Language of document : ECLI:EU:T:2023:669

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

25 octobre 2023 (*) (1)

« Concurrence – Abus de position dominante – Marché intérieur du gaz naturel – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE – Marché réglementé – Définition du marché pertinent – Gazoduc de transit roumain 1 – Titulaire d’un droit d’usage exclusif du gazoduc roumain 1 – Refus d’accès – Obligation de fourniture publique – Exception de l’action étatique – Gestionnaire de réseau de transport – Gestionnaire d’installation de stockage – Stratégie anticoncurrentielle – Effets d’éviction – Infraction unique et continue – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑136/19,

Bulgarian Energy Holding EAD, établie à Sofia (Bulgarie),

Bulgartransgaz EAD, établie à Sofia,

Bulgargaz EAD, établie à Sofia,

représentées par Mes M. Powell, A. Komninos, H. Gafsen et W. De Catelle, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

République de Bulgarie, représentée par Mmes L. Zaharieva et T. Mitova, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, G. Meessen, J. Szczodrowski et Mme C. Georgieva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Overgas Inc., établie à Sofia, représentée par Mes S. Cappellari et S. Gröss, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours du 1er mars 2019 fondé sur l’article 263 TFUE, Bulgarian Energy Holding EAD (ci-après « BEH »), Bulgartransgaz EAD et Bulgargaz EAD (ci-après, prises ensemble, le « groupe BEH » ou les « requérantes »), demandent, à titre principal, l’annulation de la décision C(2018) 8806 final de la Commission, du 17 décembre 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE (affaire AT.39849 – BEH Gas) (ci-après la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, l’annulation de l’amende qui leur a été infligée dans ladite décision ou la réduction de son montant.

I.      Antécédents du litige

2        BEH est une société entièrement détenue par l’État bulgare. Les droits de l’État bulgare dans BEH sont exercés par le ministre de l’Énergie bulgare. BEH possède plusieurs filiales actives dans le domaine de l’énergie en Bulgarie. Dans le secteur du gaz, elle détient 100 % du capital de ses filiales Bulgargaz et Bulgartransgaz.

3        Bulgargaz est le fournisseur public de gaz en Bulgarie.

4        Bulgartransgaz est :

–        le gestionnaire du réseau de transport de gaz (ci-après le « GRT ») autorisé en Bulgarie ; à ce titre, elle exploite le réseau de transport de gaz bulgare (ci-après le « réseau de transport ») et le gazoduc de transit bulgare ;

–        le gestionnaire (ci-après le « GIS ») de la seule installation de stockage de gaz naturel de ce pays, située sous terre à Chiren (ci-après la « station de stockage de Chiren »).

A.      Contexte factuel

5        La décision attaquée concerne les marchés de fourniture de gaz en Bulgarie entre le 30 juillet 2010 et le 1er janvier 2015 (ci-après la « période infractionnelle »).

1.      Sur l’approvisionnement en gaz en Bulgarie

6        Pendant la période infractionnelle, il y avait deux sources d’approvisionnement en gaz en Bulgarie, à savoir la production domestique et les importations provenant de la Russie. La production domestique étant négligeable à cette époque, l’approvisionnement du pays dépendait presque entièrement des importations de gaz russe.

7        Le gaz russe était acheminé vers la Bulgarie via l’Ukraine, puis la Roumanie, par trois gazoducs, à savoir les gazoducs de transit roumains 1, 2 et 3, gérés par Transgaz SA, le gestionnaire du réseau de transport de gaz en Roumanie.

8        Le gazoduc de transit roumain 1 (ci-après le « gazoduc roumain 1 ») traversait la Roumanie depuis le point d’entrée, à savoir la station de comptage de gaz Isaccea 1, sis à la frontière ukraino-roumaine, jusqu’au point d’entrée du réseau de transport Negru Vodă 1, sis à la frontière roumano-bulgare. Le réseau de transport, qui, à son tour, était relié à la station de stockage de Chiren, était un réseau purement national auquel étaient raccordés la majorité des clients et les réseaux de distribution locaux de la Bulgarie, à l’exception des clients et des réseaux de distribution situés au sud-ouest de la Bulgarie.

9        Les gazoducs de transit roumains 2 et 3 transportaient le gaz russe de la frontière ukraino-roumaine à la frontière roumano-bulgare, aux points d’entrée Negru Vodă 2 et 3, et fusionnaient sur le territoire bulgare, formant le gazoduc de transit bulgare. Ce gazoduc était utilisé pour un approvisionnement limité dans le sud-ouest de la Bulgarie et transportait principalement du gaz vers l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Grèce, et la Turquie.

10      Dès lors, et à tout le moins jusqu’au mois d’avril 2016, le gazoduc roumain 1 était la seule voie viable pour acheminer du gaz vers la Bulgarie en vue de l’approvisionnement de la plus grande partie du pays.

11      Le gazoduc roumain 1, avec une capacité totale de 7,4 milliards de mètres cubes par an, a été construit en 1974, conformément à l’accord intergouvernemental conclu entre la République populaire de Bulgarie et la République socialiste de Roumanie le 29 novembre 1970 (ci-après l’« accord intergouvernemental de 1970 »).

12      Le 5 juillet 1974, le prédécesseur de Bulgargaz, la société Neftochim, a conclu un accord avec la société Rompetrol, prédécesseur de Transgaz, pour l’utilisation du gazoduc roumain 1. Cet accord est resté en vigueur jusqu’en 2005.

13      Le 18 février 2003, la République de Bulgarie et la Roumanie ont conclu un nouvel accord intergouvernemental (ci-après l’« accord intergouvernemental de 2003 »). En vertu de l’article 3 de cet accord, les parties contractantes se sont engagées à contraindre leurs opérateurs gaziers respectifs, à savoir Bulgargaz et Transgaz, à conclure un nouveau contrat pour l’utilisation du gazoduc roumain 1, afin de refléter les nouveaux tarifs de transit.

14      Ainsi, le 19 octobre 2005, Transgaz et Bulgargaz ont conclu un nouvel accord (ci-après l’« accord de 2005 »), en vertu duquel Bulgargaz s’est vu octroyer l’usage exclusif du gazoduc roumain 1 jusqu’au 31 décembre 2011. Ce contrat garantissait, en substance, une capacité annuelle de 6,49 milliards de mètres cubes. En contrepartie, Bulgargaz versait à Transgaz une redevance annuelle fixe, indépendante de la capacité réellement utilisée. En 2009, cet accord a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2016.

2.      Sur la fourniture de gaz en Bulgarie

15      Pendant la période infractionnelle, Bulgargaz achetait du gaz en provenance de Russie et était le seul ou le principal importateur de gaz russe en Bulgarie. Elle avait également acquis la plupart de la production domestique de gaz. Bulgargaz était ainsi le principal fournisseur de gaz, d’une part, en ce qui concernait le commerce de gros en aval et, d’autre part, en ce qui concernait les clients finals, à savoir les entreprises directement raccordées au réseau de transport.

16      Durant la période infractionnelle, Bulgargaz opérait en tant que fournisseur public de gaz sur les marchés bulgares, en vertu de la licence n° JI-214-14/29.11.2006 pour la fourniture publique de gaz sur le territoire de la République de Bulgarie (ci-après la « licence de Bulgargaz »). Cette licence lui avait été attribuée par la décision n° P-046 de la Komisia za energiyno i vodno regulirane (commission de régulation de l’énergie et de l’eau, Bulgarie, ci-après le « régulateur bulgare »), du 29 novembre 2006 (ci-après la « décision du régulateur bulgare »), sur le fondement du ЗАКОН ЗА ЕНЕРГЕТИКАТА (loi sur l’énergie), du 9 décembre 2003 (DV no 107, du 9 décembre 2003 ), modifiée en dernier lieu le 13 décembre 2018 (DV no 103, du 13 décembre 2018 ) (ci-après la « loi bulgare sur l’énergie »), pour une durée de 35 ans (article 2.6.1 de ladite licence).

3.      Sur la loi bulgare sur l’énergie

17      Il ressort de l’article 178b de la loi bulgare sur l’énergie que la fourniture de gaz par un fournisseur public ou par les fournisseurs finals constitue un service d’intérêt général.

18      Cette notion de « service d’intérêt général » recouvre, notamment, le transport et la fourniture de gaz d’une certaine qualité, selon un prix régulé ou défini et approuvé par le régulateur bulgare, ainsi que des méthodes et autres conditions contractuelles, qui ne peuvent être refusés pour des raisons autres que celles prévues par la loi bulgare sur l’énergie (paragraphe 1, point 66b, des dispositions complémentaires de la loi bulgare sur l’énergie).

19      Une seule licence pouvait être délivrée pour la fourniture publique de gaz sur le territoire de la République de Bulgarie (voir article 43, paragraphe 3, de la loi bulgare sur l’énergie). Cette licence avait pour principal objectif d’assurer aux clients un approvisionnement en gaz continu, fiable, et de qualité (voir article 51, paragraphe 2, point 1 et article 70, paragraphes 1 et 2, point 1, de la loi bulgare sur l’énergie).

20      Les exigences imposées au titulaire de la licence, en l’espèce Bulgargaz, revêtaient un caractère contraignant pour ce dernier (voir article 40, paragraphe 1, et article 45, point 8, de la loi bulgare sur l’énergie). Le régulateur bulgare était tenu de retirer la licence si son titulaire ne respectait pas son obligation de garantir aux clients un approvisionnement en gaz continu, fiable et de qualité (voir article 59, paragraphe 1, point 1, de la loi bulgare sur l’énergie) ou ses obligations prévues par ladite licence (voir article 59, paragraphe 1, point 2, de la loi bulgare sur l’énergie).

4.      Sur la station de stockage de Chiren

21      Le gaz naturel peut être stocké en vue d’une utilisation ultérieure dans des installations souterraines de stockage de gaz. Ces installations peuvent servir d’outil pour ajuster l’offre à la demande, principalement au regard des variations saisonnières de la demande de gaz. En outre, en particulier lorsqu’il existe une forte dépendance à une seule source d’approvisionnement, ces installations peuvent offrir d’importantes possibilités de secours en cas de rupture d’approvisionnement.

22      En Bulgarie, la station de stockage de Chiren, avec une capacité de 0,5 milliard de mètres cubes, était la seule installation de stockage existante pendant la période infractionnelle. Celle-ci n’était pas une station de stockage multi-cycle, étant donné que le gaz pouvait uniquement y être injecté pendant les mois dits « d’été » et retiré pendant les mois dits « d’hiver ».

B.      Procédure administrative

23      Le 18 novembre 2010, à la suite d’une réunion avec la Commission européenne le 13 octobre 2010, Overgas Inc., actrice du marché de la fourniture du gaz en Bulgarie, a déposé auprès de la Commission une plainte informelle contre les requérantes pour violation de l’article 102 TFUE. La Commission a organisé avec Overgas trois autres réunions en 2011 et une autre réunion le 17 juin 2013.

24      Entre le 27 septembre et le 30 septembre 2011, la Commission, assistée de l’autorité nationale bulgare de la concurrence, a effectué des inspections, conformément à l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dans les locaux des requérantes à Sofia (Bulgarie). Durant cette période, elle a aussi procédé à une inspection des locaux d’Overgas, conformément à l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 1/2003.

25      Le 4 juillet 2013, la Commission a ouvert la procédure à l’encontre des requérantes, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18) et de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003.

26      Avant l’adoption d’une communication des griefs, la Commission a tenu quatre réunions avec le groupe BEH en 2013 et une cinquième en 2014.

27      Le 23 mars 2015, la Commission a notifié une communication des griefs aux requérantes (ci-après la « communication des griefs »). Elle a donné accès au dossier d’instruction à Bulgargaz et à Bulgartransgaz le 2 avril 2015, puis à BEH le 8 avril 2015. BEH, Bulgargaz et Bulgartransgaz ont respectivement répondu à la communication des griefs les 9, 10 et 17 juillet 2015.

28      Le 27 mars 2015, la Commission a admis Overgas dans la procédure en tant que tiers intéressé ayant démontré un intérêt suffisant, au sens de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, à la suite de quoi la Commission a tenu trois nouvelles réunions avec celle-ci. Ces réunions ont eu lieu le 13 octobre 2015 ainsi que les 17 mars et 20 octobre 2016.

29      Le 6 octobre 2015, une réunion technique a été tenue entre l’équipe de la Commission chargée du dossier d’instruction et le groupe BEH, sur demande de ce dernier. D’autres réunions entre la Commission et le groupe BEH ont eu lieu le 2 décembre 2015, les 20 avril, 6 juillet et 7 octobre 2016 ainsi que le 15 mars 2017.

30      Le 26 septembre 2016, la Commission a adopté un exposé des faits auquel les requérantes ont répondu le 9 décembre 2016.

31      Les requérantes ont, en outre, présenté des observations à la Commission le 13 juin et les 13 et 20 octobre 2016 ainsi que le 13 décembre 2017 et le 12 mars 2018.

32      Le 28 juin 2018, les représentants externes des requérantes ont eu accès à une salle d’information où ils ont pu consulter les versions confidentielles des procès-verbaux des réunions tenues entre la Commission et Overgas au cours de la procédure. Les représentants externes des requérantes ont exposé leurs conclusions sur le contenu desdits procès-verbaux dans deux rapports, dont un confidentiel. Les requérantes ont eu accès au contenu du rapport non confidentiel de leurs représentants externes le 10 juillet 2018.

33      Le 17 décembre 2018, la Commission a adopté la décision attaquée.

C.      Décision attaquée

34      Dans la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que les requérantes avaient commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE entre le 30 juillet 2010 et le 1er janvier 2015 (voir considérant 653).

1.      Sur les marchés pertinents et sur la position dominante des requérantes sur ceux-ci 

35      La Commission a identifié cinq marchés pertinents (voir considérant 352 de la décision attaquée), à savoir :

–        le marché des services liés aux capacités sur le réseau de transport ;

–        le marché des services liés aux capacités sur le gazoduc roumain 1 (ci-après le « marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 ») ;

–        le marché des services liés aux capacités sur la station de stockage de Chiren ;

–        d’une part, le marché bulgare de la fourniture de gaz en gros en aval, à l’exception de la fourniture aux clients situés dans le sud-ouest de la Bulgarie (ci-après le « marché bulgare de fourniture en gros ») et, d’autre part, le marché de la fourniture de gaz au détail aux gros clients finals raccordés au réseau de transport, à l’exception des clients situés dans le sud-ouest de la Bulgarie, (ci-après, pris avec le marché bulgare de fourniture en gros, les « marchés bulgares de fourniture de gaz »).

36      La Commission a conclu que le groupe BEH, par le biais de Bulgargaz et Bulgartransgaz, occupait, pendant la période infractionnelle, une position dominante sur ces cinq marchés (voir considérants 426 et 427 de la décision attaquée).

2.      Sur le comportement des requérantes constitutif d’un abus de position dominante

37      La Commission a reproché aux requérantes d’avoir abusé de leur position dominante en empêchant, restreignant ou retardant l’accès des tiers au réseau de transport, à la station de stockage de Chiren et au gazoduc roumain 1, verrouillant ainsi les marchés bulgares de fourniture de gaz (voir considérants 450 et 451 de la décision attaquée). L’infraction constatée se caractérisait par un mode opératoire à l’égard de chaque infrastructure qui s’insérait dans une stratégie anticoncurrentielle, déterminée par BEH et mise en œuvre par le groupe BEH, visant à protéger la position dominante de Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, en verrouillant l’accès à ceux-ci (voir considérants 1, 2, 454, 471, 472, 491, 492, 534, 535, 570 et 671 de la décision attaquée).

38      En premier lieu, en ce qui concerne le mode opératoire consistant à entraver l’accès des tiers au réseau de transport, la Commission a, d’une part, reproché à Bulgartransgaz d’avoir adopté des manœuvres dilatoires concernant les demandes d’accès introduites par des tiers. D’autre part, elle a considéré que les conditions dans lesquelles Overgas s’était vu octroyer un accès audit réseau en 2013 étaient restrictives et non transparentes. En outre, la Commission a observé que Bulgartransgaz avait adopté un comportement beaucoup plus favorable envers sa société sœur Bulgargaz (voir considérants 95, 96 et 471 à 473 de la décision attaquée).

39      En deuxième lieu, en ce qui concerne la station de stockage de Chiren, d’une part, la Commission a considéré que les réponses de Bulgartransgaz aux demandes d’accès des tiers, les règles d’accès au stockage adoptées par celle-ci en 2012 et 2014 (ci-après, respectivement, les « règles d’accès au stockage de 2012 » et les « règles d’accès au stockage de 2014 ») ainsi que l’application de ces règles constituaient un refus d’approvisionnement. En particulier, la Commission a reproché à Bulgartransgaz d’avoir, lors de l’examen des demandes d’accès introduites par des tiers, recouru aux manœuvres dilatoires suivantes :

–        s’abstenir de répondre à ces demandes ou de traiter celles-ci en interne ;

–        adresser aux tiers des demandes tendant à obtenir une quantité d’informations déraisonnable ou le dépôt de nouvelles demandes d’accès, en se fondant sur une interprétation délibérément erronée desdites informations ;

–        manquer de transparence en omettant, notamment, de publier des informations sur les capacités de stockage disponibles (voir considérants 178 et 492 de la décision attaquée).

40      D’autre part, la Commission a constaté que les règles d’accès au stockage de 2012 avaient été conçues par Bulgartransgaz pour accorder un accès prioritaire à Bulgargaz et que, partant, ces règles constituaient un refus d’approvisionnement supplémentaire (voir considérant 493 de la décision attaquée).

41      En outre, la Commission a constaté que Bulgartransgaz avait accordé un traitement préférentiel à Bulgargaz en répondant aux demandes d’accès introduites par celle-ci sans retard, même en l’absence de contrats signés (voir considérant 179 de la décision attaquée).

42      En troisième lieu, la Commission a reproché à Bulgargaz d’avoir refusé d’accorder aux tiers l’accès au gazoduc roumain 1, en y accumulant des capacités. Selon la Commission, l’accumulation des capacités comprenait les trois éléments suivants :

–        la réservation par Bulgargaz de toute la capacité du gazoduc roumain 1, alors qu’elle n’en utilisait qu’une partie limitée ;

–        le refus de restituer à Transgaz la capacité demandée par celle-ci ou l’imposition de certaines conditions pour que cette capacité lui soit restituée ;

–        l’absence de réponse de Bulgargaz à une demande d’accès d’un tiers (voir considérants 273, 297 et 534 de la décision attaquée).

43      En outre, la Commission a constaté que, lorsque Bulgargaz avait octroyé à Overgas l’accès au gazoduc roumain 1 en 2013, la procédure ayant conduit à cet accès n’avait pas été transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires (voir considérants 536 et 543 de la décision attaquée).

3.      Sur les effets anticoncurrentiels du comportement des requérantes

44      La Commission a constaté que le comportement des requérantes avait la capacité d’empêcher le développement d’une concurrence effective sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. Ce comportement était susceptible de créer des barrières à l’entrée sur ces marchés et donc d’y limiter aussi le degré de concurrence. En effet, selon la Commission, le groupe BEH a rendu plus difficile, voire impossible, l’entrée de concurrents potentiels sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. Elle soutient que, si la concurrence n’avait pas été restreinte, des fournisseurs autres que Bulgargaz auraient pu exercer leurs activités sur ces marchés plus tôt et dans une plus large mesure. Cela aurait renforcé la concurrence et le choix au profit des consommateurs bulgares (voir considérant 620 de la décision attaquée).

45      En premier lieu, la Commission a observé que le refus d’accorder un accès au réseau de transport avait eu la capacité de bloquer l’accès des tiers aux marchés bulgares de fourniture de gaz ou, à tout le moins, de le restreindre très sévèrement pendant des années. Elle a également noté que, pendant la période infractionnelle, il y avait eu un intérêt accru des clients en Bulgarie pour la diversification de leur approvisionnement en gaz, comme en témoigne le nombre de contrats potentiels entre des fournisseurs, tels qu’Overgas, et des clients finals. Certains de ces contrats ont été perdus à cause de l’absence d’accès au réseau de transport (voir considérant 622 de la décision attaquée).

46      En deuxième lieu, la Commission a constaté que le défaut d’accès ou l’accès limité à la station de stockage de Chiren avait pu empêcher les concurrents de Bulgargaz de développer leurs offres dans des conditions d’égalité sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, car cette infrastructure était la seule installation de stockage permettant aux fournisseurs de gérer les fluctuations de la demande et les modifications de livraisons de gaz contractées. Le comportement des requérantes avait ainsi considérablement entravé la possibilité pour les concurrents de contester sérieusement la position dominante du groupe BEH sur les marchés bulgares de fourniture de gaz (voir considérant 623 de la décision attaquée).

47      En troisième lieu, la Commission a relevé que l’accumulation des capacités par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 avait également eu la capacité de restreindre la possibilité d’une concurrence viable sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. À cause de ce comportement, ses concurrents potentiels ont été empêchés, à tout le moins jusqu’au 1er janvier 2015, de concurrencer de manière viable Bulgargaz sur le marché bulgare de fourniture en gros (voir considérant 624 de la décision attaquée).

48      Enfin, la Commission a constaté que les effets potentiels du comportement du groupe BEH sur les marchés bulgares de fourniture de gaz ont été renforcés par le fait que ce groupe contrôlait les infrastructures indispensables aux tiers souhaitant entrer en concurrence sur ces marchés (voir considérants 625 à 629 de la décision attaquée).

4.      Sur la durée de l’infraction 

49      En premier lieu, la Commission a estimé que le comportement anticoncurrentiel relatif au réseau de transport avait commencé le 30 juillet 2010. Elle a considéré que la fin de ce comportement devait coïncider avec la fin du comportement abusif relatif au gazoduc roumain 1, à savoir le 1er janvier 2015, dès lors que l’accès au réseau de transport dépendait entièrement de l’accès audit gazoduc (voir considérants 646, 647 et 652 de la décision attaquée).

50      En deuxième lieu, la Commission a considéré que le comportement anticoncurrentiel relatif à la station de stockage de Chiren avait commencé le 30 juillet 2010 et avait cessé le 19 septembre 2014 (voir considérants 648 et 649 de la décision attaquée).

51      En troisième lieu, en ce qui concerne le comportement anticoncurrentiel sur le gazoduc roumain 1, la Commission a constaté qu’il avait commencé le 31 janvier 2011 et avait pris fin le 1er janvier 2015 (voir considérants 650 à 652 de la décision attaquée).

52      L’ensemble de ces comportements faisant partie d’une infraction unique et continue, la Commission en a conclu que cette infraction avait commencé à la date du premier comportement anticoncurrentiel, soit le 30 juillet 2010, et avait pris fin lorsque la dernière pratique abusive avait cessé, soit le 1er janvier 2015 (voir considérant 653 de la décision attaquée).

5.      Sur l’amende et sur les mesures correctives

53      La Commission a imposé aux requérantes une amende de 77 068 000 euros pour leur participation à l’infraction unique et continue constatée et les a tenues conjointement et solidairement responsables de son paiement. Elle a indiqué avoir fixé le montant en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2) (voir considérants 686 à 720 de la décision attaquée).

54      Par ailleurs, la Commission a observé que le groupe BEH avait mis fin à l’infraction au moment de l’adoption de la décision attaquée. Elle a néanmoins estimé qu’il convenait de lui ordonner de s’abstenir de toute pratique qui aurait un objet ou un effet identique ou similaire à celui décrit dans la décision attaquée (voir considérant 679 de la décision attaquée).

6.      Sur le dispositif

55      Les articles 1 à 4 de la décision attaquée se lisent comme suit :

« Article premier

Bulgarian Energy Holding EAD et ses filiales Bulgargaz EAD et Bulgartransgaz EAD ont commis une infraction unique et continue à l’article 102 [TFUE] en refusant à des tiers l’accès au réseau de transport […], au gazoduc […] roumain 1 et à [la station de stockage de] Chiren, ce qui a eu pour effet de verrouiller les marchés de fourniture de gaz en Bulgarie.

Article 2

L’infraction a débuté le 30 juillet 2010 et a duré jusqu’au 1er janvier 2015.

Article 3

Pour l’infraction visée à l’article 1er, une amende de 77 068 000 euros est infligée à Bulgarian Energy Holding EAD et à ses filiales Bulgargaz EAD et Bulgartransgaz EAD, qui sont conjointement et solidairement responsables du paiement de l’intégralité de l’amende […]

Article 4

Bulgarian Energy Holding EAD et ses filiales Bulgargaz EAD et Bulgartransgaz EAD mettent immédiatement fin à l’infraction visée à l’article 1er, dans la mesure où elles ne l’ont pas déjà effectivement fait. Elles s’abstiennent de répéter tout acte ou comportement décrit à l’article 1er, ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

II.    Conclusions des parties

56      Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, concluent, dans le dernier état de leurs conclusions, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        adopter une mesure d’organisation de la procédure ou une mesure d’instruction, enjoignant à la Commission de produire la communication des griefs dans l’affaire AT.39816 – Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale (ci-après l’« affaire Gazprom »), ainsi que les documents auxquels celle-ci renvoie dans la mesure où ils concernent le marché du gaz bulgare ;

–        annuler en tout ou partie la décision attaquée, pour ce qui les concerne ou ce qui concerne l’une d’entre d’elles ;

–        à défaut, annuler l’amende qui leur a été imposée ou en réduire le montant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

57      La Commission, soutenue par Overgas, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

58      Les requérantes soulèvent sept moyens, respectivement tirés :

–        le premier, d’une violation de leurs droits de la défense, du principe de bonne administration et du principe de transparence ;

–        le deuxième, d’un défaut de motivation et d’erreurs de droit et de fait concernant la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 ;

–        le troisième, de la constatation erronée d’une position dominante des requérantes sur les marchés pertinents ;

–        le quatrième, de la constatation erronée d’un abus de position dominante de leur part ;

–        le cinquième, d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction alléguée ;

–        le sixième, de ce qu’elles ont été privées de la possibilité de conclure l’affaire par le biais d’engagements, conformément à l’article 9 du règlement no 1/2003 ;

–        le septième, d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende.

59      Le Tribunal estime qu’il convient de traiter d’abord les deuxième, troisième et quatrième moyens, et ensuite le premier, dont la portée ne peut être entièrement appréciée qu’à la lumière des considérations retenues dans le cadre de l’appréciation des autres moyens.

A.      Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’erreurs de droit et de fait concernant la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

60      Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, contestent la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1. Le moyen se divise, en substance, en trois branches.

1.      Sur la première branche, tirée d’une insuffisance de motivation de la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

61      Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, avancent que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation concernant la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, car la Commission n’a pas expliqué pourquoi elle s’était écartée de sa pratique décisionnelle. Selon cette pratique, les réseaux de transport de gaz seraient des monopoles naturels ayant généralement une étendue nationale, dans lesquels le fournisseur de services dominant serait le GRT. En revanche, en l’espèce, la Commission aurait « découpé » une section isolée du réseau de transport de gaz roumain, à savoir le gazoduc roumain 1, et les services liés aux capacités fournis sur ce dernier comme constituant un marché distinct et aurait imputé le contrôle de ce marché à l’utilisateur dudit gazoduc, à savoir Bulgargaz.

62      À cet égard, il y lieu de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à l’acte en cause et faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits, et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. S’agissant d’une décision adoptée en application de l’article 102 TFUE, ce principe exige que la décision contestée fasse mention des faits dont dépendent la justification légale de la mesure et les considérations qui ont amené à prendre la décision (voir arrêt du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T‑851/14, EU:T:2018:929, point 163 et jurisprudence citée).

63      Tout d’abord, il ressort de la décision attaquée que, pendant la période infractionnelle, le gazoduc roumain 1 n’était pas relié au réseau de transport de gaz roumain et que les réseaux de transport de gaz bulgare et roumain n’étaient pas connectés entre eux (voir considérants 266 et 268). Ainsi, la décision attaquée permettait aux requérantes de comprendre pourquoi la Commission avait délimité le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 sans y inclure le réseau de transport de gaz roumain.

64      Ensuite, la Commission a expliqué que sa pratique décisionnelle distinguait, au sein des infrastructures de transport de gaz, les services liés aux capacités sur les réseaux de gazoduc à haute pression (à savoir les réseaux de transport), les services liés aux capacités sur les réseaux à basse pression (à savoir les réseaux de distribution) et les services liés aux capacités d’importation de gaz (voir considérant 336 de la décision attaquée).

65      À cet égard, d’une part, la décision attaquée souligne que les conditions de concurrence diffèrent substantiellement entre les réseaux de transport et les réseaux de distribution de gaz et que ces deux types de réseaux font l’objet d’une réglementation distincte (voir considérant 337). D’autre part, elle indique que, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission a reconnu qu’une distinction supplémentaire pouvait être opérée concernant l’infrastructure spécifiquement utilisée pour l’importation de gaz, laquelle comprend essentiellement les interconnecteurs de gazoducs et les terminaux d’importation (voir considérant 338 de la décision attaquée).

66      Enfin, s’agissant de la définition du marché géographique pertinent des infrastructures d’importation de gaz, la Commission a rappelé que, dans une décision antérieure, elle avait déjà considéré que, du point de vue de la demande, l’origine du gaz n’était pas pertinente. Elle a expliqué que l’objectif de l’activité de fourniture de gaz était de vendre du gaz sur les marchés en aval de gros ou de détail et que, pour ce faire, il était nécessaire d’avoir une route viable de transport entre la source d’origine et le point de destination. Dès lors, toutes les routes qui pouvaient potentiellement être utilisées pour importer le gaz en Bulgarie devaient être prises en compte pour la définition du marché en cause (voir considérant 349 de la décision attaquée).

67      À cet égard, la Commission a exposé de manière détaillée que, en l’espèce, jusqu’au mois d’avril 2016, la seule route viable pour importer du gaz en Bulgarie était le gazoduc roumain 1 et que, partant, pendant la période infractionnelle, toutes les quantités de gaz importées en Bulgarie avaient été transportées par le biais dudit gazoduc. La Commission en a conclu que, aux fins de la présente affaire, l’un des cinq marchés pertinents était le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 (voir considérants 49, 51 à 54, 58, 59, 263 à 269 et 349 de la décision attaquée).

68      Il résulte des considérations exposées aux points 63 à 67 ci-dessus que la décision attaquée permettait aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait circonscrit la définition du marché pertinent visé aux services de capacités sur le gazoduc roumain 1 et estimé que cette définition était conforme à sa pratique décisionnelle antérieure. En effet, les motifs de ladite décision ont permis aux requérantes de comprendre que la Commission était arrivée à définir le marché de cette manière, car, d’une part, elle considérait que les services liés aux capacités sur le réseau de transport de gaz roumain n’étaient pas interchangeables avec les services de capacités sur le gazoduc roumain 1 (voir considérants 268 et 349). D’autre part, le gazoduc roumain 1 était, pendant la période infractionnelle, la seule route viable pour importer du gaz en Bulgarie (voir point 67 ci-dessus).

69      Les requérantes relèvent cependant que les décisions antérieures invoquées par la Commission pour étayer sa définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 concernaient des entreprises qui étaient à la fois les propriétaires et les GRT des réseaux en cause, tandis que, en l’espèce, Bulgargaz n’était que l’utilisatrice dudit gazoduc. Dès lors, elles soutiennent que la simple invocation de cette pratique décisionnelle ne peut pas remplacer un exposé de motifs suffisants et une analyse du marché adéquate.

70      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la Commission a expliqué tout d’abord que Bulgargaz avait obtenu, grâce à l’accord de 2005, l’utilisation exclusive de toutes les capacités sur le gazoduc roumain 1. Ensuite, elle a indiqué que l’article 17.1 dudit accord empêchait Transgaz d’offrir des capacités à des tiers sans le consentement de Bulgargaz. Enfin, elle a relevé que, pendant la période infractionnelle, Bulgargaz aurait pu sous-louer la capacité sur le gazoduc roumain 1 à un tiers sans l’intervention de Transgaz (voir considérants 260, 261, 312, 418, 420 et 564 de la décision attaquée).

71      Il s’ensuit que la Commission a clairement exposé les raisons pour lesquelles elle avait considéré que, malgré le fait que Bulgargaz n’était pas le GRT du gazoduc roumain 1, celle-ci se trouvait dans une situation analogue à celle d’un propriétaire d’un réseau de transport de gaz dans la mesure où, pendant la période infractionnelle, elle contrôlait l’accès des tiers audit gazoduc.

72      Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient faire valoir que la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 n’est pas soutenue par une motivation suffisante, au motif que les décisions citées par la Commission concernaient des propriétaires de réseaux de transport de gaz, et non des utilisateurs desdits réseaux.

73      Par conséquent, la première branche doit être rejetée.

2.      Sur la deuxième branche, tirée d’une absence d’analyse du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

74      Les requérantes soutiennent qu’en refusant de consulter Transgaz et l’Autoritatea Naţională de Reglementare în domeniul Energiei (ANRE) (Autorité nationale de régulation de l’énergie, Roumanie, ci après le « régulateur roumain ») à propos de la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, la Commission n’a pas effectué d’analyse de marché conformément aux exigences du point 33 de la communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), (ci-après la « communication sur la définition du marché »).

75      À cet égard, il convient de constater que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le point 33 de la communication sur la définition du marché ne soumet pas la Commission à une obligation de consultation pour définir un marché. En effet, ledit point 33 se limite à indiquer que « [l]lorsqu’une définition précise du marché s’impose, il arrive fréquemment que la Commission prenne contact avec les principaux clients et les principales entreprises du secteur afin de connaître leur opinion sur les limites du marché du produit et géographique et d’obtenir les éléments de fait nécessaires pour lui permettre de tirer des conclusions ».

76      Dès lors, le point 33 de la communication sur la définition du marché se borne à reconnaître un exercice fréquent de consultation des acteurs du marché, sans pour autant imposer à la Commission une obligation de les consulter avant de définir les marchés en cause.

77      Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 aurait dû, obligatoirement, être précédée d’une consultation de Transgaz et du régulateur roumain doit être écarté.

78      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche.

3.      Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation des faits dans la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

79      Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, font valoir que la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 est entachée :

–        d’une erreur de droit, en ce que la Commission a omis d’opérer une distinction entre les marchés primaire et secondaire des capacités sur le gazoduc roumain 1 ;

–        d’une première erreur d’appréciation des faits, en ce que la Commission n’a pas identifié Transgaz comme étant un fournisseur de services liés aux capacités sur le gazoduc roumain 1 ;

–        d’une seconde erreur d’appréciation des faits, en ce que la Commission a identifié Bulgargaz comme étant un fournisseur de capacités sur ledit gazoduc, et non comme étant un acheteur.

80      Il convient de commencer par l’examen conjoint des deux premières erreurs soulevées par les requérantes.

a)      Sur les erreurs de droit et de fait, tirées, respectivement, de ce que la Commission a omis de distinguer les marchés primaire et secondaire des capacités sur le gazoduc roumain 1 et n’a pas identifié Transgaz comme étant un fournisseur desdites capacités

81      Les requérantes avancent que le règlement (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) no 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36), opère une distinction entre les marchés primaire et secondaire des capacités en gaz. Elles relèvent que, en vertu dudit règlement, seul le GRT peut vendre des capacités sur le marché primaire, alors que les utilisateurs du réseau peuvent seulement revendre des capacités sur le marché secondaire. Ainsi, en omettant de distinguer les marchés primaire et secondaire des capacités en gaz, la Commission aurait, d’une part, commis une erreur de droit en adoptant une définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 contraire au règlement no 715/2009 et, d’autre part, méconnu le fait que Transgaz était le fournisseur sur ledit marché primaire.

82      À cet égard, il est vrai que le règlement no 715/2009 opère une distinction entre les marchés primaire et secondaire des capacités en gaz. En vertu dudit règlement, le marché primaire est le marché des capacités échangées directement par le GRT (voir article 2, paragraphe 1, point 22), tandis que le marché secondaire est le marché des capacités échangées autrement que sur le marché primaire (voir article 2, paragraphe 1, point 6).

83      Cependant, le considérant 34 du règlement no 715/2009 précise que ce dernier, tout comme les lignes directrices adoptées en vertu de celui-ci, sont sans préjudice de l’application des règles de l’Union en matière de concurrence.

84      En outre, ainsi qu’il ressort des paragraphes 2 et 3 de la communication sur la définition du marché, le concept de marché en matière de concurrence diffère des autres concepts de marché souvent utilisés dans d’autres contextes (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 97). Son objet principal est d’identifier de manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser sur les entreprises en cause (arrêt du 18 mai 2022, Wieland-Werke/Commission, T‑251/19, non publié, EU:T:2022:296, point 40).

85      Ainsi, dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, la définition du marché en cause est opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si une entreprise est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs et donc si elle détient une position dominante au sens de cette disposition (arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 37, et du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 30).

86      Il résulte d’une jurisprudence constante que, aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits ou des services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et qui sont peu interchangeables avec d’autres produits ou services, ces possibilités de concurrence devant également être appréciées à la lumière des conditions de concurrence et de la structure de l’offre et de la demande (voir arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 37 et jurisprudence citée, et du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 31 et jurisprudence citée).

87      Dès lors, afin de déterminer si la Commission était tenue d’opérer une distinction entre les marchés primaire et secondaire des capacités sur le gazoduc roumain 1, il convient de vérifier si, pendant la période infractionnelle, cette distinction était pertinente au regard des services offerts sur chacun desdits marchés, pour ainsi définir le périmètre à l’intérieur duquel devait être appréciée la question de savoir si les requérantes détenaient une position dominante sur ce marché pertinent.

88      Or, il est constant que, pendant la période infractionnelle, le gazoduc roumain 1 était la seule voie viable pour acheminer le gaz russe vers la Bulgarie, de sorte que les services de capacités sur ledit gazoduc n’étaient pas interchangeables avec d’autres services au sens de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, aux fins de transporter du gaz entre la Russie et la Bulgarie. Il s’ensuit a contrario, et toujours au sens de la même jurisprudence, que les services de capacités sur les marchés primaire et secondaire sur le gazoduc roumain 1 constituaient un ensemble de services particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et, dès lors, étaient interchangeables entre eux.

89      À cet égard, la Commission a relevé à juste titre que, pendant la période infractionnelle, Bulgargaz avait, en vertu de l’accord de 2005, non seulement réservé toutes les capacités sur le gazoduc roumain 1, mais qu’elle pouvait également empêcher toute tentative de la part de Transgaz d’octroyer des capacités à des tiers sur le marché primaire (voir considérants 260 et 261 de la décision attaquée). En effet, l’article 17.1 dudit accord stipulait que « le gazoduc [roumain 1] [était] réservé à l’usage exclusif de [Bulgargaz], et [que,] sans le consentement de [Bulgargaz,] il n’[était] pas possible de raccorder d’autres clients à ce gazoduc, et aucune autre quantité de gaz naturel ne sera[it] transportée ».

90      Ainsi, malgré le fait que Transgaz était le GRT du gazoduc roumain 1, pendant la période infractionnelle :

–        Bulgargaz était le seul opérateur à pouvoir offrir des services de capacités sur ledit gazoduc sur le marché secondaire, grâce à l’exclusivité d’utilisation de cette infrastructure que lui octroyait l’accord de 2005 ;

–        Bulgargaz possédait également, en vertu du droit de consentement préalable que lui conférait l’accord de 2005, la possibilité de s’opposer à toute demande d’accès sur le marché primaire.

91      Dès lors, la distinction entre les marchés primaire et secondaire n’était pas pertinente pour l’analyse faite au titre de l’article 102 TFUE.

92      Les requérantes considèrent que cette conclusion est erronée car, selon elles, en vertu du règlement no 715/2009, Transgaz était tenue de reprendre unilatéralement les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 et de les offrir aux tiers, et ce indépendamment de l’existence de l’accord de 2005. À ce propos, elles relèvent que ledit règlement et les lignes directrices annexées à celui-ci dans leur rédaction en vigueur jusqu’au 16 septembre 2012 (ci-après les « lignes directrices de 2009 ») concernant les procédures de gestion de la congestion contractuelle ont un effet direct. Partant, elles soutiennent que le fait que la Roumanie n’ait pas mis en œuvre ces règles ne peut pas leur porter préjudice.

93      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu du règlement no 715/2009 :

–        la capacité ferme est la capacité de transport de gaz dont le GRT garantit par contrat le caractère non interruptible (voir article 2, paragraphe 1, point 16) ;

–        la capacité technique est la capacité ferme maximale que le GRT peut offrir aux utilisateurs du réseau compte tenu de l’intégrité du système et des exigences d’exploitation du réseau de transport (voir article 2, paragraphe 1, point 18) ;

–        il y a une congestion contractuelle lorsque le niveau de la demande de capacité ferme dépasse la capacité technique (voir article 2, paragraphe 1, point 21) ;

–        la capacité inutilisée est la capacité ferme obtenue par un utilisateur du réseau au titre d’un contrat de transport mais que cet utilisateur n’a pas nominée à l’échéance du délai fixé dans le contrat (voir article 2, paragraphe 1, point 4) ;

–        la capacité interruptible est la capacité de transport de gaz qui peut être interrompue par le GRT conformément aux conditions stipulées dans le contrat de transport (voir article 2, paragraphe 1, point 13).

94      L’article 16, paragraphe 3, sous a), du règlement no 715/2009 prévoit que, en cas de congestion contractuelle, le GRT offre la capacité inutilisée sur le marché primaire, à tout le moins sur la base d’un arrangement à court terme (c’est-à-dire à un jour) et interruptible.

95      Les lignes directrices de 2009, qui ont complété le règlement no 715/2009, prévoyaient, à leur point 2.2, paragraphe 1, que, au cas où une capacité contractuelle resterait inutilisée, les GRT devaient proposer cette capacité sur le marché primaire sur une base interruptible par le biais de contrats à durée variable. Toutefois, cette obligation ne concernait que le cas où la capacité inutilisée n’était pas offerte par l’utilisateur du réseau concerné sur le marché secondaire à un prix raisonnable.

96      En revanche, en ce qui concerne la possibilité de retirer et de réattribuer une capacité inutilisée en tant que capacité ferme, les lignes directrices de 2009 prévoyaient uniquement, à leur point 2.2, paragraphe 4, que, en cas de besoin, les GRT s’efforceraient d’offrir, à tout le moins partiellement, la capacité inutilisée en tant que capacité ferme.

97      Deux constatations ressortent de l’article 16, paragraphe 3, sous a), du règlement no 715/2009, interprété à la lumière des lignes directrices de 2009. En premier lieu, Transgaz devait offrir les capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1 uniquement si Bulgargaz ne les proposait pas sur le marché secondaire à un prix raisonnable. En second lieu, dans un tel cas, Transgaz était uniquement obligée d’offrir les capacités inutilisées de Bulgargaz à des tiers en tant que capacités à court terme et interruptibles, et non en tant que capacités fermes.

98      Or, au considérant 35 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, la Commission a relevé que les fournisseurs de gaz en aval ne pouvaient normalement pas s’appuyer sur les capacités interruptibles pour respecter leurs obligations de fourniture à l’égard de leurs clients, car ces capacités n’étaient pas garanties par le GRT. Dès lors, l’offre de la part de Transgaz des capacités inutilisées par Bulgargaz en tant que capacités à court terme et interruptibles n’aurait pas permis pas audit GRT de satisfaire les besoins constants des entreprises souhaitant obtenir un accès au gazoduc roumain 1.

99      La modification des lignes directrices de 2009 par l’adoption de la décision 2012/490/UE de la Commission, du 24 août 2012, modifiant l’annexe I du règlement no 715/2009 (JO 2012, L 231, p. 16, ci-après les « lignes directrices de 2012 »), confirme que l’obligation prévue à l’article 16, paragraphe 3, du règlement no 715/2009 était insuffisante. En effet, il ressort du deuxième considérant de la décision 2012/490/UE que les lignes directrices de 2012 ont été adoptées, car la pratique avait montré que, malgré l’application de certains principes de gestion de la congestion, tels que l’offre de capacités interruptibles, la congestion contractuelle continuait d’entraver le développement d’un marché intérieur du gaz efficace.

100    Dès lors, afin de résoudre cette situation, les lignes directrices de 2012 ont prévu quatre procédures différentes qui avaient pour objet de permettre aux GRT, en cas de congestion contractuelle, de réattribuer les capacités inutilisées en tant que capacités fermes. Seules trois de ces procédures devaient être mises en œuvre à compter du 1er octobre 2013 et, dès lors, au cours de la période infractionnelle.  

101    En l’espèce, les requérantes se réfèrent à deux de ces mécanismes, à savoir, d’une part, le mécanisme d’accroissement de la capacité par un système de surréservation et de rachat prévu au point 2.2.2 des lignes directrices de 2012 (ci-après le « mécanisme de surréservation et de rachat ») et, d’autre part, le mécanisme « use-it-or-lose-it » (UIOLI) d’offre de capacités à long terme prévu au point 2.2.5 desdites lignes directrices (ci-après le « mécanisme UIOLI » et, pris avec le mécanisme de surréservation et de rachat, les « mécanismes incitatifs »).

102    En premier lieu, le mécanisme de surréservation et de rachat permettait au GRT d’accroître la capacité de son réseau en offrant une capacité additionnelle en tant que capacité ferme excédant celle qui pouvait être transportée. Le GRT devait racheter la capacité finalement nominée par les utilisateurs qui excédait ce que le réseau de transport du gaz était en mesure de transporter (voir point 2.2.2, paragraphes 1 et 6, des lignes directrices de 2012). Pour inciter le GRT à assumer les risques liés à la survente, le système prévoyait une compensation financière (voir point 2.2.2, paragraphe 3, des lignes directrices de 2012).

103    Pour que le mécanisme de surréservation et de rachat puisse s’appliquer, les lignes directrices de 2012 prévoyaient qu’il devait être préalablement approuvé par l’autorité de régulation nationale (ci-après le « régulateur national ») et faire l’objet de consultations avec les régulateurs nationaux des États membres frontaliers (voir point 2.2.2, paragraphe 1, desdites lignes directrices).

104    En second lieu, en vertu du mécanisme UIOLI, les régulateurs nationaux étaient tenus de demander au GRT de retirer, en tout ou partie, les capacités contractuelles systématiquement sous-utilisées par un utilisateur du réseau à un point d’interconnexion lorsque ce dernier n’avait ni vendu ni offert sa capacité non utilisée à des conditions raisonnables et que d’autres utilisateurs du réseau demandaient des capacités fermes (voir point 2.2.5, paragraphe 1, des lignes directrices de 2012).

105    Toutefois, pour que le GRT puisse utiliser le mécanisme UIOLI, le régulateur national devait préalablement déterminer que les conditions prévues par les lignes directrices de 2012 permettant à un GRT de retirer les capacités étaient remplies (voir point 2.2.5, paragraphes 1 et 4, des lignes directrices de 2012).

106    Les requérantes avancent, en substance, que, à partir de 2012, Transgaz aurait pu utiliser les mécanismes incitatifs pour retirer unilatéralement les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 et les réattribuer à des tiers.

107    À cet égard, il ressort des points 103 à 105 ci-dessus, que, pour que ces mécanismes incitatifs puissent s’appliquer, le régulateur roumain devait adopter certaines mesures préalables.

108    Or, aux considérants 293 et 294 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le régulateur roumain n’avait pas, à l’époque, pris les mesures préalables nécessaires pour permettre au GRT d’utiliser les mécanismes incitatifs.

109    Les requérantes contestent cependant la nécessité de l’intervention du régulateur roumain pour que Transgaz puisse offrir à des tiers les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1.

110    La position des requérantes ne résiste pas à l’analyse. En effet, en l’absence d’intervention préalable du régulateur national pendant la période infractionnelle, les mécanismes incitatifs ne pouvaient pas être mis en œuvre (voir points 103 et 105 ci-dessus). Cela signifie que, pendant cette période, Transgaz n’aurait pas pu se prévaloir de ces mécanismes pour retirer unilatéralement les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 et offrir ces dernières à des tiers en tant que capacités fermes. Dès lors, Transgaz ne pouvait offrir à des tiers lesdites capacités inutilisées, en vertu du règlement no 715/2009, qu’en tant que capacités à court terme et interruptibles.

111    Or, ainsi qu’il ressort du point 98 ci-dessus, une offre à court terme et interruptible n’aurait pas permis à Transgaz, en pratique, de contourner les restrictions imposées par l’accord de 2005 et, ainsi, de répondre aux besoins constants des fournisseurs souhaitant avoir accès au gazoduc roumain 1, étant donné qu’une telle capacité n’aurait pas eu d’attrait pour les fournisseurs de gaz en aval, car elle ne leur permettait pas de respecter leurs obligations de fourniture à l’égard de leurs clients.

112    Dans ces conditions, la distinction entre les marchés primaire et secondaire de capacités de gaz n’était pas pertinente en l’espèce pour apprécier si les requérantes jouissaient d’une position dominante concernant les services de capacités sur le gazoduc roumain 1. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 89 ci-dessus, du fait de l’accord de 2005, non seulement Bulgargaz était, tout au long de la période infractionnelle, le seul fournisseur possible de services de capacités sur le gazoduc roumain 1 sur le marché secondaire, mais elle contrôlait également l’accès des tiers au marché primaire grâce à l’exclusivité d’utilisation dudit gazoduc et au droit de consentement préalable dont elle était titulaire en vertu de l’accord de 2005. De même, Transgaz ne pouvant offrir des capacités inutilisées, sans le consentement de Bulgargaz, qu’en tant que capacités à court terme et interruptibles pendant la période infractionnelle, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission n’a pas retenu que Transgaz était un fournisseur dans le cadre de la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

113    Ces conclusions ne sont pas remises en cause par les autres arguments invoqués par les requérantes.

114    En premier lieu, les requérantes avancent que la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 adoptée par la Commission s’écarte de sa pratique décisionnelle.

115    Or, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services, ou d’autres marchés géographiques à des moments différents (voir arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 55 et jurisprudence citée). En outre, les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure qui est susceptible d’être modifiée, en fonction du changement des circonstances ou de l’évolution de l’analyse de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, points 142 et 143).

116    Ainsi, les requérantes ne sont pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 118 ; voir, également, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 55 et jurisprudence citée).

117    En second lieu, les requérantes font valoir que la Legea nr. 123/2012 energiei electrice și a gazelor naturale (loi no 123/2012, relative à l’électricité et au gaz naturel), du 10 juillet 2012 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 485, du 16 juillet 2012, ci-après la « loi roumaine sur l’énergie »), a incorporé le règlement no 715/2009 et a fourni à Transgaz, en tant que GRT, des pouvoirs de retrait des capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1. À cet égard, elles se réfèrent à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 194 de ladite loi ainsi qu’à la méthodologie d’attribution des capacités sur le gazoduc roumain 1, publiée par le régulateur roumain le 11 juillet 2012 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 472, du 11 juillet 2012, ci-après la « méthodologie d’allocation des capacités »).

118    Cet argument ne saurait prospérer pour les raisons suivantes.

119    Premièrement, l’article 130, paragraphe 1, de la loi roumaine sur l’énergie n’était pas applicable au gazoduc roumain 1. En effet, cette disposition imposait au GRT d’assurer l’attribution des capacités au sein des gazoducs d’interconnexion, conformément au règlement no 715/2009 [voir article 130, paragraphe 1, sous q), de la loi roumaine sur l’énergie]. Selon ladite loi, un gazoduc d’interconnexion était un gazoduc de transport franchissant une frontière entre deux États membres de l’Union dans le seul but de raccorder les systèmes de transport de gaz de ces deux États (voir article 100, paragraphe 34, de ladite loi). Or, le gazoduc roumain 1 n’était pas raccordé au réseau de transport de gaz roumain pendant la période infractionnelle et ne constituait donc pas un gazoduc d’interconnexion au sens de l’article 130, paragraphe 1, de la loi roumaine sur l’énergie.

120    Deuxièmement, l’article 194 de la loi roumaine sur l’énergie prévoyait que la violation, par le GRT, des dispositions concernant les mécanismes relatifs à l’attribution des capacités et à la gestion de la congestion prévues par le droit de l’Union constituait aussi une violation des règles roumaines applicables en la matière (voir article 194, paragraphe 36, de ladite loi). Cependant, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 110 ci-dessus, la réglementation de l’Union en vigueur à l’époque ne permettait pas à Transgaz de retirer des capacités inutilisées et de les réattribuer à des tiers en tant que capacités fermes, l’article 194 de la loi roumaine sur l’énergie ne l’habilitait pas davantage à agir en ce sens.

121    Troisièmement, s’agissant de la méthodologie d’allocation des capacités, elle n’imposait pas à Transgaz, en tant que GRT, de retirer toute capacité existante inutilisée par Bulgargaz, mais l’obligeait uniquement à vendre les capacités disponibles sur ledit gazoduc (voir article 1er de ladite méthodologie), à savoir les capacités qui ne faisaient pas l’objet d’un contrat. Or, en vertu de l’article 17.1 de l’accord de 2005, « le gazoduc [roumain 1 était] réservé à l’usage exclusif de [Bulgargaz], et sans le consentement de [Bulgargaz] il n’[était] pas possible de raccorder d’autres clients à ce gazoduc, et aucune quantité de gaz naturel autre que celle délivrée par [Bulgargaz] à [Transgaz] à [la station de comptage de gaz] Isaccea 1 ne sera[it] transportée ». Ledit accord étant resté en vigueur tout au long de la période infractionnelle, force est de constater qu’il n’y avait aucune capacité disponible que Transgaz aurait pu vendre aux entreprises tierces sur ce gazoduc à cette époque.

122    Partant, les griefs tirés de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit, en omettant d’opérer une distinction entre les marchés primaire et secondaire de capacités sur le gazoduc roumain 1, et une erreur d’appréciation, en omettant d’identifier Transgaz comme étant un fournisseur desdites capacités, doivent être rejetés.

b)      Sur l’erreur de fait, tirée de l’identification de Bulgargaz comme étant un fournisseur sur le gazoduc roumain 1

123    En premier lieu, les requérantes font valoir que Bulgargaz était uniquement un acquéreur de services de capacités sur le gazoduc roumain 1 sur le marché primaire desdits services, et non un fournisseur desdits services.

124    Or, la décision attaquée ne qualifie pas Bulgargaz de fournisseur sur le marché primaire des services de capacités sur le gazoduc roumain 1. En effet, la Commission s’est bornée à indiquer que Transgaz avait attribué des capacités sur ce marché primaire à Bulgargaz en concluant l’accord de 2005 (voir considérant 291 de la décision attaquée). Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 89 et 90 ci-dessus, compte tenu de l’exclusivité d’utilisation dudit gazoduc et du droit de consentement préalable accordés à Bulgargaz par l’article 17.1 dudit accord, lequel est resté en vigueur tout au long de la période infractionnelle, la Commission a constaté que Transgaz ne pouvait pas offrir aux tiers de capacités sur le marché primaire sans le consentement de Bulgargaz et que, dès lors, cette dernière était la seule à pouvoir fournir aux tiers un accès au gazoduc roumain 1 (voir considérants 261, 288 et 306 de la décision attaquée).

125    Partant, l’argument des requérantes tiré du fait que la Commission aurait erronément qualifié Bulgargaz de fournisseur sur le marché primaire des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 doit être rejeté.

126    En second lieu, les requérantes avancent que la Commission a erronément conclu, au considérant 292 de la décision attaquée, que Bulgargaz pouvait revendre des capacités sur le marché secondaire du gazoduc roumain 1 pendant la période infractionnelle, alors que Transgaz n’avait pas encore adopté les règles permettant de tels échanges conformément à l’article 22 du règlement no 715/2009.

127    À cet égard, il est certes vrai que l’article 22 du règlement no 715/2009 imposait aux GRT l’adoption de certaines mesures pour permettre et faciliter l’échange de capacités sur le marché secondaire. Toutefois, il convient de relever que le 31 janvier 2013, Bulgargaz a conclu un accord avec Overgas en vertu duquel cette dernière s’est vu octroyer un accès au gazoduc roumain 1, alors même que les mesures envisagées par l’article 22 dudit règlement n’avaient toujours pas été adoptées par Transgaz.

128    Dès lors, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 292 de la décision attaquée, la circonstance selon laquelle Transgaz n’avait pas adopté les mesures envisagées par l’article 22 du règlement no 715/2009 ne constituait pas, dans les faits, un obstacle à ce que Bulgargaz puisse offrir des capacités sur le marché secondaire des capacités sur le gazoduc roumain 1.

129    Il s’ensuit que le grief des requérantes selon lequel la Commission aurait commis une erreur de fait en considérant que Bulgargaz pouvait fournir des capacités sur le gazoduc roumain 1 n’est pas fondé.

130    En conséquence, la présente branche et, partant, le deuxième moyen pris dans son ensemble doivent être rejetés.

B.      Sur le troisième moyen, tiré de la constatation erronée d’une position dominante des requérantes sur les marchés pertinents

131    Les requérantes contestent la conclusion énoncée aux considérants 426 et 427 de la décision attaquée, selon laquelle le groupe BEH occupait, par le biais de Bulgargaz et de Bulgartransgaz, une position dominante sur les cinq marchés pertinents.

132    Le moyen s’articule en deux branches. Les requérantes avancent que la Commission a erronément conclu, d’une part, que Bulgargaz occupait une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 et, d’autre part, que BEH occupait indirectement une telle position sur les cinq marchés en cause.

1.      Sur la première branche, tirée du constat erroné d’une position dominante de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

133    En premier lieu, les requérantes avancent que la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 est entachée d’erreurs de droit et de fait. Dès lors, la conclusion selon laquelle Bulgargaz est dominante sur ce marché serait également erronée.

134    À cet égard, il ressort de l’analyse du deuxième moyen que c’est sans commettre d’erreur de droit et de fait que la Commission a défini le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1. Il s’ensuit que le premier argument des requérantes doit être écarté d’emblée.

135    En second lieu, les requérantes estiment que, même dans l’hypothèse où la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 serait correcte, l’appréciation de la Commission selon laquelle Bulgargaz y occupait une position dominante est erronée.

136    Les requérantes font plus particulièrement valoir que la décision attaquée ne contient pas d’analyse de la structure du marché ou du pouvoir de marché des entreprises actives sur le gazoduc roumain 1, en méconnaissance des exigences formulées aux points 13 à 15 de la communication relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7). Partant, elles considèrent que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que Bulgargaz était dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

137    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la position dominante visée à l’article 102 TFUE concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité d’adopter des comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. L’existence d’une position dominante résulte en général de la réunion de facteurs divers qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, points 65 et 66, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, points 38 et 39).

138    En outre, l’existence d’une position dominante n’exclut pas l’existence d’une certaine concurrence, mais met l’entreprise qui en bénéficie en mesure, sinon de décider, d’influencer notablement les conditions dans lesquelles la concurrence se développera et, en tout état de cause, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que son attitude lui porte préjudice (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 39).

139    En l’espèce, la Commission a relevé que les infrastructures de transport de gaz constituaient un monopole naturel et que, dès lors, l’entreprise qui contrôlait la capacité sur ces infrastructures devenait un partenaire commercial incontournable, dont le pouvoir de marché ne pouvait être neutralisé. S’agissant du gazoduc roumain 1, la Commission a conclu que, pendant la période infractionnelle, c’était Bulgargaz qui contrôlait toute possibilité d’accès des tiers à celui-ci (voir considérants 335, 418 et 420 de la décision attaquée).

140    Les requérantes estiment que cette appréciation est entachée de quatre erreurs.

a)      Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission a erronément considéré que Bulgargaz contrôlait l’accès des tiers au gazoduc roumain 1

141    Les requérantes soutiennent que la Commission a considéré à tort que Bulgargaz contrôlait l’accès des tiers au gazoduc roumain 1. Elles affirment que ce contrôle était exercé par Transgaz, en tant que GRT de cette infrastructure.

142    À l’appui de ce grief, en premier lieu, les requérantes font valoir que, même si l’accord de 2005 était un contrat d’exclusivité, Bulgargaz s’était vu conférer seulement des droits de consultation en ce qui concernait la possibilité d’offrir des capacités aux tiers, lesquels n’ont jamais été utilisés.

143    À cet égard, il convient de rappeler que, selon le libellé de l’article 17.1 de l’accord de 2005, « le gazoduc [roumain 1] est réservé à l’usage exclusif de [Bulgargaz], et sans le consentement de [Bulgargaz] il n’est pas possible de raccorder d’autres clients à ce gazoduc, et aucune autre quantité de gaz naturel ne sera transportée ».

144    Il est dès lors évident que Transgaz ne pouvait pas offrir à des tiers de capacités sur le gazoduc roumain 1 sans obtenir le consentement préalable de Bulgargaz.

145    Cette interprétation de l’accord de 2005 est corroborée par les échanges entre Transgaz et BEH lors de leur réunion du 24 janvier 2011. Il ressort, en effet, du compte rendu de cette réunion préparé par BEH, daté du 31 janvier 2011, que Transgaz a demandé à BEH s’il était possible de récupérer une partie de la capacité inutilisée sur le gazoduc roumain 1 en vue de la future construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié près de Constanţa (Roumanie) (ci-après le « terminal à Constanţa »). BEH a répondu que la totalité de la capacité dudit gazoduc avait été réservée à Bulgargaz, mais que la possibilité évoquée par Transgaz pouvait néanmoins faire l’objet d’une discussion qui devait, d’abord, avoir lieu au niveau gouvernemental [voir considérant 297, sous a), de la décision attaquée].

146    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, l’accord de 2005 ne conférait pas à Bulgargaz de simples droits de consultation, mais lui accordait un véritable pouvoir de consentement préalable en ce qui concernait toute tentative de Transgaz de reprendre des capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1, y compris pour offrir de telles capacités à des tiers.

147    En second lieu, les requérantes considèrent que le fait que Bulgargaz ait sous-loué une partie de sa capacité à Overgas dès 2013 n’étaye pas la conclusion selon laquelle Bulgargaz contrôlait l’accès au gazoduc roumain 1. Elles soutiennent que cela n’était qu’un geste de bonne foi de Bulgargaz envers Overgas, eu égard au fait que les règles permettant les échanges sur le marché secondaire n’avaient pas encore été établies.

148    À cet égard, il convient de relever que le fait que Bulgargaz ait sous-loué à Overgas une partie de la capacité du gazoduc roumain 1, indépendamment du caractère allégué de bonne foi qu’a pu revêtir cet acte, illustre que, dans les faits, Bulgargaz a réussi à donner à des tiers un accès à ce gazoduc, malgré l’absence de règles régissant le marché secondaire des services de capacités.

149    Cette circonstance était pertinente pour l’analyse effectuée dans la décision attaquée étant donné que, en vertu de l’accord de 2005, Bulgargaz avait réservé la capacité sur le gazoduc roumain 1 dans des conditions d’exclusivité. Dès lors, un tiers souhaitant avoir accès à ce gazoduc pendant la période infractionnelle ne l’aurait obtenu que si Bulgargaz avait consenti à ce que Transgaz offre des capacités conformément aux termes de l’article 17.1 de l’accord de 2005, ou si Bulgargaz avait accepté de sous-louer une partie de sa capacité, comme elle l’a fait avec Overgas à partir du 1er janvier 2013.

150    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a considéré que Bulgargaz contrôlait l’accès des tiers au gazoduc roumain 1 pendant la période infractionnelle.

151    Dès lors, il y a lieu d’écarter le premier grief.

b)      Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas identifié Transgaz comme étant un fournisseur de services de capacités sur le gazoduc roumain 1

152    Les requérantes considèrent que l’appréciation de la position dominante de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 est entachée d’une erreur de fait, en ce que elle n’identifie pas tous les fournisseurs de services de capacités présents sur ce marché.

153    Sur ce point, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir ignoré que Bulgargaz n’était pas le GRT du gazoduc roumain 1 et que Transgaz avait des pouvoirs réglementaires qui lui permettaient de retirer des capacités inutilisées de manière unilatérale pour les offrir aux tiers. Ce faisant, la Commission aurait omis d’identifier le fournisseur principal et dominant sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

154    À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, comme il ressort des points 89 et 90 ci-dessus ainsi que de l’analyse du premier grief, la Commission a constaté que, bien que Bulgargaz n’ait pas été le GRT du gazoduc roumain 1, elle en contrôlait l’accès en vertu de l’accord de 2005.

155    En second lieu, il ressort de la décision attaquée que, avant d’examiner la question de savoir si Bulgargaz jouissait d’une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, la Commission a conclu à juste titre que, pendant la période infractionnelle, Transgaz n’aurait pas pu retirer de capacités unilatéralement et les offrir à des tiers en tant que capacités fermes (voir points 97 et 98 ci-dessus).

156    À cet égard, dans son analyse, la Commission a indiqué que les lignes directrices de 2012 en vertu desquelles les GRT pouvaient mettre en œuvre les mécanismes incitatifs, qui leur permettaient de lutter contre l’accumulation de capacités et ainsi d’offrir des capacités contractuelles inutilisées à des tiers à long terme, ne sont entrées en vigueur que le 1er octobre 2013. Elle a également constaté que, pour que Transgaz puisse mettre en œuvre ces mécanismes, lesdites lignes directrices exigeaient que le régulateur roumain adopte préalablement certaines mesures et que, en l’occurrence, ces mesures n’avaient pas été adoptées avant la fin de la période infractionnelle (voir considérants 293 et 294 de la décision attaquée).

157    Dès lors, les requérantes ne sauraient avancer que l’analyse de la Commission a ignoré que Transgaz était le GRT du gazoduc roumain 1 ou qu’elle n’a pas examiné la question relative aux pouvoirs réglementaires de celle-ci, avant de conclure que Bulgargaz détenait une position dominante sur le marché des services de capacités sur ledit gazoduc.

158    Les requérantes estiment, en tout état de cause, que l’interprétation faite par la Commission du cadre réglementaire applicable est erronée et que l’intervention du régulateur roumain n’était pas requise pour que Transgaz puisse offrir les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 à des tiers.

159    Or, il convient de rappeler que, pendant la période infractionnelle, le règlement no 715/2009, interprété à la lumière des lignes directrices de 2009 et de celles de 2012, ne permettait pas à Transgaz d’offrir à des tiers les capacités inutilisées par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 en tant que capacités fermes sans le consentement de celle-ci. En effet, le cadre réglementaire alors applicable ne permettait à Transgaz de retirer unilatéralement les capacités contractuelles inutilisées par Bulgargaz pour les offrir à des tiers qu’en tant que capacités interruptibles et à court terme, ce qui, ainsi qu’il ressort des points 93 à 111 ci-dessus, aurait été insuffisant pour permettre à Transgaz de donner un accès aux tiers permettant à ceux-ci de respecter leurs obligations à l’égard de leurs clients. En revanche, la possibilité d’offrir des capacités inutilisées en tant que capacités fermes nécessitait l’intervention préalable du régulateur roumain, ainsi qu’il ressort des points 102 à 107 ci-dessus. Or, ce dernier n’a pas pris les mesures nécessaires durant la période infractionnelle.

160    Il s’ensuit que, pendant la période infractionnelle, sans le consentement de Bulgargaz, Transgaz pouvait uniquement offrir à des tiers des services de capacités limités et insuffisants sur le gazoduc roumain 1. Dès lors, le fait que le cadre réglementaire de l’Union permettait à Transgaz d’offrir des capacités inutilisées en tant que capacités à court terme et interruptibles ne suffisait pas pour permettre à celle-ci de contourner les restrictions imposées par l’article 17.1 de l’accord de 2005 et ne pouvait, ainsi, avoir un effet sensible sur le contrôle effectif exercé par Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1.

161    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la Commission n’a pas identifié Transgaz comme étant une réelle source d’approvisionnement alternative pour des tiers souhaitant avoir accès au gazoduc roumain 1 pendant la période infractionnelle.

162    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

163    En premier lieu, à l’appui de leur argument selon lequel Transgaz aurait pu retirer à Bulgargaz des capacités sur le gazoduc roumain 1 unilatéralement, les requérantes invoquent le règlement (UE) no 984/2013 de la Commission, du 14 octobre 2013, relatif à l’établissement d’un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz et complétant le règlement no 715/2009 (JO 2013, L 273, p. 5).

164    Or, il ressort de l’article 28 du règlement no 984/2013 que les dispositions pertinentes de ce règlement ne sont entrées en vigueur que le 1er novembre 2015, soit après la fin de la période infractionnelle. Partant, ces dispositions ne peuvent avoir d’incidence sur l’appréciation des faits et l’argument des requérantes doit être écarté d’emblée comme étant inopérant.

165    En deuxième lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir recueilli le point de vue de Transgaz et celui du régulateur roumain sur la question de savoir si Bulgargaz jouissait d’une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

166    Cet argument est voué au rejet dans la mesure où, pour évaluer les pouvoirs conférés aux GRT par le droit de l’Union et par le droit national applicable et ainsi prendre position sur le fait de savoir si Bulgargaz jouissait d’une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, l’appréciation juridique de la Commission ne dépendait pas du point de vue de Transgaz ni de celui du régulateur roumain.

167    En troisième lieu, les requérantes avancent, en substance, que la Commission ne pouvait pas conclure que Bulgargaz était dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, car elle avait déjà conclu, dans l’affaire AT.40335 – Interconnexions gazières en Roumanie (ci-après l’« affaire Transgaz »), que Transgaz occupait une position dominante sur ce même marché.

168    À cet égard, il ressort de la décision C(2020) 1232 de la Commission, du 6 mars 2020, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE (affaire Transgaz), telle que publiée sur son site Internet, que, au terme de l’évaluation préliminaire de cette affaire, la Commission a conclu que Transgaz bénéficiait d’une position dominante au sens de l’article 102 TFUE sur le marché du transport de gaz naturel en Roumanie, y compris le transport au moyen des interconnexions avec les pays voisins. Elle a toutefois précisé que les trois gazoducs de transit exploités parallèlement par Transgaz, dont le gazoduc roumain 1 fournissant le marché bulgare, ne faisaient pas partie de son évaluation préliminaire, étant donné que ceux-ci n’étaient pas connectés au réseau de transport de gaz roumain (voir considérant 25 de la décision du 6 mars 2020).

169    La Commission n’a donc pas conclu, dans l’affaire Transgaz, que l’entreprise visée par cette enquête occupait une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

170    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes tiré de ce que les conclusions préliminaires de la Commission dans l’affaire Transgaz l’empêchaient de conclure que Bulgargaz était dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 pendant la période infractionnelle.

171    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

c)      Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas apprécié si Bulgargaz occupait une position dominante dans le cadre des discussions avec Transgaz relatives à la renégociation de l’accord de 2005

172    Les requérantes estiment que la Commission ne pouvait pas conclure que le comportement de Bulgargaz dans le cadre de la renégociation de l’accord de 2005 était abusif sans avoir apprécié, au préalable, si Bulgargaz occupait une position dominante dans le cadre de ces négociations.

173    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la position dominante visée à l’article 102 TFUE concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité d’adopter des comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, points 65 et 66, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, points 38 et 39).

