Language of document : ECLI:EU:T:2019:680

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 septembre 2019 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Contrat à durée déterminée – Refus de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée –Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑255/18,

US, représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. F. von Lindeiner et M. Rötting, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la BCE de ne pas requalifier le contrat du requérant en contrat à durée indéterminée et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi à la suite de cette décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Accord-cadre sur le travail à durée déterminée

1        Aux termes de l’article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43) (ci-après l’« accord-cadre »), celle-ci vise « à mettre en œuvre l’[accord-cadre], conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ».

2        Les deuxième et troisième alinéas du préambule de l’accord-cadre énoncent ce qui suit :

« Les parties au présent accord reconnaissent que les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs. Elles reconnaissent également que les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, à la fois aux besoins des employeurs et à ceux des travailleurs.

Le présent accord énonce les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, reconnaissant que leur application détaillée doit prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles, et saisonnières. Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination et pour l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée sur une base acceptable pour les employeurs et les travailleurs. »

3        Les points 6 à 8 des considérations générales de l’accord-cadre sont rédigés comme suit :

« 6. considérant que les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail et contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de la performance ;

7. considérant que l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus ;

8. considérant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs. »

4        La clause 5 de l’accord-cadre énonce :

« 1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)       des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

[…] »

 Dispositions pertinentes relatives à la BCE

 Dispositions générales

5        L’article 36 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (BCE), annexé au traité CE (ci-après les « statuts du SEBC »), dans sa version en vigueur au moment des faits, contient les dispositions suivantes :

« Personnel

36.1. Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2. La Cour de justice [de l’Union européenne] est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

6        Sur le fondement de l’article 36.1 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté, par décision du 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32), les conditions d’emploi du personnel de la BCE (ci-après les « conditions d’emploi »).

7        L’article 9, sous c), des conditions d’emploi prévoit :

« Les conditions d’emploi ne sont régies par aucun droit national spécifique. La BCE applique i) les principes généraux du droit commun aux États membres, ii) les principes généraux du droit communautaire (CE) et iii) les règles contenues dans les règlements et directives (CE) concernant la politique sociale adressés aux États membres. Chaque fois que cela est nécessaire, ces actes juridiques seront mis en œuvre par la BCE. […] »

8        L’article 10, sous c), des conditions d’emploi prévoit :

« Les contrats de travail conclus pour une période déterminée de plus d’un an pour pourvoir un poste permanent et vacant peuvent être convertis en contrats de travail à durée indéterminée conformément aux conditions prévues dans les règles applicables au personnel. »

9        Par ailleurs, sur le fondement de l’article 12.3 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs a adopté le règlement intérieur de la BCE (JO 2004, L 80, p. 33). Dans sa version issue de la décision du 19 février 2004, il disposait notamment :

« 11.2 Sans préjudice des articles 36 et 47 des statuts, le directoire édicte des règles d’organisation (ci-après dénommées “circulaires administratives”) qui sont obligatoires pour le personnel de la BCE.

[…]

21.1. Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.

21.2. Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.

21.3. Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi.

21.4. Le comité du personnel est consulté préalablement à l’adoption de nouvelles conditions d’emploi ou de nouvelles règles applicables au personnel. Son avis est soumis respectivement au conseil des gouverneurs ou au directoire. »

10      L’article 2.0 des règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles applicables au personnel ») dispose ce qui suit :

« Les membres du personnel suivants sont éligibles à un contrat de travail à durée indéterminée (ci-après les “contrats convertibles”) :

a)       les membres du personnel affectés à un poste permanent et vacant classés dans une catégorie salariale inférieure à la bande I et engagés pour une période déterminée de trois ans ; et

b)       les membres du personnel affectés à un poste permanent et vacant classés au niveau de la bande I et au-dessus et engagés pour une période déterminée de cinq ans.

Sous réserve de l’intérêt du service, ces contrats peuvent être convertis si les prestations globales du membre du personnel sont au moins satisfaisantes au cours de la période du contrat convertible. Au moins six mois avant l’expiration d’un contrat convertible, la décision de convertir ou non le contrat est adoptée par :

a)       le directeur général des ressources humaines ou son adjoint, après avoir consulté le directeur général ou le directeur du service au sein duquel le membre du personnel affecté à un poste dans une catégorie salariale inférieure à la bande I est employé ; ou

b)       le secrétaire général des services, au nom du directoire, pour les membres du personnel affectés à un poste classé dans la catégorie salariale I ou dans une catégorie supérieure. »

 Rapport annuel d’évaluation

11      Les prestations des membres du personnel de la BCE sont évaluées annuellement selon deux procédures distinctes : la procédure d’évaluation et la procédure de révision annuelle des salaires et des primes (ci-après la « procédure ASBR » ou « ASBR »).

12      L’exercice annuel d’évaluation est conçu à la fois comme un outil de gestion du personnel et de développement personnel des employés de la BCE et consiste en un dialogue entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique sur les prestations effectuées lors de la période écoulée au regard des objectifs fixés pour celle-ci ainsi que sur les attentes pour la période à venir. Cette évaluation donne lieu chaque année à l’établissement d’un rapport d’évaluation.

13      Le guide d’évaluation de la BCE  prévoit, plus particulièrement, ce qui suit :

« L’évaluation porte principalement sur les prestations de l’individu par rapport aux tâches et aux objectifs fixés pour la période concernée. Elle concerne le travail spécifique du membre du personnel au cours de l’année et ne constitue pas un exercice comparatif, même si la performance individuelle peut être évaluée dans le contexte de la performance attendue à un certain niveau pour une certaine fonction. L’évaluation doit refléter à la fois les performances et les résultats techniques et comportementaux, ou leur absence, ainsi que les accomplissements et les domaines à améliorer. Si un évaluateur estime que la performance d’un agent est peu fiable, il doit en expliquer les raisons et identifier les moyens d’amélioration en consultation avec l’évalué.

Il est de la plus haute importance que les deux parties participent à la discussion d’évaluation bien préparées. Les évaluateurs doivent réserver suffisamment de temps pour les entretiens d’évaluation et s’assurer que les évalués sont informés de la date au moins une semaine à l’avance. Les discussions d’évaluation doivent en principe se dérouler individuellement entre le premier évaluateur et l’évalué. »

 Procédure ASBR

14      Pour la période de référence, allant du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, la procédure ASBR ainsi que le lien entre celle-ci et la procédure d’évaluation sont expliqués dans un document intitulé « L’exercice annuel des salaires et des primes » (ci-après les « lignes directrices ASBR »).

