Language of document : ECLI:EU:T:2021:867

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale KAAS KEYS AS A SERVICE – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] – Signes ou indications devenus usuels – Article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001] – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑294/20,

Talleres de Escoriaza, SA, établie à Irun (Espagne), représentée par Mes T. Müller et F. Togo, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Salto Systems, SL, établie à Oiartzun (Espagne), représentée par Me A. Alejos Cutuli, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 février 2020 (affaire R 1363/2019-4), relative à une procédure de nullité entre Talleres de Escoriaza et Salto Systems,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 décembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 décembre 2015, l’intervenante, Salto Systems, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal KAAS KEYS AS A SERVICE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Cadenas électroniques ; systèmes de fermeture électroniques comprenant des cartes magnétiques codifiées, lecteurs de cartes magnétiques codées, ouvre-porte[s] électroniques, unités électroniques de cryptage ainsi que jeux électroniques de fermeture ; applications informatiques téléchargeables électroniquement ; logiciels ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/011, du 19 janvier 2016, et la marque a été enregistrée le 27 avril 2016 sous le numéro 014899439 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 26 juillet 2017, la requérante, Talleres de Escoriaza, SA, a présenté une demande en nullité à l’encontre de ladite marque, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a) à d), du règlement no 207/2009 [devenus, respectivement, article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous a) à d), du règlement 2017/1001]. La demande en nullité était dirigée contre les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Le 26 avril 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 21 juin 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 28 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’annulation. En particulier, elle a considéré que, la marque contestée étant composée de mots anglais, le public pertinent était le public anglophone de l’Union européenne ou le public ayant une connaissance élémentaire de cette langue. Elle a ajouté qu’elle tiendrait plus précisément compte de la perception de la partie du public pertinent située en Espagne, comme l’avait prôné la requérante. Elle a considéré que les produits en cause étaient destinés à la fois au grand public et à un public spécialisé tel que les professionnels du secteur de la serrurerie ou de la programmation électronique. Toutefois, en considérant que la finalité desdits produits était de gérer et de contrôler électroniquement l’ouverture et la fermeture de portes ou de pièces, ce qui donne la possibilité d’autoriser l’accès ou non à un lieu à des personnes données, elle a considéré que le grand public ferait lui aussi preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne.

9        La chambre de recours a rappelé que la date à prendre en considération pour apprécier les causes de nullité invoquées correspondait à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 10 décembre 2015 (ci-après la « date pertinente »).

10      S’agissant du caractère descriptif de la marque contestée, la chambre de recours a analysé la signification de l’expression « keys as a service » au regard des produits en cause. En ce qui concerne les « applications informatiques téléchargeables électroniquement ; logiciels », elle a considéré que le terme « keys » était un concept trop vague et général qui ne fournissait pas d’information claire et pertinente sur les produits en cause. Elle a précisé que la plupart des applications requéraient un code d’identification de l’utilisateur pour pouvoir être utilisées ou téléchargées et que, ainsi, le fait que ce code d’accès ou d’utilisation [ou « key » (clé)] pouvait ou devait être obtenu par l’intermédiaire d’un réseau informatique mondial ne permettait pas de décrire les produits en cause avec suffisamment de précision.

11      En ce qui concerne les « cadenas électroniques ; systèmes de fermeture électroniques comprenant des cartes magnétiques codifiées, lecteurs de cartes magnétiques codées, ouvre-porte[s] électroniques, unités électroniques de cryptage ainsi que [les] jeux électroniques de fermeture », la chambre de recours a considéré qu’ils ne pouvaient pas être décrits par le terme « keys » (clés), puisque aucun d’entre eux n’était une clé.

12      La chambre de recours a également considéré que, du fait que le terme « keys » était accompagné de l’expression « as a service », ce terme n’était pas en mesure de fournir des indications directes et pertinentes sur les produits en cause, dès lors qu’il s’agissait de produits, et non pas de services.

13      S’agissant de l’expression « as a service », la chambre de recours a considéré en substance que, même si cette expression était incluse dans la nomenclature de l’informatique en nuage (« cloud computing »), il existait divers types de services de ce genre (notamment le « knowledge as a service » ou « kaas »). Ainsi le lien avec les produits en cause ne serait pas suffisamment direct pour que le public pertinent perçoive l’expression « keys as a service » comme une simple description pertinente de leurs caractéristiques.

14      S’agissant de l’élément « kaas », la chambre de recours a estimé que, même si cette combinaison de lettres correspondait aux premières lettres de chacun des termes qui suivent, le public pertinent ne les identifiera pas immédiatement comme ayant une signification descriptive concrète au regard des produits en cause. D’après elle, l’expression « keys as a service » ne décrivait pas les produits en cause et le public pertinent ne percevait pas l’élément « kaas » comme un acronyme revêtant une signification déterminée, à moins qu’il n’ait vu ou utilisé cette abréviation en ce sens.

15      La chambre de recours a également constaté que, eu égard aux faits notoires auxquels toute personne peut accéder, ni la requérante ni la division d’annulation n’avaient présenté d’élément de preuve ou d’explication confirmant que le public anglophone ou espagnol percevrait la combinaison de lettres « kaas » comme l’acronyme de l’expression « keys as a service ».