174    Il ressort de la définition de la position dominante au sens de l’article 102 TFUE, rappelée au point 173 ci-dessus, que celle-ci doit être appréciée au regard du marché pertinent, et non au regard d’une entreprise particulière, ni encore moins d’une transaction ou d’une négociation particulière, comme le prétendent les requérantes.

175    En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé dans le cadre du premier grief de cette branche, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a considéré que, grâce à l’accord de 2005, pendant la période infractionnelle, Bulgargaz était l’entreprise qui contrôlait l’accès des tiers au marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1.

176    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission d’avoir omis d’apprécier si Bulgargaz jouissait d’une position dominante à l’égard de Transgaz dans le cadre des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005.

177    Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté.

d)      Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission a erronément interprété sa pratique décisionnelle

178    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission ne pouvait pas conclure que Bulgargaz occupait une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, car dans ses décisions antérieures, elle avait conclu que c’était le GRT qui occupait une position dominante sur le réseau de transport de gaz.

179    Les requérantes avancent que, au considérant 435 de la décision attaquée, la Commission a commis une erreur en droit dans l’interprétation de sa pratique décisionnelle en renvoyant à ses décisions C(2009) 1885, du 18 mars 2009, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE [affaire COMP/B-1/39.402 – RWE (verrouillage des marchés de gaz)] et C(2010) 6701, du 29 septembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/39.315 – ENI) pour étayer la conclusion selon laquelle, du fait de l’accord de 2005, Bulgargaz occupait une position dominante sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1, alors que celle-ci n’était pas le GRT dudit gazoduc.

180    Les requérantes soulignent que, dans ces deux affaires, les entreprises que la Commission a considérées comme occupant une position dominante sur les réseaux de transport de gaz en cause avaient, certes, réservé à long terme et à titre exclusif la capacité sur ces réseaux. Toutefois, dans chacune de ces affaires aussi bien que dans ses décisions C(2009) 9375 final, du 3 décembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/39.316 – GDF) et C(2010) 2863 final, du 4 mai 2010, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/39.317 – E.ON Gas) portant sur des questions similaires, la Commission a établi que les entreprises en cause avaient des liens économiques, organisationnels ou juridiques avec les sociétés propriétaires et GRT de ces mêmes réseaux. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce.

181    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, points 142 et 143).

182    Ainsi qu’il ressort de l’examen du premier grief de cette branche, la Commission a suffisamment démontré, en l’espèce, que Bulgargaz contrôlait l’accès au gazoduc roumain 1 pendant la période infractionnelle. Par conséquent, les requérantes ne sauraient soutenir qu’elle a erronément conclu que Bulgargaz occupait une position dominante sur le marché des services de capacités sur ce gazoduc, au seul motif que, dans des décisions précédentes, chaque entreprise qu’elle avait considérée comme occupant une position dominante sur le marché pertinent avait des liens économiques, organisationnels ou juridiques avec le GRT du réseau de transport en cause.

183    Dès lors, il convient de rejeter le quatrième grief et, partant, la première branche.

2.      Sur la seconde branche, tirée du constat erroné d’une position dominante de BEH sur les marchés pertinents

a)      Sur l’existence d’une position dominante « indirecte »

184    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu que BEH aurait « indirectement » occupé une position dominante, par l’intermédiaire de ses filiales Bulgargaz et Bulgartransgaz, sur les cinq marchés pertinents. Elles font valoir que :

–        BEH n’était présente sur aucun des marchés pertinents et les activités exercées sur ces derniers étaient réglementées et requéraient une licence que BEH ne possédait pas ;

–        BEH, en tant que holding financière, ne pouvait pas occuper « indirectement » une position dominante par l’intermédiaire de ses deux filiales qui, bien que présentes dans sa structure de holding, étaient juridiquement indépendantes et déterminaient d’une façon autonome leur ligne d’action sur lesdits marchés.

185    La Commission estime que l’allégation selon laquelle BEH, en tant qu’entité juridique, n’était active sur aucun des marchés en cause est dénuée de pertinence, puisque les comportements de Bulgartransgaz et de Bulgargaz, ainsi que leur position dominante, lui étaient imputés dans le cadre de la notion d’« entité économique unique ». En outre, la Commission aurait bien démontré, au considérant 365 de la décision attaquée, que BEH avait exercé une influence déterminante sur ses deux filiales.

186    Le Tribunal note, au préalable, que, à la section 6.2.3.5 de la décision attaquée (intitulée « Conclusions on dominance »), la Commission est parvenue à la conclusion que le groupe BEH, tel que défini au considérant 1 (à savoir, BEH, Bulgargaz et Bulgartransgaz, « dénommées ensemble, le “groupe BEH” »), occupait une position dominante sur les marchés en cause. Puis, à la section 6.2.2 (intitulée « The BEH group forms a single economic unit »), la décision attaquée tend à démontrer que le groupe BEH formait une entité économique unique en se fondant sur le fait que, durant la période infractionnelle, BEH, qui détenait l’intégralité du capital de Bulgargaz et de Bulgartransgaz (voir considérants 362, 366 et 670), exerçait une influence décisive sur ces dernières et que celles-ci ne jouissaient donc pas d’une autonomie réelle pour déterminer leur comportement sur les marchés pertinents (voir considérants 374 à 392).

187    Selon une jurisprudence constante, la Commission peut imputer à une société mère la responsabilité du comportement de l’une de ses filiales, notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique, pour l’essentiel, les instructions qui lui sont données par sa société mère, eu égard, en particulier, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et forment ainsi une seule entreprise au sens de l’article 102 TFUE (voir arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 40 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 27).

188    En l’espèce, aux considérants 426 et 427 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le groupe BEH, par l’intermédiaire de Bulgartransgaz et de Bulgargaz, occupait une position dominante sur les marchés, d’une part, des services liés aux capacités sur le réseau de transport bulgare et des services liés aux capacités sur la station de stockage de Chiren et, d’autre part, des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 et, en substance, sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

189    Or, les requérantes contestent spécifiquement les conclusions de la section 6.2.3.5 de la décision attaquée, dans la mesure où il y serait supposé erronément que BEH, à savoir la société holding, occupait indirectement une position dominante sur lesdits marchés, sur lesquels elle n’était pas active.

190    Toutefois, il convient de relever que l’argument des requérantes énoncé au point 189 ci-dessus ne correspond pas aux considérations formulées dans la décision attaquée, en particulier à la section 6.2.3.5 sur laquelle s’appuient les requérantes, qui, comme cela est noté au point 188 ci-dessus, parvient à la conclusion que le « groupe BEH », en tant qu’entité économique unique, occupait une position dominante.

191    Il est vrai que la décision attaquée utilise de manière interchangeable :

–        d’une part, la formule « groupe BEH », qui, ainsi qu’il ressort de son considérant 1, correspond à une simple convention d’écriture visant à désigner l’ensemble de trois entités juridiques distinctes, à savoir BEH, Bulgartransgaz et Bulgargaz, et non pas l’entité économique unique ;

–        d’autre part, l’entité économique unique, à laquelle est attribuée la position dominante, constituée de Bulgargaz, de Bulgartransgaz et de BEH.

192    Il ressort néanmoins du considérant 433 de la décision attaquée que c’est précisément l’entité économique unique qui, selon la Commission, occupe la position dominante.

193    Les requérantes ont donc mal interprété la décision attaquée quant à l’attribution de la position dominante, dans la mesure où elles contestent que BEH occupe une position dominante, tandis que la décision attaquée constate que c’est l’entité économique unique composée de BEH, de Bulgartransgaz et de Bulgargaz qui détient une telle position.

194    Partant, les arguments des requérantes visant à dénoncer le caractère prétendument erroné du constat, dans la décision attaquée, de la détention indirecte par BEH d’une position dominante sur lesdits marchés, par l’intermédiaire de ses deux filiales, ne peuvent pas prospérer.

b)      Sur l’indépendance de Bulgargaz et de Bulgartransgaz par rapport à BEH 

195    Dans le cadre de leur description du contexte de l’affaire, les requérantes font valoir que Bulgargaz et Bulgartransgaz sont indépendantes par rapport à BEH et que, en tant que holding, cette dernière se concentre exclusivement sur la gestion financière.

196    À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans l’hypothèse particulière où la société mère détient directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital de la filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère peut être présumé (arrêts du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 41 ; du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 28, et du 12 mai 2022 Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 109).

197    Une telle présomption est cependant réfragable (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 47). En effet, ainsi que la Cour l’a souligné, ce n’est pas la détention d’un tel pourcentage du capital social de la filiale qui fonde la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère, mais le degré de contrôle qu’une telle détention implique (arrêts du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C‑595/18 P, EU:C:2021:73, point 35, et du 12 mai 2022 Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 110).

198    Pour renverser cette présomption, une société mère doit soumettre à l’appréciation du juge de l’Union tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une seule entité économique (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, point 51 et jurisprudence citée).

199    Par ailleurs, il convient de rappeler que l’exercice effectif, par une société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale peut être établi par un faisceau d’éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 65) ou par une combinaison de tels éléments avec la présomption réfragable de l’exercice d’une influence déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 49).

200    En l’espèce, même si la Commission a relevé que, pendant la période infractionnelle, BEH détenait la totalité du capital de Bulgargaz et de Bulgartransgaz (voir considérants 362, 366 et 670 de la décision attaquée), sa conclusion selon laquelle les trois requérantes constituaient une entité économique unique ne s’appuie pas sur la présomption, rappelée au point 196 ci-dessus, tirée de ce fait. En effet, il ressort des considérants 374 à 382 de la décision attaquée que cette conclusion repose sur la circonstance, fondée sur plusieurs éléments, que, tout au long de la période infractionnelle, BEH contrôlait étroitement les actions de ses filiales.

201    En premier lieu, la Commission s’est appuyée sur la participation de BEH à la gestion de ses deux filiales. Elle a relevé que, pendant la période infractionnelle, BEH avait le pouvoir de nommer et de révoquer le conseil d’administration de Bulgargaz. Elle avait aussi le pouvoir de nommer et de révoquer les membres du conseil d’administration de Bulgartransgaz jusqu’au mois de mars 2013, date à laquelle une modification statutaire a, en premier lieu, remplacé le conseil d’administration par un conseil de surveillance et un conseil de gestion et, en second lieu, octroyé à Bulgartransgaz le droit de nommer les membres de son conseil de gestion. Toutefois, le premier conseil de gestion de Bulgartransgaz a été composé, et ce jusqu’à la fin de la période infractionnelle, des mêmes personnes que celles qui composaient l’ancien conseil d’administration, lesquelles étaient, toutes, nommées par BEH (voir considérants 374 et 375 de la décision attaquée).

202    En deuxième lieu, la Commission a pris en considération le fait que BEH approuvait les plans d’affaires de Bulgargaz durant la période infractionnelle et ceux de Bulgartransgaz jusqu’au mois de janvier 2013. En outre, à partir du mois de janvier 2013, les plans d’affaires de Bulgartransgaz étaient adoptés par le conseil de surveillance de cette dernière, dont la moitié des membres était nommée par BEH (voir considérants 376 et 377 de la décision attaquée).

203    En troisième lieu, la Commission a relevé que, pendant la période infractionnelle, BEH approuvait, directement ou indirectement, les contrats d’accès aux infrastructures gazières du groupe. À cet égard, elle a constaté que, à cette époque, Bulgargaz devait soumettre pour approbation au conseil d’administration de BEH les contrats d’accès au gazoduc roumain 1 conclus avec des tiers. En outre, elle a observé que non seulement BEH avait été informée des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005, mais qu’elle avait également participé à certaines des réunions qui y étaient afférentes [voir considérant 311, sous b), et considérants 315 et 378 de la décision attaquée].

204    Quant aux contrats d’accès au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren conclus par Bulgartransgaz avec des tiers, la Commission a constaté que, jusqu’au 19 janvier 2012, ils devaient être approuvés par le conseil d’administration de BEH (voir considérants 379 et 380 de la décision attaquée), ce que les requérantes confirment dans la requête. Si, par la suite, cette autorisation n’était plus requise, la Commission a retenu que, en pratique, BEH continuait de contrôler l’accès à ces deux infrastructures, car Bulgartransgaz en subordonnait l’accès à l’obtention d’un accès au gazoduc roumain 1, lequel était toujours soumis à l’autorisation du conseil d’administration de BEH (voir point 203 ci-dessus). Elle en a déduit que BEH continuait ainsi de contrôler, indirectement, l’accès aux infrastructures gérées par Bulgartransgaz (voir considérant 381 de décision attaquée).

205    Les requérantes ne contestent pas les constatations rappelées aux points 201 à 204 ci-dessus.

206    À cet égard, il convient de rappeler que le pouvoir de définir la composition du conseil d’administration d’une société constitue un élément objectif qui détermine, en lui-même, la possibilité de contrôler les décisions susceptibles d’être adoptées par ledit conseil et, partant, par la société concernée (arrêt du 12 juillet 2018, The Goldman Sachs Group/Commission, T‑419/14, EU:T:2018:445, point 91).

207    Il est également reconnu par la jurisprudence que constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante le fait qu’une société mère approuve le plan d’affaires de sa filiale (arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 83). Constitue également un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante le fait qu’une société mère approuve les projets d’offres formulées par sa filiale.

208    En l’espèce, la Commission ayant démontré, sans être contestée par les requérantes, que BEH déterminait, en substance, la composition des organes de direction de Bulgargaz et de Bulgartransgaz et qu’elle approuvait leurs plans d’affaires ainsi que les contrats d’accès conclus par ces dernières, il y a lieu de constater qu’elle a apporté un faisceau d’éléments concordants qui prouve que, tout au long de la période infractionnelle, BEH a exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales et, partant, qu’elle a constitué une entité économique unique avec ces dernières.

209    Les requérantes invoquent, cependant, trois documents pour étayer la prétendue autonomie de Bulgargaz et de Bulgartransgaz à l’égard de leur société mère.

210    En premier lieu, la décision du 24 juin 2008 de la Komisia za zashtita na konkurentsiata (commission de protection de la concurrence, Bulgarie) approuvant la création de BEH confirmerait que BEH est une « société holding pure », distincte de ses filiales. À cet égard, il suffit d’observer que la Commission n’est pas liée par les appréciations portées par une autorité nationale qui, au demeurant, ne concernent pas les comportements litigieux.

211    En tout état de cause, l’appréciation de la commission de protection de la concurrence, selon laquelle les filiales de BEH étaient autonomes par rapport à cette dernière, s’appuie sur le fait que BEH était une holding financière sans activité opérationnelle.

212    Or, il ressort d’une jurisprudence constante que la seule circonstance selon laquelle une société mère est une holding ne saurait suffire pour exclure qu’elle ait exercé une influence déterminante sur sa filiale (voir arrêt du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 125 et jurisprudence citée).

213    L’argument fondé sur les conclusions de la décision du 24 juin 2008 de la commission de protection de la concurrence doit donc être écarté.

214    En deuxième lieu, les requérantes se réfèrent à la décision du 22 juin 2015 du régulateur bulgare certifiant Bulgartransgaz en tant que GRT du réseau de transport de gaz en Bulgarie (ci-après la « décision de certification »). Toutefois, cette certification, dans la mesure où elle ne comporte aucune analyse du comportement des requérantes sur les marchés pertinents, est aussi dénuée de pertinence.

215    En tout état de cause, la décision de certification fait référence aux observations de la Commission sur le projet de ladite décision, émises le 22 avril 2015, dans lesquelles celle-ci estimait que, jusqu’à cette date, BEH était encore susceptible d’exercer une influence déterminante sur Bulgartransgaz, en particulier en matière d’accès au réseau de transport, car l’accès des tiers audit réseau était, notamment, subordonné à ce que ces tiers apportent la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1 (voir, également, considérant 382 de la décision attaquée).

216    En outre, la décision de certification mentionne :

–        le pouvoir de BEH de nommer et de révoquer les membres du conseil de surveillance de Bulgartransgaz et les décisions prises à cet égard par BEH en 2013 et en 2014 ;

–        le pouvoir dudit conseil de surveillance de nommer et de révoquer les membres du conseil de gestion de Bulgartransgaz ;

–        le fait que le conseil de surveillance exerçait un pouvoir de supervision et de contrôle sur les activités du conseil de gestion et détenait un pouvoir décisionnel couvrant, notamment, les décisions susceptibles d’avoir un impact significatif sur la valeur des actifs des actionnaires et celles relatives à l’approbation des plans de financement annuels et à long terme de Bulgartransgaz ainsi que le fait que le conseil de surveillance devait également approuver préalablement toute procédure de passation de marchés publics excédant un certain montant.

217    Or, ces éléments étayent la conclusion portant sur l’influence exercée par BEH sur les organes de direction de sa filiale Bulgartransgaz et, partant, son immixtion dans la gestion de cette dernière, ce qui corrobore les constatations de la Commission ressortant des considérants 374, 375 et 378 à 381 de la décision attaquée (voir points 201 à 204 ci-dessus).

218    En troisième lieu, les requérantes invoquent le programme d’engagements adopté par Bulgartransgaz en avril 2013, qui prévoyait que son comportement ne serait pas déterminé par sa société mère. Cependant, ces engagements ne sauraient, à eux seuls, suffire à démontrer que cette dernière a effectivement adopté un comportement autonome sur le marché, tant avant qu’après le mois d’avril 2013 (voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 113).

219    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, il ressort du dossier que BEH n’était pas, pendant la période infractionnelle, un simple investisseur financier qui se gardait d’intervenir dans les activités de ses filiales. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 208 ci-dessus, plusieurs éléments démontrent que BEH exerçait une influence déterminante sur le comportement de ses filiales, tout au long de cette période.

220    Par conséquent, la Commission a pu valablement conclure, aux considérants 426 et 427 de la décision attaquée, que le groupe BEH occupait une position dominante sur les marchés pertinents par le biais de Bulgargaz et de Bulgartransgaz, même si BEH elle-même n’était pas présente sur ces marchés. Dans ces circonstances, le fait invoqué par les requérantes que BEH n’avait pas reçu de licence, ni du régulateur bulgare, ni du régulateur roumain, lui permettant d’exercer des activités sur les marchés pertinents est dénué de pertinence.

221    La Commission a ainsi dûment établi, d’une part, que BEH faisait partie avec Bulgargaz et Bulgartransgaz d’une seule entité économique constituée par le groupe BEH et, d’autre part, que ce groupe occupait une position dominante sur les cinq marchés en cause. Partant, les arguments des requérantes visant à dénoncer le caractère prétendument erroné du constat, dans la décision attaquée, de la détention indirecte par BEH d’une position dominante sur lesdits marchés, par l’intermédiaire de ses deux filiales, ne peuvent prospérer.

222    En conséquence, la présente branche et, ainsi, le troisième moyen pris dans son ensemble doivent être rejetés.

C.      Sur le quatrième moyen, tiré de la constatation erronée d’un abus de position dominante des requérantes

223    Le quatrième moyen s’articule, en substance, autour de six « sous-moyens ». Les trois premiers sont respectivement tirés d’erreurs de droit et de fait entachant la décision attaquée en ce qui concerne la constatation, par les requérantes, d’un refus d’accès :

–        au gazoduc roumain 1 ;

–        au réseau de transport ;

–        à la station de stockage de Chiren.

224    Le quatrième « sous-moyen » est, quant à lui, tiré d’une absence de preuve de l’existence d’une stratégie anticoncurrentielle déterminée par BEH, tandis que le cinquième « sous-moyen » est tiré d’une absence d’intérêt de Bulgartransgaz à refuser l’accès aux infrastructures gazières et que le sixième « sous-moyen » est tiré d’une justification objective du comportement des requérantes.

225    Au préalable, il convient de rappeler les principes applicables en matière d’appréciation des éléments de preuve dans les affaires relevant du droit de la concurrence de l’Union et l’étendue du contrôle de légalité du Tribunal ainsi que la notion d’« abus de position dominante » au sens de l’article 102 TFUE.

1.      Principes et jurisprudence applicables

a)      Sur les principes applicables en matière d’appréciation des éléments de preuve

226    Tout d’abord, il ressort d’une jurisprudence constante qu’en cas de litige sur l’existence d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union, il appartient à la Commission de rapporter la preuve de toute infraction qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une telle infraction (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée ; du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 17, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 67).

227    Pour établir l’existence d’une infraction au titre de l’article 102 TFUE, la Commission doit faire état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune de ces preuves ne doit pas nécessairement répondre à tous ces critères au regard de chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 477 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

228    Il convient à cet égard de rappeler que l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de la libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161).

229    S’agissant ensuite de preuves documentaires, il est de jurisprudence constante que, pour établir la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance de l’information qui y figure et de tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire pour se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 118 et jurisprudence citée).

230    À cet égard, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont en principe suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance se soit produite qui pourrait affecter la valeur probante desdits éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante des éléments de preuve. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, le fait que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (arrêts du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, EU:T:2010:516, point 56, et du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission, T‑814/17, EU:T:2020:545, point 297).

231    Enfin, il résulte de la jurisprudence que le principe de la présomption d’innocence, en tant que principe général du droit de l’Union, désormais consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’applique, notamment, aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence susceptibles d’aboutir à l’imposition d’amendes ou d’astreintes. Par conséquent, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (arrêt du 22 novembre 2012 E.On Energie/Commission, C-89/11 P, EU:C :2012 :738, points 72 et 73; voir, également, arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 18 et jurisprudence citée).

b)      Sur l’étendue du contrôle du Tribunal

232    Le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application de l’article 102 TFUE dont le Tribunal assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par les parties requérantes et compte tenu de l’ensemble des éléments soumis par ces dernières, que ceux-ci soient antérieurs ou postérieurs à la décision attaquée, qu’ils aient été préalablement présentés dans le cadre de la procédure administrative ou, pour la première fois, dans le cadre du recours dont le Tribunal est saisi, dans la mesure où ces derniers éléments sont pertinents pour le contrôle de la légalité de la décision de la Commission (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 53, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 48).

233    Le juge de l’Union doit ainsi, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39 ; du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 54, et du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54).

234    Enfin, il convient de rappeler que le juge de l’Union ne peut, en toute hypothèse, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (arrêts du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C‑164/98 P, EU:C:2000:48, point 38 ; du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89, et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 73). Dès lors que le contrôle de la légalité de la décision attaquée porte sur les motifs figurant dans cette décision, le juge de l’Union ne peut, ni de sa propre initiative ni à la demande de l’administration, ajouter des motifs à ceux qui ont été utilisés dans ladite décision [arrêt du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping), T‑612/17, sous pourvoi, EU:T:2021:763, point 135].

c)      Sur la notion d’« abus de position dominante »

235    Aux termes de l’article 102, premier alinéa, TFUE, est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre les États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

236    Il incombe donc à une entreprise en position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 135 ; voir, également, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 40 et jurisprudence citée).

237    Si l’article 102 TFUE énumère des pratiques abusives, cette énumération n’épuise pas pour autant les modes d’exploitation abusive de position dominante interdits par le traité FUE (voir arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 57 et jurisprudence citée).

238    Ainsi, selon une jurisprudence constante, la notion d’« exploitation abusive d’une position dominante » au sens de l’article 102 TFUE est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 148 et jurisprudence citée].

239    Enfin, il doit être rappelé que le caractère abusif d’un comportement du type de celui examiné en l’espèce suppose que celui-ci ait eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés, en ce sens qu’il était susceptible de rendre plus difficile la pénétration ou le maintien des concurrents sur le marché en cause et, ce faisant, d’avoir une incidence sur la structure de marché. Cette appréciation doit être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes entourant ledit comportement [voir arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 154 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, points 50, 61, 64 et 72 et jurisprudence citée].

240    Toutefois, ces effets d’éviction ne doivent pas être purement hypothétiques. En conséquence, la Commission ne peut pas s’appuyer sur les effets que la pratique en cause pourrait ou aurait pu produire si certaines circonstances particulières, qui n’étaient pas celles prévalant sur le marché au moment de sa mise en œuvre et dont la réalisation apparaissait, alors, peu probable, s’étaient réalisées ou se réalisent (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2015, Post Danmark, C‑23/14, EU:C:2015:651, point 65, et du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 70).

241    C’est à la lumière des considérations exposées aux points 226 à 240 ci-dessus qu’il convient d’examiner les trois premiers « sous-moyens ».

2.      Sur le premier « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès au gazoduc roumain 1

242    Les requérantes considèrent que le constat, dans la décision attaquée, du refus d’accès au gazoduc roumain 1 qui leur est imputé est entaché d’erreurs de droit et de fait. L’argumentation s’articule, en substance, autour de huit branches, respectivement tirées :

–        d’une erreur de droit, en ce que l’article 102 TFUE a été appliqué à une clause contractuelle convenue bilatéralement (première branche) ;

–        d’une erreur de droit, en ce qu’un refus d’approvisionnement abusif a été imputé à Bulgargaz, simple utilisatrice du gazoduc roumain 1 (deuxième branche) ;

–        de l’absence de transmission aux requérantes, par Transgaz, de demandes d’accès au gazoduc roumain 1 (troisième branche) ;

–        d’une motivation insuffisante de la décision attaquée concernant l’inclusion dans l’infraction d’une restriction d’accès au gazoduc roumain 1 à l’encontre d’Overgas (quatrième branche) ;

–        de l’absence de preuve d’un refus ou d’une restriction d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 en 2013 (cinquième branche) ;

–        de l’absence de refus d’approvisionnement de C Energy Group (sixième branche) ;

–        de l’absence de valeur probante de la réservation de la totalité de la capacité sur le gazoduc roumain 1 (septième branche) ;

–        de l’absence de valeur probante des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005 (huitième branche).

243    La Commission, soutenue par Overgas, conteste ces arguments.

a)      Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de l’article 102 TFUE à une clause contractuelle convenue bilatéralement

244    Les requérantes considèrent que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, en ce que le refus de fournir un accès aux capacités du gazoduc roumain 1 ne résulte pas d’un comportement unilatéral, mais découle d’une disposition contractuelle, convenue bilatéralement, figurant dans l’accord de 2005. Elles estiment qu’une telle convention contractuelle échappe à l’article 102 TFUE.

245    À cet égard, il ressort du considérant 534 de la décision attaquée que le refus d’approvisionnement reproché à Bulgargaz consiste, tout d’abord, en l’accumulation des capacités sur le gazoduc roumain 1 résultant des trois éléments suivants, pris ensemble :

–        l’exclusivité d’utilisation des capacités du gazoduc roumain 1, prévue à l’article 17.1 de l’accord de 2005, conjuguée au fait que Bulgargaz n’utilisait qu’une partie limitée de ces capacités [voir considérants 260, 275, 276, considérant 534, sous a), et considérant 537 de ladite décision] ;

–        le refus de restituer à Transgaz la capacité demandée par celle-ci ou l’imposition de certaines conditions avant que cette capacité ne soit restituée [voir considérant 297, considérant 534, sous b), et considérants 535 et 539 à 541 de ladite décision] ;

–        l’absence de réponse de Bulgargaz à la demande d’accès de C Energy Group [voir considérant 331, considérant 534, sous c), et considérant 546 de ladite décision].

246    Ensuite, la Commission a reproché à Bulgargaz d’avoir octroyé à Overgas un accès au gazoduc roumain 1 en 2013 qui aurait été tardif, à l’issue d’une procédure qui n’était ni transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires (voir considérants 311 à 314, 323 à 326, 536, 543 et 545 de la décision attaquée).

247    Enfin, la Commission a conclu que l’ensemble des comportements rappelés aux points 245 et 246 ci-dessus s’inscrivait dans la stratégie anticoncurrentielle du groupe BEH, destinée à protéger sa position sur les marchés bulgares de fourniture de gaz (voir considérant 548 de la décision attaquée).

248    Il résulte de ce qui précède que, en tout état de cause, le comportement reproché aux requérantes à propos du gazoduc roumain 1 ne se rattache pas à l’article 17.1 de l’accord de 2005 en tant que tel ni à une concertation des parties à cet accord, mais repose sur une série de comportements unilatéraux, dont l’application, de la part de Bulgargaz, de cet article.

249    Dès lors, il convient de rejeter la première branche.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de la théorie des « infrastructures essentielles » en ce qu’un refus d’approvisionnement abusif a été imputé à Bulgargaz, simple utilisatrice du gazoduc roumain 1

250    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, en ce qu’elle impute un refus d’approvisionnement abusif sur le gazoduc roumain 1 à Bulgargaz, alors que cette dernière n’était ni la propriétaire ni le GRT de cette infrastructure essentielle et qu’elle n’en est qu’une simple utilisatrice. Or, selon les arrêts du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, ci-après l’« arrêt Bronner », EU:C:1998:569), et du 10 juillet 1991, RTE/Commission (T‑69/89, EU:T:1991:39), sur lesquels la Commission a fondé son analyse au considérant 549 de la décision attaquée, et la jurisprudence postérieure relative au refus d’octroyer un accès à une infrastructure essentielle, un comportement abusif ne pourrait être imputé qu’au propriétaire ou à l’exploitant de ladite infrastructure, en ce sens qu’un accès à des infrastructures essentielles aurait toujours été lié intrinsèquement à la propriété et au contrôle de l’infrastructure ou du service en cause.

251    La Commission conteste cette branche.

252    À cet égard, il convient d’écarter d’emblée l’argument des requérantes tiré du fait que plusieurs décisions de la Commission concernant des refus d’accès à des infrastructures gazières étaient adressées à des entreprises qui étaient, en fonction de leurs liens organisationnels, économiques et juridiques, à la fois propriétaires et GRT des infrastructures concernées [décision C(2009) 1885 de la Commission, du 18 mars 2009, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE [Affaire COMP/B‑1/39.402 – RWE (verrouillage des marchés du gaz)] ; décision C(2009) 9375 final de la Commission, du 3 décembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.316 – GDF) ; décision C(2010) 2863 final de la Commission, du 4 mai 2010, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.317 – E.ON Gas) ; décision C(2010) 6701 de la Commission, du 29 septembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire COMP/39.315 – ENI)].

253    En effet, selon la jurisprudence, la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques et d’autres marchés à des moments différents. Ainsi, les entreprises ne sont pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 118 ; voir, également, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 55 et jurisprudence citée).

254    Ensuite, il ressort des considérants 532 et 549 à 564 de la décision attaquée que la Commission a apprécié la validité du comportement de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 au regard de la jurisprudence issue du point 41 de l’arrêt Bronner et, également, du point 73 de l’arrêt du 10 juillet 1991, RTE/Commission (T‑69/89, EU:T:1991:39).

255    Selon cette jurisprudence, le refus, de la part d’une entreprise en position dominante, de fournir un service auquel les tiers doivent avoir accès pour pouvoir exercer une activité sur un marché voisin, notamment en aval, constitue une violation de l’article 102 TFUE si les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies :

–        le refus du service est de nature à éliminer toute concurrence, de la part du demandeur dudit service, sur ce marché ;

–        le service en cause est indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur, en ce sens qu’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel à ce service ;

–        ledit refus ne peut être objectivement justifié.

256    Les conditions énoncées dans l’arrêt Bronner s’appliquent, en principe, à des infrastructures ou à des services qui sont souvent qualifiés d’« infrastructures essentielles », en ce qu’ils sont indispensables pour exercer une activité sur un marché, dans la mesure où il n’en existe aucun substitut réel ou potentiel [arrêts du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, EU:T:1998:198, points 208 et 212, et du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping), T‑612/17, sous pourvoi, EU:T:2021:763, point 215], de telle sorte qu’en refuser l’accès peut conduire à l’élimination de toute concurrence de la part du demandeur d’accès.

257    À cet égard, la Cour a déjà souligné que le constat qu’une entreprise dominante avait abusé de sa position en raison d’un refus de contracter avec un concurrent avait pour conséquence que cette entreprise était forcée de contracter avec ce concurrent. Or, une telle obligation est particulièrement attentatoire à la liberté de contracter et au droit de propriété de l’entreprise dominante dès lors qu’une entreprise, même dominante, reste, en principe, libre de refuser de contracter et d’exploiter l’infrastructure qu’elle a développée pour ses propres besoins (arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 46).

258    Ainsi, la jurisprudence relative aux « infrastructures essentielles » a trait aux situations dans lesquelles cette liberté de contracter et, notamment, le libre exercice d’un droit exclusif, qui sanctionne la réalisation d’un investissement ou d’une création, peut être limitée dans l’intérêt d’une concurrence non faussée dans le marché intérieur, à l’exclusion de tout autre comportement [voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission T‑321/05, EU:T:2010:266, point 679, et du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping), T‑612/17, sous pourvoi, EU:T:2021:763, point 215].

259    En l’espèce, comme le font valoir à juste titre les requérantes, Bulgargaz n’était pas propriétaire du gazoduc roumain 1. Néanmoins, il ressort du dossier ainsi que du point 14 ci-dessus que, en vertu de l’accord de 2005, celle-ci bénéficiait de l’utilisation exclusive de cette infrastructure.

260    À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, qu’il est constant entre les parties que, pendant la période infractionnelle, le gazoduc roumain 1 était la seule voie viable pour acheminer le gaz russe vers la Bulgarie (voir point 88 ci-dessus). Dès lors, celui-ci constituait une infrastructure indispensable au sens de l’arrêt Bronner (voir point 256 ci-dessus).

261    En second lieu, ainsi qu’il ressort des points 143 et 144 ci-dessus, l’accord de 2005 prévoyait, d’une part, que le gazoduc roumain 1 était réservé à l’usage exclusif de Bulgargaz et, d’autre part, que Transgaz ne pouvait pas offrir de capacités sur ledit gazoduc à des tiers sans obtenir le consentement préalable de celle-ci. Par conséquent, bien que Bulgargaz n’ait pas été la propriétaire du gazoduc roumain 1, le droit exclusif dont elle bénéficiait se concrétisait, pendant la période infractionnelle, par une situation de contrôle et, donc, par une position dominante sur le marché des services de capacités sur ledit gazoduc dans la mesure où l’accès des tiers au gazoduc roumain 1 était impossible sans son accord.

262    À cet égard, il convient de relever, comme le fait M. l’avocat général Rantos dans ses conclusions dans l’affaire European Superleague Company (C‑333/21, EU:C:2022:993, point 138), que, conformément à la théorie des « infrastructures essentielles », une obligation de coopérer avec ses concurrents peut être imposée à toute entreprise dominante qui possède ou contrôle une « infrastructure essentielle » en la contraignant à conférer à ces derniers un accès à cette infrastructure sans aucune discrimination.

263    Dans ces circonstances, est dénuée de pertinence la nature du droit exclusif reliant Bulgargaz à l’infrastructure, dans la mesure où ce droit exclusif se concrétisait par une situation de contrôle sur le gazoduc roumain 1 qui constituait une « infrastructure essentielle » au sens de la jurisprudence citée au point 256 ci-dessus. Au demeurant, les requérantes elles-mêmes reconnaissent explicitement que la jurisprudence relative aux « infrastructures essentielles » s’applique à des situations liées au contrôle de ladite infrastructure, même si elles estiment, à tort, que la qualité de propriétaire est également requise.

264    Or, la nature juridique du lien entre l’entreprise dominante et l’infrastructure ou le service qu’elle contrôle ne saurait être un facteur décisif pour déterminer si un refus d’accès à une « infrastructure essentielle » opposé par une entreprise en position dominante constitue une violation de l’article 102 TFUE.

265    C’est donc à juste titre que la Commission a apprécié le comportement de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 à l’aune, notamment, du point 41 de l’arrêt Bronner.

266    Cette conclusion n’est pas infirmée par le récent arrêt du 12 janvier 2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission (C‑42/21 P, EU:C:2023:12), rendu après la clôture de la phase orale de la procédure dans la présente affaire, mais qui a confirmé l’analyse du Tribunal dans l’arrêt du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission (T‑814/17, EU:T:2020:545). Dans cette affaire, qui concernait la suppression d’une voie ferrée, la Cour a jugé que l’hypothèse de la destruction d’une infrastructure par une entreprise dominante, situation dans laquelle l’infrastructure devient inévitablement inutilisable non seulement par les concurrents, mais également par l’entreprise dominante elle-même, doit être distinguée de celle d’un refus d’accès, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Bronner (arrêt du 12 janvier 2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission, C‑42/21 P, EU:C:2023:12, points 81 et 83).

267    Dans ce contexte, la Cour a certes confirmé que l’analyse à l’aune des critères issus de l’arrêt Bronner s’imposait en cas de refus d’accès à une infrastructure dont l’entreprise dominante est propriétaire et qu’elle a développée pour les besoins de sa propre activité, au moyen de ses propres investissements. Elle a également conclu que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant, en substance, que, eu égard à leur finalité, lesdits critères n’ont pas vocation à s’appliquer lorsque, dans une situation de destruction d’infrastructure, l’infrastructure en cause a été financée au moyen non pas d’investissements propres à l’entreprise dominante, mais de fonds publics et que cette entreprise n’est pas la propriétaire de cette infrastructure (arrêt du 12 janvier 2023, Lietuvos geležinkeliai/Commission, C‑42/21 P, EU:C:2023:12, points 86 et 87).

268    Toutefois, cette jurisprudence n’exclut pas l’application des critères issus de l’arrêt Bronner dans une situation telle que celle de la présente espèce où, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 261 à 263 ci-dessus, bien que n’étant pas la propriétaire du gazoduc roumain 1, Bulgargaz bénéficiait d’un droit exclusif sur celui-ci qui se concrétisait, pendant la période infractionnelle, par une situation de contrôle assimilable à celle d’un propriétaire et où, d’autre part, s’il est vrai que ce n’est pas Bulgargaz qui a développé le gazoduc roumain 1, il n’en demeure pas moins que, au titre de l’accord de 2005, elle acquittait, en contrepartie de l’usage de cette infrastructure, une redevance annuelle fixe constituant ainsi son investissement au regard du droit exclusif qui lui avait été octroyé par Transgaz.

269    Dès lors, la deuxième branche, tirée du fait que l’arrêt Bronner et la jurisprudence qui en est issue quant au refus d’octroyer un accès à une « infrastructure essentielle » ne sauraient être applicables qu’à l’entreprise qui en détiendrait la propriété ainsi que le contrôle doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, tirée de l’absence de transmission aux requérantes, par Transgaz, de demandes d’accès au gazoduc roumain 1

270    Au considérant 297 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, si les demandes d’Overgas en 2010 et en 2011 visant à obtenir un accès au gazoduc roumain 1 avaient été introduites auprès de Transgaz, cette dernière avait, à tout le moins à partir du mois de janvier 2011, à plusieurs reprises, demandé à Bulgargaz de renoncer à l’utilisation exclusive dudit gazoduc, de sorte que les requérantes étaient au courant du fait qu’il y avait un intérêt général de la part de tiers à utiliser le gazoduc roumain 1.

271    À cet égard, les requérantes invoquent, en substance, deux griefs. D’une part, la demande de Transgaz au cours de la réunion du 24 janvier 2011 n’aurait pas constitué une demande d’accès au gazoduc roumain 1. D’autre part, Transgaz ne leur aurait pas non plus transmis de demandes d’accès audit gazoduc provenant de tiers, en application de l’article 17.1 de l’accord de 2005.

272    La Commission conteste cette branche.

1)      Sur le premier grief, concernant la demande de Transgaz du 24 janvier 2011

273    La Commission a retenu, au considérant 534, sous b), de la décision attaquée, que l’accumulation de capacités sur le gazoduc roumain 1 de la part de Bulgargaz, constitutive du refus d’approvisionnement reproché à cette dernière, comprenait trois éléments, dont le fait que Bulgargaz aurait refusé de restituer la capacité demandée par Transgaz.

274    La Commission a, notamment, reproché aux requérantes d’avoir rejeté la demande de restitution des capacités du gazoduc roumain 1 que Transgaz avait présentée à BEH lors de leur réunion du 24 janvier 2011 [voir considérant 297, sous a), et considérants 650 et 665 de la décision attaquée].

275    Les requérantes soutiennent que Transgaz n’a jamais demandé le consentement de Bulgargaz quant à l’octroi d’un accès à d’autres utilisateurs du réseau et, en particulier, qu’elle n’a présenté aucune demande d’accès au gazoduc roumain 1 à BEH le 24 janvier 2011.

276    En l’espèce, il ressort du dossier que, le 24 janvier 2011, une réunion a eu lieu entre BEH, Transgaz et le fournisseur de gaz roumain Romgaz. Cette réunion a fait l’objet d’un compte rendu préparé par BEH et daté du 31 janvier 2011.

277    Il ressort du compte rendu de la réunion du 24 janvier 2011 que, au cours de celle-ci, Romgaz a dévoilé à BEH son intention de créer une entreprise commune avec deux autres entreprises tierces pour construire un terminal à Constanța. Dans la perspective de cette future construction, Transgaz a soulevé, auprès de BEH, la question de la possibilité de fournir une partie de la capacité inutilisée sur le gazoduc roumain 1. BEH a répondu que la totalité de cette capacité avait été réservée à Bulgargaz, mais que « [des] discussions pouvaient avoir lieu à un niveau gouvernemental, puis au niveau des entreprises ».

278    À cet égard, il convient de rappeler que ni BEH ni aucune autre requérante n’était liée par une obligation réglementaire d’octroyer aux tiers un accès aux capacités du gazoduc roumain 1 (voir considérants 460, 532 et 549 de la décision attaquée). Une telle obligation réglementaire incombait exclusivement au GRT (voir point 261 ci-dessus).

279    Toutefois, du fait des dispositions de l’accord de 2005, c’est Bulgargaz, et non Transgaz, qui contrôlait l’accès au gazoduc roumain 1 (voir considérant 420 de la décision attaquée et points 143 à 146 ci-dessus), de sorte qu’elle pouvait, en tant qu’entreprise en position dominante, être tenue de donner un accès à ladite infrastructure dans les conditions définies au point 41 de l’arrêt Bronner. Dès lors, pour établir que le refus de fournir un service reproché aux requérantes constituait un abus de position dominante, la Commission devait rapporter la preuve que ce refus était de nature à éliminer toute concurrence, de la part du demandeur dudit service, sur le marché connexe.

280    Or, les effets d’éviction ne doivent pas être purement hypothétiques, de sorte que, d’une part, une pratique ne peut pas être qualifiée d’abusive si elle est restée à l’état de projet sans avoir été mise en œuvre et, d’autre part, l’analyse du comportement reproché ne saurait s’appuyer sur les effets que cette pratique pourrait ou aurait pu produire si certaines circonstances particulières, qui n’étaient pas celles prévalant sur le marché au moment de sa mise en œuvre et dont la réalisation apparaissait, alors, peu probable, s’étaient réalisées ou se réalisent (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 70 et jurisprudence citée).

281    D’une part, il revient dès lors à la Commission de rapporter la preuve que le refus d’accès a la capacité de produire des effets d’éviction qui ne seraient pas purement hypothétiques (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 98), y compris celle que le concurrent potentiel a, a minima, un projet suffisamment avancé pour entrer sur le marché en cause dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur les opérateurs déjà présents [voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 43 et 46, et du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 57].

282    D’autre part, dès lors que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 257 ci-dessus, le constat d’un refus d’accès abusif a pour conséquence de forcer l’entreprise dominante à contracter avec le demandeur, ce qui est particulièrement attentatoire au principe de la liberté de contracter, la Commission doit aussi prouver que la demande d’accès reflète de manière suffisamment précise ce projet pour que l’entreprise dominante soit à même d’apprécier qu’elle est tenue d’y répondre, sous peine de s’exposer au risque d’un refus d’accès abusif. En revanche, une démarche purement exploratoire de la part d’un tiers auprès de l’entreprise dominante contrôlant l’accès à l’infrastructure en cause ne saurait constituer une demande d’accès à laquelle l’entreprise dominante serait tenue de répondre.

283    En l’espèce, il ressort du compte rendu de la réunion du 24 janvier 2011 que :

–        le motif avancé par Transgaz pour justifier sa question posée à BEH à propos de l’utilisation de la capacité inutilisée du gazoduc roumain 1 était le projet de construction d’un terminal à Constanța ;

–        à cette date, ce projet n’en était qu’au stade de la « préfaisabilité » ; les requérantes font valoir à cet égard, sans que cela soit contesté par la Commission, que l’achèvement de la construction de ce terminal n’est prévu qu’en 2027.

284    Il ne ressort, en revanche, ni de la décision attaquée ni du procès-verbal du 31 janvier 2011 ou de tout autre élément du dossier que, lors de la réunion du 24 janvier 2011, Transgaz ait fait état d’une quelconque intention d’utiliser la capacité du gazoduc roumain 1 pour entrer elle-même sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et y concurrencer Bulgargaz.

285    Dans ces conditions, la question formulée par Transgaz, lors de la réunion du 24 janvier 2011, ne saurait constituer une demande d’accès aux capacités du gazoduc roumain 1 dans le but de concurrencer Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, à même de satisfaire aux exigences rappelées aux points 280 à 282 ci-dessus. Il s’agissait d’une demande préliminaire ayant pour objet de déterminer si le groupe BEH était ouvert à la possibilité que Transgaz reprenne une partie des capacités inutilisées de Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 pour une toute autre fin, à savoir la construction du terminal à Constanța, dont l’achèvement n’était prévu que douze ans après la fin de la période infractionnelle, soit dans un futur très lointain.

286    Par ailleurs, à supposer même que la question de Transgaz à BEH, lors de la réunion du 24 janvier 2011, ait constitué une demande de restitution des capacités du gazoduc roumain 1, la Commission n’a pas rapporté la preuve que la réponse de BEH avait alors la capacité de produire des effets d’éviction sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, au sens de la jurisprudence citée aux points 279 et 280 ci-dessus, dans la mesure où, ainsi que l’a admis la Commission lors de l’audience, aucun élément du dossier ne permet d’établir que le terminal à Constanța aurait eu pour but de pénétrer lesdits marchés bulgares. Il en va d’autant plus ainsi que, comme il a été rappelé au point 277 ci-dessus, BEH n’a pas rejeté la possibilité de restituer des capacités dudit gazoduc évoquée par Transgaz, mais s’est limitée à indiquer que les capacités de ce gazoduc avaient été réservées à Bulgargaz, tout en évoquant la possibilité d’en discuter, d’abord au niveau gouvernemental, puis au niveau des entreprises.

287    Dans ces conditions, la Commission ne pouvait pas reprocher à BEH un refus d’accès au sens de l’article 102 TFUE du fait de ne pas avoir répondu positivement à la demande de Transgaz lors de la réunion du 24 janvier 2011.

288    Il résulte de ce qui précède que le premier grief est fondé.

2)      Sur le second grief, tiré de l’absence de transmission aux requérantes des demandes d’accès de tiers adressées à Transgaz

289    Les requérantes font valoir que Transgaz ne leur a pas non plus transmis de demandes individuelles d’accès au gazoduc roumain 1 provenant de tiers, en application de l’article 17.1 de l’accord de 2005.

290    Dans la décision attaquée, la Commission prétend que le groupe BEH aurait été informé, par Transgaz, depuis à tout le moins janvier 2011, d’un intérêt général de tiers à accéder au gazoduc roumain 1 (voir considérants 539 et 650 de la décision attaquée).

291    Or, aucun élément du dossier ne démontre que, durant la période infractionnelle, Transgaz ait jamais fait part aux requérantes de l’existence de demandes d’accès individuelles de tiers aux capacités du gazoduc roumain 1. En particulier, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief (voir points 277, 283 et 284 ci-dessus), le procès-verbal de la réunion du 24 janvier 2011 ne fait pas état de l’existence de telles demandes. En outre, la Commission n’a rapporté aucune preuve permettant d’établir que Transgaz aurait informé les requérantes des demandes d’accès qu’Overgas lui avaient adressées les 25 mars, 12 août, 28 septembre, 11 octobre et 11 novembre 2010 (voir considérant 296 de la décision attaquée) ni, a fortiori, que Transgaz leur aurait transmis ces demandes (voir considérant 309 de la décision attaquée).

292    La Commission a, au contraire, concédé dans sa duplique, puis confirmé lors de l’audience, qu’elle ne disposait pas d’éléments de preuve établissant que Transgaz ait transmis au groupe BEH des demandes individuelles d’accès au gazoduc roumain 1 formulées par des tiers.

293    Il ressort, par ailleurs, du dossier que Transgaz a rejeté les demandes d’Overgas, les 1er et 26 octobre 2010 ainsi que le 20 avril 2011 (voir considérant 296 de la décision attaquée) sans en aviser les requérantes.

294    En procédant ainsi, dès 2010, Transgaz a unilatéralement fait le choix de rejeter ces demandes sans même demander le consentement de Bulgargaz, en application de l’article 17.1 de l’accord de 2005, pour lui permettre d’accueillir les demandes d’Overgas concernant un accès au gazoduc roumain 1.

295    Il résulte de ce qui précède que le second grief est fondé.

296    Il y a donc lieu d’accueillir la troisième branche.

d)      Sur la quatrième branche, tirée d’une motivation insuffisante de la décision attaquée concernant l’inclusion dans l’infraction d’une restriction d’accès au gazoduc roumain 1 à l’encontre d’Overgas en 2013

297    Les requérantes considèrent que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée, car elle n’indique pas clairement si les exemples de restriction d’accès au gazoduc roumain 1 à l’égard d’Overgas en 2013, exposés à sa section 5.4.4.2 consacrée aux faits, constituent des éléments de l’infraction, ces éléments n’étant mentionnés ni dans le dispositif de la décision attaquée, ni dans la description des allégations relatives à l’accumulation des capacités figurant dans son considérant 534. Cette omission empêcherait de comprendre la portée de la décision attaquée.

298    La Commission conteste cette branche.

299    À cet égard, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte attaqué, de façon à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité et à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 462 et jurisprudence citée, et du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission, T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996, points 36 et 90 et jurisprudence citée).

300    Dans ce cadre, la Commission est tenue de mentionner les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi à la juridiction compétente et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du droit de l’Union (voir arrêt du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission, T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996, point 38 et jurisprudence citée).

301    En outre, le dispositif de la décision constatant une violation des règles de la concurrence de l’Union doit être particulièrement clair et précis pour que les entreprises tenues responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (arrêt du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission, T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996, point 42).

302    En effet, c’est par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions aux règles de la concurrence de l’Union qu’elle sanctionne ou constate (voir arrêts du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 210 et jurisprudence citée, et du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission, T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996, point 43 et jurisprudence citée).

303    Cela étant, selon une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, EU:C:1997:241, point 21 ; voir, également, arrêts du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 69 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 1258 et jurisprudence citée).

304    En l’espèce, l’article 1er de la décision attaquée énonce que les requérantes ont commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE en refusant aux tiers l’accès au réseau de transport, au gazoduc roumain 1 et à la station de stockage de Chiren, ce qui a entraîné un verrouillage des marchés bulgares de fourniture de gaz.

305    Or, si le dispositif ne précise pas si le refus d’accès au gazoduc roumain 1 reproché aux requérantes comprend une restriction d’accès audit gazoduc à l’égard d’Overgas en 2013, il n’en reste pas moins que, d’une part, la restriction d’accès qui résulterait, notamment, d’un traitement tardif de la demande correspondante s’apparente à un refus d’accès (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 151) et que, d’autre part, la restriction d’accès opposée à Overgas aurait eu lieu en 2013, à savoir durant la période infractionnelle. Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 303 ci-dessus, il y a lieu d’interpréter le dispositif à la lumière des motifs pertinents de la décision attaquée.

306    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, à la section 5.4.4.2 de la décision attaquée, consacrée aux faits et intitulée « Exemples de refus d’accès et d’accès rendus plus difficiles », la Commission a, notamment, exposé le comportement adopté par Bulgargaz à l’égard de la demande d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour 2013, présentée le 23 novembre 2012 (voir considérants 311 à 327 de la décision attaquée).

307    En deuxième lieu, il convient également de relever que ces éléments factuels ont été repris dans la partie de la décision attaquée consacrée à la caractérisation de l’abus de position dominante du groupe BEH (voir section 6.2.4 de ladite décision).

308    Ainsi, tout d’abord, à la section 6.2.4.1 de la décision attaquée, intitulée « Application à la présente affaire », la Commission a retenu que le groupe BEH avait abusé de sa position dominante, notamment, s’agissant du gazoduc roumain 1, en y accumulant des capacités (voir considérant 450).

309    De même, à la section 6.2.4.3 de la décision attaquée, intitulée « Refus d’accès », la Commission a constaté que le comportement incriminé du groupe BEH consistait à avoir empêché, restreint et retardé l’accès, au moyen d’une accumulation de capacités, au gazoduc roumain 1 (voir considérant 468).

310    Ensuite, à la section 6.2.4.6 de la décision attaquée, intitulée « Accumulation de capacités sur le gazoduc roumain 1 » :

–        d’une part, la Commission a inclus dans son analyse deux types de comportements, à savoir l’accumulation de capacités sur le gazoduc roumain 1 proprement dite, qu’elle a qualifiée successivement de « refus d’approvisionnement » et de « refus d’accès » (voir considérant 534 de la décision attaquée), mais aussi l’octroi d’un accès audit gazoduc à Overgas pour 2013 qui aurait été tardif et octroyé sur la base d’une procédure qui n’était ni transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires (voir considérants 536, 543 à 545 et 552 de la décision attaquée) ;

–        d’autre part, la Commission a aussi précisé que l’accumulation de capacités et les mesures additionnelles empêchant, restreignant et retardant l’accès au gazoduc roumain 1 faisaient partie de la stratégie anticoncurrentielle du groupe BEH pour protéger sa position sur les marchés bulgares de fourniture de gaz (voir considérant 548 de la décision attaquée).

311    Enfin, en guise de conclusion, à la section 6.2.4 de la décision attaquée, consacrée à la caractérisation d’un abus de position dominante du groupe BEH, la Commission a retenu que, sur la base de l’appréciation des preuves exposées, notamment, à la section 5.4.4.2 de ladite décision qui, ainsi qu’il ressort du point 306 ci-dessus, concernait, en particulier, le comportement adopté par Bulgargaz à l’égard de la demande d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour 2013, le comportement du groupe BEH constituait un refus d’approvisionnement ayant eu pour but d’empêcher les tiers d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. Elle y a précisé, notamment, qu’elle incluait deux types de comportement dans ce refus, à savoir l’accumulation de capacités sur le gazoduc roumain 1, mais aussi le fait d’avoir offert un accès à des conditions désavantageuses (voir considérant 565 de la décision attaquée).

312    En troisième lieu, la Commission a spécifié, à la section 6.4 de la décision attaquée, que les pratiques du groupe BEH visées à la section 6.2.4 de ladite décision, relevant d’un refus d’approvisionnement et ayant conduit à un verrouillage des marchés bulgares de fourniture de gaz, constituaient une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE (voir considérant 608 de la décision attaquée).

313    La Commission a aussi réitéré, à cette section 6.4 de la décision attaquée, que l’ensemble des pratiques des requérantes constitutives de l’infraction unique et continue constatée avaient contribué à « empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers aux infrastructures détenues ou contrôlées par le groupe BEH » (voir considérant 612 de la décision attaquée).

314    En quatrième lieu, la Commission a confirmé sa position à la section 6.10.3 de la décision attaquée, consacrée à l’appréciation de la durée du comportement anticoncurrentiel relatif au gazoduc roumain 1. Elle y a retenu que le comportement anticoncurrentiel relatif audit gazoduc n’avait pas pu prendre fin avant que Bulgargaz n’y octroie un accès objectif, transparent et non discriminatoire, que ces conditions n’avaient été réunies que le 1er janvier 2015, mais qu’elles ne l’étaient pas, notamment, pour l’accès octroyé à Overgas en 2013 (voir considérant 651 de ladite décision). La Commission a renvoyé, à cet égard, au considérant 312 de la décision attaquée, dans lequel elle a exposé que ledit accès avait été octroyé, en premier lieu, avec retard et, en second lieu, pour une durée trop courte, à des conditions de prolongation non transparentes et sans garantie de prolongation au-delà de 2013.

315    Il résulte de ce qui précède que les motifs de la décision attaquée ne présentent aucune ambiguïté sur le fait que l’infraction unique et continue caractérisée à la section 6.4 de la décision attaquée comprenait non seulement le comportement visé au considérant 534 concernant l’accumulation des capacités du gazoduc roumain 1, mais aussi le comportement de Bulgargaz à l’égard d’Overgas à propos de sa demande d’accès audit gazoduc pour 2013, comportement qui, selon la Commission, aurait empêché, restreint et retardé ledit accès.

316    Or, à la lumière des motifs de la décision attaquée figurant aux considérants 536, 543 à 545, 548, 552, 565, 608, 612 et 651, rappelés aux points 310 à 314 ci-dessus et dépourvus d’ambiguïté, l’infraction unique et continue constatée à l’article 1er de ladite décision se comprend nécessairement, s’agissant du gazoduc roumain 1, comme incluant l’octroi à Overgas pour 2013 d’un accès tardif et accordé sur la base d’une procédure qui n’aurait été ni transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires.

317    Le dispositif de la décision attaquée, ainsi interprété, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption au sens de la jurisprudence citée au point 303 ci-dessus, était donc suffisamment clair et précis pour permettre, d’une part, aux requérantes de comprendre la portée exacte de l’infraction qui leur était reprochée et d’en contester le bien-fondé et, d’autre part, au Tribunal d’exercer de manière effective son contrôle de légalité.

318    La quatrième branche doit donc être rejetée.

e)      Sur la cinquième branche, tirée de l’absence de preuve d’un refus ou d’une restriction d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 en 2013

319    Les requérantes considèrent que la Commission n’a pas rapporté la preuve d’un refus ou d’une restriction d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 qui leur serait imputable. Elles soulèvent, en substance, cinq griefs, tirés, respectivement, de ce que :

–        la Commission ne saurait imputer à Bulgargaz un rejet des demandes d’accès au gazoduc roumain 1 introduites par Overgas auprès de Transgaz ;

–        Bulgargaz aurait fourni à Overgas un accès au gazoduc roumain 1 sans retard dès sa première demande ;

–        Bulgargaz n’aurait pas retardé la signature du contrat conclu avec Overgas, le 31 janvier 2013, pour l’accès audit gazoduc (ci-après le « contrat d’accès au gazoduc pour 2013 ») jusqu’à ce qu’elle ait conclu des contrats en aval avec ses propres clients ;

–        la Commission aurait erronément conclu que la durée initiale de trois mois du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 était insuffisante ;

–        les conditions de prolongation dudit contrat n’étaient pas incertaines.

320    À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission a retenu que Bulgargaz avait octroyé à Overgas un accès au gazoduc roumain 1 qui aurait été tardif (voir considérants 312, 323 et 536) et accordé sur la base d’une procédure qui n’était ni transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires. En particulier, ledit accès aurait été soumis à la discrétion de Bulgargaz et de BEH (voir considérant 543 de la décision attaquée). Plus particulièrement, la critique de la Commission se rattache au fait que :

–        l’accès à Overgas a été octroyé uniquement après que Bulgargaz avait conclu des contrats pour l’année 2013 avec tous les clients bulgares, sauf les filiales d’Overgas [voir considérant 312, sous a), et considérant 543, sous a), de la décision attaquée] ;

–        malgré les hauts niveaux de capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1, l’accès octroyé à Overgas couvrait uniquement une courte période de temps, initialement trois mois, puis neuf mois [voir considérant 312, sous b), considérant 536 et considérant 543, sous b), de la décision attaquée] ;

–        les conditions d’une éventuelle prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 étaient incertaines [voir considérant 312, sous b), considérant 536 et considérant 543, sous c), de la décision attaquée].

321    La Commission a considéré que Bulgargaz n’avait octroyé un accès satisfaisant au gazoduc roumain 1 à Overgas qu’à partir de 2014 et en 2015 (voir considérants 327 et 546 de la décision attaquée).

322    À titre liminaire, il convient de préciser que, en conformité avec l’article 43, paragraphe 3, de la loi bulgare sur l’énergie, qui prévoit qu’une seule licence peut être accordée pour la fourniture publique du gaz en Bulgarie, la licence de Bulgargaz prévoyait que cette dernière constituait le seul fournisseur public de gaz en Bulgarie (voir article 2.2 de ladite licence). À ce titre, ladite licence lui imposait, notamment, les obligations suivantes :

–        en amont, Bulgargaz devait contracter, auprès d’entreprises productrices de gaz et de négociants, les volumes de gaz nécessaires pour couvrir la consommation des utilisateurs directement connectés au réseau de transport et les volumes convenus pour lui permettre de respecter ses obligations de fournisseur public (voir article 2.5.1 de ladite licence) ;

–        en aval, elle devait assurer un approvisionnement ininterrompu et de qualité en gaz sur le territoire bulgare (voir article 3.1.1 de ladite licence) ;

–        elle n’avait pas le pouvoir de refuser de conclure un contrat de fourniture de gaz avec les utilisateurs directement connectés au réseau de transport (voir article 3.4.3 de ladite licence) ;

–        elle devait assurer une collaboration suivie avec les utilisateurs directement connectés au réseau de transport [voir article 3.2.2, sous d), et article 3.5 de ladite licence] dans le cadre de règles qu’elle devait établir et qui devaient, notamment, prévoir la procédure applicable à la vente de gaz auxdits utilisateurs [voir article 3.5.2, sous b) à d), de ladite licence] ; ces règles, qui étaient soumises à l’approbation du régulateur bulgare et intégrées à la licence, étaient, dès lors, contraignantes pour elle (voir article 3.5.2, article 3.5.3, troisième alinéa, et articles 3.5.5 et 3.13 de ladite licence) ;

–        elle devait présenter pour approbation au régulateur bulgare un plan d’affaires couvrant une période minimum de cinq années et détaillant les conditions et les mesures à prendre pour garantir un approvisionnement ininterrompu, efficace et de qualité des quantités requises de gaz (voir articles 3.6.1 et 3.6.2, premier tiret, de ladite licence) ; une fois approuvé, le plan d’affaires faisait partie des termes et des conditions de sa licence et revêtait donc un caractère contraignant pour elle (voir articles 3.6.5, 3.6.7 et 3.13 de ladite licence) ;

–        elle devait en outre communiquer au régulateur bulgare, chaque année, un rapport annuel qui devait, notamment, porter sur la mise en œuvre de ses activités de fournisseur public, sa collaboration avec les utilisateurs et les contrats de fourniture publique qu’elle avait conclus l’année précédente (voir article 3.10.4 de ladite licence) ;

–        enfin, elle devait exercer ses activités sous licence en appliquant les prix réglementés préalablement approuvés par le régulateur bulgare (voir article 3.9.1 de ladite licence), ce que confirme également la décision du régulateur bulgare.

323    C’est dans ce contexte que les griefs invoqués par les requérantes doivent être examinés.

1)      Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission ne saurait imputer à Bulgargaz un rejet des demandes d’accès au gazoduc roumain 1 introduites par Overgas auprès de Transgaz

324    Les requérantes font valoir que les demandes d’accès au gazoduc roumain 1 introduites par Overgas en 2010 et 2011 ont été adressées à Transgaz et que, dès lors, la manière dont ces demandes ont été traitées ne pourrait pas leur être imputée.

325    À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort de l’analyse figurant au point 291 ci-dessus, Overgas n’a introduit aucune demande d’accès au gazoduc roumain 1 auprès de Bulgargaz avant le 23 novembre 2012.

326    Avant cette date, Overgas s’est adressée uniquement à Transgaz pour lui demander l’accès au gazoduc roumain 1 pour l’année 2011, et ce dès le 25 mars 2010, avant le début de la période infractionnelle, puis à quatre reprises durant ladite période, les 12 août, 28 septembre, 11 octobre et 11 novembre 2010 (voir point 291 ci-dessus).

327    Transgaz a répondu négativement à ces demandes, en partie, les 1er et 26 octobre 2010, soit plus de trois mois avant le début de la période infractionnelle concernant le gazoduc roumain 1, fixée par la Commission au 31 janvier 2011 (voir considérant 650 de la décision attaquée), puis le 20 avril 2011. Dans sa réponse du 1er octobre 2010, Transgaz a indiqué à Overgas que toutes les capacités sur ledit gazoduc étaient déjà intégralement réservées (voir considérant 296 de la décision attaquée). Dans celle du 26 octobre 2010, Transgaz a précisé que le régime juridique régissant le gazoduc roumain 1 était inclus dans l’accord intergouvernemental de 1970. En outre, le 20 avril 2011, Transgaz a indiqué à Overgas que l’accord intergouvernemental de 1970 devait être amendé et l’accord de 2005 renégocié en raison d’une procédure d’infraction ouverte contre la Roumanie pour non-conformité au règlement (CE) no 1775/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 28 septembre 2005, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel (JO 2005, L 289, p. 1) (remplacé, à partir du 3 mars 2011, par le règlement no 715/2009) (affaire 2009/2193, ci-après la « procédure d’infraction contre la Roumanie »).

328    Dans ce contexte, en premier lieu, la Commission fait valoir que, pour ce qui est des années 2010 et 2011, Transgaz aurait informé Bulgargaz et BEH de la nécessité légale d’octroyer à des tiers l’accès au gazoduc roumain 1.

329    Or, aucun élément du dossier ne montre que Transgaz aurait transmis à Bulgargaz les demandes d’accès d’Overgas de 2010 visées au point 326 ci-dessus. La Commission a, au contraire, concédé, dans sa duplique, ne pas disposer de la preuve que Transgaz aurait transmis ces demandes à Bulgargaz (voir point 292 ci-dessus).

330    En outre, si, lors de la réunion du 24 janvier 2011, Transgaz a manifesté à BEH un intérêt pour récupérer une partie des capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1, elle n’a, en aucune manière, fait référence aux demandes d’accès qu’Overgas lui avaient adressées. Elle s’est, en effet, bornée à indiquer que cet intérêt s’inscrivait dans le cadre de la future construction du terminal à Constanța, qui devait avoir lieu dans un horizon lointain. Il ressort ainsi du procès-verbal de cette réunion, comme l’a reconnu la Commission lors de l’audience, que l’information donnée par Transgaz à BEH ne permettait pas de comprendre que Transgaz souhaitait offrir des capacités sur le gazoduc roumain 1 à Overgas (voir points 277 et, a fortiori, 284 ci-dessus).

331    Partant, la Commission ne saurait s’appuyer sur le contenu de la réunion du 24 janvier 2011 pour imputer à Bulgargaz un rejet des demandes d’accès introduites par Overgas auprès de Transgaz avant le 23 novembre 2012.

332    En second lieu, la Commission fait valoir que, ainsi qu’il ressortirait du considérant 297 de la décision attaquée, Transgaz aurait pris toutes les mesures raisonnables pour modifier l’accord de 2005 afin de pouvoir octroyer à des tiers un accès au gazoduc roumain 1. Toutefois, la Commission ne démontre pas en quoi les diligences entreprises par Transgaz pour la renégociation de l’accord de 2005 révéleraient une transmission à Bulgargaz des demandes d’accès d’Overgas. Partant, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur l’imputabilité du rejet des demandes d’accès d’Overgas formulées en 2010.

333    Il en va d’autant plus ainsi que, comme le font valoir à juste titre les requérantes, le fait que Transgaz a choisi de ne pas déclencher la procédure prévue à l’article 17.1 de l’accord de 2005, qui prévoyait un mécanisme permettant la résolution des demandes d’accès au gazoduc roumain 1 de la part de tiers, en sollicitant le consentement préalable de Bulgargaz, ne saurait être imputé aux requérantes.

334    Il convient, dès lors, d’accueillir le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de ce que Bulgargaz aurait fourni à Overgas un accès au gazoduc roumain 1 sans retard dès sa première demande

335    Les requérantes considèrent que la Commission a erronément conclu que Bulgargaz avait retardé l’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour l’année 2013. Elles soutiennent que Bulgargaz a pleinement coopéré avec Overgas dès la réception de sa demande d’accès du 23 novembre 2012 et qu’elle a traité cette demande avec diligence, malgré l’absence de règles régissant les échanges de capacités secondaires sur le gazoduc roumain 1 et le fait que l’accord de 2005 ne prévoyait aucun mécanisme permettant à Bulgargaz de vendre ou de sous-louer de telles capacités.

336    La Commission, soutenue par Overgas, conteste ce grief.

337    Dans la décision attaquée, la Commission a retenu que les négociations du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 avaient duré trois mois et a ainsi reproché à Bulgargaz d’avoir octroyé à Overgas l’accès au gazoduc roumain 1 pour 2013 avec retard (voir considérants 311, 312, 323, 536, 543, 581 et 651 de la décision attaquée).

338    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’accord de 2005 ne prévoyait aucun mécanisme permettant à Bulgargaz de vendre ou de sous-louer des capacités secondaires. Lors de l’audience, la Commission a, à cet égard, convenu que le consentement de Bulgargaz prévu par l’article 17.1 de l’accord de 2005 permettait uniquement à Transgaz, et non à Bulgargaz, d’octroyer aux tiers l’accès aux capacités du gazoduc roumain 1.

339    En second lieu, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 715/2009, Transgaz était tenue d’adopter certaines mesures pour permettre à Bulgargaz de vendre ou de sous-louer des capacités sur le marché secondaire (voir point 127 ci-dessus). Or, durant la période infractionnelle, de telles mesures n’ont pas été adoptées.

340    En conséquence, pour répondre favorablement à la demande d’accès d’Overgas pour l’année 2013, Bulgargaz a dû conclure avec cette dernière un nouveau type de contrat, qui n’était encadré par aucune règle régissant les échanges secondaires de capacités sur le gazoduc roumain 1. En particulier, aucune règle ne fixait le délai dans lequel un tel contrat devait être conclu.

341    Dans ce contexte, Bulgargaz n’était tenue par aucun délai contractuel ou réglementaire pour octroyer à Overgas un accès au gazoduc roumain 1.

342    Toutefois, en tant qu’entreprise en position dominante contrôlant l’accès aux capacités du gazoduc roumain 1, Bulgargaz devait octroyer un tel accès à Overgas dans un délai raisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, EU:T:2009:317, point 151).

343    Ce caractère raisonnable doit être apprécié au regard des faits pertinents.

344    À cet égard, il convient de relever qu’Overgas a introduit sa première demande d’accès au gazoduc roumain 1 directement auprès de Bulgargaz, par une lettre du 23 novembre 2012. Dans cette lettre, Overgas a demandé à Bulgargaz de lui communiquer les conditions auxquelles celle-ci pourrait lui vendre une partie de sa capacité sur le gazoduc roumain 1, sans toutefois préciser la date à partir de laquelle l’accès à cette capacité était demandé. Overgas a simplement indiqué qu’elle avait acheté 420 millions de mètres cubes de gaz naturel pour l’année 2013 et qu’elle souhaitait les transporter à intervalles réguliers, « à raison de [35 millions de] m3/mois ».

