, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         annuler la directive attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume de Suède ainsi que le Royaume de Danemark, la République d’Autriche et la République de Finlande aux dépens.

 En droit

54      À l’appui de son recours, le Royaume de Suède, soutenu par les parties intervenantes, invoque deux groupes de moyens. Les moyens du premier groupe, d’ordre procédural, sont tirés de la violation de l’article 7 du règlement nº 3600/92, de l’article 5 de la directive 91/414 et de l’article 174, paragraphe 3, CE. Les moyens du second groupe sont tirés de la violation de l’article 5 de la directive 91/414, du principe de l’exigence d’intégration, de l’exigence du niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine et du principe de précaution.

55      La Commission conteste le bien-fondé de chacun de ces groupes de moyens.

56      Par ailleurs, les parties ont également fait valoir des considérations sur le dossier scientifique relatif au paraquat dont le Royaume de Suède a indiqué à l’audience, sans être contredit sur ce point par la Commission, qu’elles servaient de fondement factuel aux moyens et arguments explicitement invoqués dans les écritures.

I –  Sur l’état du dossier scientifique relatif au paraquat

A –   Généralités

57      Le Royaume de Suède fait valoir que le paraquat est la substance la plus dangereuse pour la santé – en terme de toxicité aiguë – qui ait jamais été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414, les lésions provoquées par cette substance étant irréversibles. À cet égard, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquerait que lorsque le paraquat est introduit dans le corps, ou s’il est répandu sous forme concentrée sur la peau, il produit, après un certain laps de temps, des effets graves, voire mortels.

58      Le Royaume de Suède précise que l’ingestion de 2 centilitres de paraquat concentré est fatale. Une étude relative aux décès en raison d’un empoisonnement aux pesticides en Angleterre et au pays de Galles entre 1980 et 1991 (ci-après l’« étude Thompson ») indiquerait que des accidents mortels se sont produits durant cette période malgré les mesures de réduction des risques prises par l’auteur de la notification à partir des années 80. Ces mesures laisseraient donc subsister un risque inacceptable d’exposition à la substance pouvant aboutir à des lésions irréversibles ou au décès de la victime.

59      S’agissant des risques liés à l’inhalation de la substance, le Royaume de Suède soutient que l’étude réalisée à l’aide de méthodes de mesurage très précises a démontré qu’une utilisation normale de longue durée du paraquat pouvait affecter la capacité d’absorption d’oxygène (ci-après l’« étude Dalvie »).

60      Le Royaume de Suède ajoute que des intoxications mortelles par voie d’exposition cutanée ont été constatées. Ainsi, une étude indiquerait qu’un utilisateur peut subir une exposition mortelle après trois heures et demie de pulvérisation avec un appareil non étanche (ci-après l’« étude Wesseling »). À cet égard, la République de Finlande expose le cas d’un opérateur dont le pantalon a été taché par du paraquat lors d’une opération de transvasement et qui aurait attendu 48 heures pour laver la tache en question. Dix jours après l’incident son activité pulmonaire aurait cessé et il serait décédé le quinzième jour suivant cet incident. L’étude Wesseling indiquerait également qu’il existe des corrélations entre l’utilisation prolongée de paraquat et le cancer de la peau.

61      La Commission rétorque que, loin de constituer la substance la plus nocive qui ait été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414, le paraquat est considéré comme une substance modérément toxique par l’OMS.

62      S’agissant des risques liés à l’ingestion de la substance, il ressortirait des données relatives aux cas d’ingestion au Royaume-Uni entre 1980 et 1991 qui figurent dans le rapport préliminaire et auxquelles se réfère le Royaume de Suède, que le nombre d’ingestions non intentionnelles et de décès a constamment diminué et que, à l’exception de deux cas douteux en 1987, aucun décès n’a été enregistré au Royaume-Uni après 1983, bien que les volumes de vente de produits contenant du paraquat aient connu une progression constante. Elle ajoute que l’étude Thompson se borne à indiquer que 33 décès sur un nombre de 3 978 ont été provoqués par des pesticides contenant du paraquat et qu’une majorité de ces cas étaient des cas de suicide.

63      Quant aux conséquences de l’inhalation du paraquat, la Commission relève que des tests pulmonaires usuels ont permis de démontrer la production d’effets non pas sur la fonction respiratoire en cas d’utilisation prolongée de paraquat, mais bien sur la capacité de consommation d’oxygène. Elle ajoute qu’il ressort de l’étude Dalvie que les effets sur les voies respiratoires d’une exposition durable à des faibles doses de paraquat n’ont pas encore été totalement démontrés et que cette étude n’a pas permis d’établir un lien entre une exposition de longue durée au paraquat et les symptômes signalés.

64      Enfin, s’agissant des conséquences d’une exposition cutanée au paraquat, la Commission soutient que l’étude Wesseling précise que le paraquat est l’un des pesticides les plus utilisés dans le monde, qu’il est utilisé sans restriction dans la plupart des pays et qu’il est considéré comme sûr par la majorité des autorités de contrôle. Cette étude rendrait compte d’un accident fatal dans lequel le sac à dos contenant le paraquat n’était pas étanche. À ce dernier égard, la Commission fait valoir que dans la Communauté, il est obligatoire de porter des équipements de protection lors de l’application de produits phytopharmaceutiques contenant du paraquat. L’étude Wesseling ne serait donc pas pertinente en l’espèce, car elle se rapporterait à une situation atypique. Cette étude n’indiquerait pas non plus que l’utilisation de paraquat pendant une longue durée ait un lien avec le cancer de la peau. De surcroît, l’OMS ne considérerait pas le paraquat comme une substance cancérogène.

B –  Sur le lien entre l’exposition au paraquat et la maladie de Parkinson

65      Le Royaume de Suède fait valoir qu’il existe, dans la littérature concernant la neurotoxicité du paraquat, des indices d’un rapport entre l’utilisation de la substance et l’apparition de la maladie de Parkinson, une maladie neurodégénérative chez les humains, même si l’existence d’un lien certain entre l’utilisation du paraquat et cette maladie n’a pas été démontrée. Ainsi, une étude de 2002 réalisée sur des souris indiquerait que le paraquat peut provoquer des lésions du système nerveux considérées comme caractéristiques de la maladie de Parkinson (ci-après l’« étude McCormack »). Par ailleurs, une étude menée dans les années 90 rendrait compte de l’importance du rapport entre l’exposition au paraquat et l’apparition de la maladie de Parkinson (ci-après l’ « étude Hertzman »).

66      La Commission soutient, en substance, qu’un lien éventuel entre le paraquat et la maladie de Parkinson n’a jamais été démontré. Ainsi, l’étude Hertzman constituerait une analyse rétrospective ayant recherché des facteurs de risques liés à l’environnement dans le cas de la maladie de Parkinson et indiquerait que le risque s’accroît pour les personnes qui ont travaillé dans des cultures fruitières ou dans des usines de rabotage.

67      L’étude McCormak concernerait des souris nouveau-nées, élevées en vue d’être sensibles à la maladie de Parkinson, auxquelles une dose massive de paraquat était injectée. Cette étude ne serait pas pertinente, sur le plan toxicologique, pour la santé humaine, car elle ne refléterait pas une exposition réaliste, même dans la perspective du scénario d’utilisation le plus défavorable. À ce dernier égard, la Commission soutient que les doses injectées étaient mille fois supérieures à la dose journalière moyenne et deux mille fois supérieure au niveau acceptable d’exposition de l’opérateur (ci-après le « NAEO »). Cette étude concernerait davantage l’évaluation du danger que peut présenter le paraquat que l’évaluation des risques, conçue comme l’appréciation des risques auxquels est exposé un utilisateur en cas d’utilisation dans des conditions réalistes.

68      Par ailleurs, un examen de la littérature existante montrerait qu’il n’y a pas de lien entre l’utilisation de paraquat et la maladie de Parkinson. À cet égard, la Commission se réfère notamment à un examen de la littérature scientifique effectuée en 2001 pour l’Advisory Committee on Pesticides (comité consultatif du Royaume-Uni sur les pesticides) (ci-après l’ « examen Dewhurst »). Cela ressortirait également d’études épidémiologiques, mentionnées dans un mémoire établi par l’auteur de la notification qui aurait circulé lors de la réunion du comité permanent de juillet 2003.

C –  Sur les modélisations mathématiques et les études de terrain relatives au risque engendré par l’utilisation du paraquat pour les opérateurs

69      Le Royaume de Suède soutient que les modélisations mathématiques et les études de terrain relatives à l’utilisation du paraquat attestent que cette utilisation est source de risques.

70      S’agissant, premièrement, des modélisations, il soutient qu’elles indiquent sans ambiguïté que l’exposition des utilisateurs au paraquat dépasse le NAEO. À cet égard, il précise que selon les deux modélisations utilisées pour calculer l’exposition des utilisateurs professionnels du paraquat, tenant compte de l’existence ou de l’absence d’équipement personnel de protection ainsi que des différentes méthodes d’utilisation de la substance (pulvérisateur à dos ou fixé sur un tracteur), l’exposition de ces utilisateurs dépasse le seuil fixé de 4 à 100 fois. Les valeurs calculées seraient de 20 à 100 fois supérieures au NAEO en cas d’utilisation de pulvérisateurs à dos par des travailleurs ne portant pas de vêtements de protection alors que, en cas d’utilisation de gants lors de la manipulation et de la pulvérisation de la substance, les valeurs seraient approximativement 60 fois supérieures au NAEO. Enfin, même avec l’utilisation de gants, de protections respiratoires, de combinaisons, de chapeaux à larges bords et de chaussures solides, le niveau d’exposition serait supérieur au NAEO.

71      S’agissant, deuxièmement, des études de terrain, le Royaume de Suède fait valoir qu’elles indiquent l’existence d’expositions supérieures au NAEO.

72      Ainsi une étude effectuée au Sri Lanka, dans laquelle les utilisateurs ne portaient pas d’équipement de protection, montrerait, selon des méthodes d’analyse rudimentaires, que les quantités absorbées par la peau étaient de 8 à 18 fois supérieures au NAEO. L’évaluation correspondante fondée sur une analyse d’urine montrerait des niveaux d’exposition de 2 à 8 fois supérieurs au NAEO.

73      Une étude effectuée en 1996 au Guatemala sur 20 personnes ayant utilisé un équipement de protection indiquerait qu’un des utilisateurs aurait subi un niveau d’exposition équivalant à 118 % du NAEO malgré le port de son équipement de protection (ci-après l’« étude guatémaltèque »). Par ailleurs, y serait mentionné le fait qu’un autre utilisateur également revêtu de son équipement de protection aurait subi un niveau d’exposition équivalant à 92,8 % du seuil alors même que, selon les termes de l’étude, cet utilisateur aurait appliqué le produit avec prudence.

74      L’étude guatémaltèque serait pertinente dès lors que la méthode de pulvérisation utilisée est applicable en Europe. À cet égard, le Royaume de Suède fait valoir que même si le niveau élevé d’exposition révélé par cette étude résulte de ce que l’utilisateur concerné a pulvérisé le produit en cause sur un terrain en pente, un tel cas de figure pourrait se présenter en Europe dès lors que le paraquat y est utilisé notamment dans les vignobles et les oliveraies dont environ 2,5 millions d’hectares seraient situés sur des terrains en pente.

75      Une étude effectuée en 1997 dans une plantation d’agrumes située en Espagne et qui portait sur 20 utilisateurs munis d’équipements de protection montrerait que l’exposition moyenne atteignait 15 % du seuil, que le 75e percentile correspondait à 48 % du seuil, que la dose la plus élevée dont l’absorption ait été mesurée correspondait à 81 % du seuil et que 4 utilisateurs présentaient un niveau d’exposition supérieur à 50 % du seuil (ci-après l’« étude espagnole »).

76      Une étude française invoquée par la Commission dans le cadre de la procédure devant le Tribunal montrerait un niveau d’exposition inacceptable. Ainsi, d’après le compte rendu de la réunion du groupe de travail du comité permanent de décembre 2002, cette étude parviendrait à la conclusion que l’utilisation d’outils à main peut rendre inacceptable le niveau d’exposition des opérateurs. Il ressortirait également dudit compte rendu que l’étude française recommande d’interdire l’utilisation du paraquat dans les jardins des particuliers et d’assurer un suivi des utilisateurs.

