Language of document : ECLI:EU:T:2006:375

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

5 décembre 2006 (*)

« Fonctionnaires − Rapport de notation – Recours en annulation − Absence de consultation du supérieur hiérarchique direct précédent – Motivation – Recours en indemnité – Établissement tardif – Préjudice moral − Recevabilité »

Dans l’affaire T‑416/03,

Angel Angelidis, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg, représenté par MÉ. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. de Wachter et M. Mustapha Pacha, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, l’annulation du rapport de notation du requérant, fonctionnaire de grade A 3 du Parlement européen, pour la période allant du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2001, et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice prétendument subi tant en raison des prétendues irrégularités du rapport de notation litigieux que de son établissement prétendument tardif,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : M. J. Palacio Gonzáles, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 26, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable dans la présente espèce (ci-après le « statut ») :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a)      toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b)      les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces [...] »

2        L’article 43 du statut énonce ce qui suit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A l et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

3        Pour l’exercice de notation portant sur la période allant du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2001, les dispositions générales d’exécution relatives à l’application de l’article 43 du statut et de l’article 15 du régime applicable aux autres agents arrêtées par le Parlement le 8 mars 1999 (ci-après les « DGE ») trouvent à s’appliquer.

4        L’article 3 des DGE énonce ce qui suit :

« Le rapport de notation est préparé par le chef hiérarchique direct de catégorie A ou du cadre linguistique LA dont dépend le noté et visé par deux notateurs sur le formulaire figurant en annexe.

Le premier notateur est le chef d’unité de grade A 3-A 4/LA 3-LA 4 ou le directeur de grade A 2 dont dépend le noté. Il est désigné en fonction de la structure des services et de la catégorie de personnel à noter :

–        pour le secrétariat général, par le directeur général ou par le plus haut responsable de l’unité administrative lorsque celle-ci n’est pas constituée en direction générale ;

–        pour les groupes politiques, par le secrétaire général du groupe.

En cas de mutation du chef hiérarchique au cours de la période de référence, le chef hiérarchique resté le plus longtemps dans l’unité au cours de la période de référence établira la notation.

En cas d’absence du chef hiérarchique (maladie, congé de convenance personnelle) ou de cessation de fonctions (retraite, dégagement) depuis la fin de la période de référence, son propre chef hiérarchique pendant cette période sera chargé d’établir la notation du fonctionnaire [ou de l’] agent.

Le notateur final est :

–        pour le secrétariat général, le directeur général ou un directeur désigné par lui ou, pour les unités administratives qui ne sont pas constituées en directions générales, le plus haut responsable de l’unité administrative ;

–        pour les groupes politiques, le secrétaire général du groupe.

Les rapports de notation établis par un seul notateur seront considérés comme nuls et feront l’objet d’une nouvelle procédure.

Il est cependant dérogé aux dispositions ci-dessus dans le cas des fonctionnaires [ou des] agents notés par un premier notateur qui assume les fonctions de directeur général, de chef d’une unité administrative autonome ou de secrétaire général d’un groupe politique, celui-ci étant de fait également notateur final, ainsi que pour les unités administratives particulièrement importantes où le premier notateur peut être un chef de service appartenant à cette unité.

La liste des notateurs est publiée avant le début de l’exercice de notation. »

5        Aux termes de l’article 4, premier, troisième et quatrième alinéas, des DGE :

« La période de référence correspond à une année calendrier […]

Les chefs hiérarchiques […] des autres services auxquels le fonctionnaire est [ou] a été affecté au cours de la période de référence sont consultés au préalable par les notateurs.

Si le noté fait l’objet d’un détachement dans l’intérêt du service auprès d’une instance politique, qu’elle se situe dans l’institution ou hors de l’institution et quelle que soit la durée de ce détachement, la direction générale à laquelle il est rattaché établit le rapport de notation après consultation de l’instance de détachement. La même procédure sera adoptée lors d’un détachement auprès d’un groupe politique, d’une mise à disposition d’un fonctionnaire auprès d’une autre direction générale ou unité ainsi que dans le cas d’un échange de fonctionnaires. »

6        L’article 5 des DGE dispose ce qui suit :

« Au cours du mois de décembre qui précède l’exercice de notation, sur base de la liste des personnes à noter établie par les services de la [direction générale] V, le chef hiérarchique direct de catégorie A dont dépend le noté établit, après avoir procédé aux consultations nécessaires, dans les dix jours ouvrables après réception du fichier informatisé, un projet de rapport de notation. Le premier notateur le communique au noté en lui précisant la date et l’heure de l’entretien. Le noté, s’il le souhaite, peut être accompagné lors de cet entretien obligatoire d’un représentant du personnel ou d’un autre fonctionnaire ou agent de l’institution. Le chef hiérarchique immédiat du noté peut également être présent à cet entretien à la demande du premier notateur. Cet entretien a lieu dans les dix jours ouvrables après la communication au noté du projet de notation. Ce dernier peut toutefois exiger un délai de trois jours ouvrables avant de s’y présenter.

Le rapport de notation est transmis au notateur final qui dispose de dix jours ouvrables pour l’avaliser ou le modifier. S’il entend modifier la notation, il s’en entretient avec le premier notateur. Il s’en entretient également avec le noté, pour le cas où la modification se traduirait par une appréciation négative.

Un entretien avec le notateur final a également lieu si le noté en fait la demande, le cas échéant en présence d’un représentant du comité du personnel ou d’une tierce personne, avant que celui-ci n’ait avalisé le rapport. »

7        Les articles 7 à 11 des DGE régissent la procédure interne de révision de la notation.

8        L’article 7 des DGE prévoit, notamment, les modalités de communication du rapport au noté, qui dispose de dix jours ouvrables pour le restituer signé avec d’éventuelles observations, ce délai étant prorogé en cas d’absence dûment justifiée.

9        Aux termes de l’article 8 des DGE, le notateur final dispose de dix jours ouvrables, compte tenu des absences dûment justifiées, pour répondre par écrit aux observations du noté. À compter de la réception de la réponse du notateur final, le noté dispose d’un délai de dix jours ouvrables pour saisir le comité des rapports.

10      Conformément aux articles 9 et 10 des DGE, le comité des rapports rend, dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, un avis motivé sur le rapport qui est transmis au noté, au notateur final et au secrétaire général. Ce dernier établit, dans un délai de huit jours ouvrables à compter de la réception de l’avis du comité des rapports, la version définitive et en communique le résultat au noté, au notateur final et au comité des rapports. S’il s’écarte de l’avis du comité des rapports, il doit motiver sa décision.

11      L’article 11 des DGE dispose :

« La notation est définitive : […]

–        en cas de saisine du comité des rapports, sans préjudice d’une réclamation au titre de l’article 90 du statut :

–        à la date de décision finale du secrétaire général suite à l’avis du comité des rapports […] »

12      Le point 1.1 des instructions relatives à la procédure d’établissement des rapports de notation au Parlement (ci‑après les « instructions ») dispose que « [l]es appréciations analytiques se réfèrent aux trois rubriques prévues à l’article 43 du statut : la compétence, le rendement et la conduite dans le service du noté […] »

13      Le point 1.2 des instructions énonce que « [l]es appréciations analytiques ne sont pas chiffrées ».

14      Le point 2 des instructions énonce ce qui suit :

« La rubrique ‘description des fonctions et des travaux effectués en dehors de l’emploi type’ reprend, pour chaque exercice de référence :

a)      les tâches exercées par le noté, à savoir les données figurant dans les ‘job‑description’ établies par les directions générales ou unités autonomes pour chaque poste. Elles pourront, le cas échéant, être modifiées ou complétées par les notateurs. Pour les linguistes, elles comprennent leur langue de travail.