345    En outre, Overgas concluait sa lettre du 23 novembre 2012 en indiquant à Bulgargaz qu’« [é]tant donné le peu de temps pour traiter cette question, [elle lui] ser[ait] très reconnaissant[e] de [sa] prompte réponse » et qu’elle la « [rem]erci[ait] par avance pour [sa] compréhension ». Overgas reconnaissait ainsi le caractère relativement tardif de sa propre demande.

346    Bulgargaz a répondu à Overgas le 27 novembre 2012, soit le deuxième jour ouvrable suivant, en lui proposant une réunion dès le 30 novembre 2012. Ainsi que le reconnaît Overgas, les parties se sont rencontrées régulièrement à partir de cette date, notamment le 20 décembre 2012.

347    Le lendemain de cette réunion, soit le 21 décembre 2012, Overgas a envoyé à Bulgargaz deux projets des contrats pour le transport de gaz, respectivement à travers le gazoduc roumain 1 et sur le territoire bulgare, en souhaitant que ces documents soient signés, au plus tard, le 27 décembre 2012, à savoir moins d’une semaine après avoir été communiqués à Bulgargaz.

348    Le 28 décembre 2012, Overgas a envoyé une lettre de relance à Bulgargaz dans laquelle :

–        Elle la remerciait pour « le partenariat et l’attitude constructive pendant les négociations des termes des projets de contrat » ;

–        elle supposait que l’absence de réponse de cette dernière aux projets de contrats visés au point 347 ci-dessus était due à des motifs d’organisation interne ;

–        elle proposait que Bulgargaz commence à transporter son gaz, à titre provisoire, à partir de janvier 2013 sans contrat signé, en indiquant les conditions de ce transport provisoire et en précisant que ces conditions avaient déjà été acceptées par les parties durant leurs négociations ;

–        parmi ces conditions, Overgas s’engageait à payer, à due proportion, la redevance que Bulgargaz versait à Transgaz pour l’utilisation du gazoduc roumain 1 ;

–        enfin, Overgas soulignait qu’elle avait conclu des contrats de fourniture de gaz avec plusieurs distributeurs de gaz et avec la société Razgrad DHP EAD pour l’année 2013, que les volumes de gaz concernés par ces contrats étaient couverts par les volumes qu’elle avait achetés auprès de Gazprom et qu’elle avait fourni à Bulgargaz une lettre de Gazprom du 20 décembre 2012 en attestant.

349    Selon Overgas, Bulgargaz a répondu à sa lettre du 28 décembre 2012 en indiquant qu’elle ne pouvait pas conclure de contrat sans l’autorisation de BEH et qu’elle souhaitait continuer les négociations au début de l’année 2013. Il ressort toutefois des éléments du dossier rappelés aux points 350 et 354 ci-après et de la confirmation des parties lors de l’audience que cette circonstance n’a pas empêché Overgas d’obtenir un accès au gazoduc roumain 1 dès le 1er janvier 2013, à savoir cinq semaines et demie après l’introduction de sa demande.

350    En effet, par une lettre du 7 janvier 2013, Bulgargaz a proposé à Overgas :

–        de conclure un contrat couvrant la période allant du 1er janvier au 31 mars 2013 pour tenir compte du fait que celle-ci ne s’était assurée d’un approvisionnement en gaz en amont auprès de sa société mère, Gazprom, que pour le premier trimestre de 2013, tout en prévoyant une option de renouvellement dudit contrat ;

–        d’appliquer un principe d’allocation des coûts liés à l’utilisation des capacités du gazoduc roumain 1 à proportion des quantités de gaz concernées, comme l’avait proposé Overgas dans sa lettre du 28 décembre 2012 (voir point 348 ci-dessus).

351    Bulgargaz a également insisté pour que les volumes de gaz d’Overgas transportés par le biais du gazoduc roumain 1 ne soient pas revendus hors du territoire bulgare pour se conformer aux engagements contractuels que Bulgargaz avait pris à l’égard de Gazprom. Elle a ajouté qu’il s’agissait d’une question cruciale dont elles devaient discuter lors d’une réunion.

352    En réponse, Overgas a proposé à Bulgargaz de poursuivre les négociations lors d’une réunion dès le 8 janvier 2013. Selon Overgas, les parties se seraient rencontrées à la mi-janvier 2013 et, lors de cette réunion, elles se seraient mises d’accord sur un mécanisme de distribution des capacités aux points communs de livraison.

353    Le 16 janvier 2013, Bulgargaz a présenté à BEH le projet de contrat d’accès au gazoduc pour 2013 pour approbation.

354    Le 30 janvier 2013, BEH a approuvé le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 et, le lendemain, soit le 31 janvier 2013, ce contrat a été signé avec une validité rétroactive, couvrant la période allant du 1er janvier au 31 mars 2013, et comportant une clause de tacite reconduction pour l’année entière dans l’hypothèse où aucune des parties n’aurait envoyé à l’autre de notification écrite pour le résilier au moins quinze jours avant le délai d’expiration (voir article 1.3 dudit contrat).

355    En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Bulgargaz et Overgas ont conclu un contrat ex novo en à peine dix semaines, malgré les conditions difficiles dues à l’absence d’encadrement d’un tel contrat par Transgaz, au sens de la réglementation de l’Union.

356    En dépit de cette difficulté, Bulgargaz a accepté que l’accès d’Overgas soit opérationnel un mois avant la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, dès le 1er janvier 2013, à savoir cinq semaines et demie seulement, congés de la période de Noël inclus, après que la demande d’accès avait été présentée à Bulgargaz le 23 novembre 2012.

357    Overgas a d’ailleurs elle-même reconnu, dans sa demande du 23 novembre 2012, que celle-ci était formulée assez tardivement pour qu’un accès puisse lui être accordé dès le début du mois de janvier 2013 et, durant les négociations du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, elle a salué l’attitude constructive de Bulgargaz (voir points 345 et 348 ci-dessus).

358    Overgas a aussi indiqué, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que, durant ses différentes réunions avec Bulgargaz entre la fin de novembre et le 21 décembre 2012 pour négocier le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, Bulgargaz lui avait donné l’impression de vouloir conclure un tel contrat avant la fin de l’année 2013. Overgas a ajouté que, sur cette base, elle avait conclu des contrats de fourniture.

359    L’attitude constructive de Bulgargaz ressort, en effet, des éléments susvisés du dossier, récapitulant la manière dont se sont déroulées les négociations du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 :

–        Bulgargaz a réagi très rapidement à la demande d’Overgas, en y répondant dans les deux jours ouvrables suivants et en proposant de tenir une première réunion une semaine après ladite demande (voir point 346 ci-dessus) ;

–        Bulgargaz a organisé plusieurs réunions sur une période relativement courte, à savoir de décembre 2012 à janvier 2013 ;

–        alors que les négociations n’étaient pas encore terminées, Bulgargaz a accepté de transporter le gaz d’Overgas à partir du 1er janvier 2013, aux conditions provisoires qu’avait proposées cette dernière dans son courrier du 28 décembre 2012 (voir points 348 et 354 ci-dessus) ; parmi ces conditions, Bulgargaz a accepté de faire payer à Overgas uniquement la part de la redevance versée à Transgaz, en application de l’accord de 2005, qui correspondait aux capacités du gazoduc roumain 1 allouées à Overgas, à savoir sans aucun bénéfice pour Bulgargaz.

360    En second lieu, par comparaison, il ressort du considérant 315 de la décision attaquée que les négociations du contrat donnant accès au gazoduc roumain 1 pour l’année 2014, entre les mêmes parties, ont duré du 16 octobre 2013 au 23 janvier 2014, à savoir plus de quatorze semaines, soit presque neuf semaines de plus que celles ayant conduit à la conclusion du contrat d’accès au gazoduc pour 2013. En outre, comme pour le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, celui pour 2014, réputé être entré en vigueur au 1er janvier 2014, n’a été signé que plusieurs semaines après, en l’occurrence le 23 janvier 2014.

361    Il s’ensuit que l’accès pour 2014 a été opérationnel onze semaines après le début des négociations entre Bulgargaz et Overgas, ce qui correspond à plus du double de la durée des négociations qui avaient été nécessaires pour octroyer l’accès opérationnel au titre de 2013.

362    Or, la Commission a considéré que l’accès octroyé à Overgas en 2014 était satisfaisant (voir considérants 327 et 546 de la décision attaquée).

363    Aucun élément du dossier ne permet de justifier une telle différence d’appréciation de la part de la Commission entre le délai dans lequel l’accès a été octroyé à Overgas pour l’année 2013 et celui dans lequel l’accès a été reconduit au profit de cette dernière pour 2014.

364    Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que Bulgargaz aurait retardé l’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour 2013 en raison de la durée déraisonnable des négociations du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 et du fait que cette durée serait imputable à Bulgargaz.

365    Il y a donc lieu d’accueillir le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, tiré du fait que Bulgargaz n’aurait pas retardé la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 jusqu’à ce qu’elle ait conclu des contrats en aval avec ses propres clients

366    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi que Bulgargaz aurait retardé la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 jusqu’à ce qu’elle ait conclu des contrats de fourniture de gaz avec ses propres clients.

367    La Commission, soutenue par Overgas, conteste ce grief.

368    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que Bulgargaz n’avait octroyé l’accès au gazoduc roumain 1 à Overgas en 2013 qu’après avoir conclu des contrats de fourniture de gaz avec ses propres clients. Partant, cet accès aurait permis à Overgas de conclure des contrats de fourniture analogues uniquement avec ses propres filiales [voir considérant 312, sous a), et considérant 543, sous a), de la décision attaquée].

369    À cet égard, il convient de relever que cette conclusion de la Commission dans la décision attaquée s’appuie exclusivement sur la réponse d’Overgas du 3 octobre 2013 à une demande de renseignements de la Commission du 18 septembre 2013 (ci-après la « déclaration d’Overgas du 3 octobre 2013 ») (voir considérant 312 et notes en bas de page nos 450 et 451 de la décision attaquée). Dans cette déclaration, Overgas a indiqué que :

« Au début du mois de septembre 2012, sous la pression de Bulgargaz, tous les utilisateurs dans le pays, à l’exception des sociétés majoritairement détenues par Overgas, ont été contraints, sous la menace de ne pas se voir garantir des quantités de gaz naturel au cours de l’année suivante, de soumettre leurs demandes contraignantes à Bulgargaz pour [l’année] 2013, bien que selon les contrats effectifs de Bulgargaz, l’échéance pour la présentation de telles demandes était octobre 2012. Il en a résulté que les clients de Bulgargaz ont présenté leurs demandes de livraison pour 2013 dès septembre 2012, indiquant ainsi leur souhait d’utiliser du gaz de Bulgargaz.

Toutefois, Bulgargaz n’a pas immédiatement conclu de contrats avec ces clients pour [l’année] 2013, pas plus qu’elle n’a prolongé les contrats en vigueur en 2012 jusqu’à la fin de 2013. Ce n’est qu’au début [du mois] de décembre 2012, après la publication dans les médias d’informations indiquant que Bulgargaz avait conclu un accord avec Gazprom […] en vue d’une livraison en 2013, que Bulgargaz a proposé à ses clients un nouveau contrat, établi unilatéralement par [elle]. »

370    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, il est loisible à la Commission de s’appuyer sur des éléments de preuve produits par les parties à la procédure administrative, pour autant que ces éléments de preuve soient fiables et pertinents, à charge pour elle, le cas échéant, de les compléter par d’autres éléments lorsque les informations produites par lesdites parties se révèlent insuffisantes ou défectueuses (arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 79).

371    Le seul critère pertinent pour apprécier la force probante des preuves réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 65 et jurisprudence citée).

372    Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme étant des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 104 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 137).

373    En revanche, le Tribunal a reconnu à plusieurs reprises que les déclarations faites par des entreprises dans le cadre de demandes de clémence, dénonçant le comportement anticoncurrentiel d’autres entreprises parties à la procédure administrative, devaient être appréciées avec prudence et, en général, ne sauraient être considérées comme étant des éléments de preuve particulièrement fiables si elles n’avaient pas été corroborées par d’autres éléments (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 99 et jurisprudence citée).

374    Si cette jurisprudence a été développée dans le cadre de l’application de l’article 101 TFUE, le Tribunal estime qu’il convient également d’apprécier la force probante des déclarations effectuées par les plaignants, officiels ou non, dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, à l’encontre d’une entreprise en position dominante, avec une certaine prudence.

375    En effet, si, contrairement aux demandeurs de clémence, les plaignants ne risquent aucune sanction dans le cadre de la procédure administrative menée sur la base de l’article 102 TFUE, ils ont, néanmoins, manifestement, un intérêt à accuser l’entreprise dominante d’un comportement infractionnel, et ainsi à la voir sanctionnée pour l’infraction dont ils se plaignent ou, à tout le moins, à obtenir une déclaration concernant une violation de l’article 102 TFUE de la part de celle-ci, surtout quand une telle déclaration a pour conséquence que l’entreprise dominante est forcée de contracter avec le plaignant (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 46).

376    S’agissant donc des déclarations faites par une partie intéressée, il y a lieu de relever que, s’il ne peut être considéré que celles-ci n’ont aucune valeur probante, il n’en demeure pas moins que de telles déclarations visent soit à atténuer soit à étayer la responsabilité de l’entreprise concernée par la procédure afin de la défendre ou de l’accuser selon les intérêts propres de la partie qui présente la déclaration. De ce fait, si ces déclarations ont une valeur probante, celle-ci doit être relativisée au regard d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, point 379, et du 14 septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (Google Android), T‑604/18, sous pourvoi, EU:T:2022:541, point 95].

377    Cette considération doit être prise en compte pour apprécier à tout le moins l’impartialité des plaignants, voire la fiabilité de leurs déclarations, dans le cadre d’une enquête portant sur l’abus d’une position dominante. Surtout, il y a lieu de considérer que les déclarations des plaignants doivent être appréciées avec prudence et ne sauraient constituer des éléments de preuve suffisants, par eux-mêmes, pour établir le comportement abusif reproché, de sorte qu’ils doivent être corroborés par d’autres éléments.

378    En l’espèce, si, ainsi qu’il ressort du point 23 ci-dessus, Overgas a introduit une plainte informelle auprès de la Commission à l’encontre des requérantes, son statut formel lors de l’enquête qui a suivi est celui d’un tiers intéressé ayant démontré un intérêt suffisant, au sens de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 (voir point 28 ci-dessus). Il n’en reste pas moins qu’il ressort à l’évidence du dossier que, par sa participation à la procédure administrative, Overgas visait, à tout le moins, la constatation d’une infraction au titre de l’article 102 TFUE de la part des requérantes, pour ainsi les contraindre à contracter avec elle.

379    Ainsi, le Tribunal estime que, en l’espèce, il était certes loisible à la Commission de considérer, au sens de la jurisprudence citée au point 370 ci-dessus, l’allégation figurant dans la déclaration d’Overgas du 3 octobre 2013 comme étant un élément pertinent pour déterminer si Bulgargaz avait retardé la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 jusqu’à ce qu’elle ait elle-même conclu des contrats en aval avec ses propres clients. Toutefois, étant donné l’intérêt évident d’Overgas à la procédure administrative en cause, cette déclaration ne pouvait pas être considérée comme étant particulièrement fiable ni, encore moins, suffisamment probante par elle-même et il incombait dès lors à la Commission de la compléter par d’autres éléments au sens de la jurisprudence citée au point 370 ci-dessus.

380    Ainsi, la déclaration d’Overgas du 3 octobre 2013 ne saurait suffire, par elle-même, pour considérer comme établi le fait que Bulgargaz avait retardé la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 jusqu’à ce qu’elle ait elle-même conclu des contrats en aval avec ses propres clients, et ce d’autant plus que ladite allégation aurait pu être corroborée ou démentie par des demandes de renseignements auprès des acteurs du marché.

381    Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsque la Commission constate une infraction aux règles de concurrence en se fondant sur la supposition selon laquelle les faits établis ne peuvent être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, la preuve de l’existence d’une telle infraction n’est pas rapportée si les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence de ladite infraction (voir arrêt du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission, T‑814/17, EU:T:2020:545, point 296 et jurisprudence citée).

382    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, en s’appuyant exclusivement sur les allégations figurant dans la déclaration d’Overgas du 3 octobre 2013, la Commission s’est contentée de supposer que le fait que Bulgargaz ait conclu des contrats de fourniture de gaz avec ses clients avant de conclure le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 ne pouvait s’expliquer que par un comportement anticoncurrentiel de Bulgargaz.

383    Or, premièrement, les requérantes contestent les allégations d’Overgas en s’appuyant sur la chronologie des faits. Elles font valoir que :

–        Overgas n’a pas contacté Bulgargaz à propos d’un accès au gazoduc roumain 1 avant le 23 novembre 2012, soit un à deux mois après que Bulgargaz avait, selon la déclaration d’Overgas du 3 octobre 2013, demandé à ses clients de soumettre leurs demandes pour 2013 ;

–        certains contrats entre Bulgargaz et ses clients avaient déjà été conclus avant le dépôt de la demande d’accès d’Overgas ;

–        jusqu’au 23 novembre 2012, Bulgargaz ne pouvait pas savoir qu’Overgas allait lui adresser une demande d’accès au gazoduc roumain 1 ;

–        si Overgas avait présenté sa demande plus tôt, Bulgargaz aurait eu la possibilité de lui octroyer un accès avant de signer des contrats avec ses clients pour 2013.

384    Force est de constater que, à supposer même que Bulgargaz ait exercé une pression sur les clients bulgares en septembre 2012, ainsi que l’allègue Overgas dans sa déclaration du 3 octobre 2013, la Commission n’apporte aucun indice ni aucun argument susceptible d’établir que ladite requérante savait qu’Overgas allait lui adresser une demande d’accès au gazoduc roumain 1 au mois de novembre 2012.

385    De même, ainsi que le reconnaît Overgas, les clients de Bulgargaz étaient, en tout état de cause, tenus, en application de leurs contrats de fourniture avec celle-ci, de soumettre leurs demandes de fourniture pour 2013 en octobre 2012 (voir point 369 ci-dessus), à savoir avant qu’Overgas n’ait déposé sa demande d’accès auprès de Bulgargaz. Overgas avait d’ailleurs indiqué, dans ses observations de suivi du 10 juin 2011 relatives à sa réunion avec la Commission du 17 mars 2011, que le calendrier avait été le même un an plus tôt. Elle avait en effet précisé que la date limite imposée par Bulgargaz à ses clients pour renouveler leurs contrats de fourniture pour l’année 2012 était le 1er octobre 2011 et, de surcroît, que les demandes de fourniture pour 2012 devaient être déposées dès la fin du mois d’août ou le début du mois de septembre 2011.

386    Ainsi, aucun élément du dossier ne permet d’établir l’existence d’un lien entre la date de conclusion des contrats de fourniture pour 2013 entre Bulgargaz et ses clients et la demande d’accès d’Overgas du 23 novembre 2012. Au contraire, la fixation de la date de conclusion desdits contrats au début du mois de décembre 2012 semble constituer une suite logique au dépôt, par lesdits clients, de leurs demandes de fourniture pour 2013, lequel avait dû intervenir deux mois plus tôt, en octobre 2012 (voir point 369 ci-dessus).

387    En outre, dans la mesure où il s’agissait du renouvellement de contrats de fourniture qui seraient applicables à compter du 1er janvier 2013, il était légitime que la signature desdits contrats intervienne avant la fin des contrats en cours et donc avant la fin de l’année 2012.

388    Dès lors, la Commission n’a pas rapporté la preuve que Bulgargaz aurait entrepris des démarches auprès des clients bulgares, dès le mois de septembre 2012, qui seraient liées à la demande d’accès au gazoduc roumain 1 d’Overgas, laquelle est intervenue deux mois plus tard, le 23 novembre 2012.

389    Deuxièmement, les requérantes font également valoir que :

–        Bulgargaz a signé le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 peu de temps après avoir reçu la demande d’Overgas, en l’assortissant d’un effet rétroactif au 1er janvier 2013 ;

–        les contrats conclus entre Bulgargaz et ses clients pour 2013 étaient des contrats à court terme prévoyant un droit de résiliation unilatérale par les clients, subordonné à un préavis de trois mois, dans le cas où lesdits clients auraient changé de fournisseur de gaz ; ces dispositions contractuelles permettaient donc à Overgas, dès le mois de janvier 2013, de convaincre les clients de Bulgargaz de changer de fournisseur et de conclure un contrat avec elle ;

–        en février 2013, l’un des clients de Bulgargaz est ainsi devenu client d’Overgas.

390    Les arguments invoqués par les requérantes, rappelés aux points 383 et 389 ci-dessus, constituent une explication alternative plausible, au sens de la jurisprudence citée au point 381 ci-dessus, à celle de la Commission selon laquelle Bulgargaz aurait attendu d’avoir signé des contrats avec ses propres clients avant d’octroyer l’accès au gazoduc roumain 1 à Overgas.

391    En outre, selon la jurisprudence, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance selon laquelle un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits (voir arrêts du 12 decembre 2014, Eni SpA/Commission, T-558/08, EU:T:2014:1080, point 43, et du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 77 et jurisprudence citée). Ainsi, les éléments de preuve contemporains des faits litigieux disposent d’une force probante supérieure à celle de déclarations présentées, après les faits, pour les besoins de la procédure administrative [voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 50, et du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, EU:T:2018:930, points 300, 355, 368 et 386 (non publiés) et jurisprudence citée].

392    Or, force est de constater que les allégations d’Overgas issues de sa déclaration du 3 octobre 2013, effectuée après les faits litigieux pour les besoins de la procédure administrative, et sur lesquelles s’appuie exclusivement la Commission [voir considérant 312, sous a), de la décision attaquée], sont contredites par un certain nombre d’éléments du dossier contemporains des faits litigieux.

393    En premier lieu, comme cela a été exposé au point 322 ci-dessus, il ressort de la licence de Bulgargaz que cette dernière avait l’obligation d’assurer un approvisionnement ininterrompu en gaz du marché bulgare en tant que fournisseur public et devait, à ce titre, assurer une collaboration suivie avec les utilisateurs directement connectés au réseau de transport, avec qui elle ne pouvait refuser de conclure un contrat de fourniture de gaz. Cette collaboration avec lesdits utilisateurs était encadrée par des règles approuvées par le régulateur bulgare, intégrées à la licence de Bulgargaz et donc contraignantes pour elle.

394    Ces obligations, imposées par la licence de Bulgargaz, apportent une justification supplémentaire aux démarches que cette dernière a effectuées auprès de ses clients pour assurer leur fourniture au titre de l’année 2013, avant qu’Overgas ne dépose sa demande d’accès le 23 novembre 2012.

395    En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort de l’analyse du deuxième grief de la cinquième branche (voir, notamment, points 346, 350 et 354 ci-dessus), plusieurs éléments contemporains des faits démontrent l’attitude constructive et diligente de Bulgargaz dans le traitement de la demande d’accès d’Overgas et le fait que l’accès au gazoduc roumain 1 en 2013 a été accordé sans retard.

396    En troisième lieu, les éléments du dossier contemporains des faits ne font à aucun moment mention des difficultés qu’aurait pu avoir Overgas pour conclure des contrats de fourniture avec des clients en aval sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

397    Au contraire, il convient de relever, premièrement, qu’Overgas a explicitement indiqué, dans sa lettre à Bulgargaz du 21 décembre 2012, qu’elle voulait signer d’urgence le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 parce qu’elle avait déjà conclu de tels contrats de fourniture avec des clients sur les marchés bulgares de fourniture de gaz pour le début du mois de janvier 2013. De même, dans sa lettre du 28 décembre 2012, Overgas mentionnait qu’elle avait, à cette date, déjà conclu des contrats de fourniture de gaz avec six clients pour 2013 et que les volumes correspondants à ces contrats étaient couverts par un approvisionnement auprès de Gazprom.

398    Les lettres visées au point 397 ci-dessus contredisent également l’allégation postérieure d’Overgas, reprise au considérant 312 de la décision attaquée, selon laquelle « avant que Bulgargaz n’ait signé le [contrat d’accès au gazoduc pour 2013, le] 31 janvier 2013 […], Overgas était incapable de confirmer à ses clients potentiels qu’elle serait en capacité de leur fournir du gaz en 2013 ». Au demeurant, les prétendues appréhensions d’Overgas à cet égard ont été démenties par le fait que, au début de l’année 2013, au moins un client de Bulgargaz avait résilié son contrat de fourniture, signé avec cette dernière le 16 décembre 2012, pour en conclure un avec Overgas, à compter du 1er mars 2013. En outre, Overgas ne pouvait pas se plaindre d’avoir des difficultés pour conclure des contrats de fourniture avec des clients en aval dans la mesure où, comme elle l’affirmait dans les deux lettres des 12 et 28 décembre 2012, elle en avait déjà conclus.

399    Deuxièmement, Bulgargaz a dûment tenu compte des circonstances d’urgence évoquées par Overgas, en acceptant de lui octroyer, par anticipation, un accès au gazoduc roumain 1 dès le 1er janvier 2013, alors que le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 n’était pas encore signé (voir point 356 ci-dessus). Ainsi, Bulgargaz a accepté que ledit contrat soit conclu avec un effet rétroactif au 1er janvier 2013 (voir considérant 312 de la décision attaquée).

400    Troisièmement, la Commission s’appuie sur l’argument d’Overgas selon lequel cette dernière n’aurait pu conclure de contrats de fourniture pour 2013 qu’avec des clients qui étaient ses propres filiales [voir considérant 312, sous a), de la décision attaquée]. Or, cette circonstance est dépourvue de pertinence en l’absence du moindre indice que Bulgargaz aurait entrepris des démarches pour empêcher Overgas de conclure des contrats de fourniture sur les marchés bulgares de fourniture de gaz pour 2013.

401    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que Bulgargaz aurait retardé l’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour l’année 2013 jusqu’à ce que ladite requérante ait conclu des contrats avec ses clients sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, ni que cette circonstance alléguée aurait porté atteinte à la capacité d’Overgas de conclure de tels contrats sur ces marchés.

402    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le troisième grief.

4)      Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission aurait erronément conclu que la durée initiale de trois mois du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 avec Overgas était insuffisante

403    Les requérantes contestent la conclusion de la Commission, aux considérants 312 et 543 de la décision attaquée, selon laquelle la durée initiale de trois mois figurant dans le contrat d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 pour 2013 était insuffisante. Elles estiment que cette durée initiale ne constitue pas un comportement fautif de leur part.

404    La Commission conteste ce grief.

405    Dans la décision attaquée, la Commission a retenu qu’Overgas se plaignait de la courte durée du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, qui l’aurait empêchée de conclure des contrats à moyen ou long terme, en amont, avec son fournisseur de gaz et, en aval, avec ses clients en Bulgarie [voir considérant 312, sous b), in fine, de la décision attaquée].

406    La Commission a ainsi estimé que le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 n’avait pas été conclu au terme d’une procédure transparente et fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires du fait, notamment, de la très courte durée dudit contrat, initialement de trois mois, et de sa prolongation subséquente jusqu’à un maximum de neuf mois, et ce alors qu’une proportion élevée de la capacité du gazoduc roumain 1 était inutilisée [voir considérant 543, sous b), de la décision attaquée].

407    Il y a tout d’abord lieu d’observer que, dès l’introduction de sa demande auprès de Bulgargaz, le 23 novembre 2012, Overgas avait indiqué qu’elle souhaitait avoir accès au gazoduc roumain 1 pour l’année 2013.

408    Or, l’article 1.2 du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 stipulait que ledit contrat était en vigueur du 1er janvier au 31 mars 2013.

409    Toutefois, selon l’article 1.3 de ce même contrat, « la validité [dudit contrat] est renouvelée pour une nouvelle période de trois mois si aucune partie ne notifie à l’autre partie sa résiliation, par écrit, au moins [quinze] jours avant l’expiration de sa durée. Si la possibilité de renouveler la durée de validité est appliquée [audit contrat], celui-ci sera définitivement résilié le 31 [décembre] 2013 ». Cette disposition prévoyait donc une reconduction tacite du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 pour l’année entière.

410    Ensuite, il convient de rappeler que Bulgargaz a exigé une durée initiale de trois mois au motif qu’Overgas n’aurait démontré s’être assurée d’un approvisionnement en gaz en amont que pour le premier trimestre de l’année 2013. C’est ce qui ressort de la lettre que Bulgargaz a adressée à Overgas le 7 janvier 2013. Dans cette lettre, Bulgargaz indiquait que, dans la mesure où Overgas avait obtenu un approvisionnement en gaz de la part de Gazprom pour le premier trimestre de 2013, il lui était proposé un contrat d’utilisation de la capacité du gazoduc roumain 1 pour cette même période, soit du 1er janvier au 31 mars 2013, avec une option de renouvellement.

411    Ainsi, plus de trois semaines avant de signer le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, Bulgargaz avait clairement informé Overgas que la durée dudit contrat dépendait de celle des approvisionnements de cette dernière en gaz en amont du gazoduc roumain 1, en expliquant les raisons de ce choix. En effet, la Commission reconnaît, au considérant 108, sous c), de la décision attaquée, que le contrat entre Overgas et Gazprom en vigueur à cette date couvrait uniquement le premier trimestre de l’année 2013, ainsi qu’attesté explicitement par une lettre interne de Gazprom du 29 décembre 2012, qu’Overgas a produite en annexe à son mémoire en intervention.

412    La Commission n’a pas rapporté la preuve qu’Overgas se serait opposée, à l’époque, à une telle condition, ni encore moins qu’elle se serait plainte qu’une telle condition la mettrait dans une situation d’incertitude commerciale quant aux contrats d’approvisionnement en gaz à conclure en amont et, surtout, avec ses clients en aval.

413    En effet, il ressort de la lettre d’Overgas du 28 décembre 2012, quand cette dernière proposait à Bulgargaz la solution provisoire d’accéder au gazoduc roumain 1, sans contrat encore signé, dès le 1er janvier 2013, que celle-ci avait déjà conscience que l’approvisionnement en gaz en amont du gazoduc roumain 1 constituait une condition nécessaire pour accéder audit gazoduc. Ainsi, Overgas soulignait que les volumes de gaz pour lesquels elle avait déjà conclu des contrats de fourniture avec six clients pour 2013 étaient couverts par un approvisionnement auprès de Gazprom, ainsi que l’attestait une lettre de cette dernière du 20 décembre 2012, qu’Overgas avait déjà transmise à Bulgargaz.

414    En outre, il ne ressort nullement du dossier qu’Overgas se serait opposée à la condition d’un approvisionnement en gaz en amont du gazoduc roumain 1 comme étant déraisonnable ou qu’elle aurait tenté de démontrer à Bulgargaz qu’elle disposait d’un approvisionnement en gaz en amont pour l’année entière.

415    Le fait qu’Overgas ait fourni à Bulgartransgaz, société sœur de Bulgargaz, le 22 janvier 2013, la copie du contrat qu’elle avait conclu avec Gazprom pour son approvisionnement en gaz ne remet pas en cause cette conclusion.

416    Ainsi, il ressort des éléments du dossier que, lorsque le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 a été signé, le 31 janvier 2013, Overgas n’avait alors contracté, en amont, que des quantités de gaz nécessitant l’utilisation du gazoduc roumain 1 jusqu’au 31 mars 2013, et pas au-delà.

417    Enfin, aucun document contemporain de la négociation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 ne prouve qu’à cette époque, Overgas aurait considéré que la courte durée du contrat que lui avait offert Bulgargaz entraverait sa capacité à conclure des contrats avec des clients en aval. Au contraire, ainsi qu’il a été exposé aux points 348 et 413 ci-dessus, la seule préoccupation invoquée par Overgas au cours des négociations avec Bulgargaz était la nécessité de conclure un contrat rapidement pour qu’elle puisse respecter les contrats qu’elle avait déjà conclus avec des clients en aval.

418    Or selon la jurisprudence, le caractère abusif d’un comportement suppose que celui-ci ait eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 154 et jurisprudence citée].

419    Il découle des éléments évoqués aux points 407 à 418 ci-dessus que, en l’espèce, la Commission n’ayant pas démontré que la durée initiale, de trois mois, du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 avait eu la capacité de produire les effets d’éviction sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, en rendant plus difficile la pénétration d’Overgas sur ces marchés, le caractère abusif de cette durée au regard de l’article 102 TFUE n’est pas établi à suffisance de droit.

420    Partant, il convient d’accueillir le quatrième grief.

5)      Sur le cinquième grief, tiré de ce que les conditions de prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 n’étaient pas incertaines

421    Les requérantes contestent la conclusion de la décision attaquée selon laquelle la prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 était soumise à des conditions incertaines. À cet égard, la position de la Commission, selon laquelle la lettre que Bulgargaz a envoyée à Overgas le 25 février 2013 constituait une interruption dans la fourniture de services à Overgas et aurait porté atteinte aux activités de cette dernière sur le marché bulgare de fourniture en gros, serait erronée.

422    La Commission, soutenue par Overgas, conteste ce grief.

423    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les conditions de prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, conclu pour une durée initiale de trois mois avec une clause de renouvellement automatique, restaient floues [voir considérant 312, sous b), de la décision attaquée].

424    Ensuite, il ressort du considérant 313 de la décision attaquée, que, par la lettre du 25 février 2013, Bulgargaz avait annoncé à Overgas qu’elle ne prolongerait pas automatiquement le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, au motif qu’elle n’avait pas reçu de preuve claire que cette dernière avait conclu un contrat d’approvisionnement en gaz avec Gazprom pour toute l’année 2013. Le 22 mars 2013, après avoir reçu la preuve qu’Overgas avait souscrit les volumes contractuels pour toute l’année, Bulgargaz a confirmé qu’un accord pouvait être conclu jusqu’à la fin de l’année 2013.

425    Toutefois, la Commission a relevé que, selon Overgas, la lettre du 25 février 2013 « annulant l’extension automatique du contrat » aurait porté atteinte à son activité sur le marché bulgare de fourniture en gros, car elle ne pouvait plus être sûre que son contrat serait effectivement prolongé jusqu’à la fin de l’année 2013. Overgas a indiqué à la Commission que l’annonce faite par Bulgargaz de la résiliation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 moins d’un mois après sa signature montrait que même des accords existants ne seraient en aucun cas certains et qu’elle dépendait entièrement de la bonne volonté de Bulgargaz pour lui donner accès au gazoduc roumain 1 (voir considérant 314 de la décision attaquée). La Commission se fonde, à cet égard, sur la réponse d’Overgas du 2 mai 2013 à sa demande de renseignements du 26 avril 2013 (ci-après la « déclaration d’Overgas du 2 mai 2013 »).

426    La Commission a ainsi conclu que l’accès octroyé par Bulgargaz à Overgas en 2013 ne l’avait pas été en application d’une procédure transparente et fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires car, notamment, la prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 était incertaine et les conditions de cette prolongation n’étaient pas précisées [voir considérant 543, sous c), de la décision attaquée].

427    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, initialement conclu pour la période allant du 1er janvier au 31 mars 2013, stipulait une clause de tacite reconduction pour l’année entière (voir articles 1.2 et 1.3 dudit contrat et points 408 et 409 ci-dessus).

428    Toutefois, non seulement l’article 1.3 du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 permettait à chacune des deux parties d’envoyer une notification écrite demandant la résiliation au moment du renouvellement trimestriel automatique, mais encore, en vertu de l’article 6.1 dudit contrat, celui-ci pouvait être unilatéralement résilié par Overgas avec un préavis écrit d’un mois. Ces dispositions montrent qu’il n’y avait pas de déséquilibre entre les pouvoirs respectifs des deux parties pour résilier ledit contrat.

429    Certes, il est vrai que, par sa lettre du 25 février 2013, Bulgargaz a notifié à Overgas la résiliation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 à compter du 1er avril 2013, en application des articles 1.2 et 1.3 dudit contrat, sans fournir d’explication.

430    Toutefois, en premier lieu, il ressort du dossier que, au moment de la réception de la lettre de Bulgargaz du 25 février 2013, le contexte dans lequel cette lettre était intervenue permettait nécessairement à Overgas de connaître la raison pour laquelle Bulgargaz souhaitait résilier le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 avec effet au 31 mars 2013. En effet, cette raison lui avait été communiquée préalablement de manière claire dans la lettre de Bulgargaz du 7 janvier 2013, où celle-ci a indiqué que, dans la mesure où Overgas avait obtenu un approvisionnement en gaz pour le premier trimestre de l’année 2013, il lui était proposé un contrat d’utilisation du gazoduc roumain 1 pour cette même période, soit du 1er janvier au 31 mars 2013, avec une option de renouvellement dudit contrat (voir points 350 et 410 ci-dessus).

431    Ainsi, il ressort de la lettre du 7 janvier 2013 que, plus de trois semaines avant de signer le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, Bulgargaz avait clairement informé Overgas que la durée dudit contrat dépendait de celle des approvisionnements de cette dernière en gaz en amont du gazoduc roumain 1, de sorte que, par voie de conséquence, la reconduction du contrat au-delà du terme initial de trois mois dépendait clairement de l’approvisionnement d’Overgas en gaz en amont, à partir du 1er avril 2013.

432    La Commission n’a pas rapporté la preuve qu’Overgas se serait, à l’époque, opposée à de telles conditions.

433    Dans ces circonstances, et dans la mesure où, au sens de la jurisprudence citée au point 391 ci-dessus, les éléments de preuve contemporains des faits litigieux disposent d’une force probante supérieure à celle de déclarations présentées aux fins de la procédure administrative, la Commission ne pouvait pas se contenter de la seule déclaration d’Overgas du 2 mai 2013, en réponse à une demande de renseignements de sa part, pour conclure que Bulgargaz lui aurait imposé des conditions de prolongation incertaines ou imprécises qui lui auraient causé une incertitude commerciale.

434    En deuxième lieu, Bulgargaz a explicitement indiqué à Overgas la raison du non-renouvellement du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, annoncé le 25 février 2013, soit trois jours plus tard. Il ressort en effet d’une lettre d’Overgas à Bulgargaz du 1er mars 2013 que, lors d’une réunion qui a eu lieu le 28 février 2013, Bulgargaz a expliqué qu’elle avait décidé de ne pas prolonger le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, car Overgas n’avait pas fourni la preuve d’un approvisionnement en gaz pour le reste de l’année. Ainsi, la raison de non-renouvellement dudit contrat a été explicitée plus d’un mois avant le terme du contrat, soit plus de deux semaines avant la date limite pour notifier le préavis de non-renouvellement prévu par l’article 1.3 de ce contrat, fixée le 16 mars 2013.

435    Or, la Commission n’a pas non plus rapporté la preuve qu’Overgas se serait opposée, à la suite de la réunion du 28 février 2013, à ce que la reconduction du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 soit subordonnée à la garantie d’un approvisionnement en gaz en amont.

436    Au contraire, Overgas a, dès le 1er mars 2013, soit le lendemain de la réunion du 28 février 2013, fourni à Bulgargaz la preuve qu’elle bénéficiait d’un approvisionnement en gaz couvrant toute l’année 2013. Elle a joint à cet égard une lettre également datée du 1er mars 2013 que lui avait adressée Gazprom, dans laquelle cette dernière confirmait qu’elle avait la capacité de lui fournir 400 millions de mètres cubes de gaz au point d’entrée du gazoduc roumain 1 en 2013.

437    En troisième lieu, le 12 mars 2013, Bulgargaz a envoyé à Overgas un projet d’avenant modifiant le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 et l’a invitée à en discuter le lendemain. Le projet d’avenant proposait, notamment, que l’article 1.2 dudit contrat sur la durée de ce dernier stipule, désormais, que « [ce contrat était] en vigueur du 01.01.2013 au 31.12.2013 » et que l’article 1.3 relatif à la reconduction tacite dudit contrat après le 31 mars 2013 soit supprimé.

438    Dix jours plus tard, le 22 mars 2013, Bulgargaz a confirmé que le contrat serait prolongé jusqu’à la fin de l’année 2013 (voir considérant 313 de la décision attaquée). Bulgargaz a, ainsi, confirmé, neuf jours avant la fin du premier trimestre 2013, que le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 serait prolongé pour l’année entière. Les parties ont, par la suite, signé l’avenant le 3 avril 2013.

439    Il ressort ainsi des constatations figurant aux points 423 à 431 ci-dessus qu’Overgas connaissait, depuis le 7 janvier 2013, soit trois semaines avant de signer le contrat d’accès au gazoduc pour 2013, la condition qui permettrait de reconduire ledit contrat au-delà du 31 mars 2013, de sorte que le constat figurant au considérant 312, sous b), de la décision attaquée selon lequel la prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 était soumise à des conditions incertaines ne peut pas être validé.

440    Enfin, il convient de relever que l’affirmation d’Overgas figurant dans sa déclaration du 2 mai 2013, selon laquelle la lettre envoyée par Bulgargaz le 25 février 2013 aurait affecté son activité sur le marché bulgare de fourniture en gros, n’est corroborée par aucun autre élément.

441    Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 370 à 373 et 376 ci-dessus, les déclarations faites par un tiers intéressé dans le cadre d’une procédure relative à l’application de l’article 102 TFUE ne sauraient être considérées comme étant des éléments de preuve particulièrement fiables, voire comme étant pourvues d’une force probante suffisante, si elles ne sont pas corroborées par d’autres éléments (voir point 374 ci-dessus). Ainsi, la déclaration d’Overgas du 2 mai 2013 ne suffit pas, à elle seule, à établir que la lettre du 25 février 2013 lui aurait porté le préjudice allégué, surtout dans la mesure où les requérantes ont avancé une argumentation susceptible de constituer une explication alternative plausible, au sens de la jurisprudence citée au point 381 ci-dessus.

442    En outre, la raison du non-renouvellement ayant été explicitée formellement lors de la réunion du 28 février 2013, Overgas a, dès le lendemain, à savoir le 1er mars 2013, fourni à Bulgargaz la preuve qu’elle bénéficiait d’un approvisionnement couvrant toute l’année 2013 (voir points 434 et 436 ci-dessus). Dès lors, les éléments contemporains des faits montrent qu’Overgas n’a eu aucune difficulté à répondre et à satisfaire à la condition explicitée dans les plus brefs délais. Partant, la preuve de l’incertitude dont elle se plaint dans sa déclaration du 2 mai 2013, aux fins de la procédure administrative, n’est pas rapportée.

443    Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que les conditions de prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 étaient incertaines et imprécises, qu’elles auraient plongé Overgas dans l’incertitude et qu’elles seraient, comme telles, de nature à caractériser une pratique abusive au sens de l’article 102 TFUE.

444    Dès lors, il convient d’accueillir le cinquième grief et, partant, la cinquième branche.

f)      Sur la sixième branche, tirée de l’absence de refus d’approvisionnement de C Energy Group

445    Les requérantes font valoir que, au considérant 534, sous c), de la décision attaquée, la Commission a erronément qualifié l’absence de réponse de Bulgargaz à la lettre de C Energy Group du 26 septembre 2013 (ci-après la « lettre du 26 septembre 2013 ») de refus d’approvisionnement, ce qui aurait empêché son entrée sur les marchés bulgares de fourniture de gaz (voir considérant 331 de la décision attaquée). Selon les requérantes, par ladite lettre, C Energy Group, qui n’était qu’une négociante en électricité, se serait limitée à demander des renseignements sur les conditions d’obtention d’un accès au gazoduc roumain 1 et n’y aurait jamais donné suite. Au demeurant, lorsque C Energy Group a envoyé cette lettre, Overgas bénéficiait déjà d’un accès au gazoduc roumain 1 grâce au contrat d’accès au gazoduc pour 2013.

446    La Commission conteste cette branche.

447    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aucune obligation réglementaire de fournir aux tiers de la capacité du gazoduc roumain 1 n’incombait à Bulgargaz. Ainsi, pour établir que le comportement de cette dernière à l’égard de la lettre du 26 septembre 2013 pouvait relever de l’article 102 TFUE, la Commission devait rapporter la preuve que ledit comportement constituait un refus d’accès de nature à éliminer toute concurrence de la part du demandeur, au sens du point 41 de l’arrêt Bronner, sur le marché en aval, en l’espèce les marchés bulgares de fourniture de gaz. Toutefois, une telle capacité d’éviction ne peut pas être purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 70 et jurisprudence citée).

448    Cela supposait, dans les circonstances de l’espèce, que la Commission démontre que C Energy Group avait la détermination ferme et la capacité propre d’entrer sur lesdits marchés et qu’elle avait, notamment, effectué des démarches préparatoires suffisantes pour lui permettre d’accéder auxdits marchés dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur Bulgargaz [voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 43, et du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 57].

449    D’une part, il revenait dès lors à la Commission de rapporter la preuve que C Energy Group avait, a minima, un projet suffisamment concret d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et que, ainsi, la concurrence effective y était menacée si l’accès aux capacités du gazoduc roumain 1 lui était refusé, de sorte qu’une démarche purement exploratoire n’aurait pas pu constituer une demande d’accès à laquelle Bulgargaz était tenue de répondre.

450    D’autre part, la Commission devait aussi prouver que la demande d’accès reflétait de manière suffisamment précise un tel projet pour que Bulgargaz soit à même d’apprécier qu’elle était tenue d’y répondre, sous peine de s’exposer au risque d’un refus d’accès abusif.

451    Cette exigence se justifie, ainsi qu’il ressort du point 282 ci-dessus, par l’obligation découlant du constat d’un refus d’accès abusif, de la part d’une entreprise en position dominante, de contracter avec le demandeur concurrent, obligation qui est particulièrement attentatoire à la liberté de contracter de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 46).

452    Il revenait donc à la Commission de démontrer que la lettre du 26 septembre 2013 constituait une demande d’accès au gazoduc roumain 1 suffisamment précise et sérieuse, de la part de C Energy Group et, plus précisément, qu’elle reflétait la détermination ferme et la capacité propre de celle-ci d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur les opérateurs déjà présents sur ces marchés et, notamment, sur Bulgargaz.

453    Or, dans la décision attaquée, la Commission s’est contentée de relever qu’en 2013, C Energy Group avait tenté d’obtenir l’accès au gazoduc roumain 1, que cette entreprise était un fournisseur d’électricité, mais qu’elle envisageait de vendre du gaz à des clients non domestiques en Bulgarie, que ladite entreprise projetait d’acheter du gaz à Isaccea 1 et que, pour le transporter jusqu’à la frontière roumano-bulgare (au point de sortie Negru Vodă 1), elle avait besoin d’un accès au gazoduc roumain 1 (voir considérants 328 et 329 de la décision attaquée).

454    À cet égard, la Commission a observé qu’en septembre 2013, C Energy Group avait soumis à Bulgargaz une demande d’accès au gazoduc roumain 1 pour l’année 2014, en sollicitant une confirmation de la possibilité de se voir octroyer cet accès, et qu’elle y avait joint un calendrier comprenant les volumes de gaz qu’elle envisageait de transporter en 2014 (voir considérant 330 de la décision attaquée).

455    Ainsi, premièrement, il convient de relever que, comme le constate la Commission dans la décision attaquée (voir point 453 ci-dessus) et ainsi qu’il ressort de la lettre du 26 septembre 2013, à l’époque, C Energy Group n’était pas active dans le commerce du gaz. En effet, cette lettre indiquait, d’une part, que celle-ci était une négociante agréée en électricité et une coordinatrice agréée d’un groupe d’équilibrage et, d’autre part, qu’elle avait reçu des demandes de clients sur la possibilité de lui acheter du gaz et que, dès lors, elle envisageait d’étendre son champ d’activités à ce commerce.

456    Deuxièmement, il ressort de la lettre du 26 septembre 2013 que C Energy Group n’avait alors pas encore conclu de contrat d’approvisionnement en gaz avec un fournisseur en amont et qu’elle avait, à l’époque, simplement l’intention de le faire.

457    Il est certes vrai que, comme l’a relevé la Commission (voir point 454 ci-dessus), la lettre du 26 septembre 2013 indiquait les volumes de gaz que C Energy Group envisageait de transporter durant chaque trimestre de l’année 2014. Toutefois, elle n’indiquait pas dans quel délai celle-ci aurait pu potentiellement conclure un contrat d’approvisionnement en gaz avec un fournisseur en amont et donc à partir de quelle date elle aurait pu, effectivement, être en capacité de livrer du gaz au point d’entrée du gazoduc roumain 1. C Energy Group ne précisait pas non plus si ledit contrat d’approvisionnement pourrait effectivement couvrir la totalité des volumes de gaz mentionnés dans ladite lettre, qu’elle envisageait de faire transporter dans ledit gazoduc, pour l’intégralité de l’année 2014.

458    Troisièmement, à la suite de la lettre du 26 septembre 2013, C Energy Group n’a jamais recontacté Bulgargaz à ce propos, même si le gazoduc roumain 1 était la seule route viable pour importer du gaz en Bulgarie.

459    Il peut donc être inféré du contenu de la lettre du 26 septembre 2013 et du comportement de C Energy Group elle-même que, à cette période, le projet d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz n’était encore qu’à un stade préliminaire, voire exploratoire.

460    Ainsi, la lettre du 26 septembre 2013 ne permet pas de considérer que C Energy Group avait la détermination ferme et la capacité propre de fournir du gaz en Bulgarie, au sens de la jurisprudence citée au point 448 ci-dessus. Elle tend, au contraire, à démontrer que, à cette date, ladite entreprise n’avait pas effectué de démarches préparatoires suffisantes lui permettant d’accéder aux marchés bulgares de fourniture de gaz dans un délai à même de faire peser une pression concurrentielle sur Bulgargaz.

461    Il convient de relever, par comparaison, que, dans la demande d’Overgas du 23 novembre 2012, à laquelle Bulgargaz avait fait droit auparavant à compter du 1er janvier 2013, celle-ci avait spécifié que le volume de gaz dont elle demandait le transport par le biais du gazoduc roumain 1 avait déjà été acheté.

462    Dans ces conditions, la Commission est restée en défaut d’établir que l’absence de réponse de Bulgargaz à la lettre du 26 septembre 2013 avait eu la capacité de restreindre la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et, en particulier, de produire des effets d’éviction qui ne seraient pas purement hypothétiques, au sens de la jurisprudence citée aux points 280 et 447 ci-dessus.

463    Dès lors, la Commission n’a pas rapporté la preuve que la lettre du 26 septembre 2013 constituait une demande suffisamment précise et sérieuse pour que Bulgargaz soit tenue d’y répondre. Ce faisant, elle ne pouvait considérer que l’absence de réponse à une telle demande était un élément probant pour établir un refus d’approvisionnement susceptible de relever de l’article 102 TFUE, imputable à Bulgargaz.

464    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance évoquée au considérant 331 de la décision attaquée selon laquelle, à l’époque de la lettre du 26 septembre 2013, Bulgargaz était en discussion avec Transgaz pour amender l’accord de 2005 à propos de l’accès des tiers au gazoduc roumain 1.

465    En effet, la Commission n’a pas expliqué en quoi le fait que la renégociation de l’accord de 2005 était en cours lorsque C Energy Group a envoyé la lettre du 26 septembre 2013 constituait un élément permettant de conclure à un refus d’accès opposé à cet opérateur.

466    À cet égard, il convient de relever que, comme le font valoir les requérantes, la renégociation de l’accord de 2005 n’a en rien empêché Bulgargaz, presque neuf mois avant la lettre du 26 septembre 2013, d’octroyer un accès à Overgas, dont la demande du 23 novembre 2012 avait présenté un caractère suffisamment précis et sérieux pour qu’elle soit traitée et acceptée par Bulgargaz (voir analyse de la cinquième branche ci-dessus).

467    En outre, la Commission n’a pas établi que, au cours de la renégociation de l’accord de 2005, les participants à cette renégociation avaient évoqué la lettre de C Energy Group du 26 septembre 2013 ou toute autre demande d’accès au gazoduc roumain 1 que cette dernière aurait formulée.

468    Au demeurant, ainsi que l’a fait valoir Bulgargaz au cours de la procédure administrative, à l’époque de la lettre du 26 septembre 2013, elle avait déjà fait part à Transgaz, lors d’une réunion du 10 octobre 2012 portant sur la renégociation de l’accord de 2005, de son consentement à libérer les capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1 pour permettre ainsi à Transgaz d’y octroyer un accès aux tiers. Ainsi qu’il ressort de l’analyse de la huitième branche du premier « sous-moyen » du quatrième moyen ci-après, cette argumentation doit être validée.

469    Il s’ensuit que la sixième branche doit être accueillie.

g)      Sur la septième branche, tirée de l’absence de valeur probante de la réservation de la totalité de la capacité sur le gazoduc roumain 1

470    Les requérantes contestent, en substance, la valeur probante de la réservation, au profit de Bulgargaz, de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1 pour établir un refus d’approvisionnement, alors qu’aucune demande individuelle d’accès audit gazoduc n’a été refusée.

471    La Commission conteste cette branche.

472    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la réservation de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1, prévue à l’article 17.1 de l’accord de 2005, alors que Bulgargaz n’utilisait qu’une partie limitée de la capacité disponible, est l’un des indices sur lesquels la Commission s’est fondée pour démontrer :

–        d’une part et, comme cela a été confirmé dans l’analyse faite dans le cadre du troisième moyen (voir points 133 à 171 ci-dessus), l’existence d’une position dominante de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 ;

–        d’autre part, l’existence d’une accumulation de capacités sur le gazoduc roumain 1, constitutive d’un refus d’approvisionnement de la part de Bulgargaz [voir considérant 534, sous a), de la décision attaquée] ; la Commission a ainsi estimé que Bulgargaz aurait dû, soit renoncer à l’exclusivité stipulée à son bénéfice dans l’accord de 2005, soit offrir la capacité du gazoduc roumain 1 sur le marché secondaire selon une procédure objective, transparente et non discriminatoire (voir considérants 542, 563 et 564 de la décision attaquée).

473    Or, en premier lieu, en vertu d’une jurisprudence constante, la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique, par elle-même, aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée. C’est l’exploitation abusive d’une telle position dominante que l’article 102 TFUE interdit (voir arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 21 et jurisprudence citée).

474    Il incombe, à cet égard, à la Commission, pour caractériser une telle exploitation abusive, d’identifier en quoi l’entreprise en cause, en utilisant sa position dominante, a eu recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale, lesquels ont eu pour effet de faire obstacle au maintien du degré de concurrence existant sur le marché ou au développement de cette concurrence (voir arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 24 et jurisprudence citée).

475    Ainsi, l’exclusivité contractuelle consentie à Bulgargaz par l’accord de 2005, quand bien même cette dernière n’aurait utilisé qu’une partie des capacités du gazoduc roumain 1, ne saurait constituer une exploitation abusive de la position dominante de cette requérante, s’il n’est pas prouvé par la Commission que le comportement de celle-ci, dans les faits, lui avait conféré la capacité d’évincer les concurrents des marchés bulgares de fourniture de gaz, notamment au sens de l’arrêt Bronner et de la jurisprudence postérieure concernant le refus d’accès à une « infrastructure essentielle » citée aux points 255 et 256 ci-dessus.

476    Or, les faits démontrent que la réservation, par Bulgargaz, de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1, prévue à l’article 17.1 de l’accord de 2005, n’a pas empêché cette dernière, dès la première demande d’accès à la capacité inutilisée dudit gazoduc qu’elle a reçue le 23 novembre 2012, d’octroyer à Overgas ledit accès, à compter du 1er janvier 2013, sans que la Commission réussisse à démontrer le caractère tardif ou insatisfaisant de cet accès et donc le fait que le comportement de Bulgargaz relevait, à cet égard, de l’article 102 TFUE.

477    La Commission n’a pas non plus établi à suffisance de droit que Bulgargaz se serait opposée, de manière abusive, à des demandes d’accès d’autres tiers. Ainsi :

–        il ressort du point 284 ci-dessus que la Commission n’a ni démontré ni même allégué que la demande de Transgaz du 24 janvier 2011 constituait une demande d’accès au gazoduc roumain 1 visant à permettre à cet opérateur d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, ce qu’elle a, par ailleurs, admis lors de l’audience ; selon la jurisprudence, les requérantes n’étaient donc pas tenues d’y répondre favorablement [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 42, 43 et 46] ;

–        la Commission a aussi concédé ne pas avoir la preuve que Transgaz aurait transmis à Bulgargaz des demandes individuelles d’accès au gazoduc roumain 1 émanant de tiers, notamment celles qu’Overgas lui avaient adressées en 2010 ;

–        la Commission n’a pas non plus établi que la demande de C Energy Group du 26 septembre 2013 était suffisamment précise et sérieuse pour constituer une demande d’accès au gazoduc roumain 1 à laquelle Bulgargaz était tenue de répondre (voir analyse de la sixième branche ci-dessus).

478    En outre, la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur la supposition selon laquelle, du fait de la réservation par Bulgargaz de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1, des tiers auraient renoncé à présenter des demandes d’accès à cette capacité (voir considérants 278 et 537, in fine, de la décision attaquée). En effet, elle n’a apporté aucun élément établissant une telle renonciation et n’a donc pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait. Il convient d’ailleurs de souligner que, en vertu de son article 17.3, l’accord de 2005 et son contenu revêtaient un caractère confidentiel et que la Commission est restée en défaut de démontrer que, en dépit de cette clause de confidentialité, les tiers avaient pu avoir connaissance de la clause d’exclusivité figurant dans l’accord de 2005 au profit de Bulgargaz. En tout état de cause, à supposer que de telles renonciations aient eu lieu, les tiers concernés n’ayant, par définition, déposé aucune demande en ce sens, il ne peut pas être reproché de refus d’accès à Bulgargaz du fait qu’elle n’ait pas répondu à des demandes qui ne lui ont jamais été adressées.

479    En second lieu, la Commission a considéré que la partie de l’infraction relative au gazoduc roumain 1 ne s’était poursuivie que jusqu’au 1er janvier 2015, c’est-à-dire jusqu’à la date à partir de laquelle Bulgargaz aurait, selon elle, accordé aux tiers un accès audit gazoduc satisfaisant (voir considérant 651 de la décision attaquée).

480    Or, force est de constater que, à cette date, les dispositions de l’accord de 2005 octroyant une exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1 à Bulgargaz étaient toujours en vigueur. Il n’a, en effet, été mis fin à cette exclusivité contractuelle que le 30 septembre 2016, lorsque l’accord de 2005 a été résilié, soit un an et neuf mois après la fin de la période infractionnelle. Par conséquent, la Commission elle-même a implicitement admis que l’existence de ce droit exclusif contractuel n’était pas déterminante.

481    Dans ce contexte, l’indice tiré de la réservation, par Bulgargaz, de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1 au titre de l’accord de 2005, alors que celle-ci n’en utilisait qu’une partie, est insuffisant pour établir le prétendu abus sur le marché des capacités dudit gazoduc.

482    La septième branche doit donc être accueillie.

h)      Sur la huitième branche, tirée de l’absence de valeur probante des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005

483    Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, contestent la valeur probante des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005. À cet égard, la décision attaquée établirait erronément que lesdites discussions intergouvernementales constituaient un refus d’octroyer un accès au gazoduc roumain 1 et que Bulgargaz n’avait pas agi d’une manière constructive durant les négociations relatives à l’accord de 2005. À cet égard, elles invoquent trois griefs :

–        le caractère intergouvernemental de la renégociation de l’accord de 2005 ;

–        le caractère constructif de leur comportement durant les négociations ;

–        le fait qu’elles ne sont pas responsables de la durée de ces négociations.

484    La Commission conteste cette branche.

1)      Sur le premier grief, tiré du caractère intergouvernemental de la renégociation de l’accord de 2005

485    Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, font valoir que les discussions sur la renégociation de l’accord de 2005 ont été engagées et se sont tenues à un niveau intergouvernemental, impliquant les autorités gouvernementales et réglementaires de la République de Bulgarie et de la Roumanie. Ces discussions ne pourraient donc être imputées à Bulgargaz. Les requérantes invoquent trois éléments à cet égard :

–        « l’adossement » de l’accord de 2005 à l’accord intergouvernemental de 2003 ;

–        le fait que la renégociation de l’accord de 2005 a eu pour objet de résoudre les préoccupations soulevées dans la procédure d’infraction contre la Roumanie ;

–        le caractère central de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et du rôle de fournisseur public de Bulgargaz dans la renégociation de l’accord de 2005.

486    La Commission conteste ces arguments.

487    Dans la décision attaquée, la Commission a reproché à Bulgargaz de ne pas avoir restitué la capacité inutilisée du gazoduc roumain 1 lorsque Transgaz le lui a demandé ou d’avoir conditionné cette restitution [voir considérant 297, considérant 534, sous b), et considérants 535, 536, 538 et 541 de la décision attaquée].

488    En particulier, la Commission a reproché à Bulgargaz d’avoir insisté, lors des discussions sur la renégociation de l’accord de 2005, pour que Transgaz lui garantisse une capacité de [3-4](2) milliards de mètres cubes par an sur ledit gazoduc, avant de lui permettre d’offrir le reste des capacités aux tiers. Ainsi, malgré la pression exercée par Transgaz, BEH et Bulgargaz auraient défendu le maintien de l’accord de 2005 qui leur assurait l’entièreté desdites capacités (voir considérants 297, 305, 307, 536, 538, 540 et 541 de la décision attaquée).

489    À titre liminaire, en premier lieu, il convient de souligner qu’il ne ressort nullement du dossier que, au cours des discussions sur la renégociation de l’accord de 2005, il ait été question de demandes d’accès concrètes de tiers au gazoduc roumain 1. En particulier, la Commission a concédé ne pas avoir de preuve que Transgaz ait informé les requérantes, ni a fortiori transmis à ces dernières, des demandes d’accès de tiers audit gazoduc, notamment celles qu’Overgas lui avait adressées en 2010. Comme il ressort de l’analyse de la troisième branche ci-dessus, il n’y a aucune preuve non plus dans le dossier que Transgaz elle-même aurait eu pour projet d’entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz pour y concurrencer Bulgargaz.

490    En deuxième lieu, il importe également de souligner que, parallèlement à la renégociation de l’accord de 2005, Bulgargaz a octroyé un accès ininterrompu à Overgas, à partir du 1er janvier 2013, sans que la Commission ait pu établir que cet accès aurait été tardif ou octroyé sur la base d’une procédure qui n’aurait été ni transparente ni fondée sur des critères objectifs et non discriminatoires. Cela à une époque où le GRT, à savoir Transgaz, n’avait pas encore pris les mesures imposées par le cadre réglementaire applicable pour permettre les échanges de capacités secondaires (voir analyse de la cinquième branche ci-dessus).

491    En troisième lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la lettre du 30 novembre 2011 envoyée par Transgaz à Bulgargaz dans le cadre de la renégociation de l’accord de 2005 (ci après la « lettre du 30 novembre 2011 ») [voir considérant 297, sous c), de la décision attaquée], ces discussions ont débuté, en juin 2011, par des échanges exclusivement intergouvernementaux.

492    Par la suite, comme il est constaté au considérant 297, sous b), de la décision attaquée, les requérantes n’ont été impliquées dans cette renégociation qu’à partir d’une réunion intergouvernementale tenue le 28 septembre 2011, à laquelle, ainsi qu’il ressort du dossier, BEH et Bulgartransgaz ont participé. Ensuite, le premier contact avec Bulgargaz à ce sujet a été établi par la lettre de Transgaz du 30 novembre 2011, qui l’informait des échanges intergouvernementaux remontant au mois de juin 2011 et de la décision prise alors par les représentants gouvernementaux de la République de Bulgarie et de la Roumanie que Transgaz et Bulgargaz renégocient l’accord de 2005. Ladite lettre faisait également état de la raison de cette décision intergouvernementale, à savoir la procédure d’infraction contre la Roumanie. Transgaz a également convié Bulgargaz à une réunion à ce sujet entre le 12 et le 16 décembre 2011.

493    C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par les requérantes dans le cadre du premier grief.

i)      Sur « l’adossement » de l’accord de 2005 à l’accord intergouvernemental de 2003

494    Les requérantes font valoir que l’accord de 2005 a été signé conformément à l’accord intergouvernemental de 2003, de sorte que sa renégociation nécessitait l’implication des autorités gouvernementales de la République de Bulgarie et de la Roumanie.

495    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’accord de 2005, conclu en application de l’accord intergouvernemental de 2003, remontait à l’époque antérieure à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union. Il est intervenu dans un contexte marqué, notamment, par la dépendance de la Bulgarie à l’égard de la Russie pour son approvisionnement en gaz, qui durait depuis plusieurs décennies.

496    Les requérantes exposent ainsi, sans être contredites sur ce point par la Commission, que cette dépendance remonte à la construction, en 1974, du gazoduc roumain 1, en vertu de l’accord intergouvernemental de 1970. Elles font valoir que la construction de ce gazoduc a été un moyen pour l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) d’enraciner son influence dans la République populaire de Bulgarie.

497    À cet égard, il ressort de l’accord intergouvernemental de 1970 et de l’accord conclu le 5 juillet 1974 entre Rompetrol, le prédécesseur de Transgaz, et Neftochim, le prédécesseur de Bulgargaz, relatif au fonctionnement et à la maintenance du gazoduc roumain 1 (ci-après l’« accord de 1974 »), resté en vigueur jusqu’en 2005, que ledit gazoduc avait pour seule vocation de satisfaire les besoins internes en gaz en Bulgarie en y acheminant du gaz en provenance de l’URSS [voir article 1er, sous a), et article 3, paragraphe 2, de l’accord intergouvernemental de 1970 et articles 1.4 et 2.1 de l’accord de 1974].

498    L’État bulgare avait supporté les coûts du site du gazoduc ainsi que 40 % des frais de construction (voir article 7, paragraphe 3, et article 8, paragraphe 3, de l’accord intergouvernemental de 1970), mais c’est la Roumanie qui en a été propriétaire (voir article 3, paragraphe 1, dudit accord et article 1.4 de l’accord de 1974). Les requérantes avancent que le financement bulgare du gazoduc roumain 1 est la raison pour laquelle Bulgargaz et ses prédécesseurs ont historiquement été les seuls à utiliser cette infrastructure.

499    L’un des objectifs de l’accord intergouvernemental de 2003, qui a succédé à celui de 1970, était d’étendre la coopération de la République de Bulgarie et de la Roumanie dans le secteur du gaz et de garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz de ces deux pays (voir quatrième considérant et article 4, paragraphe 1, de l’accord intergouvernemental de 2003).

500    Dans le cadre de cette coopération, la République de Bulgarie et la Roumanie se sont engagées à ce que leurs opérateurs gaziers respectifs, à savoir Bulgargaz et Transgaz, concluent un contrat pour le transit de gaz depuis la Russie vers la Bulgarie, via la Roumanie, et se mettent d’accord sur les tarifs de transport correspondants (voir article 3 et annexe 1 de l’accord intergouvernemental de 2003).

501    L’accord intergouvernemental de 2003 prescrivait ainsi la conclusion d’un accord opérationnel entre le prédécesseur de Bulgargaz et Transgaz pour le transit de gaz par le gazoduc roumain 1.

502    C’est sur le fondement de l’accord intergouvernemental de 2003 qu’a été conclu l’accord de 2005, lequel constituait donc un élément clé de la coopération entre la République de Bulgarie et la Roumanie dans le secteur du gaz et, partant, de la sécurité d’approvisionnement en gaz de la Bulgarie.

503    L’accord de 2005, initialement conclu jusqu’au 31 décembre 2011, a été prorogé par les parties, en 2009, jusqu’au 31 décembre 2016.

504    Certes, ainsi que le relève à juste titre la Commission, l’accord intergouvernemental de 2003 ne prévoyait pas le détail du contenu de l’accord de 2005, notamment les modalités d’exploitation du gazoduc roumain 1 et d’attribution des capacités de cette infrastructure ni, partant, l’octroi d’une exclusivité d’utilisation desdites capacités au profit de Bulgargaz.

505    Il n’en reste pas moins que les parties à l’accord intergouvernemental de 2003, au titre duquel a été conclu l’accord de 2005, étaient convenues, premièrement, d’organiser des consultations bilatérales régulières au niveau ministériel pour examiner l’état des actions de coopération entreprises, ces consultations devant avoir lieu sur une base commerciale, deuxièmement, de mettre en place un groupe d’experts issus du ministère de l’énergie et des ressources énergétiques de la République de Bulgarie et du ministère de l’industrie et des ressources de Roumanie pour contrôler l’application dudit accord intergouvernemental et les projets de coopération prévus dans le cadre de cet accord et, troisièmement, de permettre aux opérateurs économiques impliqués dans lesdits projets de coopération de participer aux réunions du groupe d’experts (voir article 5 de l’accord intergouvernemental de 2003). Ainsi, des éléments de coopération intergouvernementale avaient trait à toute renégociation de l’accord de 2005.

506    C’est, en effet, dans le cadre de la coopération intergouvernementale, prévue au titre de l’accord de 2003, que la renégociation de l’accord de 2005 a été engagée, à la suite de la troisième réunion du groupe de travail bulgaro-roumain sur l’énergie, qui a eu lieu le 28 septembre 2011. Ce groupe de travail réunissait, d’une part, une délégation bulgare présidée par le vice-ministre de l’économie, de l’énergie et du tourisme de la République de Bulgarie et composée, notamment, de neuf représentants de ce ministère, d’un représentant de BEH et de deux représentants de Bulgartransgaz et, d’autre part, une délégation roumaine présidée par le secrétaire d’État au ministère de l’économie, du commerce et de l’environnement des entreprises de Roumanie et composée, notamment, de quatre représentants de ce ministère, de deux représentants du régulateur roumain et de deux représentants de Transgaz. Bulgargaz ne faisait pas partie dudit groupe de travail, alors qu’elle était pourtant l’une des deux parties à l’accord de 2005.

507    Les éléments du dossier montrent que, durant la période infractionnelle, la renégociation de l’accord de 2005 a fait l’objet de deux réunions ultérieures du groupe de travail bulgaro-roumain sur l’énergie les 30 octobre 2012 et 22 novembre 2013 et d’une autre réunion intergouvernementale le 9 décembre 2013.

508    Lors de la réunion du 30 octobre 2012, les autorités gouvernementales bulgares et roumaines ont discuté de la proposition de garantie d’une capacité minimale sur le gazoduc roumain 1, formulée par Bulgargaz lors de sa réunion bilatérale avec Transgaz du 10 octobre 2012, et d’une libération de la capacité restante pour que Transgaz puisse l’offrir aux tiers (voir point 468 ci-dessus).

509    En outre, il ressort du dossier que les régulateurs nationaux concernés ont aussi été impliqués dans la renégociation de l’accord de 2005. Ainsi, dans sa lettre au régulateur roumain du 16 janvier 2014, le régulateur bulgare a souligné sa « participation active » à la réunion du 9 décembre 2013, au cours de laquelle la discussion sur la proposition de garantie d’une capacité minimale s’était poursuivie, en présence de Bulgargaz et de Transgaz. Il ressort du compte rendu de cette réunion qu’il avait alors été convenu que Bulgargaz enverrait une lettre à Transgaz indiquant, notamment, qu’elle donnait son accord pour que la capacité sur le gazoduc roumain 1 qui ne lui serait pas réservée soit libérée pour les tiers.

