Language of document : ECLI:EU:T:2022:632

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 octobre 2022 (*) (1)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Correspondance de la Commission avec AstraZeneca et les autorités allemandes relative aux quantités et aux délais de livraison des vaccins contre la COVID-19 – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles – Documents ayant été produits dans le cadre d’une procédure juridictionnelle close au moment de l’adoption de la décision refusant leur accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers »

Dans l’affaire T‑524/21,

Hans-Wilhelm Saure, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me C. Partsch, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara, Mme K. Herrmann et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, C. Mac Eochaidh et J. Laitenberger, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Hans‑Wilhelm Saure, demande l’annulation, d’une part, de la décision C(2021) 5327 final de la Commission, du 13 juillet 2021, rejetant la demande confirmative d’accès à certains documents (ci-après la « première décision attaquée »), et, d’autre part, de la décision C(2022) 870 final de la Commission, du 7 février 2022, portant refus d’accès à certains documents (ci-après la « seconde décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un journaliste employé par le quotidien allemand Bild.

3        Par lettre du 29 janvier 2021, il a, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), demandé à la Commission européenne l’accès à des copies de l’ensemble de la correspondance échangée depuis le 1er avril 2020 entre celle-ci et, d’une part, AstraZeneca plc ou ses filiales ainsi que, d’autre part, la chancellerie fédérale de la République fédérale d’Allemagne ou le ministère fédéral de la Santé de cet État membre à propos de cette société et de ces filiales, et ce concernant notamment les quantités et les délais de livraison des vaccins contre la COVID-19 proposés par ladite société. Cette demande a été enregistrée sous la référence GESTDEM 2021/0550, le 1er février 2021.

4        Le 16 mars 2021, n’ayant reçu aucune réponse de la Commission dans le délai prévu par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, tel que prolongé conformément au paragraphe 3 de cette disposition, le requérant lui a adressé une demande confirmative.

5        Le même jour, les services de la Commission ont accusé réception de la demande confirmative. Le 9 avril suivant, à savoir à l’expiration du délai de traitement de cette demande, ces services ont informé le requérant que ladite demande était encore en cours d’examen et que ce délai était prolongé jusqu’au 30 avril suivant, à savoir à l’expiration des quinze jours ouvrables additionnels prévus par l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

6        Le 23 avril 2021, l’Union européenne, représentée par la Commission, a introduit une procédure judiciaire devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) à l’encontre d’AstraZeneca concernant l’exécution du contrat d’achat anticipé conclu avec celle-ci.

7        Le 30 avril 2021, les services de la Commission ont une nouvelle fois informé le requérant que la demande confirmative ne pourrait obtenir une réponse dans le délai fixé et ont annoncé faire tout ce qui était en leur pouvoir pour lui fournir une réponse dans les meilleurs délais. À cette date, l’absence de réponse donnée à la demande confirmative a fait naître une décision implicite négative relative aux documents demandés, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, à l’encontre de laquelle le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro d’affaire T‑232/21, lequel recours a été rejeté ordonnance du 18 mars 2022, Saure/Commission (T‑232/21, non publiée, EU:T:2022:165).

8        Par ordonnance du 18 juin 2021, le juge des référés a, dans le cadre de la procédure juridictionnelle opposant l’Union à AstraZeneca, condamné cette dernière à livrer aux États membres de l’Union 50 millions de doses de vaccins supplémentaires selon un calendrier contraignant, sous peine d’astreinte.

9        Le 13 juillet 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté la première décision attaquée, en réponse à la demande confirmative du 16 mars 2021. En particulier, cette décision a identifié divers documents et indiqué que l’accès à ces documents devait être refusé dès lors qu’ils relevaient de l’exception tirée de la protection des procédures juridictionnelles, prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, étant donné qu’une telle procédure était pendante devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

10      Le 3 septembre 2021, la Commission a, dans un communiqué de presse, indiqué que l’Union et AstraZeneca étaient parvenues à un accord mettant notamment un terme au litige qui était pendant devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles. Cette juridiction a donné acte du désistement d’action dans un jugement du 15 octobre suivant.

11      Le 7 février 2022, compte tenu de la clôture de cette procédure juridictionnelle, la secrétaire générale de la Commission a, après un réexamen de la demande confirmative du 16 mars 2021, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, adopté la seconde décision attaquée, de laquelle il ressort qu’elle remplace la première décision attaquée.

