Language of document : ECLI:EU:T:2022:192

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 mars 2022 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/338/17 – Non-inscription sur la liste de réserve – Article 21 de la charte des droits fondamentaux – Article 1er quinquies, paragraphes 1 et 4, du statut – Aménagements raisonnables – Principe de non-discrimination fondée sur le handicap – Directive 2000/78/CE – Obligation de motivation – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Préjudice matériel et moral »

Dans l’affaire T‑36/21,

PO, représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes I. Melo Sampaio et D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Laitenberger, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, PO, demande, d’une part, l’annulation de la décision du jury de concours du 29 avril 2020, prise au terme d’un réexamen, de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/338/17 ainsi que de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 14 octobre 2020 rejetant sa réclamation et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de ces décisions.

 Antécédents du litige

2        Le 21 mai 2017, le requérant s’est porté candidat au concours général sur épreuves EPSO/AD/338/17 – Administrateurs (AD 5). Ce concours avait été organisé en vue d’établir une liste de réserve de recrutement d’« administrateurs ». L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 30 mars 2017 (JO 2017, C 99 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

3        Le point 1.3 des dispositions générales applicables aux concours généraux jointes à l’annexe II de l’avis de concours, intitulé « Égalité des chances et aménagements particuliers », invitait les candidats souffrant d’un handicap ou d’un état de santé pouvant entraver leur aptitude à passer les épreuves à l’indiquer dans leur acte de candidature et à indiquer à l’EPSO le type d’aménagements particuliers dont ils avaient besoin. Il était précisé dans ce point que les candidats devaient envoyer une attestation établie par leur autorité nationale ou un certificat médical à l’EPSO pour que leur demande puisse être prise en considération. Les justificatifs seraient examinés afin que des aménagements raisonnables puissent être prévus en cas de besoin.

4        Le point 4 de l’annexe II de l’avis de concours, intitulé « Plaintes et problèmes », énonçait la procédure à suivre en cas de problèmes techniques, y compris de problèmes survenant dans un centre d’examen (point 4.1), ainsi que les procédures de réexamen interne et les autres moyens de contestation à la disposition des candidats (points 4.2 et 4.3).

5        Dans son acte de candidature, le requérant a déclaré qu’il avait besoin d’aménagements particuliers pour passer les épreuves du concours en raison d’un handicap ou d’une affection médicale, dès lors qu’il était aveugle.

6        Le requérant a réussi les épreuves de questionnaires à choix multiple, lors desquelles il a bénéficié d’aménagements particuliers mis en place à son égard par l’EPSO et comprenant, notamment, un temps supplémentaire de 120 % pour le test de raisonnement verbal.

7        Le 19 octobre 2017, le requérant a passé l’épreuve du bac à courrier, pour laquelle des aménagements particuliers lui avaient été accordés, comprenant 120 % de temps supplémentaire, une assistance individuelle fournie par un agent de l’EPSO pour la lecture du contenu de l’épreuve et la navigation dans le texte, l’utilisation de son propre ordinateur avec un lecteur d’écran (Non Visual Desktop Access, ci-après le « lecteur d’écran NVDA ») et le contenu de l’épreuve au format Word afin que celui-ci soit compatible avec un lecteur d’écran.

8        Par décision du 4 décembre 2017, le jury a décidé de ne pas admettre le requérant à la phase suivante du concours EPSO/AD/338/17, dès lors qu’il n’avait pas obtenu le nombre de points minimal requis à l’épreuve du bac à courrier pour y être admis.

9        Le 13 décembre 2017, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision du jury du 4 décembre 2017. Cette demande de réexamen a été rejetée le 22 décembre 2017.

10      Le 26 février 2018, le requérant a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation administrative dirigée contre la décision du 22 décembre 2017 et, en tant que de besoin, contre la décision du jury du 4 décembre 2017.

11      Par décision du 18 juin 2018, le directeur faisant fonction de l’EPSO a fait droit à la réclamation administrative du 26 février 2018 et a accordé au requérant la possibilité de repasser l’épreuve du bac à courrier.

12      Le 7 février 2019, le requérant a été informé qu’il avait réussi l’épreuve du bac à courrier et a été invité au centre d’évaluation, où huit compétences allaient être évaluées au moyen de quatre épreuves, à savoir une étude de cas, une présentation orale, un entretien axé sur les compétences et un exercice de groupe.

13      Le 20 février 2019, dans le formulaire de demande d’aménagements particuliers en vue des épreuves du centre d’évaluation, le requérant a demandé, notamment et le cas échéant, en fonction du contenu concret de l’épreuve, une aide pour la lecture classique et la lecture rapide de documents, pour la préparation de présentations, pour la correction de fautes de frappe ou pour taper du texte, une assistance individuelle et un format modifié des épreuves pour les tests oraux et écrits et l’analyse sur papier ainsi que du temps supplémentaire pour la préparation.

14      Le 5 mars 2019, l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité a informé le requérant par courriel des aménagements particuliers qu’il se verrait accorder pour les épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « décision du 5 mars 2019 »).

15      S’agissant de l’épreuve de l’étude de cas, la décision du 5 mars 2019 a précisé que seraient accordés au requérant :

–        un lecteur d’écran NVDA ;

–        le contenu de l’étude de cas au format Word sur une clé USB ;

–        la possibilité de taper les réponses sur une feuille blanche avec un clavier de type Qwertz ;

–        120 % de temps supplémentaire ;

–        l’assistance d’un agent de l’EPSO, en cas de besoin et dans la mesure du possible, pour la lecture et pour la correction de fautes de frappe ;

–        un chronométrage manuel de l’épreuve.