15      Les lignes directrices ASBR précisent notamment ce qui suit :

–        concernant les objectifs de la procédure ASBR : « [l]a politique de salaire au mérite a été créée à la BCE en vue de récompenser les prestations et la réussite d’un agent en établissant un lien entre son niveau de rémunération et sa contribution à la réalisation des missions de la BCE » ;

–        concernant les augmentations de salaire : celles-ci « reflètent un développement personnel de l’agent et une contribution en hausse par rapport à l’année précédente […] Les décisions relatives à des augmentations individuelles de salaire doivent être fondées sur les principes susmentionnés et être expliquées de la manière qui convient » ;

–        concernant les niveaux de mérite et la répartition dans les tranches de salaires : « [l]es augmentations de salaire sont exprimées en échelons allant de 0 à 14 points. Chaque échelon équivaut à une augmentation salariale d’environ 0, 25 %. Un minimum de 9 échelons est attribué à 20 % (+/- 5 %) du personnel. Les membres du personnel dont les prestations sont insuffisantes se voient accorder une gratification salariale de zéro échelon. Une gratification de zéro échelon peut également être attribuée aux membres du personnel dont les prestations sont satisfaisantes mais qui n’ont pas développé ni/ou apporté de contribution supplémentaire aux activités de leur service de rattachement par rapport à la période de prestation antérieure compte tenu de leur positionnement dans la catégorie salariale et du niveau de performance de leurs collègues » ;

–        concernant le lien indirect entre la procédure ASBR et la procédure d’évaluation : « [la procédure] ASBR et la procédure d’évaluation correspondent à deux exercices distincts, poursuivant des objectifs différents. En conséquence, il n’y a pas de lien mécanique entre les deux, et on ne saurait non plus exiger que la procédure d’évaluation soit terminée avant que soit entamée la procédure ASBR. Néanmoins, l’approche consistant à procéder à l’exercice d’évaluation avant de prendre les décisions au titre de la procédure ASBR correspond à une bonne pratique et doit être privilégiée. L’exercice d’évaluation tend à reconnaître les domaines dans lesquels l’agent a obtenu des résultats et à identifier les domaines dans lesquels l’intéressé peut, dans sa situation spécifique, améliorer ses performances, sans qu’il y ait lieu de comparer la performance de l’intéressé à celle des autres membres du personnel. La procédure d’évaluation a ainsi le caractère d’un exercice “normatif”. Elle se rapporte uniquement aux résultats obtenus par l’intéressé, évalués à l’aune des objectifs individuels au sein d’un contexte individuel spécifique, et n’implique aucune notion comparative. D’un autre côté, la procédure ASBR doit, eu égard aux contraintes budgétaires et compte tenu du principe de récompense basée sur le mérite, considérer la contribution de l’intéressé par rapport aux autres membres du personnel du même service, en prenant en considération le niveau de la contribution pouvant être attendue eu égard au positionnement de l’intéressé dans la même catégorie salariale. Partant, une mention “bien”, pour un membre du personnel dont le salaire se situe vers le haut de la catégorie salariale considérée, devrait en règle générale se traduire par une gratification salariale inférieure à celle octroyée, pour la même mention “bien”, à un membre du personnel dont le salaire se situe dans la partie inférieure de la même catégorie salariale. La procédure ASBR est donc par nature un exercice “comparatif”. […] La procédure ASBR est donc un exercice distinct, indépendant du rapport d’évaluation. En conséquence, une transcription directe d’un exercice vers l’autre n’est pas possible. Bien qu’il n’y ait pas de lien direct, les messages résultant de la procédure d’évaluation et de la procédure ASBR doivent, dans leur ensemble, présenter une cohérence interne » ;

–        s’agissant de la manière dont l’administration informe les agents concernés des augmentations accordées : « des lettres individuelles sont préparées par la DG ["Ressources humaines"], distribuées aux membres du personnel par le management local. À cette occasion, les responsables hiérarchiques doivent expliquer aux intéressés le contexte de fixation de leurs rémunérations/primes, en fonction de leur contribution relative ».  

 Antécedents du litige

16      En juillet 2012, le requérant, US, a été recruté par la BCE en tant qu’expert juridique principal (« Principal Legal Counsel »). Le recrutement du requérant a eu lieu dans le cadre d’un contrat « ESCB/IO », qui peut être proposé uniquement à des employés d’autres banques centrales, membres du Système européen de banques centrales. Dans le cas du requérant, il s’agissait de la Banque de France.

17      Avec effet au 1er juin 2014, le requérant a été transféré à la direction générale « Micro-Prudentiel Supervision IV », et, à la suite d’une procédure de recrutement, a été nommé au poste de superviseur principal (« Principal Supervisor ») dans une division au sein de cette direction générale avec effet au 15 décembre 2014.

18      Du 15 décembre 2014 au 14 décembre 2017, le requérant a bénéficié d’un contrat à durée déterminée « convertible », à savoir pouvant être, le cas échéant, converti en un contrat à durée indéterminée.

19      Le 30 novembre 2016, le requérant s’est vu remettre son rapport d’évaluation couvrant la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 (ci-après le « rapport d’évaluation de 2016 »). Ce rapport identifiait un certain nombre de défaillances quant à ses prestations. En particulier, le premier évaluateur, chef adjoint de division, a considéré que, s’agissant du contenu des projets soumis, le requérant ne montrait pas la focalisation requise sur les nécessités de base concernant, en premier lieu, la compréhension et, en deuxième lieu, la description de transactions complexes de manière simple et compréhensible dans un délai extrêmement court. Quant à la procédure d’élaboration des projets, le premier évaluateur a estimé que le requérant ne se focalisait pas sur les questions majeures ressortant de ces procédures, mais souvent sur des nécessités opérationnelles partiellement mineures. Le premier évaluateur a également expliqué qu’en raison de ces prestations insuffisantes, les responsables des affaires et la hiérarchie étaient impliqués de manière chronophage et contreproductive dans le travail du requérant.

20      Par ailleurs, la seconde évaluatrice, chef de division, a identifié trois défaillances dans les prestations du requérant. Tout d’abord, elle s’est référée au manque constaté de capacité à comprendre la situation dans son ensemble et la tendance à trop se focaliser sur les détails sans impact pertinent sur les cas spécifiques, au manque perçu de capacité à refléter ses points de vue de manière simple et structurée, à une tendance à plutôt compliquer les choses et au manque de perspicacité pour identifier le moment propice pour faire remonter les problèmes à la hiérarchie ou pour rechercher des conseils de gestion.

21      Le 9 janvier 2017, le requérant s’est vu remettre la décision relative à l’exercice de révision annuelle des salaires et des primes pour l’année 2016 sur la base de laquelle deux échelons (« salary steps ») lui ont été attribués (ci-après la « décision ASBR » ou la « décision ASBR de 2016 »). La décision relative à l’exercice de révision annuelle des salaires et des primes pour l’année 2015 lui avait accordé une augmentation de trois échelons.

