Language of document : ECLI:EU:C:2020:261

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 2 avril 2020 (1)

Affaire C264/19

Constantin Film Verleih GmbH

contre

YouTube LLC,

Google Inc.

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Plateforme de partage de vidéos sur Internet – YouTube – Mise en ligne d’un film sans l’accord du titulaire – Action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle – Directive 2004/48/CE – Article 8 – Droit d’information du titulaire – Article 8, paragraphe 2, sous a) – Notion de “noms et adresses” – Étendue – Adresse électronique, adresse IP et numéro de téléphone – Exclusion »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige entre Constantin Film Verleih GmbH, société distributrice de films établie en Allemagne, d’une part, et YouTube LLC et sa société mère Google Inc., toutes deux établies aux États‑Unis, d’autre part.

2.        Ce litige porte sur le refus de YouTube et de Google de fournir certaines informations exigées par Constantin Film Verleih, relatives à des utilisateurs ayant mis en ligne plusieurs films en violation des droits exclusifs d’exploitation de Constantin Film Verleih. Plus précisément, cette dernière demande à YouTube et à Google de lui fournir les adresses courriel, les numéros de téléphone ainsi que les adresses IP utilisées par ces utilisateurs.

3.        Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) se demande, en substance, si de telles informations sont couvertes par l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48/CE (2), en vertu duquel les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner la communication des « noms et adresses » de certaines catégories de personnes ayant un rapport avec des marchandises ou des services portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

4.        Pour les raisons que j’exposerai dans les présentes conclusions, je suis convaincu que la notion de « noms et adresses », inscrite à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 n’inclut aucune des informations susmentionnées.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        Les considérants 2, 10 et 32 de la directive 2004/48 sont libellés comme suit :

« (2)      La protection de la propriété intellectuelle devrait permettre à l’inventeur ou au créateur de retirer un profit légitime de son invention ou de sa création. Elle devrait également permettre la diffusion la plus large possible des œuvres, des idées et des savoir‑faire nouveaux. Dans le même temps, la protection de la propriété intellectuelle ne devrait pas faire obstacle à la liberté d’expression ni à la libre circulation de l’information et à la protection des données personnelles, y compris sur l’Internet.

[...]

(10)      L’objectif de la présente directive est de rapprocher ces législations afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

[...]

(32)       La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes, qui sont reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3). En particulier, la présente directive vise à assurer le plein respect de la propriété intellectuelle, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de [la C]harte. »

6.        L’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoit à son paragraphe 1 et à son paragraphe 3, sous a) :

« 1.      Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent, conformément à l’article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné.

[...]

3.      La présente directive n’affecte pas :

a)      les dispositions [de l’Union] régissant le droit matériel de la propriété intellectuelle, la directive 95/46/CE [...] »

7.        L’article 8 de la directive 2004/48, intitulé « Droit d’information », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies par le contrevenant et/ou toute autre personne qui :

a)      a été trouvée en possession des marchandises contrefaisantes à l’échelle commerciale ;

b)      a été trouvée en train d’utiliser des services contrefaisants à l’échelle commerciale ;

c)      a été trouvée en train de fournir, à l’échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes, ou

d)      a été signalée, par la personne visée aux points a), b) ou c), comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution des marchandises ou la fourniture des services.

2.      Les informations visées au paragraphe 1 comprennent, selon les cas :

a)      les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;

b)      des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question.

3.      Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions législatives et réglementaires qui :

a)      accordent au titulaire le droit de recevoir une information plus étendue ;

b)      régissent l’utilisation au civil ou au pénal des informations communiquées en vertu du présent article ;

c)      régissent la responsabilité pour abus du droit à l’information ;

d)      donnent la possibilité de refuser de fournir des informations qui contraindraient la personne visée au paragraphe 1 à admettre sa propre participation ou celle de ses proches parents à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, ou

e)      régissent la protection de la confidentialité des sources d’information ou le traitement des données à caractère personnel. »

B.      Le droit allemand

8.        En vertu de l’article 101, paragraphe 1, première phrase, de l’Urheberrechtsgesetz (loi sur les droits d’auteur, ci‑après l’« UrhG »), celui qui, à l’échelle commerciale, porte atteinte au droit d’auteur ou à un autre droit protégé par cette loi peut se voir réclamer par la personne lésée de fournir immédiatement des informations sur l’origine et le canal de distribution des copies contrefaisantes ou d’autres produits.