16      S’agissant des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, la décision du 5 mars 2019 a exposé que le requérant se verrait accorder 120 % de temps supplémentaire pour leur préparation, avec un lecteur d’écran NVDA, et 25 % de temps supplémentaire pour les épreuves elles-mêmes.

17      La décision du 5 mars 2019 a indiqué également que le requérant aurait la possibilité d’utiliser son propre ordinateur pour la prise de notes pendant les deux jours que dureraient les épreuves du centre d’évaluation, qu’un technicien serait présent le premier jour des épreuves pour vérifier que tout fonctionnait comme prévu et que l’épreuve de l’étude de cas ainsi que la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale feraient l’objet d’un enregistrement audio.

18      Par courriel du 6 mars 2019, en réponse à une demande de clarifications de la part du requérant, l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité lui a précisé qu’il pouvait utiliser sa propre tablette au lieu d’un ordinateur pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale et que l’agent de l’EPSO pouvait lui prêter assistance lors de la préparation desdites épreuves ainsi que lors des épreuves elles-mêmes, à sa demande, pour lire les notes prises au cours de la préparation.

19      Les 7 et 8 mars 2019, le requérant a passé les épreuves du centre d’évaluation selon les modalités prévues par l’EPSO mentionnées aux points 15 à 18 ci-dessus.

20      Par décision du 26 avril 2019 signée par un chef d’unité de l’EPSO au nom du président du jury, le requérant a été informé que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste de réserve du concours, dès lors qu’il n’avait pas obtenu la note minimale requise, et que les candidats ayant obtenu les meilleures notes globales au centre d’évaluation avaient obtenu une note globale d’au moins 52 points (ci-après la « décision initiale du jury »). Selon le passeport de compétences qui lui a été transmis en annexe à cette décision, le requérant avait obtenu la note globale de 49 points sur 80, le minimum requis étant de 50 points sur 80.

21      Le 2 mai 2019, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision initiale du jury (ci-après la « demande de réexamen »).

22      Par décision du 29 avril 2020 signée par un chef d’unité de l’EPSO au nom du président du jury, la demande de réexamen a été rejetée et la décision initiale du jury de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve a été confirmée (ci-après la « décision attaquée »).

23      Par lettre du 31 mai 2020, enregistrée par l’EPSO le 11 juin 2020 sous la référence R/60/20, le requérant a introduit une réclamation administrative au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision initiale du jury et de la décision attaquée (ci-après la « réclamation »).

24      Par décision du 14 octobre 2020, la directrice de l’EPSO, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a rejeté la réclamation et a confirmé la décision attaquée (ci-après la « décision rejetant la réclamation »).

 Conclusions des parties

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        en tant que de besoin, annuler la décision rejetant la réclamation ;

–        réparer les préjudices matériel et moral qu’il aurait subis ;

–        condamner la Commission européenne aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

27      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, point 162 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, en ce qu’elle rejette la réclamation et confirme la décision attaquée, la décision rejetant la réclamation est dépourvue de contenu autonome. Partant, les conclusions en annulation doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision attaquée. En pareille hypothèse, la légalité de la décision attaquée doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision rejetant la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 38 et jurisprudence citée).

 Sur les conclusions en annulation

29      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève trois moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 1er quinquies, paragraphe 4, du statut, de l’article 5 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), de l’article 2 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, du 13 décembre 2006, et du principe de non-discrimination, en ce que des aménagements raisonnables n’auraient pas été mis en place à son égard. Le deuxième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième est tiré d’une violation du devoir de sollicitude, en ce que la situation particulière de handicap du requérant n’aurait pas été prise en considération ou l’aurait été insuffisamment.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

30      Le requérant fait valoir, en substance, que la décision rejetant la réclamation n’est pas suffisamment motivée, de sorte que la décision attaquée devrait être annulée.

31      D’une part, le requérant soutient que certaines affirmations de l’AIPN dans la décision rejetant la réclamation n’étaient pas corroborées par un quelconque élément probant. Dans ce cadre, premièrement, il reproche à l’AIPN de ne pas avoir fourni les statistiques comparatives des niveaux de prestation des candidats ayant des déficiences visuelles lors de tests de raisonnement verbal et de jugement situationnel (ci-après les « statistiques comparatives ») évoquées dans la décision rejetant la réclamation. Deuxièmement, il reproche à l’AIPN de n’avoir fourni aucune donnée étayant l’observation selon laquelle des candidats ayant le même handicap que le sien et bénéficiant d’aménagements particuliers réussissent les épreuves du centre d’évaluation et sont inscrits sur la liste de réserve. Troisièmement, il reproche, en substance, à l’AIPN de n’avoir explicité aucune mesure concrète, dans son cas, en ce qui concernait une éventuelle consultation des institutions internationales et nationales pertinentes.

32      D’autre part, le requérant reproche à l’AIPN de ne pas avoir répondu à sa critique portant sur l’inclusion, dans le temps de travail imparti pour l’épreuve de l’étude de cas, du temps nécessaire à l’explication de la tâche ainsi qu’à la correction et à la mise en page de sa réponse.

33      La Commission conteste cette argumentation.

34      À cet égard, il convient de relever que le contrôle du respect de l’obligation de motivation par le Tribunal ne peut porter que sur la décision faisant l’objet du recours, à savoir en l’espèce, pour les motifs exposés aux points 27 et 28 ci-dessus, la décision attaquée.

35      Or, dans le cadre du présent moyen, le requérant ne formule aucun grief à l’égard de la décision attaquée, les griefs invoqués, résumés aux points 31 et 32 ci-dessus, ne visant que la décision rejetant la réclamation.

