Language of document : ECLI:EU:T:2012:218

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 mai 2012 (*)

« Dumping — Importations d’éthanolamines originaires des États-Unis — Droit antidumping définitif — Expiration de mesures antidumping — Réexamen — Probabilité de continuation ou de réapparition du dumping — Article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 »

Dans l’affaire T‑158/10,

The Dow Chemical Company, établie à Midland, Michigan (États-Unis), représentée initialement par Mes J.-F. Bellis, R. Luff et V. Hahn, puis par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix, R. Szostak et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me G. Berrisch, avocat, et M. N. Chesaites, barrister,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée initialement par MM. H. van Vliet et M. França, puis par M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) no 54/2010 du Conseil, du 19 janvier 2010, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique (JO L 17, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er février 1994, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 229/94, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations dans la Communauté d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique et portant perception définitive des droits provisoires (JO L 28, p. 40).

2        Le 20 juillet 2000, à la suite d’un réexamen au titre du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22), ci-après le « règlement de base »], et en particulier au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement no 384/96 (devenu article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement de base), le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1603/2000, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique (JO L 185, p. 1). Le droit antidumping pour les importations provenant de la requérante, The Dow Chemical Company, a été fixé à 69,40 euros par tonne.

3        Le 23 octobre 2006, à la suite d’un réexamen au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement no 384/96, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1583/2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique (JO L 294, p. 2). Le règlement no 1583/2006 était applicable pendant une période de deux années. Il fixait le droit antidumping pour les importations provenant de la requérante à 59,25 euros par tonne.

4        Le 18 mars 2008, un avis d’expiration prochaine des mesures antidumping en vigueur a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 71, p. 13).

5        Le 25 juillet 2008, des producteurs représentant plus de 50 % du total de la production d’éthanolamines de l’Union européenne ont déposé une demande de réexamen des mesures antidumping en vigueur, au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 384/96.

6        Le 25 octobre 2008, la Commission des Communautés européennes a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique (JO C 270, p. 26).

7        Le 22 octobre 2009, la Commission a adressé à la requérante un document d’information générale et un document d’information spécifique. La Commission y relevait, notamment, que les importations provenant de la requérante n’avaient pas fait l’objet de dumping pendant la période d’enquête de réexamen, qui s’étendait sur la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 (ci-après la « période d’enquête de réexamen »). Par ailleurs, la Commission indiquait que la marge de dumping du deuxième producteur américain, Ineos Oxide LLC (ci-après « Ineos »), ayant coopéré à la procédure antidumping s’élevait à 11,9 %. La Commission attribuait la même marge de dumping aux producteurs américains qui n’avaient pas coopéré à la procédure antidumping. La Commission concluait en considérant qu’il existait un risque de réapparition du préjudice.

8        Le 6 novembre 2009, la requérante a fait part de ses observations sur les documents d’information qu’elle avait reçus de la Commission.

9        Le 19 janvier 2010, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 54/2010, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique (JO L 17, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Le règlement attaqué est applicable pendant une période de deux années. Il fixe le droit antidumping pour les importations provenant de la requérante à 59,25 euros par tonne. Le Conseil retient la probabilité de réapparition du préjudice en cas d’abrogation des mesures antidumping (considérant 91 du règlement attaqué). Au soutien de sa conclusion, le Conseil invoque, notamment, la poursuite du dumping pendant la période d’enquête de réexamen, les capacités inutilisées des producteurs américains, les droits antidumping imposés en Chine sur le produit concerné, la demande du produit concerné aux États-Unis et sur les marchés d’exportation de ce pays, le passage de la production de monoéthylène glycol à celle d’éthanolamines et le fait que les sociétés n’ayant pas coopéré à la procédure continueraient à avoir un intérêt à rester sur le marché de l’Union et à renforcer leurs activités d’exportation (considérant 81 du règlement attaqué).

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 9 avril 2010, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2010, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 23 août 2010, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

12      La composition des chambres du tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité le Conseil à répondre à certaines questions écrites. Le Conseil a répondu à ces questions par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 juillet 2011.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 septembre 2011.

15      Lors de l’audience, le Conseil a indiqué qu’il souhaitait apporter des corrections aux réponses écrites qu’il avait déposées au greffe du Tribunal le 15 juillet 2011. Le Conseil a été invité à présenter ces corrections par écrit, ce qu’il a fait dans le délai imparti. La requérante a été invitée à présenter des observations sur les corrections déposées par le Conseil, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.

