Language of document : ECLI:EU:T:2004:305

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
14 octobre 2004 (1)

« Fonctionnaires – Recours en indemnité – Exposition à l'amiante – Maladie professionnelle – Préjudice »

Dans l'affaire T-255/02,

H, fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Oetrange (Luxembourg), représenté par Me J. Iturriagagoitia Bassas, avocat,

partie requérante,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. M. Schauss, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réparation des préjudices physique, moral, professionnel et financier prétendument subis par le requérant,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 mai 2004,

rend le présent



Arrêt




Faits à l’origine du litige

1
Le requérant est entré au service de la défenderesse le 1er avril 1971 et a été affecté à la division intérieure. De 1973 à 1991, il a travaillé dans un bâtiment de la Cour communément appelé le « Palais ».

2
Dans le cadre de la campagne de dépistage individuel, lancée par la défenderesse en décembre 1996, en vue de déterminer les conséquences d’une éventuelle exposition du personnel de l’institution à l’amiante, le requérant a subi un examen radiologique. Les conclusions du rapport du professeur Nemery, pneumologue, faisant suite à cet examen sont libellées de la manière suivante : « Quelques zones d’épaississements pleuraux, lésions compatibles avec plaques pleurales dues à l’amiante. Pas d’anomalies pulmonaires ni de retentissement fonctionnel ». Ces résultats ont été communiqués au requérant le 4 mars 1997.

3
Le 7 octobre 1999, le requérant a présenté une demande tendant à la reconnaissance d’une maladie professionnelle en application de l’article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »). À cette demande était joint un rapport établi par le DFettmann le 4 octobre 1999 évoquant à propos du requérant « des épisodes de surinfections bronchiques dont les recrudescences augmentent depuis l’automne 1996 ».

4
Dans le cadre de la procédure prévue par la réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation de couverture »), il a été examiné par le médecin désigné par l’institution, le DDalem, qui a conclu son rapport du 12 octobre 2000 dans les termes suivants :

« invalidité : constituée par la présence de plaques pleurales sans effet sur les fonctions respiratoires : 0 %

syndrome neuropsychique : 5 % ».

5
Le 18 décembre 2000, le requérant a, en vertu de l’article 21, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture, demandé la saisine de la commission médicale prévue à l’article 23 de la même réglementation. Cette commission, composée des Drs Dalem et Fettmann, choisis respectivement par la défenderesse et le requérant, et du PBignon, désigné d’un commun accord par les deux autres médecins, a rendu ses conclusions le 6 avril 2001, à l’unanimité de ses membres. Ces conclusions sont ainsi libellées :

« […]

1. Monsieur [le requérant] est porteur de plaques pleurales. Elles sont de petites surfaces.

2. Cette affection est en relation directe avec les fonctions professionnelles exercées par le patient au sein de la Cour de Justice.

3. Le taux d’invalidité actuel sur le plan pleuro-pulmonaire est de 0 %. Par contre sur le plan psychique, l’invalidité permanente est de 10 %.

4. La date de début de l’invalidité doit être fixée au 7/02/97, date du rapport du professeur Nemery.

5. La date de consolidation est le 4/10/99, date du rapport du docteur Fettmann.

Il nous paraît [utile] de rappeler que les complications éventuelles ultérieures en rapport avec l’amiante entraîneront la réouverture du dossier.

Enfin, la commission ajoute que les phénomènes de bronchopathie chronique sont indépendants de l’amiante et sont, selon toute vraisemblance, le reliquat d’une consommation tabagique qui fut importante à une époque […] »

6
Le 31 mai 2001, le chef de la division du personnel de la Cour, M. Pommiès, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN »), a adopté une décision, fondée sur les conclusions de la commission médicale, libellée comme suit :

« […] il est reconnu que M. [le requérant] est atteint d’une maladie qui trouve son origine à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au service de la Cour et peut donc être considérée comme une maladie professionnelle [qui] entraîne une invalidité permanente de 10 %. »

À ce titre, le requérant a perçu une indemnité de 35 192,16 euros. La décision dispose, en outre, que les frais médicaux directement liés à la maladie professionnelle et encourus par le requérant après la date de consolidation, fixée au 4 octobre 1999, sont à la charge de la défenderesse.

7
Le 19 juillet 2001, le requérant a introduit une demande au titre de l’article 90 du statut tendant à obtenir, sur le fondement de l’article 288 CE, une indemnisation chiffrée à 350 000 euros pour les « dommages et préjudices moraux de toute nature » prétendument subis en raison d’une exposition à l’amiante.

8
Le 23 août 2001, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 31 mai 2001 portant reconnaissance d’une maladie professionnelle. Cette réclamation a été enregistrée sous le numéro Cont. 4/01‑R(b).

9
Par mémorandum du 25 octobre 2001, le greffier de la Cour a rejeté la demande indemnitaire susvisée aux motifs que le requérant n’avait fourni aucune pièce justifiant la réalité ou l’étendue des préjudices allégués.

10
Le 20 novembre 2001, le comité chargé des réclamations de la Cour a sollicité, dans le cadre de la réclamation Cont. 4/01‑R(e), des compléments d’informations de la part de la commission médicale. Ces compléments lui sont parvenus le 29 avril 2002.

11
Le 25 janvier 2002, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 25 octobre 2001 portant rejet de sa demande d’indemnité. Cette réclamation a été enregistrée sous le numéro Cont. 2/02‑R(b).

12
Par décision du 14 mai 2002, notifiée à l’intéressé le 27 mai suivant, le comité chargé des réclamations a rejeté les réclamations Cont. 4/01‑R(e) et Cont. 2/02‑R(b). S’agissant de la motivation du rejet de la seconde réclamation, le comité a indiqué qu’il ne disposait d’aucun élément lui permettant de considérer que la réparation des préjudices allégués devait être fixée à un montant supérieur à l’indemnité de 35 192,16 euros, calculée sur le fondement de constatations médicales.


Procédure et conclusions des parties

13
C’est dans ces circonstances que le requérant a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2002, introduit le présent recours.

14
Conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la jonction aux fins de la procédure orale des affaires T‑1/02, Polinsky/Cour de justice, T‑255/02, H/Cour de justice, T‑256/02, I/Cour de justice, T‑257/02, K/Cour de justice, T‑389/02, Sandini/Cour de justice, et T‑390/02, Cagnato/Cour de justice et sur la tenue éventuelle d’une audience à huis clos en application de l’article 57 dudit règlement.