36      Par conséquent, la circonstance que, dans la décision rejetant la réclamation, l’AIPN n’a pas fourni d’éléments probants au soutien de certaines de ses déclarations ou n’a pas répondu à tous les arguments du requérant ne permet pas d’annuler la décision attaquée, qui est la seule décision faisant l’objet du présent recours, laquelle est motivée à suffisance de droit.

37      En effet, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22, et du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 50).

38      En l’espèce, conformément aux points 5 et 6 de la partie de l’avis de concours intitulée « Comment serai-je sélectionné ? », la liste de réserve établie par le jury devait faire figurer les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales à l’issue des épreuves du centre d’évaluation, à concurrence du nombre de lauréats visés, qui était de 124. La note globale minimale requise au centre d’évaluation était de 50 points sur 80.

39      Les motifs ayant conduit le jury à ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve lui ont été communiqués par la décision initiale du jury, par la suite remplacée par la décision attaquée, lue conjointement avec le passeport de compétences, joint à la décision initiale du jury. Ainsi qu’il est relevé au point 20 ci-dessus, ces documents font apparaître que le requérant a obtenu la note globale de 49 points sur 80. Le passeport de compétences précise également les appréciations du jury quant aux huit compétences générales évaluées.

40      Dans sa demande de réexamen, premièrement, le requérant a soutenu notamment que la nature même des épreuves de l’étude de cas, de l’exercice de groupe et de la présentation orale du centre d’évaluation était inadaptée à la situation de candidats aveugles qui, en raison de leur handicap, n’avaient pas une capacité de lecture rapide et que les aménagements particuliers accordés ne lui avaient pas permis de compenser ses difficultés. En particulier, le temps supplémentaire octroyé aurait été insuffisant pour lui permettre de prendre en note et de mémoriser le contenu des épreuves. Deuxièmement, s’agissant de l’étude de cas, d’une part, il a contesté le fait que l’explication de la tâche de l’épreuve ait été incluse dans le temps de travail imparti pour ladite épreuve de sorte à le réduire, alors qu’elle n’avait pas été incluse dans le temps de préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale. D’autre part, il a fait valoir, en substance, que le temps pris par l’assistant de l’EPSO pour la correction des fautes de frappe n’aurait pas dû être inclus dans le temps de travail imparti pour l’épreuve. Troisièmement, s’agissant de l’exercice de groupe, d’une part, il a exposé qu’il avait dû prendre connaissance de deux documents contenant des prises de position au lieu d’un seul. D’autre part, il a exposé que les autres participants n’étaient que des candidats « fictifs » (mock candidates), qui, par conséquent, auraient été moins actifs, et que la circonstance qu’il ne pouvait s’appuyer sur des contacts visuels ou sur le langage corporel n’avait pas été prise en considération.

41      Dans la décision attaquée, le président du jury a indiqué que tant le jury que l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité avaient examiné la demande de réexamen du requérant. Il a fait observer que ladite équipe définissait les aménagements raisonnables à accorder au cas par cas, après examen des informations fournies par le candidat, et en prenant en considération des situations similaires dans des concours antérieurs et les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité s’agissant du caractère raisonnable et approprié des aménagements particuliers éventuels à mettre en place. Cette équipe avait réexaminé le cas du requérant et avait confirmé les aménagements particuliers accordés. Il a également exposé que le jury avait réexaminé les notes obtenues par le requérant aux épreuves du centre d’évaluation ainsi que l’évaluation de ses compétences générales et spécifiques et avait conclu qu’elles correspondaient à sa prestation au centre d’évaluation. Le jury avait en outre confirmé qu’il n’existait pas d’erreur dans la correction, que les résultats tels qu’ils étaient exposés dans le passeport de compétences étaient corrects et que les règles de procédure du processus de sélection avaient été suivies. S’agissant de l’épreuve de l’exercice de groupe, le président du jury a rejeté comme étant non fondée l’argumentation du requérant portant sur l’incidence éventuelle de la participation de candidats « fictifs » sur l’évaluation de sa prestation. L’épreuve en question avait été validée pour un minimum de quatre participants et, même si les autres participants à l’épreuve n’étaient pas de réels candidats, le requérant avait été évalué de manière équitable.

42      Ainsi, la décision attaquée mentionne que tant l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité que le jury avaient réexaminé le cas du requérant et avaient confirmé les aménagements particuliers accordés, les notes ainsi que l’évaluation de sa prestation.

43      Ces motifs sont exposés dans des termes clairs et non équivoques, de nature à permettre au requérant d’en comprendre la portée et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle, conformément à la jurisprudence visée au point 37 ci-dessus.

44      Enfin, et en tout état de cause, il convient de relever que la décision rejetant la réclamation expose les raisons pour lesquelles l’AIPN a estimé que les aménagements particuliers accordés au requérant étaient appropriés, répond, pour l’essentiel, aux divers griefs du requérant soulevés dans sa réclamation et confirme la décision attaquée.