510    Faisant suite à la réunion du 9 décembre 2013, le régulateur bulgare, dans sa lettre du 16 janvier 2014, a insisté sur le fait que :

–        les besoins en gaz du marché bulgare étaient presque intégralement satisfaits par un seul fournisseur, en vertu de contrats d’approvisionnement à long terme conclus entre Bulgargaz et Gazprom ;

–        l’accord de 2005, garantissant le transit du gaz fourni par Gazprom, revêtait une « importance exceptionnelle » pour la sécurité de l’approvisionnement de la République de Bulgarie ;

–        dès lors que la réservation de la totalité de la capacité du gazoduc roumain 1 ne satisfaisait pas aux exigences de la directive 2009/73/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94) et du règlement no 715/2009, la proposition de garantie d’une capacité minimale permettant de libérer la capacité inutilisée dudit gazoduc pour l’offrir aux tiers et une révision correspondante du prix stipulé dans l’accord de 2005 constituaient une étape nécessaire et importante vers la résolution du différend en cause.

511    Il résulte de ce qui précède que le premier argument des requérantes, tiré de ce que l’accord de 2005 « s’adossait » à l’accord intergouvernemental de 2003 et revêtait, dès lors, également un caractère intergouvernemental, est fondé.

ii)    Sur le fait que la renégociation de l’accord de 2005 avait pour objet de résoudre les préoccupations soulevées dans la procédure d’infraction contre la Roumanie

512    Les requérantes soutiennent ensuite que c’est à l’initiative des autorités gouvernementales roumaines que les discussions concernant la renégociation de l’accord de 2005 ont débuté, en juin 2011, et que l’élément déclencheur de ces discussions était l’ouverture, par la Commission, en 2009, de la procédure d’infraction contre la Roumanie. Elles font valoir que, dans le cadre de cette procédure, la Commission a constaté que Transgaz ne s’était pas acquittée des obligations qui lui incombaient, en tant que GRT du gazoduc roumain 1, au titre du droit de l’Union, et qu’elle a, en particulier, exigé que la Roumanie modifie l’accord de 2005.

513    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever qu’il ressort du compte rendu de la réunion intergouvernementale du 28 septembre 2011 mentionnée au point 506 ci-dessus et de la lettre du 30 novembre 2011 envoyée par Transgaz à Bulgargaz que c’est effectivement pour répondre aux reproches de la Commission soulevés dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie que les autorités gouvernementales de la République de Bulgarie et de la Roumanie ont engagé le processus de renégociation de l’accord de 2005.

514    En particulier, dans sa lettre du 30 novembre 2011, Transgaz a indiqué que :

–        lors d’une réunion avec des représentants du ministère roumain de l’économie, du commerce et de l’environnement des entreprises, le régulateur roumain et Transgaz, qui a eu lieu dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie, la Commission avait considéré que l’accord de 2005 n’était pas conforme au règlement no 715/2009, ayant remplacé le règlement no 1775/2005, et qu’il devait être renégocié ;

–        après cette réunion avec la Commission, les représentants gouvernementaux de la République de Bulgarie et de la Roumanie s’étaient mis d’accord pour engager la renégociation de l’accord de 2005 afin d’en assurer la conformité avec le règlement no 715/2009 ; le ministère roumain de l’économie, du commerce et de l’environnement des entreprises a d’abord contacté son homologue bulgare, en juin 2011, pour lui demander que Bulgargaz et Transgaz entament, dès que possible, cette renégociation ; en août 2011, le ministère bulgare de l’économie, de l’énergie et du tourisme a donné son accord pour engager ces discussions.

515    À la suite de ces premiers échanges intergouvernementaux, le ministre roumain de l’économie, du commerce et de l’environnement des entreprises a, le 12 octobre 2011, informé son homologue bulgare que Transgaz était prête à discuter de la renégociation de l’accord de 2005 avec Bulgargaz à partir du 1er novembre 2011.

516    Dans sa lettre du 30 novembre 2011, Transgaz a, quant à elle, proposé à Bulgargaz d’organiser une réunion à ce sujet entre le 12 et le 16 décembre 2011 [voir considérant 297, sous c), de la décision attaquée]. Bulgargaz y a répondu positivement ce même jour et a proposé que la réunion se tienne en janvier 2012. Cette réunion a finalement eu lieu le 11 janvier 2012.

517    À la suite de la réunion du 11 janvier 2012, Transgaz a envoyé à Bulgargaz, le 26 janvier 2012, un projet de protocole d’accord (ci-après le « projet de protocole d’accord ») stipulant que la renégociation de l’accord de 2005 avait pour but de répondre aux préoccupations de la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie.

518    Selon le projet de protocole d’accord, les parties devaient, tout d’abord, s’engager à préparer, au plus tard le 15 février 2012, un inventaire des clauses de l’accord de 2005 qui étaient contraires à la législation de l’Union. Ensuite, le régulateur roumain devait fournir le projet de méthodologie pour l’établissement du tarif de transmission et le mécanisme pour l’attribution des capacités, afin de permettre à Transgaz de préparer l’accord opérationnel et l’accord d’allocation des capacités en conformité avec ceux-ci et avec le règlement no 715/2009.

519    Les échanges visés aux points 514 à 518 ci-dessus montrent que, comme le soutiennent les requérantes, l’objectif de la renégociation de l’accord de 2005 était de répondre aux préoccupations soulevées par la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie.

520    Du fait de ce contexte, les autorités gouvernementales bulgares et roumaines ont été impliquées tout au long de la renégociation de l’accord de 2005, ainsi que le régulateur roumain.

521    En second lieu, il convient de relever que, en raison du contexte afférent à la procédure d’infraction contre la Roumanie, cette dernière a voulu impliquer la Commission dans la renégociation de l’accord de 2005 et lui soumettre, pour approbation, les modifications dudit accord convenues avec la partie bulgare.

522    Tout d’abord, lors de la réunion intergouvernementale du 28 septembre 2011 (voir point 506 ci-dessus), à laquelle ont aussi participé BEH et Transgaz, les autorités bulgares et roumaines se sont mises d’accord pour tenir la Commission informée de l’avancement des négociations destinées à résoudre les problèmes à l’origine de la procédure d’infraction contre la Roumanie, y compris la renégociation de l’accord de 2005.

523    En outre, le projet de protocole d’accord soulignait, notamment, que, avant le 26 janvier 2012, la Roumanie avait déjà tenté, en vain, dans le cadre de la procédure d’infraction contre elle, d’obtenir l’accord de la Commission pour maintenir l’exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1 au profit de Bulgargaz et de conserver la redevance annuelle fixe stipulée dans l’accord de 2005.

524    Ensuite, dans une lettre à Bulgargaz du 28 octobre 2013, Transgaz a fait part de sa volonté de soumettre à la Commission, pour approbation, la proposition de garantie d’une capacité minimale que Bulgargaz avait demandée le 10 octobre 2012, en soulignant le besoin urgent de résoudre cette question du fait du risque imminent de sanctions financières lourdes contre la Roumanie, évoquant ainsi encore la procédure d’infraction contre cette dernière.

525    La partie roumaine a réitéré la volonté d’impliquer la Commission dans la renégociation de l’accord de 2005 lors des trois échanges qui ont suivi, à savoir :

–        la lettre de Transgaz à Bulgargaz du 21 novembre 2013, dans laquelle elle a répété que, dès lors que la question de la validité de l’accord de 2005 au regard du règlement no 1775/2005 avait été soulevée dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie, elle était prête à soumettre à la Commission, pour approbation, la proposition de garantie d’une capacité minimale ; elle souhaitait, pour cela, obtenir de Bulgargaz ou des autorités bulgares les informations étayant l’importance de l’accord de 2005 pour la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie ;

–        la réunion qui s’est tenue le 9 décembre 2013 entre Bulgargaz, Transgaz et les autorités régulatrices et gouvernementales de la République de Bulgarie et de la Roumanie aux fins de s’accorder sur une approche commune à présenter à la Commission, dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie, concernant l’accord de 2005, en avançant, comme solution de compromis, la proposition de garantie d’une capacité minimale ;

–        la lettre de Transgaz du 13 janvier 2014, en réponse à une lettre de Bulgargaz du 14 décembre 2013, dans laquelle elle soulignait que le droit de l’Union et les ordonnances publiées par le régulateur roumain en 2012 exigeaient que toute la capacité sur le gazoduc roumain 1 soit offerte au marché et attribuée de manière transparente, à travers un système de ventes aux enchères ; toutefois, compte tenu des circonstances liées à la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie ainsi que de l’étroite coopération entre la République de Bulgarie et la Roumanie, Transgaz acceptait, notamment, la solution d’offrir au marché uniquement les capacités inutilisées par Bulgargaz ; elle ajoutait que cette solution de compromis pourrait uniquement être appliquée une fois que la proposition de garantie d’une capacité minimale aurait été approuvée par la Commission et qu’il y aurait lieu de commencer à discuter de la modification de l’accord de 2005 seulement à ce moment-là.

526    Enfin, il ressort notamment des lettres de Transgaz à Bulgargaz des 13 janvier 2014 et 20 janvier 2016 que, pendant cette période de deux ans, la partie roumaine a effectivement soumis à la Commission, pour approbation, la proposition de garantie d’une capacité minimale négociée avec la partie bulgare, de sorte que la Commission elle-même a été impliquée dans le processus de renégociation de l’accord de 2005, à l’initiative de la partie roumaine.

527    En revanche, les requérantes n’ont pris part ni directement ni indirectement aux discussions avec la Commission et n’ont pas été tenues informées par la partie roumaine, durant la période infractionnelle, de la teneur ni de l’issue de ces discussions. En atteste la lettre que Bulgargaz a envoyée à Transgaz le 1er décembre 2015, soulignant qu’encore à cette date, à savoir onze mois après la fin de la période infractionnelle, Transgaz ne l’avait toujours pas informée d’une réponse de la Commission à la proposition de modification de l’accord de 2005, qu’elle s’était engagée à consulter en octobre 2013. Transgaz a répondu, le 20 janvier 2016, que la Commission avait finalement refusé la proposition susvisée.

528    Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le deuxième argument des requérantes, tiré du fait que la renégociation de l’accord de 2005 avait notamnent pour objet de répondre aux préoccupations de la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie.

iii) Sur le caractère central de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et du rôle de Bulgargaz, en tant que fournisseur public, dans la renégociation de l’accord de 2005

529    Les requérantes soutiennent que, dans le cadre de la renégociation de l’accord de 2005, Bulgargaz a agi en qualité de fournisseur public de dernier ressort, chargé d’un service d’intérêt économique général et tenu, à ce titre, de garantir un approvisionnement en gaz dans l’ensemble de la Bulgarie. Selon elles, la proposition de garantie d’une capacité minimale par Transgaz sur le gazoduc roumain 1 à hauteur de [3-4] milliards de mètres cubes (sur une capacité totale de 7,4 milliards de mètres cubes) par an répondait aux obligations de fourniture publique incombant à Bulgargaz.

530    À cet égard, il ressort du projet de protocole d’accord que la renégociation de l’accord de 2005 devait conduire, d’une part, à la suppression de l’exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1 au profit de Bulgargaz et, d’autre part, à la modification de la redevance annuelle fixe versée à Transgaz en vertu dudit accord, afin de répondre aux préoccupations de la Commission exprimées dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie.

531    Lors de la réunion du 10 octobre 2012, Bulgargaz a avancé la proposition de garantie d’une capacité minimale à hauteur de [3-4] milliards de mètres cubes par an, tout en indiquant à Transgaz que, en contrepartie, elle était prête à libérer la capacité disponible restante [voir considérant 297, sous h), de la décision attaquée et point 468 ci-dessus].

532    Il a ensuite été convenu, lors de la réunion du 9 décembre 2013 entre Bulgargaz, Transgaz et les autorités régulatrices et gouvernementales de la République de Bulgarie et de la Roumanie, d’arrêter l’approche à adopter pour demander à la Commission d’approuver la proposition de garantie d’une capacité minimale. Les parties se sont ainsi mises d’accord sur une série d’actions pour faire avancer les négociations. Ainsi :

–        Bulgargaz devait envoyer une lettre à Transgaz détaillant sa proposition et indiquant qu’elle donnait son accord pour que la capacité sur le gazoduc roumain 1, à l’exception de celle dont elle avait demandé la réservation, soit libérée ;

–        le régulateur bulgare devait envoyer une lettre à Transgaz soutenant la modification proposée de l’accord de 2005 et indiquer les raisons justifiant la proposition de garantie d’une capacité minimale ;

–        le ministère de l’économie, de l’énergie et du tourisme bulgare devait envoyer une lettre à Transgaz exposant les raisons justifiant de préserver l’accord de 2005 jusqu’à la fin de l’année 2016.

533    À la suite de cette réunion, par sa lettre de 14 décembre 2013 visée au point 525 ci-dessus, Bulgargaz a indiqué à Transgaz qu’elle acceptait de lui restituer les capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1 à condition que le « prix du service de transit », à savoir la redevance annuelle fixe stipulée par l’accord de 2005, soit modifié. Bulgargaz proposait donc de discuter de la modification de la clause d’exclusivité prévue par l’article 17.1 de l’accord de 2005 ainsi que de la redevance annuelle fixe. Elle indiquait également que, si Transgaz acceptait sa proposition, elle serait prête à signer un accord de modification.

534    Le 13 janvier 2014, le vice-ministre de l’économie de la République de Bulgarie a envoyé à son homologue roumain une lettre exposant les raisons pour lesquelles l’accord de 2005 était important pour la sécurité de l’approvisionnement du pays en gaz (ci-après la « lettre ministérielle bulgare »), laquelle indiquait ce qui suit :

« L’approvisionnement en gaz naturel en Bulgarie est assuré principalement par des importations en provenance d’une seule source (la Fédération de Russie), le long d’une seule liaison (via les territoires de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Roumanie), sur la base de contrats à long terme. Actuellement, les sources et les routes alternatives ne sont pas encore disponibles, les interconnexions avec les réseaux de transport de gaz des pays voisins manquent dans une large mesure, alors que les capacités de stockage de gaz et surtout les taux de retraits journaliers sont insuffisants. Ces éléments déterminent les risques liés à la sécurité de l’approvisionnement, ce qui a été démontré lors [de la crise] du gaz du mois de janvier 2009 durant [laquelle] la Bulgarie était l’État membre de l’Union européenne le plus touché. La source externe unique et les contrats d’approvisionnement à long terme affectent le faible degré de libéralisation du marché de gaz du pays et déterminent le rôle important du fournisseur public [Bulgargaz].

Les calculs utilisant la formule N-1 de la norme d’infrastructure, selon l’article 6 du règlement (UE) n994/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz, montrent que, en cas de perturbation de la seule plus grande infrastructure gazière (depuis la Russie via l’Ukraine, la Moldavie et la Roumanie), la capacité de l’infrastructure restante (écoulement à rebours depuis la Grèce, augmentation de la production domestique de gaz et retrait de la station de stockage de Chiren) ne sera pas en mesure de fournir le volume de gaz requis pour satisfaire la demande totale de gaz de la Bulgarie pour un jour de demande exceptionnellement élevée de gaz, ce qui intervient statistiquement une fois tous les 20 ans […] »

535    Ainsi, la lettre ministérielle bulgare montre que la proposition de garantie d’une capacité minimale était justifiée par la très forte dépendance de la Bulgarie à l’égard du gaz en provenance de Russie pour assurer la sécurité de l’approvisionnement sur son territoire et, partant, à l’égard de l’accès au gazoduc roumain 1, qui était l’unique réseau capable d’acheminer ce gaz vers la Bulgarie.

536    La lettre que le régulateur bulgare a adressée au régulateur roumain le 16 janvier 2014 soulignait, quant à elle, que Bulgargaz était quasi intégralement dépendante, en amont, d’un seul fournisseur de gaz, à savoir Gazprom et ses filiales Overgas et Wintershall Erdgas Handelshaus Zug (ci-après « WIEE »), et que l’accord de 2005 revêtait ainsi une « importance exceptionnelle » pour la sécurité de l’approvisionnement de la République de Bulgarie.

537    Le 13 janvier 2014, Transgaz a répondu à la lettre de Bulgargaz du 14 décembre 2013 visée au point 525 ci-dessus en soulignant que le droit de l’Union et les ordonnances publiées par le régulateur roumain en 2012 exigeaient que toute la capacité sur le gazoduc roumain 1 soit offerte au marché et attribuée d’une manière transparente. Toutefois, compte tenu des circonstances liées à la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie ainsi que de l’étroite coopération entre la République de Bulgarie et la Roumanie, Transgaz acceptait la solution d’offrir au marché uniquement les capacités inutilisées par Bulgargaz, sous réserve de l’approbation de la Commission à cet égard.

538    Transgaz soulignait ainsi que la proposition de Bulgargaz de se voir réserver une partie de la capacité du gazoduc roumain 1 dérogeait, certes, au cadre réglementaire applicable, lequel imposait au GRT d’offrir aux enchères la totalité de la capacité dudit gazoduc sur le marché, mais que, eu égard à la coopération étroite de la République de Bulgarie avec la Roumanie, elle l’acceptait, car elle la considérait comme étant justifiée par la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie.

539    Il ressort des échanges mentionnés aux points 531 à 538 ci-dessus que la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et l’importance du gazoduc roumain 1 à cet égard ont été un sujet de préoccupation central dans la renégociation de l’accord de 2005, ce qui explique la forte implication des autorités bulgares dans ces discussions.

540    Le troisième argument des requérantes est donc fondé.

iv)    Conclusion sur le premier grief

541    Les éléments du dossier démontrent la forte implication des autorités gouvernementales et réglementaires roumaines et bulgares dans les discussions sur la renégociation de l’accord de 2005. Ils établissent aussi que l’intervention de ces autorités se justifiait par l’importance des enjeux de cette renégociation, lesquels ne se réduisaient pas aux seuls intérêts de Bulgargaz. Au contraire, les discussions en cause conditionnaient, d’une part, la résolution de la procédure d’infraction contre la Roumanie et, d’autre part, la sécurité de l’approvisionnement en gaz du marché bulgare.

542    Il résulte de ce qui précède que le premier grief, tiré du caractère intergouvernemental des discussions sur la renégociation de l’accord de 2005, est fondé.

2)      Sur le deuxième grief, tiré du caractère constructif du comportement des requérantes durant les négociations

543    Les requérantes font valoir que, lors des discussions concernant la renégociation de l’accord de 2005, Bulgargaz a agi de manière constructive et a accepté de modifier l’accord de 2005.

544    La Commission conteste ce grief.

545    Dans la décision attaquée, la Commission a, en substance, reproché à Bulgargaz d’avoir imposé trois conditions à Transgaz avant d’accepter de lui restituer des capacités sur le gazoduc roumain 1, sans pour autant qualifier explicitement ces conditions d’illégales, voire de déraisonnables, à savoir :

–        avoir exigé, le 6 février 2012, la fourniture de trois documents pendant la renégociation de l’accord de 2005, à savoir, premièrement, le projet de méthodologie pour l’établissement du nouveau tarif de transport du gaz (ci-après le « nouveau tarif de transport ») et pour l’attribution des capacités sur le gazoduc roumain 1, deuxièmement, le projet d’accord opérationnel et, troisièmement, le projet d’accord pour l’attribution desdites capacités [voir considérant 297, sous e), de la décision attaquée] ;

–        avoir exigé de Transgaz, le 10 octobre 2012, qu’elle lui garantisse, jusqu’à la fin de l’année 2016, une capacité sur le gazoduc roumain 1 de [3-4] milliards de mètres cubes par an et de [11-12] millions de mètres cubes par jour, soit environ la moitié de la capacité totale dudit gazoduc, avant d’accepter de lui restituer des capacités [voir considérant 297, sous h), de la décision attaquée] ;

–        ne pas avoir notifié à Transgaz, à la suite de la réunion du 10 octobre 2012, qu’elle était prête à libérer les capacités inutilisées du gazoduc roumain 1 [voir considérant 297, sous h), de la décision attaquée] et d’avoir, par sa lettre du 14 décembre 2013, conditionné la libération des capacités inutilisées à une réduction de la redevance annuelle fixe prévue par l’accord de 2005 [voir considérant 297, sous k), de ladite décision].

546    Les requérantes estiment que leur comportement était justifié sur chacun de ces points.

547    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’existence d’une position dominante ne prive une entreprise placée dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 149 et jurisprudence citée].

548    En second lieu, il convient de rappeler que la jurisprudence reconnaît également que les articles 101 et 102 TFUE ne visent que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative et, partant, absout les entreprises de leur responsabilité pour tout comportement qui leur est imposé, notamment, par une législation nationale ou par un cadre juridique créé par celle-ci, ou encore par des pressions irrésistibles exercées par les autorités nationales qui, lui-même, élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part [voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C‑359/95 P et C‑379/95 P, EU:C:1997:531, point 33, et du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte), T‑399/19, EU:T:2022:44, point 54].

549    En l’espèce, il convient de relever que, durant la période infractionnelle, Bulgargaz opérait sur les marchés bulgares de fourniture de gaz en vertu d’une licence de fourniture publique lui imposant un certain nombre d’obligations en tant qu’unique opérateur garant de la sécurité de l’approvisionnement en gaz en Bulgarie. Elle avait notamment la responsabilité de faire en sorte que l’ensemble des utilisateurs directement raccordés au réseau de transport puissent être approvisionnés en gaz de manière ininterrompue, sous peine de voir sa licence retirée par le régulateur bulgare (voir point 322 ci-dessus).

550    Les requérantes font valoir que, durant la période infractionnelle, la Bulgarie dépendait d’une seule source pour garantir ses approvisionnements en gaz, à savoir le gaz en provenance de Russie fourni, durant cette période, par Gazprom et sa filiale Overgas, et d’une seule route de transit, à savoir le gazoduc roumain 1.

551    Cette dépendance a été rappelée dans la lettre ministérielle bulgare qui, ainsi qu’il ressort des points 534 et 535 ci-dessus, a mis en exergue deux facteurs qui menaçaient la sécurité d’approvisionnement en gaz du pays. En premier lieu, le pays dépendait quasi exclusivement de l’approvisionnement en gaz en provenance de Russie, de sorte que, en l’absence d’accès au gazoduc roumain 1, la Bulgarie n’était pas en mesure de satisfaire aux exigences de l’article 6 du règlement (UE) no 994/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil (JO 2010, L 295, p. 1). En second lieu, la lettre ministérielle bulgare a souligné que la fourniture de gaz de provenance russe se faisait sur la base de contrats d’approvisionnement à long terme avec Gazprom. Ces deux facteurs affectaient le faible degré de libéralisation du marché du gaz en Bulgarie et déterminaient le rôle important du fournisseur public Bulgargaz.

552    À cet égard, le contexte de la construction du gazoduc roumain 1 mis en service en 1974 démontre la dépendance quasi totale depuis lors de la Bulgarie à l’égard du gaz en provenance de Russie et, partant, de l’accès à cette infrastructure (points 495 à 502 ci-dessus).

553    Les requérantes relèvent que, avant la préparation de l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union et, notamment, durant la période comprise entre 1991 et 1997, Bulgargaz se fournissait en gaz en provenance de Russie en vertu de contrats d’approvisionnement conclus pour de courtes périodes, à savoir d’une durée de trois mois à un an. Elles soutiennent que, en revanche, à partir du moment où la République de Bulgarie a entamé son rapprochement de l’Union, les contrats d’approvisionnement en gaz conclus par Bulgargaz avec son fournisseur Gazprom, y compris avec les filiales de ce dernier, à savoir WIEE et Overgas (ci-après, pris ensemble, les « contrats d’approvisionnement en amont avec Gazprom »), ont profondément évolué.

554    À son considérant 63, sous a), la décision attaquée indique que, durant la période infractionnelle, l’approvisionnement en gaz de Bulgargaz a été couvert par plusieurs contrats. Il ressort à cet égard du dossier qu’il s’agissait des trois contrats suivants :

–        un contrat conclu le 1er mai 1997 avec WIEE, applicable du 1er mai 1997 au 31 décembre 2012 (ci-après le « contrat d’approvisionnement avec WIEE ») ;

–        un contrat conclu le 27 avril 1998 avec Topenergy, à qui Overgas a succédé à partir du 1er août 2003 (ci-après le « contrat d’approvisionnement avec Overgas ») ; ce contrat, initialement applicable du 1er avril 1998 au 31 décembre 2010, a été prorogé en 2006 jusqu’au 31 décembre 2012 ;

–        un contrat conclu le 15 novembre 2012 avec Gazprom, applicable à partir du 1er janvier 2013 et jusqu’au 31 décembre 2022 ; la décision attaquée précise que, durant la période infractionnelle, Gazprom détenait la moitié du capital d’Overgas et, jusqu’en novembre 2012, la moitié de celui de WIEE. À partir de novembre 2012, l’intégralité de l’activité de négoce de WIEE a été transférée à Gazprom (voir notes en bas de page nos 42 et 49 de la décision attaquée).

555    Or, premièrement, les contrats d’approvisionnement en amont ont été conclus pour de longues durées, soit quinze ans et huit mois pour celui avec WIEE, quatorze ans et neuf mois pour celui avec Overgas et dix ans pour celui avec Gazprom. Les deux premiers contrats envisageaient même une négociation de leur prolongation de 18 années supplémentaires, jusqu’en 2030.

556    Deuxièmement, les contrats d’approvisionnement avec WIEE et Overgas, tous deux applicables jusqu’au 31 décembre 2012, étaient assortis d’une clause dite de « destination », en vertu de laquelle Bulgargaz s’engageait à ce que le gaz en cause soit livré et utilisé uniquement en Bulgarie. Ainsi qu’il ressort du point 7, sous a), de la version publique des engagements (Commitment Proposal) du 15 mars 2018 (affaire AT.39816 –– Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale), publiés le 24 mai 2018, Gazprom devait s’engager, notamment, à modifier son contrat avec Bulgargaz du 15 novembre 2012 pour, en substance, ne plus entraver le transport du gaz de la Bulgarie vers d’autres États membres. Cela signifie que la restriction territoriale, au sens de ces engagements, figurait encore dans le contrat d’approvisionnement entre Gazprom et Bulgargaz, tel qu’il était en vigueur au moment des négociations pour octroyer un accès à Overgas en 2013.

557    Troisièmement, les contrats d’approvisionnement en amont avec Gazprom imposaient à Bulgargaz une obligation dite « à prendre ou à payer ». En vertu de cette obligation, Bulgargaz s’engageait à accepter et à payer une quantité annuelle minimale de gaz livrée par son co-contractant et, dans l’hypothèse où elle n’aurait pas accepté de réceptionner la totalité de cette quantité annuelle minimale, elle devait tout de même payer la différence entre ladite quantité annuelle minimale et celle effectivement acceptée, et ce à un taux qui variait selon les contrats d’approvisionnement de 70 à 100 % du prix contractuel. La quantité annuelle minimale excédait 75 % de la quantité contractée.

558    Les requérantes allèguent en outre que, à tout le moins jusqu’à la fin de l’année 2012, la politique tarifaire appliquée par Gazprom, telle que reflétée à l’époque dans les contrats d’approvisionnement avec WIEE et Overgas, imposait à Bulgargaz de s’acquitter de l’un des prix les plus élevés du gaz en Europe. À partir de 2013, Gazprom lui aurait consenti une remise de 20 % environ du prix du gaz, qui était toutefois notamment subordonnée à une obligation pour la République de Bulgarie de participer à la construction du gazoduc South Stream.

559    Or, les requérantes relèvent à juste titre que, dans l’affaire Gazprom, la Commission a estimé que les conditions d’approvisionnement en gaz du marché bulgare imposées par Gazprom et ses filiales Overgas et WIEE étaient susceptibles de revêtir un caractère anticoncurrentiel.

560    À cet égard, à la suite de la présentation des engagements dans l’affaire Gazprom, la Commission, dans la décision C(2018) 3106, du 24 mai 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 [TFUE] et de l’article 54 de l’accord EEE (Affaire AT.39816 – Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale) (ci-après, la « décision Gazprom ») a conclu, à titre préliminaire, que le comportement de Gazprom concernant les conditions d’approvisionnement en gaz de la Bulgarie pendant une période couvrant à tout le moins partiellement la période infractionnelle retenue dans la décision attaquée était susceptible de constituer un abus de position dominante de Gazprom et de contribuer à l’isolement du marché bulgare du gaz, entièrement dépendant de Gazprom pour son approvisionnement (voir considérants 100, 101, 111, 141, 162, 167, 171 à 173 et 180 de la décision Gazprom).

561    La Commission a en particulier retenu, à titre préliminaire, que :

–        Gazprom occupait une position dominante sur le marché de l’approvisionnement en gros en gaz en amont en Bulgarie du fait, notamment, de la détention, entre 2004 et 2013, d’une part de marché estimée entre 80 et 100 % et de contrats à long terme qui, couplés à l’obligation « à prendre ou à payer » qu’ils imposaient, ôtaient toute possibilité aux fournisseurs de gaz concurrents d’entrer sur le marché pendant la durée d’exécution desdits contrats (voir considérants 34 à 36 de la décision Gazprom) ;

–        dans ses contrats d’approvisionnement, y compris le contrat d’approvisionnement conclu avec Bulgargaz, Gazprom avait imposé des restrictions territoriales empêchant Bulgargaz de revendre le gaz en dehors de la Bulgarie ; ces restrictions territoriales étaient couplées à des obligations « à prendre ou à payer », qui correspondaient souvent à la demande nationale ; la stratégie globale de Gazprom de cloisonnement des marchés gaziers d’Europe centrale et orientale avait conduit à une quasi absence de ventes transfrontières de gaz ; cette stratégie avait aussi permis à Gazprom d’imposer en Bulgarie des prix d’approvisionnement en gaz significativement plus élevés que les prix concurrentiels appliqués en Europe occidentale et susceptibles, eux aussi, de relever d’un abus de position dominante (voir considérants 32, 37 à 40, 42, 43, 53, 54, 62, 63, 69, 73 à 79 et 160 de la décision Gazprom) [arrêt du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte), T‑399/19, EU:T:2022:44, point 5] ;

–        ces pratiques avaient notamment empêché le recours, par la Bulgarie, à des sources alternatives d’approvisionnement et le développement d’infrastructures gazières alternatives nécessaires à un approvisionnement diversifié du pays (voir considérants 99, 100, 168 et 169 de la décision Gazprom).

562    La Commission a ainsi préliminairement conclu que les pratiques de Gazprom, en tant qu’entreprise dominante sur le marché de l’approvisionnement en gros en gaz en amont en Bulgarie, telles que visées aux points 560 et 561 ci-dessus et reflétées dans des contrats d’approvisionnement à long terme, avaient renforcé la dépendance de la Bulgarie à l’égard du gaz fourni par cet opérateur et, partant, à l’égard du gazoduc roumain 1, seule infrastructure disponible pour acheminer ce gaz dans cet État membre.

563    En outre, selon la Commission, le pouvoir de marché supposé de Gazprom se serait notamment illustré par l’imposition à Bulgargaz de restrictions territoriales et de prix excessifs dans les contrats d’approvisionnement successifs conclus avec WIEE, Overgas et Gazprom, susceptibles de constituer un abus de position dominante.

564    Or, le fait que de telles pratiques émanant d’une entreprise en position dominante soient susceptibles d’enfreindre l’article 102 TFUE signifie nécessairement que Bulgargaz ne détenait pas de puissance d’achat compensatrice suffisante pour s’opposer à de tels comportements de la part de son fournisseur.

565    D’ailleurs, le contexte historique rappelé aux points 495 à 502 ci-dessus explique que, encore pendant la période infractionnelle, Bulgargaz dépendait quasi entièrement de Gazprom et de ses filiales Overgas et WIEE pour pouvoir approvisionner le marché bulgare en gaz et, partant, de l’accès au gazoduc roumain 1, seule voie d’acheminement de ce gaz jusqu’en Bulgarie depuis plusieurs décennies.

566    Il importe à cet égard de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission a elle-même reconnu que :

–        durant la période infractionnelle, la production domestique de gaz en Bulgarie, dont l’essentiel était certes vendu à Bulgargaz, représentait des quantités négligeables ; cette production domestique ne représentait, en effet, que 2 % de la consommation bulgare en 2010 et avait atteint 11 % de la consommation bulgare en 2012, avant de retomber à 6,5 % en 2014 (voir considérants 47, 62 et 66 de ladite décision) ; la Commission en a conclu que la Bulgarie était dépendante des importations de gaz pour satisfaire sa demande intérieure (voir considérant 263 de la décision attaquée) ;

–        à tout le moins jusqu’en avril 2016, soit plus d’un an après la fin de la période infractionnelle, le gazoduc roumain 1 constituait la seule route viable pour acheminer du gaz en Bulgarie et approvisionner la plupart des régions du pays (voir considérants 51, 59, 73 et 295 et notes en bas de page nos 406 et 629 de ladite décision).

567    La décision attaquée confirme ainsi la double dépendance de la Bulgarie pour son approvisionnement en gaz à l’égard du gaz fourni par Gazprom et ses filiales Overgas et WIEE durant la période infractionnelle et, partant, à l’égard de l’accès au gazoduc roumain 1, qui était mise en exergue par la lettre ministérielle bulgare pour souligner l’importance de Bulgargaz en tant que fournisseur public (voir point 534 ci-dessus) que les requérantes invoquent dans le cadre de l’examen de leur comportement pendant la renégociation de l’accord de 2005 et, notamment, dans le cadre de leur deuxième grief, portant sur les trois conditions imposées à Transgaz avant d’accepter de lui restituer de la capacité sur le gazoduc roumain 1.

568    Les requérantes font valoir que, lorsqu’elle a pris part aux discussions sur la renégociation de l’accord de 2005, Bulgargaz a agi en sa qualité de fournisseur public de dernier ressort, chargé d’un service d’intérêt économique général et obligé, à ce titre, de garantir un approvisionnement en gaz pour la Bulgarie entière. Aussi, les points de vue qu’elle aurait exprimés pendant ces négociations et les conditions que la Commission lui a reproché, dans la décision attaquée, d’imposer à Transgaz auraient concerné principalement la sécurité de l’approvisionnement en gaz de ce pays. Par conséquent, Bulgargaz ne pourrait se voir imputer la responsabilité de ces discussions.

569    À ce titre, il ressort des dispositions pertinentes de la loi bulgare sur l’énergie et des termes de la licence de Bulgargaz que, durant la période infractionnelle :

–        cette dernière était chargée d’un service d’intérêt général lui imposant d’approvisionner de manière ininterrompue en gaz les marchés bulgares et, notamment, celui de la vente en gros ainsi que des clients finals directement raccordés au réseau de transport, à des prix réglementés, et qu’il ne lui était pas permis de refuser l’approvisionnement, sauf pour des motifs expressément prévus par la loi (voir article 51, paragraphe 2, point 1, et article 178b de la loi bulgare sur l’énergie, paragraphe 1, point 66b, des dispositions complémentaires de ladite loi, paragraphe 3.1 de la licence de Bulgargaz et point 322 ci-dessus) ;

–        elle était l’opérateur détenant la seule licence pour la fourniture publique de gaz en Bulgarie et était contrainte, à ce titre, de garantir l’approvisionnement ininterrompu en gaz du territoire bulgare (voir article 43, paragraphe 3, de la loi bulgare sur l’énergie et article 2.2 de la licence de Bulgargaz) ;

–        à ce titre, Bulgargaz avait l’obligation, en amont, de contracter, auprès d’entreprises productrices de gaz et de négociants, les volumes de gaz nécessaires pour couvrir la consommation des utilisateurs directement connectés au réseau de transport et les volumes convenus pour lui permettre de respecter ses obligations de fournisseur public (voir article 2.5.1 de sa licence) ;

–        elle avait en outre l’obligation, en aval, d’assurer un approvisionnement ininterrompu et de qualité en gaz sur le territoire bulgare (voir articles 3.1.1 et 3.3.3 de sa licence) ; pour ce faire, elle était tenue de maintenir des relations avec les autres entreprises énergétiques lui permettant de remplir cette obligation [voir article 3.1.1, sous b), de sa licence] ; en particulier, il lui était spécifiquement demandé de collaborer et de maintenir des relations continues avec les entreprises de transport de gaz pour pouvoir garantir un tel approvisionnement ininterrompu et de qualité aux utilisateurs directement connectés au réseau de transport (voir articles 3.1.2 et 3.1.3 de sa licence) ;

–        elle n’avait pas le pouvoir de refuser de conclure un contrat de fourniture de gaz avec les utilisateurs directement connectés au réseau de transport (voir article 3.4.3 de sa licence) ;

–        elle devait présenter pour approbation au régulateur bulgare un plan d’affaires, couvrant une période minimale de cinq années, détaillant les conditions et les mesures à prendre pour garantir un approvisionnement ininterrompu, efficace et de qualité des quantités requises de gaz (voir article 3.6.1 et article 3.6.2, premier tiret, de sa licence) ; une fois approuvé, le plan d’affaires faisait partie des termes et des conditions de la licence de Bulgargaz et revêtait donc un caractère contraignant pour cette dernière (voir articles 3.6.5, 3.6.7 et 3.13 de sa licence), ce que confirme également la décision du régulateur bulgare ;

–        Bulgargaz devait enfin conduire ses activités sous licence en application de prix réglementés préalablement approuvés par le régulateur bulgare (voir article 3.9.1 de sa licence), ce que confirme également la décision du régulateur bulgare.

570    Il importe également de rappeler que les exigences imposées par la licence de Bulgargaz revêtaient un caractère contraignant pour cette dernière (voir article 40, paragraphe 1, et article 45, point 8, de la loi bulgare sur l’énergie). À ce titre, le régulateur bulgare était tenu de lui retirer sa licence si elle ne respectait pas les obligations imposées par ladite licence (voir article 59, paragraphe 1, point 2, de la loi bulgare sur l’énergie) ou son obligation de garantir aux clients la fiabilité de l’approvisionnement ininterrompu et de qualité en gaz (voir article 59, paragraphe 1, point 1, article 69 et article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, point 1, de la loi bulgare sur l’énergie).

571    Il résulte de ce qui précède que le comportement de Bulgargaz sur le marché était significativement contraint par un ensemble d’obligations que lui imposait la puissance publique bulgare au titre de son statut d’unique fournisseur public en Bulgarie.

572    À cet égard, il convient de rappeler que l’exception dite « de l’action étatique » permet d’exclure un comportement anticoncurrentiel du champ d’application des articles 101 et 102 TFUE et, partant, d’absoudre des entreprises de leur responsabilité pour ce comportement lorsque ce dernier leur est imposé par une législation nationale, par un cadre juridique créé par cette législation ou encore par des pressions irrésistibles exercées par les autorités nationales [voir arrêt du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte), T‑399/19, EU:T:2022:44, point 54 et jurisprudence citée].

573    En outre, le règlement no 994/2010, en vigueur au moment des faits, qui était invoqué dans la lettre ministérielle bulgare (voir point 551 ci-dessus), comportait notamment les dispositions qui suivent :

–        l’article 3, paragraphe 1, en vertu duquel la sécurité de l’approvisionnement en gaz était une responsabilité partagée des entreprises de gaz naturel, des États membres, notamment de leurs autorités compétentes, et de la Commission, qui exigeait un niveau élevé de coopération entre ces différents acteurs ;

–        l’article 5, paragraphe 1, sous d), selon lequel les autorités compétentes des États membres devaient prendre des mesures préventives pour assurer la sécurité de leur approvisionnement, de manière à permettre de « maintenir l’approvisionnement en gaz de tous les clients dans toute la mesure du possible » ;

–        l’article 6, paragraphe 1, selon lequel les États membres devaient veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises pour que, le 3 décembre 2014 au plus tard, dans le cas d’une défaillance de la plus grande infrastructure gazière, la capacité des infrastructures restantes, déterminée selon une formule N-1, soit en mesure, en substance, de satisfaire à la demande totale de gaz pendant une journée de demande exceptionnellement élevée, journée survenant avec une probabilité statistique d’une fois tous les 20 ans ;

–        le point 1 de l’annexe I, selon lequel les infrastructures gazières visées à l’article 6 comprenaient le réseau de transport de gaz, y compris les interconnexions, les installations de production, les installations GNL et les installations de stockage.

574    Selon la lettre ministérielle bulgare, en cas de perturbation du gazoduc roumain 1, la Bulgarie n’était pas en mesure de satisfaire aux exigences de l’article 6 du règlement no 994/2010, du fait de la faiblesse des sources alternatives d’approvisionnement en gaz, notamment de la production domestique de gaz bulgare. De même, les routes alternatives au gazoduc roumain 1 n’étaient pas disponibles, car les interconnexions avec les réseaux de transport de gaz des pays voisins manquaient dans une large mesure et les capacités de stockage de gaz ainsi que les taux de retraits journaliers étaient insuffisants (voir point 551 ci-dessus).

575    Ainsi, pour les autorités bulgares, le gazoduc roumain 1, seule infrastructure gazière permettant l’acheminement du gaz russe vers la Bulgarie, était essentiel pour assurer la fourniture publique en gaz. En effet, selon elles, la capacité de l’infrastructure restante, qui consistait, en substance, en l’écoulement à rebours depuis la Grèce, l’augmentation de la production domestique de gaz et le retrait de la station de stockage de Chiren, ne serait pas en mesure de fournir le volume de gaz requis pour satisfaire la demande totale de gaz de la Bulgarie pendant une journée de demande exceptionnellement élevée de gaz. Or, il s’agissait d’une exigence non seulement pratique, mais aussi légale, imposée par l’article 6 du règlement no 994/2010.

576    Dès lors, pour les autorités bulgares, la sécurité d’approvisionnement en gaz de la Bulgarie dépendait largement de la capacité de Bulgargaz à honorer ses obligations de fourniture publique sur les marchés bulgares de fourniture de gaz grâce, notamment, à un accès suffisant au gazoduc roumain 1 pour y faire acheminer les volumes de gaz contractés, en amont, auprès de Gazprom.

577    Cette dépendance s’explique par le fait que, d’une part, Bulgargaz et, partant, les clients de cette dernière sur les marchés bulgares de fourniture de gaz dépendaient de Gazprom pour obtenir du gaz et, d’autre part, le gazoduc roumain 1 était l’unique voie pour transporter ce gaz vers ces marchés.

578    Or, soumis à la contrainte des obligations légales de fourniture publique rappelées au point 322 ci-dessus, le comportement de Bulgargaz était aussi significativement contraint par les conditions qui lui étaient imposées par les contrats d’approvisionnement conclus en amont avec Gazprom sur une longue durée, dont la Commission avait conclu, à titre préliminaire, qu’elles étaient, en substance, anticoncurrentielles (voir point 562 ci-dessus).

579    Ainsi, d’une part, en application des contrats d’approvisionnement en amont avec Gazprom, Bulgargaz avait dû s’engager à réceptionner la quasi-totalité des quantités de gaz contractées chaque année auprès de ces fournisseurs, même si les besoins de sa clientèle venaient à diminuer. En outre, si Bulgargaz refusait d’en réceptionner une partie, elle devait tout de même s’acquitter de la quasi-totalité du prix contractuel, en application de la clause « à prendre ou à payer ». Or, concomitamment, il lui était interdit de revendre le gaz qui lui était livré en surplus en dehors de la Bulgarie, en vertu de la clause dite de « destination » stipulée dans les contrats d’approvisionnement avec Overgas et WIEE.

580    D’autre part, il ressort de la décision Gazprom que le prix contractuel imposé à Bulgargaz dans lesdits contrats d’approvisionnement était susceptible de revêtir un caractère excessivement élevé et, à ce titre, abusif.

581    Or, du fait de son statut de fournisseur public, Bulgargaz devait revendre le gaz acquis auprès de Gazprom et de ses filiales sur les marchés bulgares de fourniture de gaz à un prix réglementé.

582    Ainsi, durant la période infractionnelle, le comportement de Bulgargaz était légalement contraint par son statut de fournisseur public. Ce statut lui imposait d’assurer la sécurité de l’approvisionnement sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. En outre, Bulgargaz était directement exposée en amont, pour garantir cet approvisionnement, à la dépendance à Gazprom, opérant notamment par le biais de sa filiale Overgas. Or, cet opérateur était à l’époque soupçonné par la Commission de pratiques anticoncurrentielles sur le marché d’approvisionnement en amont, sur lequel Bulgargaz n’avait d’autre choix que de s’approvisionner en gaz, puisque les alternatives à Gazprom n’existaient pas.

583    Il résulte de ce qui précède que, durant la période infractionnelle, la renégociation de l’accord de 2005 en vue de mettre fin à l’exclusivité de Bulgargaz sur le gazoduc roumain 1 était directement liée à la question de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie. Cette question ressortait à la fois de la responsabilité de Bulgargaz, en tant que fournisseur public investi de l’obligation d’approvisionner ses clients sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, et de la responsabilité de l’État bulgare, au titre du règlement no 994/2010.

584    Il y a lieu encore de relever que l’annexe IV du règlement no 994/2010 encourageait une coopération régionale, notamment entre la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie, pour renforcer leur sécurité individuelle et collective en matière d’approvisionnement en gaz. Ladite annexe IV, à son dernier alinéa, soulignait l’importance de cette coopération interétatique concernant les systèmes isolés constituant des « îlots gaziers » pour développer notamment les interconnexions.

585    Cette coopération interétatique était d’autant plus importante qu’à la lumière de l’évaluation préliminaire des pratiques de Gazprom relatives au marché gazier bulgare ressortant de la décision Gazprom, la Bulgarie constituait un marché gazier isolé des marchés voisins.

586    L’isolement du marché gazier bulgare, que la Commission avait elle-même constaté dans la décision Gazprom, explique la raison pour laquelle, même après la période infractionnelle, la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie restait une préoccupation centrale de Bulgargaz dans les échanges sur l’accord de 2005. C’est ce que montre la lettre de Bulgargaz du 2 février 2016, par laquelle elle a proposé à Transgaz de discuter de la résiliation anticipée de l’accord de 2005, tout en soulignant la nécessité de tenir compte de ses exigences pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz de ses clients.

587    C’est dans ce contexte qu’il faut analyser le deuxième grief, portant sur les trois conditions que Bulgargaz a imposées à Transgaz pendant la renégociation de l’accord de 2005 avant d’accepter de lui restituer de la capacité sur le gazoduc roumain 1.

i)      Sur la première condition : la demande de plusieurs documents

588    Les requérantes font valoir que le « camp bulgare » demandait que, avant la modification de l’accord de 2005, Transgaz définisse une méthodologie pour l’établissement du nouveau tarif de transport et une méthodologie pour l’attribution de capacités sur le gazoduc roumain 1 (ci-après, prises ensemble, les « méthodologies »), sur la base desquelles Bulgargaz serait capable d’acheter de la capacité en dehors dudit accord, une fois ce dernier résilié ou amendé. Elles se fondent, à cet égard, sur une lettre que le régulateur bulgare a adressée au régulateur roumain le 16 janvier 2014. Elles estiment cette demande d’autant plus légitime que, dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie, la Commission reprochait précisément à cet État membre l’absence de règles à ce sujet.

589    Dans la décision attaquée, la Commission a reproché à Bulgargaz d’avoir exigé, le 6 février 2012, la fourniture des méthodologies, de l’accord opérationnel et du projet d’accord sur l’attribution des capacités pour accepter de modifier l’accord de 2005 [voir considérant 297, sous e)].

590    À cet égard, le projet de protocole d’accord stipulait que :

–        avant d’amender l’accord de 2005, le régulateur roumain devait, d’abord, élaborer des projets détaillant les méthodologies, ces projets devant ensuite être transmis à Bulgargaz avant leur publication et aussi faire l’objet d’une consultation publique avant d’être approuvés par le régulateur roumain (voir point 2 du projet de protocole d’accord) ;

–        l’accord opérationnel et l’accord d’attribution des capacités pour l’interconnexion au point de sortie du gazoduc roumain 1 à la frontière roumano-bulgare, Negru Vodă 1, devaient être rédigés conformément aux méthodologies et aux procédures approuvées par le régulateur roumain (voir point 3 du projet de protocole d’accord) ;

–        tous les efforts devaient être déployés par Transgaz et Bulgargaz pour amender l’accord de 2005 avant le 25 février 2012 et faire en sorte que cet accord ainsi amendé soit compatible avec le droit de l’Union (voir point 4 du projet de protocole d’accord).

591    Il ressort ainsi du projet de protocole d’accord que :

–        les discussions devant s’ouvrir entre Transgaz et Bulgargaz visaient la modification, et non la résiliation, de l’accord de 2005 et, partant, l’objet n’était pas de supprimer toute réservation de capacité sur le gazoduc roumain 1 au profit de Bulgargaz ;

–        une fois qu’il serait mis fin à l’exclusivité contractuelle consentie à Bulgargaz en application de l’accord de 2005, le mécanisme d’attribution des capacités et le nouveau tarif de transport ayant vocation à s’appliquer aux capacités du gazoduc roumain 1 offertes par Transgaz sur le marché primaire feraient partie des sujets de la renégociation dudit accord ; il en irait de même du projet d’accord opérationnel et du projet d’accord pour l’attribution des capacités.

592    Dans sa lettre du 6 février 2012 à Transgaz, Bulgargaz a d’abord exprimé son soutien pour amender l’accord de 2005 et pour que cet amendement constitue la base de leur future coopération pour le transport de gaz en Roumanie à destination des clients bulgares. Elle a toutefois considéré que la date de signature de cet amendement proposée dans le projet de protocole d’accord, à savoir le 25 février 2012, était irréaliste.

593    En outre, se référant à la réunion du 11 janvier 2012 et aux termes du projet de protocole d’accord, Bulgargaz demandait à obtenir les projets des méthodologies, qui devaient être approuvées par le régulateur roumain, ainsi que le projet d’accord opérationnel et le projet d’accord d’attribution desdites capacités, qui devaient être préparés conformément aux méthodologies ainsi approuvées.

594    Il ressort donc de la lettre du 6 février 2012 que Bulgargaz demandait simplement à pouvoir analyser, avant de signer tout amendement à l’accord de 2005, les documents détaillant le mécanisme d’attribution de capacités qui serait introduit par le régulateur roumain à la suite de la modification éventuelle de cet accord et qui régirait la manière dont les capacités du gazoduc roumain 1, non couvertes par ledit accord amendé, seraient allouées ainsi que les éléments à partir desquels le tarif d’achat de ces capacités serait fixé.

595    Or, le fait qu’une entreprise occupant une position dominante demande, dans les premières phases d’une renégociation d’un contrat existant, que lui soient fournis les documents lui permettant de comprendre précisément les conséquences de cette renégociation n’est pas une demande déraisonnable, dans la mesure où celle-ci ne saurait être privée ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 149 et jurisprudence citée].

596    À cet égard, les requérantes soulignent à juste titre que, en s’engageant à la renégociation de l’accord de 2005, Bulgargaz et les autorités gouvernementales et réglementaires bulgares n’avaient aucune certitude quant à son issue. De fait, ledit accord n’a, finalement, pas été amendé, mais résilié. Ainsi, les requérantes expliquent que Bulgargaz avait besoin de connaître le mécanisme pour acheter des capacités sur le gazoduc roumain 1 après la cessation ou la modification de l’accord de 2005, capacités qui ne seraient pas, ou plus, couvertes par ledit accord.

597    En effet, d’une part, en cas de résiliation de l’accord de 2005, ce sont uniquement les règles prévues dans les méthodologies qui avaient vocation à régir la manière dont Bulgargaz et les autres utilisateurs potentiels du gazoduc roumain 1 pouvaient obtenir des capacités sur ledit gazoduc. D’autre part, dans l’hypothèse, non applicable en l’espèce, où l’accord de 2005 aurait été simplement modifié et où une capacité réservée aurait été maintenue à son profit, il ne pouvait être exclu que Bulgargaz soit obligée de demander des capacités supplémentaires sur le marché primaire, en application desdites méthodologies, si la capacité contractuellement réservée avait été insuffisante pour satisfaire les obligations de fourniture publique que lui imposaient sa licence.

598    Dans ces conditions, il était légitime que Bulgargaz s’enquière des conditions et du tarif selon lesquels les capacités offertes sur le marché primaire seraient attribuées par Transgaz en demandant, d’une part, les méthodologies et, d’autre part, le projet d’accord opérationnel et le projet d’accord pour l’attribution des capacités qui devaient être préparés sur la base desdites méthodologies et qui avaient vocation à régir la relation entre Transgaz et les utilisateurs du gazoduc roumain 1.

599    La demande des requérantes était, en l’espèce, d’autant plus raisonnable que Bulgargaz était soumise à une obligation de fourniture publique sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et qu’elle assumait, à ce titre, une lourde responsabilité dans la sécurité de l’approvisionnement en gaz de ces marchés, réduisant d’autant sa marge de manœuvre sur le marché.

600    La renégociation de l’accord de 2005 concernait la remise en cause de l’étendue de l’accès de Bulgargaz au gazoduc roumain 1, alors que cet accès conditionnait la capacité de cette dernière à assumer ses obligations de fourniture publique et, partant, la sécurité de l’approvisionnement des marchés bulgares de fourniture de gaz.

601    En effet, Bulgargaz était quasi intégralement dépendante, en amont, d’un seul fournisseur de gaz, à savoir Gazprom et ses filiales Overgas et WIEE, ce qu’avait notamment souligné le régulateur bulgare dans sa lettre adressée, le 16 janvier 2014, au régulateur roumain. Or, le gazoduc roumain 1 était la seule infrastructure de transit capable d’acheminer ce gaz en Bulgarie.

602    De surcroît, la Commission elle-même soupçonnait Gazprom d’imposer à Bulgargaz des conditions d’approvisionnement abusives, ce qui avait justifié les engagements pris par Gazprom, à compter de 2018, pour amender ces conditions (voir analyse du premier grief de la huitième branche ci-dessus). De ce fait, la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie était, durant la période infractionnelle, comme l’a constaté la Commission dans la décision Gazprom, menacée par l’isolement des marchés bulgares de fourniture de gaz par rapport aux marchés gaziers voisins et par les pratiques de Gazprom.

603    Dès lors, en application de la jurisprudence citée au point 595 ci-dessus, la Commission ne pouvait pas valablement reprocher aux requérantes d’avoir demandé des informations et des documents essentiels pour que Bulgargaz puisse participer à la renégociation de l’accord de 2005 en pleine connaissance des conditions applicables à l’attribution et au tarif des capacités offertes sur le marché primaire, une fois que le régulateur roumain aurait adopté les règles pertinentes à cet égard, en conformité avec le droit de l’Union.

604    En outre, la question du tarif de transport, en particulier, était vraisemblablement sensible pour Bulgargaz. En effet, durant la période infractionnelle, elle a dû s’acquitter d’un prix d’approvisionnement élevé auprès de Gazprom (voir point 561 ci-dessus) et, en application de l’article 7 de l’accord de 2005, d’une redevance fixe de [10-15] millions d’euros par an pour l’utilisation du gazoduc roumain 1, redevance qui ne dépendait pas du volume de capacité dudit gazoduc utilisé. Or, il ressort du dossier que le montant de cette redevance était, lui aussi, suffisamment substantiel pour que Transgaz concède, dans sa lettre à Bulgargaz du 28 octobre 2013, n’avoir aucun intérêt économique à mettre un terme à l’accord de 2005. Cependant, Bulgargaz ne pouvait revendre ce gaz, du fait de ses obligations de fourniture publique, à ses clients bulgares qu’à un prix réglementé (voir considérant 42 de la décision attaquée) qui, selon les requérantes, était fixé à l’un des niveaux les plus bas d’Europe, ce que la Commission ne conteste pas. En outre, les restrictions territoriales imposées par Gazprom, susceptibles selon la Commission d’être abusives, empêchaient également Bulgargaz de vendre le gaz sur des marchés en dehors de la Bulgarie.

605    Le projet de protocole d’accord fait aussi ressortir que la partie roumaine était parfaitement au courant du caractère sensible de la situation des marchés bulgares de fourniture de gaz. En effet, ce document souligne que, dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie, cet État membre avait déjà tenté, avant le 26 janvier 2012, mais en vain, d’obtenir notamment une exemption de la part de la Commission pour maintenir l’exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1 par Bulgargaz.

606    Enfin, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait exigé la résiliation de l’accord de 2005. Les pièces du dossier ne montrent pas non plus qu’elle ait eu cette exigence dans la procédure d’infraction contre la Roumanie. Il importe d’ailleurs de souligner que cette procédure a été close par la Commission le 26 février 2015, alors que, à cette date, l’accord de 2005 était toujours en vigueur. Ainsi, en n’insistant pas pour qu’il soit mis un terme à l’accord de 2005, la Commission reconnaissait le caractère sensible de la situation des marchés bulgares de fourniture de gaz. Elle l’a d’ailleurs confirmé dans la décision attaquée, d’une part, en soulignant que, durant la période infractionnelle, le groupe BEH opérait sur un marché isolé, car, pour assurer son approvisionnement en gaz, la Bulgarie dépendait quasi exclusivement des importations provenant de Gazprom (voir considérant 698 de ladite décision) et, d’autre part, en fixant la fin de la période infractionnelle avant la résiliation de l’accord de 2005.

607    Le premier argument, tiré du fait que la Commission ne pouvait pas reprocher aux requérantes d’avoir demandé la communication des méthodologies, du projet d’accord opérationnel et du projet d’accord pour l’attribution des capacités pendant la rénegociation de l’accord de 2005, est donc fondé.

ii)    Sur la deuxième condition : la proposition de garantie d’une capacité minimale sur le gazoduc roumain 1 pour Bulgargaz à hauteur de [3-4] milliards de mètres cubes par an

608    Les requérantes considèrent que la proposition de garantie d’une capacité minimale sur le gazoduc roumain 1 pour Bulgargaz était justifiée pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et lui permettre de satisfaire à ses obligations légales à cet égard, en tant que fournisseur public chargé d’un service d’intérêt économique général.

609    Dans la décision attaquée, la Commission a reproché à Bulgargaz d’avoir demandé à Transgaz, le 10 octobre 2012, de lui garantir, jusqu’à la fin de l’année 2016, une capacité de [3-4] milliards de mètres cubes par an, laquelle représentait environ [confidentiel] de la capacité totale dudit gazoduc, avant d’accepter de lui restituer des capacités [voir considérant 297, sous h), de la décision attaquée].

610    À cet égard, premièrement, il convient de relever que la proposition de garantie d’une capacité minimale pour Bulgargaz aurait conduit à la suppression de son exclusivité sur le gazoduc roumain 1, que la Commission estimait anticoncurrentielle (voir considérant 542 de la décision attaquée), en libérant environ la moitié de la capacité totale dudit gazoduc.

611    Deuxièmement, il convient de relever que Transgaz ne s’est pas opposée à la proposition de garantie d’une capacité minimale et qu’elle s’est même engagée à la soumettre à la Commission pour approbation, une telle approbation préalable étant nécessaire pour déroger à l’obligation, imposée par le cadre réglementaire applicable à Transgaz, de mettre aux enchères l’intégralité de la capacité du gazoduc roumain 1.

612    En outre, le dossier montre que Transgaz avait intérêt à accéder à la proposition de garantie d’une capacité minimale pour Bulgargaz. Dans sa lettre du 28 octobre 2013, Transgaz a en effet indiqué que les arguments susceptibles de justifier ladite proposition, qu’elle envisageait de soumettre à la Commission, ne pouvaient être apportés que par la partie bulgare, pour éviter que la Commission ne perçoive Transgaz comme étant « partiale » du fait de l’intérêt économique que cette dernière retirait du maintien de l’accord de 2005 en l’état.

613    Troisièmement, la capacité garantie demandée par Bulgargaz, équivalente à [11-12] millions de mètres cubes par jour, correspondait à celle que cette dernière utilisait pendant les pics journaliers. En effet, pendant la période allant de 2007 à 2016, l’utilisation du gazoduc roumain 1, lors des pics journaliers, oscillait de [10-20] à [10-20] millions de mètres cubes (voir note en bas de page no 372 de la décision attaquée).

614    En outre, les requérantes font valoir, sans que cela soit contesté par la Commission, que la capacité garantie demandée correspondait aux prévisions des besoins des clients de Bulgargaz au titre de l’année 2013, que celle-ci était légalement tenue de satisfaire en tant que fournisseur public.

615    Ainsi qu’il ressort de la lettre ministérielle bulgare, ce sont les autorités bulgares qui ont justifié la légitimité de la proposition de garantie d’une capacité minimale au regard, premièrement, de la sécurité d’approvisionnement en gaz de la Bulgarie, qui était menacée à l’époque, du fait de l’isolement du marché bulgare du gaz et des pratiques de Gazprom, deuxièmement, des obligations de fourniture publique qui incombaient à Bulgargaz pour garantir cette sécurité d’approvisionnement et, troisièmement, de la dépendance de cette dernière au gazoduc roumain 1 pour lui permettre de satisfaire auxdites obligations (voir point 534 ci-dessus). La lettre que le régulateur bulgare a adressée au régulateur roumain le 16 janvier 2014 le confirme.

616    Dans ce contexte, d’une part, il était légitime que, dans le cadre de la renégociation de l’accord de 2005 devant conduire à réduire l’étendue de l’accès de Bulgargaz au gazoduc roumain 1, cette dernière cherche à préserver ses intérêts commerciaux et qu’elle accomplisse, dans une mesure raisonnable, les actes qu’elle jugeait appropriés en vue de protéger ses intérêts commerciaux [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 149 et jurisprudence citée]. D’autre part, étant tenue par des obligations de fourniture publique au sens du droit bulgare, Bulgargaz était également obligée de continuer d’assumer ses obligations de fourniture publique, ce que lui permettait l’obtention d’une capacité réservée sur ledit gazoduc correspondant aux prévisions des besoins des clients qu’elle était tenue d’approvisionner. Or l’exception dite « de l’action étatique » permet précisément d’exclure un éventuel comportement anticoncurrentiel du champ d’application des articles 101 et 102 TFUE lorsque ce comportement est imposé par une législation nationale, par un cadre juridique créé par cette législation ou encore par des pressions irrésistibles exercées par les autorités nationales [voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte), T‑399/19, EU:T:2022:44, point 54 et jurisprudence citée].

617    À cet égard, il importe également de souligner que les discussions sur la demande de garantie d’une capacité minimale dans le cadre de la renégociation de l’accord de 2005 n’ont pas empêché Bulgargaz de mettre fin, à la même époque, à son exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1, dans les faits, en accordant un accès satisfaisant à Overgas, à compter du 1er janvier 2013, alors que l’accord de 2005 lui octroyant ladite exclusivité restait toujours en vigueur, de sorte que, ainsi qu’il résulte de l’analyse de la cinquième branche de ce « sous-moyen », il n’y a pas eu de refus d’accès susceptible de relever de l’article 102 TFUE à cet égard.

618    Le deuxième argument est donc fondé.

iii) Sur la troisième condition : la demande des requérantes de modifier le prix fixé en vertu de l’accord de 2005 pour refléter le niveau d’utilisation plus faible de la capacité du gazoduc roumain 1 par Bulgargaz

619    Les requérantes estiment légitime leur demande de modifier la redevance annuelle fixe stipulée dans l’accord de 2005 pour refléter le niveau de capacité réduit dont Bulgargaz disposerait sur le gazoduc roumain 1.

620    Dans la décision attaquée, la Commission a reproché aux requérantes le fait que Bulgargaz n’ait pas notifié à Transgaz qu’elle était prête à libérer les capacités inutilisées du gazoduc roumain 1 à la suite de la réunion du 10 octobre 2012 [voir considérant 297, sous h)] et le fait que, par sa lettre du 14 décembre 2013, elle ait subordonné la libération des capacités inutilisées à une réduction de la redevance annuelle fixe prévue par l’accord de 2005 [voir considérant 297, sous k)].

621    À cet égard, il ressort du compte rendu de la réunion entre Bulgargaz et Transgaz du 10 octobre 2012 que, à cette occasion, Bulgargaz s’était engagée à notifier à Transgaz son accord pour la commercialisation de la capacité du gazoduc roumain 1 excédant celle correspondant aux [3-4] milliards de mètres cubes par an, dont elle demandait la réservation.

622    Bulgargaz a expressément fait part à Transgaz de son accord à cet égard dans sa lettre du 14 décembre 2013. La Commission relève toutefois, à juste titre, que cet accord était subordonné à la modification de la redevance annuelle fixe qui était stipulée dans l’accord de 2005.

623    Or, pour pouvoir accepter la proposition de Bulgargaz d’offrir uniquement au marché la capacité que cette dernière n’utilisait pas, et non la capacité totale du gazoduc roumain 1, Transgaz devait obtenir l’autorisation préalable de la Commission, qu’elle n’a demandée qu’après le mois de janvier 2014. De plus, le montant de la redevance annuelle fixe stipulée dans l’accord de 2005 avait été convenu en contrepartie de l’usage exclusif du gazoduc roumain 1.

624    Il s’ensuit que, si Bulgargaz avait, immédiatement après la réunion du 10 octobre 2012, notifié à Transgaz qu’elle acceptait de libérer les capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1, elle aurait consenti à une modification substantielle de l’accord de 2005 sans avoir l’assurance que sa proposition de garantie d’une capacité minimale serait approuvée. Ainsi, elle se serait vu, notamment, obligée de continuer de verser à Transgaz la redevance annuelle fixe qui était la contrepartie de l’exclusivité d’accès à la capacité dudit gazoduc, tout en ayant renoncé à ladite exclusivité.

625    Or, le fait d’avoir demandé, en contrepartie de l’abandon de l’exclusivité d’utilisation du gazoduc roumain 1, un ajustement de la redevance annuelle fixe établie pour refléter la perte de cette exclusivité n’est pas, en soi, critiquable. En effet, même en tant qu’entreprise en position dominante, Bulgargaz conservait le droit, dans la mesure du raisonnable, de préserver ses propres intérêts commerciaux, qui, en l’espèce, se trouvaient menacés, au titre de la jurisprudence citée au point 547 ci-dessus.

626    En outre, la Cour a déjà jugé que le montant de la rémunération pour un service fourni sur la base d’une exclusivité peut comporter le versement d’un supplément à ce titre (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 114), de sorte qu’il ne saurait être reproché à Bulgargaz d’avoir exigé que le retrait de son exclusivité entraîne, en contrepartie, la réduction de la redevance annuelle fixe.

627    À cet égard, il convient aussi de tenir compte du fait que :

–        premièrement, Bulgargaz était assujettie aux exigences contraignantes de sa licence de fournisseur public lui imposant de s’assurer de toujours disposer des volumes de gaz suffisants pour approvisionner de manière ininterrompue les marchés bulgares de fourniture de gaz ;

–        deuxièmement, elle était pour ce faire dépendante de l’accès au gazoduc roumain 1 ;

–        troisièmement, elle payait, en amont, l’un des prix les plus élevés auprès de Gazprom, dont elle dépendait également, pour s’approvisionner en gaz ;

–        quatrièmement, en aval, les prix que Bulgargaz appliquait, en tant que fournisseur public, étaient réglementés (voir point 604 ci-dessus).

628    Ainsi, le prix de l’utilisation du gazoduc roumain 1 était d’une importance particulière pour Bulgargaz, surtout quand il ressort du dossier que, durant la période infractionnelle, elle a subi une perte de [60-80] millions d’euros sur ses ventes de gaz.

629    En outre, les éléments du dossier postérieurs à la fin de la période infractionnelle montrent que l’intérêt économique de Transgaz à maintenir la redevance annuelle fixe a perduré bien au-delà de l’acceptation de Bulgargaz de renoncer à l’exclusivité de l’utilisation du gazoduc qui en était la contrepartie. Il ressort en effet de ces éléments que, à partir du 1er décembre 2015, Bulgargaz a proposé à Transgaz de modifier l’article 17.1 de l’accord de 2005 renfermant la clause d’exclusivité ainsi que le montant de la redevance annuelle fixe stipulée à l’article 7 dudit accord, mais Transgaz n’a pas répondu à cette proposition. Puis, dès une réunion du 29 mars 2016, Bulgargaz a proposé de résilier de manière anticipée l’accord de 2005 ou de supprimer immédiatement ledit article 17.1. Dans une lettre du 4 avril 2016 à Transgaz, Bulgargaz a réitéré sa proposition de supprimer l’article 17.1 de l’accord de 2005, sans exiger en contrepartie d’ajustement du prix.

630    Toutefois, dans une lettre du 12 avril 2016, Transgaz a repoussé la proposition de supprimer l’exclusivité octroyée par l’accord de 2005, en expliquant qu’elle n’avait pas encore la possibilité technique d’offrir les capacités du gazoduc roumain 1 aux enchères. Elle a suggéré, en revanche, de prévoir la résiliation de l’accord de 2005 le 30 septembre 2016, dans l’espoir qu’elle serait prête pour lancer des enchères à cette date.

631    Il peut être déduit de ces échanges que Transgaz avait intérêt à ce que Bulgargaz continue de payer la redevance annuelle fixe tant qu’elle ne pouvait pas offrir la capacité du gazoduc roumain 1 au marché par le biais d’un processus d’enchères. Transgaz n’avait donc pas intérêt à réduire ladite redevance à proportion de la capacité de [3-4] milliards de mètres cubes de gaz par an que Bulgargaz proposait de réserver sur ledit gazoduc tant qu’elle ne pouvait pas compenser la perte de la partie de la redevance par les ventes aux enchères de capacités.

632    Partant, la Commission ne saurait reprocher à Bulgargaz d’avoir voulu s’assurer d’une réduction de la redevance qu’elle payait au titre de la clause d’exclusivité dans l’accord de 2005 avant de notifier son accord pour libérer des capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1.

633    La Commission avance, toutefois, que Transgaz avait fourni la méthodologie pour l’établissement du tarif de transport dès le 29 mars 2012 et que, dès lors, aucune raison ne justifiait que Bulgargaz continue à refuser de libérer des capacités inutilisées sur le gazoduc roumain 1 à ce stade.

634    Or, il ressort du projet de protocole d’accord que le tarif d’accès à la capacité du gazoduc constituait une information essentielle lors de la négociation de l’accord de 2005, car il aurait conditionné le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1 à la suite de la publication, par le régulateur roumain, du cadre réglementaire pour l’attribution aux enchères desdites capacités.

635    À cet égard, la méthodologie d’allocation des capacités prévoyait, à son article 3, que le régulateur roumain devait approuver le « tarif d’ouverture des offres » fixé par Transgaz. En vertu de la méthodologie d’allocation des capacités, c’est sur le fondement de ce tarif d’ouverture que les offres des candidats à l’accès aux capacités du gazoduc roumain 1 devaient être élaborées et soumises dans le cadre du processus de mise aux enchères desdites capacités, sur la base duquel Transgaz devait allouer ces dernières aux différents candidats. Selon l’article 6, paragraphe 3, et l’article 7, sous d), de la méthodologie d’allocation des capacités, aucune offre inférieure à ce tarif d’ouverture ne pouvait être acceptée.