16      Partant, la chambre de recours a considéré que ni l’expression « keys as a service » ni l’élément « kaas » ne sauraient être considérés comme descriptifs au regard des produits en cause et que, ainsi, le signe constituant la marque contestée, considéré dans son ensemble, ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

17      La chambre de recours a également rejeté la demande en nullité en tant qu’elle était fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009, ayant considéré que la requérante n’avait pas démontré que le signe KAAS KEYS AS A SERVICE était devenu, pour une partie importante du public pertinent, usuel dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits en cause, et ce à la date pertinente. La chambre de recours a également rejeté la demande en nullité en tant qu’elle était fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009. À cet égard, elle a considéré que le signe en cause était de nature à constituer une marque servant à distinguer les produits de l’intervenante de ceux de ses concurrents, constatant notamment que l’élément « kaas » revêtait un caractère distinctif intrinsèque.

18      Enfin, la chambre de recours a écarté les arguments tirés de décisions antérieures de l’EUIPO portant refus d’enregistrement de signes comparables et de décisions nationales, au motif, notamment, qu’elle n’était liée ni par ses décisions antérieures ni par les décisions prises par des autorités nationales.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des annexes A.7, A.8, A.10 àA.14,A.17 et A.18 

21      L’intervenante fait valoir que les annexes A.7, A.8, A.10 à A.14, A.17 et A.18 sont produites pour la première fois devant le Tribunal, de sorte que ces pièces devraient être écartées comme irrecevables.

22      En ce qui concerne l’annexe A.7, il convient de constater qu’elle consiste en des captures d’écran du site Internet de Wikipédia donnant des informations sur la signification de l’expression « as a service ». Il résulte du dossier de l’EUIPO que ce document a été présenté devant la chambre de recours. Force est donc de constater que c’est à tort que l’intervenante prétend que ledit document est présenté pour la première fois devant le Tribunal. Il convient donc de considérer ladite annexe comme recevable.

23      L’annexe A.8 est un article en espagnol intitulé « Value as a Service, la disruption finale du modèle “as a service” », accompagné de sa traduction en anglais. Il ressort du dossier de l’EUIPO qu’un lien Internet comprenant la même url que celle figurant dans l’annexe A.8 a été produit devant la chambre de recours. Toutefois, la requérante n’a pas produit de version imprimée et datée dudit article devant la chambre de recours. Il convient à cet égard de constater que le contenu d’un site Internet peut être modifié à tout instant et que ce contenu peut être difficilement vérifiable a posteriori [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, Gramberg/EUIPO – Mahdavi Sabet (Étui pour téléphone portable), T‑166/15, EU:T:2018:100, point 43]. Il s’ensuit que le lien Internet produit devant la chambre de recours ne saurait suffire pour constater que l’article constituant l’annexe A.8 a déjà été présenté devant celle-ci. Partant, il doit être considéré que ledit article est présenté devant le Tribunal pour la première fois et qu’il doit ainsi être écarté comme irrecevable. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter l’annexe A.8, sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

24      L’annexe A.10 est un communiqué de presse émis dans le courant du mois de février 2015 par une société suédoise. Il ressort du dossier de l’EUIPO que ladite annexe n’a pas été présentée devant les instances de celui-ci. Il convient donc de constater qu’elle a été présentée pour la première fois devant le Tribunal, de sorte qu’elle doit être écartée comme irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

25      Les annexes A.11 à A.14 constituent des extraits de la base de données de l’EUIPO concernant des refus d’enregistrement de marques contenant l’expression « as a service ». Ces annexes, bien qu’elles aient été produites pour la première fois devant le Tribunal, ne sont pas des preuves proprement dites, mais concernent la pratique décisionnelle de l’EUIPO, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant celui-ci, une partie a le droit de se référer (arrêt du 24 novembre 2005, ARTHUR ET FELICIE, T‑346/04, EU:T:2005:420, point 20). En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la pratique décisionnelle de l’EUIPO. Une telle possibilité de se référer à des décisions de l’EUIPO n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’il s’agit non pas de reprocher aux chambres de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans une décision précise, mais d’invoquer des décisions à l’appui d’un moyen tiré de la violation par les chambres de recours d’une disposition du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 70 et 71]. Partant, les annexes contenant des décisions de l’EUIPO produites pour la première fois devant le Tribunal sont recevables.

26      L’annexe A.17 contient deux articles publiés en anglais et intitulés « Covata se lance dans la sécurité de l’Internet des objets avec une offre de cryptage par Key-as-a-Service », au sujet du nouveau service « “Key-as-a-Service” (KaaS) » lancé par une entreprise spécialisée dans le domaine des solutions de sécurité des données. Il ressort du dossier de l’EUIPO que ces articles n’ont pas été produits devant les instances de celui-ci au cours de la procédure administrative. Il convient donc de constater que les documents contenus dans l’annexe A.17 ont été présentés pour la première fois devant le Tribunal et doivent être écartés comme irrecevables en vertu de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

27      L’annexe A.18 contient quatre déclarations sous serment de représentants de quatre entreprises différentes. Dans lesdites déclarations, il est indiqué en substance que, dans le secteur concerné, l’expression « keys as a service » et la combinaison de lettres « kaas » sont connues par les consommateurs depuis 2014 comme signifiant, notamment, l’obtention d’une clé par le biais d’Internet ou d’autres réseaux télématiques. Ces déclarations ont été produites devant les instances de l’EUIPO. Toutefois, devant le Tribunal, la requérante y a ajouté quatre autres déclarations sous serment des mêmes représentants, dans lesquelles ils déclarent, notamment, avoir de bonnes connaissances du secteur des clés et des serrures électroniques et que les entreprises qu’ils représentent sont indépendantes de la requérante. Ces dernières déclarations n’ayant pas été produites devant l’EUIPO, mais l’étant pour la première fois devant le Tribunal, elles doivent être déclarées irrecevables au regard de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

 Sur le fond

28      À l’appui du recours, la requérante présente cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, le deuxième, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, le troisième, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, le quatrième, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement et, le cinquième, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement.