77      S’agissant, enfin, des informations soumises par la République italienne et la République portugaise, invoquées par la Commission dans ses écritures devant le Tribunal, selon lesquelles les risques associés au paraquat auraient été correctement gérés dans ces États membres, le Royaume de Suède fait valoir que ces informations ne sont étayées par aucune preuve scientifique et reposeraient uniquement sur l’expérience propre de ces États membres.

78      La Commission soutient, premièrement, que les modélisations mathématiques d’exposition doivent être suivies d’études de terrain lorsque, comme en l’espèce, elles indiquent l’existence de problèmes. Elle ajoute que, comme l’aurait relevé le comité scientifique dans son avis, les études de terrain ont démontré que les modèles théoriques ont surestimé l’exposition réelle en situation de travail.

79      S’agissant des études réalisées au Sri Lanka, en Espagne et au Guatemala, la Commission soutient qu’elles ont été commentées par l’EMR dans l’addendum au rapport préliminaire et qu’il ressort de ce commentaire que le NAEO n’est pas dépassé si les conditions d’utilisation envisagées pour le paraquat sont respectées.

80      Elle ajoute que l’étude française parvient à la conclusion que le niveau d’exposition peut être rendu acceptable en utilisant des outils pour tracteurs, tandis que l’utilisation d’outils à main peut la rendre inacceptable et que ladite étude recommande d’interdire l’utilisation dans les jardins des particuliers et d’assurer un suivi des utilisateurs. Elle fait également valoir que les données communiquées par la République italienne et la République portugaise indiquent que les risques liés à l’utilisation du paraquat ont pu y être adéquatement gérés.

D –  Sur les effets du paraquat sur la santé animale

81      Il est constant entre les parties que des études de terrain indiquent que le paraquat peut être considéré comme nocif et mortel pour les lièvres. Il est également constant qu’une exposition des œufs au paraquat peut constituer un danger pour les embryons d’oiseaux.

II –  Sur le groupe de moyens tirés d’un traitement du dossier en violation de l’article 7 du règlement nº 3600/92, de l’article 5 de la directive 91/414 et de l’article 174, paragraphe 3, CE

A –  Arguments des parties

82      Le Royaume de Suède soutient que le traitement de la demande d’inscription du paraquat est entaché de plusieurs défaillances graves en violation des procédures prévues par le règlement nº 3600/92, par la directive 91/414 et par l’article 174, paragraphe 3, CE.

83      En premier lieu, le traitement de la demande d’inscription du paraquat violerait les procédures prévues par ces dispositions en ce qui concerne l’examen de la question du lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson.

84      Au soutien de cette prétention, le Royaume de Suède allègue, premièrement, que la question d’un lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson n’a jamais été évoquée, que ce soit par l’auteur de la notification, l’EMR ou la Commission, en vue de l’évaluation des risques, alors qu’il existe dans la littérature scientifique, et plus particulièrement dans les études Hertzman et McCormack, des indices selon lesquels le paraquat affecte le système nerveux.

85      S’agissant de l’étude McCormack, le Royaume de Suède soutient plus particulièrement qu’elle contient des informations essentielles sur la capacité du paraquat à endommager, voire à détruire des cellules nerveuses du cerveau (plus particulièrement les neurones dopaminergiques situés dans la pars compacta de la substance noire) et que les lésions touchant ces cellules nerveuses sont généralement reconnues comme la cause première de la maladie de Parkinson chez les humains.

86      Le Royaume de Suède fait valoir, deuxièmement, que pour pouvoir considérer que la documentation concernant le rapport entre l’utilisation du paraquat et la maladie de Parkinson a été prise en compte et examinée, il aurait fallu, tout d’abord, que le procès-verbal de la réunion du comité permanent y fasse référence. Or, bien que certaines informations, et notamment les études Hertzman et McCormack, aient été diffusées et discutées lors de la réunion du groupe de travail du comité permanent de juillet 2003, les discussions à ce propos n’auraient pas été relatées dans le procès-verbal de cette réunion. Ensuite, la documentation concernant le rapport entre l’utilisation du paraquat et la maladie de Parkinson aurait dû faire l’objet d’une appréciation écrite par l’EMR, ce qui n’aurait pas été le cas. Enfin, il aurait fallu que l’EMR donne aux autres États membres l’occasion de commenter son appréciation, ce qui aurait fait défaut en l’espèce.

87      Le Royaume de Suède soutient, troisièmement, que les articles relatifs à l’absence de lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson, auxquels la Commission se réfère dans ses écritures devant le Tribunal, n’étaient pas disponibles au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption de la directive attaquée dès lors que, contrairement à d’autres documents dont il a été tenu compte pour apprécier la substance active en cause, ces articles n’étaient pas accessibles sur le site interne de la Commission « Communication & Information Resource Center Administrator (CIRCA) ». En particulier, le contenu de ces articles n’aurait pas été évoqué ou discuté au cours du traitement de la demande d’inscription du paraquat. À ce dernier égard, les écritures de la Commission devant le Tribunal ne permettraient pas de saisir clairement le contexte dans lequel cette institution aurait effectué l’analyse et l’appréciation des documents auxquels elle se réfère.

88      Quatrièmement, le Royaume de Suède soutient que la question du lien entre l’utilisation du paraquat et la maladie de Parkinson présentait un caractère complexe. Partant, un examen adéquat de la question de l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414 aurait également nécessité la consultation préalable du comité scientifique. En négligeant de consulter ce comité, la Commission aurait commis une faute manifeste dans le traitement du dossier, contraire à l’article 174, paragraphe 3, CE, à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, au point A 2, sous a), de l’annexe VI, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3600/92.

89      En second lieu, le Royaume de Suède soutient que la Commission a méconnu les procédures prévues par le règlement nº 3600/92, s’agissant de l’examen de l’étude française ainsi que des données communiquées par la République italienne et la République portugaise.

90      À cet égard, le Royaume de Suède prétend, tout d’abord, que ce n’est qu’à la lecture du mémoire en défense qu’il a pris connaissance de l’importance qu’ont eu ces études et données dans l’appréciation de la Commission.

91      Le Royaume de Suède fait valoir, ensuite, que l’information selon laquelle les risques associés à l’utilisation du paraquat auraient été gérés correctement au Portugal et en Italie a été communiquée oralement lors de deux réunions du groupe de travail du comité permanent, sans aucune référence à une étude ou à un rapport scientifique quelconque. Or, pour que des données puissent être prises en compte dans une évaluation de risques, elles devraient faire l’objet d’un dossier scientifique écrit susceptible d’être discuté.

92      Le Royaume de Suède expose, en outre, que l’étude française a été présentée oralement et sommairement lors d’une réunion du groupe de travail du comité permanent en décembre 2002 et qu’elle n’a pas été mise à la disposition des États membres. Par ailleurs, l’EMR n’aurait pas indiqué si cette étude avait fait l’objet d’un quelconque examen. Dans la mesure où l’étude aurait été prise en compte, il aurait fallu que l’EMR veille, conformément aux dispositions du règlement nº 3600/92, à ce que les autres États membres puissent en prendre connaissance avant toute prise de décision.

93      Le Royaume de Suède soutient, enfin, que l’étude française aurait dû être disponible sous une forme écrite et aurait dû donner lieu, en conformité avec les dispositions du règlement nº 3600/92, à un débat et à une évaluation commune avant de conclure que les risques étaient acceptables dans le cadre d’une utilisation particulière. En outre, puisque l’étude française faisait état de risques inacceptables dans le cadre de certaines utilisations du paraquat, elle aurait dû être envoyée au comité scientifique pour avis.

94      La République de Finlande ajoute, en substance, que ni le comité scientifique ni le comité permanent ne disposaient d’études concernant les effets du paraquat sur les organismes aquatiques.

95      La Commission soutient, tout d’abord, que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3600/92, c’est l’EMR qui doit examiner toute information disponible. Certes, ce serait à la Commission qu’incomberait la responsabilité de la coordination du traitement du dossier, de l’évaluation finale et de l’adoption de la décision au niveau communautaire. Toutefois, les États membres auraient une influence significative sur la gestion du dossier.

96      S’agissant de l’éventuel rapport entre le paraquat et la maladie de Parkinson, elle soutient que toutes les informations auxquelles se réfère le Royaume de Suède, de même que d’autres informations, ont été prises en considération tant par elle que par l’EMR. À cet égard, elle fait plus particulièrement valoir que le Royaume de Suède admet lui-même que certaines informations sur le lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson ont été diffusées et discutées lors de la réunion du comité permanent en juillet 2003. Ainsi, les études Hertzman et McCormack seraient citées dans le bulletin de l’organisation Pestizid Aktions-Netzwek eV (PAN) qui aurait été disponible lors de la réunion du comité permanent de juillet 2003.

97      La Commission fait encore valoir que, comme cela ressort d’un courriel daté du 23 mai 2003 émanant d’une autorité compétente de l’EMR et adressé à la Commission, l’EMR a évalué la pertinence des documents qui citaient le paraquat en rapport avec la maladie de Parkinson et est parvenu à la conclusion qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour en tenir compte lors de l’examen de la question de savoir si le paraquat pouvait être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414. Par ailleurs, la Commission a fait valoir à l’audience que l’évaluation à laquelle a procédé l’EMR était fondée sur l’examen Dewhurst.

98      Elle ajoute qu’il n’existe aucune obligation selon laquelle le rapport d’examen de la Commission doit contenir toutes les informations ou tous les documents ayant fait l’objet d’une discussion pendant l’évaluation, la Commission n’étant pas tenue de discuter tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative.

99      S’agissant de l’étude française et des informations transmises par la République italienne et la République portugaise, la Commission fait valoir, à titre principal, que les griefs tirés de l’irrégularité de la procédure quant à l’examen de cette étude et de ces informations sont tardifs au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, étant donné qu’ils n’ont été soulevés qu’au stade de la réplique. Or, les circonstances invoquées dans la réplique auraient été connues du Royaume de Suède pendant la phase d’instruction du dossier et auraient donc pu être invoquées dans la requête.

100    À titre subsidiaire, elle conteste avoir violé les formes substantielles s’agissant du traitement de l’étude française et des informations fournies par la République italienne et par la République portugaise. À cet égard, elle réitère, tout d’abord, l’argument selon lequel l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 3600/92 s’adresse à l’EMR et non à elle. Elle soutient, ensuite, que cette même disposition ne prévoit aucune exigence selon laquelle tout dossier d’évaluation doit être un dossier scientifique écrit et reposer sur une documentation écrite. Ensuite, la Commission ne serait pas soumise à l’obligation générale de consulter le comité scientifique, et ce d’autant moins que, en l’espèce, les renseignements communiqués par les États membres n’étaient pas d’une complexité technique telle qu’il y ait eu un motif particulier de consulter le comité scientifique. Enfin, les informations communiquées par la République italienne et par la République portugaise, de même que l’étude française, auraient confirmé les conclusions de l’EMR, du comité permanent et du comité scientifique, de sorte que la Commission n’aurait eu aucune raison particulière de consulter à nouveau le comité scientifique.

101    S’agissant, enfin, de l’argument avancé par la République de Finlande selon lequel ni le comité scientifique ni le comité permanent ne disposaient d’études concernant les effets du paraquat sur les organismes aquatiques, la Commission soutient, en substance, que les études exigées par la directive 91/414 ont été prises en compte et analysées et que si un État membre estimait que certaines informations importantes devaient être incluses dans le dossier d’évaluation, il aurait dû le signaler dans le cadre de la procédure d’évaluation, ce que la République de Finlande n’aurait pas fait.

B –  Appréciation du Tribunal

102    Il convient d’examiner, en premier lieu, le grief tiré de la prétendue défaillance dans le traitement du dossier sur la question d’un éventuel lien entre l’exposition au paraquat et la maladie de Parkinson.

103    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le rapport d’examen de la Commission expose qu’il n’y a pas d’indication de neurotoxicité du paraquat.

104    Dans le cadre de l’examen du présent moyen, il suffit d’analyser si la procédure qui a conduit la Commission à une telle affirmation est conforme aux exigences procédurales posées par les dispositions dont la violation est alléguée par le Royaume de Suède.

