Language of document : ECLI:EU:T:2015:518

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 juillet 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire figurative λ – Usage sérieux – Usage en tant que partie d’une marque complexe – Preuve de l’usage – Article 15 et article 51, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑215/13,

Deutsche Rockwool Mineralwoll GmbH & Co. OHG, établie à Gladbeck (Allemagne), représentée par Me J. Krenzel, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. L. Rampini, puis par MM. P. Bullock et N. Bambara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Recticel SA, établie à Bruxelles (Belgique),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’OHMI du 4 février 2013 (affaire R 112/2012‑5), relative à une procédure d’annulation entre Deutsche Rockwool Mineralwoll GmbH & Co. OHG et Recticel SA,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 juillet 2013,

vu la décision du 7 octobre 2013 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 7 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 novembre 2002, Recticel SA a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 17 et 19 au sens de l’arrangement de Nice, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 17 : « Matières à isoler » ;

–        classe 19 : « Matériaux de construction (non métalliques) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 52/2003, du 23 juin 2003.

5        La marque dont l’enregistrement était demandé (ci-après la « marque contestée ») a été enregistrée le 6 février 2004, sous le numéro 2960789.

6        Le 9 septembre 2010, la requérante, Deutsche Rockwool Mineralwoll GmbH & Co. OHG a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, fondée sur l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans.

7        Par décision du 30 novembre 2011, la division d’annulation de l’OHMI a partiellement déchu la titulaire de la marque contestée, pour ce qui concerne les « matériaux de construction (non métalliques) », à l’exception des « matériaux de construction à caractère isolant » relevant de la classe 19. Elle a en revanche rejeté la demande en déchéance pour les produits relevant de la classe 17.

8        Le 16 janvier 2012, la requérante a formé un recours à l’encontre de la décision de la division d’annulation, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, avant de déposer, le 27 mars 2012, un mémoire exposant les motifs du recours.

9        Par décision du 4 février 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’OHMI a partiellement accueilli le recours, en prononçant la déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des produits relevant de la classe 19. Elle a en revanche confirmé l’appréciation de la division d’annulation s’agissant des produits relevant de la classe 17.

10      En substance, s’agissant des produits relevant de la classe 17, la chambre a considéré que, premièrement, Recticel avait prouvé l’usage sérieux de la marque contestée en ce qui concernait les « matières à isoler » comprises dans la classe 17, sur la base de l’ensemble des éléments de preuve fournis considérés comme recevables, deuxièmement, l’usage pouvait être prouvé également par l’emploi de cette marque dans le cadre d’autres marques verbales et, troisièmement, un tel emploi n’enlevait rien au caractère distinctif de la marque contestée. En ce qui concerne les produits de la classe 19, Recticel n’ayant pas fourni la preuve de l’usage de la marque en ce qui concernait les produits de construction autres que des panneaux isolants, la chambre de recours a considéré qu’il y avait lieu de confirmer la déchéance pour les produits compris dans cette classe.

11      En outre, s’agissant du grief de la requérante tiré de la prétendue violation de son droit d’être entendue, la chambre de recours a reconnu que l’impossibilité de répondre aux preuves présentées par Recticel constituait un vice de procédure, mais que celui-ci n’était pas de nature à engendrer l’annulation de la décision de la division d’annulation dans la mesure où la requérante avait pu faire valoir ses observations à l’encontre desdites preuves au cours de la procédure devant la chambre de recours.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, ainsi que de la règle 22 et de la règle 40, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4). Le second est tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 ainsi que de la règle 22 et de la règle 40, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95

15      La requérante prétend que les preuves de l’usage soumises devant l’OHMI par Recticel, en tant que titulaire de la marque contestée, étaient insuffisantes pour démontrer un usage sérieux de ladite marque au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, de sorte que Recticel aurait dû être déchue de ses droits. En substance, les arguments de la requérante visent à remettre en cause, d’une part, la valeur probante de certains éléments de preuve, eu égard à la nature et à l’importance de l’usage, et, d’autre part, la possibilité de prendre en compte des éléments de preuve tardifs.