15
Par ordonnance du 29 avril 2004, à la suite de l’accord exprimé par les parties, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires susvisées aux fins de la procédure orale. Conformément à la demande exprimée par les requérants dans ces affaires, les débats ont eu lieu publiquement.

16
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 mai 2004.

17
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal :

annuler la décision prise par la défenderesse le 14 mai 2002 « dans le cadre de [s]a demande concernant une indemnisation pour les dommages et préjudices moraux et de toute nature subis » pour cause de maladie professionnelle,

condamner la défenderesse à lui payer, à titre de réparation pour les préjudices « qu’il a subis et subira à l’avenir », la somme de 350 000 euros, fixée sous toute réserve, majorée des intérêts moratoires au taux de 10 % l’an à partir du 4 octobre 1999 jusqu’à la date du paiement de ladite somme,

condamner la défenderesse aux dépens ;

à titre subsidiaire : ordonner une expertise médicale.

18
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner le requérant à supporter ses propres dépens.


En droit

Arguments des parties

Sur la demande de réparation des préjudices physique, moral, professionnel et financier prétendument subis par le requérant

19
Le requérant indique avoir introduit un recours en indemnité sur le fondement de l’article 288 CE et fait référence à la jurisprudence qui prévoit le droit du fonctionnaire de demander une indemnisation complémentaire lorsque l’institution est responsable, selon le droit commun, de l’accident ou de la maladie et que les prestations du régime statutaire ne suffisent pas pour assurer la pleine réparation du préjudice subi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 octobre 1986, Leussink e.a./Commission, 169/83 et 136/84, Rec. p. 2801, point 13).

20
S’agissant des conditions d’application de l’article 288 CE, le requérant prétend, en premier lieu, que le comportement adopté à son endroit par l’institution défenderesse est incontestablement fautif.

21
Le requérant affirme que la défenderesse, d’une part, était parfaitement au courant de la présence d’amiante dans le bâtiment communément appelé le « Palais », ce qu’elle a d’ailleurs reconnu dans ses écritures, et, d’autre part, connaissait ou aurait dû connaître les risques pour la santé humaine inhérents à la présence de ce produit, la toxicité de l’amiante étant notoire.

22
Or, la défenderesse, sur laquelle pèse une obligation de sécurité en sa qualité d’employeur, aurait manifestement omis d’agir avec diligence et n’aurait pas pris les mesures de sécurité adéquates, méconnaissant ainsi différents textes, sources d’obligations pour elle, et, notamment, la réglementation luxembourgeoise concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante et les normes juridiques européennes visant l’amiante en tant que substance toxique.

23
La présence de plaques pleurales chez le requérant démontrerait que les mesures adoptées par la défenderesse étaient insuffisantes et que celle-ci a manqué à son obligation de résultat en matière de sécurité, ledit manquement constituant une faute inexcusable au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation française concernant la réparation des préjudices des victimes de l’amiante. Dans un tel contexte, il conviendrait de considérer que la charge de la preuve est inversée et qu’il appartiendrait donc à la défenderesse de prouver qu’elle n’a pas commis une faute inexcusable. Une même conclusion pourrait être déduite de l’arrêt Leussink e.a./Commission, précité.

24
Le requérant soutient, en second lieu, que les conditions d’engagement de la responsabilité de la défenderesse tenant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité avec la faute alléguée sont également satisfaites. Le préjudice subi serait d’une triple nature.

25
Le requérant invoque, tout d’abord, un préjudice physique consistant dans la présence de plaques pleurales causées par l’exposition à l’amiante et dans des crises de bronchites chroniques. Il indique qu’il était en parfait état de santé lors de son entrée en fonctions et qu’il a travaillé pendant près de vingt ans dans le bâtiment en cause.

26
Il allègue, ensuite, un préjudice « psychique, affectif, familial, social et moral ». Ce préjudice serait caractérisé par une angoisse permanente, née de la conscience de la survenance probable d’une pathologie très grave, à plus ou moins brève échéance, génératrice de tensions internes. Le requérant évoque également un sentiment de diminution de la qualité de vie et d’hostilité à l’égard de son environnement professionnel direct et plus particulièrement envers certains de ses supérieurs. La situation d’incertitude permanente dans laquelle se trouverait le requérant amènerait ce dernier à interpréter tout malaise en relation avec son exposition à l’amiante et au risque accru d’être victime de l’asbestose. N’importe quelle affection banale pourrait déclencher chez lui une réaction d’impuissance et de frustration. L’état psychologique désastreux du requérant, aggravé par le souvenir de la pathologie de son père, serait à l’origine de multiples perturbations dans sa vie familiale et sociale. La totalité de ses projets, notamment familiaux, seraient conditionnés par son état de santé et par le risque d’aggravation de ce dernier avec le développement d’un cancer fulgurant.

27
Le requérant fait état, enfin, d’un préjudice professionnel et financier. Plus particulièrement, il excipe, d’une part, de la diminution de la possibilité d’une promotion professionnelle et de la limitation de ses perspectives de travail dans une autre entité publique ou dans une société commerciale et, d’autre part, du fait que, s’il était amené à déclarer son état de santé dans le cadre de la souscription d’une police d’assurance vie ou d’un emprunt hypothécaire, tout organisme financier devrait prendre en compte, comme facteur de risque supplémentaire, les conséquences de son exposition à l’amiante.

28
Il indique que la nature des préjudices subis rend difficile une preuve documentaire et que la reconnaissance de sa maladie professionnelle prouve, per se, que son état permanent d’anxiété et de dépression aura nécessairement un impact sur d’autres éléments de sa vie et pas seulement sur son état de santé.

29
Le requérant reproche à la défenderesse de confondre en l’espèce les deux régimes d’indemnisation prévus par l’article 73 du statut et par l’article 288 CE et de s’en tenir à l’examen du caractère approprié de l’indemnisation octroyée en application de l’article 73 du statut. Or, le présent litige ne porterait pas sur le taux d’invalidité permanente fixé par la commission médicale, le requérant ne disposant d’aucun élément objectif pour prétendre à une aggravation de la pathologie diagnostiquée. Le requérant indique que la présente procédure a pour objet la réparation des préjudices subis de « nature non médicale » ou, envisagé de manière globale, du « dommage collatéral » consécutif à son exposition à l’amiante dans les locaux de la défenderesse.