29      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 10 décembre 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

30      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par les parties dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

31      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur [voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée ; arrêts du 7 novembre 2018, O’Brien, C‑432/17, EU:C:2018:879, point 26, et du 15 octobre 2020, Rothenberger/EUIPO – Paper Point (ROBOX), T‑49/20, non publié, EU:T:2020:492, point 17], le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001

32      La requérante soutient que la chambre de recours a violé à deux égards l’obligation de motivation qui s’imposait à elle. Premièrement, elle n’aurait pas motivé un des fondements de son raisonnement. Elle vise le point 37 de la décision attaquée, où ladite chambre aurait indiqué que l’expression « keys as a service » ne sera pas perçue comme une description des produits en cause, considérant que la relation entre ces produits et la connaissance du fait que les systèmes électroniques peuvent être activés par un réseau informatique n’est pas suffisamment directe. Or, la chambre de recours n’aurait pas expliqué sur quelle base cette appréciation de fait serait fondée.

33      Deuxièmement, la requérante soutient que le raisonnement de la chambre de recours est contradictoire. D’après elle, lors de l’examen de la marque contestée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, la chambre de recours aurait examiné séparément les composants de cette marque, ainsi qu’il résulterait du point 25 de la décision attaquée. Toutefois, au point 59 de cette décision, dans le cadre de l’examen de ladite marque au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous d), dudit règlement, la chambre de recours aurait rejeté la même approche, que préconisait la requérante, et les annexes 4 à 6 présentées devant elle par cette dernière, en considérant qu’elles ne portaient que sur une partie du signe en cause, et non sur ce signe dans son ensemble. Selon la requérante, cette manière de procéder est contradictoire, puisqu’il ne serait pas possible, d’une part, de procéder à une analyse distincte des éléments du signe et, d’autre part, de rejeter cette approche lorsqu’elle est adoptée par la requérante.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt du 28 janvier 2016, Gugler France/OHMI – Gugler (GUGLER), T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 52]. Il n’est toutefois pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 29 février 1996, Commission/Conseil, C‑122/94, EU:C:1996:68, point 29).

36      De même, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués, ce qui implique qu’elle ne nécessite pas toujours une prise de position explicite sur tous les éléments avancés ou demandés par les intéressés [voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, EU:C:2000:170, point 93 ; du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission, T‑5/97, EU:T:2000:278, point 199, et du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 46].

37      En l’espèce, s’agissant du premier grief, il convient de constater tout d’abord que l’affirmation relative à l’absence d’un lien suffisamment direct entre la marque contestée et les produits en cause, figurant au point 37 de la décision attaquée, doit être lue non pas isolément, mais ensemble avec les points précédents de cette décision. En effet, c’est de l’ensemble du raisonnement exposé aux points 27 à 36 de la décision attaquée que ressortent les motifs pour lesquels la chambre de recours a considéré que le lien entre l’expression « keys as a service » et les produits en cause n’était pas suffisamment direct pour que le public pertinent considère cette expression comme une simple description d’une caractéristique pertinente desdits produits. Or, ainsi qu’il ressort des points 10 à 13 ci-dessus, la chambre de recours y a procédé à une analyse détaillée du lien entre la signification de ladite expression et les produits en cause.

38      En ce qui concerne le second grief, il suffit de constater que les éléments de la décision attaquée qui, selon la requérante, entachent celle-ci d’une contradiction constituent en réalité différentes analyses effectuées au regard de dispositions différentes du règlement no 207/2009. En effet, les éléments de la marque contestée peuvent être analysés différemment selon qu’il s’agit de déterminer si ladite marque est descriptive au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ou est composée exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du même règlement. Dans le second cas, il ne saurait, en principe, être suffisant de prouver que seule une partie de la marque en cause est devenue générique au regard des produits en cause. Les divergences entre les examens effectués par la chambre recours dans la décision attaquée au regard de ces deux dispositions ne constituent donc pas une contradiction dans les motifs.

39      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001

40      La requérante soutient que la chambre de recours a violé son droit d’être entendue dans la mesure où elle n’aurait pas tenu compte des éléments de preuve essentiels qu’elle avait produits devant l’EUIPO, à savoir les annexes 4 à 6 et 8 et les annexes 2 et 3 de ses observations complémentaires déposées devant la division d’annulation le 28 mars 2018.