22      Les 15 février et 9 mars 2017, le requérant a déposé deux demandes de réexamen administratif (« administrative review ») contre respectivement le rapport d’évaluation de 2016 et la décision ASBR. Le 3 mai 2017, ces demandes ont été rejetées.

23      Le 7 juillet 2017, le requérant a introduit une réclamation (« grievance procedure ») contre la décision de rejet du 3 mai 2017. Par décision du 12 septembre 2017, notifiée au requérant le 19 septembre 2017, cette réclamation a été rejetée.

24      Le 29 novembre 2017, le requérant a saisi le Tribunal d’un recours, enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑780/17, contre le rapport d’évaluation de 2016 et la décision ASBR de 2016.

25      Entre-temps, par une lettre datée du 13 juin 2017, le requérant a été informé par la BCE que son contrat ne serait pas converti en contrat à durée indéterminée et que, par conséquent, son contrat expirerait le 14 décembre 2017 (ci-après l’« acte attaqué »). L’acte attaqué faisait notamment suite à l’évaluation des prestations du requérant inclues dans le rapport d’évaluation de 2016 ainsi que sur les décisions ASBR de 2015 et 2016.

26      Le 11 août 2017, le requérant a introduit une demande de réexamen administratif contre l’acte attaqué. Cette demande a été rejetée le 11 octobre 2017. Le 7 décembre 2017, le requérant a introduit une réclamation contre le rejet de sa demande de réexamen administratif, qui a été rejetée le 13 février 2018.

27      Après l’expiration de son contrat, le requérant a réintégré les services de la Banque de France.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2018, le requérant a introduit le présent recours.

29      Par lettre du 26 avril 2018, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, lequel lui a été accordé.

30      Le 1er août 2018, la BCE a déposé son mémoire en défense.

31      Le 2 octobre et le 14 novembre 2018, la réplique et la duplique ont été respectivement déposées au greffe du Tribunal.

32      Le Tribunal (sixième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

33      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        annuler la décision du 11 octobre 2017 portant rejet de sa demande de réexamen administratif et la décision du 13 février 2018 portant rejet de sa réclamation ;

–        condamner la BCE à l’indemniser des préjudices subis ;

–        condamner la BCE aux dépens.

34      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de jonction

35      Tant la BCE dans la défense que le requérant dans sa réplique ont demandé la jonction de la présente affaire à l’affaire T‑780/17.

36      Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de joindre la présente affaire à l’affaire T‑780/17, dans la mesure où tant les conclusions en annulation que les conclusions indemnitaires de ces affaires visent des actes différents.

 Sur l’objet du recours 

37      Le requérant allègue que le recours est recevable, dès lors que les actes contestés lui font grief.

38      La BCE affirme ne pas avoir d’observations quant à la recevabilité de la requête en tant que telle tout en ajoutant que la question de la recevabilité se pose « en ce qui concerne certains moyens de droit ».

39      Il convient de rappeler que des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 37).

40      En l’espèce, étant donné que les décisions de rejet de la demande de réexamen administratif du requérant ainsi que de la réclamation ne font que confirmer l’acte attaqué, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif et de la décision portant rejet de la réclamation du requérant sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de l’acte attaqué, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans celles-ci, cette motivation étant censée coïncider avec celle de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

 Sur les conclusions en annulation 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation par la politique de requalification de l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel

41      Le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre du document intitulé « Critères et procédure relatifs à la requalification des contrats à durée déterminée des membres du personnel recrutés pour des postes permanents », adopté par la BCE (ci-après la « politique de requalification ») en ce qu’il serait contraire à l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et à l’article 2.0 des règles applicables au personnel.

42      En particulier, il allègue que, en l’espèce, la BCE a restreint, par la voie d’une décision interne, les effets des conditions d’emploi. En particulier, il soutient que la politique de requalification n’a pas été adoptée par le directoire de la BCE et, par conséquent, qu’il y a eu une violation de normes de rang supérieur, à savoir de l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel de la BCE. Le requérant ajoute que, à supposer que la politique de requalification ait été adoptée par le directoire le 27 novembre 2007, elle devrait être considérée comme une circulaire administrative au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BCE. Or, de l’avis du requérant, les circulaires administratives sont des règles organisationnelles qui, par nature, ne sauraient méconnaître les conditions d’emploi.

43      La BCE conteste les arguments avancés par le requérant.

44      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel sont des règles de rang supérieur ou égal aux règles afférentes à la politique de requalification de la BCE, il y a lieu de constater que le requérant ne parvient pas à établir que ces dernières entrent en conflit avec les premières, étant donné que les arguments qu’il invoque à cette fin ne sont pas fondés.

45      À cet égard, en premier lieu, le requérant affirme que, si l’article 2.0 des règles applicables au personnel soumet la requalification d’un contrat à deux conditions, à savoir l’intérêt du service et le caractère satisfaisant des prestations globales du membre du personnel concerné, la politique de requalification va plus loin en imposant des conditions supplémentaires qui sont plus strictes.

46      Il allègue, à ce titre, que, selon la politique de requalification, la première condition censée se rapporter aux prestations individuelles est le « développement continu du membre du personnel ». Or, cette condition constituerait un élément spéculatif, tandis que l’article 2.0 des règles applicables au personnel ne mentionne que les prestations du membre du personnel « au cours de la période du contrat convertible ». Il ajoute que la lecture donnée par la BCE du critère de développement continu est ambiguë et qu’il n’a jamais été informé de la possibilité de « rattraper » le point ASBR qui lui manquait en 2016 dans les mois qui ont suivi son entretien dans le contexte de la procédure ASBR.

47      Ces arguments doivent être écartés.

48      En effet, il résulte du libellé même du point 3.2.1 de la politique de requalification, ayant pour titre précisément « développement continu du membre du personnel », que cette notion consiste « dans le développement, pendant la période d’évaluation, d’un ensemble de connaissances, d’habiletés et de compétences qui correspondent aux attentes définies dans le formulaire d’évaluation, comme, par exemple, les objectifs et l’accomplissement respectif de ceux-ci, et dans la démonstration du potentiel pour le développement ultérieur de la carrière et la mobilité future au vu du poste occupé ». Il s’ensuit qu’il existe un lien évident entre les prestations accomplies par un membre du personnel et son potentiel. En effet, le potentiel d’évolution de la carrière d’un membre du personnel ne peut être évalué que sur la base des prestations et des aptitudes manifestées par le passé qui, en tant que critères objectifs, ne sont pas une source d’incertitude, contrairement à ce qui est allégué par le requérant. Par ailleurs, s’il est vrai que la référence au « développement continu » du membre du personnel concerné requiert une extrapolation pour l’avenir concernant le potentiel dudit membre, cela, d’une part, est raisonnable dans le contexte de la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et, d’autre part, est cohérent avec l’article 2.0 des règles applicables au personnel, qui fait référence au niveau au moins satisfaisant des prestations globales du membre du personnel au cours de la période du contrat convertible.