L’indication que la tâche exercée est nouvelle ou a été modifiée par rapport aux tâches exercées lors de la période précédente doit apparaître. Cette information permet d’apprécier l’étendue des nouvelles responsabilités confiées au noté par rapport à l’exercice précédent.

b)      le cas échéant, les travaux exceptionnels effectués par le noté,

[…] »

15      Le point 3.1 des instructions énonce ce qui suit :

« Les appréciations analytiques sont limitées aux trois domaines prévus par le statut : compétence, rendement et conduite.

Le premier notateur est tenu d’indiquer, en fonction de l’emploi‑type spécifique du noté et de sa catégorie, les critères d’appréciation concrets sur lesquels porte la notation.

Le premier notateur apportera des commentaires factuels appropriés sur chaque critère d’appréciation. »

16      Le point 3.2 des instructions prévoit ce qui suit :

« Après avis du supérieur hiérarchique direct du noté – dont l’appréciation sera portée sur le document, le cas échéant après avoir consulté le(s) supérieur(s) hiérarchique(s) précédent(s) du noté, le premier notateur émet une appréciation générale, rédigée de manière concise, fondée sur les éléments suivants :

–        les aptitudes particulières du noté […]

–        l’évolution des prestations professionnelles par rapport à l’exercice précédent […]

–        le degré de réalisation des objectifs fixés lors du précédent exercice,

–        les objectifs à atteindre pour le prochain exercice : ces points constituent en quelque sorte, toutes autres choses restant égales par ailleurs, autant d’objectifs assignés au noté,

–        la formation complémentaire qu’il propose pour le noté, ainsi que la formation souhaitée par ce dernier […] »

17      Enfin, le point 8 des instructions dispose ce qui suit :

« Le notateur final est tenu de répondre aux observations du noté. Cette réponse est communiquée au noté. »

 Faits à l’origine du litige

18      Le requérant est fonctionnaire de grade A 3 du Parlement. Depuis le 1er juillet 1999, il a été affecté à la direction D de la direction générale 2 « Commissions et délégations », en qualité de conseiller chargé des questions budgétaires. Le directeur de la direction D, M. J., a cessé ses fonctions le 1er novembre 2001.

19      Dans le cadre de l’établissement du rapport de notation du requérant pour l’année 2001, un premier projet lui a été transmis le 12 mars 2002, par M. N., directeur général de la direction générale 2.

20      Par note du 14 mars 2002, le requérant a contesté ce projet de rapport de notation à la fois quant à la procédure suivie et quant au fond. D’une part, le projet n’aurait pas été établi par le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct du requérant. D’autre part, les appréciations qui y sont contenues seraient, à tort, négatives par rapport à celles de tous les rapports de notation du requérant élaborés au titre des années précédentes.

21      Le 16 avril 2002, un premier entretien a eu lieu entre le notateur M. N. et le requérant.

22      À la suite de cet entretien, par note du 18 avril 2002, adressée au notateur, dont copie a également été notifiée au secrétaire général du Parlement, le requérant a contesté le maintien de la position initiale du notateur, exprimé dans le projet de rapport de notation susvisé et a réitéré ses critiques avancées dans la note du 14 mars 2002, en y ajoutant que son ancien directeur, M. J, n’avait même pas été consulté, en violation des DGE. En outre, le requérant a informé le notateur de sa décision de saisir le secrétaire général du Parlement du problème et d’avancer une demande de réaffectation au sein des services du secrétariat général en rapport avec sa formation et son expérience professionnelle.

23      Une nouvelle version du projet de rapport de notation, établie à la suite de l’entretien du 16 avril 2002, a été communiquée au requérant, par note manuscrite de la secrétaire du notateur, Mme M., datée du 24 avril 2002 et reçue le 29 avril suivant. Par cette note, le requérant a été invité à remplir la rubrique n° 4 dudit projet, intitulée « Appréciations du fonctionnaire » et à renvoyer le projet du rapport de notation au notateur.

24      Par courriel du 24 avril 2002, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant qu’il tiendrait compte, dans la mesure du possible, de son souhait de changer d’affectation et lui a suggéré d’examiner la possibilité de révision du contenu du projet de rapport de notation avant sa validation, dans le cadre de la procédure prévue à cet effet.

25      Le même jour, le requérant a demandé au notateur M. N., l’organisation d’un second entretien qui, selon le requérant, devait se placer dans la phase des contacts du notateur avec le noté.

26      Par courriel du 30 avril 2002, le notateur a informé le requérant que cet entretien allait avoir lieu le 14 mai 2002 et l’a invité, de nouveau, à remplir la rubrique n° 4 ainsi que la rubrique n° 5, intitulée « Commentaires du fonctionnaire quant à sa compétence, son rendement et sa conduite », du projet de rapport de notation.

27      C’est dans ce contexte que ce second entretien entre le notateur et le requérant a eu lieu, à Strasbourg, le 15 mai 2002, en présence de M. P., président du comité du personnel.

28      Le 13 juin 2002, le requérant a accusé réception de la copie du projet de rapport de notation établi par le notateur à la suite du second entretien et a adressé au notateur deux notes séparées, datées du 12 juin 2002, contenant ses commentaires sur les rubriques nos 4 et 5 du projet de rapport de notation précitées.

29      Le 28 juin 2002, M. N. a visé, en tant que notateur final, le rapport de notation, en y annexant une note de dossier datée du 20 juin 2002 et répondant, notamment, aux commentaires du requérant sur les rubriques nos 4 et 5 du projet dudit rapport. Le requérant a accusé réception de ce rapport de notation le 9 juillet 2002.

30      Par courrier du 15 juillet 2002, le requérant a saisi le comité des rapports (ci-après le « CORAP »), aux fins d’annulation du projet de rapport de notation et, notamment, de tous les commentaires négatifs de l’appréciation générale et de toutes les modifications négatives des appréciations analytiques par rapport à la notation de l’exercice 2000, figurant, respectivement, aux rubriques nos 3.2 et 3.1 du projet de rapport de notation en cause.

31      Le 18 décembre 2002, le CORAP a rendu son avis n0047/2002 lequel a été communiqué au requérant par courrier du président du CORAP daté du 23 décembre suivant. Dans cet avis, rendu après examen du dossier ainsi que du rapport de notation et après audition du notateur et du requérant, le CORAP a conclu, en substance, qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le projet de rapport de notation 2001 du requérant ni d’annuler les commentaires négatifs de l’appréciation générale ou les modifications négatives intervenues sur certaines appréciations analytiques du rapport de notation définitif.

32      Par note du 4 mars 2003 (ci‑après la « décision attaquée »), le secrétaire général du Parlement a informé le requérant qu’il a pris connaissance de l’avis du CORAP et qu’il partageait ses conclusions. Le rapport de notation du requérant est ainsi devenu définitif.

33      Par lettre du 26 mai 2003, enregistrée au service du courrier officiel du Parlement le 27 mai suivant, le requérant a introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, visant, d’une part, à l’annulation de son rapport de notation 2001 ainsi qu’à la reconduction, pour cette année, de son rapport de notation 2000 et, d’autre part, au paiement d’une somme de 20 000 euros, évaluée ex aequo et bono, pour la réparation du préjudice moral prétendument subi. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision implicite de rejet le 27 septembre 2003.

 Procédure et conclusions des parties

34      C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

35      Postérieurement à l’introduction du recours, par décision du 15 janvier 2004, le requérant a été réaffecté, avec son poste, à la nouvelle direction générale 2 « Politiques internes de l’Union » du Parlement, avec effet au 1er janvier 2004.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale, et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à répondre par écrit à diverses questions et à produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 20 juin 2006.