9.        En cas de violation manifeste, sans préjudice de l’article 101, paragraphe 1, de l’UrhG, ce droit d’information peut également être exercé, en vertu de l’article 101, paragraphe 2, première phrase, point 3, de cette loi, à l’encontre d’une personne qui a fourni à l’échelle commerciale des services utilisés pour exercer des activités contrefaisantes.

10.      Celui qui est tenu de fournir les informations doit, en vertu de l’article 101, paragraphe 3, point 1, de l’UrhG, indiquer les noms et adresses des producteurs, des fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des copies ou autres produits, des utilisateurs des services ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants.

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

11.      Constantin Film Verleih est une société distributrice de films établie en Allemagne.

12.      YouTube, société établie aux États‑Unis et détenue par Google, exploite la plateforme Internet éponyme.

13.      Constantin Film Verleih dispose en Allemagne de droits d’exploitation exclusifs sur les œuvres cinématographiques Parker et Scary Movie 5.

14.      Entre le mois de juin 2013 et le mois de septembre 2014, ces deux œuvres ont été mises en ligne sur la plateforme « YouTube » sans l’accord de Constantin Film Verleih. Le 29 juin 2013, l’œuvre cinématographique Parker a été mise en ligne dans sa durée intégrale et en allemand, sous le nom d’utilisateur « N1 ». Jusqu’au blocage intervenu le 14 août 2013, elle a été consultée plus de 45 000 fois. Au mois de septembre 2013, l’œuvre cinématographique Scary Movie 5 a été mise en ligne dans sa durée intégrale sous le nom d’utilisateur « N2 ». Jusqu’au blocage intervenu le 29 octobre 2013, elle a été consultée plus de 6 000 fois. Le 10 septembre 2014, une autre copie de cette seconde œuvre a été mise en ligne sous le nom d’utilisateur « N3 ». Jusqu’au blocage intervenu le 21 septembre 2014, elle a été consultée plus de 4 700 fois.

15.      Constantin Film Verleih a exigé, de la part de YouTube et de Google, un ensemble d’informations pour chacun des utilisateurs ayant procédé à la mise en ligne de ces œuvres.

16.      La juridiction de renvoi a constaté que les conditions du droit à information étaient satisfaites. Par conséquent, la portée du litige au principal est circonscrite à la teneur des informations devant être fournies par YouTube et/ou Google à Constantin Film Verleih. Ce litige porte plus spécifiquement sur les informations suivantes :

–        l’adresse courriel de l’utilisateur,

–        le numéro de téléphone de l’utilisateur,

–        l’adresse IP utilisée par l’utilisateur pour mettre en ligne les fichiers litigieux, avec le moment exact de cette mise en ligne, et

–        l’adresse IP utilisée en dernier lieu par l’utilisateur pour accéder à son compte Google/YouTube, avec le moment exact de cet accès.

17.      Statuant en première instance, le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) a rejeté la demande de Constantin Film Verleih tendant à obtenir la fourniture de ces informations.

18.      En appel, l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) a condamné YouTube et Google à fournir les adresses courriel des utilisateurs concernés, rejetant la demande de Constantin Film Verleih pour le surplus.

19.      Par son pourvoi en « Revision » introduit devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), Constantin Film Verleih a demandé à ce que YouTube et Google soient condamnés à lui fournir l’ensemble des informations susmentionnées, y compris les numéros de téléphone et les adresses IP des utilisateurs. Par leur propre pourvoi en « Revision », YouTube et Google ont demandé le rejet intégral de la demande de Constantin Film Verleih, y compris en tant qu’elle concerne les adresses courriel des utilisateurs.