 Sur la valeur probante des éléments de preuve, eu égard à la nature et à l’importance de l’usage

16      La requérante affirme, en substance, premièrement, que les preuves fournies par Recticel devant l’OHMI (constituées essentiellement par du matériel publicitaire ainsi que par des factures relatives à l’achat dudit matériel) seraient dépourvues de valeur probante, eu égard à l’importance de l’usage. En effet, ces documents, pris individuellement, ne montreraient clairement la référence ni aux produits en cause, ni à la période pertinente, ni à la vente desdits produits, ni (dans la déclaration de l’entreprise d’audit externe concernant les ventes desdits produits) au signe contesté, que ce soit seul ou lorsqu’il est utilisé au lieu de la première lettre « o » dans les marques verbales communautaires EUROFLOOR, EUROWALL, POWERDECK, POWERROOF, POWERLINE et EUROTHANE, également enregistrées au nom de Recticel. Deuxièmement, les documents se référant auxdites marques, incluant le signe contesté utilisé au lieu de de la première lettre « o », ne devraient pas être pris en compte dès lors que l’usage de ces autres marques ne peut pas être considéré comme un usage de la marque contestée. Troisièmement, la marque contestée, qui représente la lettre grecque lambda, serait dépourvue de caractère distinctif car, d’une part, les signes composés d’une seule lettre ne sont pas distinctifs selon la pratique décisionnelle de l’OHMI et, d’autre part, elle décrirait uniquement la propriété physique de la conductivité thermique des produits en question.

17      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

18      Il ressort de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 que le titulaire d’une marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’OHMI, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, ladite marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage.

19      La règle 40, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95 dispose que l’OHMI, dans le cas d’une demande en déchéance, impartit au titulaire de la marque communautaire en cause un délai dans lequel celui-ci apporte la preuve de l’usage de ladite marque. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de cette marque est prononcée. Au titre de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, qui est applicable aux demandes en déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, la preuve de l’usage de la marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui en a été fait.

20      La ratio legis de l’exigence selon lequel une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’OHMI ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et services dans la vie économique (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec, EU:C:2004:50, points 18 à 22).

21      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, EU:C:2003 :145, point 37].

22      S’agissant des critères d’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, il convient de rappeler qu’une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 21 supra, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 21 supra, EU:C:2003 :145, point 43).

23      En outre, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [arrêts VITAFRUIT, point 21 supra, EU:T:2004:225, point 42, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec, EU:T:2004:223, point 36].

24      Par ailleurs, la règle 22 du règlement n° 2868/95 n’indique nullement que chaque élément de preuve doit nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage [arrêt du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products), T‑308/06, Rec, EU:T:2011:675, point 61].

25      En revanche, selon la jurisprudence, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer – tel le caractère distinctif élevé dont jouirait une marque – alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir, par analogie, dans le cadre de la preuve du caractère distinctif d’une marque, arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, EU:C:2008:234, point 36).

26      En tout état de cause, l’usage sérieux ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec, EU:T:2004:292, point 28].

27      S’agissant de la nature de l’usage, il importe de souligner que le juge de l’Union a considéré, dans le cadre d’une procédure d’opposition, que, en vertu des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, Rec, EU:C:2012:671, point 30 ; voir, également, arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée]. Or, une telle considération est applicable s’agissant de la preuve de l’usage à fournir dans le cadre d’une procédure d’annulation. L’objectif de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés [arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec, EU:T:2006:65, point 50].

28      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, Rec, EU:T:2005:419, points 36 et 40, et du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, EU:T:2010:229, point 31].