38      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation ;

–        condamner le Parlement à lui payer une somme de 20 000 euros, évaluée ex aequo et bono, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et atteinte à la carrière, tant en raison des irrégularités substantielles que du retard important dans l’établissement du rapport de notation 2001 dans un contexte particulièrement douloureux pour le requérant ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

39      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours en annulation manifestement irrecevable au motif qu’il n’a pas été formé dans les délais requis et le recours en dommages-intérêts manifestement irrecevable, au moins dans la mesure où la demande indemnitaire est intimement liée au recours en annulation ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours dans son intégralité non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

40      Lors de l’audience, le Parlement a renoncé à sa conclusion sur l’irrecevabilité de la demande en annulation, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal d’audience. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur cette question.

 Sur la demande en annulation

41      À l’appui de son recours en annulation, le requérant énonce un moyen unique, tiré d’une violation des articles 26 et 43 du statut, des DGE, de l’obligation de motivation et des principes généraux de droit, tels que le principe d’impartialité et d’objectivité, le principe de protection de la confiance légitime et le respect du devoir de sollicitude. Ce moyen s’articule en cinq branches tirées, premièrement, de l’existence d’un notateur unique, deuxièmement, de l’absence de consultation du supérieur hiérarchique direct, troisièmement, d’un défaut de motivation, quatrièmement, d’un prétendu manque d’impartialité et d’objectivité du notateur ainsi que du CORAP et, cinquièmement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude.

 Sur l’existence d’un seul notateur

 Arguments des parties

42      Le requérant relève que le rapport litigieux a été établi par un seul notateur, M. N., agissant à la fois en tant que supérieur hiérarchique, premier et dernier notateur. Le rapport de notation aurait donc été établi en violation de l’article 3, premier et sixième alinéas, des DGE et serait, dès lors, entaché d’un vice de procédure.

43      À cet égard, le requérant souligne que, à aucun moment, même après le départ de son ancien directeur M. J. (en novembre 2001), ni lui ni son unité n’ont été rattachés directement au directeur général, M. N., qui ne pourrait ainsi assumer le rôle de supérieur hiérarchique et de notateur unique.

44      Le Parlement soutient que, conformément à l’article 3, quatrième et septième alinéas, des DGE, l’établissement du rapport de notation incombait au directeur général en tant que premier notateur, le supérieur hiérarchique direct du requérant ayant cessé ses fonctions depuis le 1er novembre 2001. Aux termes de ces mêmes dispositions, le premier notateur étant le directeur général, ce dernier était, de fait, également notateur final. En conséquence, la notation du requérant par un notateur unique serait conforme aux dispositions en cause.

 Appréciation du Tribunal

45      Il n’est pas contesté que, pour la notation en cause, le directeur général M. N. était le notateur final, aux termes de l’article 3, cinquième alinéa, des DGE. Les parties divergent, toutefois, sur la question de savoir qui était appelé à assumer le rôle de premier notateur. Selon le Parlement, après le départ à la retraite, le 1er novembre 2001, de M. J., chef hiérarchique direct et directeur du requérant, ce rôle ainsi que celui du notateur final incombaient au directeur général M. N., en sa qualité de supérieur hiérarchique de M. J., conformément à l’article 3, quatrième et septième alinéas, des DGE. Le requérant, se référant à l’article 3, premier et sixième alinéas, des DGE, conteste la position du Parlement, sans toutefois identifier clairement, dans ses écritures, la personne qui devrait assumer le rôle de premier notateur en l’espèce. Lors de l’audience, le requérant a précisé que ce rôle incomberait, normalement, à son supérieur hiérarchique direct précédent, à savoir le directeur M. J., parti à la retraite le 1er novembre 2001.

46      Il convient de relever que, par dérogation à la règle de la nullité des rapports de notation établis par un seul notateur, prévue à l’article 3, sixième alinéa, des DGE, le directeur général devient notateur unique dans les cas où il assume également le rôle de premier notateur, conformément à l’article 3, septième alinéa, des DGE.

47      Il y a lieu d’observer, toutefois, que, contrairement à ce qui est prévu en cas de mutation du chef hiérarchique au cours de la période de référence (article 3, troisième alinéa, des DGE), les DGE ne contiennent pas de disposition spécifique sur la personne qui est appelée à assumer le rôle de premier notateur en cas de départ à la retraite du chef hiérarchique du noté au cours de la période de référence. En outre, l’article 3, quatrième alinéa, des DGE auquel se réfère le Parlement et selon lequel, en cas de départ à la retraite du chef hiérarchique « depuis la fin de la période de référence », le chef hiérarchique de ce dernier pendant cette période établit la notation du fonctionnaire concerné en qualité de premier notateur, n’a de signification que s’il est interprété en ce sens qu’il devient applicable lorsque le supérieur hiérarchique du noté quitte le service à la fin de la période de référence (31 décembre), ou à une date postérieure, mais avant d’avoir pu accomplir son rôle de premier notateur pour la période de référence en cause.

48      Il découle de ces dispositions que le rôle de premier notateur ne saurait être confié au supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire noté, parti à la retraite au cours de la période de référence et ayant, dès lors, rompu ses liens avec l’institution concernée. Il s’ensuit que, dans un tel cas, le rôle de premier notateur doit être confié au supérieur hiérarchique qui remplace celui parti à la retraite au cours de la période de référence. Si le poste du chef hiérarchique direct parti à la retraite au cours de la période de référence est resté vacant jusqu’à la fin de ladite période, il y a lieu de considérer que son propre supérieur hiérarchique pendant la même période devient chef hiérarchique direct du fonctionnaire concerné et sera chargé d’établir la notation de ce fonctionnaire en tant que premier notateur, conformément à la règle énoncée à l’article 3, premier alinéa, des DGE. Si ce notateur assume les fonctions de directeur général, il deviendra également notateur final du fonctionnaire, conformément à la dérogation établie par l’article 3, septième alinéa, des DGE.

49      En l’espèce, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a précisé que le poste du directeur du requérant, M. J., est resté vacant après son départ à la retraite, le 1er novembre 2001, jusqu’à la fin de la période de référence litigieuse, à savoir le 31 décembre 2001, un nouveau directeur n’ayant été nommé à ce poste qu’au 1er janvier 2002. Le requérant n’a pas contesté les affirmations du Parlement sur ce point.

50      Dans ces conditions, le directeur général de la direction générale 2 du Parlement est devenu chef hiérarchique direct du requérant pour la période allant du 1er novembre 2001 jusqu’au 31 décembre 2001. Par conséquent, conformément aux considérations évoquées aux points 46 à 49 ci‑dessus et, contrairement à ce que fait valoir le requérant, c’est à bon droit que le directeur général en question a assumé à la fois le rôle du premier et dernier notateur dans le cadre de la notation litigieuse du requérant.

51      Il s’ensuit que la première branche du moyen unique invoqué par le requérant doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur l’absence de consultation du supérieur hiérarchique direct précédent

 Arguments des parties

52      Le requérant rappelle la jurisprudence selon laquelle l’absence de consultation des supérieurs hiérarchiques peut constituer une irrégularité substantielle de nature à entacher la validité du rapport de notation (arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑63/89, Rec. p. II‑19, point 27).

53      Or, en l’espèce, le notateur unique, M. N., n’aurait pas consulté le supérieur hiérarchique direct précédent du requérant, M. J., en violation de l’article 3, quatrième alinéa, et de l’article 5, premier alinéa, des DGE. Selon le requérant, même dans l’hypothèse où M. N. serait effectivement devenu son supérieur hiérarchique direct, il ne serait habilité à le noter que pour la période comprise entre le départ à la retraite de M. J. et le 31 décembre 2001 et aurait dû consulter M. J., seul à même d’apprécier le travail du requérant pendant les dix premiers mois de l’année 2001. M. J. aurait été disponible au Parlement, à Bruxelles, même après son départ à la retraite, jusqu’à la fin du mois de décembre 2001 au moins.