16      La procédure orale a été clôturée le 31 octobre 2011.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      Le recours de la requérante repose sur un moyen unique, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Ce moyen se divise en sept branches, qui mettent en avant des erreurs manifestes dans l’établissement et l’appréciation des faits. La première branche est relative à la constatation d’un dumping pendant la période d’enquête de réexamen. La deuxième branche a trait à l’augmentation du dumping après la période d’enquête de réexamen. La troisième branche concerne les capacités de production inutilisées d’éthanolamines aux États-Unis. La quatrième branche est relative au détournement des échanges résultant des mesures antidumping appliquées par la Chine. La cinquième branche a trait à l’évolution de la demande aux États-Unis et sur d’autres marchés. La sixième branche concerne le passage de la production de monoéthylène glycol à celle d’éthanolamines. La septième branche est relative à la relation entre les prix aux États-Unis et les prix dans l’Union.

20      Le Tribunal estime opportun de se prononcer sur les première et troisième branches du moyen unique.

21      À titre liminaire, premièrement, il y a lieu de rappeler que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts de la Cour du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 40, et du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, Rec. p. I‑951, point 61). Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’examen de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice suppose l’évaluation de questions économiques complexes et que le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, Rec. p. II‑1757, points 45 et 46).

22      Deuxièmement, selon l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, « à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice ». Il ressort de ce texte, tout d’abord, que l’expiration d’une mesure après cinq ans est la règle, alors que son maintien constitue une exception. Ensuite, le maintien d’une mesure dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Enfin, il ressort de cette disposition qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du dumping et du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice ait été constatée positivement, sur la base d’une enquête, par les autorités compétentes (arrêts du Tribunal Euroalliages/Commission, point 21 supra, points 41, 42 et 57, et du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01, Rec. p. II‑2359, point 37).

 Sur la première branche du moyen unique, relative à la constatation d’un dumping pendant la période d’enquête de réexamen

 Arguments des parties

23      La requérante, renvoyant au considérant 80 du règlement attaqué, relève que l’existence d’un dumping de 11,9 % n’a été formellement constatée que pour une seule société, à savoir Ineos. Les importations en provenance de cette société, qui aurait été liée à l’un des plaignants, n’auraient toutefois représenté qu’une faible part des importations totales d’éthanolamines en provenance des États-Unis. La grande majorité de ces importations, à savoir plus de 85 %, proviendraient, en fait, de la requérante. Or, la marge de dumping de la requérante serait de ‑ 7 % (c’est-à-dire une absence de dumping). La constatation d’un dumping de la part d’Ineos ne serait donc pas représentative.

24      Par ailleurs, les institutions auraient imputé la marge de dumping d’Ineos à un troisième producteur américain, qui serait d’importance très marginale et qui n’aurait pas coopéré à l’enquête. Or, rien ne permettrait de considérer, contrairement à l’affirmation du Conseil reprise au considérant 116 du règlement attaqué, que ce producteur se livrerait nécessairement à du dumping s’il devait reprendre ses ventes à l’exportation vers l’Union.

25      En tout état de cause, la marge moyenne pondérée de dumping au niveau national pour les importations d’éthanolamines en provenance des États-Unis pendant la période d’enquête de réexamen serait de ‑ 4,5 % (c’est-à-dire une absence de dumping). La requérante renvoie, à cet égard, à une autre affaire dans laquelle la Commission aurait utilisé une marge moyenne pondérée de dumping au niveau national pour fonder ses conclusions. La requérante précise qu’elle ne soutient pas que l’article 9, paragraphe 3, du règlement de base s’applique dans le contexte de l’article 11, paragraphe 2, du même règlement. Elle aurait mentionné cette affaire pour préciser que le dumping d’un ou de deux exportateurs ne devait pas occulter l’absence de dumping au niveau national. La requérante souligne également que, dans ses écritures devant le Tribunal, le Conseil reconnaîtrait que les institutions, dans le cadre d’un réexamen, devraient effectuer une analyse à l’égard du pays exportateur concerné. Cela impliquerait que le dumping devrait être évalué pour les importations en provenance des États-Unis dans leur ensemble. En l’espèce, le Conseil reconnaîtrait que les institutions n’ont pas constaté que les importations en provenance des États-Unis dans leur ensemble avaient effectivement fait l’objet d’un dumping. Par ailleurs, le Conseil estimerait également pouvoir fonder une conclusion de continuation du dumping sur l’existence d’un dumping, effectif ou imputé, concernant des exportateurs représentant moins de 10 % des importations concernées. Le Conseil se contredirait toutefois dans la mesure où, durant la procédure, les institutions auraient défendu la position selon laquelle un réexamen de mesures arrivant à expiration n’était pas une enquête concernant les importations en provenance d’un seul exportateur. Enfin, le rapport de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) invoqué par le Conseil dans ses écritures confirmerait que les institutions devraient procéder à une évaluation de la marge de dumping « par produit ». En l’espèce, cette marge de dumping serait négative.