105    À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement nº 3600/92 que l’EMR doit examiner le dossier visé à l’article 6, paragraphe 2, de ce même règlement et transmettre un rapport sur ledit dossier à la Commission. L’article 6 du règlement nº 3600/92 précise que l’auteur de la notification est tenu de transmettre à l’autorité compétente de l’EMR un dossier sommaire qui comprend, pour chaque point de l’annexe II de la directive 91/414, les résumés et les résultats d’essais disponibles, ou, à défaut, un exposé des raisons pour lesquelles ces informations ne sont pas nécessaires pour évaluer une substance selon les critères de l’article 5 de la directive 91/414, ou encore un engagement de transmettre ultérieurement les informations manquantes. L’annexe II de la directive 91/414 comprend un point 5.7 qui prévoit que des études de neurotoxicité retardée doivent être effectuées pour les substances de structure analogue ou apparentée à la structure de celles susceptibles d’induire une neurotoxicité retardée comme les organophosphates.

106    En l’espèce, il convient de relever, avec le Royaume de Suède, que la question du rapport entre le paraquat et la maladie de Parkinson n’a jamais été évoquée par l’auteur de la notification. Par ailleurs, il ressort du rapport préliminaire que l’auteur de la notification n’a fourni à l’EMR aucune donnée s’agissant de la neurotoxicité du paraquat ni aucune raison pour laquelle il n’y avait pas lieu de fournir des informations sur ce point. En outre, alors que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 3600/92, l’EMR aurait pu inviter l’auteur de la notification à apporter des améliorations ou des compléments à son dossier, il n’a pas été fait usage de cette possibilité. En effet, dans son rapport préliminaire, l’EMR indique explicitement que les informations fournies par l’auteur de la notification s’agissant des aspects toxicologiques du paraquat sont suffisantes pour procéder à l’inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414.

107    Certes, la Commission soutient, dans le cadre de la présente procédure, que l’EMR a effectivement évalué, sur la base de l’examen Dewhurst, la pertinence des documents citant le paraquat en rapport avec la maladie de Parkinson et qu’il a conclu qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour tenir compte de ces documents lors de l’examen de la question de savoir si le paraquat pouvait être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414 (voir point 97 ci-dessus).

108    Toutefois, même à admettre que cette évaluation ait effectivement eu lieu, comme tend à l’indiquer le courriel daté du 23 mai 2003 auquel se réfère la Commission ainsi que l’examen Dewhurst qui figure au dossier de la présente procédure, il y a lieu de constater que cette évaluation ne répond pas aux exigences prévues par l’article 7 du règlement nº 3600/92. En effet, comme le fait valoir le Royaume de Suède (voir point 65 ci-dessus) sans être contredit sur ce point par la Commission, les indices d’un rapport entre l’utilisation du paraquat et l’apparition de la maladie de Parkinson figurent dans la littérature concernant la neurotoxicité du paraquat. Partant, si l’EMR a procédé à l’évaluation de la littérature relative à l’éventuel lien entre la maladie de Parkinson et le paraquat, cette évaluation s’est inscrite dans le cadre de l’examen de la neurotoxicité du paraquat. L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 3600/92 commande que l’évaluation d’une substance active à laquelle l’EMR procède débouche sur un rapport à la Commission, lequel, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement doit être transmis au comité permanent et aux autres États membres pour information.

109    Or, en l’espèce, comme le fait valoir en substance le Royaume de Suède (voir point 86 ci-dessus), sans être contredit sur ce point par la Commission, les rapports de l’EMR ne contenaient aucune évaluation de la littérature relative aux éventuels liens entre le paraquat et la maladie de Parkinson. Par ailleurs, la Commission n’établit ni même n’allègue qu’une telle évaluation ait été communiquée au comité permanent. 

110    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l’affirmation contenue dans le rapport d’examen de la Commission selon laquelle il n’y a pas d’indication de neurotoxicité du paraquat procède d’un traitement du dossier qui ne satisfait pas aux exigences procédurales posées par l’article 7 du règlement nº 3600/92. Il convient donc d’accueillir le grief tiré de l’irrégularité de la procédure s’agissant de l’examen d’un éventuel lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres arguments avancés dans le cadre de ce grief.

111    Il convient, en second lieu, d’examiner les griefs tirés de l’irrégularité de la procédure quant à l’examen de l’étude française et des données transmises par la République italienne et la République portugaise.

112    À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission s’agissant de ces griefs.

113    Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

114    Comme le relève la Commission (voir point 99 ci-dessus), en soutenant dans sa réplique que les données soumises par la République italienne et par la République portugaise ainsi que l’étude française auraient dû être disponibles sous forme écrite et être transmises au comité scientifique, le Royaume de Suède fait valoir des moyens qui ne figurent pas dans la requête et qui, partant, sont nouveaux au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

115    Par ailleurs, il est constant que les renseignements fournis par la République italienne et par la République portugaise ont été communiqués oralement lors de réunions du groupe de travail du comité permanent et que l’étude française a fait l’objet d’une mention dans les comptes rendus de réunions de ce même groupe de travail de décembre 2002 et de février 2003. L’existence de ces renseignements et de cette étude n’est donc pas un élément qui s’est révélé pendant la procédure devant le Tribunal.

116    Toutefois, il convient de souligner que le Royaume de Suède fait valoir les moyens nouveaux mentionnés au point 114 ci-dessus, dans la seule mesure où la Commission allègue, dans son mémoire en défense, que les renseignements fournis par la République italienne et par la République portugaise, ainsi que l’étude française, ont revêtu une certaine importance pour admettre l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

117    Or, il y a lieu de considérer que les circonstances dans lesquelles les renseignements et l’étude en question ont été pris en compte n’indiquaient en rien l’importance que ces éléments revêtaient pour la Commission aux fins de l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414. En effet, comme le relève le Royaume de Suède (voir point 77 ci-dessus), sans être contredit par la Commission sur ce point, les renseignements fournis par la République italienne et la République portugaise consistaient en la simple affirmation que, selon l’expérience de chacun de ces deux États membres, les risques associés au paraquat pouvaient être gérés correctement, sans que ne soit produit aucune étude ou document écrit apte à étayer ces affirmations. Par ailleurs, il est constant que l’étude française a uniquement fait l’objet d’une présentation orale et sommaire au comité permanent et qu’elle n’a pas été mise à la disposition des représentants des États membres au comité permanent. À la lumière de ces circonstances, il convient de considérer que la prétendue importance des renseignements et de l’étude en cause pour admettre l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414 constitue un élément de fait qui ne s’est révélé que pendant la procédure devant le Tribunal. Par conséquent, les griefs avancés à l’encontre du traitement de l’étude française et des renseignements fournis par la République italienne et par la République portugaise doivent être considérés comme recevables en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

118    S’agissant du bien-fondé de ces griefs, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, les griefs avancés à l’encontre du traitement de l’étude française.

119    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que la Commission invoque l’étude française comme élément important de l’évaluation du paraquat et met en exergue que cette étude parvient à la conclusion que le niveau d’exposition des opérateurs au paraquat peut être rendu acceptable en utilisant des outils pour tracteurs, tandis que l’utilisation d’outils à main peut la rendre inacceptable et que ladite étude recommande d’interdire l’utilisation dans les jardins des particuliers et d’assurer un suivi des utilisateurs.

120    Il convient de relever, ensuite, que les parties s’accordent sur le fait qu’il n’existe pas de dossier d’évaluation écrit de l’étude française et que cette étude n’a pas été communiquée pour avis au comité scientifique. De plus, comme le relève le Royaume de Suède, rien dans le dossier ne permet d’établir que l’EMR ait pu prendre connaissance de l’étude française et qu’il ait examiné cette étude avant qu’une décision sur l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive soit adoptée.

121    Dès lors qu’il n’est pas établi qu’un rapport de l’EMR sur l’étude française a été transmis au comité permanent, il y a lieu de constater que le traitement de cette étude, dont la Commission soutient qu’elle a été importante dans son évaluation du paraquat, n’est pas conforme aux exigences procédurales prévues par l’article 7 du règlement nº 3600/92. Plus particulièrement, comme cela a déjà été relevé au point 108 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 3600/92 requiert que l’évaluation à laquelle l’EMR procède débouche sur un rapport à la Commission, lequel, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement doit être transmis au comité permanent et aux autres États membres pour information.

122    En outre, le traitement de l’étude française diffère significativement du traitement des études relatives au niveau d’exposition des opérateurs au paraquat effectuées au Sri Lanka, au Guatemala et en Espagne. En effet, ces études, dont les deux premières attestent de cas dans lesquels le niveau d’exposition de l’opérateur au paraquat était supérieur au NAEO, ont toutes été examinées par l’EMR. L’examen de ces études par l’EMR a fait l’objet d’une synthèse écrite figurant soit dans le rapport préliminaire, soit dans l’addendum à ce rapport. Par ailleurs, ces rapports ont été soumis au comité permanent ainsi qu’au comité scientifique.

123    Dès lors que l’étude française a, selon la Commission, revêtu une certaine importance pour l’évaluation du paraquat, elle aurait dû être soumise à une procédure d’examen analogue à celle utilisée pour évaluer les études sri-lankaise, guatémaltèque et espagnole, en ce compris leur examen par le comité scientifique.

124    S’agissant, en second lieu, du traitement des renseignements fournis par la République italienne et la République portugaise, il convient de relever que le dossier ne contient aucune indication selon laquelle ces renseignements, considérés comme importants par la Commission, aient fait l’objet d’un rapport de l’EMR. Pour les raisons déjà mentionnées aux points 108 et 121 ci-dessus, l’absence d’un tel rapport constitue une méconnaissance des dispositions de l’article 7 du règlement nº 3600/92.

125    Partant, les griefs tirés d’irrégularités de la procédure dans le traitement de l’étude française et des renseignements fournis par la République italienne et par la République portugaise doivent être accueillis.

126    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de faire droit au moyen tiré d’un traitement du dossier en violation de l’article 7 du règlement nº 3600/92, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, griefs et arguments d’ordre procédural, avancés par les parties.

III –  Sur le groupe de moyens tirés de la violation de l’article 5 de la directive 91/414, de l’exigence d’intégration, du principe du niveau élevé de protection et du principe de précaution

127    Le présent groupe de moyens s’articule en deux branches dont la première a trait à la protection de la santé humaine et dont la seconde est relative à la protection de la santé animale.

128    En outre les parties ont fait valoir un certain nombre de considérations sur la portée des principes d’intégration, de précaution et du niveau élevé de protection dont le Royaume de Suède a indiqué à l’audience, sans être contredit sur ce point par la Commission, qu’elles ne servaient qu’à étayer les moyens et arguments explicitement invoqués par ailleurs.

A –  Quant à la première branche relative à la protection de la santé humaine

1.     Arguments des parties

129    Le Royaume de Suède, soutenu par les parties intervenantes, fait valoir que, dans le cadre de l’examen des risques pour la santé humaine engendrés par l’utilisation du paraquat, la Commission a méconnu le principe de précaution, le principe du niveau élevé de protection, de l’exigence d’intégration ainsi que l’article 5 de la directive 91/414 et les exigences spécifiques de l’annexe VI. Dans cette mesure, elle aurait clairement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, le Royaume de Suède soutenu par les parties intervenantes, fait valoir, en substance, trois griefs que la Commission conteste.

a)     Sur le grief tiré d’une exposition de l’opérateur supérieure au NAEO

130    Le Royaume de Suède, soutenu par le Royaume de Danemark, expose en premier lieu, que, dans le cadre de l’examen d’une substance active au titre de l’article 5 de la directive 91/414, les principes uniformes prévus à l’annexe VI auxquels se réfèrent les États membres dans le cadre des procédures nationales d’autorisation des produits phytopharmaceutiques sont applicables.

131    À cet égard, l’article 5 de la directive 91/414 renverrait, en effet, à tout le moins indirectement, aux critères de l’annexe VI. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, les exigences fondamentales posées par l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv) et v), de la directive 91/414 seraient donc applicables lors de l’évaluation d’une substance active. Or, il ne serait pas possible d’évaluer le respect de ces exigences fondamentales sans appliquer les principes de l’annexe VI, lesquels déterminent le contenu de ces dispositions.

132    L’applicabilité des principes uniformes de l’annexe VI résulterait également d’une pratique de la Commission qui, en l’absence de lignes directrices particulières relatives au respect des exigences posées à l’article 5 de la directive 91/414, appliquerait toujours les critères de l’annexe VI.