54      Le fait de ne pas avoir consulté M. J. constituerait une irrégularité de procédure d’autant plus préjudiciable que les appréciations négatives de M. N. seraient largement contredites par M. J. dans une note datée du mois de mai 2002 fournie au requérant afin de le soutenir dans ses démarches pour obtenir une nouvelle affectation. Cette note n’aurait pas été versée au dossier individuel du requérant en violation de l’article 26 du statut et de ses droits de la défense.

55      Le Parlement souligne que la notation du requérant par un notateur unique étant conforme aux DGE, cette considération de légalité liée à la procédure de notation écarte la critique fondée sur l’absence de consultation du supérieur hiérarchique direct précédent.

 Appréciation du Tribunal

56      S’agissant, tout d’abord, de l’argument du requérant tiré de ce que le directeur général, M. N., ne serait, en toute hypothèse, habilité à le noter que pour la période comprise entre le départ à la retraite de son ancien directeur (1er novembre 2001) et le 31 décembre 2001, il convient de le rejeter comme étant non fondé. En effet, ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, le directeur général est devenu notateur unique du requérant après le départ à la retraite de M. J. En cette qualité, il était compétent pour établir la notation du requérant pour l’ensemble de la période de référence litigieuse. L’établissement des rapports de notation « partiels » auxquels se réfère, en substance, le présent argument du requérant ne trouve aucun fondement dans les DGE.

57      Se référant à l’arrêt Latham/Commission, point 52 supra, et à l’article 5, premier alinéa, des DGE, le requérant fait valoir, ensuite, que le directeur général aurait dû consulter l’ancien directeur M. J. qui serait mieux placé pour apprécier le travail du requérant durant les dix premiers mois de la période de référence litigieuse.

58      Cet argument doit être écarté comme étant dépourvu de toute pertinence en l’espèce. Dans l’arrêt Latham/Commission, point 52 supra, le Tribunal a annulé le rapport de notation d’un fonctionnaire de la Commission au motif que les responsables d’une autre direction générale, au sein de laquelle il avait travaillé pendant plusieurs mois au cours de la période de référence, n’avaient pas été consultés en violation d’une disposition spécifique en ce sens des DGE applicables dans l’affaire. En l’espèce, les DGE contiennent, certes, une disposition analogue à l’article 4, troisième alinéa, mais il ne ressort pas du dossier que le requérant a été affecté à un autre service du Parlement au cours de la période de référence litigieuse et, d’ailleurs, celui-ci n’allègue pas l’avoir été.

59      En outre, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5, premier alinéa, des DGE, le notateur établit un projet de rapport de notation, après avoir procédé aux consultations « nécessaires ». Au-delà de la nécessaire consultation prévue à l’article 4, troisième alinéa, des DGE, évoquée au point précédent, les autres consultations nécessaires sont définies à l’article 4, quatrième alinéa, des DGE (voir point 5 ci-dessus), lequel est également sans pertinence en l’espèce. En revanche, aucune disposition des DGE n’impose la consultation du chef hiérarchique direct précédent du noté, parti à la retraite au cours de la période de référence, une telle consultation ne pouvant dès lors être qualifiée de « nécessaire », au sens des DGE. Le point 3.2 des instructions, qui fait référence à la consultation, « le cas échéant », des supérieurs hiérarchiques précédents du noté, doit être interprété en ce sens qu’il vise les consultations nécessaires prévues à l’article 4, troisième et quatrième alinéas, des DGE , dès lors que les instructions ne sauraient aller au-delà de ce qui est prévu par les DGE (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, non encore publié au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée). Dans ces conditions, la consultation de l’ancien chef hiérarchique du noté, parti à la retraite au cours de la période de référence, ne peut qu’être facultative et laissée à l’appréciation des notateurs qui peuvent, éventuellement, la demander en fonction des circonstances propres à chaque cas concret. L’omission des notateurs de procéder à une telle consultation n’est pas, en tant que telle, constitutive d’une irrégularité susceptible d’affecter la validité du rapport de notation. Cette considération est a fortiori valable dans le cas, notamment, où les notateurs ont été en mesure de se forger leur propre opinion sur les prestations du noté au cours de la période de référence.

60      En l’espèce, dans sa note explicative du 20 juin 2002, précitée, annexée au rapport de notation litigieux, le notateur M. N. affirme que, devenu chef hiérarchique et premier notateur du requérant depuis le 31 octobre 2001, il n’a pas eu l’impression que l’on puisse parler d’un changement radical de la situation du requérant après le départ à la retraite de son ancien directeur et jusqu’à la fin de la période de référence.

61      En ce qui concerne les dix premiers mois de la période de référence, le notateur explique que, en sa qualité de directeur général de la direction générale dont relevait le requérant, il a eu la possibilité de suivre ses travaux et il ajoute cela :

« Il faut aussi souligner que mon attention sur la nature et la qualité de ses travaux (ou des travaux des stagiaires pour lesquels M. Angelidis porte la responsabilité administrative) s’est accrue [à la] suite [d’]un premier incident grave révélé dans la lettre [d’un] Membre du Parlement européen au secrétaire général, en date du 24 avril [2001]. À partir de ce moment, et en étroite collaboration avec M. [J.] pendant les dix mois de sa présence, je me suis fait une opinion tout au long de l’année, exprimée par une série de notes critiques [...] à l’adresse de M. Angelidis. »

62      Il en résulte que, n’ayant pas procédé à la consultation de l’ancien directeur du requérant, le notateur n’a nullement méconnu la disposition de l’article 5, premier alinéa, des DGE, dès lors qu’une telle consultation n’était pas « nécessaire » au sens dudit article et, en tout état de cause, n’était pas justifiée au regard des circonstances de l’espèce.

63      Lors de l’audience, le requérant a contesté avoir reçu les « notes critiques » évoquées par le notateur dans sa note précitée. Selon le requérant, le fait de ne jamais avoir reçu lesdites notes démontrerait l’omission de sa hiérarchie, tout au long de la période de référence litigieuse, de l’informer du caractère insatisfaisant de l’exécution de ses tâches.

64      S’agissant de l’omission alléguée de communiquer au requérant les « notes critiques » évoquées par le directeur général dans sa note du 20 juin 2002, force est de constater qu’elle est, en l’espèce, dépourvue de pertinence. En effet, cette omission, à la supposer établie, n’est pas de nature à mettre en cause l’affirmation du directeur général selon laquelle, au cours de la période de référence litigieuse, il a acquis une connaissance personnelle des prestations du requérant, dans le cadre d’une étroite collaboration avec le directeur de la direction dont dépendait le requérant, M. J., jusqu’au départ de ce dernier à la retraite. Il convient de relever, par ailleurs, que le requérant n’a contesté avoir reçu les « notes critiques » en question ni dans les différentes observations qu’il a formulées dans le cadre de la procédure de notation, après la réception, le 9 juillet 2002, du projet de rapport de notation auquel était annexée la note du directeur général, du 20 juin 2002, ni même lors de la phase écrite de la procédure devant le Tribunal.

65      Pour autant que l’affirmation du requérant, à l’audience, selon laquelle sa hiérarchie aurait omis de lui fournir des indications, au cours de la période de notation litigieuse, sur la qualité de ses prestations, doive être comprise en ce sens que le requérant entend se prévaloir d’un moyen tiré d’une violation de ses droits à la défense du fait de ladite omission, force est de constater qu’un tel moyen, invoqué pour la première fois à l’audience, est irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant n’ayant même pas allégué qu’un tel moyen se fonde sur des éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure.