20.      Constatant que la solution à apporter aux deux pourvois en « Revision » dépendait de l’interprétation de la notion d’« adresses » inscrite à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants énumérés à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive [2004/48], qui, selon les cas, sont comprises dans les informations visées à l’article 8, paragraphe 1, de [cette] directive, englobent-elles également

a)      les adresses courriel des utilisateurs des services et/ou

b)      les numéros de téléphone des utilisateurs des services et/ou

c)      les adresses IP utilisées par les utilisateurs des services pour mettre en ligne les fichiers contrefaisants, avec le moment exact de cette mise en ligne ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, sous c) :

L’information qui doit être fournie en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de [ladite] directive comprend‑elle également l’adresse IP que l’utilisateur ayant antérieurement mis en ligne des fichiers contrefaisants a utilisée en dernier lieu pour accéder à son compte d’utilisateur Google/YouTube, avec le moment exact de cet accès, indépendamment [du fait] que des violations de droits [de propriété intellectuelle] aient été commises ou non lors de ce dernier accès ? »

21.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 29 mars 2019.

22.      Ont présenté des observations écrites Constantin Film Verleih, YouTube et Google ainsi que la Commission européenne.

23.      Ont comparu à l’audience du 12 février 2020 pour y être entendus en leurs observations les représentants de Constantin Film Verleih, les représentants de YouTube et Google ainsi que la Commission.

IV.    Analyse

24.      En vertu de l’article 8 de la directive 2004/48, les États membres ont l’obligation de prévoir, dans leur ordre juridique, la possibilité, pour les autorités judiciaires compétentes, d’ordonner la fourniture de certaines informations dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

25.      Partant, par ses deux questions qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les États membres ont l’obligation de prévoir la possibilité, pour les autorités judiciaires compétentes, d’ordonner, en ce qui concerne un utilisateur ayant mis en ligne des fichiers portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle, la fourniture de l’adresse courriel, du numéro de téléphone, de l’adresse IP utilisée pour mettre en ligne ces fichiers ainsi que de l’adresse IP utilisée lors du dernier accès au compte d’utilisateur.

26.      YouTube et Google ainsi que la Commission proposent de répondre à ces questions par la négative, contrairement à Constantin Film Verleih.

27.      Conformément à la position soutenue par YouTube et Google ainsi que par la Commission, et pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que cette disposition ne vise aucune des informations évoquées par les questions préjudicielles.

28.      À titre liminaire, je relève que l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 ne comporte aucun renvoi au droit des États membres. Par conséquent, et en application d’une jurisprudence constante, la notion de « noms et adresses » constitue une notion de droit de l’Union devant recevoir une interprétation autonome et uniforme (4).

29.      En outre, la notion de « noms et adresses » n’est pas définie dans la directive 2004/48. Toujours en vertu d’une jurisprudence constante, la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux‑ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (5).

30.      Ainsi, le sens habituel en langage courant doit constituer le point de départ dans le processus d’interprétation de la notion de « noms et adresses » utilisée à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48. Il ne fait guère de doute que, en langage courant, la notion d’« adresse » d’une personne, sur laquelle s’interroge plus particulièrement la juridiction de renvoi, vise la seule adresse postale comme l’ont fait valoir à juste titre YouTube et Google (6). Cette interprétation est confirmée par la définition que donne le dictionnaire de l’Académie française de cette notion, à savoir « la désignation du lieu (7) où l’on peut joindre quelqu’un ».

31.      En ce qui concerne le numéro de téléphone, deuxième élément d’information visé par les questions préjudicielles, je ne crois pas nécessaire de discuter longuement du fait qu’il ne saurait être inclus dans la notion de « noms et adresses » de personnes, telle qu’envisagée à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48, que ce soit en langage courant ou dans tout autre contexte (8).

32.      Le statut des deux autres éléments d’information visés par ces questions, à savoir l’adresse courriel et l’adresse IP, mérite une attention un peu plus soutenue.

33.      Comme je viens de le préciser, en langage courant, point de départ du processus interprétatif, le terme « adresse » renvoie à la seule adresse postale. Ainsi, ce terme, lorsqu’il est utilisé sans autre précision, ne vise pas l’adresse courriel ou l’adresse IP.

34.      Cela est d’autant plus vrai dans un contexte que je qualifierais de « général », c’est‑à‑dire dépassant le strict cadre d’Internet, comme c’est le cas de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48.