29      À cet égard, il découle de la jurisprudence que l’ajout d’éléments, qui ne seront pas perçus comme formant une unité avec la marque en cause, ne constitue pas une altération du caractère distinctif de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt ATLAS TRANSPORT, point 28 supra, EU:T:2010:229, points 35 et 36). En outre, il a également été jugé que le fait que ladite marque soit parfois utilisée avec des éléments additionnels et parfois sans de tels éléments peut constituer l’un des critères permettant de conclure à l’absence d’altération du caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts CRISTAL CASTELLBLANCH, point 27 supra, EU:T:2005:438, point 35, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, EU:T:2007:299, point 75].

30      De plus, la Cour a jugé que la condition de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, peut être remplie lorsqu’une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n’est utilisée que par l’intermédiaire de cette autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque (voir, par analogie, arrêts du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, Rec, EU:C:2013:253, point 36, et du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, Rec, EU:C:2013:497, point 26). En effet, indépendamment de la question de savoir si l’usage concerne un signe en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, la condition essentielle est que, en conséquence de cet usage, le signe constituant la marque contestée puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il porte comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt Colloseum Holding, précité, EU:C:2013:253, point 28).

31      Quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir, en ce sens, arrêts VITAFRUIT, point 21 supra, EU:T:2004:225, point 41, et HIPOVITON, point 23 supra, EU:T:2004:223, point 35).

32      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir, en ce sens, arrêts VITAFRUIT, point 21 supra, EU:T:2004:225, point 42, et HIPOVITON, point 23 supra, EU:T:2004:223, point 36). Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec, EU:C:2006:310, point 72).

33      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, EU:T:2011:9, point 31].

34      C’est à lumière des considérations qui précèdent et des critères énoncés ci-dessus qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a valablement pu conclure à la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 17.

35      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la demande de déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 9 septembre 2010, la période de cinq années visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 s’étend, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, du 9 septembre 2005 au 8 septembre 2010 (ci‑après « la période pertinente »).

36      En deuxième lieu, il convient de rappeler que les éléments de preuve fournis par Recticel pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée étaient constitués essentiellement de matériel publicitaire, de factures pour l’achat de tel matériel publicitaire, ainsi que par la déclaration d’une entreprise d’audit externe certifiant le chiffre d’affaires provenant de la vente des produits en cause. Les éléments en question incluent notamment :

–        une brochure en polonais, avec sa traduction en anglais, présentant les produits de Recticel (matériaux isolants pour la construction), mentionnant, sur la première page, la marque contestée et son site Internet et, dans les pages suivantes, les différents produits vendus sous les marques verbales communautaires EUROFLOOR, EUROWALL, POWERDECK, POWERROOF et EUROTHANE Bi-3 et EUROTHANE G, dans lesquelles la première lettre « o » a été remplacée par la marque contestée, la brochure n’étant pas datée mais étant associée à une facture portant la date du 27 avril 2010 ;

–        des publicités issues de différents magazines, certaines datées de différentes périodes comprises dans la période pertinente, et certaines non datées, mais associées à des factures datées, représentant certains matériaux isolants vendus, par exemple, sous la marque POWERDECK, ou la marque EUROTHANE, dans lesquelles la première lettre « o » a été remplacée par la marque contestée ;

–        une photographie d’un stand sur une foire, illustrant un autocollant représentant la marque contestée, associée à une facture datée, et une photographie d’un catalogue en forme de classeur représentant les marques verbales EUROWALL, POWERDECK, POWERROOF et EUROTHANE, dans lesquelles la première lettre « o » a été remplacée par la marque contestée, associée à une facture datée ;

–        des photographies de bannières indiquant, d’une part, la marque contestée et le site Internet de Recticel et, d’autre part, les marques verbales dans lesquelles la première lettre « o » a été remplacée par la marque contestée et représentant à des panneaux isolants ;

–        une déclaration de l’entreprise d’audit externe D., attestant du chiffre d’affaires relatif aux produits isolants vendus en Pologne en 2008, 2009 et 2010, sous les différentes marques verbales susmentionnées incluant le signe contesté, pour un total de plus de 2 millions d’euros en 2008, presque 1,5 millions d’euros en 2009 et presque 2,5 millions d’euros en 2010.