133    Le Royaume de Suède fait valoir, en second lieu, que les modélisations et études sur le terrain montrent clairement que, en l’espèce, le niveau de protection ne satisfait pas aux exigences exprimées au point C 2.4.1.1 de l’annexe VI qui prévoit que le niveau d’exposition de l’opérateur pendant la manipulation et l’application du produit phytopharmaceutique dans les conditions d’utilisation proposées (et notamment le dosage et le mode d’application) ne peut pas dépasser le NAEO. En raison du dépassement du NAEO, la Commission aurait donc méconnu l’annexe VI lors de l’examen du paraquat, l’article 5 de la directive 91/414 et le principe du niveau élevé de protection.

134    La République de Finlande ajoute encore qu’il aurait fallu tenir compte des effets neurologiques du paraquat tels qu’ils ressortiraient d’études scientifiques pour fixer le NAEO et la dose journalière acceptable pour les opérateurs. Selon elle, faute d’avoir pris les études relatives aux effets neurologiques du paraquat en considération, le NAEO et la dose journalière acceptable retenus pour apprécier les risques pour les opérateurs seraient trop élevés.

135    La Commission conteste l’affirmation selon laquelle elle aurait dû appliquer les principes uniformes de l’annexe VI lorsqu’elle a évalué le paraquat.

136    Tout d’abord, l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414 renverrait à l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv) et v), de cette même directive, qui ne mentionne pas l’annexe VI. Partant, la Commission ne serait pas formellement tenue d’appliquer les principes uniformes de cette annexe lorsqu’elle évalue une substance active. Elle expose ensuite, en substance, que si elle n’est pas tenue par ces principes, elle peut néanmoins les prendre en considération lors de l’évaluation d’une substance active.

137    Elle soutient que le risque d’arbitraire qui, selon le Royaume de Suède, résulterait de la non-application des principes de l’annexe VI, n’apparaît pas particulièrement vraisemblable étant donné l’ampleur des mesures d’évaluation dont fait l’objet une substance active conformément à la législation sur les produits phytopharmaceutiques.

138    S’agissant de l’argument de la République de Finlande selon lequel les facteurs de sécurité, que représentent le NAEO et la dose journalière acceptable, auraient été fixés à des niveaux trop élevés en raison de l’absence de prise en compte des effets neurologiques du paraquat, la Commission soutient qu’elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’évaluer les effets du paraquat sur la maladie de Parkinson et qu’aucun État membre n’avait formulé cette demande.

b)     Sur le grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier scientifique pour conclure à l’absence de risque significatif du paraquat pour la santé humaine

139    Le Royaume de Suède conteste le point de vue de la Commission selon lequel le dossier scientifique indiquerait que le paraquat ne présente pas de risque significatif pour la santé humaine.

140    À cet égard, le Royaume de Suède, soutenu par le Royaume de Danemark, fait valoir, en premier lieu, qu’il résulte de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 qu’une substance ne peut être inscrite à l’annexe I que s’il est prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, qu’un produit contenant la substance active peut être utilisé en toute sécurité dans au moins un domaine d’utilisation représentatif. Une telle preuve devrait reposer sur une appréciation des risques étayée par un dossier scientifique.

141    Le Royaume de Danemark conteste que le libellé de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 indique que la Commission est soumise à une obligation de preuve atténuée à tel point qu’une simple possibilité, incertaine ou théorique, qu’un produit contenant la substance active pourrait être acceptable serait suffisante pour admettre l’inscription de ladite substance à l’annexe I de la directive 91/414. S’il existe des indices qu’une certaine substance active peut présenter un risque d’un type particulier pour la santé humaine ou pour l’environnement, avant de décider de l’inscription de la substance à l’annexe I, il y aurait lieu de réunir suffisamment d’informations pour pouvoir apprécier ce risque de manière scientifique et l’efficacité d’éventuelles restrictions à l’utilisation devrait être appréciée avec la même rigueur scientifique.

142    Or en l’espèce, selon le requérant, le dossier scientifique ne permettrait pas de conclure que le paraquat satisfait aux exigences posées par l’article 5 de la directive 91/414.

143    Tout d’abord, les modélisations mathématiques montreraient sans ambiguïté que l’exposition des utilisateurs au paraquat est supérieure à la limite fixée. L’étude guatémaltèque et l’étude française montreraient un niveau d’exposition inacceptable pour les utilisateurs et seule l’étude espagnole conclurait à un niveau d’exposition acceptable.

144    Ensuite, ni l’étude guatémaltèque ni l’étude française n’auraient adéquatement été prises en compte. Ainsi, bien que l’étude guatémaltèque indique qu’une personne ayant utilisé l’équipement de protection recommandé a subi une exposition supérieure au NAEO, dans son avis, le comité scientifique aurait conclu que seuls les individus qui n’ont pas suivi la procédure de travail recommandée ont montré des valeurs d’exposition proches du seuil. Par ailleurs, bien que l’étude française indique qu’il y avait lieu d’interdire l’utilisation d’un pulvérisateur à dos et que l’utilisation du paraquat dans les jardins des particuliers était déconseillée, la directive attaquée se bornerait à interdire l’utilisation de pulvérisateurs à dos ou tenus à la main dans les seuls « jardins amateurs ».

145    La Commission soutient que le dossier scientifique était suffisamment probant pour justifier une inscription du paraquat à l’annexe I de la directive.

146    À cet égard, elle fait valoir, en premier lieu, des considérations sur la portée de l’article 5 de la directive 91/414. Ainsi, elle conteste, tout d’abord, l’interprétation de l’article 5 de la directive 91/414 selon laquelle cette disposition exigerait que, avant l’inscription d’une substance active à l’annexe I, il ait été prouvé qu’un produit contenant la substance active a été utilisé en toute sécurité, sans aucun doute raisonnable, dans au moins un domaine d’utilisation représentatif, compte tenu de tous les risques potentiels.

147    D’une part, une telle exigence se rapprocherait d’une tolérance zéro. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu’une mesure préventive ne saurait valablement être motivée par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées. Plus particulièrement, le Tribunal aurait jugé que les institutions communautaires ne peuvent pas orienter leurs décisions vers un niveau de risque zéro (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 152).

148    D’autre part, une telle exigence serait en contradiction avec le libellé de la directive 91/414 et les éléments de preuve que cette dernière exige en vue de l’inscription d’une substance active. Ainsi, en utilisant l’expression « s’il est permis d’escompter » au lieu, par exemple, des termes « si l’on peut démontrer », le législateur aurait admis qu’il était impossible de prévoir toutes les situations possibles et imaginables dans lesquelles un produit phytopharmaceutique contenant la substance active pouvait être utilisé et que les conditions environnementales devant être prises en compte pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active pouvaient varier considérablement d’un État membre à un autre, raisons pour lesquelles la législation relative aux produits phytopharmaceutiques attribue également un rôle actif aux États membres.

149    S’agissant des restrictions d’utilisation prévues à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414, la Commission nie qu’il doive être vérifié de manière scientifique que ces restrictions ont réellement pour effet de réduire les risques. À cet égard, elle fait valoir que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 dispose que c’est compte tenu de l’« état » des connaissances scientifiques et techniques qu’il y a lieu de déterminer s’il « est permis d’escompter » que les conditions seront remplies pour l’inscription d’une substance à l’annexe I de ladite directive.

150    En second lieu, la Commission conteste l’insuffisance du dossier scientifique pour soutenir une inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

151    Ainsi, il existerait une documentation scientifique suffisante pour considérer que, indépendamment des risques que pourrait présenter l’utilisation du paraquat, les risques évalués étaient acceptables au vu de l’introduction de mesures destinées à les réduire, telles que l’interdiction pour les particuliers d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant du paraquat et l’imposition de conditions d’utilisation professionnelles de cette substance.

152    Par ailleurs, les modélisations mathématiques indiquant un dépassement du NAEO ne seraient pas pertinentes. À cet égard, la Commission soutient que lorsque les modélisations révèlent l’existence de problèmes, elles doivent être suivies d’études de terrain. Or, en l’espèce, l’EMR aurait considéré dans l’addendum, que le NAEO ne serait pas dépassé si les conditions d’utilisation envisagées pour le paraquat étaient respectées. En outre, le comité scientifique aurait abouti au même résultat que l’EMR en constatant que même si les modèles d’exposition indiquaient que le NAEO pouvait éventuellement être dépassé, les études de terrain de divers pays ont montré que les modèles avaient surestimé l’exposition réelle en situation de travail.

153    En outre, la Commission nie qu’elle n’ait retenu que la seule étude espagnole pour se former une opinion. À cet égard, elle rappelle que l’EMR et le comité scientifique ainsi que les experts de l’ECCO ont considéré que les études qui avaient été présentées étaient suffisantes et que l’on pouvait globalement convenir que, en cas d’utilisation conformément aux conditions proposées, le paraquat ne présentait pas de risques significatifs pour la santé.

154    S’agissant de la prétendue absence de prise en compte de l’étude guatémaltèque dans la procédure menant à l’adoption de la directive attaquée, la Commission soutient qu’il ressort de l’avis du comité scientifique que celui-ci avait en sa possession l’addendum au rapport préliminaire dans lequel figurerait l’étude guatémaltèque. De plus, dans son second rapport, l’EMR indiquerait que le comité scientifique a fondé son opinion sur les études de terrain. Rien ne permettrait donc d’établir que le comité scientifique n’a pas pris en compte l’étude guatémaltèque.

155    La Commission conteste encore que les conditions d’utilisation du paraquat prévues par la directive attaquée ne reflètent pas les conclusions de l’étude française. À cet égard, elle fait valoir, d’une part, que la directive attaquée n’autorise pas, d’une manière générale, les outils à main et, d’autre part, que l’obtention d’une autorisation d’utiliser un produit phytopharmaceutique sera conditionnée par le respect d’une bonne pratique.

c)     Sur le grief tiré d’une diminution du niveau de protection

156    Le Royaume de Suède, soutenu par la République d’Autriche, fait valoir en substance que, en admettant l’inscription du paraquat à l’annexe I, la Commission a méconnu le principe du niveau élevé de protection de la santé humaine.

157    Ainsi, le fait que la directive attaquée impose, d’une part, la mise en place de programmes de gestion pour la sécurité des opérateurs et, d’autre part, la communication d’un rapport annuel à la Commission s’agissant des incidences de l’utilisation du paraquat sur la santé des opérateurs, indiquerait que la Commission est hésitante quant aux risques présentés par le paraquat. Aucune autre substance active inscrite à l’annexe I ne donnerait lieu à la fourniture de tels rapports annuels. Il en résulterait que, dans le cas d’espèce, la Commission a tenté une sorte d’expérience, contraire à la directive 91/414, au principe de précaution et au principe du niveau élevé de protection.

158    En autorisant le paraquat, substance la plus toxique qui soit, comme substance active, la Commission aurait donc gravement diminué le niveau de protection gouvernant le choix des substances pouvant être inscrites à l’annexe I. De ce fait, elle aurait manifestement méconnu l’objectif des dispositions en cause visant à garantir un niveau élevé de protection, ainsi que les termes du préambule de la directive 91/414, selon lesquels l’objectif d’amélioration de la production végétale ne doit pas porter préjudice à la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement.

159    La Commission rétorque qu’il est inexplicable que le Royaume de Suède lui fasse grief d’exiger que les titulaires d’une autorisation pour un produit phytopharmaceutique contenant du paraquat établissent un programme de protection des utilisateurs et signalent annuellement l’apparition éventuelle de problèmes de santé ou de pollution liés à l’utilisation du produit.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Sur le cadre d’appréciation

160    L’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit que, pour qu’une substance puisse être inscrite à l’annexe I de cette même directive, il doit être permis d’escompter, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active en cause, consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires, n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414.

161    Cette disposition, interprétée en liaison avec le principe de précaution, implique que, s’agissant de la santé humaine, l’existence d’indices sérieux qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité d’une substance, s’oppose, en principe, à l’inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414. En effet, le principe de précaution tend à prévenir les risques potentiels. En revanche, des risques purement hypothétiques, reposant sur des hypothèses scientifiques non étayées, ne sauraient être retenus (arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02, Rec. p. II‑4555, point 129).

162    Pour apprécier s’il est satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, en ce qui concerne la santé humaine, cette même disposition renvoie à l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414, lequel énonce, en substance, qu’il doit être établi qu’un produit phytopharmaceutique n’a pas d’effet nocif direct ou indirect sur la santé humaine ou sur les eaux souterraines.

