Language of document : ECLI:EU:T:2022:598

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Body-Star – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Bodyguard – Motif relatif de refus – Article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement »

Dans l’affaire T‑599/21,

bett1.de GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me O. Brexl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

XXXLutz Marken GmbH, établie à Wels (Autriche), représentée par Me H. Pannen, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, bett1.de GmbH, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 juillet 2021 (affaire R 1712/2020-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 18 juin 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 19 janvier 2018 pour le signe verbal Body-Star.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 10, 20 et 24 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 10 : « Matelas à réduction de pression ; coussinets pour empêcher la formation d’escarres ; lits hydrostatiques à usage médical ; matelas à air à usage médical » ;

–        classe 20 : « Matelas ; surmatelas ; lits ; cadres de lit ; sommiers à lattes pour lits ; matériel de couchage (à l’exclusion du linge) ; coussins ; oreillers ; oreillers de confort cervical ; lits d’eau ; matelas pneumatiques » ;

–        classe 24 : « Jetés de lit ; linge de lit et couvertures ; toile à matelas ; housses de matelas ; housses de matelas et d’oreillers ; sacs de couchage ».

4        La demande en nullité était fondée sur la marque de l’Union européenne antérieure Bodyguard, désignant les produits relevant de la classe 20 et correspondant à la description suivante : « Matelas ; rembourrage pour matelas ; surmatelas ; sommiers à latte pour matelas ; coussins pour matelas ; matelas [autres que matelas d’accouchement] ».

5        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

6        Le 30 juin 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité. Plus particulièrement, elle a considéré que tous les produits en cause étaient similaires ou identiques et que les marques en conflit présentaient une similitude forte ou moyenne sur les plans visuel et phonétique. Sur le plan conceptuel, elle a considéré que, pour le public qui comprenait les éléments verbaux des marques en conflit, les marques étaient similaires en raison de l’élément commun « body » et que, pour le public qui comprendrait les marques dans leur ensemble et qui en percevrait le sens, elles devaient être distinguées. La division d’annulation a donc conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 à l’égard de tous les produits désignés par la marque contestée.

7        Le 19 août 2020, l’intervenante, XXXLutz Marken GmbH, a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours dans sa totalité. En particulier, elle a considéré que, s’agissant de la comparaison des produits, il y avait lieu d’approuver la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les produits désignés par la marque antérieure étaient similaires ou identiques aux produits litigieux relevant des classes 20 et 24. Toutefois, contrairement à la division d’annulation, elle a considéré que les produits litigieux relevant de la classe 10 ne présentaient pas de similitude avec les produits désignés par la marque antérieure relevant de la classe 20. S’agissant de la comparaison des signes, la chambre de recours a relevé, contrairement à la division d’annulation, qu’il existait seulement une similitude moyenne entre les marques en conflit sur les plans visuel et phonétique. Sur le plan conceptuel, elle a estimé que, en fonction du niveau de compréhension des signes en conflit que pouvaient en avoir les consommateurs, soit il n’existait pas de similitude, soit celle-ci était seulement faible.

9        Enfin, la chambre de recours a constaté qu’un risque de confusion à l’égard des produits visés par la marque contestée relevant de la classe 10 était exclu compte tenu du fait qu’ils étaient différents des produits visés par la marque antérieure. De même, s’agissant des produits relevant des classes 20 et 24, elle a considéré, en substance, que les similitudes entre les marques en conflit n’étaient pas suffisantes pour conclure à l’existence d’un risque de confusion. Elle a donc conclu à l’absence d’un risque de confusion pour tous les produits litigieux et a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où celle-ci avait prononcé la nullité de la marque contestée.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Elle conteste, en substance, les appréciations de la chambre de recours concernant le public pertinent, la comparaison des produits et des signes en conflit et l’appréciation globale du risque de confusion.

13      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

14      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

15      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

16      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

17      Il convient de rappeler que, par « consommateur moyen », il n’y a pas lieu d’entendre le seul consommateur faisant partie du « grand public », mais le consommateur faisant partie du public spécifiquement ciblé par les produits et les services en cause. Ainsi, le « consommateur moyen » peut être un professionnel hautement spécialisé si les produits et les services en cause s’adressent spécifiquement à un tel public, même s’il n’est pas exclu que ces produits et ces services soient également, à l’occasion, achetés par des consommateurs profanes faisant partie du grand public [arrêt du 8 novembre 2017, Steiniger/EUIPO – ista Deutschland (IST), T‑80/17, non publié, EU:T:2017:784, point 25].