12      Premièrement, la Commission a indiqué que l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles s’appliquait à l’intégralité des documents suivants :

–        une annexe à l’offre soumise par AstraZeneca (ci-après le « document no 1.2 ») ;

–        un document du 12 juin 2020 échangé entre AstraZeneca et les gouvernements de plusieurs États membres en vue de la négociation et de la conclusion d’un contrat de financement (ci-après le « document no 2 ») ;

–        un projet de contrat de financement envoyé par AstraZeneca le 24 juin 2020 aux gouvernements de plusieurs États membres (ci‑après le « document no 3 ») ;

–        un document du 20 novembre 2020 concernant le versement du deuxième paiement échelonné prévu par le contrat d’achat anticipé conclu avec AstraZeneca (ci-après le « document no 5 ») ;

–        les présentations utilisées par AstraZeneca lors des réunions du comité de pilotage du 4 décembre 2020, du 22 janvier, des 1er, 11, 19 et 23 février ainsi que du 11 mars 2021 (ci-après le « document no 6 ») ;

–        une présentation utilisée par AstraZeneca lors d’une réunion du 7 décembre 2020 (ci-après le « document no 7 ») ;

–        une présentation utilisée par AstraZeneca lors d’une réunion du 19 janvier 2021 (ci-après le « document no 8 ») ;

–        un document concernant les dates de livraison des vaccins (ci‑après le « document no 9 ») accompagné de cinq annexes (ci‑après les « documents nos 9.1 à .9.5 ») ;

–        une présentation utilisée par AstraZeneca lors d’une réunion du comité de pilotage du 25 janvier 2021 (ci-après le « document no 10 »).

13      En outre, la Commission a partiellement refusé l’accès aux courriels échangés entre la Commission et AstraZeneca le 27 juillet 2020 (ci‑après le « document no 11 ») sur le fondement de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles.

14      Deuxièmement, la Commission a, sur le fondement de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, partiellement refusé l’accès à certains documents, desquels elle a occulté les données à caractère personnel de représentants d’AstraZeneca et de membres du personnel de la Commission n’occupant pas de fonctions d’encadrement supérieur. Il s’agit des documents suivants :

–        le courriel envoyé à la Commission contenant l’offre d’AstraZeneca (ci-après le « document no 1.1 ») ;

–        les courriels échangés entre AstraZeneca, la Commission et le gouvernement allemand entre le 2  et le 13 juillet 2020 (ci-après le « document no 4 ») ;

–        le document no 11 ;

–        le contrat d’achat anticipé conclu le 27 août 2020 entre AstraZeneca et la Commission (ci-après le « document no 12 »).   

15      Troisièmement, la Commission a indiqué que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, justifiait que seulement un accès partiel soit accordé aux documents suivants :

–        les procès-verbaux des réunions du comité de pilotage du 4 décembre 2020, du 22 janvier, des 1er, 11, 19 et 23 février ainsi que du 11 mars 2021 (ci-après les « documents nos 6.1 à 6.6 ») ;

–        le document no 12. 

16      Par ailleurs, considérant que le document contenant l’offre soumise par AstraZeneca (ci-après le « document no 1 ») était couvert par une présomption générale de confidentialité au titre de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, la Commission a intégralement refusé l’accès audit document.

17      Quatrièmement, la Commission a accordé un accès complet aux deux annexes du document no 11.

 Conclusions des parties

18      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Dans la demande de non-lieu à statuer, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        condamner chaque partie à condamner ses propres dépens.

20      Dans le mémoire en adaptation de la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la seconde décision attaquée.

21      Dans la réponse au mémoire en adaptation de la requête, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours tel qu’adapté ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation de la première décision attaquée

22      Dans la demande de non-lieu à statuer, la Commission a fait valoir que l’annulation de la première décision attaquée ne serait plus susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice au requérant et que l’intérêt à agir de ce dernier aurait disparu avec l’adoption de la seconde décision attaquée.

23      Partant, il n’y aurait plus lieu de statuer sur le recours.

24      Le requérant n’a pas déposé d’observations sur la demande de non-lieu à statuer.

25      En l’espèce, il convient de relever qu’il ressort explicitement de la seconde décision attaquée qu’elle remplace la première décision attaquée. Or, il a été jugé que la disparition de l’objet du litige peut, notamment, provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance, de sorte que celui-ci disparaît de l’ordre juridique de l’Union, à tout le moins avec effet pour l’avenir (voir ordonnance du 7 mai 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑511/10, non publiée, EU:T:2014:307, point 25 et jurisprudence citée).

26      Par ailleurs, à défaut d’avoir contesté la demande de non-lieu à statuer, le requérant n’a pas fait valoir la préservation d’un intérêt à agir contre la première décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du 18 mars 2022, Saure/Commission, T‑232/21, non publiée, EU:T:2022:165, point 26).

27      Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qu’il est dirigé contre la première décision attaquée dans la mesure où le requérant n’a plus d’intérêt à agir contre celle-ci, du fait de l’adoption de la seconde décision attaquée.

 Sur les conclusions en annulation de la seconde décision attaquée

28      À l’appui de la demande d’annulation de la seconde décision attaquée, le requérant soulève trois moyens, tirés de l’inapplicabilité des trois exceptions invoquées par la Commission pour justifier le refus d’accès aux documents demandés.

 Sur le premier moyen, tiré de l’inapplicabilité de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

29      Le requérant soutient que l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles s’appliquerait seulement aussi longtemps qu’un litige est pendant devant une juridiction. Or, la procédure devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles étant close, la divulgation des documents demandés ne serait plus susceptible de porter atteinte à aucune procédure juridictionnelle au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Il fait par ailleurs valoir que l’article 871 bis du code judiciaire belge ne permettrait pas de déroger au libellé clair de cet article.

