Language of document : ECLI:EU:T:2023:150

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative représentant une bande avec un angle aigu – Marques de l’Union européenne et nationale figuratives antérieures représentant une bande – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 – Sécurité juridique – Égalité de traitement – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑5/22,

Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Me P. González-Bueno Catalán de Ocón, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Brooks Sports, Inc., établie à Seattle, Washington (États-Unis), représentée par Mes C. Spintig et S. Pietzcker, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. G. De Baere, président, Mme G. Steinfatt (rapporteure) et M. K. Kecsmár, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Puma SE, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 octobre 2021 (affaire R 910/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 18 décembre 2018, l’intervenante, Brooks Sports, Inc., a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1441912 concernant la marque figurative reproduite ci-après :

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3        L’enregistrement visait les produits relevant des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Sacs à dos ; sacs polochon ; sacs à cordonnet » ;

–        classe 25 : « Articles chaussants ; vêtements, à savoir hauts, pantalons, vestes, articles de chapellerie, shorts, collants, sweat-shirts, leggings, vêtements de pluie ».

4        Le 3 janvier 2019, l’EUIPO a reçu notification de l’enregistrement international en cause, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, quatrième phrase, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (JO 2003, L 296, p. 22), tel que modifié le 12 novembre 2007. L’enregistrement international a été publié au Bulletin des marques de l’Union européenne n2019/002, du 4 janvier 2019.

5        Le 3 mai 2019, la requérante a formé opposition, au titre de l’article 196 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 46 du même règlement, à la protection dans l’Union européenne de l’enregistrement international, pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur les deux marques figuratives antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 31 janvier 2010 sous le numéro 8461469 et désignant, notamment, les produits compris dans les classes 18 et 25 et correspondant, pour chacune de ces classes à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; sacs (compris dans la classe 18) et autres conteneurs non adaptés aux objets à contenir ainsi que petits articles de maroquinerie ; pochettes, portefeuilles, étuis pour clés, sacs à poignées, sacs de voyage, sacs de sport, pochettes, compris dans la classe 18, pochettes d’allumettes, sacs à dos, serviettes d’écoliers, sacs bananes, nécessaires de toilette » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; chaussures ; tiges de bottes ; empeignes ; premières ; chaussures (antidérapants pour -) ; semelles ; crampons de chaussures de football ; chapellerie » :

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–        la marque allemande figurative reproduite ci-après, enregistrée le 23 mai 1978 sous le numéro 971406 et désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Chaussures, en particulier chaussures de sport et de loisirs » :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

8        Le 30 mars 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition formée par la requérante.

9        Le 18 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours dans son intégralité. Elle a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en raison des différences visuelles entre les signes en conflit, ceux-ci ne pouvant être comparés sur les plans phonétique et conceptuel. En outre, eu égard auxdites différences, la chambre de recours a constaté que l’une des conditions visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

13      Le 25 octobre 2022, l’EUIPO a déposé une demande de non-lieu à statuer partiel dans la mesure où la protection de l’enregistrement international avait été limitée, le 31 août 2022, aux seuls « articles chaussants » relevant de la classe 25.

14      Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante et l’intervenante ont déclaré ne pas s’opposer à cette demande.

15      En effet, pour autant que le présent recours tend à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté l’opposition à la protection dans l’Union européenne de l’enregistrement international pour les produits autres que les « articles chaussants » relevant de la classe 25 visés par ce dernier, il est devenu sans objet à la suite de la limitation de la protection à ces seuls produits. Dans cette mesure, il n’y a donc plus lieu de statuer.

 Sur le fond

16      La requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement et, le troisième, de la violation des principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Observations liminaires

17      En premier lieu, l’EUIPO fait valoir que l’annexe A 5 de la requête a été produite pour la première fois devant le Tribunal, de sorte que les documents qu’elle contient sont irrecevables.

18      Il ressort du dossier que ces documents n’ont pas été produits au cours de la procédure devant les instances de l’EUIPO.