18      La chambre de recours a considéré que le territoire à prendre en compte était celui de l’ensemble de l’Union européenne et que les produits relevant des classes 20 et 24 s’adressaient au grand public dont le niveau d’attention pouvait varier de moyen à « accru », en fonction de la complexité et du prix du produit concerné. En ce qui concerne les produits relevant de la classe 10, elle a relevé qu’il y avait lieu de tenir compte du public professionnel spécialisé dont le niveau d’attention serait élevé et également du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention « accru », dans la mesure où lesdits produits étaient susceptibles d’améliorer la santé et d’être choisis sans assistance.

19      La requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours en ce qui concerne la détermination du public pertinent et son niveau d’attention à l’égard des produits relevant des classes 20 et 24. Toutefois, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 10, elle conteste la définition du public pertinent faite par la chambre de recours ainsi que son niveau d’attention. À cet égard, elle fait valoir que tout le monde peut acheter les produits en cause sans nécessiter de conseil ni même une condition médicale préexistante. Lesdits produits ne seraient d’ailleurs pas uniquement vendus dans des magasins spécialisés et il serait possible de les acquérir à un prix modeste.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le territoire pertinent à prendre en compte est celui de l’Union et que les produits relevant des classes 20 et 24 s’adressent au grand public dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé, en fonction du produit concerné. Ces constatations ne sont, au demeurant, pas contestées par les parties.

22      S’agissant des produits relevant de la classe 10, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il fallait tenir compte du public professionnel ainsi que du grand public et que leur niveau d’attention serait élevé à l’égard de ces produits.

23      En effet, les « [m]atelas à réduction de pression ; coussinets pour empêcher la formation d’escarres ; lits hydrostatiques à usage médical ; matelas à air à usage médical », relevant de la classe 10, sont des produits à destination médicale qui s’adressent spécifiquement à des consommateurs ayant des troubles de santé impliquant qu’ils demeurent alités ou immobiles de manière prolongée. Or, il ressort de la jurisprudence que tant les professionnels que les consommateurs finals de produits et de services liés à leur état de santé font preuve d’un niveau d’attention élevé [voir arrêt du 8 octobre 2014, Laboratoires Polive/OHMI – Arbora & Ausonia (dodie), T‑122/13 et T‑123/13, non publié, EU:T:2014:863, point 27 et jurisprudence citée].

24      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance que les produits relevant de la classe 10 puissent être achetés à des prix modestes et par le biais de canaux de distribution non spécialisés n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat, dès lors qu’il ne s’agit que de critères parmi d’autres à prendre en compte et que la requérante n’a pas établi avec quelle fréquence et en quelle quantité ces produits pouvaient être achetés [voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Sun System Kereskedelmi és Szolgáltató/EUIPO – Hollandimpex Kereskedelmi és Szolgáltató (Choco Love), T‑325/15, non publié, EU:T:2017:29, point 34].

 Sur la comparaison des produits

25      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

26      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits désignés par la marque contestée relevant des classes 20 et 24 sont identiques ou similaires à ceux de la marque antérieure. En revanche, s’agissant des produits désignés par la marque contestée relevant de la classe 10, la requérante soutient, contrairement aux conclusions de la chambre de recours, qu’ils sont similaires aux produits visés par la marque antérieure relevant de la classe 20.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

28      En l’espèce, la chambre de recours a pu relever, à juste titre, au point 23 de la décision attaquée que les produits visés par la marque contestée relevant des classes 20 et 24 étaient similaires ou identiques aux « [m]atelas ; surmatelas ; sommiers pour matelas » relevant de la classe 20 et désignés par la marque antérieure. Il convient de confirmer ces conclusions, au demeurant non contestées par les parties, au regard des éléments du dossier.

29      S’agissant des « [m]atelas à réduction de pression ; coussinets pour empêcher la formation d’escarres ; lits hydrostatiques à usage médical ; matelas à air à usage médical », relevant de la classe 10 et visés par la marque contestée, il convient de relever que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’ils ne présentaient pas de similitude avec les « [m]atelas ; surmatelas ; surmatelas ; sommiers à latte pour matelas ; coussins pour matelas ; matelas [autres que matelas d’accouchement] », relevant de la classe 20 et visés par la marque antérieure, alors qu’ils sont, en substance, de même nature et, dans certains cas, complémentaires.