37      En troisième lieu, comme indiqué au point 16 ci-dessus, la requérante conteste la valeur probante de la plupart de ces éléments de preuve, au motif que, pris isolément, ils ne sauraient prouver l’usage de la marque contestée pour les produits de la classe 17 pendant la période pertinente, en raison de l’absence dans chacun desdits éléments de preuve soit de la référence aux produits en cause, soit de la date, soit de la représentation de la marque contestée elle-même.

38      Or, s’agissant de la force probante des éléments de preuve fournis par Recticel, comme le fait valoir à juste titre l’OHMI, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 22 à 25 ci-dessus qu’il convient de les analyser en tant que faisceau d’indices permettant, dans leur ensemble, de rapporter la preuve de l’usage sérieux de la marque en cause. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que lesdits éléments devaient être appréciés les uns par rapport aux autres, plutôt qu’isolément.

39      Il en découle que le fait que certains éléments de preuve ne contiennent pas, individuellement, d’indication à l’égard de tous les aspects pertinents (date, produits, volumes de ventes, marque contestée) ne les prive pas, d’emblée, de force probatoire.

–       Sur l’importance de l’usage

40      Le Tribunal relève que le matériel publicitaire avancé par Recticel, examiné dans son ensemble, permettait de démontrer l’utilisation de la marque contestée pour identifier la provenance des matériaux d’isolation qu’elle produit sous les marques verbales EUROFLOOR, EUROTHANE, EUROWALL, POWERDECK, POWERLINE et POWERROOF et donc afin de garantir l’identité d’origine des produits pour laquelle la marque contestée a été enregistrée, ce qui correspond à la fonction essentielle d’une marque, conformément à la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus.

41      À cet égard, il peut être souligné que le recours à une reproduction de la marque contestée dans la publicité effectuée à travers la presse spécialisée, dans des bannières, ainsi que dans le cadre d’une foire atteste qu’elle a été utilisée à destination de l’extérieur au sens de la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus.

42      En outre, il convient de relever que le signe contesté apparait sur la plupart du matériel publicitaire en association avec les autres marques verbales ou verbales avec remplacement de la première « o » par la marque contestée, également enregistrées au nom de Recticel, sur le site Internet de cette dernière ainsi que sur les images des produits en cause.

43      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance qu’une partie du matériel publicitaire apporté à titre d’élément de preuve est dépourvu de date.

44      D’une part, il convient de relever que les factures relatives à l’achat dudit matériel permettent de relier celui-ci à une date, même si elle est approximative.

45      En effet, il y a lieu de considérer que le fait que certains éléments de preuve ne soient pas datés ne conditionne pas leur valeur probante, pour autant que ceux-ci soient reliés à d’autres éléments, en l’espèce des factures, qui datent de la période pertinente. En toute hypothèse, comme le souligne à juste titre l’OHMI, même en prenant en compte les seules publicités datées, il serait possible de conclure qu’il a été fait usage de la marque contestée entre février 2009 et octobre 2010.

46      D’autre part, il ressort de la jurisprudence que l’apposition d’une marque sur un magazine, un périodique, une revue, un journal ou un catalogue est en principe susceptible de constituer un « usage valable du signe », en tant que marque, pour les produits et les services désignés par cette marque, si la teneur de ces publications confirme l’usage du signe pour les produits et les services couverts par la marque en cause [arrêt du 5 octobre 2010, Strategi Group/OHMI – RBI (STRATEGI), T‑92/09, EU:T:2010:424, point 32].