636    Toutefois, aucun élément du dossier ne précise la manière dont le nouveau tarif de transport et, en particulier, les différents niveaux de tarif et le nombre de ceux-ci, visés à l’article 7 de la méthodologie d’allocation des capacités, seraient fixés.

637    Or, le nouveau prix que Bulgargaz voulait négocier concernait un volume de capacité du gazoduc roumain 1 qui lui serait réservé, en vertu de l’accord de 2005 révisé, et qui, logiquement, devait échapper au mécanisme d’enchères susvisé et donc, potentiellement, au tarif approuvé par le régulateur roumain.

638    D’ailleurs, dans sa lettre du 14 décembre 2013, Bulgargaz insistait pour que la libération des capacités inutilisées au profit des tiers et l’amendement de l’article 17.1 de l’accord de 2005 en ce sens s’accompagnent d’une « modification du prix du service de transport, conformément à [l’accord de 2005] en vigueur », et Transgaz a accepté de transmettre cette proposition pour approbation préalable à la Commission.

639    Il ressort ainsi clairement du contexte des échanges entre Transgaz et Bulgargaz que les parties se référaient, nécessairement, à une renégociation de la redevance annuelle fixe établie par l’accord de 2005 qui n’avait pas de lien avec le nouveau tarif de transport établi par le régulateur roumain.

640    Pour autant, ledit tarif constituait aussi un élément d’information essentiel pour Bulgargaz afin de prévoir les conditions dans lesquelles la capacité du gazoduc roumain 1 libérée, à la suite de la modification de l’accord de 2005, serait offerte sur le marché primaire. En effet, du fait de ses obligations de fourniture publique, Bulgargaz pouvait potentiellement être contrainte de demander l’accès à cette capacité selon les modalités prévues par le régulateur roumain.

641    Si, dans sa réponse du 13 janvier 2014 à la lettre du 14 décembre 2013, Transgaz a souligné que le droit de l’Union et les ordonnances publiées par le régulateur roumain en 2012 exigeaient que toute la capacité sur le gazoduc roumain 1 soit offerte au marché et attribuée d’une manière transparente, à travers un système de ventes aux enchères, elle a néanmoins accepté, compte tenu des circonstances liées à la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie ainsi que de l’étroite coopération entre la République de Bulgarie et la Roumanie, de soumettre à la Commission, pour approbation, la proposition de Bulgargaz de se voir réserver un volume de capacité sur le gazoduc roumain 1.

642    Par ailleurs, il convient de relever dans ce contexte que, malgré l’indication, dans la lettre de Transgaz du 13 janvier 2014, que toute la capacité sur le gazoduc roumain 1 devait être offerte au marché et attribuée d’une manière transparente, à travers un système de ventes aux enchères, selon l’ordonnance du régulateur roumain publiée le 11 juillet 2012, seule la capacité « disponible » sur ledit gazoduc devait être mise aux enchères, ce qui constitue une indication contextuelle du fait que même le régulateur roumain prévoyait la possibilité d’une dérogation au droit de l’Union.

643    Le troisième argument, tiré de la légitimité de la demande de Bulgargaz de modifier le prix stipulé dans l’accord de 2005 en contrepartie de la renonciation à l’exclusivité, est donc fondé.

iv)    Conclusion sur le deuxième grief

644    Il résulte de l’analyse précédente que les conditions que Bulgargaz a imposées, au cours de la renégociation de l’accord de 2005, avant d’accepter la modification dudit accord constituaient non pas une violation de l’article 102 TFUE, mais, plutôt, des mesures raisonnables visant à protéger ses intérêts commerciaux, qui se trouvaient menacés à double titre.

645    D’une part, la renégociation de l’accord de 2005 faisait peser sur Bulgargaz le risque de ne plus avoir suffisamment de capacités disponibles sur le gazoduc roumain 1 pour pouvoir continuer d’assumer ses obligations de fourniture publique issues du droit bulgare et, partant, la sécurité d’approvisionnement en gaz de la Bulgarie. Il était donc légitime et raisonnable qu’elle tente de négocier le maintien d’une garantie de capacité minimale reflétant ses besoins en tant que fournisseur public, sous peine, le cas échéant, de perdre sa licence de fournisseur public.

646    D’autre part, la renégociation de l’accord de 2005 était susceptible de bouleverser l’équilibre financier dudit accord et, partant, de l’accès de Bulgargaz au gazoduc roumain 1. Cette dernière risquait en effet de devoir continuer de verser à Transgaz une redevance annuelle fixe ne correspondant plus aux conditions d’utilisation du gazoduc roumain 1 pour lesquelles cette redevance avait été initialement fixée, puisqu’elle était appelée à perdre l’exclusivité d’utilisation dudit gazoduc, qui avait justifié le montant substantiel de ladite redevance stipulée dans l’accord de 2005. Or, compte tenu du prix excessif que Bulgargaz devait payer en amont à Gazprom pour s’approvisionner en gaz et des prix réglementés auxquels elle fournissait ses clients en aval, prix amont et prix aval qu’elle ne maîtrisait donc pas, la renégociation à la baisse de ladite redevance conditionnait sa capacité à pouvoir concurrencer les nouveaux entrants, tels qu’Overgas, non soumis à de telles contraintes tarifaires, sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

647    Au demeurant, il convient de rappeler que les discussions sur la renégociation de l’accord de 2005 n’ont pas empêché Bulgargaz d’octroyer un accès satisfaisant au gazoduc roumain 1 dès la réception d’une demande à cet égard de la part d’Overgas, à compter du 1er janvier 2013 (voir cinquième branche ci-dessus).

648    C’est donc à tort que la Commission s’est appuyée sur les conditions que Bulgargaz a imposées, au cours de la renégociation de l’accord de 2005, avant d’accepter la modification dudit l’accord afin d’imputer à Bulgargaz un refus de fourniture.

649    Il convient donc d’accueillir le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, tiré de l’absence de responsabilité des requérantes concernant la durée des négociations

650    Les requérantes considèrent, en substance, que la durée de la renégociation de l’accord de 2005 n’est pas imputable à Bulgargaz. Ce serait la partie roumaine qui en porterait la responsabilité, notamment, car, au cours de la renégociation dudit accord, celle-ci était chargée de soumettre à la Commission la proposition de garantie d’une capacité minimale réservée.

651    La Commission conteste ce grief.

652    À cet égard, il convient de relever que la durée de la renégociation de l’accord de 2005 constitue un indice invoqué par la Commission pour démontrer l’existence de la stratégie anticoncurrentielle qu’elle retient à l’encontre des requérantes [voir considérant 397, considérant 454, sous b), et considérants 467, 548, 563 et 575 de la décision attaquée]. Ces négociations se sont d’ailleurs prolongées un an et demi après la fin de la période infractionnelle, jusqu’en juin 2016, lorsque les deux parties à l’accord de 2005 sont convenues de résilier ce dernier avec effet au 30 septembre 2016, soit un an et neuf mois après la fin de la période infractionnelle.

653    Il ressort des points 513 à 527 ci-dessus ainsi que du considérant 297 de la décision attaquée que, au cours des discussions sur la renégociation de l’accord de 2005 pendant la période infractionnelle, il y a eu trois longues périodes durant lesquelles les requérantes n’ont pas échangé ou ne se sont pas réunies avec Transgaz :

–        la première, de plus de six mois, entre le 29 mars et le 10 octobre 2012 ;

–        la deuxième, de plus d’un an, entre le 11 octobre 2012 et le 28 octobre 2013 ;

–        la troisième, de presque un an, entre le 13 janvier 2014 et le 1er janvier 2015.

i)      Sur la première période

654    La première période durant laquelle il ne ressort pas du dossier qu’il y ait eu des réunions ou des échanges de correspondance entre les requérantes et Transgaz s’est étendue du 29 mars au 10 octobre 2012.

655    Comme cela est évoqué succinctement au considérant 297, sous f), de la décision attaquée, par la lettre envoyée à Bulgargaz le 29 mars 2012, Transgaz a :

–        transmis le projet de mécanisme d’attribution des capacités (ce qui était convenu dans le projet de protocole d’accord, tel que décrit au point 518 ci-dessus) ; elle précisait que ledit projet avait été publié sur le site Internet du régulateur roumain et qu’il était ouvert à une consultation publique qui se terminait le 30 mars 2012, tout en invitant Bulgargaz à soumettre ses commentaires sur ce projet directement audit régulateur ;

–        indiqué que l’accord opérationnel avait déjà été envoyé à Bulgargaz, sans préciser à quelle date ;

–        indiqué que l’accord d’allocation des capacités ne serait préparé qu’après que le régulateur roumain et le régulateur bulgare auraient approuvé leurs mécanismes d’attribution respectifs ;

–        indiqué que la méthodologie pour le nouveau tarif de transport était fondée sur l’étude « Tarifs de transport du gaz. Un rapport d’analyse comparative du GREEG (C06-CWG-31-05) », sans préciser toutefois que ladite méthodologie avait été communiquée à Bulgargaz.

656    Il ressort du dossier que, par la suite, il y a eu plusieurs développements, précisément au regard des démarches déjà évoquées dans la lettre du 29 mars 2012. Ainsi :

–        la décision du président du régulateur roumain no 1732/09.07.2012 concernant le tarif pour le service de transit fourni par Transgaz par le biais du gazoduc roumain 1 a été publiée sur le site Internet du régulateur roumain le 9 juillet 2012 ;

–        la méthodologie d’allocation des capacités a été publiée le 11 juillet 2012 au Monitorul Oficial al României, partie I, no 472 du 11 juillet 2012 ;

–        ces deux documents ont été transmis à Bulgargaz et à Bulgartransgaz.

657    Certes, le développement successif lors des négociations entre les parties n’a eu lieu que lors d’une réunion du 10 octobre 2012. Toutefois, aucun élément du dossier ne permet d’établir que cet écart temporel ait été imputable au comportement des requérantes ni que, durant cette période, Transgaz ait cherché à faire avancer les discussions sur la renégociation de l’accord de 2005.

ii)    Sur la deuxième période

658    La deuxième période faisant transparaître une absence de contact entre les requérantes et Transgaz s’est écoulée entre le 11 octobre 2012 et le 28 octobre 2013.

659    Le compte rendu de la réunion du 10 octobre 2012 entre Bulgargaz et Transgaz prévoyait, comme cela est évoqué au considérant 297, sous h), de la décision attaquée, que Bulgargaz notifierait à Transgaz, si possible avant le 15 novembre 2012, qu’elle était prête à libérer les capacités sur le gazoduc roumain 1 au-delà de la capacité minimale garantie.

660    Il ressort ensuite du compte rendu de la réunion entre les autorités bulgares et roumaines du 30 octobre 2012 que la libération par Bulgargaz de la capacité restante sur le gazoduc roumain 1 aurait lieu en contrepartie de la garantie d’une capacité minimale de [3-4] milliards de mètres cubes de gaz par an.

661    Or, la proposition de Bulgargaz du 10 octobre 2012 susvisée ne pouvait pas être acceptée sans l’autorisation préalable de la Commission et les éléments du dossier montrent que ce n’est qu’un an après, lors d’une réunion qui a eu lieu au début du mois d’octobre 2013, que Transgaz a informé Bulgargaz qu’elle voulait discuter de cette proposition avec la Commission.

662    Rien dans le dossier ne permet de comprendre la raison de l’interruption d’activité entre le 11 octobre 2012 et le 28 octobre 2013 et, notamment, pourquoi il a fallu plus d’un an à Transgaz pour informer Bulgargaz qu’elle était prête à discuter de la proposition de garantie d’une capacité minimale avec la Commission, ni encore moins d’attribuer la responsabilité d’un tel retard à agir aux requérantes, d’autant que Transgaz avait fait part, le 28 octobre 2013, de son intérêt économique au maintien de l’accord de 2005 en l’état (voir point 612 ci-dessus).

663    En outre, par une lettre du 14 décembre 2013, Bulgargaz a communiqué à Transgaz son accord pour libérer les capacités sur le gazoduc roumain 1 au-delà de [3-4] milliards de mètres cubes par an. Dans sa réponse par lettre du 13 janvier 2014, Transgaz a indiqué à Bulgargaz qu’« [elle] appréci[ait] pleinement [son] soutien pour résoudre cette question dans un délai convenable ».

664    Ainsi, les éléments du dossier ne permettent pas davantage d’établir que les requérantes étaient responsables de la deuxième période d’absence de contact avec Transgaz.

iii) Sur la troisième période

665    La troisième période d’interruption des discussions portant sur la renégociation de l’accord de 2005 s’est étendue du 13 janvier 2014 au 1er janvier 2015, date de la fin de la période infractionnelle.

666    Transgaz et le gouvernement roumain s’étaient engagés, lors de la réunion qui a eu lieu au début du mois d’octobre 2013, évoquée au point 661 ci-dessus, à discuter avec la Commission de la proposition de garantie d’une capacité minimale soumise par Bulgargaz le 10 octobre 2012, puis de la proposition concrétisant cette proposition, transmise par une lettre du 14 décembre 2013, laquelle visait aussi la renégociation de la redevance annuelle fixe.

667    Puis, par la lettre du 13 janvier 2014 évoquée au point 537 ci-dessus, Transgaz a indiqué à Bulgargaz qu’elle estimait approprié d’attendre la réponse de la Commission sur la proposition de garantie d’une capacité minimale avant d’engager les discussions sur l’amendement de l’accord de 2005. Il en ressort que c’est à la demande de Transgaz que les négociations dudit accord ont été suspendues dès le 13 janvier 2014, ce qui étaye l’argument des requérantes tiré du fait que la durée des négociations résulterait du temps pris par la Roumanie pour soumettre la proposition concernant la modification dudit accord à l’approbation préalable de la Commission.

668    Or, dans une lettre du 1er décembre 2015 à Transgaz, soit près d’un an après la fin de la période infractionnelle, Bulgargaz a souligné qu’à cette date, Transgaz ne l’avait toujours pas informée d’une éventuelle réponse de la Commission sur la proposition de modification de l’accord de 2005 qu’elle s’était engagée pour la première fois à soumettre pour approbation à la Commission, près de deux ans plus tôt, en octobre 2013 (voir point 661 ci-dessus).

669    Ainsi, les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que les requérantes étaient responsables de la troisième période d’inactivité ni, partant, de la durée des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005 durant la période infractionnelle.

670    Cette conclusion est d’ailleurs confortée par les autres échanges qui ont eu lieu entre les requérantes et Transgaz après cette période.

671    Tout d’abord, les requérantes ont indiqué, sans être démenties par la Commission, que, dans une lettre du 20 novembre 2015, BEH pressait Bulgargaz de prendre toutes les mesures nécessaires pour conclure un accord avec Transgaz qui tienne compte de la position de la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie.

672    Les requérantes ont précisé qu’en réponse, le 7 décembre 2015, Bulgargaz avait informé BEH qu’elle avait, à cette fin, déjà offert en 2013 à Transgaz, d’une part, de reprendre la capacité inutilisée du gazoduc roumain 1 et, d’autre part, d’amender l’accord de 2005.

673    En effet, il ressort du dossier que, dans sa lettre du 1er décembre 2015, Bulgargaz a renouvelé à Transgaz son offre de supprimer la clause d’exclusivité, tout en indiquant qu’elle était prête à renégocier l’accord de 2005 [voir considérant 297, sous n), de la décision attaquée]. Elle a clos sa lettre, d’une part, en réitérant sa proposition de discuter des conditions pour amender l’article 17.1 de l’accord de 2005 ainsi que de l’« optimisation du prix du service de transport » du gaz en application dudit accord et, d’autre part, en répétant qu’elle était prête à signer un avenant en ce sens audit accord.

674    En outre, la lettre de Bulgargaz du 1er décembre 2015 établit que, durant les deux ans qui ont suivi les derniers échanges intergouvernementaux, matérialisés par la lettre ministérielle du 13 janvier 2014 du camp bulgare, la renégociation de l’accord de 2005 demeurait exclusivement entre les mains de la partie roumaine, qui s’était engagée à demander l’approbation de la Commission pour amender l’accord de 2005 selon la proposition de Bulgargaz d’abandonner son exclusivité sur la capacité du gazoduc roumain 1 et de n’en réserver qu’une proportion correspondant aux besoins annoncés de ses clients et, en contrepartie, de renégocier aussi la redevance annuelle fixe.

675    Or, malgré les démarches bulgares à partir, à tout le moins, du 1er décembre 2015 pour accélérer la fin des négociations, l’accord de 2005 n’a été résilié qu’un an et neuf mois après la fin de la période infractionnelle, à savoir le 30 septembre 2016, conformément à l’avenant que Bulgargaz et Transgaz avaient signé le 24 juin 2016 [voir considérant 297, sous s), de la décision attaquée].

676    Le 20 janvier 2016, Transgaz a répondu à la lettre de Bulgargaz du 1er décembre 2015 pour informer cette dernière que la Commission avait finalement refusé la proposition susvisée. Elle indiquait, dès lors, son intention d’allouer la capacité du gazoduc roumain 1 pour l’année gazière 2016/2017 par un système d’enchères, conformément au règlement no 984/2013, et proposait, pour ce faire, de résilier l’accord de 2005 avec effet au 30 septembre 2016 pour pouvoir ainsi organiser les enchères annuelles dès le mois de juillet 2016.

677    C’est donc plus d’un an après la fin de la période infractionnelle que les requérantes ont été informées que la renégociation de l’accord de 2005 devait se poursuivre sur la base de nouvelles propositions par rapport à celles discutées jusqu’alors.

678    En réponse à la lettre de Transgaz du 20 janvier 2016, mentionnée au point 676 ci-dessus, l’informant du rejet, par la Commission, de la proposition de modification de l’accord de 2005, Bulgargaz a, le 2 février 2016, proposé à Transgaz une réunion en mars 2016 pour discuter de la proposition de résiliation anticipée de l’accord de 2005 et de la nécessité de tenir compte de ses exigences pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz de ses clients. Cette correspondance montre donc que, même après la fin de la période infractionnelle, et donc après la date à laquelle la Commission a considéré que Bulgargaz avait octroyé, notamment, un accès satisfaisant au gazoduc roumain 1 aux tiers, la préoccupation des requérantes à propos de la sécurité de l’approvisionnement sur les marchés bulgares de fourniture de gaz demeurait au cœur des négociations sur l’accord de 2005 et que l’attitude de Bulgargaz sur ce sujet n’avait pas varié.

679    En dépit de ce fait, lors de la réunion qui a eu lieu le 29 mars 2016, Bulgargaz a confirmé sa proposition de résilier de manière anticipée l’accord de 2005 ou, alternativement, de supprimer immédiatement l’article 17.1 dudit accord. Elle a également fourni à Transgaz un avenant reflétant cette seconde proposition. Or, Transgaz a refusé la seconde proposition, au motif qu’elle n’avait pas encore la possibilité technique d’offrir la capacité inutilisée du gazoduc roumain 1 au marché.

680    Bulgargaz a néanmoins réitéré, dans une lettre du 4 avril 2016 à Transgaz, sa proposition de supprimer l’article 17.1 de l’accord de 2005, sans exiger en contrepartie un ajustement du prix, et a soumis, à nouveau, le projet d’avenant visé au point 679 ci-dessus, déjà discuté lors de la réunion du 29 mars 2016. Bulgargaz a également proposé, si Transgaz refusait de signer cet avenant, de ne plus appliquer cette disposition pour permettre à Transgaz de fournir librement la capacité disponible du gazoduc roumain 1 aux tiers.

681    Transgaz a, cependant, une seconde fois, repoussé la proposition de Bulgargaz, dans une lettre du 11 avril 2016. Après avoir concédé que ladite proposition était « généreuse » et « éliminait la barrière contractuelle pour garantir un accès des tiers au gazoduc roumain 1 », Transgaz a répété qu’elle n’était pas encore prête à offrir la capacité inutilisée dudit gazoduc aux tiers, en l’absence des mesures nécessaires pour se conformer au cadre réglementaire applicable. Elle a, dès lors, insisté sur la proposition qu’elle avait déjà formulée le 20 janvier 2016, à savoir la résiliation anticipée de l’accord de 2005 avec effet au 30 septembre 2016, et a, à cette occasion, fourni un projet d’avenant audit accord en ce sens. Transgaz a relevé que Bulgargaz aurait la possibilité de réserver ses capacités lors d’une mise aux enchères, en soulignant que cette solution permettrait une pleine conformité au cadre réglementaire de l’Union, à compter du 1er octobre 2016.

682    Entre mai et juin 2016, les parties à l’accord de 2005 ont finalisé le projet d’avenant et l’ont signé le 24 juin 2016. Elles y sont convenues que ledit accord prendrait fin le 30 septembre 2016, à la condition, en substance, qu’à cette date, Transgaz soit en mesure de mettre en œuvre un mécanisme transparent de mise aux enchères des capacités du gazoduc roumain 1 conforme au cadre réglementaire de l’Union.

683    Les éléments visés aux points 676 à 682 ci-dessus montrent ainsi l’empressement des requérantes à mettre fin à l’accord de 2005 dès que Transgaz les a informées du rejet, par la Commission, de leur proposition de le modifier, en se voyant réserver une partie de la capacité du gazoduc roumain 1 et en « optimisant » le montant de la redevance annuelle fixe.

684    Ils révèlent aussi, par contraste, les atermoiements de Transgaz avant qu’elle n’accepte de mettre un terme à l’exclusivité au profit de Bulgargaz, stipulée dans l’accord de 2005, ainsi que le fait que les négociations entre les parties roumaine et bulgare ont pu avoir été allongées par les discussions que la partie roumaine menait, en parallèle, avec la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction contre la Roumanie. Ils soulignent également l’état d’impréparation de Transgaz pour pouvoir allouer elle-même les capacités du gazoduc roumain 1 aux tiers, en conformité avec le cadre réglementaire applicable, même un an et demi après la fin de la période infractionnelle.

iv)    Conclusion sur le troisième grief

685    Il s’ensuit que, ainsi que le font valoir les requérantes, aucun élément du dossier ne permet d’établir que les périodes d’inactivité et partant, la durée de la renégociation de l’accord de 2005 seraient imputables à Bulgargaz.

686    En tout état de cause, à supposer même qu’il subsiste un doute quant à la responsabilité des requérantes dans la durée de la renégociation de l’accord de 2005, ce doute doit leur profiter dès lors que la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, lequel s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence susceptibles d’aboutir à l’imposition d’amendes ou d’astreintes. Dès lors, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction à ces règles (arrêt du 22 novembre 2012 E.On Energie/Commission, C-89/11 P, EU:C:2012:738, points 72 et 73; voir, également, arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 18 et jurisprudence citée).

687    Ainsi, il convient d’accueillir le troisième grief et, partant, la huitième branche.

i)      Conclusions sur le premier « sous-moyen »

688    Il résulte de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus que les seules branches du premier « sous-moyen » qu’il convient de rejeter sont la première, tirée d’une erreur de droit en ce que l’article 102 TFUE a été appliqué à une clause contractuelle convenue bilatéralement, la deuxième, tirée d’une erreur de droit en ce qu’un refus d’approvisionnement abusif a été imputé à Bulgargaz, simple utilisatrice du gazoduc roumain 1, et la quatrième, tirée d’une motivation insuffisante de la décision attaquée concernant l’inclusion dans l’infraction d’une restriction d’accès au gazoduc roumain 1 à l’encontre d’Overgas.

689    En revanche, dans la mesure où il ressort de l’analyse des autres branches que la Commission n’a pas apporté de preuves sérieuses, précises et concordantes, au sens de la jurisprudence citée au point 227 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit que les comportements reprochés à Bulgargaz concernant l’accès au gazoduc roumain 1 constituaient un refus d’accès susceptible de relever de l’article 102 TFUE, il y a lieu d’accueillir lesdites branches et, partant, le premier « sous-moyen ».

3.      Sur le deuxième « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès au réseau de transport

690    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir erronément retenu, dans la décision attaquée, que Bulgartransgaz avait adopté trois comportements abusifs concernant l’accès au réseau de transport, premièrement, en agissant de façon non transparente et en omettant de répondre à des demandes d’accès audit réseau, deuxièmement, en accablant les demandeurs d’accès à ce réseau de demandes de renseignements et, troisièmement, en interprétant délibérément mal les informations qu’elle recevait.

691    Les requérantes soulèvent, en substance, cinq branches, tirées :

–        en ce qui concerne la première branche, d’une interprétation erronée du cadre réglementaire régissant l’accès au réseau de transport ;

–        en ce qui concerne, respectivement, les deuxième et troisième branches, d’une absence de refus d’accès audit réseau opposé à Overgas et à Toplofikacia Razgrad  ;

–        en ce qui concerne la quatrième branche, d’une absence de demande d’accès de RWE à ce réseau ;

–        en ce qui concerne la cinquième branche, d’une absence d’élimination de la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

a)      Sur la première branche, tirée d’une interprétation erronée du cadre réglementaire régissant l’accès au réseau de transport

692    Les requérantes soutiennent que la Commission a retenu une interprétation erronée du cadre réglementaire régissant l’accès au réseau de transport durant la période infractionnelle.

693    En particulier, selon les requérantes, la décision attaquée se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle Bulgartransgaz n’était pas autorisée à demander les documents qu’elle jugeait nécessaires aux fins d’octroyer un accès au réseau de transport, notamment la preuve d’un accès préalable au gazoduc roumain 1.

694    À cet égard, les considérants 79 à 95, 452 et le considérant 454, sous a), de la décision attaquée indiquent que, d’une part, le cadre réglementaire applicable durant la période infractionnelle, ressortant à la fois du droit de l’Union et du droit bulgare, imposait à Bulgartransgaz, en tant que GRT du réseau de transport, d’octroyer aux tiers un accès à ce réseau et que, d’autre part, cette dernière chargeait les tiers sollicitant un accès de demandes déraisonnables et justifiait son refus de leur octroyer l’accès sur la base d’exigences incorrectes.

1)      Sur le cadre réglementaire issu du droit de l’Union

695    Premièrement, les instruments du droit de l’Union régissant la matière comptaient la directive 2009/73, dont :

–        l’article 32 accordait aux tiers un droit d’accès objectif, transparent et non discriminatoire aux réseaux de transport de gaz (voir considérants 80 et 457 de la décision attaquée) ;

–        l’article 17, paragraphe 2, sous c), imposait aux GRT l’obligation de veiller à ce que l’octroi et la gestion de l’accès auxdits réseaux ne fasse l’objet d’aucune discrimination entre les utilisateurs de ces infrastructures.

696    Deuxièmement, le règlement no 1775/2005, puis, à partir du 3 mars 2011, le règlement no 715/2009 qui l’a remplacé exigeaient des règles d’accès non discriminatoires aux réseaux de transport de gaz nationaux. Ainsi :

–        l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1775/2005, puis l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 715/2009 imposaient au GRT l’obligation d’offrir des services à l’ensemble des utilisateurs du réseau de transport de gaz de façon non discriminatoire et de s’assurer que des conditions contractuelles équivalentes étaient appliquées aux différents utilisateurs dudit réseau (voir considérants 81 et 457 de la décision attaquée) ;

–        en vertu de l’article 6 du règlement no 1775/2005, puis de l’article 18 du règlement no 715/2009, les GRT devaient publier des informations détaillées sur les services qu’ils fournissaient et les conditions d’accès appliquées afin de faciliter l’accès des tiers (voir considérant 81 de la décision attaquée).

2)      Sur le cadre réglementaire issu du droit bulgare

697    La législation régissant le marché du gaz en Bulgarie est la loi bulgare sur l’énergie.

698    L’article 170, paragraphe 1, point 6, et l’article 172, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie exigeaient que le GRT :

–        accorde aux tiers un accès non discriminatoire à son réseau de transport de gaz, conformément aux règles fixées par le régulateur bulgare ;

–        fournisse aux tiers les informations nécessaires pour accéder audit réseau (voir considérant 82 de la décision attaquée).

699    Ainsi, d’une part, le régulateur bulgare a adopté, au fil des années, une série de règles fixant la procédure à suivre par le GRT lors du traitement des demandes d’accès au réseau de transport (voir considérant 83 de la décision attaquée), à savoir :

–        les règles relatives à l’octroi d’un accès aux réseaux de transport et/ou de distribution de gaz, par sa décision no Л-2 (décision P-2), du 14 mai 2007 (DV no 45, du 8 juin 2007, p. 51, ci-après les « règles d’accès de 2007 ») ; ces règles ont été adoptées, notamment, sur le fondement de l’article 172, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie ;

–        les règles relatives à l’octroi d’un accès aux réseaux de transport et/ou de distribution de gaz et relatives à l’accès aux installations de stockage de gaz naturel, adoptées au moyen de la décision no Л-1 (décision P-1) du régulateur bulgare, du 14 mars 2013 (DV no 36, du 16 avril 2013, p. 23, ci-après les « règles d’accès de 2013 »), qui ont remplacé les règles d’accès de 2007 à compter du 14 mars 2013 ; les règles d’accès de 2013 ont été adoptées sur le fondement, notamment, du règlement no 715/2009, de la directive 2009/73 et de l’article 172, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie ;

–        les règles d’accès de 2013 ont, à leur tour, été modifiées, à partir du 4 août 2015, par une décision du 4 août 2015 (DV no 59, du 4 août 2015, p. 102, ci-après les « règles d’accès de 2015 »).

700    D’autre part, le régulateur bulgare a adopté des règles relatives au commerce du gaz naturel, au moyen de sa décision no Л-3 du 14 mai 2007 (DV no 45, du 8 juin 2007, p. 53, ci-après les « règles de marché de 2007 »), fondées notamment sur l’article 173, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie.

701    Selon la Commission, les règles de marché de 2007 étaient applicables une fois que le GRT avait émis un avis favorable sur une demande d’accès d’un tiers au réseau de transport et précisaient la procédure pour la conclusion d’un contrat de transport entre ce tiers et le GRT (voir considérant 93 de la décision attaquée).

702    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir retenu que, en application du cadre réglementaire applicable, Bulgartransgaz n’était pas autorisée à demander des documents qu’elle jugeait nécessaires aux fins d’octroyer l’accès au réseau de transport et que cette dernière avait ainsi outrepassé ses pouvoirs réglementaires.

703    Les requérantes invoquent cinq griefs, tous contestés par la Commission.

3)      Sur le premier grief, tiré du caractère incomplet du cadre réglementaire applicable

704    Les requérantes soutiennent que, pendant la période infractionnelle, le cadre réglementaire issu du droit de l’Union était incomplet sur deux points.

705    En premier lieu, les requérantes font valoir que ni le règlement no 715/2009 ni la directive 2009/73 ne définissaient la notion d’« accès ». En outre, ils ne prévoyaient pas de règles spécifiques concernant les informations qui devaient être fournies par les demandeurs d’accès à l’infrastructure gazière et la procédure à suivre par les GRT pour traiter les demandes d’accès ou fournir un accès à leurs réseaux.

706    À cet égard, la décision attaquée indique, aux considérants 79 à 83, que si la réglementation pertinente de l’Union établissait un droit d’accès des tiers aux réseaux de transport de gaz ainsi que les principes sur lesquels un tel accès devait être fondé, la procédure d’accès auxdits réseaux était établie par la réglementation nationale.

707    En effet, le Tribunal constate que l’article 172, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie imposait au GRT, d’une part, de fournir un accès non discriminatoire à son réseau de transport aux personnes qui remplissaient les conditions fixées par les règles devant être adoptées par le régulateur bulgare et, d’autre part, de fournir aux utilisateurs dudit réseau les informations nécessaires pour un accès efficace à ce dernier.

708    Les règles d’accès de 2007 et celles de 2013, adoptées par le régulateur bulgare sur le fondement de l’article 172, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie, ont :

–        défini la notion d’« accès » comme recouvrant le « droit, accordé contre rémunération, d’utiliser les réseaux de transport et/ou de distribution pour le transport du gaz naturel aux conditions [arrêtées dans les présentes règles d’accès] » (voir paragraphe 1 des dispositions additionnelles des règles d’accès de 2007, repris, en substance, dans la disposition équivalente des règles d’accès de 2013) ;

–        indiqué les catégories de personnes titulaires d’un droit d’accès au réseau de transport (voir article 1er, paragraphe 2, et articles 2 à 4 des règles d’accès de 2007 et article 1er, paragraphe 1, point 3, des règles d’accès de 2013) ;

–        détaillé les conditions dans lesquelles le GRT devait octroyer l’accès audit réseau ainsi que la procédure à suivre à cet égard (voir articles 1er et 5 à 14 des règles d’accès de 2007, article 1er, paragraphes 2 et 3, et articles 2 à 21 des règles d’accès de 2013).

709    Il n’est pas contesté que les dispositions figurant dans les règles d’accès de 2007 et celles de 2013, établies par le régulateur bulgare, constituaient, dans le cadre réglementaire de l’Union rappelé aux points 695 et 696 ci-dessus, le régime juridique qui gouvernait l’accès au réseau de transport durant la période infractionnelle et qui, en particulier, définissait les obligations incombant à cet égard à Bulgartransgaz, en tant que GRT dudit réseau.

710    Il s’ensuit que le premier argument, tiré de l’absence, d’une part, de définition de la notion d’« accès » et, d’autre part, de règles spécifiques dans le règlement no 715/2009 et la directive 2009/73, concernant les informations devant être fournies par les demandeurs d’accès à une infrastructure gazière et la procédure de traitement de ces demandes, est inopérant, puisque la réglementation à cet égard était établie au niveau national.

711    En second lieu, les requérantes invoquent le fait que, durant la période infractionnelle, le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport pour le gaz (ci-après le « REGRT ») n’avait pas adopté de code de réseau, à l’échelle de l’Union, couvrant les règles d’accès des tiers aux réseaux de transport de gaz, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 715/2009.

712    À cet égard, il est vrai que, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 715/2009, le REGRT doit, à l’invitation de la Commission, élaborer des codes de réseau dans les domaines couverts par l’article 8, paragraphe 6, dudit règlement, parmi lesquels figurent l’accès des tiers [voir article 8, paragraphe 6, sous c), du règlement no 715/2009].

713    En outre, l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 715/2009 prévoit aussi la possibilité, à titre facultatif, pour le REGRT, d’élaborer des codes de réseau, toujours dans les domaines couverts par l’article 8, paragraphe 6, dudit règlement, en l’absence d’invitation en ce sens de la Commission.

714    Or, dans la mesure où l’élaboration des codes de réseau ne revêtait pas de caractère obligatoire, le fait que le REGRT n’avait pas établi de code de réseau pendant la période infractionnelle, d’une part, ne rendait pas le cadre réglementaire issu du droit de l’Union incomplet, comme le prétendent les requérantes (voir point 704 ci-dessus) et, d’autre part, n’empêchait pas Bulgargaz de respecter ses obligations réglementaires en matière d’accès des tiers. Par conséquent, l’argument des requérantes n’est pas susceptible de remettre en cause l’analyse figurant dans la décision attaquée.

715    Le second argument est donc lui aussi inopérant.

716    Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être écarté comme étant inopérant.

4)      Sur le deuxième grief, tiré de la contradiction entre les règles d’accès de 2007 et les règles du marché de 2007

717    Les requérantes soutiennent que les règles d’accès de 2007 et les règles de marché de 2007 étaient contradictoires.

718    En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94, et du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 68).

719    En l’espèce, les requérantes se bornent à invoquer de prétendues contradictions entre les règles d’accès de 2007 et les règles de marché de 2007, sans expliquer en quoi celles-ci consisteraient.

720    Par conséquence, puisqu’il n’appartient pas au Tribunal d’examiner, de manière autonome, les contradictions invoquées par les requérantes, le deuxième grief doit être écarté comme étant irrecevable.

5)      Sur le troisième grief, tiré du caractère lacunaire et, dès lors, de l’application difficile des règles d’accès de 2007

721    Les requérantes soutiennent que les règles d’accès de 2007 présentaient de nombreux défauts qui rendaient leur application difficile. Elles invoquent deux arguments.

722    En premier lieu, les requérantes soutiennent que l’article 5 des règles d’accès de 2007 imposait au GRT de publier les conditions générales des contrats de transport (ci-après le « contrat harmonisé »), après approbation du régulateur bulgare. Or, bien que Bulgartransgaz ait fourni audit régulateur un projet de contrat harmonisé le 8 avril 2010, le régulateur bulgare aurait omis de l’approuver. Les requérantes soutiennent qu’en dépit de ces obstacles, Bulgartransgaz se serait conformée aux règles lui incombant en tant que GRT.

723    À cet égard, la Commission a observé, dans la décision attaquée, que le cadre réglementaire applicable, y compris les règles d’accès de 2007, imposait aux GRT, tels que Bulgartransgaz, l’obligation de publier des informations détaillées concernant les services offerts et les conditions applicables pour faciliter l’accès effectif des tiers à leurs réseaux, y compris, notamment, le contrat harmonisé [voir considérants 81, 82 et considérant 85, sous a), de la décision attaquée].

724    Il ressort de la lettre du régulateur bulgare envoyée à Overgas le 18 octobre 2010 ainsi que de sa réponse du 3 août 2012 à la demande de renseignements de la Commission du 3 juillet 2012 que le projet de contrat harmonisé que Bulgartransgaz avait fourni audit régulateur le 8 avril 2010 n’avait pas été approuvé par ce dernier, parce qu’il ne s’agissait pas de la version finale dudit document. Le régulateur bulgare a expliqué, à cet égard, que, en soumettant le projet de contrat harmonisé, Bulgartransgaz avait indiqué que celui-ci faisait l’objet de discussions avec ses clients et qu’elle lui soumettrait la version finale du contrat harmonisé pour approbation après que son conseil d’administration l’aurait approuvée. Le régulateur bulgare a également précisé que, à la date à laquelle il avait préparé sa réponse, Bulgartransgaz ne lui avait toujours pas remis la version finale du contrat harmonisé pour approbation. Enfin, il a indiqué que seul le contrat harmonisé final « réglementerait toutes les relations entre [le GRT] et les clients potentiels ».

725    Or, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, que le conseil d’administration de Bulgartransgaz n’avait approuvé la version finale du contrat harmonisé que le 3 octobre 2012 (voir considérant 85 et note en bas de page no 121 de la décision attaquée). Il s’ensuit que, avant cette date, Bulgartransgaz ne s’était pas conformée à l’article 5 des règles d’accès de 2007.

726    En outre, il ressort du point 724 ci-dessus que la responsabilité pour cette méconnaissance des règles d’accès de 2007 incombait exclusivement à Bulgartransgaz, et non pas aux prétendus défauts que lesdites règles auraient présentés, ainsi que le prétendent les requérantes.

727    Il résulte de ce qui précède que le premier argument doit être rejeté.

728    En second lieu, les requérantes font valoir que, malgré le caractère lacunaire des règles d’accès de 2007, Bulgartransgaz s’est conformée aux dispositions de l’article 7 des règles d’accès de 2007 en publiant, dès le mois de juillet 2010, un formulaire par le biais duquel les tiers pouvaient demander l’accès au réseau de transport.

729    À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, des règles d’accès de 2007, le GRT était tenu de fournir aux tiers intéressés un formulaire par le biais duquel ces derniers pouvaient lui soumettre une demande d’accès au réseau de transport.

730    Or, si les requérantes font valoir qu’elles ont publié le formulaire sur leur site Internet en juillet 2010, elles n’apportent aucun élément de preuve à l’appui de cet argument. En effet, le seul élément fourni ne remonte qu’au 29 septembre 2010, soit à la date à laquelle ledit formulaire a été utilisé par Overgas.

731    En tout état de cause, la Commission a, certes, rappelé, dans la décision attaquée, que les règles d’accès de 2007 imposaient aux GRT l’obligation de fournir aux tiers un modèle de formulaire d’accès au réseau de transport [voir considérant 85, sous b), de la décision attaquée]. Toutefois, ladite décision ne s’appuie pas sur un éventuel manquement de Bulgartransgaz à cette obligation réglementaire pour étayer la conclusion selon laquelle les requérantes auraient adopté un comportement abusif concernant l’accès des tiers au réseau de transport (voir considérants 471 à 481 de la décision attaquée).

732    Le second argument est donc inopérant.

733    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

6)      Sur le quatrième grief, tiré de ce que le cadre réglementaire national bulgare ne prévoyait pas deux étapes pour le traitement des demandes d’accès

734    Au stade de la réplique, les requérantes contestent que le cadre réglementaire national bulgare ait prévu l’existence d’une procédure d’accès au réseau de transport divisée en deux étapes, comme cela est indiqué dans la décision attaquée. Elles considèrent que les règles de marché de 2007 concernent non pas l’étape ultérieure à celle régie par les règles d’accès de 2007, mais une procédure pour la conclusion du contrat de transport de gaz distincte de celle prévue par les règles d’accès de 2007 et qui peut être utilisée à titre de variante à cette dernière.

735    La Commission estime que ce grief est irrecevable, au motif qu’il n’aurait été invoqué ni dans la requête ni au cours de la procédure administrative.

736    Selon une jurisprudence constante, il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter sur le fond le grief sans statuer préalablement sur le motif d’irrecevabilité soulevé par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52 ; du 24 mars 2022, Hermann Albers/Commission, C‑656/20 P, non publié, EU:C:2022:222, point 24, et du 12 mai 2021, Alba Aguilera e.a./SEAE, T‑119/17 RENV, EU:T:2021:254, point 39).

737    Le Tribunal estime que, eu égard aux circonstances de l’espèce et pour des raisons d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner le bien-fondé du présent grief sans statuer préalablement sur sa recevabilité, mise en cause par la Commission, dès lors que ce grief doit, en tout état de cause, être rejeté sur le fond.

738    À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a, en substance, constaté que :

–        lors d’une première étape, régie par les règles d’accès de 2007, le GRT devait apprécier la demande d’accès au réseau de transport, y compris en sollicitant tout document nécessaire s’il estimait la demande incomplète ; cette première étape s’achevait par un avis écrit que le GRT devait donner sur les conditions d’accès au réseau de transport ou par un rejet motivé [voir considérant 85, sous b) et c), de la décision attaquée] ;

–        une fois que le GRT avait émis un avis favorable sur la demande d’accès, une seconde étape de la procédure, régie par les règles du marché de 2007, avait lieu, au terme de laquelle le GRT devait proposer un contrat de transport au demandeur d’accès ou émettre un rejet motivé (voir considérant 93 de la décision attaquée).

739    La Commission a fondé son analyse sur les dispositions des règles d’accès de 2007 et des règles du marché de 2007 ainsi que sur l’interprétation de ces deux corps de règles par le régulateur bulgare [voir considérant 85, sous b) et c), considérant 93 et notes en bas de page nos 122, 123 et 134 à 139 de la décision attaquée].

740    À cet égard, il convient de rappeler qu’une question relative à l’interprétation du droit national d’un État membre est une question de fait sur laquelle le Tribunal est tenu, en principe, d’exercer un contrôle entier [voir arrêt du 8 septembre 2016, Generics (UK)/Commission, T‑469/13, non publié, EU:T:2016:454, point 218 et jurisprudence citée].

741    Partant, la question de savoir dans quelle mesure une règle de droit national s’applique au cas d’espèce est soumise aux règles sur l’administration de la preuve et sur la répartition de la charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2010, République française/Commission, T-154/10, EU:T:2012:452, point 65, et du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission, T‑541/13, non publié, EU:T:2015:898, point 102 et jurisprudence citée).

742    En l’espèce, il ressort des règles d’accès de 2007 que :

–        la demande d’accès au réseau de transport devait être soumise par écrit, par le biais d’un formulaire qui devait être fourni par le GRT (voir article 7, paragraphe 1, des règles d’accès de 2007) ;

–        le GRT devait examiner la demande et ses annexes et, dans le cas où il aurait constaté que celle-ci était incomplète et qu’il fallait soumettre des documents et des informations supplémentaires, il devait inviter le demandeur à la compléter, ce que ce dernier était tenu de faire dans un délai de quatorze jours (voir article 8 des règles d’accès de 2007), ainsi qu’il ressort du considérant 85, sous b), de la décision attaquée et ainsi que l’ont confirmé les parties lors de l’audience ;

–        le GRT disposait d’un mois, à réception de la demande complète, pour envoyer au demandeur un avis écrit sur les conditions d’accès ou rejeter la demande de manière motivée (voir article 9, paragraphe 3, des règles d’accès de 2007) ; ce délai d’un mois était, le cas échéant, augmenté d’un délai supplémentaire, correspondant au délai pris par le demandeur pour compléter sa demande initiale (voir article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007) ; l’avis écrit devait porter sur le site spécifié dans la demande d’accès et devait obligatoirement préciser la capacité autorisée, le profil de la consommation annuelle et les points de comptage du gaz à l’entrée et à la sortie du réseau de transport (voir article 10 des règles d’accès de 2007).

743    Les règles d’accès de 2007 précisaient, en outre, qu’en cas d’accès octroyé au réseau de transport, le transport de gaz devait être exécuté en application de contrats écrits conclus entre le bénéficiaire dudit accès et le GRT (voir article 14 des règles d’accès de 2007).

744    Les règles d’accès de 2007, dont le but est, en vertu de leur article 1er, de définir, notamment, les conditions et la procédure d’accès au réseau de transport, sont complétées par les règles du marché de 2007 adoptées le même jour et visant, en vertu de leur article 1er, paragraphe 2, à établir les règles régissant la procédure et la méthode applicables aux transactions pertinentes.

745    À cet égard :

–        les entreprises d’extraction, les négociants en gaz et les consommateurs éligibles devaient conclure entre eux des contrats d’approvisionnement en gaz à des prix librement négociés (voir article 14 des règles du marché de 2007) ;

–        les cocontractants devaient ensuite notifier par écrit leurs contrats au GRT (voir article 15, paragraphe 1, des règles du marché de 2007) ; cette notification devait être effectuée à l’aide d’un formulaire élaboré par le GRT et contenir, notamment, les quantités de gaz à livrer selon le calendrier convenu entre les cocontractants (voir article 15, paragraphe 2, des règles du marché de 2007) ;

–        le GRT devait alors, soit accepter d’exécuter les livraisons ainsi notifiées et conclure, pour cela, un contrat de transport, soit les rejeter en motivant par écrit le rejet dans un délai de deux jours après la notification (voir article 15, paragraphe 4, des règles du marché de 2007).

746    À cet égard, il convient de relever que le cadre réglementaire bulgare a fait l’objet d’une interprétation par le régulateur bulgare dans son exposé des conclusions du 14 juin 2010 relatives à la plainte introduite par la société B contre Bulgartransgaz le 20 avril 2010 concernant le refus de cette dernière de lui octroyer un accès au réseau de transport (ci-après l’« exposé des conclusions du 14 juin 2010 »), repris dans sa réponse du 3 août 2012 à la demande de renseignements de la Commission du 3 juillet 2012. Il a retenu que le traitement des demandes d’accès au réseau de transport suivait deux étapes distinctes :

–        la première, régie par les dispositions des règles d’accès de 2007 rappelées au point 742 ci-dessus, constituait la procédure aboutissant à l’octroi ou au refus d’accès ;

–        la seconde, régie par la Section II des règles du marché de 2007, rappelées au point 743 ci-dessus, s’ouvrait lorsque l’accès avait été octroyé ; cette seconde étape permettait de conclure un contrat de transport entre le GRT et le demandeur d’accès.

747    Certes, dans la réplique, les requérantes ont reproché à la Commission de s’être reposée, pour conclure que la procédure d’accès au réseau de transport était divisée en deux étapes, sur l’interprétation retenue par le régulateur bulgare, à son tour fondée sur une lecture conjointe, prétendument erronée, des règles d’accès de 2007 et des règles du marché de 2007. Toutefois, elles restent en défaut d’apporter des arguments spécifiques contredisant l’interprétation faite par le régulateur bulgare. D’ailleurs, dans sa réponse à la communication des griefs, Bulgartransgaz a fait valoir que, si le régulateur bulgare avait conclu qu’elle avait demandé certaines informations trop tôt dans le processus d’octroi d’accès à la société B, cette demande intempestive aurait été due à son interprétation différente des règles du marché de 2007, mais, par la suite, elle aurait suivi l’interprétation retenue par la décision du régulateur bulgare. En définitive, ladite requérante a fait valoir que la preuve d’approvisionnement au point d’entrée du réseau était « un critère pour la conclusion d’un contrat de transport ([c’est-à-dire] après que l’accès a été approuvé) ».

748    En outre, les éléments du dossier confirment que Bulgartransgaz s’est effectivement conformée à l’interprétation susvisée du régulateur bulgare, notamment lorsqu’elle a traité la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour l’année 2013. En effet, dans sa lettre adressée à Overgas le 12 décembre 2012, Bulgartransgaz a mis en évidence les deux étapes de la procédure pour traiter ladite demande. Elle a d’abord indiqué, en substance, que la demande d’accès d’Overgas remplissait les conditions fixées par les règles d’accès de 2007 en transmettant, en pièce jointe, son avis favorable concernant les conditions d’accès à ce réseau, conformément auxdites règles. Elle a ensuite précisé qu’elle acceptait de conclure, dans un second temps, un contrat de transport couvrant les volumes de gaz demandés, mais qu’Overgas devait d’abord fournir la preuve qu’elle avait contracté, en amont, un approvisionnement et des capacités correspondant aux volumes de gaz que cette dernière voulait faire transporter dans le réseau de transport ainsi que le calendrier de livraison desdits volumes pour 2013 au point d’entrée dudit réseau, évoquant ainsi la seconde étape de la procédure d’accès.

749    Le grief doit donc être rejeté.

7)      Sur le cinquième grief, tiré de ce que le cadre réglementaire national bulgare permettait la demande de preuve d’un accès au gazoduc roumain 1

750    Les requérantes contestent l’interprétation retenue par la Commission de l’article 2, paragraphe 2, des règles d’accès de 2007, selon laquelle Bulgartransgaz n’était pas autorisée à exiger que les demandeurs d’accès au réseau de transport apportent la preuve de l’obtention d’un accès au gazoduc roumain 1 avant de traiter leurs demandes d’accès audit réseau. Elles estiment, au contraire, que cette disposition pouvait être interprétée comme permettant à Bulgartransgaz d’exiger la preuve d’un accès audit gazoduc, car cet accès était nécessaire, en pratique, pour disposer de gaz en Bulgarie.

751    À cet égard, les conclusions de la Commission sur le réseau de transport concernent le traitement, par Bulgartransgaz, des demandes d’accès audit réseau introduites par Overgas, RWE et Toplofikacia Razgrad avant le 14 mars 2013, soit avant l’entrée en vigueur des règles d’accès de 2013 (voir point 699 ci-dessus). Le grief doit donc être examiné à la lumière des règles d’accès de 2007 et des règles du marché de 2007.

752    Il convient de rappeler, en premier lieu, que, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, des règles d’accès de 2007, lors de la première étape de la procédure d’accès au réseau de transport, l’examen de la demande d’accès par le GRT couvrait l’existence des conditions d’accès spécifiées, en substance, aux articles 2 à 4 desdites règles, l’absence d’obstacles techniques à l’octroi de l’accès et les délais dans lesquels l’accès pouvait être mis en œuvre.

753    L’article 2, paragraphe 1, des règles d’accès de 2007 disposait que le droit d’accès au réseau de transport était octroyé au fournisseur public, aux fournisseurs finaux, aux négociants en gaz, aux producteurs de gaz et aux clients éligibles dans le pays ayant une connexion audit réseau. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, desdites règles, le GRT devait octroyer un accès, dans des conditions d’égalité, aux clients éligibles qui remplissaient les conditions d’accès spécifiées dans lesdites règles, sous réserve qu’ils aient conclu un ou plusieurs contrats préalables d’approvisionnement en gaz auprès du fournisseur public, de négociants ou de producteurs de gaz, dans le pays ou en dehors de celui-ci.

754    Les requérantes soutiennent que l’article 2, paragraphe 2, des règles d’accès de 2007 permettait à Bulgartransgaz d’exiger des demandeurs d’accès la preuve que ces derniers avaient préalablement obtenu, d’une part, des approvisionnements en gaz et, d’autre part, un accès au gazoduc roumain 1 pour s’assurer que ces derniers puissent effectivement acheminer du gaz vers la Bulgarie et l’injecter dans le réseau de transport.

755    Or, d’une part, ainsi que les requérantes le reconnaissent dans la réplique, aucune des dispositions des règles d’accès de 2007 régissant la première étape de la procédure d’accès au réseau de transport n’exigeait explicitement que le demandeur d’accès rapporte, à ce stade, la preuve de la conclusion préalable d’un contrat d’accès au gazoduc roumain 1.

756    Les requérantes ont, d’ailleurs, aussi concédé, dans la réplique, que c’était en raison de « préoccupations bien fondées » qu’une telle exigence n’était pas prévue dans les règles d’accès de 2007 et que ladite exigence n’aurait pas été conforme au cadre réglementaire alors en vigueur.

757    D’autre part, l’interprétation des règles d’accès de 2007 défendue par les requérantes ne correspond pas à celle retenue par le régulateur bulgare dans son exposé des conclusions du 14 juin 2010, s’agissant de la première étape de la procédure d’accès.

758    En effet, dans son exposé des conclusions du 14 juin 2010, le régulateur bulgare a retenu que la société B remplissait les conditions d’accès au réseau de transport, après avoir constaté, d’une part, que cet opérateur avait une connexion au réseau de transport et, d’autre part, qu’il avait préalablement contracté des achats de quantités de gaz, soit les deux conditions respectivement imposées par l’article 2, paragraphes 1 et 2, des règles d’accès de 2007. Le régulateur bulgare a, dès lors, constaté que Bulgartransgaz ne s’était pas conformée à ses obligations réglementaires, car elle n’avait pas, notamment, émis d’avis écrit sur les conditions d’accès audit réseau dans un délai d’un mois, comme le lui imposait l’article 9, paragraphe 3, desdites règles.

759    Il importe de relever qu’aucune référence n’est faite, dans l’analyse du régulateur bulgare, à la question de savoir si la société B avait ou non accès au gazoduc roumain 1.

760    Dans ces conditions, les requérantes n’ont pas rapporté la preuve que l’article 2, paragraphe 2, des règles d’accès de 2007 devait être interprété comme permettant à Bulgartransgaz, dès la première étape de la procédure d’accès au réseau de transport, de subordonner un tel accès à la fourniture de la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1.

761    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments invoqués par les requérantes.

762    Tout d’abord, les requérantes tirent argument du fait que les règles d’accès de 2013 exigeaient que le demandeur d’accès rapporte la preuve d’un accès au réseau voisin connecté au réseau de transport. Elles font observer que, au titre de l’article 4, paragraphe 4, desdites règles, la demande d’accès devait inclure les informations relatives aux capacités de transport de gaz achetées ou réservées auprès du GRT d’un réseau de transport voisin connecté au réseau de transport, en vertu d’un contrat conclu avec ce GRT pour une période et une capacité correspondant à celles réservées au point d’entrée de ce réseau.

763    Or, pour les raisons exposées au point 751 ci-dessus, les règles d’accès de 2013 n’étaient pas applicables en l’espèce. Les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, desdites règles ne pouvaient donc pas justifier que Bulgartransgaz exige, dès la première étape de la procédure d’accès, que les demandeurs d’accès au réseau de transport rapportent la preuve de l’obtention préalable d’un accès au gazoduc roumain 1.

764    En tout état de cause, la Commission souligne, dans la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, que, à la suite de ses objections émises auprès du régulateur bulgare, dans son avis du 22 avril 2015, sur les règles d’accès de 2013, ces dernières ont été modifiées en 2015 et la disposition figurant à l’article 4, paragraphe 4, desdites règles a été supprimée [voir considérant 133 de la décision attaquée et point 5, sous 3), des règles d’accès de 2015].

765    Les requérantes concèdent, d’ailleurs, que les règles d’accès de 2015 ont reporté l’exigence liée à la production de la preuve d’une capacité réservée sur un réseau adjacent au stade, selon elles, de la conclusion du contrat de transport, à savoir à la seconde étape de la procédure prévue par la réglementation bulgare.

766    Il ressort, en effet, du point 11, sous 14), des règles d’accès de 2015 que les demandeurs d’accès devaient fournir la preuve d’un accès au réseau de transport voisin, en l’occurrence, au gazoduc roumain 1, au plus tard à la date d’exécution du contrat de transport, à savoir après l’octroi de l’accès au réseau de transport. Cette modification confirme que la fourniture de cette preuve n’était pas indispensable au cours de la première étape de la procédure d’accès au réseau de transport et qu’une telle condition ne pouvait pas être déduite des règles d’accès, telles qu’elles étaient libellées en 2007.

767    En outre, les requérantes soutiennent que l’article 9 des règles d’accès de 2007 permettait au GRT de demander des informations et des documents complémentaires s’il les considérait nécessaires pour examiner une demande d’accès.

768    À cet égard, l’article 9, paragraphe 1, des règles d’accès de 2007 prévoyait que, à la réception de la demande d’accès accompagnée de l’ensemble des documents nécessaires, le GRT devait examiner la possibilité d’accorder l’accès au demandeur.

769    Certes, au titre de l’article 8 des règles d’accès de 2007, s’il estimait que la demande et ses annexes étaient incomplètes, le GRT devait inviter le demandeur à compléter sa demande.

770    Or, ainsi qu’il ressort des points 744 à 746 ci-dessus, et ainsi que Bulgartransgaz l’avait déjà reconnu lors de la procédure administrative, la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1 relevait uniquement de la seconde étape relative à la conclusion d’un contrat de transport, à savoir celle qui suivait l’octroi d’accès au réseau de transport, à l’issue de la première étape.

771    Dès lors, l’article 9, paragraphe 1, des règles d’accès de 2007, même lu conjointement avec l’article 8, ne pouvait être interprété, comme le prétendent les requérantes, dans le sens qu’il permettait à Bulgartransgaz de bloquer l’accès sollicité au réseau de transport si la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1 n’était pas fournie lors du dépôt de la demande.

772    En second lieu, s’agissant de la seconde étape de la procédure d’accès, à savoir celle relative à la conclusion du contrat de transport donnant accès au réseau de transport, les requérantes ne font état d’aucune disposition des règles du marché de 2007 qui exigeait des demandeurs d’accès souhaitant conclure un tel contrat qu’ils fournissent la preuve d’un accès à un réseau de transport voisin.

773    En effet, comme la Commission l’a retenu à juste titre au considérant 93 de la décision attaquée, les articles 14 et 15 des règles du marché de 2007, applicables à la seconde étape de la procédure, à savoir au moment de la conclusion du contrat, exigeaient seulement la notification des contrats de fourniture de gaz conclus entre :

–        soit les demandeurs d’accès et leurs consommateurs éligibles (si les demandeurs d’accès étaient des producteurs de gaz ou des négociants) ;

–        soit les demandeurs d’accès et les producteurs ou négociants qui leur fournissaient du gaz (si les demandeurs d’accès étaient des consommateurs éligibles).

774    En revanche, les articles 14 et 15 des règles du marché de 2007 n’exigeaient pas la fourniture de la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1, même lors de la seconde étape de la procédure d’accès. Pour les raisons exposées aux points 764 à 773 ci-dessus, cette preuve ne pouvait être exigée qu’au moment de l’exécution du contrat d’accès.

775    Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas rapporté la preuve que, avant le 14 mars 2013, soit durant la période à laquelle se rattachent les griefs de la Commission contre Bulgartransgaz concernant le traitement des demandes d’accès d’Overgas, de RWE et de Toplofikacia Razgrad au réseau de transport, l’accès au gazoduc roumain 1 figurait parmi les conditions requises par la réglementation nationale applicable pour obtenir un accès audit réseau.

776    Certes, les requérantes font valoir que, sans accès audit gazoduc, les volumes de gaz contractés à l’extérieur de la Bulgarie ne pouvaient pas être livrés au point d’entrée du réseau de transport.

777    Toutefois, force est de constater que, ainsi que l’a observé la Commission, un demandeur d’accès pouvait toujours obtenir un accès au gazoduc roumain 1 après la conclusion de la première étape de la procédure d’accès au réseau de transport, voire après la conclusion du contrat de transport avec Bulgartransgaz, constituant la seconde étape de ladite procédure, et avant l’exécution de ce contrat.

778    Les requérantes estiment, néanmoins, que, si Bulgartransgaz devait conclure un contrat de transport sans exiger la preuve de l’accès au gazoduc roumain 1, elle serait toujours tenue d’exécuter ce contrat aux points de sortie du réseau de transport, même si le demandeur d’accès n’avait fait livrer aucun volume de gaz au point d’entrée dudit réseau.

779    Il suffit de noter à cet égard que l’argument des requérantes s’appuie sur un scénario purement spéculatif, à savoir la possibilité que, après la conclusion du contrat de transport, le demandeur d’accès ne fasse livrer aucun volume de gaz au point d’entrée du réseau. Or, un raisonnement qui repose sur une simple hypothèse ne saurait en aucun cas justifier l’imposition par Bulgartransgaz d’une condition se rattachant à la preuve d’accès au gazoduc roumain 1, qui ne figurait pas dans la réglementation applicable, surtout quand, comme le reconnaissent les requérantes, l’absence d’une telle exigence se justifiait en raison de « préoccupations bien fondées ».

780    Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le grief doit être écarté.

781    Partant, la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’une absence de refus d’accès au réseau de transport opposé à Overgas

782    Les requérantes contestent les conclusions de la Commission, dans la décision attaquée, selon lesquelles Overgas se serait vu opposer un refus d’accès au réseau de transport. Elles invoquent quatre griefs. Les trois premiers concernent le traitement, par Bulgartransgaz, de la demande d’accès d’Overgas audit réseau pour 2011. Le quatrième concerne le traitement de la demande d’accès d’Overgas à ce réseau pour 2013.

783    La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

784    Au préalable, il convient de rappeler que le Tribunal peut tenir compte de la réglementation applicable au secteur gazier pour examiner le bien-fondé de l’application, par la Commission, de l’article 102 TFUE aux pratiques de Bulgartransgaz. En effet, dès lors que cette réglementation définit le cadre juridique applicable au secteur en cause et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles Bulgartransgaz exerçait ses activités sur les marchés concernés, elle constitue un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE aux comportements adoptés par cette dernière et, notamment, pour l’appréciation du caractère abusif de tels comportements (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 223 et 224).

785    Dans la décision attaquée, la Commission a reproché à Bulgartransgaz d’avoir adopté, à l’égard d’Overgas, des tactiques dilatoires ayant entravé l’accès de cette dernière au réseau de transport, ces tactiques ayant consisté à :

–        ne pas avoir agi de manière transparente et ne pas avoir répondu aux demandes d’accès audit réseau selon les procédures écrites ou les délais légaux requis ;

–        avoir fait des demandes déraisonnables pour octroyer l’accès audit réseau, concernant, notamment, les informations à fournir ou les conditions à remplir par le demandeur d’accès pour que sa demande soit traitée ;

–        avoir procédé à une interprétation délibérément erronée des demandes d’accès ou avoir fourni des informations erronées concernant les conditions d’accès (voir considérants 472 et 473 de la décision attaquée).

1)      Sur les premiers trois griefs, relatifs au traitement de la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour 2011

786    Les requérantes soulèvent trois griefs concernant le traitement de la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour 2011, tirés, en substance, le premier, de la qualification erronée des communications d’Overgas antérieures au 29 septembre 2010, le deuxième, du traitement convenable des demandes d’accès d’Overgas et, le troisième, de l’absence d’intérêt d’Overgas à accéder au réseau de transport avant 2013.

787    À cet égard, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, que les discussions entre Overgas et Bulgartransgaz à propos de l’accès au réseau de transport ont eu lieu selon la chronologie suivante :

–        par lettre du 30 juillet 2010 (ci-après la « lettre du 30 juillet 2010 »), Overgas a demandé le transport d’un milliard de mètres cubes de gaz depuis le point d’entrée du réseau de transport Negru Vodă 1 jusqu’à plusieurs points de sortie non identifiés [voir considérant 101, sous a), de la décision attaquée] ; la Commission a conclu qu’il s’agissait de la première demande d’accès au réseau de transport qui n’avait pas été satisfaite par Bulgartransgaz et a retenu ce constat dans la partie de la décision attaquée consacrée à la détermination de la durée de l’infraction, laquelle aurait donc débuté le 30 juillet 2010 (voir considérant 646 de la décision attaquée) ;

–        à la suite de la lettre du 30 juillet 2010, une réunion a eu lieu entre Overgas et Bulgartransgaz le 12 août 2010 ;

–        le 24 août 2010, Overgas a adressé une lettre à Bulgartransgaz (ci-après la « lettre du 24 août 2010 »), par laquelle elle communiquait, comme cela avait été convenu lors de la réunion du 12 août 2010, ses nominations préliminaires pour le transport de gaz pour 2011 et demandait un projet de contrat de transport [voir considérant 101, sous b), de la décision attaquée] ;

–        le 26 août 2010, une deuxième réunion a eu lieu entre Overgas et Bulgartransgaz, au cours de laquelle cette dernière a refusé de communiquer les dispositions contractuelles et les conditions du transport parce qu’elles n’avaient pas encore été approuvées par le régulateur bulgare [voir considérant 101, sous c), de la décision attaquée] ; lors de cette réunion, Bulgartransgaz aurait indiqué à Overgas qu’elle ne prendrait position sur sa demande d’accès qu’en octobre 2010 ;

–        par une lettre du 31 août 2010, Overgas a indiqué à Bulgartransgaz qu’elle considérait que le délai de traitement proposé était trop long et demandait une réponse dans le délai légal d’un mois à compter de la date de réception de ses nominations pour le transport de gaz, qui avait eu lieu le 24 août 2010 ;

–        par une lettre du 24 septembre 2010 (ci-après la « lettre du 24 septembre 2010 »), Bulgartransgaz a informé Overgas que sa demande d’accès formulée dans la lettre du 24 août 2010 était incomplète et que des informations complémentaires étaient requises [voir considérant 101, sous d), de la décision attaquée] ;

–        en réponse à la lettre du 24 septembre 2010, Overgas a, le 29 septembre 2010, envoyé à Bulgartransgaz une demande d’accès détaillée assortie des informations demandées (ci-après la « lettre du 29 septembre 2010 ») [voir considérant 101, sous e), de la décision attaquée] ; cette lettre était accompagnée de 43 formulaires de demande remplis spécifiant la quantité de gaz à transporter entre le point d’entrée du réseau de transport Negru Vodă 1 et, pour chacun, un point de sortie différent dudit réseau ;

–        la lettre du 29 septembre 2010 a été complétée, le 4 octobre 2010, par une autre lettre, par laquelle Overgas a confirmé le point d’entrée Negru Vodă 1, avec, en pièce jointe, un calendrier relatif au volume de gaz qu’Overgas entendait livrer à ce point d’entrée pour qu’il soit transporté dans le réseau de transport [voir considérant 101, sous f), de la décision attaquée] ; elle a aussi confirmé la conformité des caractéristiques de qualité du gaz à livrer avec les spécifications techniques publiées sur le site Internet de Bulgartransgaz et demandé que lui soit transmis un contrat de transport au plus tard le 10 octobre 2010.

i)      Sur le premier grief, tiré de la qualification erronée des communications d’Overgas antérieures au 29 septembre 2010 de demandes d’accès au réseau de transport

788    Les requérantes font valoir que la Commission a erronément qualifié, au considérant 101 de la décision attaquée, les contacts entre Overgas et Bulgartransgaz antérieurs au 29 septembre 2010 de demandes d’accès au réseau de transport, alors qu’il ne s’agissait que de contacts préliminaires. Elles estiment que la lettre du 30 juillet 2010 ne pouvait pas constituer une demande d’accès au réseau de transport.

789    Les requérantes considèrent, en particulier, que la lettre du 30 juillet 2010 n’était pas formulée comme une demande d’accès au réseau de transport, car des éléments essentiels y faisaient défaut. Elles font valoir que, pour être complète, une telle demande devait comporter le volume total de gaz à transporter, les points d’entrée, les points de sortie, les quantités à livrer à chacun de ces points de sortie, le calendrier de fourniture et les caractéristiques de qualité du gaz.

790    Le Tribunal constate, comme le soulignent les requérantes, que, dans la lettre du 30 juillet 2010, Overgas avait simplement indiqué qu’elle disposerait, en 2011, d’un milliard de mètres cubes de gaz en exécution d’un contrat de livraison déjà signé et qu’elle souhaitait que ce volume de gaz soit livré à ses clients raccordés au réseau de transport. Elle demandait alors à Bulgartransgaz, en tant que GRT, de lui communiquer les conditions dans lesquelles elle pouvait utiliser les services de transport de gaz. Overgas concluait sa lettre en manifestant son intention de négocier le transport du volume susvisé pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2011, depuis le point d’entrée du réseau de transport Negru Vodă 1 jusqu’à des « points de sortie du réseau de transport » qui n’étaient pas davantage identifiés. À cette fin, elle demandait à Bulgartransgaz de lui communiquer le contrat de transport.

791    Force est donc de constater que la lettre du 30 juillet 2010 était formulée d’une manière plutôt vague et ne contenait qu’une quantité minimale d’informations, de sorte qu’elle ne saurait constituer une demande d’accès en conformité avec l’article 7 des règles d’accès de 2007.

792    Par ailleurs, il est certes vrai que, le 30 juillet 2010, Bulgartransgaz ne s’était toujours pas conformée à ses obligations réglementaires lui imposant, en tant que GRT, de publier un formulaire de demande d’accès au réseau de transport contenant les informations à soumettre à l’appui d’une demande d’accès audit réseau (voir point 730 ci-dessus).

793    Toutefois, un tiers souhaitant soumettre une demande d’accès au réseau de transport aurait dû tenir compte des règles d’accès de 2007, d’où il ressortait que certains éléments devaient nécessairement être fournis au GRT pour lui permettre de rédiger l’avis écrit sur l’accès demandé (voir point 742 ci-dessus). En effet, cet avis portait sur les paramètres évoqués par l’article 10 desdites règles, tels que la capacité autorisée, le profil de la consommation annuelle et les points de comptage du gaz à l’entrée et à la sortie du réseau de transport, de sorte que le demandeur d’accès au réseau de transport ne pouvait pas ignorer la nécessité de soumettre de telles informations dans sa demande.

794    De surcroît, la décision attaquée néglige deux éléments importants figurant déjà dans le dossier d’instruction.

795    En premier lieu, la correspondance entre Overgas et Bulgartransgaz à partir de septembre 2010 ne qualifiait pas la lettre du 30 juillet 2010 de « demande d’accès ». Cette qualification a été réservée :

–        dans un premier temps, à la lettre du 24 août 2010, qu’Overgas semble considérer, dans sa lettre du 29 septembre 2010, comme étant une demande d’accès, mais que Bulgartransgaz a qualifiée, quant à elle, dans sa lettre du 24 septembre 2010, de demande incomplète ;

–        puis, dans un second temps, à la lettre du 29 septembre 2010, ladite qualification étant réemployée par Overgas dans la lettre envoyée à Bulgartransgaz le 11 novembre 2010 (ci-après la « lettre du 11 novembre 2010 »).