41      Selon la requérante, l’obligation incombant à l’EUIPO en vertu de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, qui prévoit que ses décisions ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position, implique que la position de la requérante et les preuves venant l’étayer auraient dû être prises en considération. Dans le cas contraire, le droit d’être entendu serait réduit à une coquille vide.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      Il convient de constater que la deuxième phrase de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense, qui englobe le droit d’être entendu. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue [voir arrêt du 8 octobre 2015, Rosian Express/OHMI (Forme d’une boîte de jeu), T‑547/13, EU:T:2015:769, point 24 et jurisprudence citée].

44      Le droit d’être entendu dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non pas à la position finale que l’administration entend adopter. Il ne commande pas non plus que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, la chambre de recours de l’EUIPO soit tenue d’offrir à cette dernière une nouvelle possibilité de s’exprimer au sujet desdits éléments. Par ailleurs, une partie, qui a elle-même produit les éléments de fait et de preuve en cause, a, par hypothèse, été pleinement en mesure d’exposer, à l’occasion de ladite production, la pertinence éventuelle que revêtent ceux-ci pour la solution du litige (arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 94).

45      En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort du dossier que la requérante a pu valablement fournir les annexes mentionnées ci-dessus à l’appui des moyens et arguments soulevés devant l’EUIPO.

46      Partant, dès lors que la requérante a eu la possibilité d’exprimer son point de vue sur les éléments de preuve en cause, il y a lieu de rejeter comme non fondé le présent moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu.

47      À titre exhaustif et pour autant que le présent moyen puisse être interprété en ce sens qu’il est reproché à la chambre de recours de ne pas avoir exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas tenu compte des annexes mentionnées au point 40 ci-dessus, il convient d’abord de considérer, en ce qui concerne les annexes contenant des décisions d’autorités nationales, que la lecture de l’ensemble de la décision attaquée (notamment le point 72 lu en combinaison avec les points 22 à 51 de celle-ci) permet de comprendre que ces annexes ont été considérées comme non pertinentes au motif que le système des marques de l’Union européenne est autonome, le caractère enregistrable d’une marque de l’Union européenne devant être apprécié uniquement sur la base de la législation de l’Union, sans que l’EUIPO ne soit lié par aucune de ses décisions antérieures ou par toute autre décision administrative rendue dans l’Union ou en dehors de celle-ci.

48      En outre, les raisons pour lesquelles les décisions invoquées par la requérante n’ont pas été considérées comme pertinentes par la chambre de recours ressortent aussi des points 76 et 77 de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours y a exposé que, selon elle, il n’était pas possible d’appliquer par analogie à la marque contestée un raisonnement relatif à d’autres marques qui ne coïncidaient avec la marque contestée que par l’expression « as a service ».

49      En ce qui concerne l’annexe 3 des observations de la requérante présentées devant la division d’annulation le 28 mars 2018, il convient de considérer que, même si la chambre de recours ne s’est pas prononcée expressément sur ladite annexe, il ressort notamment du point 66 lu en combinaison avec le point 47 de la décision attaquée que, selon la chambre de recours, les documents produits par la requérante ne démontraient pas le moindre usage du signe KAAS KEYS AS A SERVICE. Ces points de ladite décision permettent effectivement de comprendre que la chambre de recours a constaté que l’ensemble des documents présentés par la requérante, y compris l’annexe concernée, étaient insuffisants pour corroborer les moyens avancés par celle-ci.

50      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement

51      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a appliqué des critères excessivement restrictifs lors de l’analyse du caractère descriptif de la marque contestée. Elle rappelle que le refus d’enregistrer un signe descriptif ne dépend pas de l’existence d’une nécessité réelle, actuelle ou sérieuse de laisser le signe libre. Il ne serait pas non plus nécessaire que le signe soit littéralement descriptif, une relation suffisamment directe et concrète devant suffire, et il ne serait pas nécessaire que l’usage descriptif du signe sur le marché ait été prouvé. La requérante fait en outre valoir que le public pertinent ne comporte pas le grand public, mais est uniquement composé de spécialistes du secteur en cause, lesquels comprendront que le groupe de mots « keys as a service » désigne des clés électroniques pour des systèmes de fermetures électroniques qui sont fournies et commandées à l’aide d’applications et de logiciels téléchargeables.

52      À l’appui de ses arguments, la requérante invoque plusieurs décisions de l’EUIPO selon lesquelles l’expression « as a service » serait descriptive notamment de services fournis sur Internet au lieu d’être fournis sur place.

53      En ce qui concerne la combinaison de lettres « kaas » figurant dans la marque contestée, la requérante allègue qu’elle est comprise comme un acronyme de l’expression descriptive « keys as a service ». Dès lors, l’inclusion de cet acronyme dans la marque contestée ne suffirait pas pour conférer un caractère distinctif à cette marque. La requérante, faisant référence à l’arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita (C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147), souligne qu’une marque verbale composée de la juxtaposition d’une expression descriptive et d’un groupe de lettres non descriptif, considéré isolément, est dépourvue de caractère distinctif, étant donné que le public pertinent comprendra que ce groupe de lettres correspond à la première lettre de chaque mot de l’expression descriptive.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

56      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêt du 27 juin 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Fratelli Polli (ANTICO CASALE), T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 17 et jurisprudence citée].

57      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 18 et jurisprudence citée).

58      Dès lors, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés [voir arrêt du 17 avril 2013, Continental Bulldog Club Deutschland/OHMI (CONTINENTAL), T‑383/10, EU:T:2013:193, point 16 et jurisprudence citée].