30      La Commission fait valoir que, même après la clôture de la procédure judiciaire, l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles continuerait à s’appliquer en l’espèce à certains documents produits dans le cadre de ladite procédure. Elle considère que le refus d’accès aux documents en cause était nécessaire pour garantir notamment le respect de l’intégrité de la procédure juridictionnelle.

31      Elle se prévaut également de son obligation de coopération loyale avec les autorités judiciaires qui lui imposerait de ne pas divulguer certains documents produits au cours de cette procédure et qualifiés de confidentiels en vertu de l’article 871 bis  du code judiciaire belge.

32      Par ailleurs, le requérant n’aurait invoqué aucun intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation au public de ces documents.

33      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

34      Par ailleurs, selon la première phrase de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, les exceptions visées aux paragraphes 1 à 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document.

35      Il s’ensuit que l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 est nécessairement limitée dans le temps en ce qu’elle s’oppose à la divulgation des documents seulement aussi longtemps que, eu égard à leur contenu, le risque d’atteinte à une procédure juridictionnelle persiste (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 43 et jurisprudence citée).

36      Selon la jurisprudence, la protection de ces procédures s’explique par la nécessité que soit assuré le respect du principe d’égalité des armes ainsi que de la bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 85).

37      Concernant le respect du principe d’égalité des armes, il a notamment été jugé que, si le contenu de documents exposant la position d’une institution dans un litige devait faire l’objet d’un débat public, les critiques portées à l’encontre de ceux-ci risqueraient d’influencer indûment la position défendue par l’institution devant les juridictions en cause (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 39 et jurisprudence citée).

38      S’agissant de la bonne administration de la justice et de l’intégrité de la procédure juridictionnelle, l’exclusion de l’activité juridictionnelle du champ d’application du droit d’accès aux documents se justifie au regard de la nécessité de garantir, tout au long de la procédure juridictionnelle, que les débats entre les parties ainsi que le délibéré de la juridiction concernée sur l’affaire en instance se déroulent en toute sérénité, sans pressions extérieures sur l’activité juridictionnelle (voir arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 40 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, il importe de relever que les documents auxquels la Commission a refusé l’accès portent sur les quantités et la livraison des vaccins fabriqués par AstraZeneca et qu’il s’agit de documents que cette institution détenait avant le 16 mars 2021, date à laquelle le requérant a présenté une demande confirmative d’accès.

40      Ce n’est que par la suite que ces documents ont été produits dans le cadre d’une procédure juridictionnelle entamée devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles le 23 avril 2021 à propos de la livraison de vaccins au titre du contrat d’achat anticipé conclu avec AstraZeneca. Ladite procédure s’est terminée le 15 octobre suivant, date à laquelle la juridiction nationale a donné acte du désistement d’action, ayant pour effet de mettre définitivement fin à cette procédure.

41      Partant, à la date à laquelle la seconde décision attaquée a été adoptée, le 7 février 2022, la procédure juridictionnelle susceptible de justifier l’application de l’exception relative à la protection desdites procédures était close.

42      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’un document qui n’a pas été élaboré dans le contexte d’une procédure juridictionnelle spécifique est certes susceptible d’être protégé au titre de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 si, à la date à laquelle il est répondu à la demande d’accès, il a été produit dans le cadre d’une telle procédure juridictionnelle (arrêt du 29 octobre 2020, Intercept Pharma et Intercept Pharmaceuticals/EMA, C‑576/19 P, EU:C:2020:873, point 48).

43      Toutefois, d’une part, il résulte de la définition large de la notion de « document », telle qu’énoncée à l’article 3, sous a), du règlement no 1049/2001, ainsi que de la formulation et de l’existence même d’une exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, que le législateur de l’Union n’a pas voulu exclure l’activité contentieuse des institutions du droit d’accès des citoyens, mais qu’il a prévu, à cet égard, qu’elles refusent de divulguer les documents relatifs à une procédure juridictionnelle dans les cas où une telle divulgation porterait atteinte à la procédure à laquelle ils se rapportent (voir arrêt du 27 février 2015, Breyer/Commission, T‑188/12, EU:T:2015:124, point 43 et jurisprudence citée).

44      D’autre part, il ressort de la première phrase de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001 que, pour déterminer si un document tombe sous le coup d’une des exceptions au droit d’accès aux documents prévues aux paragraphes 1 à 3 de cet article, seul importe le contenu du document demandé (arrêt du 29 octobre 2020, Intercept Pharma et Intercept Pharmaceuticals/EMA, C‑576/19 P, EU:C:2020:873, point 36).

45      Il découle des points 43 et 44 ci-dessus que la circonstance selon laquelle un document a été produit dans le cadre d’une procédure juridictionnelle implique seulement qu’un tel document est susceptible d’être protégé au titre de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, ce qu’il importe de vérifier au regard du contenu de ce document, conformément à l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001.

46      En d’autres termes, pour évaluer si, ainsi que le fait valoir le requérant, l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles ne pouvait plus justifier le refus d’accès aux documents litigieux après la clôture de cette procédure, il convient d’examiner si, eu égard au contenu de ces documents, la Commission a démontré que la divulgation de ceux-ci porterait toujours atteinte à une telle procédure.