26      Le Conseil indique que la conclusion reprise au considérant 80 du règlement attaqué ne révélerait aucune erreur. Il ressortirait des conclusions spécifiques relatives au dumping, énoncées au considérant 23 du règlement attaqué, que les institutions n’ont pas feint d’établir la marge de dumping réelle de deux producteurs américains. Par ailleurs, pour ce qui est du fait avancé par la requérante selon lequel la constatation d’un dumping de la part d’Ineos ne serait pas représentative, le Conseil précise que les institutions ne sont pas tenues d’établir l’existence d’un dumping pour chaque exportateur pris individuellement, puisque les marges de dumping et les droits antidumping correspondants ne peuvent pas être modifiés dans le cadre d’un réexamen de ce type. Il importerait, en fait, de déterminer s’il existe toujours un dumping au départ du pays exportateur concerné. Cette approche aurait été confirmée par un rapport de l’organe d’appel de l’OMC. À cet égard, l’assertion de la requérante selon laquelle ledit rapport confirmerait que les institutions devraient procéder à une évaluation de la marge de dumping « par produit » serait fausse. Les constatations de l’organe d’appel de l’OMC viseraient l’article 9.2 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3), qui s’applique aux enquêtes initiales, et non l’article 11.3 dudit accord. Enfin, l’allégation de la requérante ne tiendrait pas compte de la marge de dumping qu’il conviendrait d’imputer au troisième producteur américain visé par la requérante dans ses écritures.

27      S’agissant du troisième producteur américain visé par la requérante dans ses écritures, le Conseil renvoie au considérant 29 du règlement attaqué et considère, en substance, que ledit producteur ne serait pas d’une importance très marginale.

28      S’agissant du fait, avancé par la requérante, que la marge de dumping pour les importations du produit concerné en provenance des États-Unis était de ‑ 4,5 %, le Conseil soutient que les institutions n’ont pas constaté que les importations en provenance des États-Unis dans leur ensemble, comme l’indique la requérante, avaient effectivement fait l’objet d’un dumping. Par ailleurs, le Conseil soutient que les institutions ne sont pas obligées d’établir l’existence d’un dumping pour chaque exportateur pris individuellement, ni de calculer une marge de dumping à l’échelle nationale. L’affaire visée par la requérante dans ses écritures ne serait pas pertinente, car elle avait trait à une enquête ouverte au titre de l’article 5 du règlement de base. Or, les modalités de clôture de ce type d’enquête, prévues par l’article 9, paragraphe 3, du règlement de base, ne s’appliqueraient pas aux enquêtes de réexamen au titre de l’article 11, paragraphe 2, du même règlement.

 Appréciation du Tribunal

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le règlement attaqué contient un point C intitulé « Probabilité de continuation ou de réapparition du dumping ». Au considérant 17 du règlement attaqué, le Conseil précise qu’« il a été procédé à un examen pour savoir si un dumping existait ».

30      Au considérant 23 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué que la comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et la moyenne pondérée des prix à l’exportation avait « révélé l’existence d’un dumping ». À cet égard, le Conseil a constaté que la marge de dumping de la requérante était de 0 % (la marge réelle calculée étant de - 7 %) et que la marge de dumping d’Ineos était de 11,9 %. Cette dernière marge de dumping a par ailleurs été attribuée aux autres exportateurs qui n’ont pas coopéré à la procédure antidumping.

31      Au considérant 24 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué que, en plus de l’analyse de l’« existence d’un dumping », il a été procédé à un examen de la probabilité d’une « continuation du dumping ».

32      Au considérant 25 du règlement attaqué, dans le cadre de l’analyse du niveau de dumping en cas d’abrogation des mesures, le Conseil a précisé que, « [s]i les prix à l’exportation étaient réduits proportionnellement au niveau des droits, les marges de dumping observées pendant la période d’enquête de réexamen seraient de 12 % pour [Ineos] et pour les tiers n’ayant pas coopéré (conformément à l’article 18 du règlement de base), alors qu’il n’y aurait toujours pas de dumping pour [la requérante] ».