45      Par ailleurs, et à titre surabondant, il convient de relever que, dans son mémoire en défense, la Commission a, notamment, exposé que la circonstance que l’explication de la tâche de l’épreuve de l’étude de cas a été incluse dans le temps de travail imparti pour ladite épreuve était liée à la spécificité de cette épreuve et a confirmé que tous les candidats avaient dû consacrer une partie du temps de travail attribué à l’épreuve de l’étude de cas à la correction et à la mise en page. En outre, en réponse à des demandes en ce sens à titre de mesures d’organisation de la procédure signifiées aux parties après le dépôt du mémoire en défense, d’une part, la Commission a produit les statistiques comparatives mentionnées dans la décision rejetant la réclamation ainsi que des précisions sur les consultations que l’EPSO avait effectuées auprès des autorités de deux États membres afin de vérifier le caractère adéquat des aménagements particuliers accordés au requérant. D’autre part, elle a produit certaines informations générales sur le nombre de candidats atteints de cécité dans des concours généraux EPSO, le taux d’inscription desdits candidats sur des listes de réserve et le caractère comparable dudit taux et de celui de candidats n’ayant pas demandé d’aménagements particuliers lors des mêmes concours. Elle a ainsi fourni des précisions complémentaires répondant aux griefs spécifiques relatifs à l’insuffisance alléguée de la motivation de la décision rejetant la réclamation soulevés par le requérant dans le cadre du présent moyen et sur lesquelles celui-ci a pu prendre position dans sa réplique.

46      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant inopérant et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré, notamment, d’une violation de l’article 1er quinquies, paragraphe 4, du statut et du principe de non-discrimination

47      Le requérant invoque, en substance, une violation du principe de non-discrimination et d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et, notamment, de l’article 1er quinquies du statut et de l’article 5 de la directive 2000/78, en ce que les aménagements particuliers qu’il s’est vu accorder n’étaient pas suffisants ou adaptés à son handicap et en ce que sa situation n’aurait pas été évaluée in concreto. Ce serait en raison des aménagements particuliers insuffisants accordés que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste de réserve.

48      À cet égard, le requérant souligne qu’il est complètement aveugle. Il fait valoir que le temps supplémentaire qui lui a été accordé pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale n’était pas suffisant pour lui permettre d’utiliser l’équipement mis à sa disposition et de prendre connaissance de l’ensemble des informations relatives aux épreuves. Il conteste la force probante des statistiques comparatives évoquées dans la décision rejetant la réclamation et de la double vérification à laquelle l’EPSO s’est livré s’agissant des aménagements particuliers accordés dans son cas. Il expose, par ailleurs, qu’il n’avait pas la possibilité de rechercher des parties précises dans le texte et que, lors de l’épreuve de l’étude de cas et de la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, il lui était difficile d’assimiler les informations pertinentes. Plus spécifiquement, lors de l’étude de cas, il ne lui était pas possible de contrôler, relire et corriger efficacement le texte de sa réponse. Il ajoute également que le logiciel du lecteur d’écran NVDA étant très « lourd », il avait décidé de s’appuyer uniquement sur l’assistant de l’EPSO.

49      En ce qui concerne l’épreuve de l’étude de cas, le requérant conteste le fait qu’il était censé consacrer du temps à la correction et à la mise en page de sa réponse, dès lors qu’il ne pouvait pas effectuer ce travail par ses propres moyens, et il soutient que le temps nécessaire à l’assistant qui lui avait été assigné aurait été hors de son contrôle. Il aurait été discriminatoire de le lui imposer. S’il avait bénéficié du temps que l’assistant avait utilisé pour la correction et la mise en page, il aurait pu corriger le contenu de sa réponse, le raccourcir et le rendre plus clair. Par ailleurs, la compétence « qualité et résultats », évaluée lors de l’étude de cas, serait étroitement liée au temps imparti et à la capacité à prendre en charge efficacement la tâche, obtenir les informations pertinentes et contrôler le résultat avant de le livrer.

50      En ce qui concerne l’épreuve de l’exercice de groupe, le requérant conteste le fait qu’il devait prendre connaissance des documents contenant les prises de position des candidats manquants. En outre, dans la mesure où les autres participants étaient des candidats « fictifs » plutôt passifs et où il ne pouvait percevoir leurs signes non verbaux éventuels, sa capacité d’animer la discussion aurait été considérablement réduite. Il ajoute que la circonstance qu’il s’est vu attribuer des notes plus faibles pour les compétences « travail d’équipe » et « capacités d’encadrement » étayerait l’interaction difficile avec les autres participants.

51      Enfin, et plus généralement, le requérant critique la conception des épreuves de l’étude de cas, de la présentation orale et de l’exercice de groupe du centre d’évaluation aux motifs que ces épreuves ne simuleraient pas un contexte professionnel réaliste et ne seraient pas adaptées à la participation de candidats non-voyants en ce que l’essentiel desdites épreuves exige une lecture rapide de textes afin de résoudre la tâche imposée.

52      La Commission conteste cette argumentation.

53      Aux termes de l’article 1er quinquies, paragraphe 4, premier alinéa, du statut, « une personne est réputée handicapée si elle présente une déficience physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle durable qui, en interaction avec diverses barrières, peut faire obstacle à sa pleine et effective participation à la société sur un pied d’égalité avec les autres ».

54      Aux fins de tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail, le législateur a, à l’article 1er quinquies, paragraphe 4, deuxième alinéa, du statut, prévu la possibilité pour ces personnes d’assurer les fonctions essentielles de l’emploi concerné moyennant des « aménagements raisonnables ». La notion d’« aménagements raisonnables » est définie, à l’article 1er quinquies, paragraphe 4, troisième alinéa, du statut, comme étant des « mesures appropriées, en fonction des besoins, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée ». Il a, dès lors, prévu, en substance et dans le cadre de procédures de recrutement, la possibilité pour ces personnes de démontrer leur aptitude à assurer les fonctions essentielles des emplois à pourvoir moyennant de tels aménagements (arrêt du 27 octobre 2021, WM/Commission, T‑411/18, non publié, EU:T:2021:742, point 37).