59      Conformément aux articles 52 et 55 du règlement no 207/2009, une marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Cette marque bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement. Dans ces circonstances, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause la validité de la marque concernée [voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, points 27 et 28], tels que son prétendu caractère descriptif.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêt du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

61      Cependant, une telle obligation n’exclut pas que les instances de l’EUIPO puissent prendre en considération, le cas échéant, des éléments de preuve postérieurs à la date de la demande d’enregistrement, pour autant que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette date (voir arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 60 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, premièrement, il y a lieu de constater que la marque contestée contient une expression composée de termes anglais et qu’ainsi le public le plus susceptible d’attribuer une signification spécifique à cette marque est le public anglophone de l’Union ou le public de l’Union ayant une connaissance élémentaire de cette langue. L’appréciation en ce sens de la chambre de recours figurant au point 19 de la décision attaquée doit donc être confirmée. Cette appréciation n’a au demeurant pas été contestée par les parties.

63      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que les produits en cause s’adressaient à la fois au grand public et à un public spécialisé, tels que les professionnels du secteur de la serrurerie. Il y a lieu de considérer, à cet égard, comme le soutient l’intervenante, que le public destinataire des produits en cause est le grand public qui achètera un système de fermeture pour son entreprise, sa maison ou son commerce, sans préjudice de l’intervention d’un spécialiste dans le développement, l’installation ou la planification globale des accès (hôtels, hôpitaux, logements, entreprises, etc.).

64      En tout état de cause, le niveau d’attention du public pertinent, qu’il s’agisse du grand public ou du public spécialisé, doit être considéré comme élevé. La chambre de recours a correctement relevé à cet égard que l’objectif des produits en cause était de gérer et de contrôler électroniquement l’ouverture et la fermeture de portes ou de pièces, ce qui donnait la possibilité d’autoriser l’accès ou non à un lieu à des personnes données.

65      En ce qui concerne la signification de la marque contestée, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de marques composées de mots, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément, mais également pour l’ensemble qu’ils composent [arrêt du 11 avril 2013, CBp Carbon Industries/OHMI (CARBON GREEN), T‑294/10, non publié, EU:T:2013:165, point 17].

66      Il convient donc de déterminer la signification que revêt le signe KAAS KEYS AS A SERVICE, considéré dans son ensemble, pour le public pertinent, et ce au regard des produits en cause. Cependant, il convient d’abord d’analyser séparément la signification de l’expression « keys as a service » et la combinaison de lettres « kaas » au regard desdits produits.

–       Sur la signification de l’expression « keys as a service »

67      L’expression « keys as a service », composée de termes anglais, se traduit par « clés en tant que service ». Il convient de déterminer si celle-ci présente avec les produits en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de l’une de leurs caractéristiques, conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

68      Les produits en cause sont, en substance, des systèmes d’ouverture et de fermeture électroniques, des applications informatiques et des logiciels.

69      La chambre de recours a considéré, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, que l’expression « keys as a service » n’était pas descriptive des produits en cause, notamment du fait que le mot « keys » ne décrit pas ceux-ci, bien qu’une clé puisse aujourd’hui être un composant électronique permettant d’actionner des systèmes d’ouverture et de fermeture. Elle a ajouté que la combinaison du terme « keys » et de l’expression « as a service » avait pour conséquence que le signe en cause était encore moins de nature à fournir des indications directes ou pertinentes sur les produits en cause. Selon la chambre de recours, la possibilité qu’un service soit descriptif de produits semblait peu plausible.

70      De même, la chambre de recours a considéré, au point 35 de la décision attaquée, que l’expression « as a service » fait partie de la terminologie de l’informatique en nuage, s’agissant de quelque chose qui serait proposé à un client en tant que service, en ce sens que le soutien logistique et les données traitées sont hébergés sur des serveurs appartenant à une entreprise spécialisée dans les technologies de l’information et la communication, serveurs auxquels le client peut accéder par Internet.

71      Toutefois, la chambre de recours a précisé aux points 36 et 37 de la décision attaquée, en se référant au Collins English Dictionary, que les termes « informatique en nuage » désignaient un « modèle informatique par lequel des services hébergés sur Internet sont proposés aux utilisateurs à titre temporaire » et que la notion de « nuage » pouvait faire référence à tout ce qui était hébergé à distance et fourni via Internet. Elle a constaté qu’il existait divers types de modèles de services en nuage, y compris des services de « knowledge as a service » ou « KaaS » (« la connaissance en tant que service »). Toutefois, selon la chambre de recours, même si les cadenas et les systèmes de fermeture en cause pouvaient être enclenchés au moyen d’un composant électronique pouvant être activé, obtenu, géré et envoyé par l’intermédiaire d’un réseau informatique mondial ou même s’il était possible d’accéder à ce composant électronique de cette manière, le lien avec les produits en cause n’était pas suffisamment direct pour que le public pertinent perçoive l’expression « keys as a service » comme une simple description pertinente de leurs caractéristiques.