35.      Cette interprétation est corroborée par un examen d’autres textes législatifs de l’Union visant l’adresse courriel ou l’adresse IP. En effet, lorsque le législateur de l’Union a souhaité se référer à l’adresse courriel (9) ou à l’adresse IP (10), il l’a fait expressément, en complétant le terme « adresse », comme l’ont souligné YouTube et Google. À ma connaissance, il n’existe aucun exemple de législation de l’Union où les termes « noms et adresses », utilisés seuls et dans un contexte général, visent le numéro de téléphone, l’adresse IP ou l’adresse courriel.

36.      Par conséquent, il ressort d’une interprétation littérale de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 que les termes utilisés par le législateur de l’Union, à savoir les termes « noms et adresses », n’incluent aucune des informations évoquées par les questions préjudicielles, comme l’ont fait valoir YouTube et Google ainsi que la Commission.

37.      Cette interprétation est confirmée par l’interprétation historique exposée par la Commission. En effet, les travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de la directive 2004/48 (11) ne comportent aucun indice suggérant, même implicitement, que le terme « adresse » utilisé à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de cette directive devrait être compris comme visant non seulement l’adresse postale, mais également l’adresse courriel ou l’adresse IP des personnes visées.

38.      La Commission a expliqué, à ce sujet, que le législateur de l’Union, lors de l’adoption de la directive 2004/48 au cours de l’année 2004, n’a jamais eu l’intention d’inclure des formes plus modernes d’« adresse », telles que l’adresse courriel ou l’adresse IP.

39.      Partant, il ressort d’une interprétation historique que la directive 2004/48 doit être interprétée en se référant à la seule acception classique de ce terme, à savoir l’adresse postale.

40.      Il résulte de ce qui précède que, selon une interprétation à la fois littérale et historique, l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 n’englobe pas l’adresse courriel, le numéro de téléphone et les adresses IP utilisées par les personnes visées par cette disposition.

41.      Constantin Film Verleih s’oppose à cette interprétation, en s’attachant à l’objet de l’article 8 de la directive 2004/48 ainsi que, plus généralement, aux objectifs poursuivis par cette directive.

42.      Selon Constantin Film Verleih, l’objet de l’article 8 de la directive 2004/48 est de permettre au titulaire de droits de propriété intellectuelle d’identifier les personnes mentionnées par cette disposition. Ainsi, et indépendamment de son libellé, le paragraphe 2 de cet article devrait être interprété comme visant « toute information permettant d’identifier » ces personnes, lesdites informations pouvant inclure, selon leur disponibilité, le numéro de téléphone, l’adresse courriel, l’adresse IP ou encore les coordonnées bancaires.

43.      Selon moi, adopter cette interprétation reviendrait, pour la Cour, à réécrire cette disposition. Je comprends, bien entendu, qu’un titulaire de droits tel que Constantin Film Verleih émette le souhait que la directive 2004/48 soit amendée de manière à lui permettre d’identifier plus aisément de possibles contrefacteurs dans le contexte spécifique d’Internet. Cependant, une telle réécriture relève non pas de la compétence de la Cour, mais de celle du législateur de l’Union.

44.      Il était loisible au législateur, si telle avait été son intention, d’inclure, à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2004/48, « toute information permettant d’identifier » les personnes concernées. Lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a souligné que le législateur de l’Union avait expressément choisi de procéder à une harmonisation minimale limitée aux noms et adresses, sans inclure d’autres éléments d’information permettant d’identifier une personne tels que le numéro de téléphone ou le numéro de sécurité sociale.

45.      Je précise qu’une interprétation « dynamique » ou téléologique de cette disposition, appelée de ses vœux par Constantin Film Verleih, doit être exclue dans un tel contexte. En effet, les termes utilisés à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 n’offrent pas de marge d’interprétation suffisante pour permettre une telle interprétation en vue d’inclure les informations évoquées par les questions préjudicielles.

46.      Je souscris sans réserve, à cet égard, au raisonnement développé par l’avocat général Bobek aux points 33 à 35, 38 et 39 de ses conclusions dans l’affaire Commission/Allemagne. Conformément à l’interdiction d’interprétation contra legem et au principe de la séparation des pouvoirs, la possibilité d’une interprétation dynamique ou téléologique n’est ouverte que lorsque « le libellé de la disposition [est] susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, en ce qu’il présente un certain degré d’ambiguïté textuelle et d’imprécision » (12).