30
Il conteste plus particulièrement la position de la défenderesse qui, d’une part, intègre dans la perturbation d’ordre neuropsychique diagnostiquée par la commission médicale la totalité du préjudice d’ordres affectif, familial, social et moral subis et, d’autre part, prétend, sur le fondement des conclusions de ladite commission, que la seule cause de sa pathologie réside dans la campagne de dépistage à laquelle il a participé.

31
Outre le fait que cette argumentation de la défenderesse méconnaît la définition légale de la notion d’invalidité, le requérant fait observer que les conclusions de la commission médicale ont été formulées au terme d’un examen incomplet, par des médecins qui ne sont pas des psychiatres et dont la mission n’était pas définie de manière à leur permettre de résoudre les questions posées dans le cadre de la présente procédure d’indemnisation, lesquelles relevaient d’abord de la seule appréciation de l’institution, puis désormais du Tribunal. Selon le requérant, l’origine du litige se trouve bien dans la présence d’amiante au « Palais », laquelle est la cause des plaques pleurales. Dans l’hypothèse où le Tribunal aurait des hésitations sur le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et les plaques pleurales, le requérant sollicite que soit ordonnée une expertise aux fins de vérification de l’existence dudit lien.

32
Par ailleurs, le requérant souligne qu’il a une parfaite conscience de l’évolution probable de l’amiante dans son organisme et que, « si une quote-part de cette prise de conscience est assurément susceptible de diagnostic et de traitement médical, une autre quote-part de celle-ci n’offre [pas des] symptômes médicaux [et] n’est [pas], par conséquent, susceptible d’être traitée médicalement ».

33
Le requérant prétend, enfin, en se référant aux arrêts de la Cour du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549, points 17 à 19), et du Tribunal du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission (T‑196/99, Rec. p. II‑3597, points 171 et suivants), que les conditions d’engagement de la responsabilité sans faute de l’institution défenderesse sont également réunies en l’espèce.

34
La défenderesse soutient que le requérant ne rapporte pas la preuve de la réunion, en l’espèce, des trois conditions, cumulatives, d’engagement de la responsabilité de la Communauté, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Elle conclut, en conséquence, au rejet de la demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de réparation des préjudices liés au traitement du dossier par la défenderesse

35
Le requérant affirme que la défenderesse a violé le devoir de sollicitude qui pèse sur l’administration à l’égard de ses agents ainsi que le principe de bonne administration.

36
Il rappelle que le devoir de sollicitude de l’administration, selon la jurisprudence de la Cour, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Le principe de bonne administration, lié au devoir de sollicitude, aurait voulu que, afin de sauvegarder cet équilibre, l’administration ait pris en considération l’ « ensemble des éléments susceptibles de définir les préjudices des fonctionnaires ».

37
Il prétend que la défenderesse a violé les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), et invoque également l’article 41 de ladite charte, qui prévoit que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. Or, contrairement aux aspirations du requérant, sa demande n’aurait pas été traitée rapidement, l’administration ayant épuisé, à chaque stade de la procédure, les délais disponibles. La violation du principe de bonne administration serait constituée dans l’hypothèse d’une durée excessive de procédure, ce qui devrait donner lieu à réparation du préjudice de la part de l’administration. À cet égard, le requérant invoque, notamment, les démarches entreprises, les frais supplémentaires encourus et les désagréments de toute sorte endurés.

38
Le requérant soutient encore que la défenderesse a commis un détournement de pouvoir. Il relève, à ce titre, qu’elle a traité sa demande et sa réclamation sur la base de l’article 73 du statut et que « la correcte application de l’article 288 CE est une manifestation de plus du détournement de pouvoir commis par la défenderesse». Celle-ci aurait poursuivi, en l’espèce, des fins autres que celles excipées, sa position étant dictée par un souci d’économie pour le budget de l’institution.

39
La défenderesse conclut au rejet de tous les griefs soulevés par le requérant comme étant non fondés.

Sur le montant de l’indemnité réclamée

40
S’agissant du montant de dommages et intérêts sollicités, le requérant fait valoir que l’évaluation du préjudice est tributaire de la gravité et du caractère évitable de celui-ci. Faisant référence aux sommes allouées par la Cour à la victime dans l’arrêt Leussink e.a./Commission, précité, le requérant relève que l’indemnisation accordée était approximativement égale à la moitié du montant des dommages et intérêts réclamés.

41
En l’absence de décisions des juridictions communautaires fixant des montants de dommages et intérêts en réparation de préjudices identiques à ceux subis par lui, le requérant se réfère également aux indemnisations octroyées par des juridictions nationales dans des cas similaires.

42
La défenderesse indique que l’estimation du préjudice effectuée par le requérant, à hauteur de 350 000 euros, ne repose sur aucune base sérieuse.

Appréciation du Tribunal

Sur la portée du recours

43
Il convient de relever, en premier lieu, que le requérant sollicite la condamnation de la défenderesse au paiement de dommages et intérêts ainsi que l’annulation de la décision rejetant la réclamation introduite contre la décision explicite de la défenderesse portant rejet de sa demande d’indemnité.

44
Le recours n’est donc pas dirigé contre la décision portant reconnaissance d’une maladie professionnelle et octroi d’une indemnité au titre d’une invalidité permanente partielle, calculée en fonction du traitement de base et du taux d’invalidité retenu. Alors que le requérant avait initialement introduit une réclamation contre ladite décision, force est de constater que cette dernière n’est pas visée par le présent recours et qu’aucune autre procédure contentieuse n’a été diligentée contre cette décision.

45
En outre, le requérant a précisé dans ses écritures que « le litige ne porte pas […] sur les lésions de nature physiologique ou psychologique subies […] à cause de son exposition à l’amiante du Palais », ce point ayant déjà été « adjugé » dans le cadre de la procédure d’indemnisation forfaitaire. Il a également indiqué que le litige ne porte pas sur le taux d’invalidité permanente fixé à la suite des conclusions du médecin désigné par l’institution, dans la mesure où il ne dispose d’aucun élément objectif pour prétendre à une aggravation de son « processus » médical.

46
Il y a lieu, dès lors, de considérer que les conclusions d’ordre médical, qui fondent la décision de l’AIPN portant reconnaissance d’une maladie professionnelle et octroi d’une indemnité au titre d’une invalidité permanente partielle, doivent être tenues pour acquises par le Tribunal dans le cadre de la présente instance.

47
Il importe de rappeler, en second lieu, que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable au recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, RecFP p. I‑A‑471 et II‑1231, point 45 ; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 32). Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formulées par le requérant.