66      Au demeurant, selon la jurisprudence, s’agissant de purs jugements de valeur, le fonctionnaire noté peut suffisamment faire valoir son point de vue au cours de la procédure de notation, avant que son rapport de notation devienne définitif. Aucune obligation ne pèse sur l’administration de communiquer au fonctionnaire noté les jugements de valeurs susvisées antérieurement à l’engagement de la procédure de notation. À cet égard, il suffit que le fonctionnaire noté prenne connaissance desdits jugements pour la première fois lors de la procédure de notation, c’est-à-dire au stade du rapport de notation provisoire, au sens des DGE, afin qu’il puisse faire valoir utilement son point de vue (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2005, De Bry/Commission, T‑157/04, non encore publié au Recueil, points 80 à 82). En l’espèce, il est constant que le requérant a pu présenter ses observations et exercer ses droits de la défense à chaque stade de la procédure de notation litigieuse par rapport aux jugements de valeurs auxquels il s’est référé lors de l’audience. Partant, ce grief doit, en tout état de cause, être rejeté.

67      Enfin, l’argument du requérant tiré de ce que la note que lui a fournie, en mai 2002, son ancien directeur pour le soutenir dans ses démarches en vue d’obtenir une nouvelle affectation, n’aurait pas été versée à son dossier personnel et n’aurait dès lors pas été prise en compte par le notateur, n’est pas non plus fondé. En effet, le requérant étant destinataire de ce document privé, il lui appartenait, s’il le souhaitait, d’en demander le versement à son dossier personnel. Or, en réponse à une question écrite du Tribunal, le requérant a indiqué qu’il n’a formulé une telle demande que le 17 mars 2003, soit postérieurement à la date d’adoption (4 mars 2003) de la décision attaquée. Il s’ensuit que le notateur se trouvait dans l’impossibilité de tenir compte de cette note lors de la signature du rapport de notation, en tant que notateur final, le 28 juin 2002, ou dans sa note explicative, datée du 20 juin 2002, qui y est annexée.

68      Il résulte des considérations qui précèdent que la deuxième branche du moyen unique invoqué par le requérant doit également être rejetée.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

69      Le requérant rappelle la jurisprudence selon laquelle l’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre les intéressés en mesure de formuler des observations sur cette motivation, le respect de ces exigences étant plus important lorsque la notation connaît une régression par rapport à la notation antérieure (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 27 ; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, points 30 et 32, et du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 79).

70      Le requérant estime que la régression des appréciations dans le rapport de notation litigieux par rapport à ses notations antérieures n’est pas motivée. Il considère que, dans les circonstances de l’espèce, il avait un intérêt tout particulier à recevoir des explications et des réponses aux nombreuses objections qu’il a formulées au cours de la procédure de notation et renvoie, à cet égard, à certaines notes et observations formulées lors de la procédure de notation, annexées à la requête.

71      Le requérant relève, également, que plusieurs points du rapport de notation litigieux sont très vagues. Il se réfère, notamment, à la définition des tâches et des objectifs à atteindre pour l’exercice de notation suivant, en soulignant qu’il avait reçu un mandat très précis du secrétaire général du Parlement, en juillet 1999, qu’il n’a jamais pu exécuter, faute de moyens, ce qu’il aurait dénoncé dans plusieurs courriers adressés au secrétaire général. Il se réfère, en outre, aux arguments utilisés par la hiérarchie pour justifier son appréciation négative, qui émaneraient d’un nombre très restreint de fonctionnaires de son proche entourage, alors qu’elle aurait fait abstraction des commentaires très positifs portés sur le requérant par de nombreux députés et rapporteurs.

72      Le Parlement conteste la réalité d’une régression de la notation alléguée et considère que le rapport de notation 2001 est d’un excellent niveau.

73      En tout état de cause, le Parlement oppose les considérations suivantes aux arguments du requérant. Premièrement, le notateur, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu, disposerait du droit de ne pas utiliser tous les critères d’appréciation figurant dans les appréciations analytiques du rapport de notation 2001.

74      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue incohérence entre les appréciations analytiques et les appréciations générales, le Parlement précise que le notateur, tout en maintenant son appréciation sur les qualités du requérant, a considéré, que, au regard de l’évolution des prestations du requérant par rapport à l’exercice précédent, la réalisation de tâches identifiées n’était pas satisfaisante.

75      Enfin, la note de M. N., du 20 juin 2002, contiendrait une motivation complète de l’écart d’appréciation entre l’exercice 2000, pour lequel il avait été considéré que le noté « a réussi dans la mobilité le passage de chef de division [de la direction générale] IV à conseiller [de la direction générale] II », et l’exercice 2001 pour lequel les résultats, au regard des objectifs définis, ont donné lieu à l’appréciation contestée.

 Appréciation du Tribunal

76      Il convient, d’abord, de rappeler que, selon la jurisprudence, les rapports de notation, qui ne constituent pas des décisions au sens de l’article 25 du statut, sont régis par les dispositions spéciales visées à son article 43 (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 39, et arrêt Hubert/Commission, point 69 supra, point 75). L’obligation, éventuellement prévue par les DGE, de motiver les variations apportées aux appréciations analytiques par rapport au précédent rapport de notation, vise à permettre au fonctionnaire de connaître les raisons de la modification de ces appréciations, de vérifier la réalité des faits invoqués et, dès lors, de formuler, en vertu de son droit d’être entendu, des observations sur cette motivation (voir, en ce sens, arrêt Hubert/Commission, point 69 supra, point 76). Le fonctionnaire qui invoque la violation de cette obligation, est tenu d’expliquer concrètement en quoi consiste cette variation, ainsi que d’en apporter la preuve, sans pouvoir laisser à l’appréciation du Tribunal le soin d’établir l’existence d’une éventuelle régression de sa notation (arrêt Fardoom et Reinard/Commission, point 59 supra, points 78 à 81).

77      Il y a lieu, ensuite, de constater que les DGE et les instructions imposent l’obligation, d’une part, au notateur final de répondre par écrit aux observations du noté (article 8, premier alinéa, des DGE et point 8 des instructions) et, d’autre part, au secrétaire général du Parlement de motiver sa décision s’il s’écarte de l’avis du CORAP (article 10, second alinéa, des DGE).

78      S’agissant de l’appréciation générale, le point 3.2 des instructions précise qu’elle est rédigée de manière concise par le premier notateur et qu’elle est fondée sur les éléments y figurant, à savoir les aptitudes particulières du noté, l’évolution de ses prestations professionnelles par rapport à l’exercice précédent, le degré de réalisation des objectifs fixés lors du précédent exercice, les objectifs à atteindre pour le prochain exercice et la formation complémentaire proposée pour le noté.

79      En outre, aux termes des points 1.2 et 3.1 des instructions, les appréciations analytiques ne sont pas chiffrées, sont limitées aux trois domaines prévus par le statut, à savoir la compétence, le rendement et la conduite et consistent en des commentaires factuels appropriés sur chaque niveau d’appréciation.

80      Il résulte de ces dispositions que ni les DGE ni les instructions ne prévoient, formellement, l’obligation du notateur de motiver une régression éventuelle des appréciations analytiques par rapport à l’exercice précédent. Cela s’explique par le fait que les appréciations analytiques ne sont pas chiffrées, mais consistent en des commentaires factuels sur chaque critère d’appréciation et, partant, contiennent, en elles-mêmes, la motivation desdites appréciations. En revanche, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts invoqués par le requérant (point 69 ci-dessus), les appréciations analytiques s’exprimaient par le biais de notes chiffrées et les DGE applicables imposaient expressément l’obligation de motiver toute régression de la notation.

81      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le respect de l’obligation de motivation en l’espèce.

82      Il convient, d’abord, de constater que le notateur a formulé ses commentaires factuels afférents aux appréciations analytiques de la rubrique 3.1 du rapport de notation, conformément aux DGE et aux instructions. Il a également procédé à l’appréciation générale du requérant sous la rubrique 3.2 du rapport de notation.