30      Néanmoins, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que l’achat de produits relevant de la classe 10 est motivé, contrairement à l’achat de produits relevant de la classe 20, par des considérations médicales dont le but est le traitement et la prévention d’escarres et que ces produits sont, par conséquent, le plus souvent achetés sur recommandation d’un professionnel dans des magasins spécialisés. Seul un faible degré de similitude peut donc être constaté entre ces produits et les produits visés par la marque antérieure relevant de la classe 20 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, Pablosky/EUIPO – docPrice (mediFLEX easySTEP), T‑21/19, EU:T:2020:310, points 53 à 57].

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

32      La chambre de recours a relevé que les signes en conflit avaient en commun l’élément « body » et a donc conclu à un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique entre eux. Elle a ensuite considéré qu’il n’existait pas de similitude sur le plan conceptuel pour la partie du public pertinent qui percevrait directement la signification du terme « bodyguard ». Toutefois, pour la partie du public qui ne comprendrait pas directement le sens de ce terme, mais uniquement celui des termes « body » et « guard », ou même uniquement celui du terme « body », il existerait, respectivement, une « très légère similitude » et une faible similitude sur le plan conceptuel.

33      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique, mais soutient qu’il convient de retenir un degré élevé de similitude dès lors que l’élément commun « body » est l’élément le plus distinctif des marques en conflit. Elle fait également valoir que lesdites marques sont similaires sur le plan conceptuel dès lors que l’élément commun « body » est utilisé, combiné avec un second élément, pour désigner une profession, à savoir celle de star en ce qui concerne la marque contestée et celle de garde du corps en ce qui concerne la marque antérieure.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      S’agissant de la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel et phonétique, il convient d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude, dès lors qu’elles ne coïncident que par la présence de l’élément commun « body », l’élément « guard » et l’élément « star », composant respectivement la marque antérieure et la marque contestée, différant tant sur le plan tant visuel que phonétique.

36      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’élément « body » ne dispose que d’un faible caractère distinctif à l’égard des produits en cause, dans la mesure où, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, il pourrait être compris comme une indication que les produits désignés s’adaptent au corps et que, par exemple, des produits tels que des matelas ou des coussins sont à mémoire de forme. La requérante n’a présenté aucun argument de nature à remettre en cause cette association.

37      S’agissant de la comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel, il convient de relever que les éléments « body » et « star » sont des mots appartenant au vocabulaire anglais de base, qui sont couramment utilisés dans le commerce dans l’ensemble de l’Union et dont la signification, « corps » pour le premier et « étoile » ou « célébrité » pour le second, est susceptible d’être comprise par l’ensemble du public pertinent. L’élément « guard », qui correspond également à un mot du vocabulaire anglais de base, est susceptible d’être compris par la grande partie du public pertinent qui est anglophone ou maîtrise l’anglais de base comme signifiant « garde ».

38      Quant au terme « bodyguard », issu de l’anglais, il a fait, en tant que tel, l’objet d’une large diffusion dans la culture littéraire, musicale, cinématographique et vidéoludique européenne et figure même dans de nombreux dictionnaires d’autres langues de l’Union, notamment des dictionnaires allemands, de sorte qu’une grande partie du public pertinent de l’Union le comprend directement dans le sens d’« agent de protection » ou de « garde du corps ».

39      Contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, il y a lieu de considérer que, à l’égard de la partie du public pertinent qui comprend directement la signification du terme « bodyguard », il existe une similitude sur le plan conceptuel avec le signe contesté. En effet, il convient de relever que, si la marque contestée ne dispose pas d’un concept immédiatement compréhensible, cette dernière peut toutefois être comprise comme signifiant corps de star ou de célébrité. Or, la marque antérieure renvoie au métier de garde du corps, lequel est souvent chargé de la protection d’une célébrité ou d’une star, et donc associé à cette dernière. De plus, les deux marques ont en commun l’élément « body », qui jouit d’une certaine force évocatrice et limite donc, en l’espèce, la différence conceptuelle entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Icebreaker/OHMI – Gilmar (ICEBREAKER), T‑112/09, non publié, EU:T:2010:361, point 42]. Il existe donc un faible degré de similitude sur le plan conceptuel entre les marques en conflit pour la partie du public pertinent qui comprend la signification du terme « bodyguard ».

40      En ce qui concerne la partie du public pertinent qui ne comprend pas directement le terme « bodyguard », c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait un faible degré de similitude conceptuelle entre les marques en conflit en raison de l’élément commun « body ». Cette appréciation n’est, au demeurant, pas contestée par les parties.

 Sur le risque de confusion

41      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

42      Ainsi qu’il découle du considérant 11 du règlement 2017/1001, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre [arrêt du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE), T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463, point 54].