Sur les conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté

48
Il importe, en premier lieu, de relever que le litige entre le requérant et la défenderesse trouve sa source dans la relation de travail qui les unit et qu’il ne relève pas, dès lors, de l’article 288 CE, mais de l’article 236 CE et des articles 90 et 91 du statut.

49
Il convient, en second lieu, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué, la preuve de la réunion de ces conditions incombant à la partie requérante (arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 42, et arrêt du Tribunal du 26 mai 1998, Bieber/Parlement, T‑205/96, RecFP p. I‑A‑231 et II‑723, point 48).

50
Les trois conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté précitées sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627, point 57).

51
À cet égard, il convient de relever que, à supposer même que la référence faite par le requérant aux arrêts Dorsch Consult/Conseil et Commission et Area Cova e.a./Conseil et Commission, précités, contenant prétendument l’affirmation du principe d’une responsabilité sans faute de la Communauté, puisse être considérée comme pertinente en l’espèce, la preuve d’un préjudice, qui devrait, de plus, être anormal et spécial, et du lien de causalité entre celui-ci et le comportement imputé à l’institution concernée demeurerait nécessaire.

52
Il y a lieu d’examiner si, dans le cas présent, le requérant a effectivement rapporté la preuve des préjudices invoqués, en rapport avec le comportement fautif allégué, ce qui peut impliquer de tenir compte des prestations qu’il a perçues au titre de l’article 73 du statut.

53
En effet, il convient de rappeler que les fonctionnaires sont en droit de demander une indemnisation complémentaire aux prestations perçues au titre de l’article 73 du statut, lorsque l’institution est responsable de l’accident ou de la maladie professionnelle selon le droit commun et que les prestations statutaires ne suffisent pas pour assurer la pleine réparation du préjudice subi. En revanche, l’indemnisation forfaitaire ne peut conduire à une double indemnisation du préjudice subi. En ce sens, les deux systèmes d’indemnisation ne sont pas indépendants (voir, en ce sens, arrêt Leussink e.a./Commission, précité, points 10 à 14, et arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, précité, points 19 à 22).

Sur la demande de réparation des préjudices physique, moral, professionnel et financier prétendument subis par le requérant

– Préjudice d’ordre physique

54
Le requérant se plaint, en substance, d’un préjudice d’ordre physique constitué par la présence de plaques pleurales ayant pour origine une exposition à l’amiante. Dans le cas où le Tribunal aurait des hésitations sur le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et les plaques pleurales, le requérant a présenté, dans le cadre de conclusions formulées à titre subsidiaire, une demande d’expertise aux fins de vérification de l’existence dudit lien.

55
Il est constant que l’examen radiologique subi par le requérant dans le cadre de la campagne de dépistage individuel lancée par la défenderesse en décembre 1996 en vue de déterminer les conséquences d’une éventuelle exposition du personnel de l’institution à l’amiante a révélé chez l’intéressé la présence de plaques pleurales.

56
Il convient, toutefois, de relever que, dans les rapports de la commission médicale concernant le requérant, il est clairement indiqué que ce dernier présente une « forme bénigne d’exposition à l’amiante sous formes de plaques pleurales », lesquelles constituent un « marqueur réactionnel de la plèvre montrant qu’incontestablement le patient a été en contact avec des fibres d’amiante ». Il est encore précisé que « la présence de plaques pleurales ne signifie nullement une étape inéluctable vers des complications graves telles que la fibrose pulmonaire, le cancer bronchopulmonaire ou le mésothéliome ».

57
Il ressort également des rapports de la commission médicale que ces plaques pleurales n’occasionnent aucune atteinte aux fonctions respiratoires du requérant, les seules répercussions mises en évidence et retenues par ladite commission étant d’ordre psychologique. Les conséquences psychologiques de la révélation de l’existence des plaques pleurales ont été évaluées médicalement pour déterminer la nature précise de l’affection psychique en cause et sa gravité, et ce aux fins de la fixation du taux d’invalidité. Il est constant qu’aucune invalidité n’a été retenue par la commission médicale en raison de la présence de plaques pleurales.

58
Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi que la seule présence de plaques pleurales lui a causé un préjudice physiologique actuel et certain. Il importe cependant de souligner que le requérant serait fondé à demander la réouverture de son dossier relatif à la reconnaissance d’une maladie professionnelle et, le cas échéant, à obtenir une nouvelle indemnité dans l’hypothèse d’une évolution négative des plaques pleurales.

59
Eu égard aux considérations qui précèdent, la demande d’expertise du requérant est dépourvue de toute pertinence et doit être rejetée, la commission médicale ayant clairement admis que la présence de plaques pleurales avait pour origine une exposition à l’amiante, ce que l’institution défenderesse ne conteste nullement.

60
Il y a lieu, enfin, de relever que le requérant paraît également invoquer, dans ses écritures, des troubles physiologiques ou psychosomatiques particuliers, à savoir des crises de bronchites chroniques et des tensions musculaires.

61
S’agissant des premiers troubles susvisés, il est expressément mentionné dans le rapport de la commission médicale concernant le requérant que « les phénomènes de bronchopathie chronique sont indépendants de l’amiante ». Par ailleurs, une doléance relative à des douleurs musculaires a précisément été exprimée par le requérant devant le DNols, neuropsychiatre, et prise en considération par celui-ci, lors de l’expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de la procédure visant à la reconnaissance d’une maladie professionnelle. Il convient de considérer, dans ces circonstances, que le requérant n’a pas démontré que les troubles relatifs à des tensions musculaires sont dissociables de l’affection psychique diagnostiquée par ledit médecin et indemnisée en vertu de l’article 73 du statut.

– Préjudice « psychique, affectif, familial, social et moral »

62
Il convient, à titre liminaire, d’observer que la défenderesse soutient qu’il ressort des rapports médicaux établis dans le cadre de la procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle et plus particulièrement du rapport d’expertise, daté du 12 avril 2000, du DNols, neuropsychiatre, que le préjudice d’ordres psychique, affectif, familial, social et moral dont se plaint le requérant est précisément celui qui a fait l’objet d’une indemnisation en application de l’article 73 du statut et que l’intéressé n’a pas démontré que l’indemnisation ainsi accordée est insuffisante.