796    En second lieu, le rapport rédigé par les représentants externes des requérantes lors de leur accès à la salle d’information (ci-après le « rapport confidentiel de la salle d’information »), déposé à la suite de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), comportait un résumé du compte rendu détaillé d’une réunion que la Commission avait eue avec Overgas le 15 décembre 2011 (ci-après le « résumé de la réunion du 15 décembre 2011 »). Il en ressort que, à cette occasion, la Commission avait constaté que la première demande d’accès d’Overgas à Bulgartransgaz, concernant le point d’entrée Negru Vodă 1 et 42 points de sortie, datait du 29 septembre 2010.

797    Dans ce contexte, la Commission ne pouvait valablement conclure, notamment aux considérants 100, 117 et 646 de la décision attaquée, que la lettre du 30 juillet 2010 constituait une demande d’accès d’Overgas au réseau de transport.

798    Le premier grief des requérantes doit donc être partiellement accueilli, dans la mesure où il concerne la conclusion de la Commission selon laquelle la lettre qu’Overgas avait adressée à Bulgartransgaz le 30 juillet 2010 constituait une demande d’accès au réseau de transport.

ii)    Sur le deuxième grief, tiré du traitement convenable des demandes d’accès d’Overgas pour l’année 2011

799    Les requérantes considèrent que Bulgartransgaz a traité convenablement les demandes d’accès d’Overgas au réseau de transport pour l’année 2011.

800    Dans la décision attaquée, d’une part, la Commission a constaté que Bulgartransgaz n’avait pas traité la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour l’année 2011 dans le délai prescrit par les règles d’accès de 2007, car ce traitement avait pris deux ans (voir considérant 474).

801    Les requérantes rétorquent, à cet égard, que Bulgartransgaz a traité avec diligence les demandes d’accès d’Overgas en mettant en place un groupe de travail interne pour examiner lesdites demandes (ci-après le « groupe de travail ») qui les a, en effet, examinées et a indiqué rapidement que certains éclaircissements étaient nécessaires.

802    D’autre part, la Commission a retenu que Bulgartransgaz avait délibérément mal interprété les lettres d’Overgas contenant cette demande, en cumulant les capacités demandées sur ledit réseau, pour justifier sa décision de refus d’accès du 19 juin 2012 (voir considérants 475 et 476 de la décision attaquée).

803    Les requérantes soutiennent cependant que la duplication des demandes d’Overgas, résultant de l’envoi de la lettre du 11 novembre 2010, qui venait s’ajouter à la lettre du 29 septembre 2010, compliquait le traitement de ces demandes.

804    Il convient d’examiner séparément les deux arguments des requérantes.

–       Sur le premier argument, tiré du traitement diligent et rapide des demandes d’accès d’Overgas pour l’année 2011

805    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 742 ci-dessus, au titre de l’article 8 des règles d’accès de 2007, Bulgartransgaz devait examiner toute demande d’accès au réseau de transport et, dans le cas d’une demande incomplète, inviter le demandeur à compléter sa demande dans un délai de quatorze jours.

806    Ensuite, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, des règles d’accès de 2007, en tant que GRT, Bulgartransgaz était tenue de statuer sur toute demande d’accès au réseau de transport dans un délai d’un mois à compter de la date du dépôt de la demande. Ce délai était augmenté, en cas de demande incomplète, d’un délai supplémentaire, correspondant au délai pris par le demandeur pour compléter sa demande initiale. Les parties sont convenues à l’audience que le délai d’un mois octroyé au GRT pour statuer sur la demande ne commençait à s’écouler qu’une fois que la demande était complète.

807    En revanche, aucun délai n’était imposé au GRT pour demander, à compter de la date de réception d’une demande initiale qu’il aurait estimé incomplète, que celle-ci soit complétée, ce dont les parties sont aussi explicitement convenues lors de l’audience.

808    Or, en premier lieu, il résulte de l’analyse du précédent grief que la lettre du 30 juillet 2010 ne constituait pas, contrairement à ce que prétend la Commission, une demande d’Overgas d’accès au réseau. Par conséquent, l’appréciation de la nature dilatoire du comportement de Bulgartransgaz, dans la décision attaquée, à partir de cette date, repose sur une prémisse erronée qui est contredite par les éléments de preuve figurant au dossier.

809    En second lieu, en ce qui concerne les demandes successives, il convient de relever que :

–        ainsi qu’il ressort du point 796 ci-dessus, dans le résumé de la réunion du 15 décembre 2011, la Commission estimait que la première demande d’accès au réseau avait été présentée par Overgas par une lettre du 29 septembre 2010 ;

–        qui plus est, dans ses lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010, Overgas désignait sa lettre du 29 septembre 2010 comme étant la « demande d’accès au réseau de transport du gaz naturel » en conformité avec les règles d’accès de 2007.

810    Il découle de ces éléments que le délai prévu par l’article 9, paragraphe 3, des règles d’accès de 2007 pour l’envoi de l’avis écrit de Bulgartransgaz en réponse à la demande d’accès d’Overgas ne commençait à s’écouler qu’à compter de la date de réception de la lettre du 29 septembre 2010.

811    À cet égard, est dénué de pertinence le fait que, dans sa lettre du 29 septembre 2010, Overgas affirmait que la lettre du 24 août 2010 constituait une demande d’accès au réseau, étant donné que :

–        comme l’avait indiqué à juste titre Bulgartransgaz dans sa lettre du 24 septembre 2010, si la « nomination [d’Overgas] pour le transport du gaz naturel [à savoir, la lettre du 24 août 2010] a[vait] été considérée comme étant une demande d’accès au réseau de transport du gaz en conformité aux règles d’accès [de 2007] », elle était incomplète, de sorte qu’Overgas devait encore fournir des informations supplémentaires avant que la demande ne puisse être traitée ;

–        en réponse à la demande de Bulgartransgaz du 24 septembre 2010, Overgas avait, en effet, complété sa demande initiale du 24 août 2010 par une lettre du 29 septembre 2010, en fournissant à Bulgartransgaz les informations demandées et les annexes pertinentes, puis à nouveau par une lettre du 4 octobre 2010, en fournissant, notamment, un calendrier relatif au volume de gaz qu’Overgas envisageait de faire transporter dans le réseau de transport [voir considérant 101, sous f), de la décision attaquée].

812    Au vu de ces éléments, force est de constater que la lettre du 24 août 2010 ne constituait pas une demande complète au sens des règles d’accès de 2007 et a été uniquement complétée les 29 septembre et 4 octobre 2010.

813    Or, ainsi qu’il ressort du considérant 85, sous c), de la décision attaquée et que les parties en conviennent, le délai d’un mois pour l’envoi de l’avis écrit au demandeur au titre de l’article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007 ne commençait à s’écouler qu’à partir du moment où la demande était complète, à savoir le 4 octobre 2010.

814    Il s’ensuit que ce n’est qu’à partir du 4 octobre 2010 que le caractère prétendument dilatoire du comportement de Bulgartransgaz dans le traitement de la demande d’accès d’Overgas pour 2011 doit s’apprécier, et cela à la lumière des événements successifs décrits ci-après.

815    Le 18 octobre 2010, Bulgartransgaz a convoqué le groupe de travail pour examiner la demande d’accès au réseau introduite par Overgas le 29 septembre 2010.

816    Par la lettre du 11 novembre 2010, Overgas :

–        s’est plainte du fait que, « depuis trois mois », elle tentait de conclure un contrat de transport sur le réseau de transport de Bulgartransgaz et qu’elle ne disposait toutefois pas de la proposition de projet du contrat ;

–        a indiqué avoir aussi envoyé, par une lettre du 29 septembre 2010, des demandes d’accès au réseau de transport et s’est plainte du fait que, bien que le délai de réponse d’un mois avait déjà expiré, elle n’avait toujours pas reçu de réponse ;

–        a affirmé avoir conclu un contrat avec Gazprom pour la fourniture de gaz qu’elle demandait de faire transporter sur le réseau de transport, cette fois depuis les points d’entrée Negru Vodă 2 et 3 vers 42 points de sortie déjà identifiés dans la lettre du 29 septembre 2010 [voir considérant 101, sous g), de la décision attaquée].

817    Dans un rapport non daté, mais qui concerne les lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010, le groupe de travail, examinant les demandes d’Overgas en conformité avec l’article 9, paragraphes 1 et 2, des règles d’accès de 2007, a indiqué que celle-ci remplissait les conditions pour l’octroi de l’accès au réseau de transport, tout en proposant une réunion entre Bulgartransgaz et Overgas pour avoir des éclaircissements techniques concernant « l’établissement d’un environnement de communication entre les deux entreprises pour l’échange de paramètres technologiques des points d’entrée et de sortie, ainsi que pour coordonner la pression aux points d’entrée ».

818    Ainsi qu’il ressort du considérant 103 de la décision attaquée, le 1er décembre 2010, une réunion s’est tenue entre Bulgartransgaz et Overgas. Il ressort du compte rendu de cette réunion que, à cette occasion :

–        Bulgartransgaz a informé Overgas qu’elle était en train de traiter toutes ses demandes d’accès au réseau de transport et lui a fait part de la nécessité d’obtenir certains éclaircissements techniques, ainsi que cela avait été proposé par le groupe de travail (voir point 817 ci-dessus) ;

–        Overgas s’est plainte que ses demandes d’accès au réseau de transport n’avaient pas été traitées et que cela entravait la mise en œuvre des contrats de fourniture de gaz qu’elle avait conclus avec des utilisateurs finaux ; elle a demandé à Bulgartransgaz de lui fournir un contrat de transport avant la fin de l’année et a explicitement indiqué que, en l’absence de signature d’un contrat, elle transmettrait l’affaire au régulateur bulgare, à l’autorité de la concurrence nationale bulgare ainsi qu’à la Commission.

819    Le 22 décembre 2010, le président-directeur général de Bulgartransgaz (ci-après le « PDG de Bulgartransgaz ») a envoyé au conseil d’administration de celle-ci un mémorandum datant du 17 décembre 2010 proposant de le déléguer pour soumettre les informations nécessaires à la conclusion du contrat de transport avec Overgas à l’approbation préalable de BEH.

820    Le 20 janvier 2011, Overgas a introduit une plainte formelle auprès du régulateur bulgare. Une copie de cette plainte a été envoyée au ministre de l’Énergie bulgare (voir considérant 105 de la décision attaquée).

821    Le 17 mai 2012, Overgas a demandé au régulateur bulgare l’état d’avancement de l’examen de sa plainte (voir considérant 225 de la décision attaquée).

822    Le 19 juin 2012, Bulgartransgaz a envoyé à Overgas une lettre indiquant que ses demandes d’accès au réseau de transport n’avaient pas été approuvées (ci-après la « lettre du 19 juin 2012 »). Elle a précisé qu’elle avait examiné les demandes des 29 septembre et 11 novembre 2010 et qu’elle avait constaté que :

–        ces demandes n’avaient pas été accompagnées de contrats préalables de fourniture de gaz conclus avec les clients finaux aux points de sortie ;

–        le total des quantités visées dans les deux demandes excédait les quantités consommées à ces points de sortie ;

–        il n’était pas possible de transporter du gaz vers les clients connectés au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren à partir des points d’entrée Negru Vodă 2 et 3, car ces derniers faisaient partie du gazoduc de transit bulgare destiné au transport du gaz vers l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Grèce et la Turquie ;

–        lors de la réunion du 1er décembre 2010, elle avait demandé à Overgas de clarifier la question relative au point d’entrée pour lequel l’accès avait été demandé ainsi que le volume que cette dernière voulait fournir à travers le réseau de transport.

823    Force est donc de constater que c’est uniquement par la lettre du 19 juin 2012 que Bulgartransgaz a finalement répondu à la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport, du 29 septembre 2010, telle que complétée le 4 octobre 2010 (voir points 811 à 813 ci-dessus). Dès lors, Bulgartransgaz a méconnu le délai d’un mois prévu à l’article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007, qui expirait le 4 novembre 2010.

824    Il s’ensuit que l’argument des requérantes, tiré du traitement diligent et rapide des demandes d’accès d’Overgas, doit être rejeté.

–       Sur le second argument, tiré de la duplication des capacités demandées par Overgas dans ses lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010

825    Aux considérants 475 et 476 de la décision attaquée, la Commission a retenu que Bulgartransgaz avait délibérément mal interprété les lettres d’Overgas contenant la demande d’accès au réseau de transport pour l’année 2011, en cumulant les capacités demandées sur ledit réseau, pour justifier sa décision de refus d’accès du 19 juin 2012.

826    S’il est certes vrai que, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier argument, Bulgartransgaz a, a priori, méconnu l’article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007 en ne répondant pas à la demande d’accès du 29 septembre 2010, telle que complétée le 4 octobre 2010 dans le délai d’un mois prévu, l’appréciation de la tactique dilatoire reprochée à Bulgartransgaz, visée au point 825 ci-dessus, doit prendre en compte l’argument des requérantes tiré du fait que, par la lettre du 11 novembre 2010, Overgas a introduit une seconde demande d’accès au réseau et que, dès lors, Bulgartransgaz n’aurait pas pu statuer sur les demandes d’accès d’Overgas pour 2011, car celles-ci dépassaient la capacité du réseau de transport.

827    Au considérant 101, sous g), de la décision attaquée, la Commission a explicitement retenu que, dans sa lettre du 11 novembre 2010, Overgas demandait l’accès, pour les mêmes quantités de gaz que celles qui faisaient l’objet de la demande précédente du 29 septembre 2010, aux 43 points de sortie par le moyen, cette fois, du gazoduc de transit bulgare avec les points d’entrée Negru Vodă 2 et 3.

828    Or, ainsi qu’il ressort du point 822 ci-dessus, la lettre du 19 juin 2012 de Bulgartransgaz refusant d’accorder l’accès au réseau de transport à Overgas constatait, notamment, que le total des quantités visées dans les demandes d’accès des 29 septembre et 11 novembre 2010 excédait la capacité dudit réseau, tout en faisant valoir qu’il n’était pas possible de transporter du gaz vers les clients connectés au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren à partir des points d’entrée Negru Vodă 2 et 3, car ces derniers faisaient partie du gazoduc de transit bulgare destiné au transport du gaz vers l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Grèce et la Turquie.

829    À cet égard, il convient de relever que la lettre d’Overgas du 11 novembre 2010 était rédigée comme suit :

« Voici plus de trois mois qu’Overgas […] tente de conclure un contrat de transport de gaz naturel sur le réseau de transport […] de Bulgartransgaz. Jusqu’à présent, nous ne disposons même pas de la proposition de projet dudit contrat […] Par [une] lettre [du 29 septembre 2010], nous vous avons envoyé des demandes d’accès au réseau de transport […] Bien que le délai légal de réponse d’un mois ait déjà expiré, nous n’avons toujours pas reçu de réponse. À la suite des accords conclus avec notre fournisseur Gazprom […] pour la fourniture de quantités de gaz naturel pour 2011, nous envoyons en annexe d’autres demandes d’accès au réseau de transport […] de Bulgartransgaz […] avec le point d’entrée Negru Vodă 2, 3. Nous attendons votre réponse relative aux termes et conditions d’accès au réseau de transport […] par rapport aux demandes jointes à la présente lettre, ainsi qu’à celles envoyées par notre lettre [du 29 septembre 2010]. »

830    Il ressort des termes de la lettre du 11 novembre 2010 qu’elle n’était pas dépourvue d’ambiguïté, notamment, en ce que :

–        elle mentionnait les demandes d’accès figurant dans la lettre du 29 septembre 2010, tout en soumettant « d’autres demandes » ;

–        elle joignait, en annexe, des demandes d’accès visant exactement les mêmes quantités de gaz que la lettre du 29 septembre 2010 et les mêmes points de sortie.

831    Ainsi, on ne peut pas exclure, à la lecture de la lettre du 11 novembre 2010, que, a priori, Overgas introduisait une demande d’accès indépendante au réseau de transport, auquel elle se référait explicitement, d’autant plus que cette nouvelle demande ne clarifiait pas son lien avec la demande précédente figurant dans la lettre du 29 septembre 2010.

832    Cependant, au considérant 101, sous g), de la décision attaquée, la Commission a retenu que la lettre du 11 novembre 2010 concernait une demande d’accès au gazoduc de transit bulgare, et non pas au réseau de transport. Au demeurant, les parties ont confirmé à l’audience que la lettre du 11 novembre 2010 était une demande d’accès, séparée et additionnelle à celle du 29 septembre 2010, concernant un réseau complètement différent.

833    Toutefois, force est de constater que la lettre d’Overgas du 11 novembre 2010 ne faisait aucune référence au gazoduc de transit bulgare, mais se référait uniquement au réseau de transport.

834    Il suit de ces considérations qu’en raison de la juxtaposition des deux lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010, il était objectivement plus difficile de comprendre quelles étaient exactement les demandes d’Overgas concernant l’accès au réseau de transport pour l’année 2011.

835    Certes, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier argument, au moment où est intervenue la lettre du 11 novembre 2010, Bulgartransgaz avait déjà méconnu l’article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007 en ne répondant pas à la demande d’accès du 29 septembre 2010, telle que complétée le 4 octobre 2010 dans le délai d’un mois requis.

836    Toutefois, il ressort du résumé de la réunion entre la Commission et Overgas du 15 décembre 2011, qui figure dans le rapport de la salle d’information, que la demande du 29 septembre 2010 et celle du 11 novembre 2010 étaient distinctes.

837    Il ressort également du résumé mentionné au point 836 ci-dessus que, durant la même réunion, la Commission a signalé à Overgas que le réseau de transport et le gazoduc de transit bulgare constituaient deux réseaux séparés, sans connexion entre eux. Overgas a répondu qu’une telle connexion existait à travers la station de stockage de Chiren. C’est ce qui ressort également des observations de suivi d’Overgas du 19 juillet 2012 concernant cette réunion, par lesquelles Overgas a souligné qu’une connexion entre le réseau de transport et le gazoduc de transit pouvait être établie avec des coûts insignifiants et dans un très bref délai.

838    Cependant, dans les mêmes observations de suivi du 19 juillet 2012, Overgas a clairement indiqué que les deux voies évoquées dans ses demandes d’accès, à savoir le réseau de transport et le gazoduc de transit bulgare, constituaient des voies alternatives pour le transport des mêmes volumes de gaz, avec une forte préférence de sa part pour l’accès à travers le réseau de transport.

839    Ainsi, une lecture d’ensemble et contextuelle de tous les éléments du dossier permet de valider le constat, figurant au considérant 101, sous g), de la décision attaquée que, par la lettre du 11 novembre 2010, Overgas cherchait à savoir si les mêmes quantités de gaz, indiquées dans sa demande du 29 septembre 2010, pouvaient être transportées, par une voie alternative, aux mêmes points de sortie qui figuraient déjà dans la demande originelle, à travers le gazoduc de transit bulgare, avec les points d’entrée Negru Vodă 2 et 3.

840    S’agissant ensuite de la conclusion que la Commission a tirée du considérant 101, sous g), aux considérants 475 et 476 de la décision attaquée, concernant une mauvaise interprétation délibérée de la part de Bulgartransgaz des lettres mentionnées au point 839 ci-dessus comme constituant deux demandes cumulatives, il y a lieu de relever que, tant le rapport du groupe de travail que le mémorandum du PDG de Bulgartransgaz du 17 décembre 2010 indiquaient que, par sa lettre du 11 novembre 2010, Overgas « a[vait] confirmé à Bulgartransgaz EAD les quantités de gaz naturel [à transporter] et le calendrier du transport, et [avait] aussi indiqu[é] un autre point d’entrée [à savoir] Negru Vodă 2, 3 ».

841    En outre, le groupe de travail avait recommandé, dans son rapport qui précédait la réunion du 1er décembre 2010 que, en application de l’article 9, paragraphe 3, des règles d’accès de 2007, Bulgartransgaz envoie à Overgas « des avis écrits sur les termes et les conditions de l’accès au réseau de transport » et conclue des « contrats [de transport de gaz] qui répondent aux paramètres techniques déterminés dans les[dits] avis [écrits] ».

842    De même, dans son mémorandum du 17 décembre 2010, le PDG de Bulgartransgaz avait réitéré cette position, en reconnaissant explicitement qu’« Overgas rempli[ssai]t les conditions d’accès au réseau de transport ».

843    Il en ressort que tant le groupe de travail que le PDG de Bulgartransgaz avaient bien compris que les lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010 présentaient des demandes alternatives d’Overgas, concernant le transport du gaz à travers soit le réseau de transport, soit le gazoduc de transit bulgare, et cela en dépit du fait que la lettre du 11 novembre 2010 ne mentionnait pas explicitement le gazoduc de transit bulgare, mais uniquement les points d’entrée qui y étaient afférents, à savoir Negru Vodă 2 et 3.

844    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient prétendre que le temps qu’il a fallu à Bulgartransgaz pour répondre aux demandes d’accès d’Overgas pour l’année 2011 se justifiait par la duplication des quantités demandées, ce qui n’était clairement pas une considération qui aurait pesé sur Bulgartransgaz à la fin de l’année 2010, quand le traitement des demandes d’accès au réseau de transport aurait dû être achevé.

845    Le second argument, tiré de la duplication des capacités demandées par Overgas dans ses lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010, doit donc être rejeté.

iii) Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’intérêt d’Overgas à accéder au réseau de transport avant 2013

846    Les requérantes soutiennent que le comportement d’Overgas démontre que cette dernière n’avait pas d’intérêt à obtenir un accès au réseau de transport avant 2013. Elles invoquent deux arguments.

847    En premier lieu, ce manque d’intérêt ressortirait du fait qu’Overgas n’a pas demandé d’accès au réseau de transport pour l’année 2012 et qu’elle ne s’est renseignée sur le statut de sa plainte auprès du régulateur bulgare qu’en mai 2012. Selon les requérantes, l’objectif principal d’Overgas aurait consisté à engager un recours contre elles.

848    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission, en tant qu’autorité administrative agissant dans l’intérêt général, doit examiner attentivement tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par les plaignants en vue d’établir l’existence d’une infraction (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 1983, Schmidt/Commission, 210/81, EU:C:1983:277, point 19). Lorsque le plaignant justifie d’un intérêt légitime valable, la Commission ne saurait être tenue de vérifier la possible existence d’autres motivations chez ce plaignant (arrêt du 7 juin 2006, Österreichische Postsparkasse et Bank für Arbeit und Wirtschaft/Commission, T‑213/01 et T‑214/01, EU:T:2006:151, point 118).

849    Il s’ensuit que l’existence éventuelle d’autres motivations que celles fondant l’intérêt légitime du plaignant est dépourvue de pertinence aux fins de la décision de la Commission, agissant dans l’intérêt général, de poursuivre ou non une infraction alléguée.

850    Or, en l’espèce, il ressort du dossier qu’Overgas a en effet envoyé des demandes d’accès au réseau de transport en 2010 et contacté la Commission, le régulateur bulgare et le ministre de l’Énergie bulgare en 2011 pour se plaindre du comportement de Bulgartransgaz.

851    En outre, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier argument du deuxième grief (voir points 805 à 824 ci-dessus), par sa lettre du 29 septembre 2010, telle que complétée par celle du 4 octobre 2010, Overgas avait soumis une demande complète d’accès au réseau de transport pour l’année 2011 et Bulgartransgaz est restée en défaut de statuer sur cette demande dans le délai imparti par l’article 9, paragraphe 3, et l’article 8, dernière phrase, des règles d’accès de 2007.

852    Ces éléments établissent, au-delà d’autre possibles motivations, dépourvues de pertinence, la réalité de l’intérêt d’Overgas à obtenir l’accès sollicité au réseau de transport pour l’année 2011.

853    Enfin, les requérantes ne sauraient davantage s’appuyer sur l’absence de demande d’accès au réseau de transport d’Overgas pour l’année 2012, dès lors que Bulgartransgaz n’a statué sur sa première demande d’accès audit réseau, introduite en 2010 et afférente à l’année 2011, que le 19 juin 2012.

854    Le premier argument doit donc être rejeté.

855    En second lieu, les requérantes soutiennent que, jusqu’en 2013, Overgas ne disposait pas de gaz à l’entrée du réseau de transport, faute d’accès au gazoduc roumain 1, et que Bulgartransgaz n’avait connaissance ni des démarches d’Overgas auprès de Transgaz pour obtenir un tel accès ni du refus de Transgaz de lui accorder ledit accès.

856    À cet égard, pour les raisons exposées aux points 755 à 758 ci-dessus, les règles d’accès de 2007 ne permettaient pas à Bulgartransgaz de subordonner l’accès au réseau de transport à l’accès au gazoduc roumain 1.

857    En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier que Bulgartransgaz ait jamais demandé à Overgas, dans le cadre de l’examen des demandes d’accès de celle-ci soumise pour 2011, de fournir la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1.

858    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient se prévaloir du fait qu’Overgas n’avait pas obtenu d’accès au gazoduc roumain 1 en 2011 pour avancer que cette dernière n’avait pas un intérêt réel à obtenir un accès au réseau de transport avant 2013.

859    L’argument doit donc être écarté et, ainsi, le troisième grief dans son intégralité.

2)      Sur le quatrième grief, tiré de l’absence de caractère restrictif de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour 2013

860    Les requérantes contestent le constat du caractère restrictif de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour l’année 2013, retenu par la Commission dans la décision attaquée.

861    Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, si Overgas s’était vu octroyer un accès au réseau de transport pour l’année 2013, les conditions de cet accès étaient restrictives et non transparentes. À cet égard, elle a retenu que Bulgartransgaz avait initialement octroyé à Overgas un accès pour une courte durée, initialement de trois mois, selon des conditions incertaines, et que Bulgartransgaz avait ensuite décidé, de façon arbitraire et non transparente, de ne pas prolonger le contrat conclu avec Overgas, avant, finalement, de prolonger ce contrat (voir considérants 475 et 479 de la décision attaquée).

862    Les requérantes soutiennent, en revanche, qu’Overgas a obtenu un accès ininterrompu et satisfaisant au réseau de transport à partir de janvier 2013 et que les conditions auxquelles était subordonné cet accès, à savoir la fourniture préalable de la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1 et de contrats de fourniture de gaz conclus avec des clients, étaient justifiées.

863    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la lettre du 19 juin 2012, Bulgartransgaz a rejeté les demandes d’accès d’Overgas des 29 septembre et 11 novembre 2010, en constatant, notamment, que cette dernière n’avait pas fourni de contrats préalablement conclus avec les clients finaux aux points de sortie du réseau de transport concernés par les demandes (voir point 822 ci-dessus).

864    Par une lettre du 23 novembre 2012, Overgas a introduit une demande d’accès au réseau de transport pour l’année gazière 2013. Elle y a indiqué, explicitement, que, même si elle n’était pas tenue de fournir les contrats conclus avec les clients finaux en vertu des règles d’accès de 2007, elle les joignait à sa demande afin de se conformer aux exigences formulées par Bulgartransgaz dans sa lettre du 19 juin 2012 [voir considérant 108, sous a), de la décision attaquée].

865    Le 12 décembre 2012, Bulgartransgaz a informé Overgas qu’elle ne se verrait octroyer l’accès sollicité qu’après avoir fourni la preuve qu’elle pouvait livrer les volumes de gaz demandés au point d’entrée Negru Vodă 1, en produisant le contrat conclu pour le transport en amont desdits volumes par le biais du gazoduc roumain 1 ainsi que le calendrier afférent à ce contrat, qui devait correspondre aux volumes et aux délais de livraison concernés par la demande d’accès au réseau de transport [voir considérant 108, sous b), de la décision attaquée].

866    Par une lettre du 22 janvier 2013, Overgas a informé Bulgartransgaz qu’elle avait conclu un accord avec Bulgargaz pour l’accès au gazoduc roumain 1. Elle a également joint à cette lettre son contrat d’approvisionnement conclu avec Gazprom pour le premier trimestre de 2013 ainsi que le calendrier de livraison du gaz à Negru Vodă 1 pour 2013 [voir considérant 108, sous c), de la décision attaquée].

867    Par une lettre du 29 janvier 2013, Bulgartransgaz a transmis le projet de contrat de transport, pour signature, à Overgas, en lui rappelant la nécessité de lui fournir un accord conclu, en amont, pour le transport de gaz sur le gazoduc roumain 1 ainsi que le calendrier correspondant des livraisons de gaz au point Negru Vodă 1.

868    Le 31 janvier 2013, Overgas a fourni une copie du contrat d’accès pour 2013 conclu, ce jour-là, avec Bulgargaz pour le transit de gaz par le biais du gazoduc roumain 1 [voir considérant 108, sous c), de la décision attaquée].

869    Le même jour, Bulgartransgaz et Overgas ont, à leur tour, signé un contrat pour le transport de gaz par le biais du réseau de transport depuis le point d’entrée Negru Vodă 1 jusqu’à 37 points de sortie (ci-après le « contrat de transport de 2013 ») (voir considérant 110 de la décision attaquée). Ce contrat stipulait qu’il était rétroactivement applicable à compter du 1er janvier 2013 (voir article 4.1 dudit contrat) et que son terme était fixé au 31 décembre 2013 [voir article 3.1, sous a), dudit contrat], sous réserve d’une résiliation anticipée dans les cas prévus à son article 3.1, sous b) à h). L’article 3.1, sous h), dudit contrat accordait, notamment, à Bulgartransgaz le droit de le résilier unilatéralement si Overgas ne fournissait pas, à la fin de chaque trimestre, la preuve qu’elle avait obtenu le droit d’utiliser le gazoduc roumain 1 pour le trimestre suivant.

870    Par une lettre du 26 mars 2013, Overgas a indiqué à Bulgartransgaz qu’en application de l’article 3.1, sous h), du contrat de transport de 2013, elle lui confirmait avoir conclu, d’une part, un contrat d’approvisionnement en gaz avec Gazprom au point d’entrée du gazoduc roumain 1, et a joint, à cet égard, une lettre de Gazprom du 1er mars 2013 en attestant. D’autre part, Overgas a également indiqué avoir conclu le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 lui garantissant la possibilité d’y faire transporter son gaz, et a joint à l’appui une lettre de Bulgargaz du 22 mars 2013.

871    Il résulte des éléments rappelés aux points 865 à 870 ci-dessus que Bulgartransgaz a subordonné la conclusion du contrat de transport de 2013 à la fourniture de la preuve qu’Overgas avait accès au gazoduc roumain 1 et, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de ce contrat, elle ne lui a octroyé qu’un accès conditionnel au réseau de transport.

872    Or, ainsi qu’il ressort des points 755, 758 à 760 et 771 à 779 ci-dessus, les règles d’accès de 2007 ne permettaient pas à Bulgartransgaz de subordonner la conclusion du contrat de transport de 2013 à la fourniture de la preuve de l’accès au gazoduc roumain 1.

873    Toutefois, si le fait, pour Bulgartransgaz, de ne pas s’être conformée au cadre réglementaire applicable lorsqu’elle a octroyé l’accès au réseau de transport peut constituer un élément pertinent pour déterminer le caractère abusif de son comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 223 et 224), encore faut-il, pour qu’il revête un tel caractère, que ce comportement ait eu la capacité de produire des effets anticoncurrentiels, à tout le moins potentiels, sur les marchés en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, points 50 et 51).

874    En l’espèce, il ressort du considérant 475 de la décision attaquée que la Commission fonde son constat du caractère restrictif de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour 2013 sur les considérations exposées au considérant 312 de la décision attaquée, relatives à la manière dont Overgas avait obtenu un accès au gazoduc roumain 1 pour cette même année 2013.

875    Au considérant 312 de la décision attaquée, la Commission souligne que, selon Overgas, l’accès au gazoduc roumain 1 aurait été insatisfaisant pour deux raisons. D’une part, Bulgargaz n’avait octroyé ledit accès qu’après avoir conclu des contrats de fourniture de gaz avec ses propres clients et cet accès aurait uniquement permis à Overgas de conclure des contrats de fourniture analogues avec ses propres filiales [voir considérant 312, sous a)]. D’autre part, le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 aurait été conclu pour une courte durée, sans garantie qu’il serait étendu au-delà du 31 mars 2013, et les conditions de prorogation dudit contrat auraient manqué de clarté, ce qui aurait empêché Overgas de s’engager à moyen ou long terme, en amont, avec son fournisseur de gaz et, en aval, avec ses clients en Bulgarie [voir considérant 312, sous b) de ladite décision].

876    De même, le constat opéré aux considérants 479 et 480 de la décision attaquée, faisant état du caractère restrictif et non transparent de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour 2013, se fonde sur les considérations pertinentes exposées aux considérants 108 à 111 figurant à la section 5.2.4.2 de ladite décision.

877    Or, l’analyse de la Commission effectuée aux considérants 108 à 111 de la décision attaquée rattache itérativement le constat d’un accès insuffisant d’Overgas au réseau de transport pour 2013 au fait que Bulgartransgaz subordonnait tant l’octroi de cet accès que son renouvellement chaque trimestre à l’obtention d’un accès au gazoduc roumain 1.

878    Il ressort donc de la décision attaquée que la conclusion selon laquelle Bulgartransgaz n’a pas accordé un accès satisfaisant au réseau de transport à Overgas pour 2013 s’appuie uniquement sur le fait que cet accès était subordonné à l’accès octroyé à Overgas au gazoduc roumain 1 en 2013, accès qui était lui-même, selon la Commission, de courte durée et soumis à des conditions incertaines.

879    Toutefois, il résulte de l’analyse exposée aux points 863 à 878 ci-dessus que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que Bulgargaz n’avait pas accordé un accès satisfaisant au gazoduc roumain 1 à Overgas pour 2013. En particulier, la Commission n’a pas rapporté la preuve suffisante des circonstances avancées au considérant 312, sous a) et b), de la décision attaquée, rappelées au point 875 ci-dessus. En particulier, elle n’a pas établi que la durée initiale de trois mois du contrat d’accès au gazoduc roumain 1 pour 2013 avait eu un effet anticoncurrentiel, à tout le moins potentiel, sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et les éléments contemporains des faits démontrent, au contraire, que ledit contrat dont a bénéficié Overgas a permis de dynamiser la concurrence en permettant à plusieurs clients des marchés bulgares de fourniture de gaz de changer de fournisseur et de rejoindre ce nouvel entrant.

880    Il s’ensuit que la conclusion de la Commission, selon laquelle Bulgartransgaz n’a pas octroyé à Overgas d’accès satisfaisant au réseau de transport pour 2013, laquelle repose exclusivement sur l’octroi, non démontré, d’un accès prétendument restreint au gazoduc roumain 1 à la même période, n’est pas, elle non plus, établie à suffisance de droit.

881    La Commission n’a donc pas démontré que les conditions dans lesquelles Bulgartransgaz avait octroyé l’accès au réseau de transport à Overgas pour 2013 avaient pu avoir des effets anticoncurrentiels sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

882    Le grief est donc fondé.

883    Partant, il y a lieu d’accueillir partiellement la deuxième branche.

c)      Sur la troisième branche, tirée d’une absence de refus d’accès au réseau de transport opposé à Toplofikacia Razgrad

884    Les requérantes estiment que Bulgartransgaz n’a pas refusé l’accès au réseau de transport à Toplofikacia Razgrad.

885    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

886    Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, à la suite des difficultés rencontrées par Overgas pour obtenir un accès au réseau de transport, sa filiale et cliente Toplofikacia Razgrad a demandé à accéder audit réseau à partir du 11 juillet 2012 (voir considérants 107, 151 et 473). La Commission a reproché à Bulgartransgaz d’avoir, de facto, rejeté cette demande après avoir soumis l’octroi de l’accès ainsi demandé à des conditions qui n’étaient pas nécessaires et auxquelles Toplofikacia Razgrad n’a pas pu satisfaire (voir considérants 107, 151, 156, 473, 475 et 477 de ladite décision).

887    Ainsi, le 11 juillet 2012, Toplofikacia Razgrad a introduit une demande pour transporter [300-350] millions de mètres cubes de gaz du point d’entrée Negru Vodă 1 au point de sortie Razgrad 2 en 2012 et en 2013. La demande était accompagnée d’un contrat d’approvisionnement en gaz préliminaire entre Toplofikacia Razgrad et Overgas, daté du 9 juillet 2012, pour la période allant du 1er novembre 2012 au 31 janvier 2013, au titre duquel Overgas s’engageait à approvisionner Toplofikacia Razgrad au point de livraison Razgrad 2. Ce contrat préliminaire soumettait la conclusion d’un contrat final entre les deux parties à la condition qu’Overgas obtienne l’accès au réseau de transport (voir considérants 107, 151 et 152 de la décision attaquée).

888    Par une lettre du 18 juillet 2012, Bulgartransgaz a demandé à Toplofikacia Razgrad d’établir qu’elle avait la possibilité de fournir, pendant la période concernée, les volumes de gaz indiqués dans sa demande au point d’entrée Negru Vodă 1. En outre, Bulgartransgaz a indiqué que le point de livraison spécifié dans le contrat préliminaire entre Toplofikacia Razgrad et Overgas, à savoir Razgrad 2, était un point de sortie du réseau de transport et que, partant, il appartenait à Overgas d’introduire une demande d’accès audit réseau (voir considérant 153 de la décision attaquée).

889    À la suite de cette remarque de Bulgartransgaz, le 23 octobre 2012, Toplofikacia Razgrad a déposé un avenant à son contrat préliminaire avec Overgas stipulant, désormais, que le point de livraison du gaz était Negru Vodă 1, et non plus Razgrad 2. Cependant, la clause conditionnant la conclusion d’un contrat final entre les deux parties à l’obtention d’un accès au réseau de transport par Overgas est restée inchangée (voir considérant 154 de la décision attaquée).

890    Le 20 novembre 2012, Bulgartransgaz a rendu un avis favorable à la demande d’accès de Toplofikacia Razgrad (ci-après l’« avis du 20 novembre 2012 »). Toutefois, dans cet avis, elle a indiqué que la conclusion d’un contrat de transport avec Toplofikacia Razgrad était subordonnée à la fourniture, par cette dernière, d’un calendrier des livraisons de gaz à transporter par le biais du réseau de transport et à la preuve que les volumes de gaz contractés pouvaient être livrés au point d’entrée Negru Vodă 1. À cet égard, Bulgartransgaz a précisé que Toplofikacia Razgrad pouvait fournir soit la preuve qu’elle pouvait elle-même acheminer le gaz par le gazoduc roumain 1, soit la preuve que son fournisseur, Overgas, pouvait le faire (voir considérant 155 de la décision attaquée).

891    En outre, dans l’avis du 20 novembre 2012, Bulgartransgaz a relevé que le contrat préliminaire conclu entre Toplofikacia Razgrad et Overgas prévoyait que la conclusion de leur contrat final d’approvisionnement en gaz était subordonnée à l’obtention, par Overgas, d’un accès au réseau de transport. Elle en a déduit que « la conclusion d’un contrat final de fourniture de gaz naturel et assurant les quantités de gaz naturel n’[étai]t pas subordonnée à l’obtention par [Toplofikacia Razgrad] de l’accès au réseau de transport […], mais à ce qu’[Overgas] obtienne l’accès [audit] réseau » [voir, également, considérant 155, sous b), de la décision attaquée].

892    La Commission a conclu que Bulgartransgaz avait, finalement, rejeté la demande de Toplofikacia Razgrad en imposant deux conditions, à savoir :

–        que Toplofikacia Razgrad rapporte la preuve qu’elle avait sécurisé un approvisionnement en gaz au point d’entrée Negru Vodă 1 ;

–        qu’Overgas obtienne l’accès au réseau de transport (voir considérants 156 et 475 de la décision attaquée).

893    Or, selon la Commission, la première de ces conditions ne pouvait pas être remplie avant 2013 et, quant à la seconde, la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport venait, à l’époque de la demande d’accès audit réseau de Toplofikacia Razgrad, d’être rejetée (voir considérants 475 et 477 de la décision attaquée).

894    Les requérantes invoquent, en substance, trois griefs à l’encontre de ces conclusions.

1)      Sur le premier grief, tiré du fait que la condition d’un accès au gazoduc roumain 1 était justifiée

895    Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit en reprochant à Bulgartransgaz d’avoir exigé que Toplofikacia Razgrad lui rapporte la preuve qu’elle avait la possibilité de livrer les volumes de gaz au point d’entrée du réseau de transport Negru Vodă 1. Elles avancent, sur ce point, que :

–        l’exigence formulée par Bulgartransgaz, dans sa lettre du 18 juillet 2012, était justifiée, car le contrat préliminaire conclu entre Toplofikacia Razgrad et Overgas, tel qu’il lui avait été initialement notifié, se référait à Razgrad 2 comme point de livraison du gaz par Overgas à Toplofikacia Razgrad ;

–        Bulgartransgaz pouvait, en vertu des règles applicables, demander cette preuve au stade de la conclusion du contrat de transport.

896    À cet égard, pour les raisons exposées ci-dessus, notamment aux points 755, 758 à 760, 771 et 777 à 779, les règles d’accès de 2007 ne permettaient pas à Bulgartransgaz de subordonner l’accès au réseau de transport d’un tiers à la fourniture de la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1, ni lors de la première étape de la procédure d’accès ni au moment de la conclusion du contrat de transport.

897    Certes, la demande d’accès soumise par Toplofikacia Razgrad par sa lettre du 11 juillet 2012 visée au point 887 ci-dessus appelait des clarifications dans la mesure où le contrat préliminaire entre Toplofikacia Razgrad et Overgas accompagnant cette lettre identifiait erronément Razgrad 2 comme étant un point de livraison du gaz. Toutefois, ladite lettre indiquait clairement que Toplofikacia Razgrad souhaitait transporter le gaz du point d’entrée Negru Vodă 1 au point de sortie Razgrad 2. Dès lors, les seules informations que Bulgartransgaz était en droit de demander étaient la vérification du point d’entrée du réseau de transport dans le contrat d’approvisionnement et, surtout, l’identification de l’opérateur, Overgas ou Toplofikacia Razgrad, qui effectuerait la livraison du gaz destiné à être transporté à travers ledit réseau.

898    En revanche, le cadre réglementaire n’imposait nullement à Toplofikacia Razgrad ou à Overgas de prouver qu’au moins l’une d’entre elles avait la possibilité de livrer les volumes de gaz concernés par la demande d’accès au point d’entrée Negru Vodă 1.

899    C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission a conclu, au considérant 156, sous b), et au considérant 477 de la décision attaquée, que Bulgartransgaz avait conditionné l’accès au réseau de transport de Toplofikacia Razgrad à la fourniture d’informations qui n’étaient pas nécessaires, voire justifiées, concernant l’accès au gazoduc roumain 1.

900    Le premier grief doit donc être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, tiré du fait que Bulgartransgaz n’a pas subordonné l’accès au réseau de transport de Toplofikacia Razgrad à l’accès d’Overgas au même réseau

901    Les requérantes soutiennent que la Commission a erronément retenu, au considérant 156 de la décision attaquée, que Bulgartransgaz avait subordonné l’accès au réseau de transport de Toplofikacia Razgrad au fait qu’Overgas obtienne préalablement un accès audit réseau. Elles font valoir qu’il allait de soi que Bulgartransgaz demande des éclaircissements quant à l’utilisateur prévu du réseau de transport, car le contrat préliminaire entre Toplofikacia Razgrad et Overgas précisait que la livraison à travers le réseau de transport serait effectué par cette dernière.

902    À cet égard, la Commission a constaté, au considérant 156 de la décision attaquée, qu’ayant été incapable de satisfaire aux conditions imposées par Bulgartransgaz dans l’avis du 20 novembre 2012, notamment celle concernant l’accès d’Overgas au réseau de transport, Toplofikacia Razgrad n’avait, finalement, jamais obtenu d’accès au réseau de transport. Or, selon la Commission, cette condition n’était pas pertinente.

903    Le Tribunal constate qu’il ressort du libellé de l’avis du 20 novembre 2012 (voir point 891 ci-dessus) que, malgré la modification, dans l’avenant au contrat préliminaire conclu entre Toplofikacia Razgrad et Overgas, du point de livraison du gaz, Bulgartransgaz a souligné que la conclusion du contrat d’approvisionnement final entre ces deux parties restait subordonnée à l’obtention, par Overgas, de l’accès au réseau de transport.

904    Certes, l’accès au réseau de transport par Overgas, préalable à la conclusion du contrat d’approvisionnement final entre Toplofikacia Razgrad et Overgas, ne concernait nullement Bulgartransgaz, qui était un tiers audit contrat.

905    Toutefois, le constat concernant la subordination de la conclusion du contrat d’approvisionnement à l’obtention, par Overgas, de l’accès au réseau de transport n’était nullement libellé, dans l’avis du 20 novembre 2012, comme étant une condition pour octroyer l’accès au réseau de transport à Toplofikacia Razgrad.

906    C’est ainsi à tort que la Commission a retenu que Bulgartransgaz avait, de fait, subordonné l’accès de Toplofikacia Razgrad au réseau de transport au fait qu’Overgas obtienne un accès audit réseau.

907    Par conséquent, le deuxième grief doit être accueilli.

3)      Sur le troisième grief, tiré du fait que l’accès au réseau de transport n’a pas été refusé à Toplofikacia Razgrad

908    Les requérantes contestent la conclusion figurant au considérant 475 de la décision attaquée, selon laquelle la Commission a reproché à Bulgartransgaz d’avoir, de fait, refusé l’accès de Toplofikacia Razgrad au réseau de transport parce que les deux conditions auxquelles l’octroi de cet accès était subordonné, rappelées au point 892 ci-dessus, étaient impossibles à satisfaire. Les requérantes estiment, en substance, qu’il ressort de leurs deux premiers griefs que la conclusion d’un refus d’accès est erronée en fait. Elles font valoir que Bulgartransgaz avait approuvé la demande d’accès de Toplofikacia Razgrad et que, si celle-ci avait été capable de livrer du gaz au point d’entrée du réseau de transport, un contrat à cet égard aurait été conclu.

909    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief (voir points 896 à 899 ci-dessus), Bulgartransgaz ne pouvait pas subordonner l’accès au réseau de transport à l’accès au gazoduc roumain 1, de sorte que ladite condition pouvait être assimilée, en définitive, à un refus d’accès.

910    Dès lors, il convient de rejeter le troisième grief.

911    Il ressort des considérations qui précèdent que le seul grief de la troisième branche qu’il convient d’accueillir est le deuxième, portant uniquement sur la question d’une prétendue condition à laquelle l’accès au réseau de transport de Toplofikacia Razgrad aurait été subordonné. Puisque cela ne suffit pas pour conclure que Bulgartransgaz n’a pas refusé à cette dernière l’accès au réseau de transport, il s’ensuit que le deuxième grief ne saurait, à lui seul, conduire à l’accueil de la troisième branche qui doit, par conséquent, être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, tirée d’une absence de demande d’accès de RWE au réseau de transport

912    Les requérantes font valoir que le comportement de Bulgartransgaz n’a pas entravé l’accès de RWE au réseau de transport, dès lors que RWE n’avait pas introduit de véritable demande d’accès audit réseau.

913    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

914    Dans la décision attaquée, la Commission a conclu que le comportement de Bulgartransgaz avait rendu difficile l’accès de RWE au réseau de transport (voir considérant 473). Elle a retenu, d’une part, qu’il avait fallu six mois à Bulgartransgaz pour répondre à la demande initiale d’accès audit réseau de RWE et, d’autre part, que Bulgartransgaz n’avait pas fourni à RWE les informations sur la capacité disponible sur ledit réseau pour lui permettre de déposer une demande adéquate (voir considérant 474).

915    La Commission a également relevé que le fait, pour Bulgartransgaz, de ne pas avoir permis à RWE d’accéder au réseau de transport différait significativement du traitement réservé à Bulgargaz, qui s’était vu octroyer un accès audit réseau sans même signer de contrat avec Bulgartransgaz (voir considérants 143 et 474 de la décision attaquée).

916    Les requérantes contestent la décision attaquée sur ce point, en soulevant deux griefs.

1)      Sur le premier grief, tiré du fait que RWE n’aurait pas déposé de demande à laquelle Bulgartransgaz était tenue de répondre

917    Les requérantes font valoir que le formulaire de demande d’accès au réseau de transport déposé par RWE, datant du 2 février 2011 (ci-après le « formulaire du 2 février 2011 »), était un document presque vierge, qui ne comportait que l’adresse de RWE ainsi que des informations sur cette société et auquel Bulgartransgaz n’était pas tenue de répondre dans le délai réglementaire.

918    À cet égard, comme cela est décrit au point 742 ci-dessus, en vertu des articles 7 à 9 des règles d’accès de 2007, applicables lorsque le formulaire du 2 février 2011 a été déposé, toute demande d’accès au réseau de transport devait être soumise par écrit, par le biais d’un formulaire qui devait être fourni par le GRT. Dans le cas où ce dernier aurait considéré que la demande était incomplète, il devait inviter le demandeur à compléter sa demande dans un délai de quatorze jours. Ensuite, le GRT disposait d’un délai d’un mois à partir de la réception d’une demande complète pour envoyer au demandeur un avis écrit sur les conditions d’accès ou rejeter la demande de manière motivée.

919    Il ressort du dossier que, en l’espèce, le formulaire du 2 février 2011, intitulé « Demande de fourniture d’accès au réseau de transport de gaz de Bulgartransgaz EAD », a été soumis selon le modèle publié par Bulgartransgaz sur son site Internet. Toutefois, RWE y a effectivement simplement mentionné son nom, ses coordonnées, le nom de ses représentants et celui de la personne de contact ainsi que le fait qu’elle était un négociant en gaz naturel. En revanche, les rubriques relatives au volume et à la qualité du gaz à transporter, la période concernée ainsi que les informations relatives aux points d’entrée et de sortie du réseau de transport n’ont pas été remplies.

920    Force est de constater que, tel qu’il avait été soumis, le formulaire du 2 février 2011 ne constituait pas une demande d’accès au réseau de transport suffisamment complète pour que Bulgartransgaz puisse y répondre en l’état. En dépit de ces lacunes, la décision attaquée a qualifié le formulaire du 2 février 2011 de « demande formelle d’accès au réseau de transport bulgare ».

921    Par ailleurs, il ressort des considérants 137 et 138 de la décision attaquée, non contestés par les requérantes, que Bulgartransgaz n’a pas réagi à la suite de la réception du formulaire du 2 février 2011 et que RWE a envoyé, par la suite, les 28 avril et 30 juin 2011, deux lettres réitérant sa demande d’accès au réseau de transport et menaçant de saisir le régulateur bulgare.

922    Par une lettre du 13 juillet 2011 (ci-après la « lettre du 13 juillet 2011 ») Bulgartransgaz a indiqué qu’elle répondait au formulaire du 2 février 2011, qu’elle l’avait revu en application des règles d’accès de 2007 et qu’il était nécessaire que RWE lui fournisse les informations suivantes pour assurer le traitement de ladite demande :

–        les points d’entrée et de sortie du réseau de transport concernés par cette demande ;

–        l’utilisation horaire minimale et maximale à ces points d’entrée et de sortie ;

–        la période, les volumes de gaz, le calendrier de livraison et les caractéristiques techniques du gaz concernés par ladite demande ;

–        la copie des contrats de fourniture de gaz, préliminaires ou déjà conclus.

923    Bulgartransgaz concluait la lettre du 13 juillet 2011 en proposant une réunion avec RWE. Il ressort du considérant 140 de la décision attaquée que deux réunions se sont tenues, pendant lesquelles Bulgartransgaz a expliqué à RWE qu’elle ne pouvait pas traiter sa demande sans les informations additionnelles.

924    Le Tribunal relève que les informations demandées dans la lettre du 13 juillet 2011 ne sont, en effet, que celles que RWE aurait dû fournir dans le formulaire du 2 février 2011. Ce ne serait donc qu’à partir de la date où RWE aurait fourni ces éléments que l’on pourrait considérer que le délai d’un mois, au terme duquel le GRT était tenu de prendre position au titre de l’article 8, dernier paragraphe, des règles d’accès de 2007, commençait à s’écouler. Toutefois, comme cela est constaté au considérant 142 de la décision attaquée, selon Bulgartransgaz, RWE n’a jamais fourni les informations demandées et aucun élément du dossier ne permet de démentir une telle assertion.

925    Dans un souci d’exhaustivité, il convient également de relever qu’il est certes vrai que Bulgartransgaz n’a pas répondu au formulaire du 2 février 2011 jusqu’à ce que RWE lui envoie deux lettres, les 28 avril et 30 juin 2011, réitérant sa demande d’accès au réseau de transport et menaçant de saisir le régulateur bulgare. Toutefois, on ne saurait lui reprocher d’avoir agi en violation des règles d’accès de 2007, puisque le délai prévu ne commençait à s’écouler qu’une fois que la demande était complète. À l’audience, les parties ont confirmé qu’aucun délai ne s’imposait au GRT pour informer un demandeur d’accès que sa demande était incomplète et que le délai de quatorze jours fixé par l’article 8 desdites règles s’appliquait au demandeur d’accès pour compléter sa demande.

926    Il s’ensuit que le premier grief est fondé et doit, donc, être accueilli.

2)      Sur le second grief, tiré de l’absence de différence de traitement entre Bulgargaz et RWE

927    En premier lieu, les requérantes font valoir que toute allégation de discrimination, de la part de Bulgartransgaz, entre Bulgargaz et RWE est dépourvue de pertinence à moins qu’elle ne constitue une violation de l’article 102 TFUE.

928    Cet argument est voué au rejet.

929    En effet, si un abus de position dominante peut prendre la forme d’une différence de traitement non justifiée [voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 1997, GT-Link, C‑242/95, EU:C:1997:376, point 41 ; du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 114, et du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T‑228/97, EU:T:1999:246, point 140], dans la décision attaquée, la Commission n’a pas retenu un tel abus. En particulier, elle n’a pas qualifié de discriminatoire le comportement de Bulgartransgaz par rapport à celui adopté avec Bulgargaz, mais elle a évoqué, aux considérants 143 et 474, la différence de traitement entre Bulgargaz et RWE pour mettre en exergue la bienveillance avec laquelle, à son avis, Bulgartransgaz aurait réagi aux demandes d’accès au réseau de Bulgargaz, par rapport au traitement réservé aux demandes de RWE. Elle a souligné, notamment, le fait que Bulgartransgaz aurait octroyé un accès à Bulgargaz, même en l’absence d’un contrat signé à cet égard.

930    Dès lors, cette considération ne peut pas être écartée, a priori, comme étant dépourvue de pertinence.

931    En second lieu, les requérantes contestent l’existence d’une différence entre le traitement réservé à Bulgargaz et celui réservé à RWE de la part de Bulgartransgaz telle que retenue aux considérants 143 et 474 de la décision attaquée. Elles font valoir que ces deux opérateurs se trouvaient dans des situations différentes au motif que, contrairement à Bulgargaz, RWE avait demandé un accès général au réseau de transport, dès lors qu’elle n’avait pas spécifié les points d’entrée et de sortie dudit réseau, qu’elle souhaitait utiliser. Les requérantes soulignent que Bulgartransgaz n’a pas octroyé à Bulgargaz d’accès général au réseau de transport.

932    Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier grief (voir points 928, 929, 931 et 934 ci-dessus), c’est à tort que la Commission a qualifié de refus d’accès les suites données à la demande d’accès de RWE.

933    Il s’ensuit que, dans la mesure où, dans la décision attaquée, la Commission a évoqué la différence entre le traitement qui aurait été réservé par Bulgartransgaz, respectivement, à Bulgargaz et à RWE uniquement pour renforcer son analyse s’agissant des prétendus manquements de Bulgartransgaz à l’égard de RWE, l’accueil du premier grief emporte également, par voie de conséquence, l’accueil du second grief. En effet, il ne saurait être reproché à Bulgartransgaz d’avoir traité de manière discriminatoire RWE, alors que cette dernière ne s’est pas vu opposer de refus d’accès, puisqu’elle n’a pas complété sa demande d’accès nonobstant l’invitation en ce sens de Bulgartransgaz.

934    Partant, il y a lieu d’accueillir le second grief et, ainsi, la quatrième branche.

e)      Sur la cinquième branche, tirée d’une absence d’élimination de la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz

935    Les requérantes estiment que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que les pratiques reprochées à Bulgartransgaz concernant l’accès au réseau de transport avaient conduit à une élimination de la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. D’une part, un accès satisfaisant audit réseau aurait été accordé à la société B et à la société C entre 2010 et 2012 ainsi qu’à Overgas à partir de 2013. D’autre part, l’obstacle à l’accès à ce réseau pour Overgas avant 2013 tenait au fait que l’accès au gazoduc roumain 1 lui avait été refusé par Transgaz, ce qui était une circonstance étrangère aux comportements des requérantes.

936    La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

937    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que le caractère abusif d’un comportement relevant d’une pratique d’éviction suppose que celui-ci ait eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés, cette appréciation devant être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes entourant ledit comportement [voir arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 154 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, points 50, 64 et 72 et jurisprudence citée].

938    La Commission doit, à cet égard, démontrer, en premier lieu, que la pratique en cause avait la capacité, lorsqu’elle a été mise en œuvre, de produire de tels effets d’éviction, en ce sens qu’elle était susceptible de rendre plus difficile la pénétration ou le maintien des concurrents sur le marché en cause et que, ce faisant, ladite pratique était susceptible d’avoir une incidence sur la structure de marché et, en second lieu, que cette pratique reposait sur l’exploitation de moyens autres que ceux relevant d’une concurrence par les mérites (arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 61).

939    Toutefois, ces effets d’éviction ne doivent pas être purement hypothétiques. En conséquence, la Commission ne peut s’appuyer sur les effets que la pratique en cause pourrait ou aurait pu produire si certaines circonstances particulières, qui n’étaient pas celles prévalant sur le marché au moment de sa mise en œuvre et dont la réalisation apparaissait, alors, peu probable, s’étaient réalisées ou se réalisent (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 70 et jurisprudence citée).

940    D’autre part, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, tels que l’appréciation de l’abus de position dominante et de ses effets sur la concurrence, le juge de l’Union doit, dans le cadre du contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54 et jurisprudence citée).

941    Or, il résulte de l’examen du « sous-moyen » tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès au réseau de transport que :

–        Bulgartransgaz ne pouvait pas exiger la preuve d’un accès au gazoduc roumain 1 comme condition préalable au traitement des demandes d’accès, notamment, d’Overgas et de Toplofikacia Razgrad (voir première branche et premier grief de la troisième branche) ;

–        Bulgartransgaz n’a pas traité la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour l’année 2011 dans le délai prescrit par les règles d’accès de 2007 et, le 19 juin 2012, elle a justifié son refus en faisant, délibérément, une mauvaise interprétation des lettres d’Overgas des 29 septembre et 11 novembre 2010 (voir deuxième grief de la deuxième branche).

942    En revanche, en premier lieu, il ressort du même examen que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que la lettre d’Overgas du 30 juillet 2010 constituait une demande d’accès au sens des règles d’accès de 2007. Ainsi, il convient de ne retenir l’analyse du comportement abusif de Bulgartransgaz sur le réseau de transport qu’à partir de la lettre du 29 septembre 2010 (voir premier grief de la deuxième branche).

943    En second lieu, la Commission n’a pas davantage établi à suffisance de droit que le mode opératoire de Bulgartransgaz, consistant à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers au réseau de transport, s’était poursuivi pendant la période postérieure au 1er janvier 2013 (voir quatrième grief de la deuxième branche).

944    En effet, pour conclure que Bulgartransgaz n’avait pas octroyé un véritable accès à Overgas au réseau de transport en 2013, la Commission s’est uniquement appuyée sur ses conclusions erronées selon lesquelles Bulgargaz aurait abusivement refusé ou restreint l’accès au gazoduc roumain 1 à Overgas en 2013 (voir points 875 à 879 ci-dessus). Par conséquent, la conclusion selon laquelle un accès insuffisant aurait été octroyé au réseau de transport en 2013 est, elle aussi, nécessairement erronée.

945    De surcroît, le Tribunal relève que la décision attaquée ne fait état d’aucune demande d’accès au réseau de transport pour l’année 2014 qui aurait été rejetée. En effet, si, à ses considérants 112 à 116, ladite décision comporte une description des raisons pour lesquelles Overgas estimait que son accès au réseau de transport en 2014 et en 2015 restait insuffisant, la Commission y souligne qu’Overgas avait bénéficié d’un accès non interrompu audit réseau pendant cette période et que les critiques de cette dernière à l’époque concernaient, principalement, la procédure utilisée par Bulgartransgaz pour traiter les demandes d’accès.

946    Toutefois, au considérant 479 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, malgré les critiques d’Overgas quant à la nature des informations exigées par Bulgartransgaz pour le traitement des demandes d’accès, cette dernière lui avait octroyé un accès non interrompu au réseau de transport pour les années 2014 à 2016, selon une procédure qui appliquait correctement les règles d’accès de 2013, en vigueur à l’époque.

947    Néanmoins, la Commission a considéré que la conduite prétendument anticoncurrentielle de Bulgartransgaz sur le réseau de transport s’était poursuivie, en substance, jusqu’au moment où Bulgargaz avait mis fin à son comportement prétendument abusif sur le gazoduc roumain 1, à savoir jusqu’au 1er janvier 2015 (voir considérants 479 et 480 de la décision attaquée).

948    Or, la Commission n’ayant pas établi que Bulgargaz avait adopté un comportement abusif en ce qui concernait l’accès au gazoduc roumain 1 durant cette période, elle n’a pas non plus rapporté la preuve du caractère abusif du comportement de Bulgartransgaz quant à l’accès au réseau de transport pour l’année 2014.

949    Il s’ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit que Bulgartransgaz avait adopté un mode opératoire consistant à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers au réseau de transport uniquement entre le 29 septembre 2010 et le 31 décembre 2012.

950    En particulier, la Commission a démontré que, pendant cette période, Bulgartransgaz avait entravé l’accès d’Overgas et de Toplofikacia Razgrad à cette infrastructure.

951    En revanche, il résulte de l’examen du premier « sous-moyen » que, jusqu’au 1er janvier 2013, Overgas et Toplofikacia Razgrad n’avaient pas d’accès au gazoduc roumain 1, et ce pour des motifs qui ne sont pas imputables à un comportement abusif avéré des requérantes (voir points 291 à 293, 325 à 333 et 686 ci-dessus).

952    Par conséquent, même si Bulgartransgaz avait octroyé à Overgas et à Toplofikacia Razgrad un accès au réseau de transport avant le 1er janvier 2013, ces deux opérateurs n’auraient pas pu entrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. En effet, l’approvisionnement en gaz de ces deux opérateurs provenait exclusivement de Russie. Or, l’accès au gazoduc roumain 1, dont ils ne disposaient pas pour des raisons non imputables aux requérantes, était essentiel pour acheminer leur gaz depuis la Russie vers la Bulgarie et ainsi permettre une pénétration du marché du gaz bulgare.

953    Il s’ensuit que, si la Commission a rapporté la preuve que, entre le 29 septembre 2010 et le 31 décembre 2012, Bulgartransgaz avait méconnu ses obligations réglementaires et avait entravé l’accès d’Overgas et de Toplofikacia Razgrad au réseau de transport, elle n’a, en revanche, pas établi que ce comportement avait eu la capacité, qui n’aurait pas été seulement hypothétique, de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire des effets d’éviction sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, au sens de la jurisprudence citée aux points 937 à 939 ci-dessus, ni, partant, que ledit comportement constituait un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE.

954    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas démontré que le comportement de Bulgartransgaz concernant l’accès au réseau de transport avait eu la capacité, qui n’aurait pas été purement hypothétique, de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire des effets d’éviction sur les marchés bulgares de fourniture de gaz ni, partant, que ledit comportement constituait un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE.

955    La cinquième branche doit donc être accueillie.

f)      Conclusion sur le deuxième « sous-moyen »

956    D’une part, il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas rapporté la preuve que le comportement de Bulgartransgaz adopté entre le 29 septembre 2010 et le 31 décembre 2012, en ayant entravé l’accès des tiers au réseau de transport, avait eu la capacité de restreindre la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et, partant, qu’il relevait de l’article 102 TFUE. D’autre part, elle n’a pas établi que ce comportement s’était poursuivi après le 31 décembre 2012.

957    Par conséquent, il convient d’accueillir le deuxième « sous-moyen ».

4.      Sur le troisième « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès à la station de stockage de Chiren

958    Les requérantes contestent le constat, figurant dans la décision attaquée, selon lequel Bulgartransgaz a refusé l’accès à la station de stockage de Chiren. Le « sous-moyen » se divise en quatre branches :

–        dans la première, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir établi que la station de stockage de Chiren constituait une infrastructure essentielle ;

–        dans la deuxième, elles contestent le caractère anticoncurrentiel du comportement de Bulgartransgaz durant la période antérieure à l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012 ;

–        dans la troisième et la quatrième, elles se prévalent de l’absence de caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2012 et des règles d’accès au stockage de 2014.

a)      Sur la première branche, tirée de ce que la Commission n’a pas établi que la station de stockage de Chiren constituait une infrastructure essentielle

959    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir établi, dans la décision attaquée, que la station de stockage de Chiren constituait une infrastructure essentielle, aux fins d’établir une violation de l’article 102 TFUE. Elles font valoir que :

–        ni le cadre réglementaire applicable issu du droit de l’Union ni le fait que cette infrastructure était la seule station de stockage de gaz en Bulgarie ne démontrent son caractère essentiel ;

–        la Commission n’a établi ni que l’accès à la station de stockage de Chiren était indispensable pour entrer en concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz ni que le fait de ne pas avoir d’accès à cette installation aurait éliminé la concurrence sur ces marchés.

960    La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

961    À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que si, au sens de l’arrêt Bronner, l’entreprise dominante peut être contrainte d’octroyer à un concurrent l’accès à son infrastructure, uniquement lorsqu’un tel accès est indispensable à l’activité d’un tel concurrent, une obligation réglementaire d’octroyer un accès peut être pertinente pour apprécier un comportement abusif, au sens de l’article 102 TFUE, de la part d’une entreprise dominante soumise à une réglementation sectorielle (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, points 49 et 57 et jurisprudence citée). En effet, dès lors que cette réglementation définit le cadre juridique applicable au secteur en cause et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles l’entreprise en position dominante exerce ses activités sur les marchés concernés, elle constitue un élément pertinent pour l’application de l’article 102 TFUE aux comportements adoptés par cette dernière et, notamment, pour l’appréciation du caractère abusif de tels comportements (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 223 et 224).

962    En particulier, lorsque l’entreprise en position dominante est soumise à une telle obligation réglementaire, la Commission n’a pas à démontrer, pour constater un refus abusif d’accès à cette infrastructure, son caractère « indispensable » au sens du point 41 de l’arrêt Bronner (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 60).

963    Les requérantes soutiennent que la jurisprudence citée au point 962 ci-dessus n’est pas applicable en l’espèce parce que, d’une part, il n’existe pas d’obligation générale de donner accès à la station de stockage de Chiren et que, d’autre part, celle-ci pourrait être reproduite.

964    Or, comme la Commission l’a constaté aux considérants 164 à 166 de la décision attaquée, le cadre réglementaire pour l’accès aux installations de stockage de gaz est établi au niveau européen et national.

965    La réglementation au niveau européen comporte :

–        le règlement 715/2009, qui établit, notamment, des normes pour les services d’accès des tiers, l’attribution des capacités, la gestion de la congestion et la transparence en matière d’installations de stockage de gaz ;

–        la directive 2009/73, qui prévoit, en substance, à son article 33, paragraphe 1, tout comme le faisait déjà l’article 19, paragraphe 1 de la directive 2003/55, qu’elle a remplacée, que, lorsque l’accès à une installation de stockage est nécessaire d’un point de vue technique et/ou économique pour assurer un accès efficace au réseau de gaz aux fins de l’approvisionnement de clients, les États membres peuvent opter pour l’un des deux régimes d’accès, à savoir un accès soit négocié soit réglementé, à la condition que la mise en œuvre soit fondée sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires.

966    Au niveau national, la loi bulgare sur l’énergie a établi un régime d’accès réglementé des installations de stockage de gaz.

967    En particulier, depuis le 1er juillet 2007, l’article 172b, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie prévoit que les gestionnaires des installations de stockage de gaz sont tenus d’octroyer l’accès à ces installations à tous les utilisateurs dans des conditions équivalentes. En outre, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, point 14, de ladite loi, le stockage de gaz fait l’objet de tarifs réglementés par le régulateur bulgare.

968    Partant, le cadre réglementaire applicable à la station de stockage de Chiren établissait que l’accès à cette infrastructure était nécessaire pour pouvoir exercer une concurrence effective sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et imposait à Bulgartransgaz une obligation d’octroyer l’accès aux tiers à cette installation dans des conditions d’égalité.

969    Dès lors, en application de la jurisprudence citée au point 961 ci-dessus, pour établir qu’un refus d’accès à la station de stockage de Chiren constituait une violation de l’article 102 TFUE, la Commission n’était pas tenue de démontrer le caractère indispensable de celle-ci, au sens de la dernière condition édictée au point 41 de l’arrêt Bronner.

970    Il s’ensuit que le premier grief, tiré du fait qu’il n’existait aucune obligation générale de donner accès à la station de stockage de Chiren, doit être rejeté comme étant non fondé.

971    Par ailleurs, s’agissant du grief tiré du caractère reproductible de la station de stockage de Chiren, l’obligation incombant à Bulgartransgaz de donner accès à ladite station en application du cadre réglementaire applicable, rappelé aux points 965 à 968 ci-dessus, dispensait la Commission de démontrer le caractère indispensable de cette installation et, par voie de conséquence, de démontrer l’impossibilité de la dupliquer (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T‑851/14, EU:T:2018:929, point 121).

972    En tout état de cause, il convient de relever que la Commission a constaté, au considérant 628 de la décision attaquée, qu’il existait des obstacles techniques et économiques qui rendaient excessivement difficile la reproduction de la station de stockage de Chiren. À ce propos, elle a indiqué que, s’il y avait un champ de gaz épuisé à Galata (Bulgarie) qui aurait pu être transformé en installation de stockage, les autorisations nécessaires à cette fin n’avaient pas été octroyées. Enfin, elle a souligné que la législation bulgare imposait certaines exigences en matière de licence pour l’exploitation d’une installation de stockage, ce qui s’avérait très difficile à obtenir dans la pratique.

973    Or, les requérantes n’apportent aucun élément de preuve pour contester ces considérations et ainsi étayer leur argument selon lequel il serait possible de reproduire la station de stockage de Chiren.