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

43      La chambre de recours a relevé que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif « légèrement réduit », dans la mesure où le concept de « garde du corps » serait légèrement évocateur relativement aux produits comme les « matelas » et pourrait indiquer que ceux-ci sont propres à protéger la personne allongée de la douleur ou de l’inconfort. Par ailleurs, elle a considéré que la requérante avait prouvé l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage « légèrement accru » à l’égard des mêmes produits en Allemagne, mais que la marque antérieure ne disposait pas encore de renommée.

44      Il convient d’approuver, au regard des éléments du dossier, les conclusions de la chambre de recours, qui ne sont, au demeurant, pas contestées par les parties.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

45      La chambre de recours a relevé, du fait de l’absence de similitude entre les produits visés par la marque antérieure et les produits visés par la marque contestée relevant de la classe 10, qu’il n’existait pas de risque de confusion en ce qui concerne ces produits. Par ailleurs, elle a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion à l’égard des produits identiques ou similaires en ce qui concerne la partie du public pertinent qui comprend directement le terme « bodyguard », dès lors que celui-ci renvoie à un concept clair et déterminé qui neutraliserait les similitudes visuelles et phonétiques entre les signes en conflit. Enfin, s’agissant de la partie du public pertinent qui ne comprendrait pas la signification du terme « bodyguard », elle a considéré que, compte tenu des similitudes moyennes sur les plans phonétique et visuel, des différences conceptuelles et du niveau d’attention variant de moyen à « accru » du public pertinent, la concordance de l’élément « body » dans les marques en conflit, faiblement distinctive, n’était pas suffisante pour établir l’existence d’un risque de confusion dans l’ensemble de l’Union, y compris pour des produits identiques.

46      La requérante conteste, en substance, l’analyse de la chambre de recours concernant l’appréciation du risque global de confusion et rappelle qu’il existe une similitude des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, que la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif « accru » et qu’il existe une identité entre les produits en cause.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      En l’espèce, s’agissant des produits visés par la marque contestée relevant des classes 20 et 24, il convient de rappeler que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention qui varie de moyen à élevé. Toutefois, compte tenu du fait que ces produits sont identiques ou similaires aux produits visés par la marque antérieure relevant de la classe 20, du fait que les marques sont similaires sur les plans visuel et phonétique à un degré moyen et sur le plan conceptuel à un degré faible, il y a lieu de constater que les différences entre les marques en conflit ne sont pas suffisantes pour écarter tout risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.

49      Par ailleurs, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des points 37 et 40 ci-dessus, un faible degré de similitude sur le plan conceptuel a été constaté entre les marques en conflit, en l’espèce, les différences conceptuelles ne sont pas suffisantes pour neutraliser les similitudes sur les plans visuel et phonétique, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours.

50      La chambre de recours a donc commis une erreur en constatant que, à l’égard des produits visés par la marque contestée relevant des classes 20 et 24, il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du consommateur quant à l’origine commerciale desdits produits.

51      En ce qui concerne les produits visés par la marque contestée relevant de la classe 10, il y a lieu de constater que, compte tenu du fait que, premièrement, l’achat des produits en cause sera principalement motivé par des considérations médicales, que, deuxièmement, ces produits sont le plus souvent achetés dans des magasins spécialisés et avec les conseils d’un professionnel et que, troisièmement, les consommateurs font preuve d’un niveau élevé d’attention lors de l’achat de ces produits, les similitudes entre les marques en conflit, d’une part, et le caractère distinctif « légèrement accru » de la marque antérieure, d’autre part, ne sont pas suffisants, en l’espèce, pour amener le public pertinent à considérer que lesdits produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

52      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en particulier des points 48 à 51 ci-dessus, il convient d’accueillir partiellement le moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a constaté, à tort, qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les produits visés par la marque contestée relevant des classes 20 et 24. Le recours est rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. En l’espèce, la requérante, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé partiellement, il y a lieu de les condamner à supporter chacun leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 14 juillet 2021 (affaire R 1712/20202) est annulée en ce qui concerne les « [m]atelas ; surmatelas ; lits ; cadres de lit ; sommiers à lattes pour lits ; matériel de couchage (à l’exclusion du linge) ; coussins ; oreillers ; oreillers de confort cervical ; lits d’eau ; matelas pneumatiques » relevant de la classe 20 et les « [j]etés de lit ; linge de lit et couvertures ; toile à matelas ; housses de matelas ; housses de matelas et d’oreillers ; sacs de couchage » relevant de la classe 24.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.