83      Il convient, ensuite, d’observer que le notateur final s’est conformé à son obligation, prévue à l’article 8, premier alinéa, des DGE, de répondre aux observations du noté, en annexant au rapport litigieux sa note du 20 juin 2002 contenant ses commentaires détaillés sur les observations du requérant présentées dans sa note du 13 juin 2002. En particulier, dans la partie intitulée « Contenu » de ladite note, le notateur expose de façon détaillée les raisons qui justifient, selon lui, la notation du requérant. Il se réfère, d’une part, au fait que, pour la période de référence litigieuse, l’on attendait du requérant un niveau de prestations plus élevé, ce dernier n’étant plus en période d’adaptation, ainsi que, d’autre part, à un incident qualifié de grave, relevé dans une lettre d’un membre du Parlement en date du 24 avril 2001, qui a provoqué un suivi plus étroit des prestations du requérant exprimé par une série de notes critiques à son endroit. Le notateur ajoute, également, que, si le rapport de notation du requérant de l’année 2000 apparaît plus favorable que le rapport de notation litigieux, cela s’explique par le fait que les prestations de la période de référence étaient différentes de celles de l’année 2000.

84      Il y a lieu, en outre, de relever que l’avis du CORAP fournit, lui aussi, une motivation supplémentaire et explique les raisons pour lesquelles les appréciations générales et analytiques du notateur doivent être maintenues. Le CORAP relève, notamment, que, bien que le requérant eût donné, en 2000, l’impression de s’adapter à ses nouvelles compétences, il est apparu, en 2001, qu’il ne s’était pas assez familiarisé, malgré sa bonne volonté à cet égard, avec les procédures budgétaires en dehors de celles portant sur les questions agricoles.

85      Enfin, force est de constater que le secrétaire général ne s’est pas écarté de cet avis et il n’était donc pas obligé de motiver sa décision, conformément à l’article 10, deuxième alinéa, des DGE.

86      Il s’ensuit que, en l’espèce, outre la motivation inhérente aux commentaires factuels relatifs aux critères d’appréciation et figurant sur le formulaire du rapport de notation litigieux, le requérant a disposé, au cours de l’exercice de notation, d’une motivation supplémentaire détaillée, fournie, d’une part, dans la note du 20 juin 2002 du directeur général, et d’autre part, dans l’avis du CORAP. Le Tribunal considère que cette motivation était largement suffisante et fournissait au requérant toutes les indications nécessaires lui permettant d’apprécier le bien‑fondé de la décision attaquée et l’opportunité d’introduire un recours.

87      De surcroît, il convient de relever que le requérant n’a pas expliqué, dans sa requête, en quoi consistait précisément la régression alléguée de la notation litigieuse par rapport à celle de la période de référence précédente et quels étaient exactement les commentaires et appréciations du notateur qu’il mettait en cause. En l’absence de toute indication du requérant à cet égard, il n’appartient pas au Tribunal d’établir, d’office, si le rapport de notation attaqué révèle l’une ou l’autre régression par rapport à la notation antérieure pour, ensuite, examiner si cette régression est motivée.

88      S’agissant des allégations du requérant sur le caractère prétendument vague de la description, dans le rapport de notation, des tâches qu’il a effectuées pendant la période de référence litigieuse ainsi que des objectifs à atteindre pour le prochain exercice, elles doivent également être rejetées comme étant non fondées. En effet, le Tribunal constate que cette description, figurant sous les rubriques « Description des fonctions attribuées et des travaux effectués en dehors de l’emploi type » et « Objectifs à atteindre pour le prochain exercice », du rapport de notation litigieux, est suffisamment précise et conforme aux DGE et aux instructions.

89      Par ailleurs, il convient de relever que la partie du rapport de notation afférente aux tâches effectuées par le requérant est de nature purement descriptive et ne comporte aucune appréciation de ses prestations, de sorte qu’elle n’est pas susceptible, en soi, de faire grief au requérant. De même, le caractère prétendument vague des objectifs à atteindre pour la prochaine période de référence, à le supposer établi, n’affecte pas l’évaluation des prestations du requérant lors de la période de référence litigieuse, mais, éventuellement, celle de la période de référence suivante. En effet, selon le point 3.2 des instructions, l’appréciation générale du premier notateur se fonde, entre autres éléments, sur « [l]e degré de réalisation des objectifs fixés lors du précédent exercice ».

90      Lors de l’audience, le requérant a précisé que la présente branche de son moyen unique doit être comprise comme visant non seulement l’absence d’une motivation suffisante dans le rapport de notation litigieux, mais également le bien‑fondé de cette motivation, celle‑ci étant, selon le requérant, erronée. Le requérant a rappelé le renvoi à certaines pièces annexées à la requête (voir point 70 ci‑dessus), lesquelles révéleraient des erreurs factuelles mettant en cause le bien‑fondé de la motivation du rapport de notation litigieux.

91      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que si le défaut ou l’insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 230 CE et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge communautaire (arrêts de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67 ; arrêts du Tribunal du 21 mars 2001, Métropole télévision/Commission, T‑206/99, Rec. p. II‑1057, point 43, et du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, non encore publié au Recueil, point 19), cette forme substantielle doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, qui relève de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, M/Cour de justice, T‑172/01, Rec. p. II‑1075, point 61). Cette dernière question ne relevant pas de l’ordre public, il appartient au requérant de la soulever en indiquant, dans le cadre de l’exposé sommaire des moyens requis par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, en quoi la motivation qui lui a été fournie serait erronée.

92      Il importe également de rappeler que si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honywell/Commission, T‑209/01, non encore publié au Recueil, point 57).

93      Il s’ensuit que si, par le renvoi effectué dans sa requête aux notes et aux observations qui y sont annexées, le requérant entend soulever un moyen mettant en cause le bien‑fondé de la motivation du rapport de notation litigieux, sur la base des éléments évoqués dans lesdites notes et observations, ce moyen est irrecevable, car n’ayant pas été exposé sommairement dans la requête, comme l’exige l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

94      L’argument du requérant, avancé dans la requête et tiré de ce que sa hiérarchie aurait prétendument fait abstraction des commentaires positifs de certains députés et aurait seulement pris en compte les commentaires d’un nombre restreint de fonctionnaires de son entourage, pour fonder son appréciation prétendument négative, ne vise pas en réalité une violation de l’obligation de motivation du rapport de notation litigieux, mais conteste le bien‑fondé de l’appréciation en question. Contrairement à ce que fait valoir le requérant, il ressort de la note du notateur du 20 juin 2002 et de l’avis du CORAP que le notateur a pris en considération les compliments en question, sans toutefois y attacher une importance déterminante, au motif qu’il « a eu la preuve qu’au moins une des lettres d’appréciation avait été rédigée par le noté lui‑même et soumise à la signature d’un député européen ». Compte tenu de cette circonstance, non contestée par le requérant, et du large pouvoir d’appréciation dont dispose le notateur, les lettres de compliments en question, rédigées en des termes génériques, ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation du notateur sur ce point.

95      Sur la base des considérations qui précèdent, la présente branche du moyen unique doit également être rejetée.

 Sur le prétendu manque d’impartialité et d’objectivité du notateur unique et du CORAP

 Arguments des parties

96      Le requérant fait valoir que le notateur unique a manqué d’impartialité, d’objectivité et de rigueur lors de l’établissement du rapport de notation litigieux. Le notateur aurait, en effet, reconnu ne pas avoir eu une connaissance directe du travail du requérant et aurait fondé son appréciation sur l’avis de certains fonctionnaires qui lui seraient proches, faisant ainsi totale abstraction des éloges adressés au requérant par des députés et des experts dans son domaine d’activités.

97      En outre, la procédure de notation 2001 se serait déroulée dans un contexte qui manquerait de sérénité, puisque caractérisé par des relations fortement conflictuelles entre le requérant et son notateur. Le requérant aurait donc été victime d’un véritable parti pris contre lui qui se serait manifesté après le départ du directeur M. J., apparemment sur incitation de certains fonctionnaires, notamment du secrétariat de la commission des budgets. Cette considération serait corroborée par le fait que, pour la première fois en 25 ans de carrière, le requérant aurait été noté de façon négative.