33      L’examen mené par le Conseil l’a conduit à conclure qu’il existait une probabilité de « continuation du dumping » (considérant 51 du règlement attaqué).

34      Au considérant 74 du règlement attaqué, dans le cadre de l’analyse de la situation de l’industrie communautaire, le Conseil a rappelé que « le dumping s’[était] poursuivi pendant la période d’enquête de réexamen ».

35      Au considérant 80 du règlement attaqué, dans le cadre de l’analyse de la probabilité de réapparition du préjudice, le Conseil a indiqué que « la poursuite du dumping pendant la période d’enquête de réexamen [avait] été établie pour deux producteurs-exportateurs américains ».

36      Enfin, aux considérants 113 et 114 du règlement attaqué, le Conseil a conclu en indiquant que « [l]’enquête a[vait] montré qu’il existait une probabilité de continuation du dumping (y compris d’une augmentation du volume des importations faisant l’objet d’un dumping) ainsi que d’une réapparition du préjudice » et que, « [m]ême en tenant compte du fait que l’un des deux producteurs-exportateurs ayant coopéré ne pratiquait pas de dumping et (donc) en supposant que sa part des importations américaines ne fer[ait] pas l’objet d’un dumping, les conditions du maintien des droits sur la base de l’article 11, paragraphe 2, [seraient] remplies ».

37      Il découle de ces éléments que, pour conclure à la nécessité de maintenir en vigueur les mesures antidumping, le Conseil s’est fondé exclusivement sur une probabilité de continuation du dumping. Le Conseil n’a pas invoqué de probabilité de réapparition du dumping. Par ailleurs, pour conclure qu’il existait une probabilité de continuation du dumping, le Conseil s’est fondé, notamment, sur le fait que le dumping avait persisté pendant la période d’enquête de réexamen. Enfin, la conclusion du Conseil selon laquelle le dumping avait persisté durant la période d’enquête de réexamen repose sur le fait que deux producteurs-exportateurs avaient pratiqué du dumping. Le Conseil n’a pas indiqué que le dumping avait persisté de la part de la requérante, ni qu’il était susceptible de réapparaître. Il en résulte également implicitement, mais nécessairement, que le Conseil a établi un lien entre le dumping pratiqué par deux producteurs-exportateurs pendant la période d’enquête de réexamen et la probabilité de continuation du dumping si les mesures devaient être abrogées.

38      La requérante estime, en substance, notamment, que le Conseil ne pouvait pas faire abstraction du fait qu’elle n’avait pas pratiqué de dumping pendant la période d’enquête de réexamen.

39      Premièrement, il y a lieu de souligner que le Conseil s’est fondé, en l’espèce, sur une probabilité de continuation du dumping, en estimant notamment que le dumping avait persisté pendant la période d’enquête de réexamen.

40      Deuxièmement, il convient de relever que le terme « dumping », tel que repris à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, n’est pas défini. Toutefois, eu égard à l’économie du règlement de base, et en l’absence d’indication contraire, il y a lieu de considérer que le terme « dumping », repris à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, a la même signification que le terme « dumping », défini à l’article 1er dudit règlement qui porte sur les « principes ».

41      Troisièmement, au sens de l’article 1er du règlement de base, et en particulier de ses paragraphes 1 et 2, le dumping fait référence à un produit qui est mis en libre pratique dans l’Union européenne. C’est lorsque ledit produit fait l’objet d’un dumping et qu’il cause un préjudice que les institutions pourront, sous réserve d’autres conditions, imposer des mesures antidumping.

42      Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que les procédures antidumping concernent en principe toutes les importations d’une certaine catégorie de produits à partir d’un pays tiers et non les importations des produits d’entreprises déterminées (arrêt de la Cour du 7 décembre 1993, Rima Eletrometalurgia/Conseil, C‑216/91, Rec. p. I‑6303, point 17). En outre, au titre de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit.

43      Cinquièmement, il convient de souligner que, dans le cadre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, les institutions peuvent soit maintenir soit laisser expirer les mesures en vigueur. Elles ne peuvent pas modifier lesdites mesures pour tenir compte, notamment, du fait que certaines entreprises n’auraient pas pratiqué de dumping.

44      Il résulte de ce qui précède que la notion de continuation du dumping, reprise à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, recouvre le dumping dont fait l’objet le produit concerné en provenance d’un pays tiers et non seulement le dumping pratiqué par certaines entreprises, comme l’a d’ailleurs reconnu le Conseil dans ses écritures.