49      Par ailleurs,  l’argument du requérant selon lequel il n’a jamais été informé par l’administration de la possibilité de rattraper en 2016 le point ASBR qui lui manquait ne saurait être retenu. En effet, la question de la requalification de son contrat convertible se posait dès la signature de ce dernier. Par conséquent, le requérant était censé connaître les règles régissant la politique de requalification des contrats et pouvait donc ajuster ses performances dans le but de se voir attribuer les points ASBR nécessaires pour la requalification de son contrat.

50      En deuxième lieu, le requérant soutient que, selon la deuxième condition de la politique de requalification, il est nécessaire de recevoir des gratifications salariales correspondant en moyenne « au minimum à trois échelons par exercice d’ASBR durant l’ensemble de la période d’évaluation ». Il estime que cette condition entre en contradiction avec l’article 2.0 des règles applicables au personnel, qui prévoit une condition plus générale, à savoir que les « prestations globales du membre du personnel [soient] au moins satisfaisantes ». En particulier, il note que, selon la procédure ASBR, une gratification de zéro échelon pouvait à l’époque des faits être attribuée non seulement aux membres du personnel dont les prestations étaient insuffisantes, mais également à ceux dont les prestations étaient suffisantes, mais « qui [n’avaient] pas apporté de contribution supplémentaire à l’organisation par rapport à la prestation antérieure compte tenu de leur positionnement dans la catégorie salariale et du niveau de performance de leurs collègues ». Or, le requérant estime qu’il y aurait sur ce point une contradiction, dès lors que la gratification salariale de zéro échelon signifierait qu’une prestation pourrait être considérée comme satisfaisante dans le contexte de l’ASBR, mais insuffisante quant à la possibilité de convertir le contrat de l’employé concerné en contrat à durée indéterminée.

51      Ces arguments doivent être également écartés.

52      À ce titre, il est à noter que la condition relative à l’obtention d’augmentations de salaire d’au moins trois échelons en moyenne par exercice ASBR sur l’ensemble de la période concernée pour la requalification du contrat détaille, en introduisant un critère objectif, la condition prévue par l’article 2.0 des règles applicables au personnel, c’est-à-dire l’obligation pesant sur le membre du personnel d’avoir offert des « prestations globales […], au moins satisfaisantes ». À cet égard, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, l’emploi de l’expression « prestations satisfaisantes », tant dans les lignes directrices ASBR que dans la politique de requalification, n’est pas contradictoire.

53      En effet, ainsi que cela est indiqué dans les lignes directrices ASBR, cet exercice examine annuellement la performance des employés de la BCE sur la base de contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il vise à récompenser les performances et les réalisations des employés en liant leur niveau de salaire à leur contribution au succès de la BCE dans la réalisation de ses objectifs. De surcroît, il est indiqué dans les lignes directrices ASBR que, « compte tenu de la contrainte budgétaire qui sous-tend l’ASBR, ce développement personnel croissant et cette contribution croissante doivent être évalués par rapport aux autres membres de la même catégorie salariale ».

54      Il en ressort que la procédure ASBR a pour objet l’évaluation des prestations des employés sur une période d’un an, aux fins de l’augmentation de leurs salaires. De plus, il s’agit d’un exercice à caractère comparatif, étant donné qu’il repose sur les résultats du membre du personnel concerné par rapport à ceux de ses collègues « de la même catégorie salariale ».

55      En revanche, ainsi que cela est à juste titre relevé par la BCE, dans le cas de la politique de requalification des contrats, l’évaluation des prestations du membre du personnel concerné, s’étendant sur la durée de son contrat à durée déterminée, vise un autre objectif, à savoir la transformation ou non du contrat susmentionné en un contrat à durée indéterminée. Par conséquent, et étant donné l’importance pour l’organisation des services de la BCE de sa décision portant sur la requalification d’un contrat, il est raisonnable que le seuil fixé quant aux échelons acquis soit plus haut s’agissant de la décision de requalification d’un contrat que dans le cas de la décision ASBR.

56      En d’autres termes, et au vu de ce qui précède, s’il est vrai que la mise en œuvre des lignes directrices ASBR et de la politique de requalification impliquent l’évaluation des prestations des employés de la BCE, il n’en reste pas moins que les deux textes visent des objectifs différents, ce qui peut justifier une divergence quant à la manière dont le caractère suffisant de la prestation du membre du personnel concerné est défini.

57      Quant à l’argument du requérant selon lequel les échelons accordés au titre de la procédure ASBR ne sauraient être pris en compte dans le cadre de la requalification des contrats, dès lors que les prestations du membre du personnel concerné ne sont pas examinées que par rapport à la contribution de ses collègues, il convient de le rejeter comme non fondé. En effet, s’il est vrai que la procédure ASBR consiste en un exercice comparatif et lie la récompense salariale de l’employé concerné aux prestations des autres employés, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un outil d’appréciation du caractère suffisant des prestations de cet employé, ainsi que le prévoit l’article 2.0 des règles applicables au personnel. Ainsi, les lignes directrices ASBR prévoient que la politique de salaire au mérite a été créée à la BCE dans le but « de récompenser les prestations et la réussite d’un agent en établissant un lien entre son niveau de rémunération et sa contribution à la réalisation des missions de la BCE » et que les augmentations de salaire « reflètent un développement personnel de l’agent et une contribution en hausse par rapport à l’année précédente ».

58      En troisième lieu, le requérant allègue que le critère relatif au nombre d’échelons attribués par exercice ASBR serait une source d’arbitraire. Il relève que ledit critère offre à l’administration la possibilité de n’accorder qu’un échelon pour le premier exercice ASBR, puis d’adapter le nombre d’échelons accordés pour le second exercice ASBR en fonction du souhait de l’administration de requalifier ou non son contrat. Il ajoute que l’exigence selon laquelle il y a lieu de justifier en moyenne et au minimum de trois échelons de salaire au cours de la période concernée est problématique, compte tenu de l’absence de motivation et du manque de transparence s’agissant des décisions d’octroi des échelons ASBR.

59      Cet argument doit être rejeté comme spéculatif.

60      En effet, outre le fait que le requérant n’a jamais contesté la décision ASBR concernant le cycle de performance pour l’année 2015, en acceptant ainsi implicitement qu’il aurait besoin de trois échelons lors de l’exercice ASBR sur le cycle de performance de 2016 pour atteindre la moyenne globale requise de trois échelons sur la période concernée, il ne produit aucun élément de preuve pour établir que le nombre d’échelons accordés à un membre du personnel dépendrait de la volonté de l’administration de requalifier ou non son contrat. À cet égard, il ressort du point 2.1.1 des lignes directrices ASBR que l’employé peut être gratifié lors d’un cycle d’exercice ASBR de zéro à quatorze échelons et qu’un minimum de neuf échelons serait obligatoirement accordé à un pourcentage de 20 % (+/-5 %) du personnel. Il s’ensuit que la moyenne des trois échelons à obtenir sur l’ensemble de la période d’évaluation ne constituait pas une exigence excessive pour l’employé souhaitant voir son contrat requalifié en contrat à durée indéterminée.