47      Or, en l’occurrence, la Commission reste en défaut d’expliquer de quelle manière l’accès aux documents en question pourrait, eu égard à leur contenu, continuer à porter concrètement et effectivement atteinte à une procédure juridictionnelle qui était close au moment de l’adoption de la décision refusant leur accès.

48      Dès lors, en l’absence d’une telle explication résultant d’un examen concret du contenu des documents litigieux, c’est à juste titre que le requérant fait en substance valoir que la divulgation d’un document produit dans le cadre de la procédure juridictionnelle en cause ne risque plus de porter atteinte à l’activité juridictionnelle de la juridiction nationale saisie dès lors que cette activité est, après la clôture de la procédure, terminée. De même, dans de telles circonstances, cette divulgation n’est, en principe, plus susceptible de compromettre la défense de l’auteur dudit document et, partant, de porter atteinte au principe d’égalité des armes, comme la Commission l’a reconnu lors de l’audience, durant laquelle elle s’est concentrée sur la nécessité de garantir le respect de l’intégrité de la procédure juridictionnelle. Or, sur ce dernier point, il y a également lieu de constater que, après la clôture de la procédure, les débats entre les parties ainsi que le délibéré de la juridiction concernée sur l’affaire en instance ont pu se dérouler en toute sérénité, sans pressions extérieures sur l’activité juridictionnelle.

49      Cette conclusion n’est pas infirmée par le point 132 de l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541), auquel la Commission a fait référence lors de l’audience. En effet, dans cette affaire, la Cour a jugé qu’une institution pouvait refuser l’accès à des mémoires rédigés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle clôturée lorsque, au terme d’un examen du contenu de ces mémoires, il s’avérait que ceux-ci comportaient des arguments utilisés au soutien de la position juridique défendue par cette institution dans une autre procédure juridictionnelle similaire encore pendante. Dans un tel cas, il ne saurait être exclu que la divulgation de ces mémoires porte atteinte à cette dernière procédure.

50      Or, en l’espèce, aucune autre procédure juridictionnelle n’était pendante, ni même imminente, au moment de l’adoption de la seconde décision attaquée.

51      Nonobstant ce constat, la Commission fait néanmoins valoir que, indépendamment du contenu des documents litigieux, elle était tenue de refuser l’accès à ceux-ci pour se conformer aux exigences découlant de l’article 871 bis du code judiciaire belge.

52      Cet article est notamment rédigé comme suit :

« Les parties […] qui ont eu, en raison de leur participation à une procédure judiciaire, ou de leur accès à des documents faisant partie d’une telle procédure judiciaire, connaissance d’un secret d’affaires ou d’un secret d’affaires allégué […] que le juge a, en réponse à la demande dûment motivée d’une partie intéressée ou d’office, qualifié de confidentiel, ne sont pas autorisé[e]s à utiliser ou divulguer ce secret d’affaires ou secret d’affaires allégué.

Cette obligation de confidentialité […] perdure après la fin de la procédure judiciaire. »

53      En d’autres termes, une partie à une procédure juridictionnelle n’est pas autorisée à divulguer un secret d’affaires ou un secret d’affaires allégué dont elle a pris connaissance en raison de sa participation à la procédure, même après la fin de celle-ci, lorsque le juge a décidé qu’un tel secret devait rester confidentiel.

54      La Commission ne saurait toutefois se prévaloir de cet article pour justifier l’application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 et, partant, le refus d’accès aux documents en cause.

55      En premier lieu, il convient de relever que l’article 871 bis du code judiciaire belge a pour objet de transposer l’article 9, paragraphe 1, de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir‑faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (JO 2016, L 157, p. 1).

56      Or, le considérant 11 de cette directive énonce que celle-ci ne devrait pas porter atteinte à l’application des règles de l’Union ou des règles nationales qui imposent la divulgation d’informations, y compris de secrets d’affaires, au public ou aux autorités publiques. Elle ne devrait pas non plus porter atteinte à l’application de règles qui permettent aux autorités publiques de recueillir des informations dans l’exercice de leurs fonctions, ou de règles qui permettent ou imposent toute divulgation ultérieure par ces autorités publiques d’informations pertinentes pour le public. Ces règles comprennent, en particulier, des règles relatives à la divulgation par les institutions et organes de l’Union ou par les autorités publiques nationales d’informations commerciales qu’ils détiennent, notamment, en vertu du règlement no 1049/2001.

57      Il en découle que la Commission ne saurait se prévaloir d’une disposition du droit national transposant cette directive pour faire échec aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement no 1049/2001.

58      En deuxième lieu, d’une part, il convient de rappeler, ainsi que cela ressort du point 39 ci-dessus et comme la Commission l’a confirmé lors de l’audience, que les documents litigieux ne sont pas des documents que la Commission détient en raison de sa participation à la procédure juridictionnelle au sens de l’article 871 bis  du code judiciaire belge étant donné qu’ils étaient déjà en sa possession avant le début de cette procédure.