47.      Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire. Comme je l’ai expliqué précédemment, les interprétations littérale et historique excluent toute ambiguïté dans la portée des termes « noms et adresses » utilisés à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48.

48.      Constantin Film Verleih en appelle également, plus généralement, aux objectifs poursuivis par la directive 2004/48. À mon sens, cette argumentation ne peut pas remettre en cause l’interprétation de la disposition susmentionnée, étant donné l’absence d’ambiguïté dans son libellé. Néanmoins, j’examinerai ci-après ladite argumentation à titre surabondant.

49.      Certes, il n’est pas contestable que la directive 2004/48 vise à assurer un niveau de protection élevé de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur, comme le précisent ses considérants 10 et 32, et conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte.

50.      Il n’est pas non plus contestable que l’interprétation proposée par Constantin Film Verleih augmenterait le niveau de protection de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

51.      Cependant, il est impératif de garder à l’esprit que la directive 2004/48, à l’image de toute réglementation portant sur la propriété intellectuelle (13), établit un équilibre entre, d’une part, l’intérêt des titulaires à la protection de leur droit de propriété intellectuelle, consacrée à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, et, d’autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés ainsi que de l’intérêt général.

52.      Comme la Cour l’a précisé à maintes reprises, il ne ressort nullement de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte ni de la jurisprudence de la Cour que le droit de propriété intellectuelle consacré à cette disposition serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue (14).

53.      Ainsi, l’article 17, paragraphe 2, de la Charte n’exige pas que soient mis en œuvre tous les moyens techniques disponibles pour aider le titulaire à identifier de possibles contrefacteurs, sans qu’il soit tenu compte du libellé des dispositions de la directive 2004/48.

54.      En ce qui concerne plus particulièrement l’article 8 de la directive 2004/48, la Cour a déjà eu l’opportunité de préciser, dans l’arrêt Coty Germany, que cette disposition vise à concilier le respect de différents droits, notamment le droit d’information des titulaires et le droit à la protection des données à caractère personnel des utilisateurs (15).

55.      Dans le contexte de l’affaire au principal, les données demandées par Constantin Film Verleih constituent, par hypothèse, des données à caractère personnel au sens de l’article 2, sous a), de la directive 95/46/CE (16), devenu l’article 4, sous a), du règlement (UE) 2016/679 (17), puisqu’elles doivent lui permettre d’identifier les personnes concernées (18).

56.      Or, s’il ressort du considérant 32 de la directive 2004/48 que celle‑ci vise à assurer le plein respect de la propriété intellectuelle, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, il découle, dans le même temps, de l’article 2, paragraphe 3, sous a), de cette directive ainsi que de ses considérants 2 et 15, que la protection de la propriété intellectuelle ne devrait pas faire obstacle, notamment, à la protection des données personnelles garantie à l’article 8 de la Charte, de sorte que ladite directive ne saurait, en particulier, affecter la directive 95/46 (19).

57.      Je souligne, à cet égard, toute l’importance de l’article 8, paragraphe 3, sous b) à e), de la directive 2004/48, selon lequel cet article s’applique sans préjudice de dispositions encadrant, voire restreignant, le droit à information du titulaire, et notamment des dispositions régissant le traitement des données à caractère personnel.

58.      Dans un tel contexte, je suis d’avis qu’il n’appartient pas à la Cour de modifier la portée des termes utilisés par le législateur de l’Union à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2004/48, ce qui aurait pour effet de remettre en cause l’équilibre voulu par le législateur lors de l’adoption de cette directive, et dont l’établissement relève de sa seule compétence (20).

59.      Pour compléter la phrase que j’ai utilisée au point 43 des présentes conclusions, adopter l’interprétation suggérée par Constantin Film Verleih reviendrait, pour la Cour, non seulement à réécrire l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2004/48, mais en outre à remettre en cause, dans un sens favorable aux intérêts des titulaires de droits de propriété intellectuelle, l’équilibre établi par le législateur de l’Union.

60.      J’ajoute que l’interprétation dynamique suggérée par Constantin Film Verleih va également à l’encontre de l’économie générale de la directive 2004/48, qui se fonde sur une harmonisation minimale souhaitée par le législateur de l’Union, comme l’a souligné la Commission.