61      En quatrième lieu, le requérant relève que, en raison du caractère annuel de l’exercice ASBR et de l’obligation d’informer le membre du personnel au moins six mois avant l’expiration de son contrat, ce dernier n’est, en réalité, évalué que dans le cadre de deux exercices ASBR, au moment où la décision sur la requalification de son contrat est prise. Or, cet élément contreviendrait à l’article 2.0 des règles applicables au personnel, qui dispose que les prestations observées au cours de la période d’évaluation doivent être prises en considération et que cette période dure non pas 24, mais 36 mois.

62      À cet égard, il convient d’observer que, s’il est vrai que l’article 2.0 des règles applicables au personnel fait référence à une période de 36 mois en tant que période d’évaluation pour la requalification ou non du contrat concerné, la même disposition prévoit aussi que la décision sur la requalification doit être prise « au moins six mois avant l’expiration de ce contrat ».

63      Il ressort donc de l’article 2.0 des règles applicables au personnel que l’évaluation du requérant ne pouvait pas être effectuée relativement à la totalité de la durée du contrat à durée déterminée. Dans un tel cas de figure, l’administration ne se conformerait pas à la formalité ultérieure prévue par la même disposition, à savoir l’obligation d’adopter la décision de requalification au moins six mois avant l’expiration du contrat à durée déterminée. Il convient donc de rejeter ce grief comme non fondé.

64      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente exception d’illégalité comme non fondée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la directive 1999/70 par l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel

65      Le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel en ce qu’ils seraient contraires à l’accord-cadre.

66      Plus précisement, il prétend que, en vertu du point 6 des considérations générales de l’accord-cadre, les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale des relations de travail, ce qui serait confirmé par la jurisprudence de la Cour. Le requérant en conclut que l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel ne respectent pas le principe énoncé au point 6 des considérations générales de l’accord-cadre. Par ailleurs, le requérant estime que la possibilité de renouvellement d’un contrat à durée déterminée prévue par l’article 2.0 des règles applicables au personnel peut entraîner des abus et c’est précisément ce type d’abus que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre vise à éviter.

67      La BCE conteste les arguments avancés par le requérant.

68      Aux termes de l’article 9, sous c), des conditions d’emploi, la BCE applique, notamment, les règles contenues dans les règlements et les directives de l’Union concernant la politique sociale, dont les États membres sont les destinataires. À ce titre, il convient de rappeler qu’une directive pourrait lier une institution quand celle-ci a, dans le cadre notamment de son autonomie organisationnelle, entendu donner exécution à une obligation particulière énoncée par une directive ou encore dans le cas où un acte de portée générale d’application interne renvoie, lui-même, expressément aux mesures arrêtées par le législateur de l’Union en application des traités (arrêt du 13 décembre 2016, IPSO/BCE, T‑713/14, EU:T:2016:727, point 106).

69      Or, quand bien même l’article 9, sous c), des conditions d’emploi refléterait le principe général selon lequel l’application uniforme du droit exige que les institutions de l’Union respectent les règles du droit de l’Union, y compris des directives, et qu’un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, en conformité avec l’ensemble du droit primaire, il ne fait pas état d’un engagement de la BCE de donner exécution à une obligation particulière, notamment à une obligation d’énoncer les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, telle que visée par le troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, IPSO/BCE, T‑713/14, EU:T:2016:727, point 111).

70      Pour autant que le requérant puisse soutenir que la politique de requalification, l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel donnent exécution à des prescriptions minimales relatives à la convertibilité de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, aucune incompatibilité n’existe entre eux et le principe, consacré par l’accord-cadre, selon lequel les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail.

71      En effet, il ressort d’une lecture combinée des deuxième et troisième alinéas du préambule de l’accord-cadre et des points 6 à 8 des considérations générales de celui-ci que, s’il prévoit que les contrats à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail, il ne consacre pas un droit d’accès à des contrats à durée indéterminée. En particulier, il ne ressort nullement de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre que la stabilité de l’emploi a été érigée en règle de droit contraignante. D’ailleurs, les dispositions susmentionnées mettent l’accent sur la nécessité d’atteindre un équilibre entre flexibilité et sécurité. Il y a lieu d’ajouter que, comme la Cour l’a déjà jugé, l’accord-cadre n’édicte pas une obligation générale de prévoir, après un certain nombre de renouvellements de contrats à durée déterminée ou l’accomplissement d’une certaine période de travail, la transformation desdits contrats de travail en contrats de travail à durée indéterminée (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443 point 91, et du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, EU:C:2006:517, point 47).

72      Il s’ensuit qu’aucune contradiction n’existe entre, d’une part, l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel et, d’autre part, le principe, consacré par l’accord-cadre, selon lequel les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail.

73      Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, il ne ressort pas de l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel qu’ils peuvent constituer une source d’abus, en méconnaissance de la clause 5 de l’accord-cadre. Tout d’abord, ladite disposition introduit des conditions régissant l’utilisation par les États membres de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel ne concernent que la convertibilité d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

74      À cet égard, les arrêts du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223), et du 10 mars 2011, Deutsche Lufthansa (C‑109/09, EU:C:2011:129), cités par le requérant, ne sont pas pertinents en l’espèce. Plus précisément, à la différence de la présente affaire, l’affaire Deutsche Lufthansa portait, notamment, sur la question de savoir si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre devait être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui autorise, pour tout travailleur âgé de plus de 58 ans, la conclusion d’un nombre illimité de contrats à durée déterminée successifs sans raison objective, pour autant qu’il n’existe pas de lien objectif étroit avec un contrat de travail à durée indéterminée précédent, conclu avec le même employeur (arrêt du 10 mars 2011, Deutsche Lufthansa, C‑109/09, EU:C:2011:129, point 29). Quant à la première affaire, elle posait, notamment, la question de savoir si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre interdisait à un État membre, en tant qu’employeur, de renouveler un contrat de travail à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à huit ans durant la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et celle de l’entrée en vigueur de la loi de transposition de cette directive (arrêt du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 81).