55      Eu égard à l’argumentation du requérant, laquelle vise à critiquer le caractère suffisant des aménagements particuliers qui lui ont été accordés, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de recrutement, qui est une opération administrative complexe composée d’une succession de décisions, une partie requérante est en droit de se prévaloir d’irrégularités intervenues lors du déroulement du concours ou concernant les modalités d’organisation du concours, à l’occasion d’un recours contre une décision individuelle ultérieure, telle qu’une décision de non-admission aux épreuves, dès lors qu’une telle irrégularité antérieure invoquée présente un lien étroit avec la décision ultérieure attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 11 août 1995, Commission/Noonan, C‑448/93 P, EU:C:1995:264, points 17 et 19, et du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, points 26 et suivants).

56      Dans ce cadre, il importe de préciser que, selon l’article 1er, premier alinéa, et l’article 4 de l’annexe III du statut, c’est à l’autorité investie du pouvoir de nomination, et donc à l’EPSO dans les cas où, comme en l’espèce, les institutions lui confèrent le pouvoir d’organiser le concours, qu’il appartient de définir le contenu de l’avis de concours et de décider de ses modalités et donc, également, des éventuelles modifications dont ces modalités peuvent raisonnablement faire l’objet pour tenir compte de l’éventuel handicap de certains candidats, de tels aménagements relevant des modalités d’organisation du concours lui-même (arrêt du 27 octobre 2021, WM/Commission, T‑411/18, non publié, EU:T:2021:742, point 39).

57      Selon une jurisprudence constante, l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment pour spécifier les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (voir arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 27 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, il convient de relever que, dans une matière qui relève de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, le principe de non-discrimination est méconnu lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate eu égard à l’objectif de la réglementation (arrêts du 8 janvier 2003, Hirsch e.a./BCE, T‑94/01, T‑152/01 et T‑286/01, EU:T:2003:3, point 51 ; du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T‑357/04, EU:T:2006:339, point 54, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 97).

59      Aux fins d’apprécier l’existence d’une discrimination fondée sur le handicap, il appartient au Tribunal de vérifier si les aménagements proposés à la partie requérante étaient suffisants pour être considérés comme étant des aménagements raisonnables au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 4, troisième alinéa, du statut, de sorte à exclure l’existence d’une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus. À cet égard, il importe toutefois de relever que la détermination des aménagements particuliers octroyés à un candidat en raison de son handicap, notamment le temps supplémentaire éventuellement nécessaire, fait intervenir des appréciations médicales complexes et que le contrôle du Tribunal est par conséquent limité. Dans le cadre de cette vérification, le Tribunal doit prendre en compte l’ensemble des éléments à sa disposition, au nombre desquels figurent notamment la demande et les pièces justificatives fournies par la partie requérante ainsi que les éléments recueillis par l’EPSO auprès de représentants spécialisés dans la sélection du personnel d’organismes des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2021, WM/Commission, T‑411/18, non publié, EU:T:2021:742, point 43 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2019, Nobel Plastiques Ibérica, C‑397/18, EU:C:2019:703, points 69 et 70).

60      En outre, il appartient au Tribunal d’examiner si, en adoptant les aménagements particuliers en question, l’AIPN a correctement apprécié les faits et appliqué les dispositions légales pertinentes (voir, en ce sens, ordonnance du 21 février 2013, Marcuccio/Commission, T‑85/11 P, EU:T:2013:90, point 73 et jurisprudence citée).

61      Par ailleurs, il a déjà été jugé que, dans un domaine aussi complexe que celui de l’examen de demandes d’aménagements particuliers, il était loisible pour l’EPSO et, plus particulièrement, pour l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité d’avoir recours, afin d’éviter tout arbitraire, à une certaine standardisation dans la définition desdits aménagements pour autant que l’EPSO s’en écarte si l’évaluation individuelle des besoins du candidat le commande (arrêt du 27 octobre 2021, WM/Commission, T‑411/18, non publié, EU:T:2021:742, point 67).

62      En l’espèce, le requérant ne conteste pas l’existence, au sein de l’EPSO, de la procédure élaborée par celui-ci, en consultation avec des experts, pour traiter les demandes d’aménagements raisonnables formulées par les candidats et qui est censée être appliquée par l’EPSO, telle qu’elle est évoquée brièvement dans la décision attaquée et décrite dans la décision rejetant la réclamation ainsi que dans le mémoire en défense.

63      Il ressort du dossier que la procédure d’évaluation des demandes d’aménagements particuliers implique une analyse, au cas par cas, par l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité, des dossiers individuels de demandes d’aménagements particuliers et la prise en compte des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité pour déterminer les caractéristiques raisonnables et appropriées des éventuels aménagements à accorder. La procédure poursuit dès lors l’objectif d’assurer aux candidats atteints d’un handicap la possibilité de démontrer leurs compétences et de concourir sur un pied d’égalité avec les autres candidats.

64      Par ailleurs, l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité comprend un psychologue expérimenté en matière de définition et d’organisation d’aménagements particuliers dans le contexte de la sélection du personnel.

65      Les aménagements particuliers sont définis, au cas par cas, en tenant compte des renseignements fournis par le candidat sur sa santé et sur ses besoins spécifiques, du type d’épreuve en question et des pièces justificatives fournies. Les candidats sont informés que les aménagements éventuels qu’ils se verront proposer peuvent être différents de ceux demandés.