63
Eu égard à la jurisprudence relative à l’articulation entre la couverture statutaire des risques de maladie professionnelle et l’indemnisation complémentaire au titre du droit commun (voir point 53 ci-dessus), il y a lieu de vérifier, en premier lieu, si le préjudice allégué par le requérant a été pris en compte par l’AIPN lors de l’octroi de l’indemnité versée au titre de l’article 73 du statut et d’examiner, à cette fin, les conclusions médicales sur lesquelles repose la décision de l’AIPN.

64
Préalablement à cette analyse, il importe de rappeler que le taux d’invalidité permanente partielle est, en principe, fixé d’après un barème figurant en annexe à la réglementation de couverture. Dans cette annexe, il est indiqué que, pour les cas d’invalidité permanente partielle non prévus dans le barème en cause, le degré d’invalidité est déterminé par référence au Barème officiel belge des invalidités (ci-après le « BOBI »), abstraction faite toutefois des éléments de ce barème qui se rapportent aux victimes des faits de guerre.

65
Dans le cadre d’une partie du BOBI consacrée à la neuropsychiatrie et plus particulièrement aux affections psychiques, il est mentionné que « l’objectivation des troubles psychiatriques requiert l’observation des comportements de relation entre le malade et son entourage » et que, s’agissant des troubles névrotiques et psychosomatiques, « la gravité sera jugée en tenant compte de la nature, de la durée et des répercussions sociales des symptômes ». Le BOBI comprend un certain nombre d’articles correspondant à des affections psychiques précises et, notamment, les dispositions suivantes :

« Art. 647. Anxiétés ou angoisse :

a)
syndrome anxieux mineur avec inhibition psychomotrice, sans grande influence sur la vie sociale (0 à 20 %)

b)
syndrome anxieux plus important, ayant une répercussion marquée sur la vie sociale (20 à 50 %)

c)
syndrome d’angoisse grave, avec grand désordre psychomoteur et neurovégétatif (50 à 80 %) »

66
En ce qui concerne le requérant, il résulte du rapport du DNols du 12 avril 2000, du rapport de la commission médicale du 6 avril 2001 et du rapport complémentaire de celle-ci que la révélation de l’existence de plaques pleurales a provoqué chez le requérant un traumatisme psychique. Le DNols observe que l’angoisse du requérant est « soutenue par l’allusion à la maladie et à la mort du père » mais note que l’état initial « d’anxiété et de peur […] s’est résorbé progressivement en laissant la place à des sentiments de révolte ou à des ressentiments à l’égard de l’administration », lesdits ressentiments mobilisant une tension émotionnelle d’agressivité contenue qui se répercute somatiquement par des douleurs musculaires transitoires. Le neuropsychiatre indique encore ce qui suit : « Il n’y a donc pas d’état de décompensation anxiodépressif caractérisé. La symptomatologie décrite peut toutefois être considérée comme imputable, encore qu’elle s’installe sur un terrain habituellement fort réactif sur le plan émotionnel et sur le plan du stress. Elle n’entraîne que de minimes répercussions sociales. Elle est encore susceptible d’amélioration ». L’expert conclut qu’il est possible d’admettre un taux d’invalidité permanente de 5 %, en fonction de l’article 647, sous a), du BOBI.

67
Le taux de l’invalidité permanente d’ordre neuropsychique a finalement été porté à 10 % par la commission médicale en raison du changement caractériel significatif du requérant souligné par l’un des membres de ladite commission. Sur la base de ces conclusions, l’AIPN a adopté une décision portant reconnaissance de l’origine professionnelle de l’affection psychique diagnostiquée et d’un taux d’invalidité permanente de 10 %, ce qui a entraîné l’octroi d’une indemnité de 35 192,16 euros.

68
Il résulte des considérations qui précèdent que, ainsi que l’affirme à juste titre la défenderesse, le préjudice « psychique, affectif, familial, social et moral » invoqué par le requérant a déjà été pris en compte et indemnisé au titre de l’article 73 du statut.

69
En effet, le requérant se plaint, en substance, d’une angoisse, qui peut être qualifiée de cancérophobie, ayant des répercussions négatives sur son état psychique et dans ses relations aux autres, ainsi que l’attesteraient des membres de son entourage. Or, ces éléments ont été clairement évoqués dans les rapports médicaux ayant abouti à l’octroi de l’indemnité susvisée et plus particulièrement dans le rapport du DNols, neuropsychiatre, dont les conclusions sur l’invalidité sont fondées, de manière expresse, sur l’article pertinent du BOBI. Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, ce texte comprend, dans la définition de l’affection psychique en cause et de sa gravité, la prise en compte de la dimension sociale, et donc familiale, de l’individu concerné. Il ressort incontestablement du rapport très détaillé du DNols, qui a interrogé et écouté le requérant dans l’évocation de ses difficultés, que les conséquences des troubles d’ordre psychique de ce dernier sur son humeur et dans ses relations aux autres ont fait partie du champ d’analyse du médecin spécialiste.

70
Il convient, en deuxième lieu, de relever que les écritures du requérant ne contiennent pas d’éléments précis et objectifs démontrant que le préjudice allégué est distinct de celui pris en considération par la commission médicale dont les conclusions ont servi de base à la décision de l’AIPN.

71
D’une part, le requérant affirme que la pathologie reconnue comme maladie professionnelle entraîne un « dommage moral, lié, certes, à la pathologie principale, mais apte à être clairement distingué du volet médical des conséquences subies à la suite d’une exposition à l’amiante ». Il indique, à cet égard, avoir une parfaite conscience de l’évolution probable de l’amiante dans son organisme et que, « si une quote-part de cette prise de conscience est assurément susceptible de diagnostic et de traitement médical, une autre quote-part de celle-ci n’offre [pas des] symptômes médicaux [et] n’est [pas], par conséquent, susceptible d’être traitée médicalement ».

72
Cette subdivision du préjudice moral en deux parties bien distinctes relève d’une construction intellectuelle purement subjective et ne constitue une démonstration ni de l’existence d’un préjudice distinct de celui couvert par l’indemnité versée au titre de l’article 73 du statut ni, au demeurant, de la réparation non adéquate de celui-ci.

73
D’autre part, le requérant fait référence dans ses écritures aux notions de pretium doloris et de préjudice d’agrément dans les termes suivants :

« Le pretium doloris comprend le préjudice des souffrances physiques mais également les souffrances morales dérivées d’une maladie professionnelle reconnue ; le préjudice d’agrément doit inclure la privation de certaines activités, y compris les activités de loisirs. »

74
S’agissant du pretium doloris, le requérant ne rapporte pas la preuve de l’existence de souffrances physiques présentant un lien causal avec une exposition à l’amiante. En outre, il ne peut être valablement retenu au titre de la preuve d’un préjudice moral spécifique l’allégation de « souffrances morales dérivées d’une maladie professionnelle reconnue » lorsque cette dernière est précisément constituée par une affection d’ordre psychologique caractérisée par l’état d’anxiété ou d’angoisse du requérant.