45      En l’espèce, d’une part, il ressort des éléments versés aux débats que les importations en provenance de la requérante représentaient la grande majorité des importations en provenance des États-Unis pendant la période d’enquête de réexamen, à savoir plus de 85 % en volume, ce que le Conseil ne conteste pas. D’autre part, si les importations en provenance de la requérante avaient été dûment prises en compte dans l’analyse des institutions, celles-ci n’auraient pas pu parvenir à la conclusion que le dumping, pour le produit concerné originaire des États-Unis, avait persisté pendant la période d’enquête de réexamen. En effet, dans ce cas, les institutions auraient dû constater que la grande majorité des importations en provenance des États-Unis, à savoir plus de 85 % en volume, avaient été réalisées sans dumping. Cette situation aurait dû conduire, au demeurant, à constater que la marge moyenne pondérée pour les importations du produit en cause originaires des États-Unis était négative (c’est-à-dire une absence de dumping), comme il ressort des calculs effectués par la requérante et qui n’ont pas été infirmés par le Conseil. Dans ces conditions, le Conseil n’aurait pas pu arriver à la conclusion que le dumping avait perduré pendant la période d’enquête de réexamen, ni qu’il existait une probabilité de continuation du dumping. Le Conseil aurait dès lors dû démontrer qu’il existait une probabilité de réapparition du dumping.

46      En tout état de cause, même à supposer que le terme de continuation du dumping, tel que repris à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, puisse être interprété comme visant, en fait, le dumping des entreprises prises individuellement ou de certaines d’entre elles, il convient de relever que, s’agissant de la requérante, les institutions ne pouvaient pas conclure à la persistance du dumping, ce qu’elles n’ont d’ailleurs pas fait. Par ailleurs, au considérant 25 du règlement attaqué, le Conseil précise que, en cas d’abrogation des mesures, « il n’y aurait toujours pas de dumping pour [la requérante] ». Dans ces conditions, il aurait fallu que les institutions, en plus de démontrer la probabilité d’une continuation du dumping (pour les deux autres producteurs-exportateurs) démontrent, s’agissant de la requérante, une probabilité de réapparition du dumping. Or, le règlement attaqué ne contient aucun élément à cet égard.

47      Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de considérer que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à la persistance du dumping pendant la période d’enquête de réexamen et, donc, sur cette base, en retenant une probabilité de continuation du dumping. Il convient, dès lors, d’accueillir la première branche du moyen unique et d’annuler, en conséquence, le règlement attaqué, en tant qu’il concerne la requérante.

 Sur la troisième branche du moyen unique, relative aux capacités de production inutilisées d’éthanolamines aux États-Unis

 Arguments des parties

48      La requérante considère que l’allégation du Conseil, reprise au considérant 28 du règlement attaqué, qui fait état de capacités de production inutilisées aux États-Unis, n’est pas justifiée. Il s’agirait d’un élément essentiel permettant d’asseoir la conclusion des institutions selon laquelle les mesures antidumping doivent être maintenues pour une période supplémentaire de deux ans, comme le relèverait le considérant 117 du règlement attaqué. La requérante aurait signalé, durant la procédure administrative, que l’estimation avancée par les institutions (70 000 tonnes) reposait sur un calcul erroné, étant donné qu’il comparait la production maximale possible (c’est-à-dire la capacité effective de l’industrie) à la consommation américaine totale, plutôt qu’à la production américaine totale. À la suite des commentaires de la requérante, les institutions auraient indiqué avoir modifié leur méthode de calcul. Toutefois, le Conseil aurait fait référence, au considérant 26 du règlement attaqué, aux données justifiant le calcul d’origine des capacités inutilisées. En réalité, le rapport économique visé au considérant 26 du règlement attaqué montrerait qu’il n’existe pas de capacités de production inutilisées aux États-Unis, lorsque la capacité de production est comparée avec la production américaine réelle. L’industrie américaine aurait fonctionné au maximum de ses capacités de production. La requérante ajoute que, dans le cadre de ses écritures devant le Tribunal, le Conseil continue de confondre les capacités inutilisées de production et l’offre excédentaire sur le marché américain. Par ailleurs, s’agissant du fait avancé par le Conseil selon lequel la requérante fonctionnait à 80 % de sa pleine capacité nominale, il y aurait lieu de tenir compte des cyclones qui ont touché les États de la Louisiane et du Texas (États-Unis) pendant la période d’enquête de réexamen et qui ont entraîné la fermeture d’usines, comme le confirmerait une publication citée par le règlement attaqué. Dans ce contexte, la capacité effective de production aurait chuté et le taux d’utilisation des capacités de production de la requérante aurait été de 98,7 %.