163    Il convient néanmoins de relever qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 91/414 que, pour établir s’il est satisfait aux exigences prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous b), de cette même directive, il y a lieu de faire application des principes uniformes énoncés à l’annexe VI. De surcroît, le deuxième considérant de la directive 97/57, établissant le contenu de l’annexe VI, indique que cette annexe doit établir des principes uniformes pour assurer une application uniforme et avec la rigueur voulue des exigences énoncées à l’article 4, paragraphe 1, sous b) à e), de la directive 91/414.

164    Il en découle que l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414, auquel renvoie explicitement l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la même directive, commande le respect des principes uniformes de l’annexe VI.

165    En outre, si le renvoi auquel procède l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414 n’emportait pas l’applicabilité des principes uniformes énoncés à l’annexe VI, ce renvoi serait dépourvu de toute utilité réelle. En effet, dans une telle hypothèse, pour apprécier l’absence d’effet nocif sur la santé humaine, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, le renvoi auquel procède cette disposition serait limité à l’application d’un critère presque identique tenant à l’absence « d’effet nocif direct ou indirect sur la santé humaine […] (par exemple par l’intermédiaire de l’eau potable ou des aliments destinés à la consommation humaine […]) ou sur les eaux souterraines ».

166    Enfin, il y a lieu de relever que la Commission a admis, à l’audience, qu’elle avait déjà eu recours aux critères de l’annexe VI dans le cadre de l’examen de certaines substances actives en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

167    Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que lorsque la Commission examine une substance active en vue de son inscription à l’annexe I de la directive 91/414, il résulte de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de cette directive, que les critères de l’annexe VI trouvent à s’appliquer.

168    Plus particulièrement, le point C 2.4.1.1 de l’annexe VI énonce qu’il n’est pas accordé d’autorisation si le niveau d’exposition de l’opérateur pendant la manipulation et l’application du produit phytopharmaceutique dans les conditions d’utilisation proposées, et notamment le dosage et le mode d’application, dépasse le NAEO.

169    L’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414, selon lequel l’inscription d’une substance active à l’annexe I peut être subordonnée à certaines restrictions d’utilisation, a pour effet de permettre l’inscription de substances qui ne satisfont pas aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de cette même directive en imposant certaines restrictions qui écartent les utilisations problématiques de la substance en cause.

170    Dès lors que cette disposition apparaît comme un tempérament à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, il convient de l’interpréter à la lumière du principe de précaution. En conséquence, avant l’inscription d’une substance à l’annexe I de la directive 91/414, il doit être établi, au-delà de tout doute raisonnable, que les restrictions à l’utilisation de la substance en cause permettent d’assurer une utilisation de cette substance qui soit conforme aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

171    C’est au regard des règles qui viennent d’être exposées qu’il convient d’examiner les différents griefs de la présente branche.

b)     Sur les griefs avancés

172    Il convient, tout d’abord, d’examiner conjointement les deux premiers griefs tirés, respectivement, d’un dépassement du NAEO et du caractère insuffisamment probant du dossier pour admettre l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

173    Dans le cadre de ces deux griefs, il est constant entre les parties que le comité permanent a fixé un NAEO équivalant à 0,005 milligramme par kilogramme de poids corporel pour ce qui concerne les expositions à court terme au paraquat.

174    Il est également admis entre les parties que les modélisations mathématiques indiquent une exposition des opérateurs de 4 à 100 fois supérieure au NAEO. Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la Commission, dans son avis, le comité scientifique a indiqué que les études de terrain effectuées dans divers pays ont montré que les modélisations mathématiques ont très largement surestimé l’exposition réelle des opérateurs en situation de travail. Par conséquent, il convient de considérer que, dans les circonstances de l’espèce, les modélisations mathématiques ne constituent pas, par elles-mêmes, des indices sérieux qui permettent raisonnablement de douter de l’innocuité du paraquat.

175    S’agissant des études de terrain, il convient d’examiner, en premier lieu, l’étude guatémaltèque, de laquelle il ressort qu’un des opérateurs participant à cette étude a subi une exposition au paraquat équivalant à 118 % du NAEO fixé pour cette substance.

176    Par ailleurs, il découle des observations de l’auteur de la notification sur l’étude guatémaltèque, telles que rapportées dans l’addendum au rapport préliminaire, que les opérateurs soumis aux expositions potentielles et systémiques les plus élevées ne semblent pas avoir mélangé, rempli les réservoirs des pulvérisateurs et appliqué le produit d’une façon différente des autres participants à l’étude. L’addendum au rapport préliminaire indique encore que tous les opérateurs ayant participé à l’étude ont généralement suivi les recommandations de la notice pour le mélange du produit et le remplissage des pulvérisateurs et qu’ils semblent avoir fait preuve d’un respect généralement bon des standards d’hygiène lors du mélange du produit en cause.

177    L’addendum au rapport préliminaire expose également que la pulvérisation à hauteur de poitrine ou de tête dans les canaux d’irrigation a engendré une contamination significative des vêtements des opérateurs et que l’opérateur pour lequel un niveau d’exposition de 118 % du NAEO a été observé a appliqué le produit dans une zone de canaux d’irrigation, ce qui l’a amené à tenir la lance du pulvérisateur à hauteur de tête.

178    Certes, l’addendum au rapport préliminaire indique que les circonstances dans lesquelles l’opérateur a subi une exposition supérieure au NAEO dans le cadre de l’étude guatémaltèque doivent être considérées comme n’étant pas représentatives des applications pratiquées en Europe. Toutefois, force est de constater que l’addendum au rapport préliminaire ne donne aucune raison pour laquelle l’application de paraquat dans une zone de canaux d’irrigation amenant l’opérateur à tenir la lance du pulvérisateur à hauteur de tête n’est pas représentative des conditions d’utilisation en Europe. En revanche, le Royaume de Suède soutient, sans être contredit sur ce point par la Commission, que l’utilisation du paraquat sur des terrains en pente est une des utilisations envisagées pour le paraquat en Europe (voir point 75 ci-dessus).

179    Par ailleurs, il convient de relever qu’aucune restriction adoptée au titre de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 n’interdit l’usage du paraquat dans les circonstances qui ont conduit à une exposition de l’opérateur supérieure au NAEO dans le cadre de l’étude guatémaltèque. En effet, il résulte de la directive attaquée que la seule restriction explicite qui frappe l’utilisation de pulvérisateurs portatifs pour l’application de produits contenant du paraquat concerne les « jardins amateurs » dans lesquels un tel usage est interdit. En outre, la circonstance que les dispositions spécifiques de la directive attaquée prévoient que les États membres doivent accorder une attention particulière à la protection des opérateurs, notamment pour les applications avec des pulvérisateurs à dos et des appareils tenus à la main, n’emporte pas l’interdiction d’une utilisation telle que celle qui a donné lieu au dépassement du NAEO dans le cadre de l’étude guatémaltèque. Enfin, les annexes I et II du rapport d’examen de la Commission auxquelles renvoient les dispositions spécifiques de la directive attaquée ne font pas mention d’une interdiction de l’utilisation problématique. Il convient donc de considérer que l’étude guatémaltèque rend compte d’une utilisation problématique du paraquat dont rien n’indique qu’elle ne pourrait se produire en Europe.

180    S’agissant de l’affirmation du comité scientifique selon laquelle seuls les individus qui n’ont pas suivi la procédure de travail recommandée ont montré des valeurs d’exposition proches du seuil, il convient de relever que, s’agissant de l’étude guatémaltèque, cette affirmation n’est corroborée par aucun élément du dossier. En revanche, comme il a été relevé au point 176 ci-dessus, l’addendum au rapport préliminaire indique que les recommandations et les standards d’hygiène ont généralement été respectés par les opérateurs de l’étude guatémaltèque. Il convient donc de considérer que cette étude rend compte d’un cas d’exposition problématique au paraquat alors même que les procédures de travail recommandées avaient été suivies.

181    Au vu de ce qui précède, l’étude guatémaltèque apparaît comme un indice sérieux permettant de douter raisonnablement de l’innocuité du paraquat pour les opérateurs chargés de son application.

182    Dès lors que l’étude guatémaltèque atteste d’un niveau d’exposition supérieur au NAEO en raison d’une utilisation du paraquat dans les conditions proposées, il n’est pas satisfait à l’exigence posée au point C 2.4.1.1 de l’annexe VI, qui interdit tout dépassement du NAEO. Or, pour les raisons exposées aux points 162 à 168 ci-dessus, les critères de l’annexe VI trouvent à s’appliquer dans le cadre de l’évaluation d’une substance active en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la même directive. Par conséquent, la directive attaquée enfreint l’exigence de protection de la santé humaine telle qu’elle figure à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414. Le grief tiré d’une exposition de l’opérateur supérieure au NAEO doit donc être accueilli.

183    S’agissant, en second lieu, de l’étude française, il convient de relever, tout d’abord, que, à la suite de sa production par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il est apparu que ce document ne constitue pas tant une étude de terrain qu’une évaluation, par la commission française d’étude de la toxicité (ci-après la « CET »), de l’exposition des opérateurs au paraquat telle qu’elle résulte de diverses études. Ainsi, la CET a évalué l’exposition des opérateurs dans le cas d’un traitement au paraquat effectué avec un tracteur. Cette évaluation a pris en compte les calculs d’exposition réalisés sur la base d’un modèle mathématique ainsi qu’une étude de terrain réalisée aux États-Unis. La CET a également évalué l’exposition des opérateurs dans le cas d’un traitement au paraquat effectué avec un appareil de pulvérisation à dos. Cette évaluation a pris en compte les calculs d’exposition réalisés sur la base d’un modèle mathématique ainsi que les études sri-lankaise, guatémaltèque et espagnole. En guise de conclusion de l’étude française, la CET a émis un avis dans lequel elle indique qu’elle « maintient un avis défavorable pour l’autorisation des préparations à base de paraquat pour tous les usages nécessitant l’utilisation d’un traitement avec un pulvérisateur à dos ». Elle ajoute qu’elle « propose un avis favorable pour l’autorisation des préparations à base de paraquat pour les usages nécessitant exclusivement le traitement des cultures à l’aide d’un tracteur ».

184    Or, il convient de relever que la directive attaquée n’interdit les applications avec des pulvérisateurs à dos et des appareils tenus à la main que dans les « jardins amateurs », de sorte que les applications au moyen de pulvérisateurs à dos, en dehors des « jardins amateurs », sont autorisées alors même qu’elles font l’objet d’un avis défavorable de la CET dans l’étude française.

185    Dès lors que la Commission a affirmé que l’étude française avait joué un rôle important dans sa décision d’inscrire le paraquat à l’annexe I de la directive 91/414, il convient, pour les besoins de la présente procédure, de considérer que la conclusion de cette étude selon laquelle les usages nécessitant l’utilisation d’un traitement avec un pulvérisateur à dos font l’objet d’un avis défavorable constitue un indice sérieux qui permet raisonnablement de douter de l’innocuité du paraquat lors d’un tel usage.

186    Au vu de tout ce qui précède, il convient d’accueillir les griefs tirés, respectivement, d’une exposition supérieure au NAEO et du caractère insuffisamment probant du dossier pour admettre l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

187    S’agissant, ensuite, du grief tiré d’une diminution du niveau de protection de la santé humaine, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 prévoit la possibilité pour la Commission de subordonner à certaines restrictions l’inscription d’une substance à l’annexe I de la directive. Par conséquent, la seule circonstance que la directive attaquée prévoit des exigences spécifiques ne saurait être considérée comme contraire à l’article 5 de la directive 91/414.

188    Par ailleurs, le fait que les exigences spécifiques prévues par la directive attaquée consistent, notamment, en l’obligation faite aux États membres de veiller à ce que les détenteurs d’autorisations communiquent, au plus tard le 31 mars de chaque année jusqu’en 2008, les incidences sur la santé des opérateurs et à ce que ces informations soient complétées par des données sur les ventes et une enquête sur les types d’utilisations, afin d’avoir une image réaliste de l’impact toxicologique du paraquat n’indique pas, par lui-même, que la Commission porte atteinte au principe du niveau élevé de protection de la santé humaine.

189    Ainsi, contrairement à ce qu’affirme le Royaume de Suède, soutenu par les parties intervenantes, ces exigences spécifiques pour le paraquat n’indiquent, par elles-mêmes, ni que la Commission éprouvait des hésitations sur les risques présentés par cette substance, ni qu’elle ait décidé de substituer à une appréciation a priori du paraquat l’observation des conséquences a posteriori de l’utilisation de cette substance.

