Language of document : ECLI:EU:F:2014:58

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

30 avril 2014 (*)

« Fonction publique – Personnel de l’Agence exécutive pour la recherche – Incidents de procédure – Exception d’irrecevabilité – Pouvoirs dévolus à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement – Délégation à l’Office ‘Gestion et liquidation des droits individuels’ (PMO) – Recours dirigé contre les décisions du PMO – Recours dirigé contre l’institution délégante – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑88/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

Desislava Kolarova, agent contractuel de l’Agence exécutive pour la recherche, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me F. Frabetti, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive pour la recherche (REA), représentée par Mme S. Payan-Lagrou, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents et K. Bradley (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 17 septembre 2013, Mme Kolarova a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du chef de l’unité « Rémunérations et gestion des droits individuels pécuniaires » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (ci-après le « PMO 1 ») rejetant sa demande d’allocation pour sa mère en tant que personne assimilée à un enfant à charge au titre de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), ainsi que la réparation du préjudice moral résultant de certains reproches que le PMO 1 lui aurait fait dans le traitement de sa demande.

 Faits à l’origine du litige

2        La requérante est agent contractuel du groupe de fonctions IV, grade 14. Engagée d’abord par la Commission européenne en mai 2007, elle a démissionné le 16 janvier 2010 pour rejoindre le même jour l’Agence exécutive pour la recherche (REA).

3        En novembre 2011, la requérante a introduit une demande d’allocation pour sa mère en tant que personne assimilée à un enfant à charge, en application de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, pour la période du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012, demande qui a été accueillie par le PMO 1.

4        Le 20 juillet 2012, la requérante a renouvelé sa demande d’allocation pour sa mère en tant que personne assimilée à un enfant à charge pour la période allant du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2013. Cette demande a été rejetée par le chef du PMO 1, par une décision, non datée, mais dont la requérante soutient en avoir reçu la notification le 28 novembre 2012 (ci-après la « décision litigieuse »).

5        Par courrier électronique du 8 février 2013 la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse. La réclamation a été adressée à la Commission.

6        Par décision du 7 juin 2013, le directeur de la direction « Affaires juridiques, communication et relations avec les parties prenantes » de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, agissant en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a rejeté la réclamation de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2013, la REA a demandé qu’il soit statué sans engager le débat au fond au motif que le recours serait manifestement irrecevable dans la mesure où la requérante aurait dû diriger son recours contre la Commission. La REA soutient qu’elle n’a donc pas été valablement citée dans la présente instance.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2014, la requérante a fait part de ses observations quant à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la REA.

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision litigieuse ;

–        lui allouer une indemnisation de 1 000 euros, sous toutes réserves de modification et/ou majoration, à titre de réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

10      Dans sa demande, la REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      En vertu de l’article 78 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité, l’incompétence ou sur un incident, sans engager le débat au fond, elle présente sa demande par acte séparé. Dès la présentation de l’acte introduisant la demande, le président de la formation de jugement fixe un délai à l’autre partie pour présenter par écrit ses conclusions et arguments de fait et de droit. Sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure sur la demande est orale.

12      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

13      En premier lieu, il convient de constater que l’article 2, paragraphe 2, du statut dispose qu’une ou plusieurs institutions peuvent confier à l’une d’entre elles ou à un organisme interinstitutionnel l’exercice de tout ou partie des pouvoirs dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), à l’exception des décisions relatives aux nominations, aux promotions ou aux mutations de fonctionnaires. En outre, conformément à l’article 91 bis du statut, les recours dans les domaines pour lesquels il a été fait application de l’article 2, paragraphe 2, sont dirigés contre l’institution dont l’AIPN délégataire dépend. Par effet des articles 6 et 117 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), l’article 2, paragraphe 2, et l’article 91 bis du statut sont applicables par analogie aux AHCC.

14      En deuxième lieu, la décision 2003/522/CE de la Commission du 6 novembre 2002 (JO L 183, p. 30) a établi l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO).

15      En troisième lieu, le 22 décembre 2010, la REA a conclu, en application de l’article 2, paragraphe 2, du statut et de l’article 6 du RAA, un accord de service avec le PMO (ci-après l’« accord de service »). Selon l’article 8 de l’accord de service, lorsque la REA a délégué au PMO l’exercice des pouvoirs dévolus à l’AIPN ou à l’AHCC, les recours portant sur les droits individuels du personnel de la REA doivent être dirigés contre la Commission, conformément à l’article 91 bis du statut.

16      En quatrième lieu, la REA et le PMO ont conclu, le 14 juin 2011, un avenant à l’accord de service comprenant une annexe fixant les droits pour l’attribution desquels la REA délègue l’exercice des pouvoirs dévolus à l’AIPN ou à l’AHCC au PMO. Parmi ces droits figurent les allocations familiales et, en particulier, l’allocation prévue à l’article 2 de l’annexe VII du statut, y compris l’assimilation à l’enfant à charge de toute personne à l’égard de laquelle l’agent a des obligations alimentaires et dont l’entretien lui impose de lourdes charges.

17      En l’espèce, la décision litigieuse a été adoptée par le PMO 1 sur le fondement de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut. S’agissant de droits pour l’attribution desquels la REA a délégué l’exercice des pouvoirs dévolus à l’AHCC au PMO, la réglementation applicable et, en particulier, l’article 91 bis du statut, désignent la Commission comme partie défenderesse en cas de recours contre une décision du PMO (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2013, Hall/Commission et CEPOL, F‑22/12, point 25).

18      Il s’ensuit que le présent recours, dirigé contre la REA, est manifestement irrecevable.

19      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments développés par la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

20      En effet, d’une part, l’argument de la requérante selon lequel un accord tel que l’accord de service « n’enlève pas la responsabilité du déléguant » ne tient manifestement pas compte du libellé de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 91 bis du statut qui précisent clairement les relations entre institution délégante et entité délégataire.

21      D’autre part, l’argument selon lequel la REA chercherait à empêcher la requérante d’exercer son droit fondamental à l’accès à la justice méconnaît la jurisprudence selon laquelle l’exercice de ce droit n’est pas absolu et se prête à des limitations, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours (arrêt de la Cour du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, point 43 ; ordonnance de la Cour du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, point 53). Par ailleurs, le Tribunal constate que la requérante s’est limitée à affirmer que, en soulevant l’exception d’irrecevabilité, la REA visait à l’empêcher d’exercer son droit à un accès effectif à un Tribunal sans même essayer de démontrer que les règles sur la recevabilité invoquée par la REA étaient susceptibles de restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouverait atteint dans sa substance même ou que ces règles ne tendent pas à un but légitime ou encore qu’il n’existe pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

 Sur les dépens

22      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

23      Premièrement, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal fixe les dépens aux « seuls frais administratifs » encourus par la REA, « aucune difficulté particulière [ne] justifiant l’emploi[, de la part de la partie défenderesse,] d’un avocat ». En effet, la décision sur les dépens au titre de l’article 86 du règlement de procédure ne statue que sur la charge des dépens en tant que telle et non sur le montant des dépens récupérables ou sur les critères pour calculer ce montant. Il y a lieu de statuer sur ce montant, en cas de contestation, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 20 janvier 1995, Werner/Commission, T‑124/93, point 10).

24      Deuxièmement, il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que la requérante a succombé en son recours. En outre, la REA a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la REA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Mme Kolarova supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par l’Agence exécutive pour la recherche.

Fait à Luxembourg, le 30 avril 2014.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.