75      Enfin, il est à noter que l’article 10, sous c), des conditions d’emploi prévoit la possibilité que les contrats conclus pour une période de plus d’un an pour pourvoir à un poste permanent puissent être convertis en contrats de travail à durée indéterminée, en renvoyant à l’article 2.0 des règles applicables au personnel. Quant à cette dernière disposition, elle oblige l’administration à adopter une décision sur la requalification du contrat « au moins six mois avant l’expiration du contrat convertible » en évaluant le caractère suffisant des prestations du membre du personnel concerné. Il s’ensuit que non seulement le cadre juridique pertinent de la BCE n’introduit pas une situation de contrats à durée déterminée successifs, mais, de plus, l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et l’article 2.0 des règles applicables au personnel fixent de manière concrète le cadre temporel afférent à la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

76      Il est vrai que la BCE a la possibilité de convertir le contrat, ce qui signifie que la requalification dépend du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Il n’en reste pas moins que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont dévolues et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 85).

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente exception d’illégalité comme non fondée.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité des lignes directrices ASBR, de la violation de l’obligation de motivation et du principe de sécurité juridique

78      Le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre des lignes directrices ASBR appliquées en l’espèce. Il allègue d’emblée que ce moyen d’annulation est recevable, dès lors que les lignes directrices ASBR seraient utilisées, conjointement avec la politique de requalification des contrats, afin de limiter le nombre de requalifications des contrats convertibles.

79      Sur le fond, le requérant soutient que l’attribution des points dans le cadre de la procédure ASBR ne repose pas sur des critères d’évaluation précis et manque donc de clarté et de transparence. En particulier, il relève que, dans la mesure où les lignes directrices ASBR n’exigent qu’une motivation orale donnée par les supérieurs hiérarchiques aux intéressés, le respect de l’obligation de motivation n’est pas garanti. Le requérant ajoute  qu’en l’espèce  aucun dialogue n’a pu être entamé entre lui et ses supérieurs hiérarchiques.  Il affirme que l’incertitude résultant des lignes directrices ASBR peut avoir un impact sur la possibilité pour l’agent de se voir accorder un contrat à durée indéterminée, tout en rappelant que lesdites lignes directrices permettent à la BCE de volontairement mal noter certains agents tout à fait performants pour remplir les quotas décidés par la hiérarchie.

80      La BCE rétorque, tout d’abord, que ce moyen d’annulation est irrecevable, dès lors que le lien juridique devant exister entre l’acte attaqué et les lignes directrices ASBR fait défaut en l’espèce. La BCE ajoute à cet égard que la présente affaire ne vise pas l’annulation de la décision ASBR de 2016, de sorte que cette décision est étrangère à l’objet du présent recours.

81      Quant au fond, la BCE conteste les arguments avancés par le requérant.

82      S’agissant de la recevabilité du présent moyen, il convient de rappeler que, dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir, en ce sens, arrêt de 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 57 et jurisprudence citée). À défaut de lien étroit entre l’illégalité invoquée de l’acte de portée générale et les motifs de la décision attaquée, l’exception d’illégalité doit être déclarée irrecevable (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, points 37 et 38).

83      Il convient de rappeler que les lignes directrices, bien que ne constituant pas le fondement juridique de l’acte attaqué, peuvent être contestées par la voie de l’exception d’illégalité si elles ont servi à l’adoption de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Paulini/BCE, T‑764/16, non publié, EU:T:2018:101, point 31).

84      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence qu’un acte de portée générale au sens de l’article 277 TFUE est un acte qui s’applique à des situations déterminées objectivement et qui produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière abstraite (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 1990, Cargill e.a./Commission, C‑229/88, EU:C:1990:138, point 18, et du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 53). En l’espèce, il ressort du dossier que les lignes directrices ASBR sont un acte de portée générale, puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement et produisent leurs effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière abstraite, à savoir les membres du personnel de la BCE.

85      En outre, il n’est pas contesté que l’acte attaqué, à savoir la décision de la BCE de ne pas requalifier le contrat du requérant en contrat à durée indéterminée, a été adopté après avoir pris en compte le nombre des échelons attribués au requérant dans le cadre de la procédure ASBR pour 2016. Dans la mesure où la décision ASBR de 2016 a été prise en application des principes posés par les lignes directrices ASBR, ces dernières ont servi à l’adoption de l’acte attaqué. Il convient donc d’écarter le motif d’irrecevabilité soulevé par la BCE.

86      Quant à la substance du présent moyen d’annulation, celui-ci est non fondé. Tout d’abord, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, au point 5 des lignes directrices ASBR, il est prévu que des lettres individuelles « sont préparées par la DG ["Ressources humaines"] » et remises aux membres du personnel par le management local. Tel a été le cas en l’espèce, dès lors qu’une lettre datée du 15 décembre 2016 a été adressée personnellement au requérant dans laquelle il était indiqué ce qui suit :

« Comme expliqué par votre hiérarchie, cette augmentation [de salaire] est basée sur votre développement personnel, pertinent pour le service, ainsi que sur votre contribution croissante au succès du domaine d’activité et de la BCE dans son ensemble, comparée à la contribution des autres membres du personnel dans votre secteur d’activité. Cette augmentation a également tenu compte de votre niveau actuel au sein de votre bande salariale et des attentes concomitantes concernant votre performance et votre développement personnel. »

87      Par ailleurs, le point 5 des lignes directrices ASBR prévoit également que, à l’occasion de l’envoi de la lettre portant sur l’augmentation des salaires aux agents, leurs responsables hiérarchiques doivent expliquer le contexte de la prise de décision sur leur prime, en fonction de leur contribution relative. En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que le requérant a été informé par sa hiérarchie du contexte de la décision ASBR de 2016 et de l’attribution de deux échelons à son égard. À ce titre, il convient de noter que, dans son « affidavit » daté du 11 avril 2018, le requérant conteste le compte rendu fourni par la BCE sur le contenu de l’entretien qu’il a eu le 9 janvier 2016 avec ses supérieurs hiérarchiques sur la décision ASBR de 2016. Or, à supposer que les allégations du requérant soient établies, ce qui ne ressort d’aucune pièce du dossier, le fait que le requérant a eu un entretien personnel avec sa hiérarchie sur la décision ASBR de 2016 reste incontestable.

88      Il ressort de ce qui précède que l’administration l’a informé oralement, au travers de sa hiérarchie, de l’augmentation ASBR accordée et lui avait également déjà adressé une lettre personnelle énumérant les éléments et les critères sur lesquelles elle s’était fondée pour lui accorder deux échelons salariaux.

89      À cet égard, et s’agissant de l’obligation de motivation, il doit être relevé que, si celle-ci a pour effet de soumettre l’exercice par l’administration, en l’occurrence la BCE, de ses compétences au respect de certaines exigences, elle ne saurait pour autant avoir pour effet d’obliger la BCE à renoncer à la large marge d’appréciation qu’elle a décidé de préserver dans la conduite de sa politique d’octroi des augmentations individuelles de salaire et à définir dans un acte les critères d’appréciation qu’elle entend utiliser afin de mettre en œuvre son pouvoir d’appréciation.