190     Le troisième grief doit par conséquent être rejeté.

191    Il découle de tout ce qui précède que la première branche relative à la protection de la santé humaine doit être accueillie, à l’exception du troisième grief.

B –  Quant à la seconde branche relative à la protection de la santé animale

1.     Arguments des parties

a)     Sur le grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier scientifique

192    Le Royaume de Suède soutient, en substance, que la Commission a admis l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414 sur la base d’un dossier lacunaire s’agissant des effets nocifs du paraquat sur la santé des lièvres et des embryons d’oiseaux et de l’efficacité des mesures envisagées pour atténuer ces effets, ce qui, d’une part, serait contraire à l’article 5 de la directive 91/414 lu en relation avec les principes de précaution et du niveau élevé de protection de l’environnement et, d’autre part, attesterait du caractère arbitraire de l’appréciation de la Commission selon laquelle le paraquat pouvait être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414.

193    S’agissant des lièvres, le Royaume de Suède soutient, tout d’abord, qu’il ressort des motifs de la directive attaquée et du dossier sur lequel elle est fondée que le paraquat a un effet létal ou sublétal sur ces mammifères.

194    Il expose, ensuite, que les motifs de la directive attaquée, l’avis du comité scientifique et le rapport d’examen de la Commission indiquent que les informations disponibles ne permettaient pas d’établir la proportion de lièvres qui pourraient être affectés par le paraquat.

195    Il fait également valoir que, dans son second rapport, l’EMR a envisagé un scénario relatif à l’utilisation de paraquat dans des champs de chaume au Royaume-Uni, duquel il résulte que environ 2 % de la population totale des lièvres peuvent être exposés dans l’hypothèse la plus défavorable, ce qui, selon le Royaume de Suède, représente 16 000 lièvres par an pour le territoire du Royaume-Uni. Cette estimation reposerait sur une hypothèse de pulvérisation de 0,4 % de la surface céréalière totale, alors qu’aucun pays n’a encore trouvé opportun de limiter en pratique les surfaces pouvant être traitées à l’aide de pesticides.

196    Par ailleurs, soutenu par les parties intervenantes, le Royaume de Suède expose que d’autres animaux tels que les lapins, les taupes, les campagnols et les musaraignes sont exposés aux mêmes risques que les lièvres et qu’il n’a pas été tenu compte de ces mammifères lors de la définition des mesures visant à atténuer les risques. Le fait qu’autant d’animaux risquent de mourir ou de subir des lésions graves et d’en souffrir serait inacceptable.

197    Il ajoute que l’appréciation de l’EMR montre clairement qu’il n’a pas été possible de trouver une utilisation sûre du paraquat en ce qui concerne les lièvres. D’une part, au lieu d’examiner les domaines d’utilisation proposés par l’auteur de la notification, l’EMR a conclu que les risques pour les lièvres devaient être évalués au niveau des États membres. D’autre part, à supposer que l’EMR recommande une utilisation particulière du paraquat, celle-ci ne serait valable que pour les utilisations du paraquat dans les champs de chaume, compte tenu du fait qu’il s’est appuyé sur un scénario concernant ce seul domaine d’utilisation. Or, l’auteur de la notification envisagerait plusieurs domaines d’utilisation de sorte que, pour que le paraquat puisse être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414, il aurait fallu évaluer les risques dans chacun de ces domaines d’utilisation.

198    Il expose encore que, dans son avis, le comité scientifique a mentionné des mesures qui étaient éventuellement susceptibles de réduire les risques pour les lièvres, mais que, en l’absence de données scientifiques pouvant démontrer les effets présumés des mesures identifiées, le comité n’a eu d’autre choix que de constater que le paraquat pouvait, compte tenu des données présentées, provoquer des lésions, voire la mort de certains individus. Selon lui, les données recueillies dans les études réalisées sur le terrain, dans lesquelles des lièvres ont été exposés à la substance, montrent que les risques sont réels, mais qu’il n’est pas possible d’estimer la proportion d’animaux affectés. En revanche, aucune donnée scientifique nouvelle n’a été présentée au soutien de l’affirmation de l’auteur de la notification selon laquelle les mesures susceptibles de réduire les risques pour les lièvres ont été efficaces. Les informations concernant les effets éventuels des mesures proposées auraient dû, conformément à la pratique habituelle en matière d’inscription de substances actives, faire l’objet d’un traitement écrit et d’une évaluation scientifique afin de servir de fondement à l’appréciation effectuée en l’espèce.

199    S’agissant des embryons d’oiseaux, le Royaume de Suède fait valoir, tout d’abord, que les motifs de la directive attaquée et le rapport d’examen de la Commission indiquent que le paraquat a des effets nocifs sur la reproduction des oiseaux. Il soutient plus particulièrement que le comité scientifique a considéré que l’étude sur les expositions effectuées montre que le paraquat peut constituer un danger pour les embryons d’oiseaux mais que, pour évaluer les risques, il était nécessaire d’obtenir des informations supplémentaires provenant d’études réalistes.

200    Selon le Royaume de Suède, l’auteur de la notification a apporté des informations complémentaires qui consistaient, d’une part, en trois estimations des doses auxquelles le paraquat endommageait les œufs d’oiseaux, réalisées sur la base de tests en laboratoire et, d’autre part, en diverses allégations quant aux lieux et aux époques de nidification des oiseaux nichant au sol dont notamment celle selon laquelle il était improbable que des oiseaux se reproduisant au sol nichent dans des vergers, des oliveraies et des vignes. Ces informations nouvelles n’auraient pas compris d’étude réaliste d’exposition menée sur le terrain et n’auraient pas été étayées par des preuves. Elles auraient donc été trompeuses et incomplètes et n’auraient pas permis de répondre aux questions du comité scientifique. Le Royaume de Suède ajoute encore que le fait que la Commission se soit contentée de ce dossier lacunaire pour autoriser l’inscription du paraquat montre que son appréciation a été contraire au principe de précaution.

201    Le Royaume de Suède expose en outre que l’EMR indique dans son second rapport que le risque d’exposition pour les oiseaux nichant au sol est peu élevé dans les champs de luzerne en automne et en hiver. Le Royaume de Suède soutient qu’il s’agit là, compte tenu des données disponibles, de la seule utilisation qui ait été considérée comme acceptable du point de vue des oiseaux, de sorte que seule cette utilisation devrait être autorisée. En conséquence, il fait valoir que la Commission n’a pas du tout démontré plus généralement qu’il existait une utilisation du paraquat pour laquelle le risque d’exposition pour les oiseaux nichant au sol serait acceptable.

202    La Commission conteste l’absence de caractère suffisamment probant du dossier s’agissant de la santé animale pour permettre une inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414.

203    À l’égard des lièvres, la Commission soutient, tout d’abord, que les experts de l’ECCO ont indiqué que des informations supplémentaires étaient nécessaires pour pouvoir évaluer l’effet du produit sur les lièvres, à la suite de quoi l’auteur de la notification a complété le dossier.

204    Elle relève, ensuite, que le comité scientifique a déclaré que l’information disponible ne permettait pas d’évaluer le nombre de lièvres pouvant être affectés, mais qu’il existait des mesures permettant de réduire les risques vis-à-vis de ces animaux.

205    Elle expose, à cet égard, que, dans son second rapport, l’EMR a indiqué que le comité scientifique et l’auteur de la notification ont proposé des mesures visant à réduire les risques pour le lièvre (pulvériser tôt le matin, le lièvre étant un animal nocturne ; ajouter au produit une substance dissuasive ; pulvériser à partir du milieu du champ ; éviter de pulvériser sur la totalité du champ le même jour) et qu’il convenait, en fonction de la situation dans les différents États membres, d’autoriser ces États à prescrire des conditions d’utilisation adaptées lors de l’octroi d’autorisations de produits phytopharmaceutiques.

206    La Commission ajoute que devant l’incertitude quant au nombre de lièvres concernés, l’EMR a évalué un scénario relatif à l’utilisation de paraquat dans des champs de chaume au Royaume-Uni. Selon elle, le choix de ce scénario était justifié par le fait qu’une telle utilisation avait causé des incidents dans les années 60, que des données étaient disponibles pour le Royaume-Uni et qu’une telle utilisation du paraquat était envisagée par l’auteur de la notification.

207    Elle fait encore valoir qu’il ressort de la table d’évaluation que l’auteur de la notification a affirmé que les mesures restrictives proposées par le comité scientifique avaient été efficaces. Elle soutient de plus que la table d’évaluation indique que l’EMR et le comité permanent ont considéré que les informations disponibles étaient suffisantes.

208    Elle expose, enfin, qu’une condition particulière concernant les lièvres a été introduite dans la directive attaquée.

209    S’agissant des oiseaux, la Commission fait, tout d’abord, valoir que le comité scientifique s’est borné à indiquer que la méthode consistant à plonger un œuf dans le paraquat pendant 30 secondes allait clairement au-delà du scénario réaliste le plus défavorable et que, en conséquence, pour pouvoir se prononcer sur les risques, des études plus réalistes – fondées, par exemple, sur une pulvérisation – étaient nécessaires.

210    Elle relève, ensuite, que l’auteur de la notification a communiqué des données supplémentaires. Elle conteste que ces informations aient été fallacieuses et insuffisantes et qu’elles ne répondaient pas aux questions du comité scientifique. À ce dernier égard, elle fait valoir, premièrement, que le Royaume de Suède ne précise pas quelles questions du comité scientifique seraient restées sans réponses. Deuxièmement, elle soutient que dans son second rapport, l’EMR a pris en compte les effets de la pulvérisation des œufs et a considéré que, dans de nombreuses situations, l’exposition d’oiseaux nichant au sol était négligeable et, partant, le risque acceptable, mais que dans les cas où l’exposition était possible, le risque devait être apprécié, si possible au niveau de l’État membre.

211    La Commission fait encore valoir que, dans l’addendum au rapport préliminaire, l’EMR a souligné que l’évaluation initiale du risque demeurait acceptable, que les informations fournies par l’auteur de la notification avaient fait l’objet d’un examen critique, que lesdites informations étaient fiables et pouvaient servir pour une évaluation du risque au niveau européen et que, dans les conditions d’utilisation proposées, le paraquat n’exposait pas les oiseaux nichant au sol à une incidence inacceptable.

212    Elle ajoute qu’il ressort de la table d’évaluation que les experts de l’ECCO ont considéré que le risque pour les oiseaux pouvait être réduit grâce aux conditions d’utilisation. Il ressortirait également de cette table que l’EMR, qui avait évalué les informations supplémentaires fournies par l’auteur de la notification, a estimé que les données communiquées étaient fiables et pertinentes, car formant la base d’une meilleure évaluation des risques pour les oiseaux nichant au sol. Cette table indiquerait, enfin, que le paraquat ne présentait pas d’incidence inacceptable si les conditions d’utilisation prévues étaient respectées.

213    De plus, elle souligne encore que la directive attaquée prévoit explicitement, en ce qui concerne les oiseaux nichant au sol, que, lorsque les scénarios d’utilisation indiquent une exposition potentielle des œufs, une évaluation des risques doit être opérée et, le cas échéant, des mesures visant à atténuer les risques doivent être mises en œuvre.

214    Enfin, la Commission fait valoir que s’il est vrai que la directive attaquée ne prévoit pas de mesure particulière pour les autres mammifères que le lièvre, cela résulte de ce qu’il est impossible de tenir compte des risques éventuels pour chaque mammifère, raison pour laquelle lors de l’évaluation, une approche pragmatique et réaliste amènerait à concentrer ladite évaluation sur les animaux les plus exposés. Toutefois, le dossier attesterait de ce que des informations concernant d’autres mammifères, tels les campagnols et les rats, ont également été examinées. De surcroît, elle soutient que lorsqu’un État membre doit décider de l’autorisation éventuelle d’un produit phytopharmaceutique contenant une substance active inscrite à l’annexe I, il est tenu de respecter les dispositions de l’annexe VI dont le point B 2.5.2.1 lui commande d’apprécier la possibilité d’exposition des oiseaux et autres vertébrés terrestres au produit phytopharmaceutique et, si cette possibilité est réelle, d’évaluer l’ampleur du risque à court et à long terme, et notamment pour la reproduction, auquel ces organismes pourraient être exposés après application du produit selon les conditions d’utilisation proposées. Cette disposition serait donc adaptée aux conditions spécifiques qui peuvent régner dans un État membre déterminé et pour un mode d’utilisation précis. Par ailleurs, l’État membre pourrait assortir l’autorisation de conditions particulières, telles que l’ajout d’une substance dissuasive.

b)     Sur le grief tiré de l’inadéquation du ratio toxicité à long terme/exposition au regard du point C 2.5.2.1 de l’annexe VI

215    Le Royaume de Suède fait valoir, en substance, que le point C 2.5.2.1 de l’annexe VI indique que, en cas d’exposition potentielle d’oiseaux et autres vertébrés terrestres non visés, il convient d’appliquer une valeur limite spéciale et une marge de sécurité selon laquelle le ratio toxicité à long terme/exposition doit être égal ou supérieur à 5. Or, les études sur lesquelles la Commission aurait fondé son appréciation dans le cadre de l’évaluation du paraquat indiqueraient que le ratio concerné n’était que de 2. Il ajoute que la Commission n’a pas démontré qu’il existait une utilisation du paraquat pour laquelle le risque d’exposition pour les oiseaux nichant au sol serait acceptable. Il en résulterait que la Commission ne pouvait pas, en se fondant sur le dossier existant, conclure qu’il n’y avait pas de risque inacceptable.