72      Il y a lieu de constater que les appréciations visées aux points 69 à 71 ci-dessus sont fondées et doivent dès lors être confirmées. Tout d’abord, le public pertinent n’établira pas un lien direct et immédiat entre le mot « clé » et des produits tels que les « cadenas électroniques » et les « systèmes de fermeture électroniques comprenant des cartes magnétiques codifiées, lecteurs de cartes magnétiques codées, ouvre-porte[s] électroniques, unités électroniques de cryptage ainsi que jeux électroniques de fermeture ». En effet, même si ces produits sont activés ou commandés avec des « clés » électroniques, l’expression « keys as a service » ne décrit pas avec suffisamment de précision une caractéristique pertinente de ces produits. Comme l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, aucun de ces produits n’est une clé en tant que telle. En outre, il y lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, qu’il existe une tension intrinsèque dans l’expression elle-même, étant donné que la clé (« key ») est un objet et que le service (« as a service ») est une activité. En effet, l’expression « as a service », se référant à des services, n’est, a priori, pas descriptive d’un produit.

73      Il convient ensuite de constater que, si l’expression « as a service » présente un lien avec le concept de d’informatique en nuage en ce sens qu’elle est employée dans ce contexte, l’expression « keys as a service » n’est pas non plus descriptive d’« applications informatiques téléchargeables électroniquement » et de « logiciels ». En effet, ces produits ne sont pas non plus des clés, car, comme l’a relevé la chambre de recours, même si l’expression « as a service », en elle-même, renvoie au concept de informatique en nuage (voir points 70 et 71 ci-dessus), cela n’implique pas que l’expression « keys as a service » soit directement descriptive des caractéristiques d’applications informatiques téléchargeables électroniquement et de logiciels. Il suffit à cet égard de considérer que presque tout logiciel ou application informatique requiert un mot de passe ou un code généré en ligne ou ailleurs afin d’être utilisé ou de pouvoir y accéder. Par conséquent, lorsque le public pertinent est confronté à l’expression « keys as a service », il ne comprendra pas directement et immédiatement qu’il s’agit des produits en cause.

74      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que l’expression « keys as a service » ne permettait pas au public pertinent de comprendre immédiatement, et sans autre réflexion, quelles sont les caractéristiques des produits en cause, de sorte que ladite expression ne devait pas être considérée comme descriptive.

–       Sur la signification de la combinaison de lettres « kaas »

75      La chambre de recours a, en substance, considéré aux points 38 à 50 de la décision attaquée que, en dépit du fait que la combinaison de lettres « kaas » correspond aux premières lettres de chacun des termes qui la suivent, le public pertinent ne l’identifiera pas immédiatement comme ayant une signification descriptive concrète au regard des produits en cause. Elle a constaté, d’une part, que l’expression « keys as a service » ne décrivait pas les produits en cause et, d’autre part, que le public pertinent ne percevrait pas l’élément « kaas » comme un acronyme revêtant une signification déterminée, à moins qu’il n’ait vu ou utilisé cet acronyme en ce même sens.

76      Il y a lieu de constater que la marque contestée contient dans sa partie initiale la combinaison de lettres « kaas ». Ces lettres correspondent aux premières lettres de chacun des termes qui les suivent. Toutefois, il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que cela n’implique pas que cette combinaison de lettres soit perçue par le public pertinent comme un acronyme de l’expression « keys as a service ».

77      Premièrement, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 40 de la décision attaquée, la combinaison de lettres « kaas » ne revêt, en soi, aucune signification claire dans les différentes langues de l’Union, hormis en néerlandais, langue dans laquelle elle signifie « fromage ». Sa signification n’est donc pas descriptive des produits en cause, compris dans la classe 9. En outre, il convient de relever, ainsi qu’il est indiqué également au point 40 de la décision attaquée, que, dans le contexte de l’informatique en nuage, l’acronyme « KaaS » signifie « Knowledge as a Service ». Ledit acronyme ne présente pas non plus de lien avec les produits en cause et ne peut donc pas être considéré comme descriptif au regard de ceux-ci.

78      Deuxièmement, la requérante n’a pas fourni d’élément de preuve ou d’explication venant confirmer que le public anglophone ou espagnol percevrait le terme « kaas » comme l’abréviation de l’expression « keys as a service » ou comme désignant les produits en cause. En effet, l’attestation d’une association espagnole des serruriers (Asociación de Profesionales de España en Cerrajería y Seguridad, APECS), selon laquelle le terme « kaas » serait utilisé dans le secteur pertinent pour désigner les produits en cause, n’est aucunement corroborée par le dossier.

79      Troisièmement, l’abréviation « kaas » ne suit pas les règles habituelles de création d’acronymes. En effet, les conjonctions, les prépositions et les articles ne font généralement pas partie des acronymes. Il convient à cet égard de souligner que, si l’on tient compte de chaque mot de l’expression « keys as a service », celle-ci constitue une combinaison verbale relativement complexe pouvant être abrégée de nombreuses manières, ce qui exigerait un certain degré de réflexion de la part du public pertinent pour analyser les mots correspondants en fonction de leurs lettres initiales respectives. Or, comme l’a considéré la chambre de recours au point 48 de la décision attaquée, le public pertinent n’a aucune raison de procéder à une telle analyse lorsqu’il est question d’une combinaison de lettres telles que « kaas », qu’il ne connaissait pas auparavant, du moins pas en ce qui concerne les produits en cause, et qui est facilement mémorisable.