61.      À juste titre, cette institution relève, en effet, qu’une telle interprétation dynamique n’est pas appropriée en l’espèce, dans la mesure où, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/48, le législateur de l’Union a expressément prévu la possibilité, pour les États membres, de répondre à cette préoccupation dynamique en accordant aux titulaires « le droit de recevoir une information plus étendue ».

62.      En d’autres termes, une interprétation dynamique de la directive 2004/48 par le juge de l’Union, en vue de l’adapter aux nouveaux comportements survenant sur Internet, n’est pas nécessaire dès lors que les États membres ont le pouvoir d’adopter des mesures complémentaires visant ces comportements.

63.      Par souci d’exhaustivité, je signale enfin que l’article 47 de l’accord ADPIC (21), qui institue une simple faculté de prévoir un droit d’information, ne saurait être invoqué au soutien de l’interprétation proposée par Constantin Film Verleih (22).

64.      Pour l’ensemble de ces motifs, j’estime que l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que la notion de « noms et adresses » inscrite à cette disposition ne vise pas, en ce qui concerne un utilisateur ayant mis en ligne des fichiers portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle, l’adresse courriel, le numéro de téléphone, l’adresse IP utilisée pour mettre en ligne ces fichiers ou l’adresse IP utilisée lors du dernier accès au compte d’utilisateur.

65.      Partant, les États membres n’ont pas l’obligation, en vertu de cette disposition, de prévoir la possibilité, pour les autorités judiciaires compétentes, d’ordonner la fourniture de ces informations dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

V.      Conclusion

66.      Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles de la Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) :

L’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la notion de « noms et adresses » inscrite à cette disposition ne vise pas, en ce qui concerne un utilisateur ayant mis en ligne des fichiers portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle, l’adresse courriel, le numéro de téléphone, l’adresse IP utilisée pour mettre en ligne ces fichiers ou l’adresse IP utilisée lors du dernier accès au compte d’utilisateur.

Partant, les États membres n’ont pas l’obligation, en vertu de cette disposition, de prévoir la possibilité, pour les autorités judiciaires compétentes, d’ordonner la fourniture de ces informations dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).


3      Ci-après la « Charte ».


4      Voir, en ce qui concerne la notion de « dédommagement approprié » utilisée à l’article 9, paragraphe 7, de la directive 2004/48, arrêt du 12 septembre 2019, Bayer Pharma (C‑688/17, EU:C:2019:722, point 40). Voir également, toujours en matière de propriété intellectuelle, arrêts du 22 juin 2016, Nikolajeva (C‑280/15, EU:C:2016:467, point 45), ainsi que du 27 septembre 2017, Nintendo (C‑24/16 et C‑25/16, EU:C:2017:724, points 70 et 94).


5      Voir, notamment, arrêts du 31 janvier 2013, McDonagh (C‑12/11, EU:C:2013:43, point 28) ; du 6 septembre 2018, Kreyenhop & Kluge (C‑471/17, EU:C:2018:681, point 39), ainsi que du 12 septembre 2019, Bayer Pharma (C‑688/17, EU:C:2019:722, point 41).


6      Je n’ai décelé aucune incohérence dans les différentes versions linguistiques de cette disposition, lesquelles visent toutes la notion d’« adresses » : voir, à titre illustratif, « direcciones » pour la version en langue espagnole, « adresse » pour la version en langue danoise, « Adressen » pour la version en langue allemande, « addresses » pour la version en langue anglaise, « indirizzo » pour la version en langue italienne, « adres » pour la version en langue néerlandaise, « endereços » pour la version en langue portugaise, « adresele » pour la version en langue roumaine, et « adress » pour la version en langue suédoise.


7      Mise en italique par mes soins.


8      Le fait, invoqué par Constantin Film Verleih, que le numéro de téléphone puisse avoir une fonction d’« adresse d’acheminement » pour la transmission de données, notamment dans le cadre d’appels téléphoniques ou d’applications utilisant le numéro de téléphone telles que WhatsApp, ne saurait ébranler ma conviction à cet égard. La notion de « noms et adresses » de personnes, telle qu’envisagée à l’article 8 de la directive 2004/48, n’entretient, à l’évidence, aucun rapport avec la destination fonctionnelle de flux de données, nonobstant le fait que cette dernière ait pu être qualifiée d’« adresse d’acheminement ».