216    La Commission soutient en substance que c’est aux États membres et non à elle qu’il incombe d’appliquer l’annexe VI lors de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique.

c)     Sur le grief tiré de l’abandon aux États membres de l’évaluation et de la gestion éventuelle des risques

217    Le Royaume de Suède, soutenu par la République d’Autriche et le Royaume de Danemark, fait valoir que les conditions prévues par la directive attaquée attestent de ce que la Commission a choisi d’abandonner aux États membres l’évaluation des risques, ainsi que l’appréciation fondamentale de la question de savoir s’il est possible d’atteindre un niveau de risque acceptable. Un tel abandon serait contraire à la directive 91/414.

218    La Commission conteste avoir choisi de transférer l’évaluation des risques aux États membres et de leur laisser le soin d’apprécier fondamentalement s’il est possible ou non d’atteindre un niveau de risque acceptable. À cet égard, elle fait valoir, en substance, qu’il a été procédé à une évaluation communautaire. Ainsi, elle expose, s’agissant des lièvres, que l’EMR et le groupe d’évaluation du comité permanent ont tous deux considéré que les informations disponibles étaient suffisantes pour apprécier les risques et que la directive attaquée prévoit que, lorsque les scénarios d’utilisation indiquent une exposition potentielle des lièvres, une évaluation des risques doit être opérée et, le cas échéant, des mesures visant à atténuer les risques doivent être mises en œuvre.

219    S’agissant des oiseaux, elle indique que, dans son second rapport, l’EMR a considéré que, dans de nombreuses situations, l’exposition d’oiseaux nichant au sol était négligeable et, partant, le risque acceptable, mais que, dans les cas où l’exposition était possible, le risque devait être apprécié, si possible au niveau de l’État membre. Elle invoque également la conclusion de l’addendum selon laquelle, dans les conditions d’utilisation proposées, le paraquat n’expose pas les oiseaux nichant au sol à une incidence inacceptable. Elle invoque enfin la table d’évaluation dont il ressortirait que, selon le rapport d’examen de l’ECCO, le risque pour les oiseaux pouvait être réduit grâce aux conditions d’utilisation.

d)     Sur le grief tiré de l’existence de douleurs inacceptables pour les animaux exposés

220    Le Royaume de Suède fait valoir, tout d’abord, que l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414 prévoit qu’une substance active doit, pour être inscrite à l’annexe I de cette directive, satisfaire aux exigences de l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv) et v), de ladite directive et que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de cette directive, l’utilisation du produit phytopharmaceutique en question ne peut pas avoir d’influence inacceptable sur l’environnement, compte tenu de son effet sur les espèces qui ne sont pas visées. Cette dernière disposition devrait être interprétée en ce sens que l’utilisation du produit phytopharmaceutique concerné ne peut pas provoquer des souffrances et des douleurs inacceptables chez les espèces non visées dès lors que, s’agissant des vertébrés à combattre, l’article 4, paragraphe 1, sous b), iii), de ladite directive s’opposerait à ce que le produit concerné cause de telles souffrances ou de telles douleurs.

221    Il fait valoir, ensuite, qu’il est connu que les personnes exposées au paraquat subissent de fortes douleurs et des souffrances sévères et qu’il ressort du dossier scientifique qu’il y a lieu de supposer que tel est également le cas chez les autres mammifères. En conséquence, la directive attaquée serait contraire aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414.

222    La Commission n’a pas pris position sur ce grief dans ses écritures. Elle a toutefois contesté, à l’audience, la pertinence de l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de la directive 91/414 pour l’évaluation d’une substance active.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Sur le cadre d’appréciation

223    S’agissant de la protection de la santé animale, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, prévoit que, pour qu’une substance puisse être inscrite à l’annexe I de cette même directive, il doit être permis d’escompter, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active en cause, consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires, n’a pas d’effet nocif sur la santé animale, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414.

224    Pour des raisons semblables à celles exposées dans le cadre de la première branche du présent moyen relative à la protection de la santé humaine (voir point 161 ci-dessus), cette disposition lue en liaison avec le principe de précaution implique que, s’agissant de la santé animale, l’existence d’indices sérieux qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité d’une substance, s’oppose, en principe, à l’inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414.

225    Pour apprécier s’il est satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 en matière de protection de la santé animale, il y a lieu, pour les raisons exposées aux points 162 à 167 ci-dessus, de faire application des principes uniformes énoncés à l’annexe VI.

226    Plus particulièrement, le point C 2.5.2.1 de l’annexe VI prévoit, en substance, qu’il n’est pas accordé d’autorisation en cas d’exposition potentielle d’oiseaux et autres vertébrés terrestres non visés si le ratio toxicité à long terme/exposition est inférieur à 5, à moins qu’une évaluation appropriée du risque n’établisse concrètement l’absence d’impact inacceptable après utilisation du produit phytopharmaceutique dans les conditions proposées.

227    Enfin, pour les raisons exposées aux points 169 et 170 ci-dessus, avant toute inscription à l’annexe I de la directive 91/414, il doit être établi, au-delà de tout doute raisonnable, que les restrictions à l’utilisation de la substance en cause au titre de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 permettent d’assurer une utilisation de cette substance qui soit conforme aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

228    C’est au regard des règles qui viennent d’être exposées qu’il convient d’examiner les différents griefs avancés dans le cadre de la présente branche.

b)     Sur les griefs avancés

 Sur le premier grief, tiré du caractère insuffisamment probant du dossier pour conclure à l’absence d’effets nocifs du paraquat sur la santé animale

229    Il convient d’examiner, en premier lieu, si, lorsque la Commission procède à l’examen d’une substance active en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, cette institution est tenue d’évaluer tous les usages représentatifs de la substance en cause, tels que notifiés par l’auteur de la notification.

230    À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le considérant 2 de la directive attaquée, les effets du paraquat ont été évalués conformément aux dispositions du règlement nº 3600/92 pour une série d’usages proposés par l’auteur de la notification.

231    Par ailleurs, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a précisé, à l’audience, qu’elle a dû examiner l’usage du paraquat en tant qu’herbicide pour les quatorze usages mentionnés à l’annexe IV du rapport d’examen de la Commission, à savoir l’usage du paraquat dans les cultures de citron (citrus), de noix et de noisettes (treenuts – hazelnut), de pommes (pome fruit – apple), de raisin (grape), de fraises (strawberry), d’olives (olives), de tomates et de concombres (fruiting vegetables – tomatoes/cucumbers), de haricots (vegetable crops – beans), de pommes de terre (potato), de luzerne (lucerne) ainsi que pour les usages de cette substance dans les champs de chaume (autumn stubbles), lors de la préparation de la terre au printemps (spring land preparation), dans le domaine de la foresterie et des plantes ornementales (forestry, ornamentals), ainsi que sur les terres non cultivées (non-crop land).

232    Par conséquent, dans la présente espèce, il convient de considérer que la Commission a fondé son appréciation selon laquelle le paraquat n’avait pas d’effet nocif sur la santé animale sur l’examen des quatorze usages envisagés par l’auteur de la notification.

233    Or, pour évaluer les effets du paraquat sur la santé des lièvres et des embryons d’oiseaux, seuls deux domaines d’utilisation ont été examinés, à savoir l’utilisation du paraquat dans les champs de chaume en ce qui concerne les lièvres et l’utilisation du paraquat dans les champs de luzerne en automne et en hiver pour ce qui concerne les oiseaux.

234    Par ailleurs, la Commission n’avance aucune raison pour laquelle il n’était pas nécessaire de procéder à l’examen des douze autres usages représentatifs du paraquat pour apprécier l’impact de cette substance sur la santé des lièvres et des embryons d’oiseaux.

235    Dans ces conditions, il convient d’accueillir le grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier pour conclure que le paraquat n’avait pas d’effet nocif sur la santé des lièvres et des embryons d’oiseaux.

236    Il convient d’examiner, en second lieu, si, comme le conteste le Royaume de Suède, il est suffisamment établi que les mesures invoquées par la Commission ont effectivement permis de réduire le risque présenté par le paraquat pour la santé des lièvres.

237    À cet égard, la Commission allègue que le comité scientifique et l’auteur de la notification ont identifié des mesures susceptibles de réduire les risques pour les lièvres, que l’auteur de la notification a affirmé que ces mesures avaient été efficaces et que l’EMR et le comité permanent ont considéré que les informations disponibles étaient suffisantes pour évaluer l’impact du paraquat sur la santé des lièvres.

238    Ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que l’efficacité des mesures alléguées a été établie à suffisance de droit.

239    En effet, il convient de relever que la conclusion de l’avis du comité scientifique indique que l’on pouvait s’attendre à ce que le paraquat cause des effets létaux ou sublétaux sur les lièvres et que cela était confirmé par des études de terrain. Ensuite, il y a lieu de souligner que le comité scientifique a adopté cette conclusion après avoir pris en compte les mesures dont la Commission soutient qu’elles permettent de réduire le risque identifié. Partant, ce n’est que sur la base de données scientifiques nouvelles par rapport à celles qui avaient été prises en compte par le comité scientifique que l’efficacité des mesures invoquées pourrait être suffisamment établie. Or, force est de constater que la Commission n’invoque pas la moindre donnée de ce type. Il convient donc de considérer que la Commission reste en défaut d’établir l’efficacité des mesures qu’elle invoque.

240    Au surplus, il y a lieu de relever que les mesures dont la Commission allègue qu’elles sont aptes à réduire les risques pour le lièvre, telles qu’une pulvérisation du paraquat tôt le matin, l’ajout au produit d’une substance dissuasive, la pulvérisation à partir du milieu du champ vers les limites de celui-ci ou la pulvérisation d’une partie seulement du champ ne sont mentionnées ni directement ni indirectement dans la directive attaquée au titre de dispositions spécifiques en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414.

241    Plus particulièrement, la circonstance que l’annexe à la directive attaquée requiert que les États membres accordent une attention particulière à la protection des lièvres et procèdent, en cas de besoin, à une évaluation des risques et à leur gestion ne peut être considérée comme une restriction d’utilisation du paraquat, au titre de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414, dont il est établi, au-delà de tout doute raisonnable, qu’elle permet d’assurer une utilisation de cette substance qui soit conforme aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

242    Il en résulte que le grief doit également être accueilli en ce qu’il est reproché à la Commission de s’être appuyée sur un dossier qui ne permet pas d’établir à suffisance de droit que les mesures alléguées sont aptes à réduire le risque identifié pour les lièvres.

243    S’agissant, en troisième lieu, du grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier en ce qui concerne les mesures envisagées pour réduire les risques pour la santé des oiseaux, ce grief sera examiné conjointement avec les deuxième et troisième griefs invoqués dans la présente branche (voir point 252 ci-après).