75
Il convient de rappeler que, au point 61 ci-dessus, il a été constaté que les troubles physiologiques ou psychosomatiques invoqués par le requérant étaient sans lien causal avec une exposition à l’amiante en ce qui concerne les crises de bronchites chroniques et avaient été exprimés devant le DNols, neuropsychiatre, et pris en considération par celui-ci, lors de l’expertise psychiatrique, s’agissant des douleurs musculaires qualifiées de réaction somatique à la tension émotionnelle du requérant. Il a été considéré, dans ces circonstances, que le requérant n’a pas démontré que les troubles relatifs à des tensions musculaires sont dissociables de l’affection psychique diagnostiquée par ledit médecin et indemnisée en vertu de l’article 73 du statut.

76
Quant au préjudice d’agrément, qui résulte de la privation définitive des agréments normaux de l’existence et, notamment, de l’impossibilité de se livrer à une activité ludique ou sportive, le requérant fait état d’une « diminution de la qualité de vie perçue » et produit deux attestations, émanant de membres de son entourage, dans lesquelles il est indiqué qu’il « n’a plus aucune motivation pour la musique qui est une de ses grandes passions » ni de goût pour les travaux du jardin, réalisés par le passé avec plaisir.

77
Il convient, là encore, de souligner que l’on se trouve dans un cas spécifique où l’invalidité permanente partielle du requérant est justifiée par des troubles d’ordre psychologique et non par une atteinte à l’intégrité physique de la personne qui rendrait objectivement et concrètement impossible la poursuite de certaines activités auparavant exercées avec assiduité par celle-ci. Il importe de rappeler, au demeurant, que les plaques pleurales décelées n’ont aucun retentissement fonctionnel sur l’appareil respiratoire du requérant.

78
Dans un tel cas de figure, le préjudice d’agrément, qui constitue un préjudice d’ordre psychologique dans la mesure où il s’agit de l’expression d’une souffrance morale, n’est pas, en tant que tel, dissociable des perturbations neuropsychologiques prises en compte dans les différents rapports médicaux ayant servi de base à la décision de la défenderesse portant reconnaissance de la maladie professionnelle du requérant et fixation d’un taux d’invalidité permanente partielle.

79
Il convient, en troisième lieu, de considérer que les critiques formulées par le requérant à l’encontre de la conclusion de l’identité entre le préjudice allégué et le préjudice indemnisé ne peuvent être retenues.

80
Le requérant fait valoir qu’une telle conclusion contredit la définition de la notion d’invalidité, qui ne permet pas une assimilation entre préjudices médicaux et préjudices moraux, est fondée sur les rapports médicaux de la commission médicale, établis au terme d’un examen incomplet, par des médecins qui ne sont pas psychiatres ou psychologues et qui, par définition, ignoraient ses revendications au titre de la réparation des « préjudices non médicaux » dont l’appréciation relève de la compétence de l’administration, puis du Tribunal, le cas échéant.

81
Il importe, premièrement, de rappeler que dans, une affaire où les parties s’opposaient sur la question de savoir si les troubles qui n’affectent pas directement les facultés intellectuelles, mais relèvent uniquement du domaine affectif, peuvent entrer en ligne de compte au titre de l’invalidité prévue à l’article 73 du statut, la Cour a, dans son arrêt du 2 octobre 1979, B./Commission (152/77, Rec. p. 2819, point 10), fourni la réponse suivante :

« [R]ien ne permet d’interpréter la notion d’invalidité de manière restrictive. Au sens de l’article [73 du statut], doit être considérée comme invalide la personne qui, à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle, n’est plus en état, entièrement ou partiellement, de mener une vie active normale. S’il est établi par expertise médicale qu’une lésion psychique affectant la seule sphère affective répond à cette condition, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit considérée comme relevant de la notion d’invalidité au sens de l’article 73 du statut. »

82
La notion d’invalidité visée à l’article 73 du statut couvre donc l’incapacité à mener une vie active normale, en ce compris la sphère affective. Il s’ensuit que rien n’empêche le médecin désigné par l’institution ou une commission médicale, dans le cadre de la procédure visant à la reconnaissance d’une maladie professionnelle, de tenir compte du préjudice moral subi par un fonctionnaire à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle lorsque ce préjudice le rend inapte à mener une vie active normale.

83
Il y a lieu, deuxièmement, de relever que c’est dans ce contexte et au vu des conclusions du DNols fondées sur l’article pertinent du BOBI, qui implique la prise en compte de la dimension sociale de l’individu concerné, que la commission médicale a estimé que le requérant devait se voir reconnaître un taux d’invalidité permanente au titre de troubles d’ordre psychique qui correspondent au préjudice « de nature non médicale » invoqué par le requérant. À cet égard, il est indifférent que la commission médicale n’ait pas été informée des préjudices tels que formulés par le requérant dans le cadre de la présente instance. Quelle que soit la formulation des préjudices présentée aujourd’hui par le requérant, il convient de considérer que le DNols était, au moment de l’examen neuropsychologique, en mesure d’apprécier l’étendue du préjudice d’ordre psychologique subi par le requérant, y compris dans sa dimension sociale. Au demeurant, ce dernier a clairement précisé dans ses écritures que le présent recours ne porte pas sur le taux d’invalidité permanente, dans la mesure où il ne dispose d’aucun élément objectif pour prétendre à une aggravation des constats médicaux ayant fondé la fixation dudits taux.

84
S’agissant des griefs relatifs à la compétence des membres de la commission médicale et au déroulement des examens médicaux dont le requérant a fait l’objet, il y a lieu de rappeler que, eu égard à la portée du présent recours, les appréciations d’ordre médical formulées dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut doivent être considérées comme définitives et ne peuvent donc être remises en cause d’une manière ou d’une autre par le requérant. À titre surabondant, il suffit de relever que le requérant a fait l’objet d’une exploration neuropsychologique minutieuse de la part du DNols ayant donné lieu à un rapport très détaillé, lequel a été expressément pris en compte par la commission médicale pour fonder ses conclusions sur l’invalidité.