9      En ce qui concerne l’adresse courriel ou « électronique », voir notamment article 88, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) nº 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1) ; article 14, paragraphe 1, du règlement (UE) nº 524/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) nº 2006/2004 et la directive 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC) (JO 2013, L 165, p. 1) ; article 54, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi qu’article 45, paragraphe 2, sous a), de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) nº 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (JO 2015, L 337, p. 35).


10      En ce qui concerne l’adresse IP, voir notamment article 10, paragraphe 1, sous e), de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale (JO 2014, L 130, p. 1) ; article 5, paragraphe 1, sous k), du règlement (UE) 2017/1128 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, relatif à la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne dans le marché intérieur (JO 2017, L 168, p. 1) ; article 17, paragraphe 8, article 34, paragraphe 4, sous j), ainsi qu’article 52, paragraphe 2, sous g), du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil, du 12 septembre 2018, portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) nº 1077/2011, (UE) nº 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226 (JO 2018, L 236, p. 1).


11      Voir, en particulier, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures et procédures visant à assurer le respect de droits de propriété intellectuelle, du 30 janvier 2003 [COM (2003) 46 final], ainsi que l’avis du Comité économique et social européen du 29 octobre 2003 (JO 2004, C 32, p. 15), et rapport du Parlement européen du 5 décembre 2003 (A5‑0468/2003) sur cette proposition. La proposition de directive ne comporte aucune explication quant au sens à donner aux termes « noms et adresses ». Par ailleurs, le Parlement n’a pas proposé de modification en ce qui concerne le libellé du futur article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48.


12      Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑220/15, EU:C:2016:534, point 34).


13      Voir, notamment, arrêts du 16 février 2012, SABAM (C‑360/10, EU:C:2012:85, points 42 à 44) ; du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW (C‑469/17, EU:C:2019:623, point 57) ; du 29 juillet 2019, Pelham e.a. (C‑476/17, EU:C:2019:624, point 32), ainsi que du 29 juillet 2019, Spiegel Online (C‑516/17, EU:C:2019:625, point 42).


14      Voir, notamment, arrêts du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, points 62 à 70) ; du 16 février 2012, SABAM (C‑360/10, EU:C:2012:85, point 41) ; du 19 avril 2012, Bonnier Audio e.a. (C‑461/10, EU:C:2012:219, point 56) ; du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds (C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 26), ainsi que du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW (C‑469/17, EU:C:2019:623, point 72).


15      Arrêt du 16 juillet 2015 (C‑580/13, EU:C:2015:485, point 28).


16      Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31). Selon l’article 2, sous a), de cette directive, on entend par « données à caractère personnel » toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable.


17      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1).


18      La Cour a déjà eu l’opportunité de juger que l’adresse IP, même prise isolément, peut constituer une donnée à caractère personnel. Voir arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:771, point 51), ainsi que du 19 octobre 2016, Breyer (C‑582/14, EU:C:2016:779, point 49).


19      Arrêt du 16 juillet 2015, Coty Germany (C‑580/13, EU:C:2015:485, points 31 à 33).


20      Voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Mc Fadden (C‑484/14, EU:C:2016:689, points 69 à 71).


21      Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO 1994, L 336, p. 1, ci-après l’« accord ADPIC »). Aux termes de l’article 47 de cet accord, intitulé « Droit d’information », « [les] Membres pourront disposer que les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner au contrevenant, à moins qu’une telle mesure ne soit disproportionnée à la gravité de l’atteinte, d’informer le détenteur du droit de l’identité des tiers participant à la production et à la distribution des marchandises ou services en cause, ainsi que de leurs circuits de distribution ».


22      Dans le même sens, voir arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, point 60). En tout état de cause, si les textes de droit de l’Union doivent certes être interprétés dans la mesure du possible à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union (voir, notamment, arrêt du 7 décembre 2006, SGAE, C‑306/05, EU:C:2006:764, point 35 et jurisprudence citée), l’article 47 de l’accord ADPIC ne saurait autoriser la Cour à s’affranchir du libellé clair de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/48.