59      D’autre part, il convient d’observer que, dans la seconde décision attaquée, la Commission s’est référée à une ordonnance du juge national par laquelle ce dernier aurait décidé que certains documents produits dans le cadre de cette procédure resteraient couverts par l’obligation de protéger leur confidentialité conformément à l’article 871 bis du code judiciaire belge.

60      Néanmoins, il ressort en substance des réponses de la Commission à une mesure d’organisation de la procédure que la juridiction nationale saisie n’a adopté aucune décision en application de cet article. En effet, ce sont les parties elles-mêmes qui ont conclu un accord au terme duquel certains documents produits au cours de cette procédure resteraient confidentiels en vertu dudit article, lequel accord avait d’ailleurs vocation à remplacer une décision du juge à cet égard.

61      À cet égard, il importe en particulier de constater que, dans le document par lequel elles ont informé le juge national de leur accord amiable, les parties ont, dans le dispositif de leurs conclusions, expressément demandé au tribunal de première instance francophone de Bruxelles de leur « [d]onner acte […] de ce que l’obligation de confidentialité telle que visée dans [leurs] courriers [...] demeure applicable après la fin de la procédure judiciaire, conformément à l’article 871 bis, [paragraphe] 1er, [troisième] alinéa, du [c]ode judiciaire ».

62      Or, dans son jugement du 15 octobre 2021, la juridiction nationale s’est limitée, d’une part, à donner « acte du désistement d’action des parties demanderesses » et, d’autre part, à donner « acte aux parties de leur accord quant au sort réservé aux dépens », sans prendre position sur le chef de conclusions par lequel les parties l’invitaient à « acter » que certains documents resteraient confidentiels après la clôture de la procédure.

63      Il ne ressort pas non plus de l’ordonnance de référé du 18 juin 2021 que le juge ait décidé que certains documents produits au cours de la procédure juridictionnelle devaient être qualifiés de confidentiels en vertu de l’article 871 bis du code judiciaire. En effet, cette ordonnance se borne à faire état du fait que, « [à] l’audience du 26 mai 2021, et sur interpellations, les parties ont confirmé que la mention confidentielle apposée sur certaines pièces et extraits de leurs conclusions ne faisait pas obstacle à ce que [soient repris] certains de leur passage dans [cette] ordonnance », sans faire mention de cet article ou de son contenu.

64      Dans ces conditions, il doit être considéré que la Commission ne saurait, par le biais d’un simple accord conclu avec une société tierce, restreindre le droit que tout citoyen de l’Union tire directement de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 d’accès aux documents détenus par cette institution. Dans le même sens, admettre qu’une institution puisse se prévaloir d’un tel accord pour refuser l’accès à des documents qu’elle détient reviendrait à l’autoriser à contourner l’obligation qui lui incombe d’y donner accès, sauf lorsque leur divulgation porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par l’article 4 du règlement no 1049/2001.

65      Il découle également de ce qui précède que, dans la mesure où les parties sont elles-mêmes convenues de qualifier certains documents de confidentiels, sans autre intervention de la juridiction nationale que celle visée aux points 61 à 63 ci-dessus, la Commission ne saurait se prévaloir de son obligation de coopération loyale avec les autorités judiciaires des États membres pour justifier le refus d’accès à ces documents.

66      En troisième lieu, il importe de noter que la finalité de l’article 871 bis  du code judiciaire belge, en ce qu’elle vise à protéger les secrets d’affaires, diffère de celle poursuivie par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, qui vise à assurer le respect du principe d’égalité des armes ainsi que celui de bonne administration de la justice et de l’intégrité de la procédure juridictionnelle. Ainsi, le seul fait que les documents litigieux comportent des secrets d’affaires ou des secrets d’affaires allégués ne permet pas, en tout état de cause, d’expliquer de quelle manière l’accès à ces documents pourrait concrètement et effectivement continuer à porter atteinte à la procédure juridictionnelle qui était close au moment de l’adoption de la seconde décision attaquée.

67      Partant, sans qu’il soit exclu qu’un document comportant un secret d’affaires puisse relever de l’une ou l’autre exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, telle que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, ce qu’il appartient à l’institution concernée de vérifier au regard du contenu du document en question, le simple fait qu’un tel secret d’affaires ait été révélé dans le cadre d’une procédure juridictionnelle désormais clôturée et ait été qualifié par les parties à l’instance de confidentiels, au sens de l’article 871 bis  du code judiciaire belge, ne suffit pas à justifier l’application aux documents en cause de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

68      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’inapplicabilité de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001

69      Le requérant soutient que l’intérêt du public à la publication des données à caractère personnel figurant dans les documents demandés l’emporterait sur le droit des personnes identifiées ou identifiables à la protection de leurs données à caractère personnel figurant dans les documents concernés. Il se prévaut à cet égard de sa qualité de journaliste et de la fonction qu’il remplit à ce titre à l’égard du public et de l’information de celui-ci. Il relève que la question concernant la livraison de vaccins a fait l’objet de débats dans les médias de toute l’Europe et que l’accès aux données à caractère personnel en cause lui permettrait de poursuivre ses investigations concernant le comportement de la Commission lors de l’achat des vaccins.