974    Le grief doit donc être écarté comme étant inopérant et, au demeurant, non fondé.

975    Partant, la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel du comportement de Bulgartransgaz durant la période antérieure à l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012

976    Les requérantes contestent le caractère anticoncurrentiel du comportement de Bulgartransgaz durant la période antérieure à l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012 constaté dans la décision attaquée. Elles invoquent trois griefs.

977    La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

1)      Sur le premier grief, tiré de ce que Bulgartransgaz aurait agi de manière transparente

978    Les requérantes contestent le constat de la Commission, figurant au considérant 499 de la décision attaquée, selon lequel Bulgartransgaz aurait agi de manière non transparente. Elles avancent quatre arguments.

i)      Sur le premier argument, tiré d’un constat autonome de discrimination anticoncurrentielle en faveur de Bulgargaz

979    Les requérantes font valoir que les constatations figurant au considérant 499 de la décision attaquée, relatives à un défaut de transparence de Bulgartransgaz, constituent en réalité un constat autonome de discrimination anticoncurrentielle en faveur de Bulgargaz. Elles estiment qu’un tel constat est vicié, car il ne figure pas dans la communication des griefs, laquelle n’aurait retenu à l’encontre de Bulgartransgaz qu’un comportement constitutif d’un refus d’approvisionnement.

980    À cet égard, au considérant 450 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le groupe BEH avait abusé de sa position dominante en empêchant, restreignant et retardant l’accès aux infrastructures de transport et de stockage qu’il contrôlait et que son comportement était susceptible d’évincer ses concurrents actuels ou potentiels.

981    S’agissant, plus précisément, de la station de stockage de Chiren, la Commission a formulé, en substance, le même reproche au paragraphe 305 de la communication des griefs, en retenant que le comportement de Bulgartransgaz empêchait ou tentait d’empêcher les tiers d’accéder à cette installation et que ces derniers étaient, ainsi, privés d’accès à une source leur permettant de concurrencer à armes égales Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz.

982    En outre, au considérant 499 de la décision attaquée, la Commission a constaté que :

–        Bulgartransgaz avait agi de manière non transparente en omettant, jusqu’au milieu de l’année 2012, de publier les informations sur la capacité disponible à la station de stockage de Chiren ;

–        à cause de ce comportement, les tiers étaient censés présenter leurs demandes d’accès sans disposer d’informations sur le mécanisme d’attribution des capacités, sur la capacité de stockage disponible ou sur le calendrier leur permettant d’être traités conformément au principe « premier arrivé, premier servi » ;

–        à titre d’exemple, en 2011, la société F s’était vue refuser l’accès à la station de stockage de Chiren, car Bulgartransgaz avait octroyé la capacité disponible à Bulgargaz sans avoir préalablement informé les opérateurs potentiellement intéressés de la disponibilité de cette capacité ;

–        il ressortait des lettres de Bulgartransgaz à Bulgargaz ainsi que du tableau no 1 (considérant 182) et de la note en bas de page no 267 de la décision attaquée que Bulgargaz était le seul opérateur qui ait été correctement informé de la capacité de stockage disponible ;

–        cette approche non transparente et discriminatoire avait permis à Bulgartransgaz de rejeter les demandes des tiers.

983    Il s’ensuit que le considérant 499 de la décision attaquée a principalement pour objet de démontrer en quoi l’absence de publication des informations relatives à la capacité disponible à la station de stockage de Chiren, combinée avec l’attribution de celle-ci fondée sur le principe « premier arrivé, premier servi », avait rendu pratiquement impossible l’accès des tiers à cette installation et, de cette manière, favorisé Bulgargaz.

984    Ainsi, la décision attaquée ne comporte pas, en tant que telle, de constat autonome de discrimination anticoncurrentielle en faveur de Bulgargaz quant à l’accès à la station de stockage de Chiren, mais uniquement un commentaire qui demeure marginal par rapport aux reproches faits à Bulgartransgaz en matière de traitement non transparent des demandes d’accès des tiers. Au demeurant, ce même grief avait été formulé au paragraphe 312 de la communication des griefs.

985    Partant, l’argument selon lequel la Commission aurait constaté, au considérant 499 de la décision attaquée, un abus autonome sous forme de discrimination anticoncurrentielle qui, de surcroît, ne figurait pas dans la communication des griefs, doit être rejeté.

ii)    Sur le deuxième argument, tiré du fait que le rejet de la demande d’accès de la société F était fondé sur le principe « premier arrivé, premier servi »

986    Les requérantes avancent que la Commission ne pouvait pas s’appuyer, au considérant 499 de la décision attaquée, sur le rejet de la demande de capacité de stockage introduite par la société F le 1er septembre 2011, car le motif de ce refus était que Bulgargaz avait présenté sa demande avant, à savoir le 25 août 2011. Elles font valoir que, si la société F s’était renseignée auprès de Bulgartransgaz sur les capacités de stockage disponibles, comme l’avait fait auparavant Bulgargaz, Bulgartransgaz lui aurait accordé la priorité.

987    À cet égard, il y a d’abord lieu de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous b), et de l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2009, applicable à partir du 3 mars 2011, Bulgartransgaz était, en tant que GIS, tenue de publier les informations nécessaires aux utilisateurs de la station de stockage de Chiren pour obtenir un accès effectif à cette installation, notamment la capacité de stockage disponible, ainsi que des informations détaillées concernant les services offerts et les conditions appliquées dans le cadre d’un tel accès.

988    En particulier, le règlement no 715/2009 imposait à Bulgartransgaz de :

–        publier de façon régulière et continue et « sous une forme normalisée et conviviale » des informations chiffrées sur les capacités souscrites et disponibles des installations de stockage (voir article 19, paragraphe 2, du règlement no 715/2009) ;

–        toujours divulguer les informations requises au titre de ce règlement d’une façon intelligible et aisément accessible, en exposant clairement les données chiffrées qu’elles comportaient, et d’une manière non discriminatoire (voir article 19, paragraphe 3, du règlement no 715/2009) ;

–        rendre publiques la quantité de gaz présente dans la station de stockage de Chiren, les flux entrants et sortants et les capacités disponibles de cette installation et mettre à jour ces informations au moins une fois par jour (voir article 19, paragraphe 4, du règlement no 715/2009).

989    En outre, ainsi qu’il ressort du point 967 ci-dessus, en vertu de l’article 172b, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie, Bulgartransgaz était tenue, en tant que GIS, d’octroyer l’accès aux installations de stockage de gaz à tous les utilisateurs, à des conditions équivalentes. Au demeurant, cette obligation figure, en tant qu’interdiction de discrimination, à l’article 13, paragraphe 1, sous b), et à l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2009/73.

990    Or, la Commission a constaté, aux considérants 167, 168 et 499 de la décision attaquée, que, à l’époque où la société F avait introduit sa demande, le 1er septembre 2011, Bulgartransgaz ne se conformait toujours pas à l’obligation de publier les capacités disponibles à la station de stockage de Chiren que lui imposaient les articles 15 et 19 du règlement no 715/2009, ce que les requérantes ne contestent pas.

991    En outre, à la même époque, Bulgartransgaz allouait la capacité de la station de stockage de Chiren en application du principe « premier arrivé, premier servi » (voir considérant 168 de la décision attaquée).

992    Or, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, en l’absence de publication d’informations sur la capacité de stockage, les tiers étaient censés soumettre leurs demandes d’accès à ladite installation sans avoir d’informations sur le mécanisme d’allocation de capacité, la capacité de stockage disponible et le calendrier leur permettant d’être traités selon le principe « premier arrivé, premier servi » (voir considérant 499 de la décision attaquée).

993    La Commission a également constaté, sans que cela soit contesté par les requérantes, que :

–        Bulgargaz injectait du gaz à la station de stockage de Chiren depuis à tout le moins l’année gazière 2007/2008 et, jusqu’à l’année gazière 2011/2012 incluse, elle était le seul opérateur gazier à le faire (voir le tableau no 1 (considérant 182) de la décision attaquée) ;

–        lorsque Bulgargaz avait introduit sa demande le 25 août 2011, elle disposait déjà d’une capacité de stockage à ladite station de [300-350] millions de mètres cubes et cette demande portait sur la question de savoir s’il était possible d’obtenir une capacité de stockage supplémentaire ; le même jour, Bulgartransgaz avait répondu favorablement à la demande de Bulgargaz en l’informant de la possibilité de stocker 20 à 25 millions de mètres cubes de gaz supplémentaires en septembre 2011 et, potentiellement, des volumes supplémentaires en octobre 2011 ;

–        le 29 août 2011, Bulgargaz avait accepté d’injecter des volumes supplémentaires de gaz en septembre 2011 et avait décliné la proposition pour octobre 2011 (voir considérants 222 et 247 de la décision attaquée) ;

–        le 1er septembre 2011, la société F a présenté une demande à Bulgartransgaz pour pouvoir injecter [5-30] millions de mètres cubes de gaz à la station de stockage de Chiren en septembre 2011 et retirer ces volumes à la fin de l’année 2011 (voir considérant 248 de la décision attaquée) ;

–        le 15 septembre 2011, Bulgartransgaz avait informé la société F de l’absence de capacité disponible pour la période demandée, car la capacité restante en septembre 2011 venait d’être allouée à Bulgargaz, et ce sans que les opérateurs potentiellement intéressés aient été préalablement informés de cette disponibilité ; Bulgartransgaz avait également indiqué à la société F qu’elle était en train d’examiner les possibilités d’injection de gaz en octobre et qu’elle annoncerait la capacité éventuellement disponible sur son site Internet (voir considérant 249 de la décision attaquée) ;

–        Bulgartransgaz n’avait commencé à publier les données sur la capacité disponible à la station de stockage de Chiren sur son site Internet qu’au début du mois de juillet 2012 (voir considérants 169 et 256 de la décision attaquée).

994    Il résulte de ce qui précède que la demande de Bulgargaz du 25 août 2011 est intervenue dans le cadre d’une relation commerciale en cours entre celle-ci et son entreprise sœur Bulgartransgaz (voir considérants 182, 222, 247 et 256 de la décision attaquée). De plus, depuis l’année gazière 2007/2008, Bulgargaz était la seule utilisatrice de la station de stockage de Chiren et, en l’absence de publication de toute information sur la capacité de stockage, le seul opérateur à être correctement informé de la capacité disponible dans cette installation (voir considérants 182 et 499 de la décision attaquée).

995    Ainsi, Bulgartransgaz ne pouvait se prévaloir ni de sa méconnaissance de l’obligation de publier les capacités disponibles à la station de stockage de Chiren au sens des articles 15 et 19 du règlement no 715/2009 ni du fait que Bulgargaz avait présenté sa demande d’information sur les capacités de stockage disponibles avant la société F, pour rejeter la demande d’accès de cette dernière. Il en va d’autant plus ainsi que Bulgartransgaz devait s’abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs de la station de stockage de Chiren en vertu de l’article 172b, paragraphe 1, de la loi bulgare sur l’énergie.

996    Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent pas davantage reprocher à la société F de ne pas s’être renseignée aussi tôt que Bulgargaz sur les capacités disponibles à la station de stockage de Chiren.

997    Dès lors, l’argument selon lequel la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur le traitement accordé par Bulgartransgaz à la société F pour étayer sa conclusion au considérant 499 de la décision attaquée doit être rejeté.

iii) Sur le troisième argument, tiré des informations disponibles au moment de la demande d’accès de la société C

998    Les requérantes considèrent que la Commission a erronément conclu, au considérant 241 de la décision attaquée, que la société C ne disposait pas, ou quasi pas, d’informations sur la capacité disponible à la station de stockage de Chiren lorsqu’elle avait présenté sa demande d’accès à cette installation, le 5 juin 2012. Elles soutiennent que, parmi les informations que Bulgartransgaz a publiées le 30 mars 2012 sur la procédure d’attribution pour l’année gazière 2012/2013, figuraient des informations sur les capacités de stockage disponibles.

999    À cet égard, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a fait observer au considérant 245 de la décision attaquée, que les informations relatives à la capacité à la station de stockage de Chiren publiées le 30 mars 2012 concernaient uniquement la capacité de stockage disponible, à attribuer dans le cadre de la première procédure d’attribution des capacités qui devait se dérouler dans les trois semaines suivantes, et pour laquelle la date limite de dépôt des demandes était fixée au 17 avril 2012, soit plus d’un mois et demi avant que la société C ne dépose sa demande (voir considérant 186 de la décision attaquée).

1000 Or, les requérantes ne fournissent aucune preuve démontrant que, à la suite de la clôture de cette première procédure d’attribution et, dès lors, au moment du dépôt de la demande de la société C, Bulgartransgaz aurait publié des informations sur le résultat de cette procédure ou sur les capacités de stockage encore disponibles.

1001 Dans ces conditions, l’argument selon lequel la Commission aurait conclu à tort que la société C ne disposait pas d’informations relatives à la capacité disponible à la station de stockage de Chiren au moment où elle a déposé sa demande d’accès à cette installation, le 5 juin 2012, doit être rejeté.

iv)    Sur le quatrième argument, tiré de l’allégation générale que Bulgargaz aurait été informée à l’avance par Bulgartransgaz quant à la capacité disponible à la station de stockage de Chiren

1002 Les requérantes contestent l’allégation figurant au considérant 499 de la décision attaquée selon laquelle Bulgartransgaz aurait informé Bulgargaz à l’avance quant à la capacité disponible à la station de stockage de Chiren, en faisant valoir tout d’abord qu’il ressort du tableau no 1 figurant au considérant 182 de la décision attaquée que Bulgargaz s’était renseignée auprès de Bulgartransgaz avant de recevoir l’information quant aux capacités disponibles. Ensuite, elles soulignent que ledit tableau indique erronément que, pour la période de stockage 2008/2009, Bulgargaz avait été informée de la capacité disponible à la station de stockage de Chiren avant de présenter sa demande, le 13 mars 2008 car, selon elles, l’information transmise à Bulgargaz à cet égard le 17 octobre 2007 l’était en réponse à une lettre que Bulgargaz avait adressée à Bulgartransgaz le 4 octobre 2007. Enfin, les requérantes soutiennent que, en tout état de cause, la Commission ne pouvait pas se fonder sur cette dernière circonstance, car elle se situait en dehors de la période infractionnelle.

1003 À cet égard, il convient de relever que, comme le font observer les requérantes, le tableau no 1 figurant au considérant 182 de la décision attaquée démontre que, durant la période infractionnelle, à savoir pour les périodes de stockage 2009/2010 et 2011/2012, Bulgargaz n’a reçu les informations quant aux capacités disponibles à la station de stockage de Chiren qu’après les avoir demandées. En effet, la seule circonstance qui viendrait au soutien de l’allégation de la Commission concernant une information fournie avant même l’introduction d’une demande remonte à la période de stockage 2008/2009, qui se situe en dehors de la période infractionnelle.

1004 Il est vrai que, comme le fait valoir la Commission, les éléments de preuve qui ne datent pas de la période infractionnelle ne sont pas dépourvus de toute valeur probante et peuvent être pris en considération soit afin de corroborer l’interprétation d’autres éléments de preuve soit s’ils font partie d’un faisceau d’indices quant au comportement abusif durant la période infractionnelle (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428, et du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 188).

1005 Cependant, en l’espèce, la Commission n’a apporté aucun élément de preuve ou indice apte à démontrer que, durant la période infractionnelle, Bulgargaz recevait les informations quant aux capacités disponibles à la station de stockage de Chiren avant même de les demander. Au demeurant, la seule information figurant dans la décision attaquée au soutien de cette allégation, à savoir le tableau no 1 figurant au considérant 182, démontre le contraire (voir point 1003 ci-dessus).

1006 Il s’ensuit que le quatrième argument est fondé et que, dès lors, il y a lieu d’accueillir partiellement le premier grief à cet égard et de le rejeter pour le reste.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait méconnu que le principe « premier arrivé, premier servi » s’appliquait dans un périmètre temporel donné

1007 Les requérantes font valoir que la conclusion figurant au considérant 497 de la décision attaquée, selon laquelle Bulgartransgaz a accepté la demande d’accès de Bulgargaz pour la période de stockage 2011/2012, alors qu’elle avait ignoré celle introduite antérieurement par Overgas, repose sur une compréhension erronée du principe « premier arrivé, premier servi ». Elles soutiennent que les demandes de capacité de stockage étaient examinées, en application de ce principe, suivant un calendrier déterminé pour chaque année gazière et qu’aucun demandeur n’était autorisé à demander une capacité de stockage bien à l’avance, comme l’avait fait Overgas.

1008 À cet égard, il ressort du dossier que :

–        le 29 avril 2010, Overgas a fait part à Bulgartransgaz de son intention de stocker du gaz dans la station de stockage de Chiren et a demandé, à cet effet, des informations sur la capacité de stockage disponible (voir considérant 214 de la décision attaquée) ;

–        le 30 juillet 2010, Overgas a demandé à Bulgartransgaz de lui octroyer un accès à ladite station, en indiquant qu’elle envisageait d’y stocker 500 millions de mètres cubes de gaz durant l’année de stockage 2011/2012 (voir considérant 214 de la décision attaquée) ;

–        le 18 février 2011, Bulgargaz a soumis à Bulgartransgaz son calendrier d’injection de gaz à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012 (voir considérants 222 et 497 de la décision attaquée).

1009 La demande de Bulgargaz du 18 février 2011 a été acceptée, en application du principe « premier arrivé, premier servi », alors qu’elle avait pourtant été présentée presque sept mois après celle d’Overgas (voir considérants 222 et 497 de la décision attaquée).

1010 À cet égard, les requérantes insistent sur le fait que les demandes de stockage présentées très en avance au regard de l’année gazière pour laquelle la capacité de stockage était demandée n’étaient pas examinées au titre du principe « premier arrivé, premier servi ».

1011 Aux considérants 182 et 507 de la décision attaquée, la Commission n’a fourni qu’un seul exemple de demande qui aurait été introduite par Bulgargaz très en avance, à savoir celle du 20 octobre 2009, qui visait l’obtention d’un accès, non pas pour la période de stockage 2009/2010 alors en cours, mais pour la période de stockage ultérieure 2010/2011, période qui démarrait près de six mois plus tard, en avril 2010.

1012 Toutefois, il ressort du tableau no 1 figurant au considérant 182 de la décision attaquée que :

–        la lettre de Bulgargaz envoyée le 20 octobre 2009 pour demander un accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2010/2011 a été suivie, le 9 mars 2010, par une autre demande portant sur la même période de stockage ;

–        la seule réponse de la part de Bulgartransgaz date du 16 avril 2010, à savoir après la demande du 9 mars 2010, qui est intervenue dans le périmètre temporel strict des demandes d’accès pour la période de stockage 2010/2011 alors en cours.

1013 Dans ces circonstances, la Commission ne pouvait pas, aux considérants 182 et 507 de la décision attaquée, sur la seule base de la lettre de Bulgargaz du 20 octobre 2009 demandant un accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2010/2011, contester l’affirmation de Bulgartransgaz selon laquelle le principe « premier arrivé, premier servi » s’appliquait dans un périmètre temporel strict se rattachant à la période de stockage en cours.

1014 Certes, dans ses écritures, la Commission a soutenu que Bulgartransgaz avait « pris pour habitude, de sa propre initiative », d’informer sa société sœur de la capacité de stockage disponible bien avant le début de l’année gazière. À cet égard, elle a tiré un argument général du tableau no 1 figurant au considérant 182 de la décision attaquée, d’où il ressort notamment que, s’agissant de la période de stockage 2011/2012, commençant en avril, la première demande de Bulgargaz a été introduite le 18 février 2011 et Bulgartransgaz y a répondu le 15 avril 2011. Le Tribunal constate qu’il s’agit ainsi d’une demande intervenue à peu près six semaines avant le début de l’année gazière en cause, et donc pas « très en avance », de sorte que l’argument général de la Commission n’est pas davantage étayé par cette circonstance.

1015 Par voie de conséquence, il convient de conclure que la Commission n’a pas démontré, à suffisance de droit, que le fait pour Bulgartransgaz d’avoir accepté la demande de Bulgargaz du 18 février 2011 pour un accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012 en dépit de la demande d’Overgas qui était intervenue le 30 juillet 2010 ne se justifiait pas par l’application dans un périmètre temporel strict du principe « premier arrivé, premier servi », comme le font valoir les requérantes.

1016 Au demeurant, les requérantes font valoir, sans être contestées sur ce point par la Commission, que le principe « premier arrivé, premier servi » devait s’appliquer dans un périmètre temporel strict pour éviter une accumulation de capacités à la station de stockage de Chiren, ce qui serait allé à l’encontre de la finalité de ladite station, qui consistait à couvrir les fluctuations dans la demande.

1017 Il résulte de ce qui précède que le deuxième grief doit être accueilli.

3)      Sur le troisième grief, tiré d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs aux demandes d’accès d’Overgas pour la période de stockage 2011/2012

1018 Les requérantes considèrent que la Commission a dénaturé les éléments de preuve relatifs aux demandes d’accès d’Overgas pour la période de stockage 2011/2012 en concluant, au considérant 498 de la décision attaquée, que Bulgartransgaz avait surchargé celle-ci de demandes de renseignements déraisonnables et qu’elle avait délibérément mal interprété les informations fournies par Overgas.

1019 Aux considérants 226 et 498 de la décision attaquée, la Commission a retenu que ce comportement de Bulgartransgaz se fondait sur le fait que cette dernière avait délibérément mal interprété, en les cumulant, les demandes de stockage présentées par Overgas en septembre et novembre 2010. Cela l’avait conduite à les rejeter au motif qu’elles excédaient la capacité technique de la station de stockage de Chiren (voir notes en bas de page nos 172 et 614 de la décision attaquée).

1020 Or, les requérantes soutiennent que les demandes de stockage présentées par Overgas les 4 octobre et 11 novembre 2010 n’étaient pas alternatives, mais constituaient des demandes distinctes auxquelles Bulgartransgaz devait répondre et que, compte tenu des contraintes de capacité de la station de stockage de Chiren, Bulgartransgaz ne pouvait pas accepter la totalité des capacités demandées par Overgas et devait, dès lors, lui demander des éclaircissements.

1021 À cet égard, il ressort du dossier que, à la suite de sa demande d’accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012 du 30 juillet 2010 (voir point 1008 ci-dessus), Overgas a réitéré sa demande auprès de Bulgartransgaz à quatre reprises, les 24 août, 29 septembre, 4 octobre et 11 novembre 2010 (voir considérants 214 à 218 de la décision attaquée). Ainsi :

–        par une lettre du 24 août 2010, Overgas a demandé à Bulgartransgaz de pouvoir, d’une part, injecter 160 millions de mètres cubes de gaz à la station de stockage de Chiren en septembre et en octobre 2010, puis 480 millions de mètres cubes de gaz au cours des deuxième et troisième trimestres de 2011, soit au total 640 millions de mètres cubes de gaz entre septembre 2010 et septembre 2011 et, d’autre part, de retirer 300 millions de mètres cubes de gaz entre janvier 2011 et mars 2012 (voir considérant 215 de la décision attaquée) ;

–        le 24 septembre 2010, Bulgartransgaz a répondu à Overgas que, s’agissant des demandes de stockage pour septembre et octobre 2010, Overgas n’avait pas soumis d’informations ni de calendrier pour le transport des volumes de gaz à injecter à la station de stockage de Chiren (voir considérant 216 de la décision attaquée) ;

–        le 29 septembre 2010, Overgas a présenté à Bulgartransgaz une demande détaillée de transport de 480 millions de mètres cubes de gaz à destination de la station de stockage de Chiren pour les deuxième et troisième trimestres de 2011, en détaillant les volumes mensuels concernés pour chacun de ces deux trimestres ;

–        Overgas a réitéré cette même demande, pour le même volume de 480 millions de mètres cubes de gaz et la même période, les 4 octobre et 11 novembre 2010, là encore en détaillant les volumes trimestriels et mensuels concernés (voir considérants 217 et 218 de la décision attaquée).

1022 Dans sa lettre du 19 juin 2012, soit plus de dix-neuf mois après la dernière lettre d’Overgas datant du 11 novembre 2010, Bulgartransgaz a pris position sur la demande d’accès à la station de stockage de Chiren introduite par Overgas et a conclu que l’accès demandé ne pouvait pas être accordé, car la capacité de stockage demandée, à savoir 960 millions de mètres cubes de gaz, dépassait largement la capacité technique de ladite station. Cette conclusion reposait sur le fait que Bulgartransgaz avait cumulé les capacités de stockage demandées en vertu des deux lettres envoyées par Overgas les 29 septembre et 11 novembre 2010.

1023 Or, il ressort du dossier que, dans les deux lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010, Overgas avait toujours indiqué qu’elle souhaitait stocker 480 millions de mètres cubes de gaz à la station de stockage de Chiren pendant les deuxième et troisième trimestres de 2011 et avait joint, à chaque fois, un calendrier d’injection détaillé à cet égard (voir considérants 215 à 218 de la décision attaquée).

1024 En outre, il ne ressort ni du rapport du groupe de travail de Bulgartransgaz ni du mémorandum du PDG de Bulgartransgaz que cette dernière ait soulevé en interne la question de la prétendue double demande d’accès d’Overgas à la station de stockage de Chiren ou qu’elle ait interprété les demandes soumises par cette dernière les 29 septembre et 11 novembre 2010 comme devant être cumulées. En effet, ces deux documents montrent que le groupe de travail et le PDG de Bulgartransgaz ont seulement évalué la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport présentée à ces mêmes dates et ont recommandé d’y faire droit. Ils n’ont, en revanche, pas pris position sur la demande de cette dernière portant sur le stockage (voir considérant 219 de la décision attaquée). Le groupe de travail et le PDG de Bulgartransgaz ont, néanmoins, indiqué que la demande de stockage d’Overgas, telle qu’elle ressortait de la lettre du 29 septembre 2010, portait sur un volume de 480 millions de mètres cubes de gaz pour les deuxième et troisième trimestres de 2011 et que celle issue de la lettre du 11 novembre 2010 constituait une confirmation de la demande du 29 septembre 2010.

1025 En tout état de cause, à supposer qu’il y ait pu avoir des doutes quant aux volumes de gaz concernés par la demande de stockage d’Overgas, les requérantes restent en défaut d’expliquer pourquoi il a fallu à Bulgartransgaz plus de dix-neuf mois pour communiquer à celle-ci sa position à cet égard, ce qui aurait pu, à tout le moins, amener Overgas à clarifier la quantité de gaz pour laquelle elle demandait le stockage.

1026 Dans ces conditions, la Commission a pu valablement retenir que, en cumulant les demandes d’accès introduites par Overgas en 2010, Bulgartransgaz avait délibérément mal interprété ces demandes.

1027 Dans un souci d’exhaustivité, le Tribunal relève que la lettre d’Overgas du 24 août 2010 portait sur deux périodes de stockage différentes, à savoir celle de 2010/2011 et celle de 2011/2012. La réaction de la requérante qui date du 24 septembre 2010 se concentrait sur les demandes de stockage pour la période 2010/2011. La communication suivante de Bulgartransgaz à Overgas a uniquement eu lieu le 19 juin 2012 et comportait le rejet de la demande d’accès pour la période de stockage 2011/2012. Dès lors, la décision attaquée ne démontre pas que Bulgartransgaz aurait surchargé Overgas de demandes de renseignements inutiles quant à ses demandes d’accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012.

1028 Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à invalider le constat figurant au considérant 498 de la décision attaquée s’agissant du comportement abusif de Bulgartransgaz au regard de la demande d’Overgas pour un accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 1023 à 1026 ci-dessus, Bulgartransgaz a agi de manière abusive, notamment, en cumulant délibérément les demandes des 29 septembre et 11 novembre 2010.

1029 Partant, le grief doit être rejeté.

1030 Au vu des considérations qui précèdent, la deuxième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel du comportement de Bulgartransgaz durant la période antérieure à l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012, bien que devant partiellement être accueillie en ce qui concerne les premier et deuxième griefs, ne peut, en définitive, qu’être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2012 

1031 Les requérantes contestent la conclusion figurant aux considérants 492 et 515 de la décision attaquée selon laquelle les règles d’accès au stockage de 2012 constituaient un refus d’approvisionnement implicite. Elles soulèvent quatre griefs.

1032 La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

1)      Sur le premier grief, tiré de l’absence de preuve que Bulgartransgaz aurait conçu les règles d’accès au stockage de 2012 pour favoriser Bulgargaz

1033 Les requérantes estiment que la Commission n’a pas établi que, comme elle l’affirme au considérant 493 de la décision attaquée, les règles d’accès au stockage de 2012 avaient été conçues par Bulgartransgaz pour favoriser Bulgargaz, en lui donnant un accès prioritaire à la station de stockage de Chiren.

1034 À cet égard, il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, que les règles d’accès au stockage de 2012 prévoyaient une procédure d’attribution des capacités de stockage en deux phases.

1035 Lors de la première phase, la priorité était accordée au fournisseur de gaz qui disposait de la « quantité de vente de base » la plus élevée. Ce fournisseur se voyait octroyer l’intégralité de la capacité demandée [voir considérant 170, sous a), de la décision attaquée].

1036 La quantité de vente de base de chaque fournisseur demandeur d’accès à la station de stockage de Chiren correspondait à la plus petite des deux quantités suivantes, à savoir :

–        d’une part, le volume de gaz vendu durant l’année de stockage de gaz en cours aux fournisseurs publics, autrement dit, durant l’année de stockage qui précédait celle concernée par les demandes d’accès [voir article 5.1 des règles d’accès au stockage de 2012 et considérant 170, sous a), de la décision attaquée] ;

–        d’autre part, le volume de gaz contracté pour vente aux fournisseurs publics pour l’année de stockage de gaz suivante, à savoir l’année concernée par les demandes d’accès [voir considérant 170, sous a), de la décision attaquée].

1037 Lors de la seconde phase, la capacité disponible restante était attribuée aux autres demandeurs au prorata de leur quantité de vente de base [voir article 5.2 des règles d’accès au stockage de 2012 et considérant 170, sous b), de la décision attaquée].

1038 La Commission a considéré que la prise en compte, lors de la première phase de la procédure d’attribution des capacités de stockage, de la plus petite des deux quantités de vente de gaz comparées signifiait que, en pratique, les fournisseurs plus petits et les nouveaux entrants auraient toujours une quantité de vente de base très faible, compte tenu de leurs ventes limitées pendant l’année en cours. Tel serait le cas même s’ils avaient contracté des ventes plus élevées pour l’année suivante. En revanche, l’opérateur déjà établi, en l’occurrence Bulgargaz, aurait toujours une quantité de vente de base supérieure, compte tenu des ventes contractuelles plus élevées pendant l’année en cours, et serait donc, de fait, prioritaire pour l’attribution des capacités (voir considérant 171 de la décision attaquée).

1039 Les requérantes contestent cette considération, en invoquant deux arguments.

1040 En premier lieu, les requérantes invoquent le fait que la station de stockage de Chiren était la seule installation de stockage en Bulgarie et qu’elle avait une capacité limitée. Ainsi, pour s’assurer que les fournisseurs liés par des obligations d’approvisionnement public puissent satisfaire leurs obligations en cas d’augmentation saisonnière de la demande, les règles d’accès au stockage de 2012 auraient accordé la priorité au demandeur présentant le plus grand volume de ventes contractuelles à des fournisseurs publics, ce qu’était Bulgargaz pendant la période concernée.

1041 La Commission rétorque que, selon sa note interprétative de la directive 2009/73, relative à l’accès des tiers aux installations de stockage, du 22 janvier 2010, « [l]ors de la détermination des besoins de stockage pour l’exécution des [obligations de service public], il ne doit y avoir aucune discrimination à l’égard des nouveaux arrivants, c’est-à-dire que les nouveaux entrants sur le marché liés par des [obligations de service public] doivent bénéficier du même droit et leurs besoins de stockage pour l’exécution des [obligations de service public] doivent être pris en compte de la même manière que pour les entreprises en place » (voir dernier paragraphe de ladite note).

1042 À cet égard, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux infractions qu’elle constate en application de l’article 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité conformément à l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 42).

1043 Or, le Tribunal relève que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas invoqué la conformité des règles d’accès au stockage de 2012 à sa note interprétative de la directive 2009/73, relative à l’accès des tiers aux installations de stockage, du 22 janvier 2010. En effet, la décision attaquée, à ses considérants 511 à 515, se borne à établir que les règles d’accès au stockage de 2012 étaient équivalentes à un refus d’approvisionnement. Dès lors, l’argument de la Commission tiré de la prétendue non-conformité desdites règles d’accès avec la note interprétative est dépourvu de pertinence.

1044 Cela étant, le Tribunal relève que Bulgartransgaz était habilitée, au titre de l’article 172b, paragraphe 2, de la loi bulgare sur l’énergie, à refuser l’accès à la station de stockage de Chiren en raison d’un manque de capacité pour remplir les obligations de fourniture publique qui lui étaient imposées, ce qui est conforme à l’article 35 de la directive 2009/73, lu conjointement avec l’article 2, paragraphes 1 et 13 de ladite directive. Toutefois, aucune disposition du droit de l’Union ne lui permettait d’octroyer une priorité à son entreprise sœur Bulgargaz, même si celle-ci était liée, ainsi qu’il ressort du point 322 ci-dessus, par des obligations de fourniture publique.

1045 Au demeurant, à supposer même que, ainsi que le font valoir les requérantes, le système établi par les règles d’accès au stockage de 2012 ait eu pour objectif de garantir l’accomplissement d’obligations de fourniture publique, les requérantes restent en défaut d’expliquer en quoi les parts de marché d’un fournisseur de gaz pour l’année de stockage en cours seraient pertinentes pour assurer une priorité dans la procédure d’attribution des capacités qui respecterait les obligations de fourniture publique pour l’année suivante, cette dernière étant celle concernée par ladite procédure. En effet, comme l’indique, à juste titre, la décision attaquée au considérant 171, l’opérateur déjà établi aurait toujours une quantité de vente de base supérieure, compte tenu des ventes contractuelles plus élevées pendant l’année en cours, et serait donc, de fait, prioritaire pour l’attribution des capacités, sans que cela puisse être justifié au titre d’une obligation de fourniture publique pendant l’année concernée par la procédure d’attribution en cours.

1046 En second lieu, les requérantes estiment que le fait que les règles d’accès au stockage de 2012 désavantageaient les nouveaux entrants avec de faibles ventes existantes n’est pas pertinent. Elles font valoir que, même si, pendant la période concernée, Bulgargaz a toujours eu des ventes plus importantes, d’une part, l’accès à la station de stockage de Chiren n’était pas une condition préalable pour concurrencer Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et, d’autre part, un nouvel entrant aurait pu attirer d’importants volumes de ventes futures sur une période de deux ans et destituer ainsi Bulgargaz de sa position de demandeur prioritaire.

1047 À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 339 et 491 de la décision attaquée, la Commission a retenu, sans être contestée sur ce point par les requérantes, que l’accès aux installations de stockage était essentiel pour gérer les fluctuations de la demande et ainsi permettre une participation active sur les marchés de fourniture de gaz. Or, ainsi qu’elle l’a constaté ensuite au considérant 530 de ladite décision, si un concurrent de Bulgargaz avait contracté un volume de vente de gaz plus important pour une année déterminée, il aurait eu besoin de capacités de stockage plus importantes dès cette année-là afin de couvrir les fluctuations saisonnières de la demande de sa clientèle plus importante. Dès lors, en pratique, aucun concurrent n’aurait pu négocier un volume de gaz plus important que Bulgargaz sans avoir la possibilité d’utiliser la station de stockage de Chiren.

1048 Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de l’existence d’un délai suffisant pour préparer les demandes d’accès lors de la première procédure d’attribution des capacités de stockage

1049 Par leur deuxième grief, les requérantes soutiennent que la Commission a erronément conclu que le délai de dix-neuf jours fixé par Bulgartransgaz pour le dépôt des demandes d’accès à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2012/2013 était insuffisant (voir considérant 188 de la décision attaquée). Elles font valoir, d’une part, que ce délai n’a pas empêché Bulgargaz d’introduire une telle demande en temps utile et, d’autre part, qu’en 2012, Overgas n’a présenté aucune demande d’accès à la station de stockage de Chiren ni au réseau de transport, ce qui démontrerait qu’elle n’avait aucun intérêt à obtenir un accès à ces infrastructures.

1050 À cet égard, en premier lieu, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes, que :

–        la procédure d’attribution des capacités de stockage pour la période de stockage 2012/2013, couvrant une capacité de 300 millions de mètres cubes à la station de stockage de Chiren, avait été lancée deux jours seulement après l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012, à savoir le 30 mars 2012, et les opérateurs souhaitant participer à cette procédure avaient jusqu’au 17 avril 2012, soit seulement dix-neuf jours après l’adoption desdites règles, pour déposer leur demande de capacité (voir considérants 169, 186 et 188 et note en bas de page no 274 de la décision attaquée) ;

–        dans ce temps limité de dix-neuf jours, les opérateurs souhaitant participer à cette procédure devaient préparer un plan d’approvisionnement incluant un accès au gazoduc roumain 1 pour les volumes de gaz demandés (voir considérant 188 de la décision attaquée, s’appuyant, à cet égard, sur la réponse d’Overgas du 3 octobre 2013 à une demande de renseignements de la Commission du 18 septembre 2012) ;

–        Bulgargaz avait été le seul opérateur à déposer une telle demande dans ce délai ; en application des règles d’accès au stockage de 2012, elle s’est vu attribuer la totalité de la capacité disponible à la station de stockage de Chiren faisant l’objet de la procédure d’attribution pour la période de stockage 2012/2013 et a conclu un contrat de stockage de gaz avec Bulgartransgaz couvrant cette capacité (voir considérant 187 de la décision attaquée).

1051 Il s’ensuit que, avant le lancement de la procédure d’attribution de capacités de stockage pour la période de stockage 2012/2013, les tiers potentiellement intéressés n’ont quasi disposé d’aucun délai, puisqu’elles ont eu deux jours seulement, pour se familiariser avec la nouvelle procédure et la nouvelle méthodologie d’attribution des capacités à la station de stockage de Chiren introduites par lesdites règles.

1052 En outre, les règles d’accès au stockage de 2012 ayant introduit un droit de priorité à l’attribution fondée sur des contrats de fourniture conclus avec des fournisseurs publics, un nouvel entrant devait, préalablement, conclure de tels contrats avec ses clients ainsi qu’un contrat avec Bulgartransgaz pour l’utilisation du réseau de transport, relié à la station de stockage de Chiren, et avec Bulgargaz pour l’accès au gazoduc roumain 1.

1053 Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient prétendre que le délai de dix-neuf jours était suffisant pour permettre à ces tiers de préparer un programme d’approvisionnement et de présenter une demande d’accès à la station de stockage de Chiren.

1054 Le fait que Bulgargaz ait réussi à présenter sa demande dans le cadre de la procédure d’attribution pour la période de stockage 2012/2013 ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, à la différence des autres demandeurs potentiels, Bulgargaz avait une relation commerciale bien établie avec Bulgartransgaz, notamment pour l’accès à la station de stockage de Chiren, infrastructure qu’elle utilisait depuis plusieurs années. Par ailleurs, elle avait déjà accès au gazoduc roumain 1, au réseau de transport et à une clientèle étendue sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et remplissait ainsi les conditions lui permettant de bénéficier du traitement prioritaire selon la procédure visée aux points 1035 à 1037 ci-dessus, ce qui n’était pas le cas des opérateurs entrants sur ces marchés.

1055 En second lieu, dans la mesure où Bulgartransgaz a attendu le 19 juin 2012 pour statuer sur les demandes d’accès d’Overgas à la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2011/2012 (voir points 1022 et 1026 ci-dessus), les requérantes ne peuvent s’appuyer sur l’absence de demande d’accès d’Overgas à cette infrastructure en 2012 pour soutenir que cette dernière n’avait aucun intérêt à obtenir un accès à ladite infrastructure.

1056 En outre, les multiples démarches d’Overgas, dès 2010, pour obtenir un tel accès et le fait qu’elle ait participé aux procédures d’attribution de capacités pour la période de stockage 2013/2014, puis pour la période de stockage 2014/2015 confortent l’existence d’un tel intérêt.

1057 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, tiré de l’incohérence des conclusions de la Commission relatives à la période de stockage 2015/2016

1058 Les requérantes font valoir que la position de la Commission concernant la période de stockage 2012/2013 est incohérente au regard de sa conclusion selon laquelle il n’y a pas eu de comportement abusif s’agissant de la période de stockage 2015/2016, dès lors que, pour ces deux périodes, Bulgargaz était le seul demandeur d’accès à la station de stockage de Chiren.

1059 À cet égard, il convient de relever qu’il ne ressort pas des considérants 518 et 519 de la décision attaquée que la raison pour laquelle la Commission a écarté tout comportement abusif de Bulgartransgaz pour la période de stockage 2015/2016 ait été que Bulgargaz était le seul opérateur à avoir présenté une demande de capacité à la station de stockage de Chiren pour cette période.

1060 En effet, la Commission a considéré que le comportement abusif de Bulgartransgaz concernant la station de stockage de Chiren avait cessé le 19 septembre 2014, car, à partir de cette date, cette dernière avait, en substance, mis fin aux tactiques dilatoires énumérées au considérant 492 de la décision attaquée (voir considérants 518 et 519 de la décision attaquée) pour les raisons qui suivent.

1061 Premièrement, la Commission a souligné que Bulgartransgaz avait répondu rapidement à une demande d’accès à la station de stockage de Chiren présentée par une entreprise le 19 septembre 2014 et qu’elle avait émis un avis favorable à cette demande. L’accès a ainsi été octroyé quatre jours plus tard, le 23 septembre 2014 (voir considérants 208 et 518 de la décision attaquée).

1062 Deuxièmement, la Commission a observé que, à la suite de la procédure d’attribution des capacités de stockage du mois d’avril 2014, Bulgartransgaz avait publiquement annoncé qu’il restait des capacités de stockage disponibles (voir considérants 207 et 518 de la décision attaquée).

1063 Troisièmement, la Commission a relevé que, dans le cadre de la procédure d’attribution des capacités de stockage du mois d’avril 2015, Bulgargaz n’avait demandé qu’un tiers de la capacité disponible à la station de stockage de Chiren et que, à l’issue de cette procédure, Bulgartransgaz avait immédiatement publié la capacité qui restait disponible (voir considérants 209 et 519 de la décision attaquée).

1064 Quatrièmement, la Commission a retenu que, lorsque la société B avait demandé un accès à la station de stockage de Chiren en décembre 2015, Bulgartransgaz avait immédiatement accepté sa demande (voir considérants 209, 213 et 519 de la décision attaquée).

1065 En revanche, pour la période de stockage 2012/2013, la Commission a valablement retenu que Bulgartransgaz n’avait pas donné aux tiers suffisamment de temps pour préparer leurs demandes (voir point 1053 ci-dessus). En outre, elle a aussi constaté, sans être contestée sur ce point par les requérantes, que, durant cette période, Bulgartransgaz n’avait pas publié les capacités de retrait qui restaient disponibles à la station de stockage de Chiren, ce qui avait empêché les demandeurs potentiels d’accomplir les démarches nécessaires pour utiliser ces capacités (voir considérant 189 de la décision attaquée).

1066 Il s’ensuit que la Commission a pu valablement conclure que, à partir du 19 septembre 2014, le comportement de Bulgartransgaz concernant l’attribution des capacités à la station de stockage de Chiren avait différé radicalement de celui qu’elle avait adopté concernant la période de stockage 2012/2013.

1067 Partant, le troisième grief doit être rejeté.

4)      Sur le quatrième grief, tiré de l’accès au stockage octroyé à Overgas pour la période de stockage 2013/2014

1068 Les requérantes font valoir que Bulgartransgaz a traité la demande de stockage d’Overgas pour la période de stockage 2013/2014 conformément aux règles d’accès au stockage de 2012, qu’un accès à la station de stockage de Chiren lui a ainsi été accordé et que le refus d’Overgas de conclure un contrat de stockage avec Bulgartransgaz n’a rien à voir avec la façon dont sa demande a été traitée.

1069 À cet égard, il convient de rappeler que, pour la période de stockage 2013/2014 :

–        Bulgartransgaz a engagé une procédure d’allocation de 300 millions de mètres cubes de capacités disponibles à la station de stockage de Chiren ; elle a annoncé des capacités d’injection, de 355 millions de mètres cubes, et de retrait, de 400 millions de mètres cubes, excédant la capacité de stockage disponible  [voir considérant 190  et tableau no 2 (considérant 194) de la décision attaquée] ;

–        Bulgargaz a demandé des capacités fermes ainsi que des capacités interruptibles pour l’injection de [310-385] millions de mètres cubes de gaz et le retrait de [290-365] millions de mètres cubes de gaz et Overgas a demandé uniquement des capacités fermes d’injection et de retrait de [150-200] millions de mètres cubes de gaz [voir considérant 191, tableau no 2 (considérant 194) et considérant 195 de la décision attaquée] ;

–        grâce à l’application des règles d’accès au stockage de 2012, Bulgargaz s’est vu attribuer une capacité de stockage de [200-275] millions de mètres cubes de gaz et, le 30 avril 2013, cette dernière et Bulgartransgaz ont conclu un contrat de stockage portant sur ce volume avec un plan d’injection et de retrait proche de celui qui était demandé ; en particulier, Bulgargaz a été autorisée à retirer du gaz entre décembre 2013 et mars 2014 ; en revanche, Overgas s’est vu attribuer uniquement le surplus, à savoir la capacité que Bulgargaz n’avait pas demandée, soit [25-50] millions de mètres cubes de gaz, et à la condition qu’Overgas retire ce volume de la station de stockage de Chiren en octobre et en novembre 2013, puis en octobre et en novembre 2014 ; Overgas a finalement renoncé à conclure un contrat de stockage avec Bulgartransgaz pour la période de stockage 2013/2014 (voir considérants 192 à 194, 196 à 198, 228 et 517 de la décision attaquée).

1070 La Commission a ainsi pu valablement retenir, au considérant 517 de la décision attaquée, que la capacité de stockage offerte à Overgas était pratiquement inutile, car elle ne lui aurait pas permis d’équilibrer ses achats et ses ventes de gaz. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier, celle-ci aurait dû retirer la totalité du gaz stocké à la station de stockage de Chiren pendant les mois d’octobre et de novembre, soit avant le début de la période la plus froide durant laquelle ont lieu les pics de consommation de gaz en Bulgarie, qui s’étend du 15 décembre au 15 février. Ainsi, si Overgas avait accepté cette offre, elle aurait dû supporter des frais supplémentaires de stockage sans contrepartie, car l’obligation de retirer les volumes de gaz avant la saison des pics de consommation l’aurait empêchée d’équilibrer correctement ses achats et ses ventes de gaz (voir considérants 199 et 228 de la décision attaquée).

1071 Il convient certes de relever que, ainsi qu’il ressort des considérants 38 et 161 et du tableau no 2 figurant au considérant 194 de la décision attaquée, le gaz est injecté à la station de stockage de Chiren pendant les mois dits d’été (à savoir les mois d’avril à septembre) et retiré pendant les mois dits d’hiver (à savoir les mois d’octobre à mars). Toutefois, les conditions accordées à Bulgargaz par Bulgartransgaz étaient, à cet égard, bien plus avantageuses, puisque, contrairement à Overgas, elle était autorisée à retirer du gaz de cette installation entre décembre 2013 et mars 2014, [voir le tableau no 2 (considérant 194) de la décision attaquée] soit, pour la plupart, durant la saison correspondant aux pics de consommation.

1072 Par conséquent, le quatrième grief doit être écarté et, partant, la troisième branche doit être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2014

1073 Les requérantes contestent le caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2014, constaté au considérant 492 de la décision attaquée. Elles invoquent deux griefs.

1074 La Commission, soutenue par Overgas, conteste l’argumentation des requérantes.

1)      Sur le premier grief, tiré de l’absence de rejet abusif de la demande d’accès au stockage d’Overgas pour la période de stockage 2014/2015

1075 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas procédé à une appréciation objective des éléments de preuve relatifs au traitement par Bulgartransgaz de la demande d’Overgas introduite dans le cadre de la procédure d’attribution des capacités de stockage du mois d’avril 2014, car elle a conclu à l’existence d’un refus abusif en se fondant sur le fait qu’Overgas n’était pas satisfaite de la capacité de stockage qui lui avait été offerte.

1076 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux considérants 201 à 206 et 229 de la décision attaquée, la Commission a fait observer, sans être contestée par les requérantes, que :

–        au mois d’avril 2014, Bulgartransgaz avait lancé une procédure d’attribution des capacités de la station de stockage de Chiren pour la période de stockage 2014/2015 (ci-après la « procédure d’attribution de 2014 »), régie par les règles d’accès au stockage de 2014 ;

–        la capacité d’injection disponible était de 300 millions de mètres cubes de gaz et la capacité de retrait disponible de 415 millions de mètres cubes de gaz ;

–        Overgas avait demandé l’injection et le retrait de [80-130] millions de mètres cubes de gaz, alors que Bulgargaz avait demandé la totalité des capacités d’injection et de retrait disponibles ;

–        en application des règles d’accès au stockage de 2014, Bulgargaz s’était vu attribuer [85-95] % de la capacité d’injection qu’elle avait demandée, tandis qu’Overgas avait reçu une offre correspondant à seulement [20-30] % de la capacité d’injection qu’elle avait demandée ;

–        Overgas avait renoncé à conclure un contrat de stockage avec Bulgartransgaz.

1077 La Commission a ainsi montré que la mise en œuvre des règles d’accès au stockage de 2014 continuait de favoriser Bulgargaz au détriment des tiers, pour qui l’attribution des capacités à la station de stockage de Chiren en application desdites règles se révélait commercialement peu intéressante (voir considérants 206, 518 et 529 de la décision attaquée). Par conséquent, le fait qu’Overgas ait renoncé à conclure un contrat de stockage à l’issue de la procédure d’attribution de 2014, après que Bulgartransgaz lui avait offert à peine plus du quart de la capacité d’injection demandée, tandis que son concurrent Bulgargaz voyait sa demande quasi intégralement satisfaite, constitue un élément probant sur lequel pouvait s’appuyer la Commission pour établir l’existence d’un refus d’approvisionnement concernant la station de stockage de Chiren (voir considérants 201 à 206 et 229 de la décision attaquée).

1078 Par ailleurs, la Commission a relevé que Bulgargaz n’avait finalement pas conclu de contrat de stockage avec Bulgartransgaz sur le fondement de la procédure d’attribution de 2014. En effet, les contrats de stockage que les deux sociétés sœurs ont conclus en juillet et en septembre 2014 ne couvraient qu’un volume de gaz de, respectivement, [5-30] millions de mètres cubes et de [70-95] millions de mètres cubes (voir considérant 207 de la décision attaquée), soit une fraction très limitée du volume initialement demandé par Bulgargaz et de celui que lui avait accordé Bulgartransgaz lors de ladite procédure. Ainsi, à l’issue de la procédure d’attribution de 2014, la station de stockage de Chiren conservait un volume de capacités disponibles significatif.

1079 Au vu de ces considérations, la Commission a pu légitimement conclure que le mode opératoire adopté par Bulgartransgaz lors de la procédure d’attribution de 2014 visait à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers à la station de stockage de Chiren.

1080 Le premier grief doit donc être rejeté.

2)      Sur le second grief, tiré du fait que les règles d’accès au stockage de 2014 étaient toujours en vigueur à la fin de la période infractionnelle retenue pour la station de stockage de Chiren

1081 Les requérantes font valoir que la conclusion figurant au considérant 492 de la décision attaquée concernant le caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2014 est infirmée par le constat, au considérant 649, selon lequel le comportement abusif relatif à la station de stockage de Chiren a pris fin lors de l’octroi à un tiers de l’accès à cette infrastructure, le 19 septembre 2014, alors que les règles d’accès au stockage de 2014 étaient encore en vigueur.

1082 Toutefois, il ressort du considérant 492 de la décision attaquée que la Commission n’a pas fondé ses conclusions concernant la station de stockage de Chiren sur l’existence des règles d’accès au stockage de 2014 en tant que telles. En effet, elle a considéré, notamment, que c’était la manière dont Bulgartransgaz avait appliqué ses règles d’accès au stockage de 2014 lors du traitement des demandes d’accès des tiers à cette installation qui constituait une tactique dilatoire et, ainsi, un refus d’approvisionnement, lesquels avaient pris fin au moment où Bulgartransgaz s’était écartée de cette application pratique des règles d’accès au stockage, le 19 septembre 2014 (voir considérant 492 de la décision attaquée et point 1066 ci-dessus).

1083 Ainsi, au considérant 518 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les règles d’accès au stockage de 2014, adoptées en avril 2014, n’avaient pas sensiblement amélioré l’accès des tiers à la station de stockage de Chiren en ce qui concernait les règles d’accès au stockage de 2012, car le système d’attribution de la capacité de stockage restait fondé sur la règle de la « quantité de vente de base », ce qui continuait de favoriser généralement l’entreprise avec les ventes en cours les plus élevées, à savoir Bulgargaz. Elle a, à cet égard, valablement retenu que le mode opératoire de Bulgartransgaz consistant à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers à la station de stockage de Chiren s’était poursuivi avec la mise en œuvre des règles d’accès au stockage de 2014, lors de la procédure d’attribution de 2014, l’issue de cette procédure ayant, une nouvelle fois, favorisé Bulgargaz au détriment des tiers (voir considérants 204, 206, 518 et 529 de la décision attaquée et points 1076, 1077 et 1079 ci-dessus).

1084 La Commission a toutefois constaté qu’en septembre 2014, le comportement de Bulgartransgaz avait changé, car cette dernière avait cessé ses pratiques dilatoires en acceptant, en seulement quatre jours, une demande d’accès à cette infrastructure par un tiers et en annonçant désormais correctement la capacité disponible à la station de stockage de Chiren (voir considérants 207, 208 et 211 de la décision attaquée).

1085 La Commission a ainsi conclu, au considérant 649 de la décision attaquée, que le comportement anticoncurrentiel relatif à la station de stockage de Chiren avait pris fin le 19 septembre 2014, lorsque, en substance, Bulgartransgaz avait traité pour la première fois une demande d’accès à cette installation de manière non dilatoire (voir considérants 208 et 211 de la décision attaquée).

1086 Il en découle que les règles d’accès au stockage de 2014 ont constitué un outil utilisé par Bulgartransgaz pour perpétuer ses pratiques dilatoires à l’égard des tiers jusqu’au 19 septembre 2014. Le fait que cette dernière a, à cette date, octroyé un accès satisfaisant à la station de stockage de Chiren à un tiers, alors que lesdites règles étaient encore en vigueur, montre simplement que l’application anticoncurrentielle de ces règles, qui est le comportement reproché à Bulgartransgaz dans la décision attaquée, a pris fin à cette date.

1087 L’argument selon lequel le caractère abusif des règles d’accès au stockage de 2014 est infirmé par le constat selon lequel le comportement abusif relatif à la station de stockage de Chiren a cessé le 19 septembre 2014 doit donc être écarté comme étant inopérant.

1088 Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche.

e)      Conclusion sur le troisième « sous-moyen »

1089 Il résulte de l’examen de ce « sous-moyen » que la Commission a établi à suffisance de droit que Bulgartransgaz avait adopté un mode opératoire consistant à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers à la station de stockage de Chiren entre le 30 juillet 2010 et le 19 septembre 2014. En particulier, elle a démontré que le comportement de Bulgartransgaz avait entravé l’accès d’Overgas, de la société F et de la société C à cette infrastructure.

1090 La Commission a considéré que le comportement de Bulgartransgaz avait la capacité de restreindre la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, car, en l’absence d’accès à la station de stockage de Chiren, les concurrents de Bulgargaz n’avaient pas la possibilité de gérer les fluctuations saisonnières de l’offre et de la demande de gaz et, partant, étaient empêchés de formuler leurs offres sur lesdits marchés dans des conditions d’égalité (voir considérant 623 de la décision attaquée).

1091 Les situations de fait concernant les entraves à l’accès d’Overgas, de la société F et de la société C à la station de Chiren se présentent sous deux cas de figure différents.

1)      Sur la demande d’accès de la société F du 1er septembre 2011 et les demandes d’accès d’Overgas avant le 1er janvier 2013

1092 Il convient de considérer, conjointement, le comportement de Bulgartransgaz concernant le traitement de la demande d’accès de la société F, introduite le 1er septembre 2011, et son comportement concernant les demandes d’accès d’Overgas avant le 1er janvier 2013.

1093 À cet égard, il convient de rappeler que, pendant la période infractionnelle, la capacité d’accéder à la station de stockage de Chiren dépendait de la capacité d’accéder, en amont, au gazoduc roumain 1. En effet, ce dernier était la seule route acheminant du gaz au réseau de transport, qui, à son tour, était la seule infrastructure raccordée à ladite station (voir considérants 578 et 611 de la décision attaquée).

1094 L’examen du premier « sous-moyen » a permis de conclure que la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit que le comportement de Bulgargaz concernant l’accès au gazoduc roumain 1 constituait un refus d’accès susceptible de relever de l’article 102 TFUE (voir point 689 ci-dessus).

1095 Or, la Commission n’a pas établi que les volumes de gaz que la société F souhaitait stocker à la station de stockage de Chiren provenaient de la production négligeable de gaz domestique en Bulgarie.

1096 En effet, il est constant entre les parties que, pendant la période infractionnelle, l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie dépendait quasi entièrement du gaz provenant de la Russie, la production nationale bulgare de gaz étant négligeable et, au demeurant, achetée pour l’essentiel par Bulgargaz [voir considérants 47, 62, 66, 68, 423 et considérant 629, sous a), de la décision attaquée]. Or, s’il est précisé, dans la décision attaquée, que la société C a acheté une partie de cette production nationale [voir notes en bas de page nos 58 et 88], il n’y est pas démontré que les volumes de gaz que la société F souhaitait stocker à la station de stockage de Chiren provenaient de cette production domestique.

1097 De même, Overgas n’a pas eu d’accès au gazoduc roumain 1 avant le 1er janvier 2013 pour des motifs qui ne sont pas imputables à un comportement abusif avéré des requérantes (voir points 951 et 952 ci-dessus).

1098 Dans ces conditions, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que le comportement de Bulgartransgaz sur la station de stockage de Chiren avait eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, d’empêcher la société F en 2011, et Overgas avant le 1er janvier 2013, de pénétrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz pendant la période infractionnelle, comme cela est requis par la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus [arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 154 et du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, points 50, 61, 64 et 72].

1099 Dès lors, la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur la manière dont Bulgartransgaz avait traité, d’une part, la demande d’accès de la société F à la station de stockage de Chiren et, d’autre part, les demandes d’accès d’Overgas pour la période de stockage 2011/2012 pour étayer la conclusion selon laquelle l’absence d’accès à cette infrastructure aurait empêché ces deux concurrents de Bulgargaz de formuler leurs offres sur les marchés bulgares de fourniture de gaz dans des conditions d’égalité. En effet, l’octroi d’un accès complet à la station de stockage de Chiren n’aurait pas permis, à l’époque, à ces deux opérateurs d’acheminer du gaz sur lesdits marchés, faute pour eux de détenir un accès préalable au gazoduc roumain 1.

1100 Partant, la Commission n’a pas établi que le traitement par Bulgartransgaz de la demande d’accès de la société F et de celles d’Overgas pour la période de stockage 2011/2012 avait eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire des effets d’éviction sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, au sens de la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus.

2)      Sur la demande d’accès de la société C du 5 juin 2012 et celles d’Overgas à partir du 1er janvier 2013

1101 Il convient de relever que :

–        il ressort du dossier que la société C a obtenu l’accès au réseau de transport le 1er janvier 2012 et qu’elle n’avait pas besoin d’un accès au gazoduc roumain 1 pour pouvoir acheminer son gaz vers la Bulgarie, y compris vers la station de stockage de Chiren, étant donné que son gaz provenait de la production domestique bulgare (voir notes en bas de page nos 58 et 88 de la décision attaquée) ;

–        ainsi qu’il ressort des points 490 et 943 ci-dessus, Overgas a obtenu l’accès au gazoduc roumain 1 et au réseau de transport à partir du 1er janvier 2013.

1102 Dès lors, il y a lieu de vérifier si le comportement de Bulgartransgaz relatif à la demande d’accès à la station de stockage de Chiren de la société C et celles d’Overgas à partir du 1er janvier 2013 avait la capacité de restreindre la concurrence et de produire des effets d’éviction, au sens de la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus.

1103 À cet égard, force est de constater que les entraves créées par Bulgartransgaz à l’égard des demandes d’accès de la société C en juin 2012 et d’Overgas entre le 1er janvier 2013 et le milieu de l’année 2014, quand la procédure d’allocation des capacités pour la période de stockage 2014/2015 se déroulait, avaient, à elles seules, la capacité de produire des effets sur la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz. En effet, l’absence d’accès à la station de stockage de Chiren a privé ces deux entreprises d’un outil essentiel pour gérer les fluctuations saisonnières de la demande et les a ainsi empêchées de formuler leur offre sur lesdits marchés dans des conditions d’égalité avec Bulgargaz.

1104 Il résulte de ce qui précède que, si le comportement de Bulgartransgaz concernant la gestion de l’accès à la station de stockage de Chiren n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz avant le mois de juin 2012, date à laquelle est intervenue la demande de la société C, il a pu avoir cette capacité entre le 5 juin 2012 et le 19 septembre 2014, date à laquelle Bulgartransgaz a cessé ses pratiques dilatoires relatives au traitement des demandes d’accès à ladite station.

1105 Partant, il y a lieu d’accueillir partiellement le troisième « sous-moyen ».

5.      Conclusion sur le quatrième moyen 

1106 Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit un refus d’accès aux trois infrastructures détenues par le groupe BEH susceptible de relever de l’article 102 TFUE en ce qui concerne :

–        premièrement, le comportement de Bulgargaz relatif à l’accès au gazoduc roumain 1 entre le 31 janvier 2011 et le 1er janvier 2015 (voir la troisième et les cinquième à huitième branches du premier « sous-moyen » ainsi que les conclusions tirées au point 689 ci-dessus) ;

–        deuxièmement, le comportement de Bulgartransgaz relatif à l’accès au réseau de transport entre le 30 juillet 2010 et le 1er janvier 2015 (voir la cinquième branche du deuxième « sous-moyen » ainsi que les conclusions tirées au point 954 ci-dessus) ;

–        troisièmement, le comportement de Bulgartransgaz relatif à l’accès à la station de stockage de Chiren avant le 5 juin 2012 (voir points 1092 à 1100 ci-dessus).

1107 En revanche, les éléments du dossier permettent de démontrer que le comportement de Bulgartransgaz concernant l’accès à la station de stockage de Chiren a pu avoir une capacité à restreindre la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz entre le 5 juin 2012 et le 19 septembre 2014 (voir points 1101 à 1104 ci-dessus).

1108 Cela étant, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux infractions qu’elle constate en application de l’article 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité conformément à l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 42).

1109 Or, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, les juridictions de l’Union ne peuvent pas substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée). Ainsi que le fait observer Mme l’avocate générale Kokott dans ses conclusions dans l’affaire Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2012:535, point 92), l’interdiction d’une substitution, par le juge de l’Union, de la motivation de l’auteur de l’acte attaqué est une expression du caractère cassatoire du recours en annulation, lequel repose sur le principe de l’équilibre institutionnel qui caractérise la structure et le fonctionnement de l’Union. Le maintien de cet équilibre institutionnel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres.

1110 Ainsi, si la Commission est compétente pour adopter des décisions appliquant l’article 102 TFUE, le juge de l’Union est, quant à lui, au titre de l’article 263 TFUE, compétent, notamment, pour contrôler la légalité de la motivation de ces décisions, sans pouvoir, en principe, substituer sa propre motivation à celle de la Commission ni compléter la motivation de cette dernière.

1111 À cet égard, il convient de relever que la motivation de la décision attaquée repose sur deux piliers fondamentaux, à savoir, d’une part, la stratégie anticoncurrentielle mise en œuvre par les requérantes visant à protéger la position dominante de Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz et, d’autre part, la notion d’« infraction unique et continue ».

 1)      La stratégie anticoncurrentielle

1112 La décision attaquée a retenu que les comportements des requérantes relatifs au gazoduc roumain 1, au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren, qui ont consisté à empêcher, restreindre et retarder l’accès à chacune de ces infrastructures, s’inséraient dans une stratégie anticoncurrentielle visant à protéger la position dominante de Bulgargaz sur les marchés bulgares de fourniture de gaz, en verrouillant l’accès des tiers auxdits marchés [voir considérant 389, considérant 454, sous b), et considérants 467, 569, 572 et 643]. Selon la Commission, cette stratégie a été conçue par BEH et mise en œuvre par ses filiales Bulgargaz et Bulgartransgaz (voir considérant 570 de ladite décision).

1113 À cet égard, au considérant 567 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, compte tenu de la nature fragmentée des pratiques en cause, pour prouver cette stratégie d’ensemble, elle s’était fondée sur un faisceau d’indices démontrant :

–        la cohérence de l’infraction dans le temps ;

–        la nature comparable et la complémentarité des pratiques en cause ;

–        la norme commune des comportements des requérantes relatifs à chaque infrastructure, consistant dans la capacité d’évincer les concurrents des marchés bulgares de fourniture de gaz.

1114 Ainsi, la Commission a observé, premièrement, que ces pratiques, consistant à accumuler les capacités sur le gazoduc roumain 1 et à empêcher, restreindre et retarder l’accès au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren « se compl[étai]ent et se renfor[çai]ent mutuellement » (voir considérant 577 de la décision attaquée).

1115 Deuxièmement, la Commission a souligné que les « pratiques étaient explicitement liées, en subordonnant l’accès au réseau de transport […] (contrôlé par Bulgartransgaz) à l’accès des tiers au gazoduc roumain 1 (contrôlé par Bulgargaz et soumis à l’autorisation de BEH) » (voir considérant 577 de la décision attaquée). À ce propos, il y a lieu de rappeler que la Commission a conclu que l’exigence de Bulgartransgaz de fournir des preuves de la capacité réservée sur le gazoduc roumain 1 exploité par Bulgargaz, qui appartenait au même groupe d’entreprises, avait « de facto rendu [l’]accès [au réseau de transport] impossible jusqu’en 2013 » (voir considérants 475 et 480 de la décision attaquée).

1116 Troisièmement, la Commission a indiqué que le réseau de transport était la seule infrastructure susceptible d’acheminer du gaz à la station de stockage de Chiren et que, dès lors, l’accès audit réseau était requis pour obtenir l’accès au stockage. Elle a également constaté que la capacité à accéder à ladite station pendant la période infractionnelle était « indirectement liée à la capacité à accéder au gazoduc roumain 1 [qui] […] était la seule route acheminant du gaz au réseau de transport […] durant [cette] période » (voir considérant 578 de la décision attaquée).

1117 La Commission a, dès lors, conclu que Bulgartransgaz et Bulgargaz avaient « été en mesure d’influencer et de contribuer conjointement à la prévention, à la restriction et au retardement de l’accès des tiers à l’infrastructure détenue ou contrôlée par le groupe BEH » (voir considérant 579 de la décision attaquée). Elle a, en outre, relevé, d’une part, que Bulgargaz et Bulgartransgaz coordonnaient leur comportement concernant les demandes d’accès des tiers, tout en se traitant mutuellement comme des entités au sein d’une entreprise intégrée, et que, d’autre part, BEH était directement impliquée dans toutes les pratiques litigieuses (voir considérant 579 de ladite décision).

 2)      Une infraction unique et continue

1118 La Commission a conclu que les requérantes avaient commis une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE entre le 30 juillet 2010 et le 1er janvier 2015, en refusant aux tiers l’accès au gazoduc roumain 1, au réseau de transport et à la station de stockage de Chiren, ce qui avait conduit à un verrouillage des marchés bulgares de fourniture de gaz (voir articles 1er et 2 et considérants 1, 2 et 450 de la décision attaquée).

1119 Selon la jurisprudence, la notion d’« infraction unique et continue » a trait à un ensemble d’actions qui s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation des objectifs visés dans le cadre de ce plan global. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 89 ; du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 892, et du 8 septembre 2016, Arrow Group et Arrow Generics/Commission, T‑467/13, non publié, EU:T:2016:450, point 384).

1120 En l’espèce, pour démontrer que l’ensemble des pratiques des requérantes constituait une infraction unique et continue, aux considérants 608, 609 et 614 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée, en substance, sur le fait que celles-ci s’inséraient dans un « plan global et à long terme de verrouillage des marchés [bulgares] de fourniture de gaz […] au profit de Bulgargaz ».

1121 À cet égard, premièrement, la Commission a de nouveau souligné que Bulgargaz avait elle-même la capacité d’évincer ses concurrents et de restreindre la possibilité d’une concurrence viable sur les marchés bulgares de fourniture de gaz en accumulant des capacités sur le gazoduc roumain 1 (voir considérants 611 et 624 de la décision attaquée).

1122 Deuxièmement, la Commission a relevé que « les trois pratiques du groupe BEH » respectivement liées aux trois infrastructures qu’il contrôlait « se compl[étai]ent et se renfor[çai]ent mutuellement et [avaient] été mises en œuvre dans le seul but de verrouiller les marchés [bulgares] de fourniture de gaz » (voir considérant 612 de la décision attaquée). Elle a, à cet égard, retenu que l’accès au réseau de transport et, partant, à la station de stockage de Chiren était conditionné à l’obtention préalable d’un accès au gazoduc roumain 1, lequel était, pendant la période infractionnelle, la seule infrastructure disponible pour acheminer du gaz par le biais dudit réseau et, partant, jusqu’à cette station de stockage (voir considérants 51, 578 et 611 de la décision attaquée).

1123 Partant, ainsi qu’il ressort des considérants 578 et 611 de la décision attaquée et ainsi que le souligne, au demeurant, la Commission dans son mémoire en défense, « sans accès au gazoduc roumain 1, les concurrents (potentiels) n’avaient pas d’accès au réseau de transport ni, partant, à [la station] de stockage [de Chiren] ».

1124 Troisièmement, la Commission a répété que Bulgargaz et Bulgartransgaz se coordonnaient en ce qui concernait l’examen des demandes d’accès des tiers et se traitaient mutuellement en tant qu’entités au sein d’une entreprise intégrée (voir considérants 579 et 612 de la décision attaquée).

1125 Quatrièmement, la Commission a retenu, une fois encore, que les pratiques reprochées étaient également « explicitement liées » dans la mesure où « l’accès au réseau de transport (contrôlé par Bulgartransgaz) était subordonné à l’accès des tiers au gazoduc roumain 1 (contrôlé par Bulgargaz) et soumis à l’autorisation de BEH » (voir considérant 612 de la décision attaquée). Elle a souligné que, même après le mois de janvier 2012, BEH avait conservé le contrôle sur Bulgartransgaz, étant donné que l’accès au réseau de transport, et donc indirectement l’accès à la station de stockage de Chiren, était subordonné à l’obtention préalable d’un accès au gazoduc roumain 1 auprès de Bulgargaz, lui-même subordonné à l’accord préalable de BEH (voir considérant 611 de la décision attaquée).