80      Quatrièmement, la combinaison de lettres « kaas » a la particularité de se prononcer comme un mot ordinaire, ce qui, ensemble avec le fait qu’elle n’est pas connue du public pertinent, peut avoir pour effet que celui-ci la percevra, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 42 de la décision attaquée, comme un terme monosyllabique ou bisyllabique fantaisiste, dépourvu de signification claire, voire comme le mot néerlandais signifiant « fromage ».

81      Eu égard à ces considérations, il apparaît que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le simple fait que « kaas » coïncide avec les initiales des termes « keys as a service » n’est pas déterminant pour conclure qu’il s’agit d’un acronyme de cette expression et que cette combinaison de lettres a un caractère distinctif.

–       Sur la marque contestée dans son ensemble

82      Étant donné que la combinaison de lettres « kaas » ne sera pas perçue comme un acronyme de l’expression « keys as a service » et que, en tout état de cause, ladite expression n’est pas descriptive au regard des produits en cause, il convient de constater que la marque contestée revêt un caractère distinctif.

83      Il convient à cet égard de constater, contrairement à ce que prétend la requérante, que l’arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita (C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147), n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, dans ledit arrêt, il était établi que les mots dont les marques en cause étaient composées étaient directement descriptifs au regard des produits et des services concernés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus. Il s’ensuit que, même si la combinaison de lettres « kaas » devait être perçue comme un acronyme de l’expression « keys as a service », la marque contestée ne serait pas descriptive, contrairement à ce qui a été jugé dans l’arrêt susvisé s’agissant des marques concernées dans cette affaire.

84      Il convient en outre de constater qu’aucun élément de preuve fourni par la requérante ne permet de corroborer ses arguments selon lesquels la marque contestée aurait été descriptive à la date pertinente.

85      Il y a lieu de souligner que les décisions de l’EUIPO relatives à l’expression « as a service » produites en tant qu’annexes A.5 et A.11 à A.14 manquent de pertinence temporelle. En effet, toutes ces pièces concernent des marques dont les demandes d’enregistrement étaient postérieures à la date pertinente et doivent ainsi être écartées eu égard à la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.

86      S’agissant des décisions de l’EUIPO produites devant celui-ci et le Tribunal, il convient en outre de constater qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée, et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, ARTHUR ET FELICIE, T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71). En tout état de cause, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les marques examinées dans lesdites décisions, bien qu’elles contiennent l’expression « as a service », ne présentent pas suffisamment de similitudes avec la marque contestée pour donner une indication quant à la perception de cette dernière par le public pertinent à la date pertinente. Il en va de même pour l’annexe A.9, présentée par la requérante comme contenant une liste constituant la « version à jour de la taxonomie des classes de marques en anglais dans laquelle figurent [des] termes comprenant l’expression “as a service” ».

87      L’annexe A.7 consiste, ainsi qu’il a été indiqué au point 22 ci-dessus, en des captures d’écran du site Internet de Wikipédia donnant des informations sur la signification de l’expression « as a service ». Ladite annexe n’est cependant pas pertinente en l’espèce dans la mesure où elle est datée du 21 juillet 2017, ce qui est une date postérieure à la date pertinente. L’annexe A.7 doit donc être écartée conformément à la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.

88      L’annexe A.15 contient un article scientifique du 7 juillet 2015 qui, certes, utilise l’expression « Key-as-a-Service », mais il n’apparaît pas clairement si ladite expression est utilisée de manière descriptive dans ledit article ou s’il s’agit en fait d’un usage en tant que marque. En effet, la mention de l’expression « key-as-a-service (KaaS) » est suivie d’une explication de ladite expression, ce qui implique qu’elle n’est pas directement descriptive en elle-même. Par ailleurs, le fait que la combinaison de lettres « kaas » soit mise entre parenthèses juste après l’expression « key-as-a-service » met en exergue qu’il s’agit d’un acronyme, ce qui rend la présentation de ladite expression différente de celle de la marque contestée, qui ne contient aucune indication permettant de comprendre que la combinaison de lettres « kaas » doit être comprise comme un acronyme. En tout état de cause, même si ledit article est antérieur à la date pertinente, il s’agit d’un cas isolé d’usage de cette expression, dans un domaine [la génération d’une clé unique à chaque fois que l’utilisateur souhaite accéder à des données stockées dans un nuage (« cloud »)] étranger aux produits en cause, qui ne saurait être suffisant pour établir que la marque contestée était descriptive au regard des produits en cause à la date pertinente.

89      L’annexe A.16 contient un article du 4 février 2016 selon lequel une entreprise de sécurité lançait un service « “key as a service” (KaaS) ». Toutefois, il y lieu de considérer que ledit article décrit le lancement d’un nouveau service « key as a service » (« kaas »), ce qui indique que ladite expression est relativement nouvelle et laisse planer un doute quant à la question de savoir si la société de sécurité en question utilise ladite expression en tant que marque ou en tant que description dudit service. En tout état de cause, ledit article n’est pas pertinent d’un point de vue temporel. En effet, il a été publié après la date pertinente et doit ainsi être écarté conformément à la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus. En outre, il n’est pas possible de déterminer si ledit article s’adressait au public pertinent de l’Union. Par conséquent, il n’est pas non plus pertinent d’un point de vue territorial.