49      Le Conseil indique que les institutions ont effectivement modifié leur méthode de calcul en cours de procédure (pour parvenir à un calcul définitif de 60 000 tonnes de capacités de production inutilisées). Toutefois, contrairement à ce que pourraient laisser penser les écritures de la requérante, la méthode de calcul retenue dans le règlement attaqué serait bien celle qui résulte de la modification et non celle qui contenait initialement, selon la requérante, une erreur. Cela ressortirait des termes employés au considérant 26 du règlement attaqué et des éléments fournis à la requérante durant la procédure. Le Conseil précise, à cet égard, que les capacités inutilisées ont été calculées en retranchant des capacités de production effectives le volume de production réel. Les institutions auraient estimé que le niveau des capacités de production effectives s’élèverait à 90 % de la capacité nominale totale. Pour déterminer le volume de production réel, les institutions se seraient fondées sur des informations selon lesquelles la requérante fonctionnait à 80 % de sa pleine capacité nominale. Ce taux, selon le Conseil, a également été appliqué au producteur-exportateur n’ayant pas coopéré. Le fait que, par ailleurs, au même considérant, le Conseil ait mentionné la différence importante entre la capacité nominale totale aux États-Unis et la demande dans ce pays ne prouverait nullement qu’il ait fondé son calcul des capacités de production inutilisées sur une comparaison entre ces deux éléments.

50      S’agissant du fait avancé par la requérante selon lequel l’industrie américaine aurait fonctionné au maximum de ses capacités de production, il serait contredit par les éléments qu’elle a fournis durant la procédure concernant l’utilisation de ses propres capacités de production (à savoir 80 % durant la période d’enquête de réexamen). Par ailleurs, les éléments visés par la requérante dans ses écritures, replacés dans leur contexte, n’appuieraient pas sa conclusion. En outre, les éléments avancés par la requérante concernant les cyclones qui ont touché les États de la Louisiane et du Texas pendant la période d’enquête de réexamen n’auraient pas été fournis pendant la procédure administrative. La requérante ne pourrait donc pas s’appuyer sur ces éléments pour faire constater une erreur manifeste d’appréciation commise par les institutions. Les allégations de la requérante ne seraient pas, au demeurant, étayées par des éléments de preuve. En tout état de cause, le considérant 26 du règlement attaqué démontrerait que les institutions ont tenu compte de l’impact des cyclones qui ont touché les États de la Louisiane et du Texas pendant la période d’enquête de réexamen. La requérante ne contesterait pas ce point.

51      Quant au rapport économique mentionné par la requérante dans ses écritures et visé au considérant 26 du règlement attaqué, il confirmerait l’existence de capacités de production potentielles inutilisées aux États-Unis. En particulier, ce rapport démontrerait qu’il existe une offre excédentaire sur le marché américain. Cette offre excédentaire, outre les capacités de production inutilisées, confirmerait l’existence de capacités de production inutilisées par rapport à la consommation intérieure. Enfin, le Conseil souligne que l’affirmation formulée au considérant 117 du règlement attaqué visait, en fait, à justifier la « limitation » du maintien des mesures antidumping à une période de deux années au lieu de cinq.

 Appréciation du Tribunal

52      Le Conseil a indiqué, au considérant 26 du règlement attaqué, que les capacités inutilisées de production d’éthanolamines aux États-Unis s’élevaient à 60 000 tonnes pendant la période d’enquête de réexamen.