47      S’agissant de l’allégation de la requérante, formulée pour la première fois lors de l’audience, par laquelle elle paraît vouloir affirmer que la preuve de l’usage n’est rapportée que pour une partie des panneaux isolants relevant de la classe 17 et notamment pour les panneaux isolants en mousse, il suffit de relever que la requérante ne démontre pas la matérialité de son allégation ni n’explique en quoi de tels matériaux constitueraient une sous-catégorie suffisamment autonome, cohérente et différenciée [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec, EU:T:2005:288, point 46] pour que la preuve de l’usage n’emporte protection que pour la sous-catégorie dont relèvent les produits pour lesquels la marque a été effectivement utilisée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt ALADIN, précité, EU:T:2005:288, point 45).

48      Par ailleurs, c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu l’existence d’une commercialisation des produits en cause sous la marque contestée. Elle pouvait valablement arriver à une telle conclusion en l’absence même de factures prouvant la vente desdits produits, sur la base de la déclaration de l’entreprise d’audit externe D. attestant qu’ils avaient été vendus par Recticel, pendant la période pertinente, dans l’Union européenne et pour des volumes qui ne sont ni trop réduits ni minimes, aux termes de la jurisprudence évoquée aux points 31 à 33 ci-dessus. Il convient à cet égard de rappeler que ladite déclaration était issue d’une vérification effectuée par l’entreprise d’audit externe D. sur un échantillon de factures sélectionnées au hasard, relatives à la période pertinente. De plus, le résultat a été comparé avec le chiffre d’affaires figurant dans le logiciel de comptabilité de Recticel.

49      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante tirée de ce que cette déclaration se réfère uniquement aux marques verbales, enregistrées également au nom de Recticel, et non à la marque contestée.

50      En effet, en dépit de cette circonstance alléguée par la requérante, il n’en demeure pas moins que ladite déclaration démontre la commercialisation des produits en cause au cours de la période pertinente et, par conséquent, l’importance de l’usage de la marque contestée, de sorte qu’elle constitue un élément qui est pertinent, conjointement avec les autres preuves, dans le cadre du faisceau d’indices, conformément à la jurisprudence citée aux points 22 à 25 ci-dessus.

51      En effet, d’une part, il y a lieu de considérer que ladite déclaration conserve sa valeur probante, comme les factures sur le fondement desquelles elle a été établie et pour lesquelles il a été considéré que l’absence de mention de la marque contestée parmi les mentions qu’elles comportent ne démontrait pas leur absence de pertinence aux fins de la preuve de l’usage sérieux de ladite marque [voir, en ce sens, arrêts LA MER, point 29 supra, EU:T:2007:299, point 65 ; du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, EU:T:2012:263, point 60, et du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – López Cabré (TEEN VOGUE), T‑37/12, EU:T:2014:96, point 50].

52      D’autre part, comme pour les autres éléments de preuve présentés par Recticel, la déclaration de l’entreprise d’audit externe D., bien qu’elle ne fournisse pas d’indications sur tous les éléments pertinents en question, peut être prise en compte par le juge dans le cadre de l’évaluation du faisceau d’indices. Dans ce cadre, ladite déclaration comble l’absence d’autres éléments de preuve s’agissant de la commercialisation des produits promus par Recticel sous le signe contesté en association avec ses autres marques verbales ou verbales avec remplacement de la première « o » par la marque contestée.

53      Dans la mesure où la requérante conteste la recevabilité de ladite déclaration en tant que preuve tardivement introduite, il convient de renvoyer aux points 63 à 70 ci-dessous.

54      Compte tenu des considérations qui précèdent, force est de constater que l’importance de l’usage de la marque contestée a été démontrée en l’espèce.

–       Sur la nature de l’usage

55      Dans la mesure où la requérante conteste le caractère opérant des éléments de preuve se référant aux marques verbales dans lesquelles la première lettre « o » a été remplacée par la marque contestée, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence rappelée aux points 27 à 30 ci-dessus, l’usage d’une marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée peut être pris en compte afin de déterminer si la condition de l’usage sérieux est remplie.

56      En effet, en premier lieu, l’usage des marques verbales en cause intégrant la marque figurative contestée répond à une exigence commerciale de pouvoir s’y référer oralement sans perdre son caractère distinctif et reconnaissable.