90      Il s’ensuit que, au regard de la signification de la marque contestée et des éléments de preuve qui lui avaient été présentés, la chambre de recours a pu considérer sans commettre d’erreur d’appréciation que ladite marque n’était pas descriptive au regard des produits en cause, de sorte que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement

91      La requérante soutient que la marque contestée serait descriptive et fonde sur cet élément l’absence de caractère distinctif qu’elle fait valoir.

92      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

93      Dès lors que l’argumentation de la requérante sur l’absence prétendue de caractère distinctif de la marque contestée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 se fonde exclusivement sur son caractère prétendument descriptif et qu’il a été constaté dans le cadre de la réponse au troisième moyen que ladite marque n’est pas descriptive au regard des produits en cause, cette argumentation ne saurait prospérer.

94      Par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement

95      La requérante fait valoir que la marque contestée est composée exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce. Partant, l’enregistrement de la marque contestée aurait dû, selon la requérante, être déclaré nul. À l’appui du présent moyen, elle invoque notamment cinq déclarations sous serment de différentes personnes agissant à la fois en qualité de personnes physiques et de représentants autorisés d’entreprises spécialisées du secteur de la serrurerie en Espagne, confirmant la compréhension de nature descriptive de cette marque, une déclaration de l’APECS et un extrait d’une enquête produite par l’intervenante devant l’EUIPO.

96      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

97      L’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009 s’oppose à l’enregistrement des marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce.

98      Cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose à l’enregistrement d’une marque que lorsque les signes ou les indications dont cette marque est exclusivement composée sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services pour lesquels ladite marque est présentée à l’enregistrement [voir arrêt du 17 mars 2021, Bende/EUIPO – Julius-K9 (K-9), T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 18 et jurisprudence citée].

99      Ainsi, des signes ou des indications composant une marque qui sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services visés par cette marque ne sont pas propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et ne remplissent donc pas la fonction essentielle de ladite marque (voir arrêt du 17 mars 2021, K-9, T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 19 et jurisprudence citée).

100    Le caractère usuel d’une marque ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services visés par la marque, même si la disposition en cause ne fait pas une référence explicite à ceux-ci, et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 17 mars 2021, K-9, T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 20 et jurisprudence citée).

101    En l’espèce, il incombait à la requérante de démontrer que, à la date pertinente, le signe KAAS KEYS AS A SERVICE était devenu usuel dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2021, K-9, T‑878/19, non publié, EU:T:2021:146, point 21 et jurisprudence citée).

102    La chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas réussi à démontrer un tel fait. Elle a effectivement écarté les éléments de preuve présentés par la requérante aux motifs, notamment, que la déclaration de l’APECS était incomplète (points 56 et 57 de la décision attaquée), que les décisions de l’EUIPO n’étaient ni pertinentes ni contraignantes (points 59 et 73 à 77 de la décision attaquée) et que les déclarations sous serment non seulement manquaient de force probante, mais ne sauraient suffire à elles seules pour prouver le caractère usuel du signe constituant la marque contestée à la date pertinente (points 63 et 64 de la décision attaquée).

103    Il convient de considérer que la chambre de recours a correctement considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve du caractère usuel du signe contesté à la date pertinente. En effet, en ce qui concerne les déclarations sous serment des différents acteurs dans le secteur de la serrurerie (annexe A.18), force est de constater que ces cinq déclarations ne sauraient, à elles seules, être suffisantes pour démontrer que le signe constituant la marque contestée était devenu usuel dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce à la date pertinente. En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours a remis en cause la force probante desdites déclarations, dans la mesure où elle ignorait les informations et les faits sur lesquels étaient fondées les affirmations y figurant et qu’elle n’avait pas non plus connaissance de la méthode et de la procédure mises en œuvre pour obtenir lesdites déclarations.

104    Il en va de même pour la déclaration de l’APECS, qui ne fournit aucune donnée ni information sur le moment où la combinaison verbale « kaas keys as a service » aurait été intégrée dans le langage courant dans le secteur d’activité concerné pour désigner le fait que des produits tels que ceux en cause soient proposés sur Internet.

105    S’agissant de l’extrait de l’enquête produite par l’intervenante devant la chambre de recours, selon lequel 38 % des personnes interrogées auraient répondu que l’expression « kaas keys as a service » pourrait être liée à des clés électroniques, il convient de constater que ladite affirmation manque de pertinence en l’espèce. En effet, il y a lieu de constater, d’une part, qu’il s’agissait d’une question induisant les personnes interrogées à donner ladite réponse, dans la mesure où cette question était formulée de la manière suivante : « Pensez-vous que l’expression “KAAS KEYS AS A SERVICE” pourrait être liée à des clés électroniques ? » D’autre part, ladite enquête a été effectuée entre les 21 et 24 juin 2019, soit donc après la date pertinente, de sorte qu’elle n’est pas non plus pertinente d’un point de vue temporel et doit dès lors être écartée au regard de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus.

106    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de juger que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer, au point 66 de la décision attaquée, que les documents produits par la requérante ne démontraient pas l’usage du signe constituant la marque contestée sur le marché à la date pertinente et qu’il était impossible de constater avec un minimum de certitude et d’objectivité que ce signe était une combinaison de termes usuelle dans le secteur des systèmes d’ouverture et de fermeture électroniques.

107    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme non fondé et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

109    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Talleres de Escoriaza, SA, est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.