85
Dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, le préjudice « psychique, affectif, familial, social et moral » allégué par le requérant est précisément celui qui a été indemnisé au titre de l’article 73 du statut, il y a lieu de vérifier, en dernier lieu, si l’indemnité octroyée au requérant, soit la somme de 35 192,16 euros, a réparé intégralement ledit préjudice.

86
Dans le but de justifier le montant de 350 000 euros de dommages et intérêts réclamés, le requérant fait référence aux indemnisations octroyées par des juridictions nationales dans des cas prétendument similaires et à celle allouée à la partie requérante par la Cour dans l’arrêt Leussink e.a./Commission, précité.

87
Les décisions des juridictions nationales produites aux débats ne peuvent fonder la conclusion d’une réparation inadéquate du préjudice d’ordre psychologique subi par le requérant. Elles s’inscrivent dans des cadres juridiques distincts, mentionnent des indemnisations bien inférieures à celle réclamée par le requérant et concernent généralement des personnes souffrant de pathologies pulmonaires avérées et graves résultant d’une exposition à l’amiante avec lesquelles l’affection psychique dont souffre le requérant n’est pas comparable.

88
La référence à l’arrêt Leussink e.a/Commission, précité, n’est pas davantage de nature à fonder les prétentions du requérant, en raison des circonstances particulières de cette affaire.

89
À cet égard, il convient de rappeler que, au cours d’une mission, M. Leussink, fonctionnaire de la Commission, avait été victime d’un accident de la circulation survenu dans un véhicule défectueux appartenant à l’institution concernée. Il avait été grièvement blessé et souffrait de nombreuses séquelles : « perte de l’œil droit, déformation du globe oculaire gauche, baisse de l’ouïe, perte de l’odorat et du goût, baisse de la capacité pulmonaire, diminution de la force du membre supérieur gauche, perte de plus de 6 cm2 du tissu crânien, séquelles neurologiques et psychologiques ». À ce titre, il s’était vu reconnaître un taux d’invalidité de 75 %. L’accident avait également eu des conséquences désastreuses sur le plan privé : dissolution de la vie familiale (après seize années de mariage heureux, M. Leussink, devenu impulsif et agressif, était allé habiter seul) ; privation des joies de la vie et du travail en général ; (impossibilité de pratiquer le tennis, le ski et la natation ; indifférence aux plaisirs de la table ; rupture avec les anciennes relations) (conclusions de l’avocat général Sir Gordon Slynn sous l’arrêt Leussink e.a/Commission, précité, Rec. p. 2812, 2818). Dans cette affaire, la Cour avait jugé que l’indemnité versée à M. Leussink au titre de l’article 73 du statut était insuffisante eu égard à « l’extrême gravité des conséquences non économiques que l’accident a[vait] entraînées pour M. Leussink » (point 20 de l’arrêt).

90
Dans le cas présent, il ressort des rapports du DNols et de la commission médicale que la situation du requérant ne présente pas une telle gravité. L’absence d’atteinte aux fonctions respiratoires permet de considérer que le requérant n’est pas privé de la possibilité de pratiquer une activité sportive ou simplement ludique. Le requérant n’a, par ailleurs, subi ni diminution ni disparition de certains sens, situation génératrice, à l’évidence, de très importantes souffrances morales et les troubles psychiques dont il est atteint ont eu des répercussions sociales plus limitées que celles connues par M. Leussink et mentionnées au point ci-dessus.

91
Évaluant le préjudice d’ordre psychologique du requérant ex aequo et bono, le Tribunal ne considère pas, dans ces circonstances, qu’il puisse être fixé à un montant supérieur à la somme de 35 192,16 euros qui lui a déjà été versée, laquelle constitue une réparation adéquate dudit préjudice.

– Préjudice professionnel et financier

92
Le requérant prétend subir un préjudice professionnel constitué par la diminution de la possibilité d’une promotion professionnelle.

93
Force est, toutefois, de constater que les déclarations du requérant ne sont étayées par aucun élément concret, objectif, et ne peuvent être qualifiées que de simples supputations. Il ne saurait, dès lors, être considéré que le requérant a satisfait aux exigences de preuve de la réalité du préjudice allégué.

94
Le requérant évoque également, sans autres précisions, une limitation de ses perspectives de travail dans une autre entité publique ou dans une société commerciale. Cette simple allégation renvoie à une situation de nature purement hypothétique qui ne peut servir de preuve d’un préjudice actuel et certain.

95
S’agissant du préjudice financier, le requérant excipe du fait que, s’il était amené à déclarer son état de santé dans le cadre d’une demande de souscription d’une police d’assurance vie ou d’un emprunt hypothécaire, tout organisme financier devrait prendre en compte, comme facteur de risque supplémentaire, sa pathologie et les conséquences d’une exposition à l’amiante.

96
Il résulte de la formulation conditionnelle employée par le requérant que le préjudice allégué ne peut être considéré que comme hypothétique, et ce à plusieurs titres, qu’il s’agisse de la conclusion même d’une des deux conventions visées, de la nécessité de remplir à cette fin un questionnaire médical et du surenchérissement consécutif du coût de la convention. Or, il ne saurait être alloué des dommages et intérêts pour compenser un préjudice purement hypothétique. Par ailleurs, cette incertitude se traduit également dans l’évaluation du préjudice financier allégué, le requérant n’ayant aucunement avancé ni a fortiori justifié un quelconque montant au titre dudit préjudice.

97
Il résulte de tout ce qui précède que la demande du requérant visant à la réparation des préjudices physique, moral, professionnel et financier doit, en tout état de cause, être rejetée, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si la défenderesse a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la demande de réparation du préjudice lié au traitement du dossier par la défenderesse

98
Le requérant fait valoir, en substance, que le traitement de son dossier par la défenderesse a été fautif et lui a été préjudiciable. À cet égard, il prétend que cette dernière a violé le principe de bonne administration combiné, d’une part, avec le devoir de sollicitude pesant sur l’administration et, d’autre part, avec l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et a commis un détournement de pouvoir.

– Sur le grief tiré de la violation du principe de bonne administration combiné avec le devoir de sollicitude

99
Le requérant soutient que le principe de bonne administration, lié au devoir de sollicitude, aurait dû amener l’administration à prendre en considération l’ « ensemble des éléments susceptibles de définir les préjudices des fonctionnaires ». Le requérant se plaindrait ainsi du traitement infligé au personnel par l’administration qui connaissait l’existence de l’amiante dans le « Palais » et qui n’a pas satisfait à ses obligations fondamentales.