66      Lors de l’évaluation de demandes d’aménagements particuliers, l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité consulte des guides internationaux tels que les lignes directrices de la Commission internationale des tests (ITC) sur l’utilisation des tests et le guide de la Commission de la fonction publique du Canada relatif à l’évaluation de personnes handicapées, sans y être liée. Elle s’appuie également, en cas de besoin, sur une collaboration avec le service médical de la Commission ainsi que sur des échanges de bonnes pratiques avec des experts dans certains États membres et pays tiers qui seraient des pays de référence pour l’ITC.

67      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé du premier moyen soulevé par le requérant.

68      S’agissant de l’allégation du requérant selon laquelle, en substance, l’EPSO n’aurait pas effectué d’évaluation individuelle de sa situation in concreto, il convient de rappeler que le point 1.3 de l’annexe II de l’avis de concours invitait tout candidat souffrant d’un handicap pouvant entraver son aptitude à passer les épreuves à indiquer à l’EPSO « le type d’aménagements particuliers dont [il avait] besoin ».

69      En outre, il convient de relever que, dans le formulaire de demande d’aménagements particuliers en vue des épreuves du centre d’évaluation, premièrement, le requérant a indiqué avoir « besoin de quelqu’un pour la lecture/la lecture rapide de documents, pour la préparation de présentations […], pour la correction de fautes de frappe et/ou pour taper du texte, le cas échéant, en fonction du contenu concret de l’épreuve du centre d’évaluation ». Deuxièmement, il a coché les cases correspondant à une assistance individuelle et à un format modifié des épreuves pour les épreuves écrites sur ordinateur (du type développement écrit ou similaire), pour les épreuves orales (du type présentation orale, entretien, exercice de groupe), pour les épreuves écrites sur papier et pour l’analyse du contenu du test sur papier. Il a précisé que, comme il ne pouvait effectuer la lecture classique et la lecture rapide, une assistance individuelle et, le cas échéant, un format modifié des épreuves lui permettraient de participer aux épreuves sur un pied d’égalité avec les autres candidats. Troisièmement, il a indiqué avoir besoin de « temps supplémentaire pour la préparation ».

70      Dans ce cadre, d’une part, le Tribunal constate que, dans le formulaire de demande d’aménagements particuliers en vue des épreuves du centre d’évaluation, le requérant n’a pas indiqué quel temps supplémentaire il envisageait comme étant approprié et, plus particulièrement, n’a aucunement suggéré qu’un éventuel temps supplémentaire de 120 %, équivalent à celui qu’il s’était vu accorder pour l’épreuve du bac à courrier, serait insuffisant. D’autre part, le Tribunal constate qu’il n’a pas fait part d’autres observations ou remarques quant aux types d’aménagements particuliers qui pourraient lui être utiles, compte tenu de ses expériences alléguées lors de la première épreuve du bac à courrier.

71      Ainsi qu’il est relevé aux points 15 à 18 ci-dessus, par la décision du 5 mars 2019, lue conjointement avec les clarifications fournies par l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité le lendemain, le requérant s’est, notamment, vu accorder les aménagements particuliers suivants pour l’épreuve de l’étude de cas : 120 % de temps supplémentaire, une assistance individuelle de la part d’un agent de l’EPSO, en cas de besoin et dans la mesure du possible, pour la lecture et pour la correction de fautes de frappe, un lecteur d’écran NVDA, le contenu de l’étude de cas au format Word sur une clé USB et la possibilité de taper les réponses sur une feuille blanche avec un clavier de type Qwertz. Par ailleurs, cette décision indiquait qu’un technicien serait présent le premier jour des épreuves du centre d’évaluation, à savoir le jour de l’étude de cas, pour vérifier que tout fonctionnait comme prévu.

72      Pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, le requérant s’est vu accorder 120 % de temps supplémentaire, un lecteur d’écran NVDA et une assistance individuelle de la part du même agent de l’EPSO. Pour lesdites épreuves elles-mêmes, il lui a été accordé 25 % de temps supplémentaire et l’assistance de l’agent de l’EPSO, à sa demande, pour lire les notes prises au cours de la préparation. En outre, il était prévu que l’épreuve de l’étude de cas et la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale feraient l’objet d’un enregistrement audio. Enfin, il lui a été accordé la possibilité d’utiliser sa propre tablette pour la prise de notes pendant les deux jours que dureraient les épreuves du centre d’évaluation et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale.

73      L’assistance de l’agent de l’EPSO consistait, en substance, à la demande du requérant, à lire ou à expliquer plus en détail, à voix haute, certains éléments des textes des épreuves et à corriger les fautes de frappe.

74      Il résulte des points 69 à 73 ci-dessus que les aménagements particuliers que le requérant s’est vu accorder pour les épreuves du centre d’évaluation correspondaient à ceux qu’il avait lui-même demandés, dès lors qu’ils comprenaient, notamment, une assistance individuelle, un format d’épreuve modifié lui permettant d’accéder au contenu des épreuves et un temps supplémentaire considérable. De surcroît, l’EPSO l’a autorisé à utiliser sa propre tablette et a pris le soin de prévoir la présence d’un technicien le premier jour des épreuves du centre d’évaluation.

75      S’agissant du temps supplémentaire de 120 % accordé pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, et sans minimiser en aucune façon les difficultés auxquelles le requérant a pu faire face, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi qu’il est mentionné au point 12 ci-dessus, le requérant a passé avec succès l’épreuve du bac à courrier, épreuve dont il n’est pas contesté qu’elle impliquait l’assimilation d’une quantité importante d’informations sous la pression du temps, moyennant un temps supplémentaire équivalent.

