Language of document : ECLI:EU:C:2015:117

Affaire C‑472/13

Andre Lawrence Shepherd

contre

Bundesrepublik Deutschland

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Bayerisches Verwaltungsgericht München)

«Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Asile – Directive 2004/83/CE – Article 9, paragraphe 2, sous b), c) et e) – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié – Conditions pour être considéré comme réfugié – Actes de persécution – Sanctions pénales à l’égard d’un militaire des États-Unis ayant refusé de servir en Iraq»

Sommaire – Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 février 2015

1.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2004/83 – Conditions d’octroi du statut de réfugié – Notion d’«actes de persécution» – Poursuites et sanctions à l’égard d’un militaire à la suite du refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit – Circonstances requises

[Directive du Conseil 2004/83, art. 9, § 2, e)]

2.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire – Directive 2004/83 – Conditions d’octroi du statut de réfugié – Notion d’«actes de persécution» – Poursuites ou sanctions disproportionnées ou discriminatoires – Sanctions pénales à l’égard d’un militaire des États-Unis ayant refusé de servir en Iraq – Absence de caractère disproportionné ou discriminatoire – Vérification par les autorités nationales

[Directive du Conseil 2004/83, art. 9, § 2, b), c) et e)]

1.        Les dispositions de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 2004/83, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, doivent être interprétées en ce sens:

–        qu’elles couvrent tout le personnel militaire, y compris le personnel logistique ou d’appui;

–        qu’elles visent la situation dans laquelle le service militaire accompli supposerait lui-même, dans un conflit déterminé, de commettre des crimes de guerre, y compris les situations dans lesquelles le demandeur du statut de réfugié ne participerait qu’indirectement à la commission de tels crimes dès lors que, par l’exercice de ses fonctions, il fournirait, avec une plausibilité raisonnable, un appui indispensable à la préparation ou à l’exécution de ceux-ci;

–        qu’elles visent non pas exclusivement les situations dans lesquelles il est établi que des crimes de guerre ont déjà été commis ou seraient susceptibles de relever de la Cour pénale internationale, mais aussi celles dans lesquelles le demandeur du statut de réfugié est en mesure d’établir qu’il est hautement probable que soient commis de tels crimes;

–        que l’appréciation des faits à laquelle il incombe aux seules autorités nationales de procéder, sous le contrôle du juge, pour qualifier la situation du service concerné, doit se fonder sur un faisceau d’indices de nature à établir, au vu de l’ensemble des circonstances en cause, notamment celles relatives aux faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande ainsi qu’au statut individuel et à la situation personnelle du demandeur, que la situation du service rend plausible la réalisation des crimes de guerre allégués;

–        que les circonstances qu’une intervention militaire a été engagée en vertu d’un mandat du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies ou sur le fondement d’un consensus de la communauté internationale et que l’État ou les États menant les opérations répriment les crimes de guerre doivent être prises en considération dans l’appréciation qui incombe aux autorités nationales, et

–        que le refus d’effectuer le service militaire doit constituer le seul moyen permettant au demandeur du statut de réfugié d’éviter la participation aux crimes de guerre allégués, et que, en conséquence, si celui-ci s’est abstenu de recourir à une procédure visant à l’obtention du statut d’objecteur de conscience, une telle circonstance exclut toute protection au titre de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 2004/83, à moins que ledit demandeur ne prouve qu’aucune procédure d’une telle nature ne lui aurait été disponible dans sa situation concrète.

(cf. points 30, 31, 33-43, 45, 46, disp. 1)

2.        Dans l’hypothèse où les autorités nationales chargées de l’examen de la demande d’asile d’une personne ayant refusé d’effectuer son service militaire considéreraient qu’il n’est pas établi que ledit service aurait supposé de commettre des crimes de guerre au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 2004/83, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, les dispositions de l’article 9, paragraphe 2, sous b) et c), de cette directive doivent être interprétées en ce sens qu’il n’apparaît pas que les sanctions encourues par le demandeur d’asile, telles qu’une condamnation à une peine d’emprisonnement ou le renvoi de l’armée, puissent être considérées, au regard de l’exercice légitime, par l’État concerné, de son droit à maintenir une force armée, comme étant à ce point disproportionnées ou discriminatoires qu’elles soient au nombre des actes de persécution que visent ces dispositions. Il appartient, toutefois, auxdites autorités nationales de le vérifier.

(cf. points 48, 56, disp. 2)