19      Or, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc de les écarter sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

20      En second lieu, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les arguments de la requérante qui se fondent sur la marque du Royaume-Uni figurative nº 980191, que celle-ci avait invoquée lorsqu’elle a formé opposition. Au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que ladite marque ne constituait pas une base valable pour l’opposition, confirmant à cet égard la décision de la division d’opposition. Elle a donc considéré que l’opposition était uniquement fondée sur les marques antérieures visées au point 6 ci-dessus, ce que la requérante n’a d’ailleurs pas contesté dans la requête introductive d’instance. Par ailleurs, elle n’a pas non plus fondé son recours devant l’EUIPO sur sa marque du Royaume-Uni, de sorte que la chambre de recours n’a pas eu besoin de reconsidérer cette question. Au contraire, dans son recours formé contre la décision de la division d’opposition, la requérante a déclaré que, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, sa marque du Royaume-Uni ne constituait plus une base valable pour l’opposition.

21      Or, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée, à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72). Ainsi, dans le cadre du recours devant le Tribunal, ce dernier ne peut prendre en compte les arguments de la requérante fondés sur sa marque du Royaume-Uni.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

22      Le premier moyen s’articule en trois branches. La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours n’a pas identifié le public pertinent, deuxièmement, elle n’a pas dûment apprécié les similitudes sur le plan visuel entre les marques en conflit et, troisièmement, elle n’a pas apprécié le caractère distinctif accru des marques antérieures.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée du défaut d’identification du public pertinent

23      La requérante fait valoir que la décision attaquée ne fait pas référence au public pertinent ni au niveau d’attention de celui-ci. Elle estime que la chambre de recours n’a tenu compte ni du niveau d’attention du public pertinent, ni de la catégorie des produits en cause, lesquels sont des produits de grande consommation, généralement achetés sur un coup de cœur et dont le prix est généralement abordable, ciblant le grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

24      À cet égard elle avance que le consommateur normalement diligent n’est pas attentif aux détails difficiles à relever et n’a pas souvent l’occasion de visualiser les deux marques l’une à côté de l’autre au moment de prendre une décision d’achat, de sorte qu’il devrait se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      Conformément à l’article 196, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, tout enregistrement international désignant l’Union européenne est soumis à la même procédure d’opposition que les demandes de marque de l’Union européenne publiées.

27      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

28      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

29      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

30      Il s’ensuit que, pour apprécier le risque de confusion, il est indispensable de déterminer le public pertinent visé par les produits en cause.

31      En l’espèce, la chambre de recours a, au point 8 de la décision attaquée, reproduit l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle, notamment, les produits compris dans la classe 25 étaient couverts à l’identique par les marques antérieures, et qu’ils s’adressaient au grand public, dont le niveau d’attention a été considéré comme moyen. Comme l’EUIPO le souligne à juste titre, la chambre de recours a ainsi implicitement, mais nécessairement, souscrit à l’appréciation de la division d’opposition, d’autant plus que les conclusions de cette dernière n’avaient pas été contestées par la requérante devant elle et que la chambre de recours avait considéré que c’était à bon droit que la division d’opposition avait rejeté l’opposition. Dans ces conditions, il convient de constater que la chambre de recours a fait sienne les constatations retenues par la division d’opposition s’agissant du public pertinent et de son niveau d’attention, nonobstant l’absence de constatation expresse à cet égard dans la décision attaquée.

32      Ce constat est corroboré par le point 23 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours relève que le public pertinent percevra les signes en conflit « sans autre réflexion et analyse approfondie ». C’est donc à tort que la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du public pertinent ni de son niveau d’attention dans le cadre de son appréciation.

33      Étant donné que la chambre de recours a retenu un niveau d’attention moyen du public pertinent pour les produits en cause, il n’y a, par ailleurs, aucune contradiction avec l’arrêt du 25 février 2016, Puma/OHMI – Sinda Poland (Représentation d’un animal) (T‑692/14, non publié, EU:T:2016:99, point 25), invoqué par la requérante, selon lequel, pour les chaussures et les chaussures de sport en tant que produits de grande consommation, le niveau d’attention à retenir dans l’appréciation du risque de confusion était moyen.

34      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen ne peut être accueillie.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une comparaison erronée des signes en conflit sur le plan visuel

35      La requérante fait valoir que les marques en conflit sont similaires, à tout le moins, à un degré supérieur à la moyenne. Leurs différences n’étant pas suffisamment importantes pour compenser leurs similitudes, l’impression générale visuelle serait similaire ou très similaire. La conclusion de la chambre de recours, aux points 26 et 28 de la décision attaquée, selon laquelle les marques ne présentent aucune similitude serait donc erronée.