70      La Commission conteste cette argumentation.

71      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

72      Selon la jurisprudence, il en résulte que, lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), les dispositions de ce règlement deviennent intégralement applicables (voir arrêt du 6 avril 2022, Saure/Commission, T‑506/21, non publié, EU:T:2022:225, point 21 et jurisprudence citée).

73      Ainsi, des données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’une transmission à des tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 que lorsque cette transmission, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement 2018/1725 et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir arrêt du 6 avril 2022, Saure/Commission, T‑506/21, non publié, EU:T:2022:225, point 22 et jurisprudence citée).

74      Plus particulièrement, il ressort de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 que la transmission de données à caractère personnel est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

75      Il incombe d’abord au demandeur d’accès de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public. Pour remplir cette condition, il y a lieu de démontrer que la transmission des données à caractère personnel est la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur et qu’elle est proportionnée à cet objectif, ce qui oblige le demandeur à présenter des justifications expresses et légitimes [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 42 et jurisprudence citée].

76      Ce n’est que si le demandeur a démontré la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public qu’il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée et, en pareil cas, de mettre en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’établir la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, il ressort de la seconde décision attaquée que la Commission a occulté, dans certains documents rendus publics, à savoir les documents nos 1.1, 4, 11 et 12, des données à caractère personnel telles que notamment les noms, les coordonnées et les signatures de représentants d’AstraZeneca et de membres du personnel de la Commission n’exerçant pas de fonctions d’encadrement supérieur.

78      Lors de l’audience, le requérant a indiqué que, selon lui, la date accompagnant la signature figurant à la page 34 du document no 12 ne serait pas une donnée à caractère personnel au sens du règlement 2018/1725. Dès lors, ce serait à tort que la Commission aurait occulté cette information sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001. Sur ce point, la Commission a indiqué que, selon la jurisprudence, une date manuscrite était une donnée à caractère personnel au sens du règlement 2018/1725.

79      À cet égard, le Tribunal a pu constater, à la suite de la production de la version intégrale des documents auxquels la Commission a refusé l’accès, que la date en cause avait bien été rédigée à la main par son auteure.

80      Or, s’agissant d’informations sur l’écriture de cette personne, il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une donnée qui la concerne et, dès lors, qu’elle relève de la notion de « donnée à caractère personnel » au sens du règlement 2018/1725 (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Nowak, C‑434/16, EU:C:2017:994, points 34 et 37). Au demeurant, en réponse aux doutes exprimés par le requérant lors de l’audience quant à la date à laquelle ce document avait été signé, la Commission a précisé que celui-ci avait été signé le 27 août 2020.

81      L’argument du requérant soulevé pour la première fois lors de l’audience doit donc être écarté.

82      Pour le reste, le requérant ne conteste pas que les informations dont il sollicite la divulgation sont des données à caractère personnel. Partant, il appartient au Tribunal de vérifier si, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, il s’est acquitté de l’obligation de démontrer la nécessité de la transmission de ces données dans un but spécifique d’intérêt public.

83      Sur ce point, le requérant met particulièrement en avant son rôle en tant que journaliste dans une société démocratique, en insistant sur la nécessité d’informer le public concernant les questions relatives à la livraison de vaccins qui ont fait l’objet de débats dans les médias et, en définitive, de lutter contre la désinformation.

84      Ce faisant, le requérant a, certes, spécifié le but qu’il poursuivait. Toutefois, ces considérations, relatives au but poursuivi, ne suffisent pas à démontrer que la transmission de ces données est nécessaire au sens de la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, en ce qu’elles ne permettent pas, à elles seules, d’établir que ladite transmission constituerait la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour que le but spécifique d’intérêt public invoqué soit satisfait. Lors de l’audience, le requérant a certes indiqué que, dans la mesure où les noms et les coordonnées de membres du personnel de la Commission étaient occultés, il lui aurait été impossible de vérifier si ces données correspondaient effectivement à des membres du personnel de la Commission n’exerçant pas de fonctions d’encadrement supérieur. Cependant, le requérant étant en possession des documents qu’il avait demandés, il lui appartenait de relever l’existence d’indices permettant de douter raisonnablement que les occultations effectuées par la Commission concernaient des membres de son personnel n’exerçant pas de fonctions d’encadrement supérieur (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 76). Or, force est de constater que le requérant n’a pas identifié de tels indices.

85      Par ailleurs, d’une part, le requérant n’a pas exposé de manière spécifique en quoi la divulgation des données à caractère personnel dans les documents auxquels il a eu accès serait nécessaire pour lutter contre la diffusion de fausses informations au sujet des vaccins contre la COVID‑19. D’autre part, il n’a pas non plus démontré qu’il existerait un intérêt du public à connaître, spécifiquement, les données à caractère personnel occultées, en particulier les noms et les coordonnées de représentants d’AstraZeneca et de membres du personnel de la Commission n’exerçant pas de fonctions d’encadrement supérieur. À cet égard, à la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA (C‑615/13 P, EU:C:2015:489), l’argumentation du requérant ne repose sur aucun élément concret de nature à établir la nécessité de la divulgation des données à caractère personnel en cause.