100
Il apparaît que le grief ainsi formulé relève, en réalité, de la discussion sur la demande de réparation des préjudices physique, moral, professionnel et financier et plus particulièrement sur l’existence éventuelle d’une faute de la défenderesse. Or, il a été constaté ci-dessus que cette demande doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si la défenderesse a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

101
En tout état de cause, à supposer même que ledit grief puisse être rattaché à l’examen d’un prétendu comportement fautif de la défenderesse dans la conduite des procédures et que ce comportement puisse constituer une violation des principes invoqués, force est de constater qu’il repose sur les seules affirmations du requérant, qui n’a pas même précisé les éléments que l’administration aurait omis de prendre en considération.

102
Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du principe de bonne administration combiné avec le devoir de sollicitude doit être écarté.

– Sur le grief tiré de la violation du principe de bonne administration combiné avec l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

103
L’examen de la situation du requérant permet d’écarter le grief tiré d’une violation du principe de bonne administration, en ce que la durée de la procédure ne pourrait être considérée comme raisonnable, étant observé que l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reprend les solutions jurisprudentielles ayant consacré l’existence du principe susvisé.

104
Il convient de relever que, après l’introduction, le 7 octobre 1999, d’une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle, la défenderesse a désigné un médecin chargé de remettre ses conclusions conformément aux articles 17 et 19 de la réglementation de couverture. Dans le cadre de la procédure ainsi engagée, le DDalem, médecin désigné par l’institution, a procédé et fait procéder à des examens médicaux, notamment par les professeurs De Vuyst et Genevois et par le Dr Nols, neuropsychiatre. La procédure menée au titre de l’article 73 du statut a donc comporté la réalisation de plusieurs examens médicaux, de travaux d’analyse et la rédaction de rapports médicaux. Consécutivement à la présentation d’un projet de décision par l’AIPN fondée sur les conclusions du Dr Dalem datées du 12 octobre 2000, le requérant a introduit, le 18 décembre 2000, une demande de saisine de la commission médicale prévue à l’article 23 de la réglementation de couverture, laquelle s’est entretenue avec le requérant, a examiné les rapports précités et a rédigé son propre rapport, sur la base duquel l’AIPN a adopté, le 31 mai 2001, la décision portant reconnaissance d’une maladie professionnelle. Dans ces conditions, la durée de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle, en l’occurrence d’un peu moins de 20 mois, ne saurait être qualifiée d’excessive.

105
Il en va de même de la procédure d’examen de la demande indemnitaire, laquelle a été introduite le 19 juillet 2001 et fait l’objet d’une réponse négative de l’AIPN le 25 octobre 2001, c’est-à-dire dans le délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut.

106
Le requérant a introduit des réclamations contre la décision portant reconnaissance de sa maladie professionnelle, le 23 août 2001, et contre la décision rejetant sa demande d’indemnité, le 25 janvier 2002. Après avoir, le 20 novembre 2001, invité la commission médicale à fournir un complément d’information en lien avec l’examen de la réclamation contre la première décision susmentionnée, le comité chargé des réclamations de la Cour a décidé, à juste titre, de traiter conjointement les réclamations visant les deux décisions compte tenu du lien existant entre ces réclamations. Il a dû attendre, à cette fin, la remise du complément d’information requis, laquelle est intervenue le 29 avril 2002. Le comité a statué sur les réclamations dès le 14 mai 2002, soit moins d’un mois après la réception du rapport complémentaire de la commission médicale.

107
Dans ces circonstances, la durée de la procédure précontentieuse, en l’occurrence de près de neuf mois à compter de la première réclamation du 23 août 2001, ne peut être considérée comme excessive.

108
Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas établi l’existence de retards fautifs dans le traitement de son dossier de nature à engager la responsabilité de la Communauté et que le grief tiré de la violation du principe de bonne administration combiné avec l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être rejeté.

109
Il convient encore de relever que, dans une partie de ses écritures consacrée au grief susvisé, le requérant prétend également que la défenderesse a violé les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatifs, respectivement, à l’« égalité en droit » et à la « non-discrimination ».

110
Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

111
La seule référence, dans les écritures du requérant, à la violation des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en l’absence d’allégations précises concernant la discrimination dénoncée, ne saurait être considérée comme suffisante au regard du règlement de procédure, et il convient, dès lors, d’écarter également le grief en cause.

– Sur le grief tiré d’un détournement de pouvoir

112
Le requérant fait grief à l’institution défenderesse d’avoir commis un détournement de pouvoir en traitant la demande d’indemnité fondée sur l’article 288 CE sur la base d’une autre disposition, à savoir l’article 73 du statut. La décision de rejet de la demande indemnitaire aurait été dictée par un souci d’économie pour le budget de l’institution.

113
Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée précise et se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5553, point 46, et arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Krämer/Commission, T‑104/96, RecFP p. I-A-151 et II‑463, point 67).

114
En l’espèce, il convient de rappeler que la jurisprudence relative à l’articulation entre la couverture statutaire des risques de maladie professionnelle et la possible indemnisation complémentaire au titre de la responsabilité de droit commun (voir point 53 ci-dessus) impliquait que la défenderesse de prenne en considération l’indemnité versée au requérant au titre de l’article 73 du statut pour apprécier si la condition de l’existence d’un préjudice non réparé était remplie. En tout état de cause, une application erronée des normes pertinentes ne démontrerait pas par elle-même l’existence d’un détournement de pouvoir.

115
En l’absence de tout indice de nature à corroborer l’allégation selon laquelle la décision de la défenderesse portant rejet de la demande indemnitaire avait pour réel motif un souci d’économie budgétaire, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’un détournement de pouvoir.

116
Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.


Sur les dépens

117
Contrairement aux affirmations du requérant, qui procèdent d’une lecture erronée des écrits de la défenderesse, cette dernière s’est bornée à demander, conformément à l’article 88 du règlement de procédure, la condamnation de chaque partie à supporter ses propres dépens et non la condamnation du requérant, en application de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, dudit règlement, à l’intégralité des dépens aux motifs qu’ils seraient frustratoires ou vexatoires.

118
Il n’y a pas lieu, dès lors et contrairement à la demande présentée en ce sens par le requérant, de déclarer irrecevable ce chef de conclusions de la défenderesse au motif qu’il n’aurait fait l’objet d’aucun développement dans les écrits de celle-ci.

119
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure : le français.