36      Premièrement, les signes en conflit présenteraient tous les deux une bande blanche aux contours noirs, relativement incurvée, qui part du côté droit et penche vers le côté gauche, l’inclinaison étant pratiquement la même, en s’élargissant à la fin. Le fait que le signe demandé étire, en haut, la courbe vers la gauche ne permettrait pas de conclure que les marques sont substantiellement différentes et, encore moins, qu’elles ne présentent pas de similitudes, même faibles.

37      Deuxièmement, une superposition des marques en conflit permettrait de remarquer que seulement une extrémité a été ajoutée à la marque antérieure, comme une syllabe serait ajoutée à une marque verbale.

38      Troisièmement, selon la requérante, il aurait fallu tenir compte de l’examen concret des marques effectué par les consommateurs dans un marché qui se caractérise par des transactions rapides. Tel serait spécialement le cas des produits de grande consommation, qui font souvent l’objet d’achats coup de cœur, réalisés sans aucune analyse détaillée ou méticuleuse, de tels achats résultant plutôt, dans certains cas, d’une impulsion ou d’une envie spontanée.

39      Quatrièmement, la requérante invoque le fait que la similitude est d’autant plus manifeste si le signe demandé est apposé sur des chaussures. Il conviendrait d’envisager la possibilité que les signes en conflit occupent la même place sur le même type de produits. Selon la requérante, l’usage de la marque demandée sur une chaussure partiellement couverte par un pantalon présente une vue très similaire à celle des marques antérieures, étant donné que seulement la partie basse du signe demandé est visible, l’étirement de la courbe vers la gauche étant masqué. Selon la requérante, pour s’assurer de l’absence de risque de confusion, la manière dont les marques peuvent se présenter aux consommateurs ne devrait pas être entièrement écartée.

40      Cinquièmement, la requérante affirme que la chambre de recours a dénaturé la description de la marque allemande antérieure au point 20 de la décision attaquée, en concluant que l’intérieur de cette marque serait rempli de points. En effet, elle n’aurait pas intentionnellement demandé l’enregistrement de cette marque avec des points, mais leur apparition serait due aux imperfections techniques de la représentation visuelle du signe lors du dépôt de ladite marque antérieure en 1977.

41      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

42      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

43      À titre liminaire, il importe de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, sur les plans phonétique et conceptuel, il n’est pas possible de procéder à une comparaison des marques en cause étant donné qu’elles ne comportent pas d’éléments prononçables et n’ont pas de contenu sémantique discernable. La requérante conteste toutefois la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes sont différents sur le plan visuel.

44      À cet égard, aux points 22 et 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit coïncidaient dans la mesure où ils présentaient une ligne de base horizontale, bien que de largeur différente, et des variantes de simples lignes parallèles qui s’inclinaient vers la droite. Toutefois, elle a constaté que les marques antérieures présentaient des contours courbés, qui se rétrécissaient pour former des bandes, en forme de tube. Les signes antérieurs étaient visiblement plus étroites et continuaient de se rétrécir jusqu’à ce qu’elles soient coupées. Les lignes dans les marques antérieures formaient une courbe qui continuaient dans la même direction. En revanche, le signe demandé présentait des lignes s’inclinant vers la droite avant de virer ensuite dans la direction opposée en formant un angle aigu. Le signe demandé différait des signes antérieurs par la largeur de ses lignes (ou bandes), par l’angle de la montée, la courbe et son inclinaison. De surcroît, selon la chambre de recours, la partie intérieure de la marque allemande antérieure différait en ce qu’elle était constituée de points, contrairement au signe demandé. La chambre de recours a conclu que les signes en conflit créaient des impressions d’ensemble très différentes.

45      Afin de motiver la similitude visuelle alléguée, la requérante se fonde sur une description des signes en conflit (voir points 36 et 37 ci-dessus) qui néglige l’impression d’ensemble produite par le signe demandé, laquelle étant toutefois déterminante.

46      Selon la requérante, le signe demandé consiste en une bande qui part du côté droit et penche vers le côté gauche et qui étire, en haut, une courbe vers la gauche. Or, la requérante procède à une division artificielle du signe demandé, séparant ledit signe en deux parties, à savoir une première partie correspondant à une bande qui part du côté droit et penche vers le côté gauche et une deuxième partie que la requérante décrit comme un simple étirement de la bande vers la gauche.