86      Il en résulte que l’argumentation du requérant, tirée de la nécessité d’informer le public en sa qualité de journaliste au sujet, notamment, des quantités et des délais de livraison des vaccins par AstraZeneca, n’est pas de nature à établir la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause.

87      Les conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 étant cumulatives et la première condition relative à la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public n’étant pas remplie, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 s’oppose à la divulgation des données à caractère personnel occultées dans les documents auxquels le requérant a eu accès, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725.

88      Le deuxième moyen doit, par conséquent, être écarté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’inapplicabilité de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001

89      Le requérant soutient que la notion d’« intérêt commercial » visée par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 devrait être interprétée à la lumière de l’article 2 de la directive 2016/943, qui définit la notion de « secrets d’affaires ». Selon lui, les informations visées par sa demande d’accès ne relèveraient pas de cette définition. Plus généralement, les informations occultées des documents demandés n’auraient plus de valeur commerciale étant donné que le contrat en cause aurait désormais été conclu.

90      La Commission conteste cette argumentation.

91      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

92      À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement no 1049/2001 ne définit pas la notion d’intérêts commerciaux, sauf en ce qu’il précise que ces intérêts peuvent couvrir la propriété intellectuelle d’une personne physique ou morale déterminée. De plus, il ressort de l’article 4, paragraphe 7, de ce règlement que l’exception afférente auxdits intérêts commerciaux est particulière en ce qu’elle peut s’appliquer pour une période supérieure à 30 ans.

93      Dans ce cadre, il y a lieu de noter que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 81 et jurisprudence citée). Toutefois, cette protection peut couvrir des informations commerciales sensibles, telles que des informations relatives aux stratégies commerciales d’entreprises, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, points 54 à 56, et du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 83).

94      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de la présomption générale de confidentialité s’attachant au document no 1, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il était en principe loisible à une institution de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. Il lui incombe toutefois de vérifier dans chaque cas si les considérations d’ordre général normalement applicables à un type de documents déterminé sont effectivement applicables à un type de document donné dont la divulgation est demandée (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50). Néanmoins, cette présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant sa divulgation en vertu de la disposition en cause du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62, et du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 126).

95      En outre, le juge de l’Union a déjà considéré que les offres déposées par les soumissionnaires dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres étaient susceptibles de bénéficier d’une telle présomption générale selon laquelle elles entraient dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, en raison notamment des éléments économiques et techniques confidentiels qu’elles contenaient, relatifs, par exemple, à des informations sur les compétences et les méthodes de travail du soumissionnaire donné, sur son savoir-faire, sur son organisation interne, sur ses coûts et sur les prix proposés. Dans un tel cas, cette présomption s’applique, en principe, de manière égale à l’égard de toute personne physique ou morale, qu’elle soit un soumissionnaire retenu, un soumissionnaire écarté ou un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, ViaSat/Commission, T‑734/17, non publié, EU:T:2020:123, points 42, 52 et 53 et jurisprudence citée).

96      En l’occurrence, il ressort de la seconde décision attaquée que AstraZeneca a déposé l’offre et ses annexes dans le cadre d’une procédure négociée avec la Commission, cette dernière agissant comme centrale d’achat dans le cadre de la stratégie de l’Union en matière de vaccins contre la COVID-19. S’il est vrai que la Commission a mené des procédures négociées distinctes avec plusieurs producteurs de tels vaccins, dans les circonstances particulières de l’espèce, ces procédures peuvent, compte tenu de leur proximité dans le temps et de la stratégie globale relative à la livraison de tels vaccins, être apparentées à une procédure d’appel d’offres.

97      La Commission a également indiqué, dans la seconde décision attaquée, que l’offre d’AstraZeneca et ses annexes contenaient, en particulier, des informations relatives aux méthodes et au savoir-faire de cette entreprise, des prix spécifiques, des détails sur les budgets et les calendriers impliqués ainsi que des éléments de stratégie commerciale.

98      Dans ces circonstances, c’est à bon droit, contrairement à ce que soutient le requérant, que la Commission a considéré que le document no 1 était couvert par une présomption générale de confidentialité selon laquelle sa divulgation porterait en principe atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’AstraZeneca.

99      En second lieu, s’agissant des informations occultées dans les documents nos 6.1 à 6.6 et 12, il ressort de la seconde décision attaquée que ces informations concernent les intérêts commerciaux d’AstraZeneca dont la divulgation au public risquerait d’affecter la position concurrentielle de ce producteur de vaccins. En effet, ces informations constitueraient, notamment, des secrets d’affaires, des informations sensibles liées aux produits et aux méthodes de cette entreprise, notamment quant à la technologie vaccinale utilisée, des informations détaillées sur les prix, des informations relatives à la production, aux sites de production, aux calendriers de livraison et au transport de doses de vaccin.