90      De même, s’agissant du principe de sécurité juridique, invoqué par le requérant, il doit être rappelé que, si ce principe impose à l’administration, lorsqu’elle adopte des normes, de les rédiger de façon à ce qu’elles soient suffisamment claires pour que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et ainsi prendre leurs dispositions en conséquence, ce principe n’impose pas à l’administration, en l’occurrence à la BCE, de restreindre le pouvoir d’appréciation qu’elle entend exercer en matière d’augmentations individuelles de salaire par l’adoption de mesures d’exécution visant à définir comment elle entend mettre en œuvre pour l’avenir ledit pouvoir d’appréciation.

91      Au vu de ce qui précède, les lignes directrices ASBR appliquées en l’espèce prescrivent de manière claire et suffisante l’obligation de l’administration d’assortir sa décision ASBR d’une motivation. Par ailleurs, tel a été le cas en l’espèce, dès lors que le requérant a reçu une lettre personnelle à cet égard et a été informé ensuite de manière personnelle par sa hiérarchie du contexte dans lequel a été adopté l’acte attaqué.

92      Il convient donc de rejeter le troisième moyen d’annulation, fondé sur l’exception d’illégalité des lignes directrices ASBR.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation

93      Le requérant allègue que l’acte attaqué est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation et d’un défaut de motivation dans la mesure où la BCE a considéré qu’il n’avait pas fait preuve de performances globalement satisfaisantes et que la condition afférente au maintien des besoins de l’entreprise pour ses connaissances, aptitudes et compétences spécifiques n’était pas remplie.

94      Le requérant précise qu’au travers du présent moyen, il ne conteste pas directement la décision ASBR de 2016 le concernant ni ses rapports d’évaluation de 2015 et de 2016, mais les conséquences que la BCE en a tirées dans l’acte attaqué, dans la mesure où celui-ci se fonde sur les actes susmentionnés.

95      En premier lieu, il soutient n’avoir reçu aucune explication sur le nombre d’échelons qui lui ont été octroyés dans le cadre de l’exercice ASBR pour l’année 2016.

96      En deuxième lieu, il conteste le fait que ses rapports d’évaluation pour les années 2015 et 2016 contenaient des indications claires sur la nécessité d’améliorer ses performances.

97      En troisième lieu, il soutient que ses performances n’étaient presque jamais remises en cause ni par sa hiérarchie ni par ses collègues et subalternes.

98      En quatrième lieu, le requérant relève qu’il ressort du compte rendu de la réunion du 9 janvier 2017 avec ses supérieurs hiérarchiques que les objectifs qui lui seraient assignés pour 2017 seraient une reconduction d’objectifs pour une bonne part atteints en 2016 et dans un mode dégradé en vue d’une démission avant le terme de son contrat.

99      En cinquième lieu, en faisant référence à la décision portant rejet de sa réclamation, datée du 13 février 2018, il allègue que, pendant les deux premières années de son contrat, il travaillait en moyenne plus de 60 heures par semaine, ce qui était contraire à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), et s’est vu imposer une charge de travail exagérée et manifestement inadaptée aux 40 heures par semaine prévues par les règles internes de la BCE. Il ajoute que cette surcharge de travail a engendré des sacrifices pour sa santé et sa vie familiale, qui auraient dû être récompensés par la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.

100    Par ailleurs, en ce qui concerne la condition relative au maintien des « besoins de l’entreprise » pour les connaissances, aptitudes et compétences spécifiques du requérant, celui-ci ne comprend pas la raison pour laquelle, bien que son poste ait été maintenu, la BCE a considéré que ses aptitudes et compétences professionnelles ne correspondaient plus auxdits besoins.

101    La BCE rétorque d’emblée que, dans la mesure où les arguments du requérant visent la décision ASBR de 2016 et les rapports d’évaluation de 2015 et de 2016, ils seraient irrecevables, dès lors que ces actes ne feraient pas l’objet du litige en l’espèce. Par ailleurs, s’agissant du fond du présent moyen d’annulation, la BCE estime que les affirmations du requérant sont non fondées et spéculatives.

102    S’agissant, tout d’abord, du motif d’irrecevabilité soulevé par la BCE, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique ne permet pas à un agent temporaire, qui n’a pas contesté un rapport d’évaluation dans les délais prévus à cette fin, de remettre en cause celui-ci de manière incidente, à l’occasion d’un recours formé contre un acte attaquable pour l’adoption duquel ledit rapport a joué un rôle préparatoire. Ainsi, il convient de tenir pour établis les éléments contenus dans un rapport d’évaluation qui n’ont pas été contestés (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 39 et jurisprudence citée).

103    Il ressort également de la jurisprudence que, en revanche, une partie requérante est recevable à contester les conséquences que l’administration a tirées de ce rapport et à reprocher à celle-ci d’avoir usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, en fondant l’acte dont il demande l’annulation sur certaines remarques négatives figurant dans ledit rapport (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2016, DE/EMA, F‑58/14, EU:F:2016:16, point 61).

104    En l’espèce, dans le cadre du présent moyen, en application des principes qui viennent d’être rappelés au point 103 ci-dessus et eu égard aux allégations du requérant (voir point 94 ci-dessus), ses arguments relatifs à ses rapports d’évaluation de 2015 et de 2016 ainsi qu’à la décision ASBR de 2016 ne sont recevables que dans la mesure où le requérant conteste la compatibilité entre le contenu de ces actes et les conséquences que la BCE en a tirées dans l’acte attaqué.

105    Quant au fond du présent moyen, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation, prescrite par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 77 et jurisprudence citée).

106    En outre, le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte attaqué, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 78 et jurisprudence citée).

107    En l’espèce, il y a lieu de constater, à titre liminaire, que l’acte attaqué indique, en faisant référence aux critères prévus par l’article 2.0 des règles applicables au personnel et le point 3.2 de la politique de requalification, les raisons pour lesquelles les prestations globales du requérant pendant la période concernée n’étaient pas satisfaisantes. De surcroît, le mémorandum joint à l’acte attaqué, daté du 13 juin 2017, inclut des remarques provenant des évaluateurs du requérant sur ses prestations.

108    À cet égard, en reproduisant des appréciations faites dans le cadre du rapport d’évaluation de 2016, les deux évaluateurs ont relevé notamment le manque de capacité du requérant à comprendre la situation dans son ensemble et à se focaliser sur les questions importantes malgré les conseils et les orientations reçus par sa hiérarchie et le manque perçu de capacité à refléter ses points de vue de manière simple et structurée, ainsi qu’une tendance à plutôt compliquer les choses. Enfin, ils ont également remarqué le manque de perspicacité du requérant pour identifier le moment propice pour faire remonter les problèmes à la hiérarchie ou pour rechercher des conseils de gestion. Les deux évaluateurs ont aussi constaté que les projets dont le requérant était responsable ne répondaient que partiellement aux exigences nécessaires en matière de qualité et de rapidité.