47      Conformément à la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, le consommateur moyen percevra le signe demandé comme un tout. En tenant compte d’une impression d’ensemble, il convient de constater que ledit signe forme un crochet, ce qui exclut une quelconque similitude, même faible avec les signes antérieurs. La partie supérieure du signe demandé n’est pas le simple étirement d’une bande, mais se présente plutôt comme élément intégral et important de ce signe qui lui confère une impression globale très différente de celle des marques antérieures qui contiennent des bandes s’étendant strictement dans une même direction.

48      Par ailleurs, la requérante n’a pas contesté l’affirmation de la chambre de recours, au point 21 de la décision attaquée, selon laquelle les signes en conflit consistaient en des variantes de formes géométriques simples de sorte que même de petites différences étaient susceptibles d’entraîner des différences significatives dans leur perception.

49      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, aux points 22 et 23 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient visuellement très différents.

50      En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle une superposition des marques en conflit montre que les marques antérieures sont complètement incluses dans le signe demandé, il y a lieu de constater, à l’instar de l’intervenante et de l’EUIPO, que la partie supérieure des marques au-delà de la zone de chevauchement s’étend dans des directions différentes. Ainsi, il ne saurait être admis que les marques antérieures sont complètement incluses dans le signe demandé. Au demeurant, ainsi qu’il a été relevé au point 47 ci-dessus, le signe doit être perçu comme un tout et ne peut être décomposé. En outre, c’est à juste titre que l’EUIPO relève que les signes en conflit sont des signes figuratifs, de sorte que l’argument de la requérante fondé sur la comparaison avec des syllabes formant des marques verbales doit être rejeté.

51      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû tenir compte de l’examen concret effectué par les consommateurs des produits de grande consommation dans un marché qui se caractérise par des transactions rapides et des achats coup de cœur, réalisés sans analyse détaillée ou méticuleuse, il suffit d’observer que la chambre de recours a, tout comme la requérante, qualifié le niveau d’attention du public pertinent de moyen (voir points 31 à 33 ci-dessus).

52      S’agissant de l’argument de la requérante qui s’appuie sur l’hypothèse que la partie supérieure du signe demandé pourrait être masquée par un pantalon long lorsque le signe est apposé sur la partie latérale d’une chaussure ou de l’argument selon lequel, pour apprécier l’existence d’un risque de confusion, la manière dont les marques peuvent se présenter aux consommateurs ne devrait pas être entièrement écartée, la chambre de recours a estimé, en conformité avec une jurisprudence constante, rappelée à juste titre par l’EUIPO, que les signes doivent être comparés tels qu’ils ont été déposés ou enregistrés et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la façon dont ils sont susceptibles d’être utilisés sur le marché [voir arrêt du 16 octobre 2018, Asics/EUIPO – Van Lieshout Textielagenturen (Représentation de quatre lignes croisées), T‑581/17, non publié, EU:T:2018:685, points 42 et 43 et jurisprudence citée].

53      Enfin, doit également être rejeté le reproche d’une dénaturation de la description de la marque allemande antérieure, en ce que la chambre de recours a constaté, au point 20 de la décision attaquée, que l’intérieur du signe était rempli de points.

54      En effet, c’est la représentation du signe tel qu’il a été enregistré qui, en conformité avec la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, est déterminante. Or, il ressort du dossier et de la représentation de la marque allemande antérieure telle qu’enregistrée, produite par la requérante, que des points sont visibles dans la partie intérieure du signe. À cet égard, l’intention du demandeur de la marque est dénuée de pertinence.

55      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 26 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient visuellement différents et, partant, que lesdits signes étaient différents de sorte qu’aucun risque de confusion ne pouvait être constaté.

56      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures

57      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir apprécié le caractère distinctif des marques antérieures. Elle fait valoir que celles-ci jouissent, d’une part, d’un caractère distinctif intrinsèque élevé, et, d’autre part, d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage.

58      À cet égard, elle s’oppose au constat figurant au point 21 de la décision attaquée selon lequel les marques antérieures consistent en des formes curvilignes simples consistant en des variantes de formes géométriques simples. Le signe constituant les marques antérieures correspondrait à un concept et une forme techniques spécifiques et étudiés. L’inclinaison et la composition de la bande ne seraient ni une coïncidence ni le résultat de lignes préexistantes.