53      Premièrement, il y a lieu de relever que le considérant 26 du règlement attaqué révèle une incohérence quant aux éléments pertinents pris en compte aux fins de déterminer les capacités de production inutilisées aux États-Unis. En effet, alors que le Conseil indique, audit considérant, avoir fondé son calcul « sur la base des volumes produits par les deux producteurs-exportateurs ayant coopéré à l’enquête, du fait que, normalement, les taux de production attendus s’élèvent à environ 90 % de la capacité nominale [de production], de l’hypothèse que les rendements effectifs des producteurs américains n’ayant pas coopéré à l’enquête n’auraient pas été inférieurs à 80 % de la capacité nominale [de production], ainsi que d’informations fournies par d’importantes publications professionnelles », le Conseil renvoie également, à deux reprises, à une appréciation fondée sur la consommation intérieure aux États-Unis. Plus précisément, tout d’abord, le Conseil indique que, « [c]omparée à une capacité totale nominale des États-Unis estimée à 732 000 tonnes, la demande totale estimée, y compris la consommation captive, s’élève à 588 000 tonnes » et que « [c]e taux d’utilisation relativement faible des capacités est dû à un certain nombre d’incidents ». Ensuite, le Conseil précise que « [l]’existence de capacités de production potentielles inutilisées aux États-Unis en 2007 et en 2008, c’est-à-dire pendant une période couverte par la période d’enquête de réexamen, est aussi confirmée par une importante publication annuelle qui analyse le marché de l’éthanolamine » et que « [c]elle-ci a évalué pour 2007 une offre excédentaire de 65 000 tonnes sur le marché américain ». Or, comme le reconnaît le Conseil, en substance, dans ses écritures, le calcul du niveau d’utilisation des capacités de production ne prend pas en compte la consommation intérieure. Le Conseil a d’ailleurs indiqué, pendant l’audience, que le libellé du considérant 26 du règlement attaqué pouvait apparaître, à cet égard, comme étant peu clair.

54      Deuxièmement, il ressort des réponses écrites du Conseil aux questions posées par le Tribunal que la méthodologie suivie pour calculer les capacités de production inutilisées aux États-Unis est incertaine, voire incohérente par rapport aux éléments de preuve invoqués en l’espèce. En effet, tout d’abord, alors que le Conseil a affirmé dans un premier temps que la production effective de la requérante et d’Ineos avait été soustraite de la capacité de production effective aux États-Unis, le Conseil a finalement précisé que la production effective d’Ineos avait été soustraite de la capacité nominale totale de production aux États-Unis, avant de calculer la capacité de production effective dans ce pays. Ensuite, alors que la production effective d’Ineos a été soustraite de la capacité nominale totale de production aux États-Unis, les productions effectives de la requérante et des autres producteurs qui n’avaient pas coopéré à l’enquête auraient été soustraites, selon le Conseil, de la capacité de production effective dans ce pays. Or, aucun élément circonstancié n’a été présenté qui pourrait justifier le fait que les productions effectives des entreprises en cause ont été soustraites, pour certaines, de la capacité nominale totale de production aux États-Unis et, pour d’autres, de la capacité de production effective dans ce pays.

55      Troisièmement, l’« importante publication annuelle qui analyse le marché de l’éthanolamine » (à savoir Chemical Economics Handbook Product Review, « Ethanolamines », SRI Consulting, ci-après le « rapport SRI »), invoquée par le Conseil au considérant 26 du règlement attaqué, contredit l’existence de capacités de production inutilisées aux États-Unis pour un volume de 60 000 tonnes. En effet, compte tenu des données du rapport SRI et de la méthode utilisée par le Conseil pour déterminer la capacité de production effective d’éthanolamines aux États-Unis (c’est-à-dire la capacité nominale multipliée par un taux de 90 %), la capacité de production inutilisée dans ce pays était de 8 000 tonnes en novembre 2008 (soit un mois après la fin de la période d’enquête de réexamen), ce que relève à juste titre la requérante dans ses écritures sans être contredite par le Conseil. Même en prenant en compte un taux de 95 % pour calculer la capacité de production effective — et à supposer qu’une telle substitution soit envisageable —, le résultat serait de 45 400 tonnes, soit un chiffre inférieur de près de moitié par rapport aux 85 000 tonnes mentionnées au considérant 26 du règlement attaqué et correspondant à un calcul effectué avec « des taux de production plus ambitieux », c’est-à-dire un taux de 95 % comme l’a confirmé le Conseil dans ses écritures. Par ailleurs, s’agissant de l’année 2007 (la période d’enquête de réexamen comprenant les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2007), les données du rapport SRI permettent de déterminer une capacité de production inutilisée de 5 650 tonnes au maximum.

56      Quatrièmement, il y a lieu de relever que le rapport SRI mentionne, à plusieurs reprises, le fait que le taux d’utilisation des capacités de production était très élevé aux États-Unis.