76      En outre, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas présenté d’éléments accréditant l’insuffisance du temps supplémentaire qu’il s’était vu accorder pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale. Cet aménagement particulier a consisté en l’octroi d’un temps supplémentaire égal à 120 % du temps normal accordé aux autres candidats. Or, ce temps normal était nécessairement adapté au contenu et aux particularités de l’épreuve concernée, y compris, le cas échéant, en ce qui concernait le volume des données dont il y avait lieu de prendre connaissance.

77      À cet égard, s’agissant de l’épreuve de l’étude de cas à laquelle le requérant fait une référence particulière dans ses écritures, le Tribunal relève que le temps normal pour ladite épreuve, incluant l’explication de la tâche ainsi que les éventuelles corrections et la mise en page qu’un candidat pourrait souhaiter apporter à sa réponse, était de 60 minutes. Le requérant a bénéficié de 132 minutes.

78      Il en résulte que, même si, selon le requérant, il fallait au moins 30 minutes pour lire le texte de l’épreuve de l’étude de cas à voix haute et 30 minutes pour en retrouver et en revoir certaines parties, il lui restait encore un temps de travail effectif, pour rédiger sa réponse et pour la faire corriger, supérieur au temps normal total imparti aux autres candidats.

79      Dans ce cadre, d’une part, le fait que le requérant ait été dans l’impossibilité d’effectuer, par ses propres moyens, la correction de fautes de frappe et la mise en page de sa réponse est sans pertinence. En effet, tous les candidats étaient censés consacrer une partie de leur temps de travail auxdites interventions, sans qu’elles soient déterminantes pour l’évaluation du niveau de leur prestation, mais il était de leur ressort de décider combien de temps ils allaient y consacrer. Or, rien dans le dossier n’indique que le temps que l’assistant de l’EPSO a consacré à la correction de la réponse du requérant n’était pas sous le contrôle global de celui-ci.

80      D’autre part, s’agissant du dysfonctionnement allégué de fonctionnalités de recherche dans le logiciel Word, qui aurait affecté les capacités du requérant de rechercher des parties précises dans les données des épreuves et, dans le cas de l’épreuve de l’étude de cas, de contrôler, de relire et de corriger efficacement le texte de sa réponse, le Tribunal observe qu’il ne ressort pas du dossier qu’il aurait signalé le dysfonctionnement technique allégué au moment où il se serait produit. En effet, il ne ressort pas du dossier qu’il aurait, lors de l’épreuve de l’étude de cas ayant eu lieu le premier jour au centre d’évaluation, alerté le technicien présent, ou l’agent de l’EPSO qui l’assistait, ou un quelconque autre surveillant dudit problème pour lui demander de prendre les mesures correctives nécessaires et d’enregistrer sa plainte, conformément au point 4.1 de l’annexe II de l’avis de concours. La même constatation vaut pour le second jour des épreuves du centre d’évaluation lors duquel il a passé les épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale. Il a, par ailleurs, omis de mentionner le dysfonctionnement technique allégué dans sa demande de réexamen.

81      Ainsi, dans ses écritures, le requérant s’est limité à formuler l’allégation d’un dysfonctionnement technique. Or, c’est à la partie requérante qu’il incombe de fournir, à tout le moins, des indices de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance des faits à l’appui de sa prétention, ces indices devant être suffisamment précis, objectifs et concordants (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113).

82      En l’espèce, le requérant aurait pu apporter divers éléments requis par la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, par exemple, les critiques qu’il pouvait avoir exprimées oralement lors des épreuves, critiques qu’il aurait pu noter au sortir des épreuves en question, ainsi que la plainte formelle qu’il aurait pu enregistrer lors de l’épreuve, voire immédiatement après celle-ci dans l’hypothèse où, sous l’impulsion du moment et du stress, il n’y aurait pas pensé lors de l’épreuve elle-même. Or, le requérant ne l’a pas fait.

83      Si, dans la réplique, le requérant suggère que l’enregistrement audio qui a été fait au cours de l’épreuve de l’étude de cas pourrait illustrer les difficultés alléguées et que le Tribunal pourrait l’écouter pour se rendre compte de la situation et entendre l’agent de l’EPSO qui l’a assisté, il n’a pas fait mention du dysfonctionnement technique allégué dans sa demande de réexamen, et ses écritures dans le cadre du présent recours n’en fournissent aucun indice précis de nature à justifier l’implication du Tribunal dans la recherche des éléments de preuve nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113). De plus, le requérant n’a pas allégué qu’il s’était heurté à un refus de la part de l’EPSO, ou de la Commission, de lui transmettre, par exemple, une transcription de l’enregistrement audio effectué qui aurait pu illustrer les difficultés alléguées (voir, en ce sens, arrêts du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 75, et du 12 mars 2008, Rossi Ferreras/Commission, T‑107/07 P, EU:T:2008:71, point 39).

84      Dans ces conditions, l’allégation d’un dysfonctionnement technique doit être écartée.

85      S’agissant des statistiques comparatives, il en ressort que les résultats des candidats ayant des « déficiences visuelles » ou étant « aveugles ou pratiquement aveugles » sont globalement comparables à ceux des candidats qui ne se sont pas vu accorder d’aménagements particuliers pour les tests de raisonnement verbal et de jugement situationnel. Ainsi, lesdites statistiques comparatives corroborent l’observation à cet effet de l’AIPN dans la décision rejetant la réclamation et étayent la conclusion selon laquelle les aménagements particuliers accordés au requérant n’étaient pas manifestement inadéquats.