98      Faisant référence à l’article 9 des DGE, qui prévoit notamment que l’avis du CORAP « s’inspire d’un souci d’harmonisation des notations et des effets qu’elles impliquent », le requérant relève, ensuite, que le CORAP est chargé de veiller à ce que les rapports de notation soient établis équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Or, en l’espèce, le CORAP n’aurait pas rempli son rôle et aurait rendu un avis incomplet et subjectif, qui n’a fait que conforter le notateur unique dans son appréciation injustement négative des mérites du requérant.

99      Selon le requérant, l’ensemble des éléments qu’il avait développés au cours de la procédure interne de notation appelait un avis beaucoup plus motivé et inspiré du « principe de collégialité entre fonctionnaires ».

100    Le requérant reproche également au CORAP ou, du moins, à certains de ses membres, un manque d’impartialité dans la mesure où ils auraient été incités, notamment au cours des auditions, à rendre un avis conforme à la position du notateur unique, ce qui apparaîtrait au travers des incohérences et d’un manque d’objectivité manifeste.

101    Ce manque d’impartialité du CORAP se serait aussi reflété dans le fait qu’il n’aurait nullement pris en compte le geste de conciliation dont le requérant aurait fait preuve vis-à-vis de sa hiérarchie. Le requérant, après son audition par le CORAP, aurait, en effet, manifesté par écrit sa bonne volonté de collaborer pour trouver une solution à l’amiable en proposant, à titre conservatoire, la simple reconduction en 2001 de son rapport de notation 2000 dans l’attente de sa réaffectation. Toutefois, ce geste positif n’aurait pas trouvé d’écho favorable auprès de sa hiérarchie. Par contre, le président du CORAP se serait apparemment empressé de suggérer au secrétaire général de signer définitivement le rapport de notation litigieux après l’échec de cette tentative du requérant.

102    S’agissant du grief tiré de l’environnement de travail du requérant et d’un prétendu manque d’impartialité du notateur, le Parlement considère qu’il n’est aucunement pertinent, la procédure de notation ayant été régulière et ayant permis au requérant d’être entendu, le notateur ayant été amené à répondre aux observations de l’intéressé au cours des entretiens des 16 avril et 15 mai 2002, respectivement en sa qualité de premier notateur et de notateur final, ainsi que dans sa note du 20 juin 2002.

103    Le Parlement conteste fermement l’accusation du requérant selon laquelle au moins certains membres du CORAP auraient été incités à rendre un avis conforme à la position du notateur unique. Il souligne que le CORAP, afin de garantir son indépendance, est constitué, en vertu de l’article 10 de l’annexe II du statut, de fonctionnaires supérieurs de l’institution. Selon le Parlement, une lecture attentive et impartiale de l’avis du CORAP ne révèle aucune incohérence et aucun manque d’objectivité manifeste.

 Appréciation du Tribunal

104    S’agissant, d’abord, du grief tiré du prétendu manque d’objectivité et d’impartialité du notateur, il convient de rappeler que, si l’article 14 du statut, dans sa rédaction applicable en l’espèce, requiert de tout fonctionnaire qu’il informe l’AIPN de l’existence d’un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance dans le traitement ou la solution d’une affaire sur laquelle il est appelé à se prononcer, il n’en demeure pas moins que des simples divergences entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique, susceptibles de créer une certaine irritation chez ce dernier, n’impliquent pas, en tant que telles, que le supérieur hiérarchique ne soit plus en mesure d’apprécier objectivement et avec impartialité les mérites de l’intéressé (arrêts du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 188, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, non encore publié au Recueil, point 150).

105    En l’espèce, le requérant n’invoque aucun fait concret de nature à démontrer un conflit qui irait au-delà d’une simple divergence entre lui et son notateur, laquelle n’est pas non plus prouvée.

106    En outre, le fait que le notateur aurait pris en compte, pour l’établissement du rapport litigieux, des informations fournies par d’autres fonctionnaires ayant connaissance du travail du requérant ne saurait non plus démontrer une quelconque absence d’impartialité du notateur.

107    Il convient également de rappeler la jurisprudence selon laquelle le rapport de notation exprime l’opinion librement formulée des notateurs (arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, RecFP p. I‑A‑329 et II‑897, point 56). Il s’ensuit qu’une certaine subjectivité est inhérente aux appréciations dudit rapport, comme à toute opinion personnelle (arrêt du Tribunal du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, non encore publié au Recueil, point 28).

108    Si, en se référant à un véritable parti pris contre lui, le requérant entend se prévaloir d’un moyen tiré d’un détournement de pouvoir de la part de sa hiérarchie, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêts du Tribunal du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T‑111/99, RecFP p. I‑A‑135 et II‑611, point 64, et la jurisprudence citée, et du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, RecFP p. I‑A‑179 et II‑813, point 68). Or, les allégations du requérant selon lesquelles sa notation serait, pour la première fois en 25 ans, négative, et que ses précédents rapports de notation, selon lui plus positifs, auraient été signés par le même directeur général en tant que notateur final, ne constituent pas de tels indices. Il est tout à fait possible que les prestations d’un fonctionnaire varient d’une période de référence à l’autre, avec, pour effet, une éventuelle régression de la notation dudit fonctionnaire. Dans une telle situation, il ne saurait être exclu que le même notateur soit amené à noter le fonctionnaire de façon moins positive par rapport à l’année précédente sans qu’un tel fait puisse constituer la preuve d’un détournement de pouvoir.

109    Pour ce qui est, ensuite, des reproches du requérant quant au caractère prétendument incomplet et subjectif de l’avis du CORAP, force est de constater que le requérant n’indique pas les points précis de cet avis qu’il met en cause et n’explique pas pourquoi il serait incomplet et subjectif. Dès lors, ce grief doit être écarté comme étant irrecevable, car non conforme aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

110    En tout état de cause, ce grief est non fondé, le CORAP, dans son avis, ayant longuement examiné tous les griefs invoqués dans la note de saisine du requérant et apporté une réponse spécifique et motivée sur chacun d’entre eux.

111    Enfin, il convient de relever que le requérant n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer ses affirmations selon lesquelles certains membres du CORAP auraient été influencés pour rendre un avis conforme à la position du notateur unique. Le fait que la suggestion du requérant, relative à la reconduction de son rapport de notation de l’année précédente, n’aurait pas trouvé d’écho positif auprès du CORAP ne constitue pas un indice d’un quelconque manque d’impartialité. En effet, c’est à tort que le requérant qualifie cette suggestion de geste de conciliation dès lors que, en réalité, elle constituait la simple répétition de la position, soutenue par le requérant tout au long de l’exercice de notation en cause, selon laquelle il n’y avait pas lieu de modifier la notation de l’année précédente que le requérant estimait plus favorable. Le CORAP était en droit de ne pas se rallier à cette demande sans que soit remise en cause son impartialité tant à l’égard du requérant qu’à celui du notateur.

112    Il en est de même s’agissant de la prétendue suggestion qu’aurait fait le président du CORAP au secrétaire général, de signer hâtivement le rapport de notation litigieux. L’article 10, premier alinéa, des DGE disposant que le secrétaire général est tenu d’établir le rapport de notation définitif dans un délai de huit jours ouvrables après réception de l’avis du CORAP, le président du CORAP aurait, en tout état de cause, rappelé simplement au secrétaire général cette obligation.

113    Dans ces conditions, la présente branche du moyen unique doit également être rejetée.

 Sur la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude

 Arguments des parties

114    Le requérant rappelle la jurisprudence sur le droit de réclamer la protection de la confiance légitime et le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses fonctionnaires. Il soutient qu’en l’espèce ses attentes légitimes en vue de voir sa situation administrative normalisée après la première mise en œuvre du régime de mobilité au Parlement, en juillet 1999, ont été trompées, en dépit des assurances et des promesses précises fournies par l’AIPN.