59      Le caractère distinctif des marques antérieures serait également élevé en raison de la renommée des marques antérieures sur le marché. L’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures, soit intrinsèque soit acquis par l’usage, serait particulièrement pertinente dans les circonstances où il n’existe qu’un faible degré de similitude entre les signes et où il y a lieu de vérifier si ce faible degré peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits. La requérante estime que la chambre de recours aurait dû apprécier, dans ce contexte, les éléments de preuve de l’usage des marques antérieures qu’elle a produits.

60      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.  

61      À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que, ayant conclu sans erreur à la différence des marques en conflit, la chambre de recours n’était tenue d’apprécier ni le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures, ni leur éventuel caractère distinctif acquis par l’usage.

62      En effet, la chambre de recours s’est appuyée à bon droit, au point 28 de la décision attaquée, sur la jurisprudence constante selon laquelle il ne saurait exister de risque de confusion entre les marques en cause, indépendamment du caractère distinctif élevé des marques antérieures ou de l’identité des produits, dans le cas où, en raison de la différence entre les signes, l’une des conditions nécessaires énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’est pas remplie (voir arrêts du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 53 et jurisprudence citée, et du 23 janvier 2014, OHMI/riha WeserGold Getränke, C‑558/12 P, EU:C:2014:22, point 42 et jurisprudence citée).

63      Par conséquent, comme l’a considéré à juste titre la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, il n’était pas nécessaire d’examiner les éléments de preuve produits par la requérante quant à l’usage des marques antérieures, ni de décider s’ils pouvaient justifier de conclure à l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage des marques antérieures pour les produits visés compris dans la classe 25.

64      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

65      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné les éléments de preuve produits afin de prouver la renommée exceptionnelle de ses marques. La chambre de recours n’aurait pas non plus analysé les arguments présentés par la requérante et n’aurait fait que reprendre, de manière résumée, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, les conclusions de la division d’opposition.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

67      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque toute similitude entre les signes en conflit est écartée, l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, tout comme son paragraphe 1, sous b), est manifestement inapplicable. C’est uniquement dans l’hypothèse où les marques en conflit présentent une certaine similitude, même faible, qu’il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si, nonobstant le faible degré de similitude entre celles-ci, il existe, en raison de la présence d’autres facteurs pertinents tels que la notoriété ou la renommée de la marque antérieure, un risque de confusion ou un lien entre ces marques dans l’esprit du public concerné [voir arrêt du 24 septembre 2019, Volvo Trademark/EUIPO – Paalupaikka (V V-WHEELS), T‑356/18, EU:T:2019:690, point 20 et jurisprudence citée]. Dès lors, il suffit de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 était soumise à cinq conditions cumulatives, dont la première exige que la marque demandée soit identique ou similaire à la marque antérieure et que, étant donné que les signes en conflit étaient différents, l’application de cette disposition était exclue.

68      Dans la mesure où la chambre de recours a procédé à l’appréciation de la renommée des marques antérieures, il s’agit d’une appréciation présentée à titre surabondant, comme il ressort clairement du point 32 de la décision attaquée. Par conséquent, la critique présentée par la requérante à cet égard est inopérante.

69      Partant, le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 ne saurait être accueilli.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de bonne administration

70      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir entrepris une analyse exhaustive de l’ensemble de la documentation et des décisions antérieures de la division d’opposition et des chambres de recours de l’EUIPO invoqués par la requérante pour étayer son argument selon lequel les marques antérieures jouissaient d’une renommée exceptionnelle.

71      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

72      Il ressort des points 62 et 67 ci-dessus, respectivement, que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), ainsi que de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 était exclue. En outre, il ressort du point 68 ci-dessus que la chambre de recours n’a procédé à l’examen des éléments de preuve visant à démontrer la renommée des marques antérieures au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 qu’à titre surabondant. L’argumentation de la requérante visant à faire valoir que, dans le cadre de cette appréciation, la chambre de recours n’a pas dûment tenu compte des décisions antérieures invoquées par elle est donc inopérante.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de bonne administration.

74      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant que celui-ci tend à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 octobre 2021 (affaire R 910/20214) en ce qu’elle rejette le recours contre la décision de la division d’opposition du 30 mars 2021 pour les produits autres que les « articles chaussants ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Puma SEest condamnée aux dépens.

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.