86      Enfin, et en tout état de cause, le caractère approprié du temps supplémentaire de 120 % accordé en l’espèce pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale a fait l’objet d’une double vérification, avant que l’AIPN n’adopte la décision rejetant la réclamation, auprès des autorités de deux États membres. Cette double vérification a confirmé le caractère approprié de l’approche de l’équipe de l’EPSO chargée de l’accessibilité. Elle démontre également que la pratique de l’EPSO ne correspond pas à une pratique consistant à appliquer des aménagements « standards » ou abstraits sans prendre en compte les besoins individuels du candidat.

87      En effet, dans les courriels produits par la Commission en réponse à la demande à titre de mesures d’organisation de la procédure, les autorités consultées du premier État membre ont confirmé qu’il serait accordé au candidat atteint de cécité et utilisant des technologies d’assistance 100 % de temps supplémentaire, assorti, le cas échéant, d’une assistance humaine. La Commission a en outre affirmé que les autorités consultées du second État membre avaient également confirmé, oralement, qu’elles auraient accordé 100 % de temps supplémentaire dans un cas comme celui du requérant. Partant, elles auraient accordé un temps supplémentaire inférieur à celui octroyé en l’espèce.

88      D’une part, il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’EPSO et, par la suite, l’AIPN n’ont pas effectué d’évaluation individuelle de sa situation in concreto.

89      D’autre part, il résulte de ce qui précède que le temps supplémentaire de 120 % qui a été accordé au requérant pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, assorti des autres aménagements particuliers octroyés, n’apparaît pas davantage arbitraire ou manifestement inadéquat compte tenu du handicap dont il est atteint, des spécificités des épreuves en question et de l’objectif poursuivi par l’EPSO, au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus.

90      Par ailleurs, il ressort des données produites par la Commission en réponse à la demande dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure qu’un candidat aveugle et bénéficiant d’aménagements particuliers équivalents à ceux accordés au requérant en l’espèce a déjà été inscrit sur une liste de réserve, ce qui corrobore l’observation à cet effet de l’AIPN dans la décision rejetant la réclamation.

91      S’agissant des griefs du requérant relatifs à l’exercice de groupe, ces griefs doivent être rejetés comme étant non fondés. D’une part, si, comme tous les candidats participant à un exercice de groupe dont des participants feraient défaut, le requérant était censé prendre connaissance des documents contenant les prises de position des candidats manquants afin d’avoir une information complète, il a également bénéficié d’un temps supplémentaire de 120 % pour la préparation de l’exercice. D’autre part, il n’a présenté aucun indice de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles le fait qu’il ne pouvait pas percevoir les signes non verbaux éventuels aurait été insuffisamment pris en compte et sa capacité d’animer la discussion aurait été réduite par le recours à des candidats « fictifs ».

92      Enfin, le Tribunal relève, à la suite de la Commission, que le fait que le requérant n’ait pas obtenu la note globale minimale requise au centre d’évaluation ne démontre ni que les épreuves du centre d’évaluation soient inadaptées à la situation de candidats aveugles ni que les aménagements particuliers accordés en l’espèce aient été manifestement insuffisants. Lors du centre d’évaluation, conformément au point 4 de l’avis de concours, il avait une chance sur deux de réussir.

93      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne saurait être considéré que la décision attaquée méconnaît le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et, notamment, l’article 1er quinquies du statut et l’article 5 de la directive 2000/78.

94      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

95      Le requérant invoque une violation du devoir de sollicitude, en ce qu’il ressortirait des deux premiers moyens du recours que sa situation particulière de handicap n’aurait pas été prise en considération ou l’aurait été insuffisamment. Des aménagements particuliers prenant utilement en compte son handicap ne lui auraient pas été garantis et la Commission n’aurait pas démontré que sa situation avait été évaluée in concreto.

96      La Commission conteste cette argumentation.

97      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 22, et du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, EU:C:1994:273, point 38). Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

98      En outre, il convient de souligner que les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est ou peut être affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (voir arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 67 et jurisprudence citée).

99      Toutefois, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée).

100    Or, comme il a été relevé aux points 88 et 89 ci-dessus, d’une part, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’une évaluation individuelle de sa situation in concreto n’a pas été effectuée et, d’autre part, le temps supplémentaire de 120 % qui lui a été accordé pour l’épreuve de l’étude de cas et pour la préparation des épreuves de l’exercice de groupe et de la présentation orale, assorti des autres aménagements particuliers octroyés, n’apparaît pas arbitraire ou manifestement inadéquat compte tenu du handicap dont il est atteint, des spécificités des épreuves en question et de l’objectif poursuivi par l’EPSO, visé au point 63 ci-dessus, d’assurer aux candidats atteints d’un handicap la possibilité de démontrer leurs compétences et de concourir sur un pied d’égalité avec les autres candidats.

101    Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

102    Tous les moyens ayant été écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation comme étant non fondées.

 Sur les conclusions indemnitaires

103    Le requérant demande, en substance, la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis du fait de la décision attaquée.

104    La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

105    Les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent, comme en l’espèce, un lien étroit avec des conclusions en annulation qui doivent, elles-mêmes, être rejetées comme étant non fondées (arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 129).

106    Dès lors que la demande en annulation de la décision attaquée doit être rejetée, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires comme étant non fondées et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

108    En l’espèce, le requérant a succombé en son recours et la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’il soit condamné aux dépens en faisant valoir, en substance, qu’aucune circonstance ne justifiait la répartition des dépens.

109    Dans la mesure où l’absence de réponse à sa demande de réexamen pendant plus de onze mois a placé le requérant dans un état d’incertitude susceptible de lui laisser penser que ses critiques portant sur la décision initiale du jury telles qu’elles étaient exprimées dans ladite demande étaient fondées, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, en décidant que chaque partie à la présente procédure supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.