115    Le requérant prétend que le cabinet du secrétaire général du Parlement lui avait promis de « geler » le rapport de notation 2001 tant que sa réaffectation, attendue depuis le mois de juin 2003, n’était pas devenue effective. Cette réaffectation n’étant toujours pas intervenue au moment de l’adoption du rapport de notation 2001 et de l’introduction du présent recours, le requérant considère que l’AIPN n’a pas répondu à ses attentes légitimes ni pris en compte son intérêt.

 Appréciation du Tribunal

116    Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux du droit communautaire, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître dans son esprit des espérances fondées (voir arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 70, et la jurisprudence citée, et arrêt du 26 septembre 2002, Borremans e.a./Commission, T‑319/00, RecFP p. I‑A‑171 et II‑905, point 63). Cependant, ces assurances doivent être conformes aux dispositions du statut et aux normes applicables en général, des promesses qui ne tiendraient pas compte de ces dispositions n’étant pas de nature à créer une confiance légitime chez l’intéressé (voir arrêts du Tribunal du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1065, point 54, et la jurisprudence citée, et du 16 mars 2005, Ricci/Commission, T‑329/03, non encore publié au Recueil, point 79, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6 ).

117    Il est également de jurisprudence constante que le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire concerné. Toutefois, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP p. I‑A‑311 et II‑1437, point 133).

118    En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 112 ci-dessus, le secrétaire général était tenu d’établir définitivement la notation du requérant dans un délai de huit jours ouvrables après réception de l’avis du CORAP et ne saurait, sans violer les dispositions applicables, « geler » cette procédure. Dans ces conditions, des promesses faites à cet effet par les membres de son cabinet, à les supposer établies, ne sauraient, en tout état de cause, faire naître une confiance légitime chez le requérant. De même, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses fonctionnaires ne saurait, en aucun cas, lui imposer l’obligation de suspendre la procédure de notation, en violation des règles applicables. Dès lors, cette dernière branche du moyen unique doit également être rejetée, ainsi que le recours en annulation en son intégralité.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

119    Dans ses écritures, le Parlement a soutenu que la demande indemnitaire du requérant devait être rejetée dans son ensemble comme étant irrecevable, la requête ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, au motif que le requérant n’aurait pas spécifié, chiffré ou justifié le montant de la demande. Subsidiairement, la demande indemnitaire fondée sur le prétendu établissement tardif du rapport de notation, devrait être rejetée comme étant manifestement non fondée, aucune faute ne pouvant être imputée au Parlement à cet égard.

120    À l’audience, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur la recevabilité de la demande indemnitaire fondée sur le prétendu retard dans l’établissement du rapport de notation litigieux, en tenant compte du fait qu’un tel retard ne saurait, en soi, amener à l’annulation du rapport de notation en question. Le requérant a reconnu que ce type de préjudice découle d’un comportement fautif de l’administration qui ne saurait être qualifié d’acte attaquable. Il a également précisé qu’il n’a pas introduit, auprès de l’AIPN, de demande séparée, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant la réparation dudit préjudice. Toutefois, il a soutenu que cette omission ne saurait engendrer l’irrecevabilité de la présente demande indemnitaire. Selon le requérant, s’il est vrai que la finalité de la procédure précontentieuse est de mettre l’AIPN en mesure de connaître les griefs de l’intéressé et de permettre le règlement à l’amiable du différend entre lui et l’institution, en l’espèce, le Parlement n’aurait fait aucune démarche en ce sens.

121    Le Parlement a déclaré qu’il estimait que la demande indemnitaire en question devait être rejetée comme étant irrecevable, au motif que la procédure précontentieuse n’a pas été respectée.

 Appréciation du Tribunal

122    Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant non fondées (voir arrêt du Tribunal du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, point 85, et la jurisprudence citée).

123    L’examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulation du rapport de notation litigieux n’ayant révélé aucune illégalité commise par le Parlement et donc aucune faute de nature à engager sa responsabilité, les conclusions en indemnité pour autant qu’elles visent la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait desdites irrégularités doivent également être rejetées comme étant non fondées, sans qu’il soit besoin d’examiner leur recevabilité contestée par le Parlement.

124    Pour ce qui est des conclusions en indemnité fondées sur la prétendue tardivité de l’établissement du rapport de notation, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours ne peut être introduit devant le Tribunal que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans le délai qui y est prévu, et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet. L’article 90, paragraphe 2, du statut prévoit que l’AIPN peut être saisie d’une réclamation dirigée contre un acte faisant grief au fonctionnaire, soit que l’AIPN ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. Un acte faisant grief peut consister, notamment, dans le rejet, implicite ou explicite, d’une demande préalable adressée à l’AIPN par le fonctionnaire, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut (arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T‑54/92, RecFP p. I‑A‑281 et II‑887, point 50).

125    Il s’ensuit que la procédure précontentieuse exigée par le statut est différente, selon que la circonstance originale dont se plaint le fonctionnaire constitue ou non un acte faisant grief au sens du statut (arrêt Schneider/Commission, point 124 supra, point 51).

126    Si le fonctionnaire veut contester un acte lui faisant grief, il doit, en principe, saisir l’AIPN directement d’une réclamation et, ensuite, introduire un recours devant le Tribunal si sa réclamation est rejetée. Il est de jurisprudence constante que, par ce même recours, le fonctionnaire peut également demander la réparation du préjudice qui est en rapport direct avec l’acte faisant grief en cause, sans devoir entamer une procédure précontentieuse particulière à cet égard (arrêt du Tribunal Schneider/Commission, point 124 supra, point 52 ; du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 et T‑377/94, Rec. p. II‑2041, point 148 ; voir arrêt Liao/Conseil, point 107 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

127    En revanche, si la circonstance dont se plaint le fonctionnaire ne constitue pas un acte faisant grief au sens du statut, il ne peut engager la procédure qu’en introduisant auprès de l’AIPN une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dont le rejet éventuel constituera une décision lui faisant grief contre laquelle il pourra introduire une réclamation, laquelle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation ou d’un recours en indemnité (voir arrêt Schneider/Commission, point 124 supra, point 53, et la jurisprudence citée).

128    Par conséquent, lorsqu’un fonctionnaire demande à être indemnisé à la suite d’un préjudice qu’il estime avoir subi en l’absence d’un acte faisant grief, il doit, en principe, suivre la procédure précontentieuse en deux étapes, à savoir une demande et ensuite une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut (arrêt Schneider/Commission, point 124 supra, point 54).

129    Or, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante et que le requérant lui-même l’admet, le retard dans l’établissement d’un rapport de notation ne constitue pas un acte faisant grief, mais a toujours été caractérisé comme une faute de service (arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, Rec. p. 1877, point 22 ; voir arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 41, et la jurisprudence citée, et arrêt du 14 mai 2002, Antas de Campos/Parlement, T‑194/00, RecFP p. I‑A‑59 et II‑279, point 72, et la jurisprudence citée).

130    Dans ces conditions, afin de poursuivre la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi du retard dans l’établissement du rapport de notation litigieux, le requérant était tenu d’introduire une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, suivie, en cas de rejet, d’une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Or, en l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas introduit de demande autonome à cet effet.

131    Il s’ensuit que les conclusions en indemnité fondées sur le prétendu retard dans l’établissement dudit rapport doivent être rejetées comme étant irrecevables, la procédure précontentieuse prescrite par le statut n’ayant pas été respectée. Le fait, avancé par le requérant lors de l’audience, que le Parlement n’aurait pas pris d’initiatives en vue d’un éventuel règlement à l’amiable de la demande indemnitaire du requérant en cours d’instance, est dénué de toute pertinence.

132    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précédent, il convient de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : le français.