109    Par ailleurs, et contrairement à ce qui est allégué par le requérant, s’agissant du rapport d’évaluation de 2015, il y est relevé que « pour l’année [2016] à venir, les autres objectifs clés doivent se développer en ce qui concerne les compétences en gestion et en anglais », que le requérant « est encouragé à renforcer ses capacités en tant que superviseur principal, notamment pour créer un climat de confiance et une expérience opérationnelle accrue lui permettant de garantir le bon déroulement des procédures », qu’il « devrait améliorer encore ses compétences en coordination et en leadership et approfondir ses connaissances techniques » et, enfin, qu’une « évaluation plus focalisée des affaires mettant en évidence les principales caractéristiques et questions afférentes aux transactions proposées est encouragée ».

110    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’acte attaqué contient une motivation cohérente avec celle contenue dans les rapports d’évaluation de 2015 et de 2016, dans lesquels la BCE avait mis en exergue les traits marquants des prestations du requérant sur la période de son contrat relativement à son rendement et à ses compétences. Il s’ensuit que l’acte attaqué contient une motivation suffisante et circonstanciée qui a mis le requérant en mesure d’apprécier son bien-fondé.

111    Quant aux erreurs manifestes d’appréciation dont l’acte attaqué serait entaché, il y a lieu de rappeler que, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95).

112    En l’espèce, il convient de constater que, dans le mémorandum daté du 13 juin 2017 et joint à l’acte attaqué, les deux évaluateurs accompagnent leurs critiques sur les prestations du requérant d’un renvoi à des tâches spécifiques dont l’accomplissement a été considéré comme étant insuffisant. À ce titre, s’agissant de l’incapacité du requérant de se focaliser sur les aspects importants des projets dont il était chargé, les évaluateurs renvoient à la note de suivi des décisions du Comité de surveillance sur les autorisations et à la présentation au Comité directeur et au Conseil de surveillance du deuxième lot de « policy stances » sur les participations qualifiées. De surcroît, en ce qui concerne la tendance du requérant à compliquer les choses, les évaluateurs renvoient au projet afférent au guide sur les participations qualifiées. Enfin, s’agissant du manque de capacité à identifier le moment propice pour faire remonter les problèmes à la hiérarchie, les deux évaluateurs citent le projet de révision des « policy stances » sur les acquéreurs spécifiques.  

113    Certes, le requérant conteste le fait que son rendement ait été inférieur au niveau requis pour son poste tout en avançant des arguments tirés du manque de clarté de ses objectifs fixés pour 2017, du contenu de ses entretiens avec ses évaluateurs et de sa charge excessive de travail. Or, mis à part le fait qu’il s’agit d’appréciations subjectives du requérant sur la qualité de ses prestations et le niveau de communication avec sa hiérarchie, ces arguments ne contredisent pas les critiques concrètes et circonstanciées de ses évaluateurs sur ses prestations, qui sont de plus corroborées par des références à des tâches insuffisamment accomplies par celui-ci.

114    S’agissant, en particulier, de la charge de travail prétendument accrue du requérant, il y a lieu de noter que cet élément ne serait pas suffisant pour priver de plausibilité les appréciations retenues par les évaluateurs. En effet, ceux-ci identifient, tant dans l’acte attaqué que dans les rapports d’évaluation de 2015 et de 2016, des insuffisances relatives non seulement à la productivité du requérant, dont la cause pourrait être une charge de travail excessive, mais également à ses capacités rédactionnelles et organisationnelles.

115    Enfin, s’agissant du grief du requérant visant le critère afférent au maintien des « besoins de l’entreprise » pour ses connaissances, aptitudes et compétences spécifiques, il convient de le rejeter comme inopérant. En effet, dès lors que le requérant n’a pas satisfait aux critères afférents à ses prestations individuelles, prévus par la politique de requalification, son contrat ne serait, de toute façon, pas converti en contrat à durée indéterminée, même dans le cas où le critère relatif aux « besoins de l’entreprise » serait satisfait.

116    Au vu de ce qui précède, le moyen tiré d’un défaut de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation doit être rejeté.

117    Le quatrième moyen d’annulation doit donc être rejeté.

118    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation de l’acte attaqué.

 Sur les conclusions indemnitaires

119    Le requérant estime que l’annulation de l’acte attaqué devra emporter la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée. Dans le cas où cette requalification s’avérerait impossible, le requérant demande la réparation du préjudice financier ainsi subi. Cette réparation correspondrait au versement de sa rémunération jusqu’à l’âge de la retraite, déduction faite de la rémunération perçue par ailleurs, et devrait tenir compte des éléments tels que les ajustements de salaire, la progression de salaire et les droits à pension. Le requérant évalue cette somme à 4 776 euros par mois.

120    Par ailleurs, le requérant demande la réparation, à hauteur de 20 000 euros, du préjudice moral qu’il aurait subi. Le préjudice moral consisterait dans le manque de diligence avec lequel son dossier a été traité et dans l’impact psychologique causé par la BCE par le déni de ses performances professionnelles.

121    La BCE conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

122    Il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, des conclusions indemnitaires, présentées conjointement à des conclusions en annulation dépourvues de tout fondement en droit, sont elles-mêmes dépourvues de tout fondement en droit si elles sont étroitement liées à ces dernières (voir arrêt du 28 février 2018, Paulini/BCE, T‑764/16, non publié, EU:T:2018:101, point 86 et jurisprudence citée).

123    Les conclusions indemnitaires du requérant, présentées conjointement aux conclusions en annulation, sont fondées sur l’illégalité de l’acte attaqué et sont donc étroitement liées aux conclusions en annulation. Or, les conclusions en annulation ont été déclarées non fondées et ont été, pour cette raison, rejetées.

124    Les conclusions indemnitaires doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

126    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      US est condamné aux dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Accord-cadre sur le travail à durée déterminée

Dispositions pertinentes relatives à la BCE

Dispositions générales

Rapport annuel d’évaluation

Procédure ASBR

Antécedents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande de jonction

Sur l’objet du recours

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré de la violation par la politique de requalification de l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la directive 1999/70 par l’article 10, sous c), des conditions d’emploi et de l’article 2.0 des règles applicables au personnel

Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité des lignes directrices ASBR, de la violation de l’obligation de motivation et du principe de sécurité juridique

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation

Sur les conclusions indemnitaires

Sur les dépens



*      Langue de procédure : le français.