57      Cinquièmement, il convient de souligner que le niveau de production pendant la période d’enquête de réexamen a été affecté par les cyclones Gustav et Ike (septembre 2008), ce que reconnaît expressément le Conseil au considérant 26 du règlement attaqué. Plus précisément, le Conseil indique que le taux d’utilisation relativement faible des capacités de production est dû à un certain nombre d’incidents qui ont eu lieu ces dernières années, notamment « l’impact des cyclones Gustav et Ike sur certaines installations de production du produit ou de production de matières premières ». Il précise que, « [e]n ce qui concerne les cyclones Ike et Gustav, leur impact se faisait encore quelque peu sentir pendant la période d’enquête de réexamen, mais il a disparu par la suite ». Le Conseil relève par la suite, en se référant à une publication professionnelle, que « [l’impact des cyclones Ike et Gustav] est évalué, selon les estimations effectuées en 2008 par PCI Consulting Group (PCI), à une perte de production de 39 000 tonnes ». Cependant, il ne ressort pas du règlement attaqué, et en particulier du considérant 26, que le Conseil ait tenu compte, dans son appréciation des capacités de production inutilisées, des phénomènes conjoncturels, en particulier l’effet des cyclones Ike et Gustav. Le Conseil affirme pourtant, dans sa duplique, que « les institutions ont tenu compte de l’impact des cyclones Gustav et Ike sur la production américaine globale lorsqu’elles ont calculé le niveau des capacités inutilisées aux États-Unis et [qu’]elles se sont fondées sur une estimation faisant état d’une perte de production de 39 000 tonnes dans ce pays ». Toutefois, aucun élément circonstancié n’a été apporté devant le Tribunal permettant de considérer que le volume de 39 000 tonnes, visé au considérant 26 du règlement attaqué, aurait effectivement été intégré dans le calcul des capacités de production inutilisées aux États-Unis. En réponse à une question posée par le Tribunal, à cet égard, le Conseil a tout d’abord indiqué que les institutions avaient utilisé dans leur calcul la capacité nominale de production (c’est-à-dire 732 000 tonnes) figurant dans le rapport SRI, qui tenait déjà compte de l’impact des cyclones Gustav et Ike. Le Conseil a, par la suite, précisé que sa réponse était inexacte et indiqué que seules les informations figurant dans le rapport SRI sur les capacités effectives de production (et non celles sur la capacité nominale de production) tenaient compte des perturbations causées par les cyclones Gustav et Ike. Cependant, le Conseil a également précisé, dans le cadre des questions écrites posées par le Tribunal, que les institutions n’avaient pas utilisé les données du rapport SRI, à l’exception de celle portant sur la capacité nominale de production. Il est donc constant que le Conseil n’a pas utilisé les données figurant dans le rapport SRI concernant les capacités effectives de production. Il en résulte que, contrairement à ce que pouvait suggérer la première réponse donnée par le Conseil, qu’il a corrigée par la suite, rien ne permet de considérer que les institutions auraient utilisé des données qui prenaient déjà en compte l’impact des cyclones Gustav et Ike sur la production d’éthanolamines aux États-Unis ou que ledit impact aurait été intégré dans le calcul des capacités de production inutilisées aux États-Unis.

58      Sixièmement, aucun autre élément circonstancié n’a été avancé devant le Tribunal qui permettrait de justifier le volume de 60 000 tonnes de capacités inutilisées de production d’éthanolamines aux États-Unis avancé par le Conseil dans le règlement attaqué compte tenu, notamment, des incohérences et contradictions relevées précédemment.

59      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve avancés par le Conseil pour conclure qu’il existait 60 000 tonnes de capacités de production inutilisées d’éthanolamines aux États-Unis sont soit incohérents, soit en contradiction avec des éléments pertinents devant être pris en considération. Il en résulte que le Conseil a commis, en l’espèce, une erreur manifeste d’appréciation en déterminant le niveau de capacités de production inutilisées d’éthanolamines aux États-Unis à 60 000 tonnes. Il convient d’ajouter que cette erreur a eu une incidence sur la conclusion générale reprise au considérant 26 du règlement attaqué, puisque, sur cette base, le Conseil a indiqué qu’il « exist[ait] un potentiel d’accroissement des exportations des États-Unis et de prise de contrôle d’une partie du marché de l’Union ».

60      Il convient dès lors d’accueillir la troisième branche du moyen unique et d’annuler, également sur cette base, le règlement attaqué, en tant qu’il concerne la requérante.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

62      Conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, la Commission, qui est intervenue au soutien du Conseil, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) no 54/2010 du Conseil, du 19 janvier 2010, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’éthanolamines originaires des États-Unis d’Amérique, est annulé en tant qu’il concerne The Dow Chemical Company.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par The Dow Chemical Company.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.