57      En deuxième lieu, il convient de relever que la marque contestée n’est pas altérée lorsqu’elle est utilisée dans le cadre des marques verbales mentionnées au point 36 ci-dessus. En effet, elle ne perd pas son caractère distinctif, dès lors qu’il s’agit plutôt d’un élément juxtaposé, substitué à une lettre, maintenant son indépendance et ne constituant pas une unité dans le cadre desdites autres marques. Le fait que la lettre grecque lambda soit utilisée dans le domaine de la physique pour se référer à la conductivité thermique n’enlève rien à son caractère distinctif, la marque étant constituée par un signe figuratif, composé par ladite lettre, telle qu’issue de l’alphabet grec, en blanc inscrite dans un cercle rouge, substitué à la lettre « o », ce qui confère également un caractère distinctif renforcé aux marques verbales dans lesquelles il s’inscrit.

58      En troisième lieu, force est de relever que la marque contestée est utilisée parfois seule et parfois comme élément s’insérant dans les marques verbales mentionnées au point 16 ci-dessus (point 24 de la décision attaquée).

59      En quatrième lieu et en tout état de cause, la jurisprudence a clarifié le fait que la condition de l’usage sérieux pouvait être remplie même lorsqu’une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n’était utilisée que par l’intermédiaire de cette autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque (voir, par analogie, arrêts Colloseum Holding, point 30 supra, EU:C:2013:253, point 36, et Specsavers International Healthcare e.a., point 30 supra, EU:C:2013:497, point 26).

60      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a considéré à bon droit, aux points 24 à 27 de la décision attaquée, que l’usage des marques verbales avec remplacement de la première « o » par la marque contestée, mentionnées au point 36 ci-dessus, pouvait démontrer l’usage sérieux de la marque contestée.

61      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante concernant l’absence de caractère dominant de la marque contestée dans le cadre des marques verbales l’intégrant, dès lors que le seul facteur déterminant, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 30 ci-dessus, est que la marque complexe puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels elle porte comme provenant d’une entreprise déterminée. De même, en vertu de cette jurisprudence, l’allégation de la requérante selon laquelle le point essentiel consiste à déterminer si les clients comprendront l’usage de la marque contestée au sein d’autres marques comme un usage de cette dernière en tant que telle, ou bien comme l’usage de toutes les autres marques, est également dépourvu de pertinence.

 Sur la prise en compte des éléments de preuve tardifs

62      La requérante conteste que la déclaration de l’entreprise d’audit externe D. puisse être prise en compte, dès lors qu’elle a été produite après l’expiration du délai imparti par l’OHMI et affirme que, à défaut d’une telle preuve, les autres éléments de preuve fournis ne démontreraient pas l’importance de l’usage.

63      En vertu de l’article 57, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, consacré à l’examen de la demande en déchéance, l’OHMI invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’il leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties.

64      De plus, l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, dispose que l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

65      Ainsi que l’a jugé la Cour, il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement n° 207/2009, et il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 42).

66      En précisant que l’OHMI « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition l’investit en effet d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêt OHMI/Kaul, point 65 supra, EU:C:2007:162, point 43).

67      Certes, il découle du libellé de la règle 40, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95 que, lorsqu’aucune preuve de l’usage sérieux de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’OHMI, la déchéance doit être prononcée par ce dernier. Une telle conclusion ne s’impose en revanche pas lorsque des éléments de preuve de cet usage ont bien été produits dans ledit délai (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 86).

68      En l’espèce, il est constant que Recticel a présenté des éléments de preuve pertinents dans le délai imparti par l’OHMI. Toutefois, après avoir reçu les observations de la requérante considérant lesdits éléments comme insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, l’OHMI a, le 8 juillet 2011, donné la possibilité à Recticel de déposer ses observations à l’égard de la position de la requérante dans les deux mois suivants, à savoir, avant le 8 septembre 2011. À cette date, Recticel a présenté ses observations et fourni des éléments de preuve supplémentaires qui ont été pris en compte par la division d’annulation.