 Sur les deuxième et troisième griefs, tirés respectivement de l’inadéquation du ratio toxicité à long terme/exposition au regard du point C 2.5.2.1 et d’un abandon aux États membres de l’évaluation et de la gestion des risques, en ce qu’ils ont trait à la protection de la santé des embryons d’oiseaux

244    S’agissant, tout d’abord, du ratio toxicité long terme/exposition, il résulte de la réponse du Royaume de Suède à une question écrite du Tribunal, non contestée par la Commission, que les termes « ratio toxicité long terme/exposition » et « marge de sécurité » sont synonymes. Il résulte également de cette réponse que, pour évaluer les risques pour les oiseaux nichant au sol, la Commission s’est fondée sur des études selon lesquelles des effets négatifs sur l’éclosion des œufs ont été observés en cas d’exposition de ces œufs à une dose de paraquat correspondant à une pulvérisation de 2,24 kilogrammes de substance par hectare de surface pulvérisée alors que la dose maximale recommandée par l’auteur de la notification serait de 1,1 kilogramme de substance par hectare. Le Royaume de Suède en conclut, sans être contredit sur ce point par la Commission, que cette institution s’est fondée sur une marge de sécurité de 2 et non de 5, laquelle est préconisée par le point C 2.5.2.1 de l’annexe VI.

245    Toutefois, le choix d’une marge de sécurité inférieure à 5 n’est contraire au point C 2.5.2.1 de l’annexe VI que s’il apparaît qu’il n’y a pas eu d’évaluation appropriée du risque établissant concrètement l’absence d’impact inacceptable après utilisation du produit phytopharmaceutique contenant du paraquat dans les conditions proposées.

246    Il convient donc d’examiner si la Commission a démontré qu’il existait une utilisation du paraquat pour laquelle le risque d’exposition pour les oiseaux nichant au sol est acceptable, ce que le Royaume de Suède conteste tant dans le cadre du grief relatif à la méconnaissance du point C 2.5.2.1 que dans le cadre du premier grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier.

247    Dans son avis, le comité scientifique a indiqué que le paraquat pouvait constituer un danger pour les embryons d’oiseaux, mais que, pour évaluer les risques, il était nécessaire d’obtenir des informations supplémentaires provenant d’études réalistes.

248    Il résulte du second rapport de l’EMR que des informations supplémentaires ont été apportées par l’auteur de la notification sous la forme de trois études portant sur les conséquences d’une pulvérisation avec du paraquat d’œufs de caille japonaise (Coturnix coturnix japonica), de canard col vert (Mallard duck) et de faisan (Phasianus colchicus).

249    Dans son second rapport, l’EMR indique qu’il résulte des études mentionnées au point précédent que la pulvérisation des œufs de col vert et de faisan avec une quantité de paraquat deux fois supérieure à celle recommandée entraîne une réduction générale des éclosions de ces œufs. L’EMR affirme encore que certaines des utilisations envisagées par l’auteur de la notification posent peu de risque pour les embryons d’oiseaux en raison de la période d’utilisation ou du caractère improbable de la nidification dans les cultures concernées par une application du paraquat, mais que certaines cultures pour lesquels l’usage du paraquat est envisagé peuvent constituer un habitat adéquat pour les oiseaux nichant au sol. L’EMR précise toutefois qu’il ne possède pas les informations permettant de déterminer si les oiseaux nichent effectivement dans de telles cultures et dans quelle proportion. L’EMR ajoute que ces informations sont spécifiques pour chaque État membre et que le risque devrait donc être déterminé au niveau des États membres.

250    La directive attaquée indique explicitement que l’évaluation réalisée au sein du comité permanent a conclu que le risque pour les oiseaux serait acceptable à condition que des mesures appropriées visant à atténuer les risques soient appliquées.

251    Au vu de ce qui précède, force est de constater que la Commission n’invoque aucune mesure concrète dont il est établi, au-delà de tout doute raisonnable, qu’elle est apte à permettre une inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414, dans le respect des exigences posées à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, en ce qui concerne la santé des oiseaux.

252    Il en résulte que, lors de l’inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414, il n’était pas encore concrètement établi que le paraquat n’avait pas d’impact inacceptable pour la santé des embryons d’oiseaux, car seules d’éventuelles mesures à adopter par les États membres seraient susceptibles de rendre ce risque acceptable. Le grief tiré de la méconnaissance par la Commission des exigences du point C 2.5.2.1 de l’annexe VI doit donc être accueilli. Il en va de même du grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier pour permettre une inscription du paraquat à l’annexe I de la directive 91/414 dans le respect des exigences de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la même directive en ce qui concerne la santé des oiseaux. Enfin, il résulte également de ce qui précède que le grief tiré de l’abandon aux États membres de l’examen des risques pour les embryons d’oiseaux et de la gestion de ces risques, en contravention avec l’article 5 de la directive 91/414 doit, lui aussi, être accueilli.

 Sur le quatrième grief, tiré des souffrances inacceptables provoquées chez les animaux exposés au paraquat

253    À cet égard, il convient de relever que le Royaume de Suède part de la prémisse que l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de la directive 91/414 qui requiert l’absence d’influence inacceptable sur l’environnement compte tenu particulièrement de l’effet du produit contenant la substance active sur les espèces qui ne sont pas visées, est pertinent, aux fins d’apprécier s’il est satisfait aux exigences posées à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, en ce qui concerne la santé animale.

254    Or, tel n’est pas le cas. En effet, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 opère une distinction entre, d’une part, la santé humaine ou animale, à l’égard de laquelle l’existence d’effets nocifs n’est pas tolérée et, d’autre part, l’environnement à l’égard duquel seuls les effets inacceptables ne sont pas admis. De même l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414 traite séparément la question des effets nocifs sur la santé humaine ou animale [article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414] et la question de l’influence inacceptable sur l’environnement [article 4, paragraphe 1, sous b), v), de la directive 91/414]. Il découle de cette structure des articles 4 et 5 de la directive 91/414 que, lorsqu’il s’agit d’apprécier une substance active sous l’angle de la protection de la santé animale au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, le renvoi qu’opère cette disposition à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la même directive ne porte que sur la disposition de ce dernier article qui traite spécifiquement de la santé animale, à savoir l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive en question.

255    Par conséquent, en raison du fait que l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414 traite déjà spécifiquement de la question des effets du produit contenant la substance active sur la santé animale, l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de la même directive relatif à l’absence d’influence inacceptable sur l’environnement compte tenu de son effet sur les espèces qui ne sont pas visées, n’est pas pertinent pour apprécier si une substance satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive s’agissant de l’effet sur les espèces qui ne sont pas visées.

256    Il convient d’ajouter par ailleurs et en tout état de cause que, à supposer même que l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de la directive 91/414 trouve à s’appliquer pour apprécier s’il est satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/414, s’agissant de la santé animale, le grief du Royaume de Suède ne saurait être accueilli.

257    Certes, dans l’hypothèse où l’article 4, paragraphe 1, sous b), v), second tiret, de la directive 91/414 trouve à s’appliquer, il y a lieu de considérer que cette disposition requiert l’absence de souffrances ou de douleurs inacceptables chez les animaux non visés par le produit contenant la substance active en cause. En effet, dès lors que, comme le fait valoir le Royaume de Suède, l’article 4, paragraphe 1, sous b), iii), de la directive 91/414 s’oppose à ce que les vertébrés à combattre par le produit en cause subissent des souffrances ou des douleurs inacceptables, a fortiori, les animaux que le produit en cause n’a pas pour fonction de combattre doivent bénéficier d’une protection au moins équivalente.

258    Toutefois, le Royaume de Suède reste en défaut d’avancer le moindre argument permettant de conclure que le paraquat cause des souffrances ou des douleurs inacceptables aux lièvres et se limite à indiquer que, dès lors que le paraquat provoque chez l’être humain de telles douleurs et souffrances, il doit être considéré comme engendrant des effets identiques sur les mammifères, tels le lièvre, pour lequel il est constant que le paraquat a des effets létaux ou sublétaux.

259    Or, même s’il est probable que les animaux exposés au paraquat à des doses mortelles endurent de fortes douleurs et des souffrances sévères, il n’en découle pas nécessairement que ces douleurs et souffrances attestent d’une violation des dispositions de l’article 4 explicitement invoquées par le Royaume de Suède dans le cadre du présent grief. En effet, à la différence de l’article 4, paragraphe 1, sous b), iv), de la directive 91/414, qui ne tolère aucun effet nocif direct ou indirect, du produit contenant la substance active, sur la santé animale, l’article 4, paragraphe 1, sous b), iii) et v), de la directive 91/414 se borne à prohiber les souffrances et les douleurs qui revêtent un caractère inacceptable. Il en résulte que ces dispositions ne sont méconnues que s’il est établi que le seuil de ce qui est acceptable est dépassé, ce que le Royaume de Suède reste en défaut d’établir en l’espèce. Ainsi, le Royaume de Suède ne s’attache ni à indiquer le seuil de souffrances ou de douleurs au-delà duquel, celles-ci sont inacceptables, ni que ce seuil est dépassé en l’espèce.

260    Par conséquent, en l’absence de tout élément pertinent permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle une exposition au paraquat entraîne des souffrances ou des douleurs inacceptables pour les lièvres, le quatrième grief ne peut être accueilli.

261    Il en découle que la seconde branche relative à la santé animale doit, à l’exception du quatrième grief, être accueillie.

262    Au vu de ce qui précède, et de la conclusion tirée au point 191 ci-dessus, il y a lieu de faire droit, en substance, à chacune des deux branches du groupe de moyens tirés de la violation de l’article 5 de la directive 91/414, des principes d’intégration, de précaution et du niveau élevé de protection.

263    Chacun des deux groupes de moyens soulevés ayant été, au moins partiellement, accueilli, il y a lieu d’annuler la directive attaquée.

 Sur les dépens

264    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

265    La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Royaume de Suède, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)     La directive 2003/112/CE de la Commission, du 1er décembre 2003, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire la substance active paraquat, est annulée.

2)     La Commission supportera les dépens exposés par le Royaume de Suède ainsi que ses propres dépens.

3)     Le Royaume de Danemark, la République d’Autriche et la République de Finlande supporteront leurs propres dépens.

Pirrung

Meij

Forwood

Pelikánová

 

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung

Table des matières

Cadre juridique

I – Dispositions du traité

II – Directive 91/414/CEE

III – Règlement (CEE) nº 3600/92

Antécédents du litige

I – Procédure ayant conduit à l’adoption de la directive 2003/112/CE

II – Directive 2003/112/CE

Procédure

Conclusions des parties

En droit

I – Sur l’état du dossier scientifique relatif au paraquat

A – Généralités

B – Sur le lien entre l’exposition au paraquat et la maladie de Parkinson

C – Sur les modélisations mathématiques et les études de terrain relatives au risque engendré par l’utilisation du paraquat pour les opérateurs

D – Sur les effets du paraquat sur la santé animale

II – Sur le groupe de moyens tirés d’un traitement du dossier en violation de l’article 7 du règlement nº 3600/92, de l’article 5 de la directive 91/414 et de l’article 174, paragraphe 3, CE

A – Arguments des parties

B – Appréciation du Tribunal

III – Sur le groupe de moyens tirés de la violation de l’article 5 de la directive 91/414, de l’exigence d’intégration, du principe du niveau élevé de protection et du principe de précaution

A – Quant à la première branche relative à la protection de la santé humaine

1. Arguments des parties

a) Sur le grief tiré d’une exposition de l’opérateur supérieure au NAEO

b) Sur le grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier scientifique pour conclure à l’absence de risque significatif du paraquat pour la santé humaine

c) Sur le grief tiré d’une diminution du niveau de protection

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur le cadre d’appréciation

b) Sur les griefs avancés

B – Quant à la seconde branche relative à la protection de la santé animale

1. Arguments des parties

a) Sur le grief tiré du caractère insuffisamment probant du dossier scientifique

b) Sur le grief tiré de l’inadéquation du ratio toxicité à long terme/exposition au regard du point C 2.5.2.1 de l’annexe VI

c) Sur le grief tiré de l’abandon aux États membres de l’évaluation et de la gestion éventuelle des risques

d) Sur le grief tiré de l’existence de douleurs inacceptables pour les animaux exposés

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur le cadre d’appréciation

b) Sur les griefs avancés

Sur le premier grief, tiré du caractère insuffisamment probant du dossier pour conclure à l’absence d’effets nocifs du paraquat sur la santé animale

Sur les deuxième et troisième griefs, tirés respectivement de l’inadéquation du ratio toxicité à long terme/exposition au regard du point C 2.5.2.1 et d’un abandon aux États membres de l’évaluation et de la gestion des risques, en ce qu’ils ont trait à la protection de la santé des embryons d’oiseaux

Sur le quatrième grief, tiré des souffrances inacceptables provoquées chez les animaux exposés au paraquat

Sur les dépens


* Langue de procédure : le suédois.