100    Concernant plus particulièrement les informations occultées du contrat d’achat anticipé (document no 12), la Commission a précisé qu’elles contenaient des informations commerciales sensibles sur les prix et la méthode de calcul des coûts (les coûts totaux estimés, le prix individuel par personne vaccinée, la méthodologie utilisée pour le taux de change) ainsi que sur les dispositions applicables en matière de responsabilité et d’indemnisation et, enfin, des informations sur les droits de propriété intellectuelle. Ces informations seraient d’autant plus sensibles compte tenu du contexte très concurrentiel dans lequel interviennent les laboratoires pharmaceutiques, en particulier dans le contexte lié à la pandémie de COVID-19, en ce que ces laboratoires se concurrencent au niveau mondial en vue de fournir des vaccins contre ce virus également à des acquéreurs situés hors de l’Union.

101    Or, le requérant ne conteste pas ce contexte, ni la nature et la teneur des informations occultées en cause, mais fait valoir, en substance, que ces informations ne seraient pas des informations commerciales sensibles couvertes par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 étant donné qu’elles ne relèveraient pas de la notion de « secret d’affaires » au sens de l’article 2 de la directive 2016/943.

102    À cet égard, d’une part, il suffit de constater qu’il découle de ce qui précède que le requérant réduit à tort la notion d’intérêts commerciaux à la seule notion de secrets d’affaires au sens de la directive 2016/943. D’autre part, s’agissant des conditions cumulatives énoncées à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, il convient de constater que, à l’aune des éléments exposés dans la seconde décision attaquée et rappelés aux points 96, 97 et 99 ci-dessus, les informations occultées au titre de l’exception afférente à la protection des intérêts commerciaux constituent bien des informations qui ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent du genre d’informations en question, au sens de cette disposition. De plus, il ne ressort pas du dossier que ces informations n’ont pas fait l’objet de dispositions raisonnables destinées à les garder secrètes, de sorte que rien n’indique que lesdites informations seraient accessibles à des personnes autres que celles qui en ont le contrôle de façon licite.

103    Partant, il y a lieu d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé.

104    Dès lors que le premier moyen doit être accueilli et que la Commission n’a invoqué aucune autre exception dans la seconde décision attaquée pour justifier le refus d’accès aux documents nos 1.2, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 9.1 à 9.5 et 10, ainsi qu’à une partie du document no 11, il y a lieu d’annuler ladite décision en ce qu’elle refuse au requérant l’accès à ces documents.

105    Plus particulièrement, en ce qui concerne le document no 1.2, constitué d’une annexe à l’offre soumise par AstraZeneca (document no 1), il convient de relever que, ainsi que cela ressort du point 97 ci-dessus, la Commission a certes indiqué dans la seconde décision attaquée que l’offre et ses annexes étaient couvertes par une présomption générale de confidentialité selon laquelle leur divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’AstraZeneca. Toutefois, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a précisé qu’elle n’entendait pas se prévaloir de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux s’agissant du document no 1.2, lequel était exclusivement couvert par l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles.

106    En revanche, en ce qu’il est dirigé contre la seconde décision attaquée en tant qu’elle porte refus d’accès aux documents nos 1, 1.1, 4, 6.1 à 6.6 et 12 ainsi qu’aux données du document n° 11 qui sont couvertes par l’exception relative à la vie privée et à l’intégrité de l’individu, le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le requérant, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision C(2021) 5327 final de la Commission, du 13 juillet 2021, rejetant la demande confirmative d’accès à certains documents.

2)      La décision C(2022) 870 final de la Commission, du 7 février 2022, est annulée en ce qu’elle a refusé l’accès à M. Hans-Wilhelm Saure aux documents suivants :

–        une annexe à l’offre soumise par AstraZeneca (document n° 1.2) ;

–        un document du 12 juin 2020 échangé entre AstraZeneca et les gouvernements de plusieurs États membres en vue de la négociation et de la conclusion d’un contrat de financement (document n° 2) ;

–        un projet de contrat de financement envoyé par AstraZeneca le 24 juin 2020 aux gouvernements de plusieurs États membres (document n° 3) ;

–        un document du 20 novembre 2020 concernant le versement du deuxième paiement échelonné prévu par le contrat d’achat anticipé conclu avec AstraZeneca (document n° 5) ;

–        les présentations utilisées par AstraZeneca lors des réunions du comité de pilotage du 4 décembre 2020, du 22 janvier, des 1er, 11, 19 et 23 février ainsi que du 11 mars 2021 (document n° 6) ;

–        une présentation utilisée par AstraZeneca lors d’une réunion du 7 décembre 2020 (document n° 7) ;

–        une présentation utilisée par AstraZeneca lors d’une réunion du 19 janvier 2021 (document n° 8) ;

–        un document concernant les dates de livraison des vaccins (document n° 9) accompagné de cinq annexes (documents n°s 9.1 à 9.5) ;

–        une présentation utilisée par Astra Zeneca lors d’une réunion du comité de pilotage du 25 janvier 2021 (document n° 10) ;

–        une partie des courriels échangés entre la Commission et AstraZeneca le 27 juillet 2020 (document n° 11).

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.