69      Il découle notamment de ce qui précède que la présentation de preuves de l’usage de la marque venant s’ajouter à des preuves elles-mêmes produites dans le délai imparti par l’OHMI, en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, demeure possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte des preuves supplémentaires produites ainsi tardivement (arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, point 67 supra, EU:C:2013:593, point 88).

70      Dès lors, la chambre de recours a valablement pu prendre en considération les éléments de preuves tardivement produits par Recticel.

71      Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a, sur la base des éléments de preuve correctement pris en compte, rejeté la demande en déchéance de la marque contestée s’agissant des produits de la classe 17.

72      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n°207/2009

73      La requérante allègue que l’OHMI, après avoir admis des preuves introduites par Recticel hors délai, ne lui a pas permis de présenter ses observations, violant ainsi la procédure et l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009. En outre, elle reproche à la chambre de recours, après avoir constaté la présence d’une telle violation, de ne pas avoir renvoyé l’affaire devant la division d’annulation, la privant ainsi de la possibilité de faire valoir ses arguments sur les documents soumis et de bénéficier de deux instances de recours à l’encontre d’une décision fondée principalement sur ces documents.

74      L’OHMI conteste ces arguments.

75      Comme exposé au point 68 ci-dessus, il est constant que le 8 septembre 2011, Recticel a présenté de nouveaux éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée après l’expiration du premier délai imparti par l’OHMI, à la suite d’une communication de ce dernier l’informant que la requérante ne considérait pas les éléments initialement présentés comme suffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée et l’invitant à présenter ses observations. Il est également constant que le 16 septembre 2011, l’OHMI a seulement informé la requérante de la fourniture d’éléments de preuve supplémentaires, en lui précisant qu’aucune observation additionnelle ne pouvait être soumise.

76      Il ressort de l’article 75 du règlement n° 207/2009 que les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Par conséquent, l’OHMI, en privant la requérante de la possibilité de présenter ses observations sur les preuves supplémentaires qu’il avait admis a commis une irrégularité procédurale, ce qui a, par ailleurs, été reconnu au point 10 de la décision attaquée.

77      Cependant, il convient de souligner que, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, le recours devant le juge de l’Union n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours. Dès lors, il y a lieu de considérer que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que les moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours même [arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE -Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec, EU:T:2005:200, point 59].

78      Il en découle que le présent moyen est irrecevable, le vice de procédure, ayant affecté la décision de la division d’annulation, ne pouvant être invoqué devant le Tribunal.

79      En tout état de cause, comme l’ont à juste titre relevé la chambre de recours, ainsi que l’OHMI dans le mémoire en réponse, une telle irrégularité procédurale ne serait susceptible d’entraîner l’annulation d’une décision, en tout ou en partie, que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité la décision aurait pu avoir un contenu différent [voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2005, Wilfer/OHMI (ROCKBASS), T‑315/03, Rec, EU:T:2005:211, point 33 et jurisprudence citée].

80      Or, la requérante a été en mesure de présenter ses observations sur lesdites preuves devant la chambre de recours qui les a dument prises en considération avant d’arrêter la décision attaquée. Partant, en vertu du principe de continuité fonctionnelle, la chambre de recours a pu rectifier ladite irrégularité [voir, sur le principe de continuité fonctionnelle entre l’examinateur et les chambres de recours, arrêts du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec EU:T:2000:39, point 27, et du 5 juin 2002, Hershey Foods/OHMI (Kiss Device with plume), T‑198/00, Rec, EU:T:2002:140, point 25]. Il n’est donc pas démontré que, en l’absence de ladite irrégularité procédurale, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent.

81      Dès lors, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant irrecevable et le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Rockwool Mineralwoll GmbH & Co. OHG est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.