1126 Selon la Commission, le lien entre lesdites pratiques a permis :

–        d’une part, aux trois requérantes d’influencer mutuellement leur comportement, de sorte que, ensemble, elles ont contribué à empêcher, restreindre et retarder l’accès des tiers aux infrastructures détenues ou contrôlées par le groupe BEH ;

–        d’autre part, au groupe BEH de coordonner son comportement d’une manière cohérente en appliquant des méthodes similaires (voir considérant 612 de la décision attaquée).

1127 Il résulte de l’ensemble des considérations exposées aux points 1112 à 1126 ci-dessus que :

–        ni dans les motifs de la décision attaquée ni d’autant moins dans son dispositif la Commission n’a imputé aux requérantes plusieurs infractions distinctes, dont chacune aurait été respectivement liée à l’une des infrastructures en cause ;

–        la stratégie anticoncurrentielle reprochée aux requérantes est un élément constitutif clé de l’infraction unique et continue que leur impute la décision attaquée ; ces dernières sont accusées d’avoir contribué à la mise en œuvre de cette stratégie, qui reposait sur l’interdépendance des comportements relatifs à chacune des trois infrastructures gazières en cause et avait pour seul objectif le verrouillage des marchés bulgares de fourniture de gaz afin de protéger la position dominante de Bulgargaz sur ces marchés ;

–        la Commission a souligné à plusieurs reprises, dans la décision attaquée, que les agissements de Bulgargaz concernant le gazoduc roumain 1 étaient essentiels, et suffisants à eux seuls, pour verrouiller l’accès de ses concurrents potentiels auxdits marchés.

1128 Il s’ensuit que le comportement prétendument abusif relatif au gazoduc roumain 1 constitue le pivot sur lequel reposent l’analyse de la Commission et la motivation de la décision attaquée s’agissant des éléments constitutifs de l’infraction unique et continue constatée.

1129 Dans ce contexte, la circonstance selon laquelle Bulgartransgaz a entravé l’accès de la société C à la station de stockage de Chiren en juin 2012 et celui d’Overgas entre le 1er janvier 2013 et le milieu de l’année 2014 (voir points 1101 à 1104 ci-dessus) et selon laquelle ce comportement avait, à lui seul, la capacité de produire des effets anticoncurrentiels sur les marchés bulgares de fourniture de gaz ne peut justifier, à elle seule, le constat de l’infraction unique et continue à l’article 102 TFUE imputée aux requérantes par la décision attaquée.

1130 En effet, il convient de rappeler que les articles 1er et 2 de la décision attaquée retiennent à l’égard des requérantes « une infraction unique et continue à l’article 102 [TFUE] en [ce qu’elles ont refusé] l’accès des tiers au réseau de transport […], au gazoduc […] roumain 1 et à [la station de stockage de] Chiren aboutissant à un verrouillage sur les marchés de fourniture de gaz en Bulgarie » du « 30 juillet 2010 [au] 1er janvier 2015 ».

1131 Dès lors, au regard de l’ensemble des comportements reprochés aux requérantes dans la décision attaquée et de l’accent mis par celle-ci sur leur interdépendance, leur complémentarité et leur renforcement mutuel, il ne saurait être déduit du dispositif de la décision attaquée que celui-ci repose sur plusieurs motifs concernant des comportements abusifs distincts dont chacun suffirait, à lui seul, à le fonder.

1132 Or, selon la jurisprudence constante citée aux points 234 et 1109 ci-dessus, dans le cadre du contrôle de légalité au titre de l’article 263 TFUE, le juge de l’Union ne peut pas substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause. En l’espèce, le constat de l’infraction unique et continue imputée aux requérantes dans le dispositif de la décision attaquée, indiquant la nature et l’étendue de ladite infraction aux règles de la concurrence de l’Union et indissociable de sa motivation, englobe l’ensemble des comportements des requérantes relatifs aux trois infrastructures gazières en cause. Comme cela est relevé aux points 1113 et 1131 ci-dessus, la caractérisation de l’infraction unique et continue se fonde sur la complémentarité et l’interdépendance de la pluralité desdits comportements.

1133 Dans ces conditions, l’unique motif tiré du comportement de Bulgartransgaz concernant la station de stockage de Chiren après le mois de juin 2012 ne saurait, sauf à dénaturer la décision attaquée en substituant une nouvelle appréciation des faits à celle de la Commission en méconnaissance de la jurisprudence citée au point 1109 ci-dessus, constituer la motivation essentielle, voire suffisante, susceptible de fonder à elle seule le dispositif de ladite décision.

1134 Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’infraction constitutive de l’abus de position dominante imputé aux requérantes par la décision attaquée.

1135 Il convient, dès lors, d’accueillir le quatrième moyen, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres « sous-moyens » soulevés par les requérantes.

D.      Sur le premier moyen, tiré de l’existence de vices de procédure substantiels affectant l’exercice des droits de la défense des requérantes ainsi que de la violation du principe de bonne administration

1136 Par leur premier moyen, les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, font valoir que la Commission a méconnu à plusieurs titres le principe de bonne administration et leurs droits de la défense. Le moyen s’articule en cinq branches :

–        la première, tirée de la violation par la Commission de son obligation d’enregistrer et d’inclure convenablement dans le dossier d’instruction les procès-verbaux des réunions avec Overgas ;

–        la deuxième, tirée du fait que la Commission serait restée en défaut de divulguer ultérieurement les procès-verbaux des réunions avec Overgas ainsi que certaines observations écrites de cette dernière ;

–        la troisième, tirée du fait que la Commission aurait privé les requérantes d’un accès à la communication des griefs de l’affaire Gazprom ainsi qu’aux documents relatifs au marché du gaz bulgare la sous-tendant ;

–        la quatrième, tirée de la divulgation à Overgas de certaines informations confidentielles appartenant aux requérantes ;

–        la cinquième, tirée du manquement de la Commission résultant de l’absence d’envoi de demande de renseignements à Transgaz, propriétaire et GRT du gazoduc roumain 1.

1137 La Commission conteste l’ensemble de ces arguments.

1138 Il convient de relever d’emblée que, dans le cadre de ce moyen, les requérantes n’étayent pas suffisamment le manquement invoqué dans la cinquième branche.

1139 À cet égard, ainsi que rappelé au point 718 ci-dessus, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, l’exposé sommaire des moyens doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui, de sorte que la seule énonciation abstraite d’un moyen ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2022, Wieland-Werke/Commission, T‑251/19, non publié, EU:T:2022:296, point 59).

1140 En effet, dans la mesure où les requérantes n’expliquent pas en quoi l’absence de demande de renseignements adressée à Transgaz aurait pu méconnaître leurs droits de la défense, les exigences de forme minimales énoncées à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76 du règlement de procédure ne sont pas remplies, de sorte que cette argumentation et, par voie de conséquence, la cinquième branche, doivent être écartées.

1141 Le Tribunal estime qu’il convient de traiter ensemble les première et deuxième branches, liées par de prétendues omissions dans l’enregistrement et le versement au dossier de certains documents concernant Overgas ainsi que dans l’accès à ces derniers.

1.      Sur les première et deuxième branches, tirées de la violation des obligations d’enregistrement et de versement au dossier des documents relatifs aux réunions de la Commission avec Overgas ainsi que d’un accès insuffisant à ces derniers

1142 Au cours de la procédure administrative, la Commission a organisé, au total, huit réunions avec Overgas, dont :

–        les cinq premières, qui ont eu lieu avant la communication des griefs aux requérantes et, plus précisément, les 13 octobre 2010, 13 janvier, 17 mars et 15 décembre 2011 ainsi que le 17 juin 2013 (ci-après les « réunions de 2010 à 2013 ») ;

–        les trois réunions restantes, qui ont eu lieu après l’adoption de la communication des griefs et, plus précisément, le 13 octobre 2015 ainsi que les 17 mars et 20 octobre 2016 (ci-après les « réunions de 2015 et 2016 » et, prises avec les réunions de 2010 à 2013, les « réunions avec Overgas »).

1143 La Commission affirme avoir établi, après chacune de ces huit réunions avec Overgas, des notes succinctes non confidentielles ainsi que des comptes rendus détaillés confidentiels. À l’audience, elle a admis qu’elle ne pouvait pas indiquer, avec exactitude, la date de rédaction de ces derniers, mais que, en raison de leur degré de précision, elle présumait qu’ils avaient été rédigés juste après chaque réunion.

1144 En outre, à la suite de chacune de ces réunions avec la Commission, sauf celles du 13 octobre 2015 et du 17 mars 2016, Overgas a soumis des observations écrites (ci-après les « observations de suivi »), dans lesquelles elle a développé les arguments soulevés au cours desdites réunions.

1145 Il ressort également du dossier que les requérantes ont d’abord eu accès, notamment, aux notes succinctes des réunions de 2010 à 2013 ainsi qu’à une version non confidentielle des observations de suivi dans le cadre de l’accès au dossier effectué à la suite de la communication des griefs. Le 5 janvier 2018, à la suite de l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), qui a précisé les obligations d’enregistrement et de tenue du dossier incombant à la Commission dans les procédures de répression des infractions à la concurrence, elles ont avancé une nouvelle demande visant, notamment, l’accès aux comptes rendus détaillés et aux notes de toute autre éventuelle réunion entre la Commission et Overgas.

1146 Le 23 mars 2018, la Commission a répondu en admettant avoir eu trois réunions avec Overgas après la communication des griefs, à savoir les réunions de 2015 et de 2016, dont elle a, à ce moment, envoyé les notes succinctes aux requérantes. Toutefois, elle a refusé l’accès aux comptes rendus détaillés au motif que, d’une part, ils contenaient des informations confidentielles et, d’autre part, on n’aurait su y trouver aucun élément de preuve qui n’était déjà présent dans les autres documents non confidentiels auxquels les requérantes avaient eu accès, étant donné qu’elles avaient également eu accès aux observations de suivi.

1147 Les requérantes ont, de ce fait, adressé leur demande d’accès au conseiller-auditeur qui, dans sa réponse du 14 mai 2018, a indiqué qu’il considérait que le refus de divulguer les comptes rendus détaillés était justifié par des raisons de confidentialité et que ces documents ne contenaient pas d’éléments de preuve à décharge additionnels. Toutefois, afin d’équilibrer l’exercice effectif des droits de la défense des requérantes avec les préoccupations légitimes de confidentialité d’Overgas, le conseiller-auditeur proposait un accès restreint aux comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas, par le biais des représentants externes des requérantes, dans le cadre d’une procédure de salle d’information.

1148 En outre, par une lettre du 18 juin 2018 (ci-après la « lettre du 18 juin 2018 »), les requérantes ont demandé à la Commission de leur donner l’accès à une version moins expurgée des observations de suivi, ce que la Commission leur a refusé.

1149 Le 28 juin 2018, les représentants externes des requérantes ont eu accès aux comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas, dans le cadre d’une procédure de salle d’information. En conformité avec les instructions données par la Commission, les représentants externes des requérantes ont pu emporter dans la salle d’information des copies, sur support en papier, de la communication des griefs, de l’exposé des faits, des notes succinctes des réunions avec Overgas et des versions non confidentielles des observations de suivi.

1150 À cette occasion, les représentants externes des requérantes ont rédigé le rapport confidentiel de la salle d’information, dans lequel ils ont exprimé leur point de vue sur les informations qu’ils considéraient comme étant des éléments à décharge figurant dans les comptes rendus détaillés. Une version non confidentielle dudit rapport (ci-après le « rapport non confidentiel de la salle d’information ») a été établie sous le contrôle de la Commission et communiquée aux requérantes. Les représentants pouvaient utiliser les informations mises à leur disposition dans la salle d’information aux fins de la défense des requérantes, auxquelles, toutefois, ils ne pouvaient divulguer aucune information confidentielle (ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission, T‑136/19, EU:T:2022:149, points 20 à 22).

1151 Dans le cadre des deux premières branches de leur premier moyen, les requérantes avancent, en substance, deux séries d’arguments :

–        la première cible la procédure d’enregistrement et de versement au dossier des notes succinctes et des comptes rendus détaillés ;

–        la seconde concerne l’accès accordé aux comptes rendus détaillés et aux observations de suivi.

1152 Aux fins de l’analyse, il convient de vérifier en premier lieu si la Commission a effectivement commis les irrégularités procédurales alléguées par les requérantes ; le cas échéant, il conviendra ensuite d’examiner les conséquences de telles irrégularités sur les droits de la défense de celles-ci, et en particulier de vérifier si, compte tenu des circonstances de fait et de droit spécifiques à la présente affaire, les requérantes ont démontré à suffisance qu’elles auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence de l’irrégularité procédurale commise par la Commission [arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 ; du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, EU:T:2018:930, point 129, et du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T‑235/18, EU:T:2022:358, points 160 et 202].

2.      Sur l’existence de vices de procédure

1153 À titre liminaire, il convient de relever que l’accès au dossier, prévu à l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et à l’article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004, est l’une des garanties procédurales permettant d’appliquer le principe de l’égalité des armes et de protéger les droits de la défense des parties visées par la procédure menée par la Commission. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier d’instruction sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles.

1154 Le droit d’accès au dossier implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 54 et jurisprudence citée).

1155 La portée du droit d’accès au dossier comme partie intégrante des droits de la défense a fait l’objet d’une jurisprudence récente qui a mieux précisé les contours des obligations de la Commission, notamment en ce qui concerne les obligations d’enregistrement qui lui incombent [voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632 ; du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T‑235/18, EU:T:2022:358, et du 14 septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (Google Android), T‑604/18, sous pourvoi, EU:T:2022:541].

1156 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit que, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées, la Commission peut interroger toute personne physique ou morale qui accepte de l’être aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête. Ladite disposition constitue donc la base juridique habilitant la Commission à procéder à un entretien dans le cadre d’une enquête et a vocation à s’appliquer à tout entretien visant la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 84 et 86).

1157 Lorsqu’elle mène un tel entretien, la Commission a, en vertu de l’article 3 du règlement no 773/2004, l’obligation d’enregistrer, sous la forme de son choix, les déclarations faites par les personnes interrogées (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 90 et 91).

1158 Ainsi, s’il est certes permis d’exclure de la procédure administrative les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication des griefs et qui ne sont, par conséquent, d’aucune pertinence pour l’enquête, il ne saurait appartenir à la seule Commission de déterminer les éléments utiles à la défense de l’entreprise concernée (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 126, et du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 306).

1159 Dans cette perspective, les entretiens visant à collecter des informations sur l’objet de l’enquête et donc relevant de l’article 19 du règlement no 1/2003 doivent faire l’objet d’un enregistrement et ne sauraient être omis du dossier [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T‑235/18, EU:T:2022:358, point 199].

1160 En outre, l’obligation qui incombe à la Commission, au sens de l’article 3 du règlement no 773/2004, d’enregistrer, sous la forme de son choix, les déclarations faites par les personnes interrogées au cours d’une enquête administrative ne peut pas se concrétiser dans la rédaction d’un bref résumé des sujets abordés au cours de l’entretien. La Commission doit être en mesure de fournir une indication de la teneur des discussions qui se sont tenues, en particulier de la nature des renseignements fournis pendant l’entretien sur les sujets abordés (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 92).

1161 C’est à l’aune de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes dénonçant des prétendus manquements de la Commission en ce qui concerne ses obligations d’enregistrement ainsi que de versement et d’accès au dossier.

a)      Sur le premier grief, tiré de l’omission d’enregistrer et d’inclure convenablement dans le dossier les déclarations faites au cours des réunions avec Overgas 

1162 Les requérantes, soutenues par la République de Bulgarie, font valoir que la façon dont la Commission a enregistré ou omis d’enregistrer ses réunions avec Overgas, tout comme la manière dont elle a versé au dossier les déclarations faites au cours desdites réunions, est contraire aux obligations d’enregistrement découlant de l’article 19 du règlement no 1/2003, lu conjointement avec l’article 3 du règlement no 773/2004. La Commission aurait, de cette manière, également violé les principes de bonne administration et de transparence ainsi que les droits de la défense des requérantes. Par conséquent, le Tribunal ne pourrait pas exercer son contrôle juridictionnel.

1163 Il y a lieu, à cet égard, de distinguer, d’une part, les arguments se rattachant aux réunions avec Overgas de 2010 à 2013 et, d’autre part, ceux portant sur les réunions de 2015 et de 2016.

1164 Le Tribunal estime qu’il convient de commencer par l’analyse des arguments concernant les réunions de 2015 et de 2016.

1)      Sur les réunions de 2015 et de 2016

1165 Les requérantes font valoir que :

–        aucun enregistrement concernant les réunions de 2015 et de 2016 n’a été versé au dossier au cours de l’enquête ;

–        la Commission n’aurait reconnu l’existence de ces réunions ainsi que celle des comptes rendus détaillés qui y étaient afférents qu’en réponse à une demande des requérantes du 5 janvier 2018, à la suite de laquelle un accès à des notes succinctes a été accordé le 23 mars 2018.

1166 La Commission fait observer que, dès que les requérantes ont demandé si elle avait eu d’autres réunions avec Overgas après la communication des griefs, elle les a informées des réunions de 2015 et de 2016, en leur communiquant les notes succinctes qui y étaient relatives.

1167 À cet égard, la Commission fait valoir qu’au titre du paragraphe 27 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101 et 102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’Accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), une partie aura accès aux documents reçus après la communication des griefs dans des phases ultérieures de la procédure administrative, uniquement lorsque ces documents peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou à décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs.

1168 Or, selon la Commission, les documents relatifs aux réunions de 2015 et de 2016 ne constituaient ni le fondement des griefs adressés aux requérantes ni de nouveaux éléments de preuve quant aux allégations déjà formulées et, dès lors, il ne lui incombait aucune obligation d’inclure les notes succinctes ou les comptes rendus détaillés des réunions de 2015 et de 2016 dans le dossier et d’y donner accès. Au demeurant, il lui aurait appartenu, à elle seule, de procéder à une appréciation du caractère potentiellement à décharge de ces documents.

1169 Cependant, il ressort des notes succinctes et des comptes rendus détaillés que les réunions de 2015 et de 2016 visaient à collecter des informations relatives à l’objet de l’enquête ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

1170 Dans cette perspective, au vu de la jurisprudence citée aux points 1157 et 1159 ci-dessus, les entretiens visant à collecter des informations sur l’objet de l’enquête et donc relevant de l’article 19 du règlement no 1/2003, tels que les entretiens en cause, doivent faire l’objet d’un enregistrement et ne sauraient être omis du dossier d’instruction.

1171 Certes, la possibilité d’opérer une distinction entre les documents pertinents pour l’enquête et ceux qui ne le sont pas et, par conséquent, d’exclure ces derniers du dossier d’instruction demeure indispensable pour éviter que la Commission ne soit sujette à un fardeau procédural excessif. Néanmoins, il ne lui appartient pas d’écarter un élément du dossier en faisant application de son prétendu pouvoir d’appréciation quant au caractère potentiellement à charge ou à décharge de ces documents, dès lors que l’absence de toute trace écrite d’un entretien empêcherait le Tribunal de vérifier si la Commission s’est conformée aux dispositions du règlement no 1/2003 et, plus généralement, si les droits des entreprises et des personnes physiques impliquées dans une enquête ont été pleinement respectés.

1172 En outre, l’obligation d’enregistrement prévue à l’article 3 du règlement no 773/2004 serait dépourvue de tout effet utile si l’on permettait à la Commission d’exclure, de sa propre initiative, l’enregistrement de certaines réunions, d’autant plus que, dans les circonstances de la présente affaire, les entretiens ont eu lieu avec Overgas, qui a joué un rôle non négligeable dans la décision de la Commission d’ouvrir et de poursuivre l’enquête et qui alléguait l’existence de pratiques anticoncurrentielles des requérantes à son égard.

1173 Il s’ensuit que les arguments de la Commission fondés sur l’absence d’obligation d’enregistrer et de verser au dossier les procès-verbaux des réunions de 2015 et de 2016 qui ont eu lieu avec Overgas postérieurement à la communication des griefs sont voués au rejet.

1174 Enfin, dans la mesure où les requérantes soutiennent que la Commission aurait omis de les informer des réunions de 2015 et de 2016, il y a lieu de rappeler que, au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’a effectivement pas fait état des entretiens qu’elle avait eus avec Overgas après la communication des griefs.

1175 Or, ainsi qu’il ressort des points 1157 et 1159 ci-dessus, la Commission ne saurait omettre d’inclure dans le dossier d’instruction l’enregistrement d’entretiens tels que les réunions de 2015 et de 2016 et, par conséquent, d’en informer les parties.

1176 Il s’ensuit que les arguments des requérantes relatifs aux manquements de la Commission concernant les réunions de 2015 et de 2016 sont fondés, dans la mesure où celle-ci aurait dû procéder à l’enregistrement des déclarations faites au cours de ces dernières et au versement au dossier des documents qui y étaient relatifs ainsi qu’à la mise à jour de l’index du dossier permettant aux requérantes d’être mises au courant des entretiens en cause, sous réserve de la protection de la confidentialité de certains éléments légitimement invoquée par Overgas.

1177 La Commission a donc commis une irrégularité procédurale en omettant d’enregistrer convenablement les déclarations faites au cours des réunions de 2015 et de 2016 et de les verser au dossier ainsi que d’en informer les requérantes.

2)      Sur les réunions de 2010 à 2013

1178 Les requérantes :

–        reprochent à la Commission l’absence d’enregistrement convenable des réunions de 2010 à 2013, puisque cette dernière aurait seulement inclus au dossier des notes succinctes ne comportant que des résumés vagues et généraux ; par ailleurs, les notes succinctes n’auraient été versées au dossier que plusieurs années après la tenue de ces réunions, en 2014, ce qui pourrait avoir affaibli leur exactitude ;

–        se plaignent de n’avoir découvert qu’en 2018 qu’il existait des comptes rendus détaillés par rapport aux notes succinctes, qui ne figuraient pas dans le dossier ; elles font valoir que la Commission ne pouvait pas expliquer la raison pour laquelle lesdits comptes rendus avaient été gardés en dehors du dossier.

1179 Ces manquements se refléteraient aussi dans l’index du dossier d’instruction, fourni après l’adoption de la communication des griefs, qui n’aurait pas énuméré avec une précision suffisante les documents recueillis au cours de l’enquête et aurait omis d’indiquer, en particulier, les comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas.

1180 La Commission rétorque qu’il n’existe aucune exigence qu’un élément de preuve soit versé au dossier et inclus dans l’index relatif au moment auquel les réunions ont eu lieu et les notes pertinentes ont été rédigées. Elle fait valoir que, en tout état de cause, la décision attaquée ne se fonde ni sur les notes succinctes ni sur les comptes rendus détaillés des réunions en cause.

1181 La Commission soutient aussi que, grâce à l’accès donné aux notes succinctes des réunions de 2010 à 2013 après la communication des griefs, les requérantes auraient bien été en mesure d’exercer leurs droits de la défense, ce qu’elles auraient fait en présentant leurs réponses à ladite communication ainsi que des observations ultérieures dans lesquelles elles ont invoqué, en tant que circonstances atténuantes, certains éléments évoqués lors de ces réunions. Elle fait valoir, en outre, que les observations de suivi déposées par Overgas qui développaient les points soulevés au cours de ces réunions avaient été versées au dossier et divulguées aux requérantes.

1182 À cet égard, il y a lieu de relever que les notes succinctes des réunions avec Overgas auxquelles les requérantes ont eu accès occupent, pour chaque réunion, moins d’une demi-page. Chaque demi-page contient l’indication de la date de la réunion, des participants et des sujets abordés pendant la réunion, décrits en cinq à huit lignes tout au plus.

1183 Le contenu des notes succinctes est ainsi manifestement insuffisant pour rendre compte de la teneur des discussions qui ont effectivement eu lieu entre la Commission et Overgas et, en particulier, de la nature des renseignements fournis par cette dernière sur les sujets abordés.

1184 Or, aucun élément tiré du libellé de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 ou du but qu’il poursuit ne permet d’inférer que le législateur ait entendu introduire une distinction entre, d’une part, des « notes succinctes », finalisées aux fins de l’accès au dossier, et des « comptes rendus détaillés », destinés à rester confidentiels. Une telle interprétation équivaudrait à priver de tout effet utile le droit d’accès au dossier, tel qu’évoqué au point 1153 ci-dessus, ainsi que le principe d’égalité des armes.

1185 À cet égard, est dénué de pertinence le fait, évoqué par la Commission, que la décision attaquée ne repose ni sur les notes succinctes ni sur les comptes rendus détaillés. Le droit d’accès au dossier implique en effet que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68).

1186 Il en découle que, s’agissant des notes succinctes des réunions de 2010 à 2013, la Commission n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 19 du règlement no 1/2003, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 1157 et 1159 ci-dessus. Ce manquement s’est manifesté, d’une part, par l’introduction d’une distinction injustifiée entre deux types de documents, à savoir les comptes rendus détaillés, destinés à l’utilisation interne, et les notes succinctes, destinées au dossier et ainsi à l’accès des requérantes et, d’autre part, par l’insuffisance manifeste de ces dernières à rendre compte de la teneur des discussions entre la Commission et Overgas, en particulier de la nature des renseignements fournis par cette dernière sur les sujets abordés, ainsi que le requiert la jurisprudence citée au point 1160 ci-dessus.

1187 En revanche, le Tribunal estime que l’écart temporel entre les réunions de 2010 à 2013 et le versement au dossier, en 2014 seulement, des notes succinctes s’y rapportant ne permet pas de conclure, à lui seul et en l’absence d’autres éléments de preuve ou, à tout le moins, d’indices sérieux, que la Commission aurait manqué à ses obligations quant à l’accès au dossier.

1188 En premier lieu, en dépit du versement tardif des notes succinctes des réunions avec Overgas, les requérantes ont eu la possibilité d’en tenir compte et d’exercer leurs droits de la défense, non seulement en présentant leurs réponses à la communication des griefs, mais aussi et surtout, ainsi qu’il ressort du point 1147 ci-dessus, en faisant valoir auprès du conseiller-auditeur  leur demande d’accès aux comptes rendus détaillés, qui a donné lieu à l’octroi d’un accès dans le cadre d’une salle d’information.

1189 En second lieu, s’agissant de l’argument du prétendu manque d’exactitude des notes succinctes des réunions de 2010 à 2013, tiré du fait de leur versement tardif au dossier, à supposer même que la Commission ait préparé lesdites notes en 2014, la fiabilité de leur contenu aurait été susceptible d’être affectée seulement si les comptes rendus détaillés portant sur les mêmes réunions, qui auraient nécessairement constitué la base pour la rédaction desdites notes succinctes, avaient également été rédigés en 2014. En de telles circonstances, l’écoulement d’une période significative entre, d’une part, les réunions et, d’autre part, la préparation des comptes rendus détaillés qui y sont relatifs pourrait susciter des doutes quant à leur précision et, par voie de conséquence, quant à celle des notes succinctes dont ils sont tirés.

1190 Or, en l’espèce, les requérantes n’apportent aucun élément de preuve ou indice permettant de conclure que les comptes rendus détaillés auraient été préparés des années après la tenue, notamment, des réunions de 2010 à 2013. Au contraire, ainsi que l’a fait valoir la Commission lors de l’audience, le niveau de précision desdits comptes rendus constitue un indice démontrant qu’ils ont été rédigés à une date proche de celle des réunions auxquelles ils se rattachent.

1191 Au vu des considérations qui figurent aux points 1182 à 1186 ci-dessus, les arguments des requérantes relatifs aux manquements de la Commission concernant les réunions de 2010 à 2013 sont fondés, dans la mesure où les notes succinctes étaient manifestement insuffisantes pour rendre compte de la teneur des discussions entre la Commission et Overgas, au sens de la jurisprudence citée au point 1160 ci-dessus.

1192 La Commission a donc commis une irrégularité procédurale en omettant d’enregistrer convenablement les déclarations faites au cours des réunions de 2010 à 2013 et de les verser au dossier.

1193 Quant à l’argument de la Commission selon lequel il aurait été remédié à tout possible manquement découlant de la nature excessivement vague et générale des notes succinctes, d’une part, par l’accès à des versions non confidentielles des observations de suivi et, d’autre part, par l’accès aux comptes rendus détaillés dans le cadre de la procédure en salle d’information, les requérantes soutiennent, en substance, qu’à cause des fortes occultations, l’accès à ces documents n’aurait été d’aucune utilité pour leur défense. Ainsi, cet argument et le second grief se recoupent et, dès lors, il convient d’en faire une analyse conjointe.

b)      Sur le second grief, relatif à l’accès aux comptes rendus détaillés et aux observations de suivi 

1194 Les requérantes reprochent à la Commission, d’une part, de leur avoir donné un accès restreint aux comptes rendus détaillés et, d’autre part, de leur avoir refusé l’accès à une partie des observations de suivi, sous prétexte de la confidentialité des informations figurant dans ces documents.

1195 Ainsi, en premier lieu, les requérantes contestent que le droit d’accès aux comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas a été remplacé, à la suite de nombreuses demandes visant l’accès, par un accès restreint, par l’intermédiaire de leurs représentants externes, dans le cadre d’une procédure de salle d’information. Le rapport rédigé par ceux-ci, transmis aux requérantes en version non confidentielle, aurait été, en raison des fortes occultations, dénué de valeur pour leur défense.

1196 En revanche, la Commission insiste sur le fait que l’accès accordé, aux représentants externes des requérantes, aux comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas dans le cadre de la procédure de salle d’information aurait permis aux requérantes d’exprimer leur point de vue sur les informations y figurant et, ainsi, d’exercer leurs droits de la défense, tout en étant respectueux des préoccupations légitimes d’Overgas en matière de confidentialité.

1197 En second lieu, les requérantes estiment que les observations de suivi confidentielles auraient potentiellement pu contenir des éléments de preuve à décharge, de sorte qu’un accès à une version moins expurgée de ces documents leur aurait permis de mieux exercer leurs droits de la défense.

1198 La Commission rétorque que, précisément grâce à l’accès aux observations de suivi, les requérantes auraient été mises en mesure d’exercer leurs droits de la défense en présentant leurs réponses à la communication des griefs.

1199 La Commission souligne également que, entre l’accès au dossier et la présentation de leur réponses à la communication des griefs, les requérantes ne se sont jamais plaintes de ne pas avoir pu exercer leurs droits de la défense de manière effective en raison de l’occultation des parties confidentielles des observations de suivi. En outre, toute demande d’accès ultérieure aurait été tardive et injustifiée, étant donné que les requérantes avaient déjà exercé leur droit d’être entendues au sujet de ces documents.

1200 De plus, la Commission fait valoir que la plupart des observations de suivi n’auraient fait l’objet d’aucune occultation et qu’elle n’aurait pas utilisé les informations expurgées dans le cadre de son analyse ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

1201 Il ressort des points 1194 à 1200 ci-dessus que, en substance, les arguments avancés par les parties dans le cadre de ce grief soulèvent deux questions, qu’il convient d’analyser dans l’ordre qui suit :

–        la première question porte sur l’absence de contestation immédiate quant aux occultations dans les observations de suivi auxquelles les requérantes ont eu accès ;

–        la seconde question porte sur les occultations prétendument excessives, d’une part, dans les comptes rendus détaillés qui ont fait l’objet d’un accès dans la salle d’information et, d’autre part, dans les observations de suivi.

1)      Sur l’obligation de contestation immédiate quant aux occultations dans les observations de suivi

1202 S’agissant de la lettre du 18 juin 2018, par laquelle les requérantes ont demandé l’accès à une version moins expurgée des observations de suivi, la Commission fait valoir que la divulgation des versions non confidentielles de ces observations aux requérantes avait déjà eu lieu les 2 et 8 avril 2015 et que, jusqu’à la présentation de leurs réponses à l’exposé des faits le 9 décembre 2016, celles-ci n’avaient jamais indiqué qu’elles ne pouvaient pas exercer leurs droits de la défense de manière effective en raison des occultations y figurant.

1203 En effet, il ressort de la lettre du 18 juin 2018 que la demande d’accès à des versions moins expurgées des observations de suivi était liée au fait que, lors de la constitution de la salle d’information, la Commission avait autorisé les représentants externes des requérantes à y introduire, parmi d’autres documents, les versions expurgées des observations de suivi. En avançant leur demande, les requérantes ont précisé, pour chacune des observations de suivi, quel rôle les informations expurgées auraient pu jouer dans l’élaboration de leur défense, aussi au regard des nouveaux éléments qui auraient pu ressortir de l’accès en salle d’information.

1204 La demande des requérantes visant l’accès à des observations de suivi moins expurgées a donc été indirectement déclenchée, en substance, par l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632). En effet, c’est en s’appuyant sur cette jurisprudence nouvelle, renforçant leurs droits de la défense, que les requérantes ont demandé à la Commission, le 5 janvier 2018, de leur octroyer l’accès à des notes complètes et détaillées de tous les éventuels appels et réunions avec Overgas. Cette démarche, ainsi qu’il ressort du point 1203 ci-dessus, a donné lieu à la procédure de salle d’information, en vue de laquelle les requérantes ont reçu les règles détaillées qui en fixaient le fonctionnement. Ces règles prévoyaient, notamment, que les versions expurgées des observations de suivi faisaient partie du nombre limité de documents que les représentants externes des requérantes pouvaient apporter dans la salle d’information.

1205 À cet égard, il ne saurait être exclu qu’une version plus complète des observations de suivi aurait pu permettre aux requérantes d’avoir une meilleure compréhension des documents auxquels elles ont eu accès dans la salle d’information par le biais de leurs représentants externes et, par conséquent, d’exercer leurs droits de la défense d’une manière plus efficace. Dans ces circonstances, il ne saurait leur être reproché de n’avoir demandé qu’à ce stade un accès plus ample auxdites observations de suivi.

1206 Il s’ensuit que l’absence de contestation immédiate quant aux occultations dans les observations de suivi divulguées aux requérantes après la communication des griefs ne peut pas être opposée à ces dernières pour les empêcher de faire valoir la violation de leurs droits de la défense.

2)      Sur l’accès aux documents mis à disposition dans la salle d’information et aux versions excessivement expurgées des observations de suivi

1207 Lorsqu’il s’agit d’octroyer ou de refuser l’accès à une partie du dossier pendant des procédures d’enquête, la Commission est, en particulier, tenue de mettre en balance le droit à la protection des secrets d’affaires des entreprises avec la garantie des droits de la défense (arrêts du 29 juin 1995, ICI/Commission, T‑36/91, EU:T:1995:118, point 98, et du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 631).

1208 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’ordonnance du 26 mai 2021, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, non publiée) et à l’article 91, sous b), du règlement de procédure, et compte tenu des garanties prévues à l’article 103, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission a déposé au dossier :

–        les comptes rendus détaillés des réunions avec Overgas et les demandes de confidentialité de cette dernière relatives à ceux-ci ;

–        les versions confidentielles des observations de suivi ;

–        le rapport confidentiel de la salle d’information.

1209 Puis, le Tribunal a, dans le cadre de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), et conformément à l’article 103, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, examiné les documents visés au point 1208 ci-dessus sur la base des éléments de droit et de fait invoqués par la Commission quant au caractère confidentiel desdits documents à l’égard des requérantes ainsi qu’à leur pertinence pour statuer sur le litige au vu, là où cela s’avérait nécessaire, de mettre cette confidentialité en balance avec les exigences du droit à une protection juridictionnelle effective, notamment avec le principe du contradictoire (ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission, T‑136/19, EU:T:2022:149, points 5 à 10).

1210 En particulier, le Tribunal a relevé que les représentants externes des requérantes avaient été autorisés par la Commission à communiquer à leurs clientes uniquement la version non confidentielle de leur rapport de la salle d’information (ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission, T‑136/19, EU:T:2022:149, points 20 à 22).

1211 Or, il ressort de l’analyse menée aux points 26 et 27 de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), que plusieurs éléments qui avaient été occultés dans le rapport non confidentiel de la salle d’information n’avaient pas, ou, en toute hypothèse, n’avaient plus, de caractère confidentiel. Le Tribunal a donc versé au dossier le rapport confidentiel de la salle d’information, sous réserve de deux brefs éléments dépourvus de pertinence pour statuer sur le litige.

1212 À cet égard, il ressort de l’analyse de la version non confidentielle du rapport de la salle d’information à laquelle les requérantes ont eu accès que celle-ci ne contenait, en substance, aucun élément supplémentaire au regard des notes succinctes auxquelles elles avaient eu accès, auparavant, au cours de la procédure administrative.

1213 Or, à supposer même que, au moment de la procédure de la salle d’information, certains éléments figurant dans la version confidentielle du rapport de la salle d’information, surtout s’agissant des éléments ressortant des comptes rendus détaillés des réunions de 2015 et de 2016, aient pu conserver une nature confidentielle, les informations figurant dans les comptes rendus détaillés des réunions de 2010 à 2013 revêtaient désormais une nature historique.

1214 Il s’ensuit que la Commission n’était pas en droit d’expurger le rapport de la salle d’information de tout élément pertinent au point que la version non confidentielle de celui-ci ait été pratiquement équivalente aux notes succinctes.

1215 En effet, une telle situation risque, en pratique, de compromettre le but de la procédure de salle d’information, à savoir protéger les informations confidentielles tout en donnant accès aux preuves dont une partie a besoin pour étayer sa position. Il en va d’autant plus ainsi que, comme l’ont fait valoir les requérantes, la procédure de salle d’information, telle qu’elle s’est déroulée en l’espèce, était susceptible d’affecter les droits de la défense des requérantes, qui n’ont pu les exercer qu’indirectement, par l’intermédiaire de leurs représentants externes.

1216 Il découle des considérations exposées aux points 1207 à 1215 ci-dessus que, en octroyant aux requérantes un accès au dossier excessivement restreint dans le cadre de la procédure de salle d’information, la Commission a commis une irrégularité procédurale susceptible d’engendrer une violation des droits de la défense des requérantes.

1217 S’agissant ensuite des observations de suivi, en premier lieu, il y a lieu de relever que, pour les réunions de 2015 et de 2016, Overgas a uniquement déposé de telles observations en ce qui concernait la réunion du 20 octobre 2016. Le Tribunal rappelle que, comme cela a été constaté aux points 51 à 57 de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), ce document est dépourvu de pertinence pour statuer sur le litige.

1218 En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort du point 49 de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), la version prétendument non confidentielle des observations de suivi de la réunion du 17 juin 2013 ne comportait aucune occultation.

1219 En troisième lieu, à la suite de la vérification de la nature des informations figurant dans les observations de suivi portant sur les quatre premières réunions de 2010 à 2013, le Tribunal a octroyé aux requérantes un accès à des versions moins expurgées de ces dernières (ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission, T‑136/19, EU:T:2022:149, points 34 à 48).

1220 À cet égard, le Tribunal constate que les informations figurant dans les observations de suivi des réunions de 2010 à 2013 avaient déjà perdu leur nature confidentielle au moment où les requérantes en avaient, par la lettre du 18 juin 2018, demandé l’accès.

1221 Par conséquent, en refusant l’accès à des versions moins expurgées des observations de suivi, notamment à celles des réunions du 13 octobre 2010 ainsi que des 13 janvier, 17 mars et 15 décembre 2011, la Commission a également commis une irrégularité procédurale susceptible d’engendrer une violation du droit de la défense des requérantes.

c)      Conclusion sur les vices de procédure

1222 Il résulte des considérations exposées aux points 1177, 1192 et 1211 à 1221 ci-dessus que la Commission a commis une irrégularité procédurale en refusant aux requérantes un accès au dossier suffisant pour garantir l’exercice de leurs droits de la défense.

1223 Ainsi, au sens de la jurisprudence citée au point 1152 ci-dessus, il y lieu, à ce stade, de déterminer si, compte tenu des circonstances de fait et de droit spécifiques de la présente affaire, les requérantes ont démontré à suffisance qu’elles auraient pu mieux assurer leur défense en l’absence de l’irrégularité procédurale commise par la Commission. En effet, en l’absence d’une telle démonstration, aucune violation des droits de la défense ne saurait être établie [arrêt du 14 septembre 2022, Google et Alphabet/Commission (Google Android), T‑604/18, sous pourvoi, EU:T:2022:541, point 934].

3.      Sur les incidences des irrégularités constatées dans la garantie des droits de la défense des requérantes

1224 Dans leurs observations déposées le 27 avril 2022 (ci-après les « observations du 27 avril 2022 »), à la suite de la production des documents non confidentiels par la Commission en exécution de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), les requérantes ont apporté des précisions pour démontrer de manière concrète que l’accès à certains éléments du dossier, non divulgués pendant la procédure administrative, leur aurait permis de mieux assurer leur défense.

1225 C’est à l’aune de ces arguments qu’il convient de procéder à l’analyse, notamment, des éléments de preuve qui ont été divulgués aux requérantes à la suite de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), et qui, en raison de leur provenance, de leur précision et des circonstances dans lesquelles Overgas les a fournis à la Commission, auraient permis aux requérantes d’étayer de manière significative ou de consolider certains arguments dans leur défense.

1226 À cet égard, il y a lieu de souligner d’emblée que la violation du droit d’accès au dossier n’est pas régularisée du simple fait que l’accès a été rendu possible, comme en l’espèce, au cours de la procédure juridictionnelle. En effet, se limitant à un contrôle juridictionnel des moyens soulevés, l’examen du Tribunal n’a ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complète de l’affaire dans le cadre d’une procédure administrative. Par ailleurs, la prise de connaissance tardive de certains documents du dossier ne replace pas l’entreprise qui a introduit un recours à l’encontre d’une décision de la Commission dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait pu s’appuyer sur les mêmes documents pour présenter ses observations écrites et orales devant cette institution avant l’adoption de la décision attaquée [arrêts du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑110/10 P, EU:C:2011:687, point 51, et du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T‑235/18, EU:T:2022:358, point 200].

a)      Sur les éléments non divulgués des comptes rendus détaillés

1227 Dans leurs observations du 27 avril 2022, les requérantes soulignent l’existence d’une pluralité d’éléments qui ressortiraient des résumés des comptes rendus détaillés figurant dans le rapport confidentiel de la salle d’information, auxquels elles ont eu accès en exécution de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), qui étaient susceptibles de leur permettre de mieux assurer leur défense. Le Tribunal estime qu’il suffit, aux fins de l’examen requis au sens de la jurisprudence citée aux points 1152 et 1223 ci-dessus, de concentrer l’analyse sur les éléments suivants.

1228 En premier lieu, les requérantes font valoir qu’il ressort du résumé de la réunion du 13 octobre 2010 qu’Overgas estimait qu’elle était empêchée d’approvisionner en gaz des clients en Bulgarie par le gouvernement bulgare. Il ressortirait notamment de ce même résumé qu’Overgas considérait les marchés bulgares de fourniture de gaz comme étant très difficiles à exploiter en raison de la transposition incorrecte et incomplète des directives de l’Union et de l’ingérence constante du gouvernement en faveur de Bulgargaz et de Bulgartransgaz.

1229 Le Tribunal relève qu’il ressort en revanche des observations de suivi du 18 novembre 2010, auxquelles les requérantes ont eu accès pendant la procédure administrative, qu’Overgas considérait que les requérantes commettaient des violations de l’article 102 TFUE avec le soutien du régulateur bulgare et du gouvernement bulgare.

1230 Ainsi, le Tribunal estime que les précisions des requérantes quant à l’utilité des déclarations figurant au point 1228 ci-dessus pour l’exercice de leurs droits de la défense sont fondées. En effet, il s’agit d’éléments qui auraient pu avoir la capacité de confirmer et d’étayer l’argument des requérantes d’après lequel les difficultés rencontrées par Overgas pour pénétrer sur les marchés bulgares de fourniture de gaz ne leur étaient pas imputables, en particulier au vu du fait que la Commission avait, face aux allégations d’Overgas, évoqué la possibilité que lesdites difficultés soient dues à des erreurs ou à des manquements dans la transposition de la législation européenne de la part de la République de Bulgarie.

1231 En deuxième lieu, les requérantes soulignent, dans leurs observations du 27 avril 2022, qu’il ressort du résumé de la réunion du 13 janvier 2011 qu’Overgas considérait que Transgaz, et non elles, contrôlait l’accès au gazoduc roumain 1.

1232 Or, la décision attaquée indique, au considérant 296, qu’Overgas avait contacté Transgaz pour demander l’accès au gazoduc roumain 1, sans pour autant faire état de sa déclaration explicite quant à l’entité exerçant le contrôle sur ledit gazoduc. Le Tribunal estime, à l’instar des requérantes, que la déclaration en question était susceptible d’être utilisée à décharge pour étayer la position des requérantes, telle qu’enoncée au point 282 de la décision attaquée, selon laquelle Transgaz était, en tant que GRT, l’entité chargée d’octroyer et de gérer l’accès des tiers au gazoduc roumain 1.

1233 En troisième lieu, les requérantes font valoir qu’il ressort du résumé de la réunion du 15 décembre 2011 que la Commission et Overgas étaient d’accord sur le fait que la première demande d’accès au réseau de transport avait été présentée le 29 septembre 2010, ce qui confirmerait leur position selon laquelle tous les contacts antérieurs à cette date ne constituaient pas des demandes d’accès et selon laquelle, par conséquent, l’abus n’aurait pas pu commencer le 30 juillet 2010.

1234 Dans le cadre du deuxième « sous-moyen » de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que la lettre du 30 juillet 2010 ne pouvait pas constituer une demande d’accès au réseau de transport et que la Commission a erronément qualifié, au considérant 101 de la décision attaquée, les contacts entre Overgas et Bulgartransgaz antérieurs au 29 septembre 2010 de demandes d’accès audit réseau. Comme il ressort des points 790 à 797 ci-dessus, le résumé de la réunion du 15 décembre 2011 démontre clairement que la Commission avait elle-même constaté, au cours de cette réunion, que la première demande d’accès d’Overgas à Bulgartransgaz datait du 29 septembre 2011. Cet élément, qui ne concorde pas avec les considérations exposées par la Commission dans la décision attaquée, a une portée évidente sur l’appréciation de la date du début du prétendu abus, sur l’appréciation du comportement des requérantes ainsi que sur la durée de l’infraction et, partant, sur le niveau de l’amende. C’est donc à juste titre que les requérantes soutiennent que la divulgation de cet élément aurait pu leur permettre de mieux assurer leur défense.

1235 En quatrième lieu, il ressort du résumé de la réunion du 17 juin 2013 qu’Overgas avait, notamment, confirmé à la Commission avoir accès au gazoduc roumain 1 ainsi qu’au réseau de transport depuis le 1er janvier 2013 et que, pour ces deux infrastructures, la durée des accords pertinents avait été prolongée jusqu’au 31 décembre 2013. Selon les requérantes, cette déclaration leur aurait permis de renforcer leur argument selon lequel aucun abus n’avait eu lieu postérieurement à l’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 et au réseau de transport le 1er janvier 2013.

1236 À cet égard, il convient de relever que, déjà au stade de la requête, les requérantes avaient soutenu, comme elles l’avaient fait pendant la procédure administrative, qu’Overgas n’avait jamais demandé que le contrat d’accès au gazoduc pour 2013 soit valable pendant une période particulière et qu’elle n’en avait jamais contesté la durée de trois mois. Elles ont également contesté le caractère restrictif de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour l’année 2013.

1237 Dans ces circonstances, le fait que, ainsi qu’il ressort du résumé de sa réunion avec la Commission du 17 juin 2013, soit quelques mois après la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013, Overgas n’ait pas manifesté son insatisfaction quant à l’accès octroyé au gazoduc roumain 1 et au réseau de transport aurait pu être utilisé par les requérantes pour étayer leur argument quant à l’absence d’abus relatifs auxdites infrastructures, à tout le moins à partir de 2013.

1238 Il découle ainsi des considérations exposées aux points 1228 à 1237 ci-dessus que les requérantes ont établi à suffisance de droit que, en l’absence de l’irrégularité de procédure commise par la Commission à l’égard de l’accès aux éléments figurant dans les comptes rendus détaillés, elles auraient eu accès à des éléments qui auraient été susceptibles de leur permettre de mieux assurer leur défense (arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑110/10 P, EU:C:2011:687, point 52). De surcroît, ainsi qu’il ressort des points 1233 et 1234 ci-dessus, lus en combinaison avec les points 790 à 797 ci-dessus, certains des éléments indiqués par les requérantes dans leurs observations du 27 avril 2022 auraient même pu mettre en cause le contenu de la décision attaquée.

b)      Sur les éléments non divulgués des observations de suivi

1239 Dans leurs observations du 27 avril 2022, les requérantes concentrent leurs critiques, portant sur l’accès trop restreint accordé aux observations de suivi au cours de la procédure administrative, sur deux documents.

1240 En premier lieu, les requérantes font valoir qu’il ressort des observations de suivi du 18 novembre 2010 dans leur version la moins expurgée, à laquelle elles ont eu accès en vertu de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), qu’Overgas avait reconnu que la demande résultant des prétendus accords pour l’approvisionnement de neuf clients industriels en 2011 s’élevait à plus de 260 millions de mètres cubes. Les requérantes mettent en exergue que ces quantités étaient considérablement inférieures au volume pour lequel, ainsi qu’il ressort du considérant 101, sous e), de la décision attaquée, Overgas avait cherché à accéder au réseau de transport, qui s’élevait à plus d’un milliard de mètres cubes.

1241 Le Tribunal constate que les requérantes auraient pu mieux assurer leurs droits de la défense en utilisant l’élément visé au point 1240 ci-dessus pour étayer leur argument tiré du fait qu’Overgas avait gonflé considérablement les quantités pour lesquelles elle demandait un accès au réseau de transport en 2011 et que, dès lors, elles avaient été contraintes de demander des éclaircissements lors de la réunion tenue avec Overgas le 1er décembre 2010.

1242 En second lieu, les requérantes font valoir qu’il ressort des observations de suivi du 10 juin 2011, dans une version moins confidentielle à laquelle elles ont eu accès en exécution de l’ordonnance du 14 mars 2022, Bulgarian Energy Holding e.a./Commission (T‑136/19, EU:T:2022:149), qu’Overgas a fondé sa plainte sur la prémisse trompeuse selon laquelle son entrée sur les marchés bulgares de fourniture de gaz aurait accru les alternatives d’approvisionnement en gaz, ce qui aurait obligé les fournisseurs à établir leurs prix sur des principes d’économie de marché.

1243 Or, dans leurs observations du 27 avril 2022, les requérantes soutiennent qu’en 2011, la Bulgarie ne disposait que d’une seule source d’approvisionnement en amont en gaz, à savoir Gazprom, à laquelle Overgas avait un accès direct, alors que Bulgargaz n’y avait qu’un accès indirect, par l’intermédiaire d’Overgas. Elles soulignent qu’à cette époque, Overgas était l’intermédiaire de Gazprom en Bulgarie et faisait l’objet d’une enquête pour abus de position dominante, notamment parce qu’elle facturait des prix excessifs à Bulgargaz. Donc, non seulement l’entrée d’Overgas sur le marché bulgare n’aurait pas intensifié la concurrence en aval, mais Bulgargaz n’aurait en aucun cas pu acheter du gaz à des conditions raisonnables.

1244 À cet égard, le Tribunal estime que c’est à juste titre que les requérantes soutiennent que la connaissance des éléments évoquées au point 1242 ci-dessus leur aurait permis de mieux assurer leur défense, en particulier en faisant valoir devant la Commission que les conditions relatives à une concurrence saine sur le marché en aval n’étaient pas satisfaites, principalement à cause d’Overgas (et de Gazprom), ce qui aurait pu étayer leur défense tirée d’une justification objective ou, à tout le moins, leurs arguments en faveur d’une réduction de l’amende.

1245 Il découle des considérations figurant aux points 1239 à 1244 ci-dessus que les requérantes ont établi à suffisance de droit que, en l’absence des irrégularités commises par la Commission à l’égard des éléments figurant dans les observations de suivi d’Overgas, elles auraient eu accès à des éléments qui auraient été susceptibles de leur permettre de mieux assurer leur défense au cours de la procédure administrative, au sens de la jurisprudence citée au point 1238 ci-dessus.

c)      Conclusion sur les première et deuxième branches

1246 Il ressort de l’analyse des vices de la procédure administrative exposée aux points 1153 à 1223 ci-dessus et de leurs conséquences sur les droits de la défense des requérantes, examinées aux points 1224 à 1245 ci-dessus, que la première et la deuxième branche du premier moyen doivent être accueillies.

4.      Sur la troisième branche, tirée de l’absence de divulgation de la communication des griefs dans l’affaire Gazprom

1247 Les requérantes font valoir que, en leur refusant l’accès à une version moins expurgée de la communication des griefs dans l’affaire Gazprom ainsi qu’aux documents qui y étaient afférents relatifs au marché du gaz en Bulgarie, la Commission les a privées d’un accès à des éléments de preuve potentiellement à décharge. Elles ajoutent que l’accès à la version expurgée qu’elles ont eu par le biais d’un tiers ne leur a pas fourni d’aperçu suffisant du comportement de Gazprom en Bulgarie et qu’un tel accès ne saurait remplacer l’accès au dossier que la Commission était tenue de leur octroyer.

1248 La Commission souligne que les requérantes ont eu accès, même si par l’intermédiaire d’un tiers, à une version non confidentielle de la communication des griefs dans l’affaire Gazprom, ce qui leur a permis de présenter un complément détaillé à leurs exposés des motifs.

1249 Or, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, seules les parties auxquelles est adressée une communication des griefs disposent d’un droit d’accès au dossier. Dès lors, les requérantes ne sauraient prétendre disposer d’un droit d’accès au dossier de l’affaire Gazprom détenu par la Commission dans des conditions identiques à celles auxquelles pouvait prétendre Gazprom en tant qu’entreprise poursuivie (arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, EU:C:1986:256, points 27 et 28, et du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T‑17/93, EU:T:1994:89, point 34).

1250 En pareille hypothèse, pour justifier leur demande d’accès à une communication des griefs adressée à une entreprise tierce, il aurait été nécessaire, à tout le moins, que les requérantes apportent un commencement de preuve de son utilité (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Vermeer Infrastructuur/Commission, T‑353/06, non publié, EU:T:2012:484, point 208).

1251 A fortiori, il conviendrait, dans un cas tel que celui de l’espèce, où les requérantes admettent avoir eu accès à une version expurgée du document en cause par le biais d’un tiers, que celles-ci indiquent les éléments à décharge potentiels ou fournissent un indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, T‑235/07, EU:T:2011:283, point 251, et du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 257), ce que les requérantes ont omis de faire.

1252 Or, force est d’observer que les requérantes, dans leur argumentation, n’ont apporté aucun indice quant aux éléments de la communication des griefs dans l’affaire Gazprom qu’elles auraient pu invoquer pour mieux assurer leur défense.

1253 Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être écartée.

5.      Sur la quatrième branche, tirée de la divulgation de certaines informations confidentielles des requérantes à Overgas

1254 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101 et 102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’Accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7), en divulguant à Overgas des informations confidentielles concernant les discussions qu’elles avaient eues avec la Commission sur leurs éventuels engagements.

1255 Pour étayer cette branche, les requérantes s’appuient sur une réponse d’Overgas du 5 avril 2016 à une demande d’information de la Commission du 15 mars 2016. En particulier, elles relèvent qu’il ressort de cette réponse que, lors de la réunion du 13 octobre 2015, la Commission a mentionné à Overgas la possibilité de séparer structurellement Bulgargaz et Bulgartransgaz, en soumettant ces deux entités au contrôle de ministères différents.

1256 Or, ainsi que le fait valoir la Commission, les requérantes ne précisent pas en quoi les informations divulguées seraient confidentielles et comment la prétendue violation d’une telle confidentialité aurait conduit à une violation de leurs droits de la défense au sens de la jurisprudence citée aux points 1152 et 1223 ci-dessus.

1257 Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen doit être écartée.

6.      Conclusion sur le premier moyen

1258 Au vu de ce qui précède, il y lieu d’accueillir le premier moyen dans la mesure où les requérantes ont démontré, dans le cadre de la première et de la deuxième branche, que les vices de la procédure administrative exposés aux points 1153 à 1223 ci-dessus avaient eu une incidence sur leur droits de la défense. Pour le surplus, il convient de rejeter le premier moyen.

E.      Conclusion sur la demande d’annulation de la décision attaquée

1259 Tant le quatrième moyen, tiré de la constatation erronée d’un abus de position dominante, que le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense, ayant été accueillis, il y a lieu d’annuler intégralement la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués.

1260 Il s’ensuit, par voie de conséquence, qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure ou de mesures d’instruction des requérantes visant à obtenir, d’une part, la communication des griefs dans l’affaire Gazprom ainsi que les documents auxquels celle-ci renvoie dans la mesure où ils concernent le marché du gaz bulgare et, d’autre part, les documents sous-tendant l’affaire Transgaz, lesdites demandes étant, en l’état, dépourvues d’intérêt pour la solution du litige [voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, EU:T:2002:167, point 50, et du 9 mars 2022, Zardini/Commission, T‑511/20, non publié, EU:T:2022:122, point 58].

IV.    Sur les dépens

1261 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

1262 La République de Bulgarie et Overgas supporteront leurs propres dépens en application des dispositions de l’article 138 du règlement de procédure.

Par ces motifs,      

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2018) 8806 final de la Commission, du 17 décembre 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE (affaire AT.39849 – BEH Gas), est annulée.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bulgarian Energy Holding EAD, Bulgartransgaz EAD et Bulgargaz EAD.

3)      La République de Bulgarie et Overgas Inc. supporteront leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Contexte factuel

1. Sur l’approvisionnement en gaz en Bulgarie

2. Sur la fourniture de gaz en Bulgarie

3. Sur la loi bulgare sur l’énergie

4. Sur la station de stockage de Chiren

B. Procédure administrative

C. Décision attaquée

1. Sur les marchés pertinents et sur la position dominante des requérantes sur ceux-ci

2. Sur le comportement des requérantes constitutif d’un abus de position dominante

3. Sur les effets anticoncurrentiels du comportement des requérantes

4. Sur la durée de l’infraction

5. Sur l’amende et sur les mesures correctives

6. Sur le dispositif

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’erreurs de droit et de fait concernant la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

1. Sur la première branche, tirée d’une insuffisance de motivation de la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

2. Sur la deuxième branche, tirée d’une absence d’analyse du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

3. Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation des faits dans la définition du marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

a) Sur les erreurs de droit et de fait, tirées, respectivement, de ce que la Commission a omis de distinguer les marchés primaire et secondaire des capacités sur le gazoduc roumain 1 et n’a pas identifié Transgaz comme étant un fournisseur desdites capacités

b) Sur l’erreur de fait, tirée de l’identification de Bulgargaz comme étant un fournisseur sur le gazoduc roumain 1

B. Sur le troisième moyen, tiré de la constatation erronée d’une position dominante des requérantes sur les marchés pertinents

1. Sur la première branche, tirée du constat erroné d’une position dominante de Bulgargaz sur le marché des services de capacités sur le gazoduc roumain 1

a) Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission a erronément considéré que Bulgargaz contrôlait l’accès des tiers au gazoduc roumain 1

b) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas identifié Transgaz comme étant un fournisseur de services de capacités sur le gazoduc roumain 1

c) Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas apprécié si Bulgargaz occupait une position dominante dans le cadre des discussions avec Transgaz relatives à la renégociation de l’accord de 2005

d) Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission a erronément interprété sa pratique décisionnelle

2. Sur la seconde branche, tirée du constat erroné d’une position dominante de BEH sur les marchés pertinents

a) Sur l’existence d’une position dominante « indirecte »

b) Sur l’indépendance de Bulgargaz et de Bulgartransgaz par rapport à BEH

C. Sur le quatrième moyen, tiré de la constatation erronée d’un abus de position dominante des requérantes

1. Principes et jurisprudence applicables

a) Sur les principes applicables en matière d’appréciation des éléments de preuve

b) Sur l’étendue du contrôle du Tribunal

c) Sur la notion d’« abus de position dominante »

2. Sur le premier « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès au gazoduc roumain 1

a) Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de l’article 102 TFUE à une clause contractuelle convenue bilatéralement

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de la théorie des « infrastructures essentielles » en ce qu’un refus d’approvisionnement abusif a été imputé à Bulgargaz, simple utilisatrice du gazoduc roumain 1

c) Sur la troisième branche, tirée de l’absence de transmission aux requérantes, par Transgaz, de demandes d’accès au gazoduc roumain 1

1) Sur le premier grief, concernant la demande de Transgaz du 24 janvier 2011

2) Sur le second grief, tiré de l’absence de transmission aux requérantes des demandes d’accès de tiers adressées à Transgaz

d) Sur la quatrième branche, tirée d’une motivation insuffisante de la décision attaquée concernant l’inclusion dans l’infraction d’une restriction d’accès au gazoduc roumain 1 à l’encontre d’Overgas en 2013

e) Sur la cinquième branche, tirée de l’absence de preuve d’un refus ou d’une restriction d’accès d’Overgas au gazoduc roumain 1 en 2013

1) Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission ne saurait imputer à Bulgargaz un rejet des demandes d’accès au gazoduc roumain 1 introduites par Overgas auprès de Transgaz

2) Sur le deuxième grief, tiré de ce que Bulgargaz aurait fourni à Overgas un accès au gazoduc roumain 1 sans retard dès sa première demande

3) Sur le troisième grief, tiré du fait que Bulgargaz n’aurait pas retardé la signature du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 jusqu’à ce qu’elle ait conclu des contrats en aval avec ses propres clients

4) Sur le quatrième grief, tiré de ce que la Commission aurait erronément conclu que la durée initiale de trois mois du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 avec Overgas était insuffisante

5) Sur le cinquième grief, tiré de ce que les conditions de prolongation du contrat d’accès au gazoduc pour 2013 n’étaient pas incertaines

f) Sur la sixième branche, tirée de l’absence de refus d’approvisionnement de C Energy Group

g) Sur la septième branche, tirée de l’absence de valeur probante de la réservation de la totalité de la capacité sur le gazoduc roumain 1

h) Sur la huitième branche, tirée de l’absence de valeur probante des discussions relatives à la renégociation de l’accord de 2005

1) Sur le premier grief, tiré du caractère intergouvernemental de la renégociation de l’accord de 2005

i) Sur « l’adossement » de l’accord de 2005 à l’accord intergouvernemental de 2003

ii) Sur le fait que la renégociation de l’accord de 2005 avait pour objet de résoudre les préoccupations soulevées dans la procédure d’infraction contre la Roumanie

iii) Sur le caractère central de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et du rôle de Bulgargaz, en tant que fournisseur public, dans la renégociation de l’accord de 2005

iv) Conclusion sur le premier grief

2) Sur le deuxième grief, tiré du caractère constructif du comportement des requérantes durant les négociations

i) Sur la première condition : la demande de plusieurs documents

ii) Sur la deuxième condition : la proposition de garantie d’une capacité minimale sur le gazoduc roumain 1 pour Bulgargaz à hauteur de [3-4] milliards de mètres cubes par an

iii) Sur la troisième condition : la demande des requérantes de modifier le prix fixé en vertu de l’accord de 2005 pour refléter le niveau d’utilisation plus faible de la capacité du gazoduc roumain 1 par Bulgargaz

iv) Conclusion sur le deuxième grief

3) Sur le troisième grief, tiré de l’absence de responsabilité des requérantes concernant la durée des négociations

i) Sur la première période

ii) Sur la deuxième période

iii) Sur la troisième période

iv) Conclusion sur le troisième grief

i) Conclusions sur le premier « sous-moyen »

3. Sur le deuxième « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès au réseau de transport

a) Sur la première branche, tirée d’une interprétation erronée du cadre réglementaire régissant l’accès au réseau de transport

1) Sur le cadre réglementaire issu du droit de l’Union

2) Sur le cadre réglementaire issu du droit bulgare

3) Sur le premier grief, tiré du caractère incomplet du cadre réglementaire applicable

4) Sur le deuxième grief, tiré de la contradiction entre les règles d’accès de 2007 et les règles du marché de 2007

5) Sur le troisième grief, tiré du caractère lacunaire et, dès lors, de l’application difficile des règles d’accès de 2007

6) Sur le quatrième grief, tiré de ce que le cadre réglementaire national bulgare ne prévoyait pas deux étapes pour le traitement des demandes d’accès

7) Sur le cinquième grief, tiré de ce que le cadre réglementaire national bulgare permettait la demande de preuve d’un accès au gazoduc roumain 1

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une absence de refus d’accès au réseau de transport opposé à Overgas

1) Sur les premiers trois griefs, relatifs au traitement de la demande d’accès d’Overgas au réseau de transport pour 2011

i) Sur le premier grief, tiré de la qualification erronée des communications d’Overgas antérieures au 29 septembre 2010 de demandes d’accès au réseau de transport

ii) Sur le deuxième grief, tiré du traitement convenable des demandes d’accès d’Overgas pour l’année 2011

– Sur le premier argument, tiré du traitement diligent et rapide des demandes d’accès d’Overgas pour l’année 2011

– Sur le second argument, tiré de la duplication des capacités demandées par Overgas dans ses lettres des 29 septembre et 11 novembre 2010

iii) Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’intérêt d’Overgas à accéder au réseau de transport avant 2013

2) Sur le quatrième grief, tiré de l’absence de caractère restrictif de l’accès au réseau de transport accordé à Overgas pour 2013

c) Sur la troisième branche, tirée d’une absence de refus d’accès au réseau de transport opposé à Toplofikacia Razgrad

1) Sur le premier grief, tiré du fait que la condition d’un accès au gazoduc roumain 1 était justifiée

2) Sur le deuxième grief, tiré du fait que Bulgartransgaz n’a pas subordonné l’accès au réseau de transport de Toplofikacia Razgrad à l’accès d’Overgas au même réseau

3) Sur le troisième grief, tiré du fait que l’accès au réseau de transport n’a pas été refusé à Toplofikacia Razgrad

d) Sur la quatrième branche, tirée d’une absence de demande d’accès de RWE au réseau de transport

1) Sur le premier grief, tiré du fait que RWE n’aurait pas déposé de demande à laquelle Bulgartransgaz était tenue de répondre

2) Sur le second grief, tiré de l’absence de différence de traitement entre Bulgargaz et RWE

e) Sur la cinquième branche, tirée d’une absence d’élimination de la concurrence sur les marchés bulgares de fourniture de gaz

f) Conclusion sur le deuxième « sous-moyen »

4. Sur le troisième « sous-moyen », tiré de la constatation erronée d’un refus d’accès à la station de stockage de Chiren

a) Sur la première branche, tirée de ce que la Commission n’a pas établi que la station de stockage de Chiren constituait une infrastructure essentielle

b) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel du comportement de Bulgartransgaz durant la période antérieure à l’adoption des règles d’accès au stockage de 2012

1) Sur le premier grief, tiré de ce que Bulgartransgaz aurait agi de manière transparente

i) Sur le premier argument, tiré d’un constat autonome de discrimination anticoncurrentielle en faveur de Bulgargaz

ii) Sur le deuxième argument, tiré du fait que le rejet de la demande d’accès de la société F était fondé sur le principe « premier arrivé, premier servi »

iii) Sur le troisième argument, tiré des informations disponibles au moment de la demande d’accès de la société C

iv) Sur le quatrième argument, tiré de l’allégation générale que Bulgargaz aurait été informée à l’avance par Bulgartransgaz quant à la capacité disponible à la station de stockage de Chiren

2) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait méconnu que le principe « premier arrivé, premier servi » s’appliquait dans un périmètre temporel donné

3) Sur le troisième grief, tiré d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs aux demandes d’accès d’Overgas pour la période de stockage 2011/2012

c) Sur la troisième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2012

1) Sur le premier grief, tiré de l’absence de preuve que Bulgartransgaz aurait conçu les règles d’accès au stockage de 2012 pour favoriser Bulgargaz

2) Sur le deuxième grief, tiré de l’existence d’un délai suffisant pour préparer les demandes d’accès lors de la première procédure d’attribution des capacités de stockage

3) Sur le troisième grief, tiré de l’incohérence des conclusions de la Commission relatives à la période de stockage 2015/2016

4) Sur le quatrième grief, tiré de l’accès au stockage octroyé à Overgas pour la période de stockage 2013/2014

d) Sur la quatrième branche, tirée de l’absence de caractère anticoncurrentiel des règles d’accès au stockage de 2014

1) Sur le premier grief, tiré de l’absence de rejet abusif de la demande d’accès au stockage d’Overgas pour la période de stockage 2014/2015

2) Sur le second grief, tiré du fait que les règles d’accès au stockage de 2014 étaient toujours en vigueur à la fin de la période infractionnelle retenue pour la station de stockage de Chiren

e) Conclusion sur le troisième « sous-moyen »

1) Sur la demande d’accès de la société F du 1er septembre 2011 et les demandes d’accès d’Overgas avant le 1er janvier 2013

2) Sur la demande d’accès de la société C du 5 juin 2012 et celles d’Overgas à partir du 1er janvier 2013

5. Conclusion sur le quatrième moyen

1) La stratégie anticoncurrentielle

2) Une infraction unique et continue

D. Sur le premier moyen, tiré de l’existence de vices de procédure substantiels affectant l’exercice des droits de la défense des requérantes ainsi que de la violation du principe de bonne administration

1. Sur les première et deuxième branches, tirées de la violation des obligations d’enregistrement et de versement au dossier des documents relatifs aux réunions de la Commission avec Overgas ainsi que d’un accès insuffisant à ces derniers

2. Sur l’existence de vices de procédure

a) Sur le premier grief, tiré de l’omission d’enregistrer et d’inclure convenablement dans le dossier les déclarations faites au cours des réunions avec Overgas

1) Sur les réunions de 2015 et de 2016

2) Sur les réunions de 2010 à 2013

b) Sur le second grief, relatif à l’accès aux comptes rendus détaillés et aux observations de suivi

1) Sur l’obligation de contestation immédiate quant aux occultations dans les observations de suivi

2) Sur l’accès aux documents mis à disposition dans la salle d’information et aux versions excessivement expurgées des observations de suivi

c) Conclusion sur les vices de procédure

3. Sur les incidences des irrégularités constatées dans la garantie des droits de la défense des requérantes

a) Sur les éléments non divulgués des comptes rendus détaillés

b) Sur les éléments non divulgués des observations de suivi

c) Conclusion sur les première et deuxième branches

4. Sur la troisième branche, tirée de l’absence de divulgation de la communication des griefs dans l’affaire Gazprom

5. Sur la quatrième branche, tirée de la divulgation de certaines informations confidentielles des requérantes à Overgas

6. Conclusion sur le premier moyen

E. Conclusion sur la demande d’annulation de la décision attaquée

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées